b) Evaluation d'ensemble

L'impact financier des différentes mesures ayant été détaillé, il est possible d'établir un bilan général de la réforme des retraites sur les finances publiques sur la période de projection, toujours en distinguant entre deux scénarios (maintien de la production, ou baisse de la production).

Bilan financier pour les finances publiques (en millions d'euros)

Mesure

 
 

2004

2005

2006

2007

2008

Bilan hors décalage du départ à la retraite

A

-285

315

805

445

95

• Régime général

 
 
 
 
 
 

Minimum contributif

Prestations vieillesse

1

-25

-50

-150

-225

-300

Retraite des polypensionnés

Prestations vieillesse

2

-40

-80

-120

-160

-200

Surcote

Prestations vieillesse

3

-20

-70

-160

-225

-290

Financement

Cot. soc. salariés

4

 
 

900

900

900

• Fonction publique

 
 
 
 
 
 

Régime spécifique assis sur les primes

Cot. soc. salariés

5

 

900

900

900

900

Surcote

Prestations vieillesse

6

-10

-20

-30

-40

-50

Décote

Prestations vieillesse

7

 

15

35

55

85

Aide fiscale aux fonds de capitalisation

Prélèvements obligatoires

8

-190

-380

-570

-760

-950

Bilan du décalage du départ à la retraite

 
 
 
 
 
 

- Avec maintien de la production

B

-500

-1010

-1150

-1270

-1400

 

Salaires

9

-225

-450

-450

-450

-450

 

Prestations vieillesse

10

-80

-170

-290

-390

-500

 

Prestations chômage

11

30

60

100

140

180

 

Cotisations sociales

12

-225

-450

-510

-570

-630

- Avec baisse de la production

C

-800

-1610

-1860

-2060

-2300

 

Salaires

13

-450

-900

-900

-900

-900

 

Prestations vieillesse

14

-80

-170

-290

-390

-500

 

Cotisations sociales

15

-270

-540

-670

-770

-900

Total

Finances publiques

 
 
 
 
 
 

- Avec maintien de la production (A+B)

 
 

-785

-695

-345

-825

-1305

- Avec changement de la production (A+C)

 
 

-1085

-1295

-1055

-1615

-2205

Source : calculs OFCE

Il apparaît que l'impact financier de la réforme est négatif pour les finances publiques à l'horizon 2008, essentiellement en raison de la possibilité offerte aux salariés ayant droit à une pension à taux plein de partir en retraite avant l'âge de 60 ans. Le surcoût augmenterait progressivement entre 2004 et 2008, pour s'établir, en fin de période, à 1,3 milliard d'euros dans le scénario le plus favorable, et à 2,2 milliards d'euros dans le scénario plus défavorable.

Il ne faut donc pas attendre de la réforme des retraites qu'elle offre de nouvelles marges de manoeuvre financières à court terme. L'effort demandé aux Français par cette réforme ne se fera sentir que de manière graduelle, alors que les mesures à caractère social décidées par le Gouvernement prennent effet immédiatement.

C. DES HYPOTHESES DE CROISSANCE MOINS FAVORABLES EXPLIQUENT L'ECART AVEC LES PROJECTIONS DU GOUVERNEMENT
1. Les hypothèses de travail retenues par le Gouvernement...
Comme il a été indiqué, l'OFCE, à la demande de notre Délégation, a retenu, pour réaliser ses projections, les hypothèses de dépenses et de recettes publiques contenues dans le programme pluriannuel de finances publiques du Gouvernement. Il n'y a donc pas de différence, sur ce point, entre les projections gouvernementales et celles présentées dans le présent rapport.

Deux points, en revanche, divergent :

- les perspectives de croissance envisagées par le Gouvernement sont plus optimistes que celles retracées dans les scénarios de la Délégation ; le Gouvernement a modélisé deux scénarios de croissance : dans le premier, la croissance s'établit à 2,5 % par an sur la période 2005-2007 ; dans le second, la croissance du PIB est de 3 % sur la même période.

- l' hypothèse retenue en matière de déficit budgétaire pour l'année de base de la projection -2004- est différente : le Gouvernement table sur un déficit de 3,6 % du PIB l'année prochaine (pour une croissance de 1,7 point de PIB), tandis que la Délégation a retenu, à croissance égale, une hypothèse de déficit de 3,9 points de PIB.

Les prévisions à court terme pour l'économie française ont déjà fait l'objet d'une discussion dans le premier chapitre de ce rapport. Concernant les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement à l'horizon 2007, il convient de souligner qu'elles impliqueraient un rebond très marqué de l'activité, après quatre années de croissance inférieure au potentiel. Dans le premier scénario, le retard de croissance se résorbe partiellement ; il représente 2,9 points de PIB en 2004 et encore 2,2 points de PIB en 2007 (pour une croissance potentielle de 2,25 % par an). Dans le second scénario, le retard de croissance a quasiment disparu en 2007.

Compte tenu de l'impulsion négative de politique budgétaire, la croissance sous-jacente de l'économie est de l'ordre de 3 % dans le premier scénario, et de l'ordre de 3,5 % dans le second. L'économie française n'a connu, depuis 1980, qu'une seule période où la croissance fut supérieure à 3 % trois années de suite : la période 1998-2000, avec des taux de croissance de respectivement 3,4, 3,2 et 3,8 %. L'épisode de la fin des années 1980 s'en rapproche : 4,6 % de croissance en 1988, 4,2 % en 1989 et 2,6 % en 1990. Autrement dit, il semble que l'économie française puisse effectivement connaître de telles performances de croissance, mais uniquement lors de brèves phases de haut de cycle. Par ailleurs, l'orientation de la politique budgétaire était plutôt expansionniste dans les périodes historiques susmentionnées, alors qu'elle est restrictive dans le programme pluriannuel de finances publiques pour 2005-2007.
2. ... favorisent des trajectoires de réduction du déficit budgétaire plus favorables
Les hypothèses retenues par le Gouvernement en matière de croissance et d'année de base étant plus favorables que celles de la Délégation, on comprend que la réduction du déficit budgétaire soit plus rapide dans les projections officielles que dans celles élaborées par l'OFCE.

