N° 69

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 novembre 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour la planification (1) sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme (2004-2008),

Par M. Joël BOURDIN,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Joël Bourdin, président ; Mme Évelyne Didier, MM. Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Jean-Pierre Plancade, vice-présidents ; MM. Pierre André, Yvon Collin, secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Joseph Kerguéris, Michel Pelchat, Daniel Percheron, Roger Rinchet, Gérard Roujas, Bruno Sido .

Prévisions et projections économiques .

SOMMAIRE

Pages

PRÉSENTATION : À PROPOS DE LA PROJECTION MACROÉCONOMIQUE EXPOSÉE DANS LE PRÉSENT RAPPORT 6

CHAPITRE 1 : 2003, POINT BAS AVANT UN RETOURNEMENT CYCLIQUE ? 8

I. RETOUR SUR LES PRÉVISIONS DE COURT TERME : UNE REPRISE ATTENDUE EN 2004 8

A. LA FRANCE A FRÔLÉ LA RÉCESSION EN 2003 9

B. UNE REPRISE EN 2004 ? 11

1. Une amélioration de l'environnement international est attendue 12

2. Cette embellie favoriserait la reprise en France 13

a) Orientation de la politique budgétaire française 14

b) Évolution de la demande privée 15

c) Evolution de l'emploi 16

d) Evolution de l'inflation 16

3. La reprise espérée en 2004 doit beaucoup à des politiques économiques franchement expansionnistes, notamment aux Etats-Unis 16

II. L'ÉCONOMIE AMÉRICAINE TIRE L'ÉCONOMIE MONDIALE AU PRIX D'IMPORTANTS DÉSÉQUILIBRES 19

A. LA DÉPENDANCE DE L'EUROPE REFLÈTE DES ÉCARTS DE CROISSANCE POTENTIELLE 19

1. Une Europe dépendante 20

a) Les années 90 ont vu le creusement de l'écart de croissance entre l'Europe et les Etats-Unis 20

b) L'espoir d'un renversement de tendance à compter de l'année 2000 a été rapidement démenti 21

c) Un écart de croissance potentielle au détriment de la zone euro 22

d) Une Europe dépendante : les canaux de transmission de la conjoncture américaine en Europe 23

2. Une politique économique européenne contrainte 28

a) La croissance européenne a été faible en dépit d'une augmentation de l'endettement public 28

b) Une Europe suspendue aux décisions américaines de politique économique 29

B. UNE CROISSANCE ACQUISE AU PRIX D'IMPORTANTS DÉSÉQUILIBRES 30

1. Le déficit des comptes courants américains s'aggrave 30

2. Persistance d'importants déséquilibres d'épargne 31

CHAPITRE II : LES SCÉNARIOS À MOYEN TERME 2004-2008 DE LA DÉLÉGATION 36

I. UN SCÉNARIO DE CROISSANCE À 2 % TIRÉE PAR LA DEMANDE PRIVÉE 37

A. UNE CONSOMMATION RELATIVEMENT DYNAMIQUE 37

a) La consommation serait mieux orientée 37

b) La consommation est soutenue par une progression modérée du revenu des ménages 38

c) ... ainsi que par une baisse significative du taux d'épargne des ménages 39

B. UNE FRANCHE REPRISE DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF À PARTIR DE 2005 40

C. UNE IMPULSION BUDGÉTAIRE NETTEMENT RESTRICTIVE 42

D. UN RYTHME DE CROISSANCE INSUFFISANT POUR RÉSORBER LE CHÔMAGE 46

E. UN SCÉNARIO DE CROISSANCE NON INFLATIONNISTE 49

II. UN SCÉNARIO DE CROISSANCE À 2,7 % CONDITIONNÉ À UNE IMPORTANTE BAISSE DE L'ÉPARGNE DES AGENTS 50

A. UN SCÉNARIO QUI SUPPOSE UNE PROGRESSION VIGOUREUSE DE LA DEMANDE INTÉRIEURE COMME DE LA DEMANDE EXTÉRIEURE ADRESSÉE À LA FRANCE 50

1. La réalisation de ce scénario suppose un fort dynamisme de nos partenaires commerciaux 50

2. Une croissance du PIB de 2,7 % par an suppose une progression particulièrement dynamique de la consommation et, surtout, de l'investissement productif 51

