EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Garantir la traçabilité des expositions professionnelles nocives à la santé des sapeurs-pompiers

L'article unique vise à traduire dans la loi une préconisation de la mission d'information sur les cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier présentée dans le rapport du 29 mai 20243(*), visant à renforcer la traçabilité des expositions des sapeurs-pompiers à des substances nocives pour leur santé. Le rapport d'information a en effet mis en lumière un risque de sous-déclaration généralisée des maladies professionnelles des sapeurs-pompiers, tenant pour partie aux difficultés à démontrer le lien entre les pathologies dont souffrent les soldats du feu et les expositions répétées à des agents toxiques dans le cadre de leur activité.

En conséquence, le présent article vise à inscrire dans la partie législative du code général de la fonction publique l'obligation pour le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de réaliser une fiche d'exposition dès lors qu'un sapeur-pompier a, dans le cadre de ses fonctions, été au contact d'agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ou prévus par le code de la sécurité sociale. Afin de garantir une application uniforme et exhaustive de ce suivi dans l'ensemble des Sdis, le présent article prévoit la publication de modèles de fiche d'exposition dont pourraient se saisir les autorités territoriales.

La commission a adopté un amendement de coordination visant à tenir compte de la publication par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise, le 14 janvier 2025, des modèles de fiche d'exposition requis par le présent article.

1. Les obligations de suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction sont inégalement respectées sur l'ensemble du territoire

La mission d'information sur les cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier d'Anne-Marie Nédélec et Émilienne Poumirol a mis en lumière les carences dans le suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), pouvant conduire au développement de maladies liées à leur activité professionnelle.

1.1. Malgré la reconnaissance de la cancérogénicité de l'activité de sapeur-pompier, le nombre de maladies professionnelles déclarées demeure faible

a. La récente mission d'information du Sénat a rappelé les risques médicaux liés à la polyexposition des sapeurs-pompiers à des substances toxiques

En 2022, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a classé l'activité de sapeur-pompier comme cancérogène pour l'homme notamment s'agissant du mésothéliome (risque plus élevé de 58 % chez les sapeurs-pompiers par rapport à la population générale) et du cancer de la vessie (risque plus élevé de 16 % par rapport à la population générale). Ces pathologies pourraient, selon le centre, provenir de l'exposition des agents à l'amiante et aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Le Circ fait également état des preuves « limitées » concernant le lien entre l'activité de sapeur-pompier et l'apparition de cancers du côlon, de la prostate et des testicules, du mélanome et du lymphome non hodgkinien.

Les travaux du centre indiquent en outre que « l'exposition professionnelle en tant que pompier est complexe et comprend une variété de dangers résultants d'incendies et d'évènements non liés à l'incendie. [...] Les pompiers peuvent être exposés aux produits de combustion des incendies (par exemple, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les particules), aux matériaux de construction (dont l'amiante), aux produits chimiques contenus dans les mousses anti-incendie (par exemple, les substances perfluorées et polyfluorées (PFAS), aux retardateurs de flamme, au diesel gaz d'échappement et autres dangers (par exemple, travail de nuit et rayonnement ultraviolet) »4(*).

Les effets de cette polyexposition expliquent la variété des risques auxquels sont soumis les sapeurs-pompiers dans l'exercice de leurs fonctions.

Les risques induits par l'exercice de l'activité de sapeur-pompier

Parmi les principaux risques auxquels sont exposés les sapeurs-pompiers, peuvent notamment être cités, sans prétention à l'exhaustivité :

le risque traumatique (plaies, contusions, lésions ostéoarticulaires, brûlures) ;

le risque toxique (inhalation de fumées, de poussières ou de suie, accidents de transport de matières dangereuses) ;

le risque de stress thermique et de déshydratation (du fait du port des équipements de protection individuelle lourds et gênants pour la thermorégulation et de l'exposition à des températures élevées) ;

le risque infectieux (contagion par proximité d'une personne malade, accidents d'exposition aux liquides biologiques) ;

le risque de troubles musculosquelettiques ;

le risque cardio-vasculaire ;

le risque respiratoire (bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), asthme) ;

le risque psychologique (stress, syndrome post-traumatique, anxiété, dépression) ;

le risque radiologique ;

- ou encore le risque routier.

Source : Rapport d'information n° 641 relatif aux cancers imputables
à l'activité de sapeur-pompier d'Anne-Marie Nédélec et Émilienne Poumirol.

La mission d'information sur les cancers professionnels des sapeurs-pompiers a néanmoins fait le constat des faiblesses du modèle français dans la connaissance des risques induits par l'activité de sapeur-pompier.

En effet, s'il est désormais communément admis que les sapeurs-pompiers sont exposés à plusieurs types de produits de combustion présentant un risque certain pour leur santé, les conséquences médicales de l'activité de sapeur-pompier ont fait l'objet d'un nombre très limité d'études en France au cours des dernières décennies. Du reste, celles-ci tendaient à conclure à un meilleur état de santé chez les sapeurs-pompiers que dans l'ensemble de la population en raison du phénomène du « travailleur sain ».