Solde budgétaire

(en points de PIB)

 

2004

2005

2006

2007

Scénario bas

Gouvernement (+2,5 %) 1

-3,6

-2,9

-2,2

-1,5

Délégation (+2 %) 1

-3,9

-3,4

-3

-2,6

Scénario haut

Gouvernement (+3 %) 1

-3,6

-2,6

-1,6

-0,7

Délégation (+2,7 %) 1

-3,9

-3,1

-2,4

-1,6

1. A partir de 2005

Source : Rapport économique, social et financier, et OFCE.

Dans l'un et l'autre cas, le déficit public est inférieur dans le scénario gouvernemental à l'horizon 2007, à hauteur d'environ 1 point de PIB, dont 0,3 point dû à l'année de base.

Un autre point est commun aux deux scénarios présentés par le Gouvernement : le déficit public passe, en 2005, sous la barre des 3 % de déficit public, conformément aux engagements pris par la France devant ses partenaires européens. La comparaison des projections du Gouvernement et de celles de la Délégation montre que l'objectif de ramener le déficit sous la barre des 3 % en 2005 est ambitieux. Une croissance inférieure à 2,5 % en 2005 obligerait, vraisemblablement, le Gouvernement à prendre des mesures supplémentaires (réduction de dépenses ou hausse des prélèvements) pour atteindre l'objectif fixé.

Dans les scénarios gouvernementaux, 2005 serait également l'année où s'amorcerait la baisse du ratio dette publique/PIB. Il atteindrait 61,8 % en 2007 dans le scénario de croissance à 2,5 %, et passerait sous la barre des 60 % dans le scénario de croissance à 3 %.

Dette publique

(en % du PIB)

 

2004

2005

2006

2007

Scénario bas

Gouvernement (+2,5 %)

62,8

63,2

62,9

61,8

Délégation (+2 %)

63,1

64,9

66,1

66,9

Scénario haut

Gouvernement (+3 %)

62,8

62,7

61,5

59,4

Délégation (+2,7 %)

63,1

64,5

65,1

64,8

Source : Rapport économique, social et financier, et OFCE.

3. Conclusions

L'objectif d'un assainissement structurel des finances publiques que s'est fixé le Gouvernement est entièrement justifié. Nos engagements européens, même s'ils sont assis sur des règles qu'il conviendrait de réformer, doivent être respectés. A cette considération politique, il faut ajouter un argument financier de poids : l'augmentation de la dette publique réduit les marges de manoeuvre budgétaire et représente un élément de très grande vulnérabilité dans l'hypothèse, qui ne peut être totalement écartée compte tenu des perspectives de croissance aux Etats-Unis et dans d'autres régions du monde, de tensions sur les taux d'intérêt.

Ce choix peut se défendre non seulement par l'objectif financier qui est fixé, mais encore par la volonté de conduire, dans une période où l'écart de croissance (l'écart entre la croissance spontanée et la croissance potentielle) redevient positif, une politique contracyclique.

Cela étant dit, il reste à s'interroger sur l'intensité et le calendrier de l'effort de redressement à entreprendre.

Le programme de stabilité du Gouvernement comporte de ce point de vue des cibles qui sont ambitieuses. Dans son scénario central, le redressement des finances publiques atteint 2,5 points de PIB d'ici 2007. La composante structurelle du solde est améliorée à hauteur de 2 points de PIB et la composante conjoncturelle, de 0,5.

Ces performances dépendent de la capacité de l'économie française à s'installer sur une trajectoire de croissance de 3 % en volume, puisque l'impulsion budgétaire conduit à freiner la croissance de 0,5 point. C'est un premier constat.

L'arbitrage entre la croissance et l'assainissement des finances publiques conduit à renoncer à une partie de la reprise, et c'est un second constat.

Cependant, deux observations méritent attention et appellent une discussion :

• l'impact économique de l'assainissement des finances publiques tel qu'il est programmé sur la période limite l'expansion de la richesse nationale et ralentit la résorption du chômage, alors que le retard accumulé en ces deux domaines pourrait appeler un rattrapage plus net ;

• les résultats financiers en termes de solde nominal d'un scénario où l'effort d'assainissement structurel serait nul sur la période laisseraient apparaître un redressement de l'ordre de 1,5 point de PIB et le déficit atteindrait, en 2007, 2,5 points de PIB contre 1,5 dans le programme de stabilité. Une amélioration de la situation financière interviendrait donc sans effort structurel. Mais, dans cette trajectoire, le déficit se réduirait moins en niveau et, surtout, la composante structurelle du solde serait inchangée, laissant les finances publiques vulnérables à tout ralentissement de la croissance.

Deux variantes de finances publiques, réalisées par l'OFCE, montrent que l'objectif de réduction du déficit public ne laisse que peu de marge de manoeuvre aux pouvoirs publics pour des baisses d'impôt ou des dépenses supplémentaires. En revanche, un surcroît d'inflation, dans un pays isolé de la zone euro, pourrait offrir quelques marges de manoeuvre supplémentaires.

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