3. L'inflation serait à peine plus élevée que dans le compte central 53

B. LA RÉALISATION DE CE SCÉNARIO EST CONDITIONNÉE À UN IMPORTANT MOUVEMENT DE DÉSÉPARGNE DE LA PART DES AGENTS 54

1. La vigueur de la consommation serait alimentée par une chute du taux d'épargne des ménages 55

2. Le dynamisme de l'investissement aurait pour contrepartie un endettement accru des entreprises 57

CHAPITRE III : LES TENDANCES DES FINANCES PUBLIQUES 60

I. LE RETOUR À L'EQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES NE SERAIT PAS ATTEINT À L'HORIZON 2008 61

A. EN DEPIT D'UN IMPORTANT EFFORT STRUCTUREL... 61

1. Un effort structurel de l'ordre d'un demi point de PIB chaque année entre 2004 et 2008 61

2. L'effort porte sur les dépenses et non sur les recettes publiques 64

a) Un objectif ambitieux de maîtrise des dépenses publiques 64

b) Une légère décrue des prélèvements obligatoires 65

B. L'ÉQUILIBRE N'EST PAS ATTEINT EN 2008 66

1. La réduction du déficit public diffère selon le scénario envisagé 66

a) Dans le scénario de croissance lente, l'assainissement structurel est compensé par un creusement du déficit conjoncturel 67

b) Dans le scénario de croissance dynamique, les deux composantes du déficit se replient et l'équilibre des finances publiques se profile à l'horizon de la projection 68

c) Des résultats qui diffèrent en raison du rythme de la croissance 68

2. La récente réforme des retraites, positive pour les finances publiques à long terme, aurait, à moyen terme, un effet légèrement négatif 69

a) Principales mesures ayant un impact sur les finances publiques à l'horizon 2008 70

(1) Modifications du niveau des pensions 70

(a) Le régime général 70

(b) Les régimes de la fonction publique 71

(2) Modifications des comportements de départ en retraite 72

(a) Vers une augmentation du nombre de retraités à l'horizon de la projection 72

(b) Des résultats financiers sensibles à l'évolution de l'emploi 73

(3) Autres mesures 74

b) Evaluation d'ensemble 74

C. DES HYPOTHESES DE CROISSANCE MOINS FAVORABLES EXPLIQUENT L'ECART AVEC LES PROJECTIONS DU GOUVERNEMENT 76

1. Les hypothèses de travail retenues par le Gouvernement... 76

2. ... favorisent des trajectoires de réduction du déficit budgétaire plus favorables 77

3. Conclusions 79

II. DES MARGES DE MANoeUVRE REDUITES POUR DES BAISSES D'IMPÔT OU POUR DES DEPENSES PUBLIQUES SUPPLEMENTAIRES 80

A. LA POURSUITE DE LA PROGRESSION DES DEPENSES A LEUR RYTHME TENDANCIEL NE PERMETTRAIT PAS DE REVENIR SOUS LA BARRE DES 3 % DE DEFICITS PUBLICS D'ICI 2008 80

B. UNE FORTE BAISSE DE L'IMPOT SUR LE REVENU EXERCERAIT UN EFFET DE RELANCE SUR L'ECONOMIE MAIS DEGRADERAIT LES COMPTES PUBLICS 82

1. Hypothèses de départ 82

2. Un effet de relance sur l'activité 82

3. Un effet négatif sur le solde public 84

C. UNE LÉGÈRE POUSSÉE INFLATIONNISTE OFFRIRAIT, SOUS CERTAINES CONDITIONS, DES MARGES DE MANoeUVRE SUPPLÉMENTAIRES EN MATIÈRE DE FINANCES PUBLIQUES 86

1. Une hausse de l'inflation dans un pays isolé a un effet positif sur les finances publiques de l'Etat concerné 86

a) Hypothèses retenues dans le scénario 86

b) Effets sur le ratio dette publique/PIB 87

c) L'effet net est toutefois favorable 88

2. Une hausse simultanée de l'inflation dans tous les pays de la zone euro aurait des effets beaucoup moins favorables sur les finances publiques 90

a) Une hypothèse de changement de la cible d'inflation dans la zone euro 90

b) Dans ce second scénario, l'augmentation des charges d'intérêt annule le bénéfice retiré d'une progression plus rapide du PIB nominal 90

CHAPITRE IV : ÉLEVER LE TAUX D'EMPLOI DES « SENIORS » UNE RÉPONSE AU VIEILLISSEMENT DÉMOGRAPHIQUE 92

I. LA FRANCE SE CARACTÉRISE PAR UN FAIBLE TAUX D'EMPLOI DES SENIORS 93

A. LA FRANCE EST MAL PLACÉE DANS LES COMPARAISONS INTERNATIONALES 93

1. Le taux d'emploi en France est faible 93

2. Le niveau du taux d'emploi des seniors est particulièrement bas 94

B. LES TRAVAILLEURS ÂGÉS PEU QUALIFIÉS SONT CEUX QUI QUITTENT L'EMPLOI LE PLUS TÔT 95

II. LE FAIBLE TAUX D'EMPLOI DES SENIORS S'EXPLIQUE PRINCIPALEMENT PAR UN ÂGE PRÉCOCE DE CESSATION D'ACTIVITÉ 97

A. LES SENIORS SONT PEU TOUCHÉS PAR LE CHÔMAGE, MAIS MASSIVEMENT PAR L'INACTIVITÉ 98

B. PLUSIEURS DISPOSITIFS PUBLICS ONT EU UN EFFET INCITATIF À UNE CESSATION PRÉCOCE D'ACTIVITÉ 101

1. Une réaction individuelle face au chômage de longue durée 102

2. L'impact des dispositifs institutionnels sur le taux d'activité des seniors apparaît déterminant 102

a) Avant la réforme de 2003, les régimes de retraite n'incitaient pas à la poursuite d'activité au-delà de 60 ans 102

b) L'effet des dispositifs de cessation anticipée d'activité sur le taux d'emploi des seniors de 55 à 59 ans a été très important 103

(1) Les principaux dispositifs de préretraite semblent stabilisés 103

(2) Le dispositif de dispense de recherche d'emploi apparaît très désincitatif 104

3. Les entreprises sont incitées à se séparer de leurs salariés âgés et peu qualifiés pour des raisons liées au coût du travail 106

III. LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX LIÉS AU TAUX D'EMPLOI DES SENIORS PLAIDENT EN FAVEUR DE LA DÉFINITION D'OBJECTIFS AMBITIEUX 108

A. UN ENJEU POUR LA CROISSANCE À LONG TERME DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE 108

1. A tendance inchangée, un déclin de la croissance potentielle est prévisible 108

2. Une hausse du taux d'emploi des seniors contribuerait à corriger cette tendance 111

B. UNE CONDITION DU SUCCÈS DE LA RÉFORME DES RETRAITES 111

IV. LES POLITIQUES PUBLIQUES SONT RÉORIENTÉES EN FAVEUR D'UNE PLUS FORTE INCITATION À L'EMPLOI DES SENIORS 113

A. L'ACQUIS DE LA RÉFORME DES RETRAITES EST TRÈS SIGNIFICATIF 113

1. L'accès aux préretraites est restreint 113

2. La réforme du mécanisme de décote-surcote crée une incitation à la poursuite de l'activité 114

3. La « contribution Delalande » a également été réformée 114

B. LES OUTILS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI DOIVENT AUSSI ÊTRE MOBILISÉS 115

1. Réorienter les contrats aidés vers le secteur privé 115

2. Alléger le coût du travail pour les salariés anciens dans l'entreprise 117

3. Ouvrir un plus large accès des seniors à la formation tout au long de la vie 118

4. Améliorer les conditions de travail et mieux veiller à la santé des salariés au travail 121

EXAMEN EN DÉLÉGATION 124

ANNEXES : ETUDES RÉALISÉES PAR L'OFCE 132

ANNEXE N° 1 : PERSPECTIVES DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE À L'HORIZON 2008 136

ANNEXE N° 2 : L'IMPACT DE LA RÉFORME DES RETRAITES D'ICI 2008 158

ANNEXE N° 3 : VARIANTE DEMANDE PUBLIQUE TENDANCIELLE 170

ANNEXE N° 4 : VARIANTE DE BAISSE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU 174

ANNEXE N° 5 : DETTE ET INFLATION 178

PRÉSENTATION

À PROPOS DE LA PROJECTION MACROÉCONOMIQUE EXPOSÉE DANS LE PRÉSENT RAPPORT

Considérant qu'une assemblée parlementaire ne saurait se priver des moyens modernes d'analyse et de prévision -par ailleurs largement utilisés par le Gouvernement- le Sénat a souhaité, dès le début des années 1980, compléter son information par l'utilisation de modèles macroéconomiques.

Pour ce faire, il a confié à son Service des Etudes économiques et de la Prospective la tâche de commander des projections, réalisées à partir de modèles, à des organismes publics - Direction de la Prévision et Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) - dans un premier temps ; puis, prenant acte des difficultés croissantes de collaboration avec ceux-ci, à des instituts « indépendants » tels que le Centre d'Observation Economique (COE) de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, ou l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Le choix de passer commande à un organisme extérieur, de préférence à l'utilisation et l'exploitation directes d'un modèle par le Sénat, obéit à la fois à des considérations de bonne gestion des deniers publics et au souci de garantir l' indépendance scientifique de ces travaux.

Depuis qu'elle a été créée par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, il est revenu à la Délégation pour la Planification, eu égard à sa vocation prospective, de présenter la synthèse de ces travaux de projection et de simulation et de les soumettre chaque année au Sénat, au moment de la discussion budgétaire. Cela fait donc vingt ans cette année qu'elle remplit cette mission.

Il convient de souligner que, ce faisant, le Sénat a contribué de manière remarquée à l'animation du débat public en macroéconomie.

Certes, l'utilisation de modèles macroéconomiques ne fournit qu'un éclairage parcellaire des discussions de politique économique auxquelles donne lieu le vote d'une loi de finances. De même, l'instabilité croissante des comportements économiques, accentuée par la globalisation financière, altère profondément la probabilité de réalisation des scénarios décrits par des projections macroéconomiques.

Ainsi la Délégation pour la Planification ne prétend-elle pas, en présentant ces travaux, fournir une prévision et, encore moins, une évolution probable de l'économie française.

Une projection ne constitue souvent qu'une prolongation du passé et, de ce fait, qu'une extrapolation des tendances en cours.

Mais c'est précisément dans l'analyse de ces tendances que réside l'intérêt d'une projection, car elle permet ainsi de mettre en lumière les questions et les choix de politique économique. Par exemple, deux questions fondamentales se posent, aujourd'hui, à l'économie française : le redressement de la demande interne est-il solide et traduit-il une réelle inflexion de la tendance à l'oeuvre depuis deux ans, marquée par l'atonie de la demande interne ? Les conditions de l' offre permettent-elles de répondre sans tensions à un redressement durable de la demande ? Ces questions sont notamment évoquées dans le deuxième chapitre et l' annexe , qui présentent les perspectives macroéconomiques à moyen terme pour l'économie française.

Par ailleurs, une projection décrit un scénario dont la cohérence globale est garantie. Par exemple, l'évolution de l'emploi et du chômage affichée en projection, ou encore celle des comptes publics, est cohérente avec le rythme de la croissance. Cela permet ainsi d'apporter des éléments de réponse à des questions qui sont fréquemment posées aujourd'hui : l'accélération en cours de l'activité, si elle est durable, garantit-elle le retour au « plein-emploi » ? Ou encore, permet-elle de relâcher les contraintes budgétaires et de dégager des « marges de manoeuvre budgétaires » ? (cf. chapitre III ).

Enfin, l'utilisation des modèles en « variante » permet d'apprécier les effets de scénarios alternatifs et de mesurer l'impact de chocs économiques.

En permettant ainsi la diffusion de travaux, dont le degré de technicité ne favorise pas l'utilisation, votre Délégation souhaite contribuer à la compréhension des mécanismes économiques et mettre en lumière les enjeux de politique économique pour le moyen terme.

Votre rapporteur tient ici à remercier les équipes de l'OFCE pour la qualité de leurs travaux et leur apport au débat public sur les questions économiques dans lequel le Parlement, c'est un impératif pour la démocratie, doit jouer tout son rôle .

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