En outre, la mission déplore les limites de la banque nationale de données créée par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) chargée de recenser les déclarations d'accidents du travail et de maladies professionnelles des fonctions publiques territoriale et hospitalière issues du logiciel Prorisq, via lequel les employeurs territoriaux et hospitaliers suivent la sinistralité. Selon la mission, ce dispositif se heurte en effet à la forte sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles en France.

b. Le faible nombre de maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers laisse présager un phénomène de sous-déclaration d'ampleur

En dépit de la reconnaissance des risques pour la santé inhérents à leurs missions, le nombre de sapeurs-pompiers atteints d'une maladie professionnelle demeure très limité en France. La caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) n'a en effet recensé que 24 déclarations de maladies professionnelles pour les sapeurs-pompiers professionnels en 2023, après 31 en 2022, représentant 0,55 % de la sinistralité pour cette catégorie d'emploi. La caisse indique en outre qu'aucun cancer professionnel n'a été détecté pour un sapeur-pompier professionnel entre 2013 et 2025.

Au regard du nombre limité d'affections d'origine professionnelle, la mission d'information sénatoriale conclut à un risque de sous-déclaration d'ampleur, « qui pourrait s'expliquer par la difficulté à obtenir des preuves de l'exposition de l'agent »5(*).

1.2. Le circuit de reconnaissance des maladies professionnelles requiert un suivi précis de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents toxiques

a. L'imputabilité d'une pathologie au service pour les sapeurs-pompiers professionnels

La reconnaissance de maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers professionnels suit la procédure de droit commun applicable à l'ensemble des agents de la fonction publique territoriale.

Jusqu'en 2017, il appartenait au fonctionnaire estimant être atteint d'une maladie d'origine professionnelle d'établir son imputabilité au service. De fait, contrairement aux salariés du secteur privé, les fonctionnaires ne bénéficiaient pas d'une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles.

Depuis lors6(*), l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique prévoit trois procédures permettant de reconnaître l'origine professionnelle d'une pathologie pour les agents de la fonction publique territoriale :

· Premièrement, toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions prévues par ces tableaux est présumée imputable au service ;

Les cancers présumés imputables au service pour les sapeurs-pompiers

Les tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale ne reconnaissent que deux types de cancer comme pouvant être présumés imputables au service :

le carcinome du nasopharynx faisant suite à des travaux d'extinction des incendies, avec un délai de prise en charge de 40 ans sous réserve d'une exposition de cinq ans7(*) ;

le carcinome hépatocellulaire en lien avec l'activité de sapeur-pompier, avec un délai de prise en charge de 30 ans8(*).

La direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC) indique que les tableaux de maladies professionnelles n'ont pas encore été révisés à la suite des dernières avancées scientifiques, notamment de l'étude menée par le Circ, bien que la demande ait été formulée auprès de la direction générale du travail.

· si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux prévues par les tableaux annexés au code de la sécurité sociale ne sont pas remplies, la maladie désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou l'ayant droit établit qu'elle est directement causée par l'exercice de ses fonctions ;

· une maladie ne figurant pas dans les tableaux de maladies professionnelles peut également être imputée au service si le fonctionnaire ou l'ayant droit établit qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État.

Lorsque le sapeur-pompier professionnel déclare sa maladie auprès de son employeur, celui-ci peut le soumettre à une expertise médicale par un médecin agréé et mener une enquête administrative pour vérifier l'exactitude des faits et des circonstances ayant conduit à l'apparition de la maladie. Le médecin du travail est informé des déclarations de maladies professionnelles reçues. Si la maladie est inscrite à l'un des tableaux de maladies professionnelles, le médecin du travail en informe le Sdis qui peut directement reconnaître l'imputabilité au service. Si la maladie ne satisfait pas à tous les critères d'un tableau ou n'y figure pas, l'avis d'une instance spécifique à la fonction publique, le conseil médical, est recueilli après transmission du rapport du médecin du travail. Le conseil médical, composé de médecins agréés, de représentants du service d'incendie et de secours et de représentants des personnels, rend un avis sur l'origine professionnelle de la pathologie. L'avis du conseil médical ne lie pas la décision de reconnaissance de l'imputabilité au service rendue par le Sdis.

La reconnaissance de l'origine professionnelle de l'affection permet au sapeur-pompier de bénéficier :

- du remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident par l'employeur9(*) ;

- en cas d'incapacité temporaire de travail, du congé pour invalidité temporaire imputable au service (Citis) ainsi que du maintien de son traitement jusqu'à ce que l'agent soit en mesure de reprendre son service10(*) ;

- après consolidation de l'état de santé, et en cas d'incapacité permanente partielle, d'une allocation temporaire d'invalidité (ATIACL) cumulable avec le traitement.

b. La procédure de reconnaissance des maladies imputables au service pour les sapeurs-pompiers volontaires

S'agissant des sapeurs-pompiers volontaires atteints d'une maladie contractée en service ou à l'occasion du service, la reconnaissance de l'imputabilité au service appartient au président du conseil d'administration du Sdis après rapport du conseil médical. Cette décision ouvre droit à la prise en charge complète des frais de santé ainsi qu'à des indemnités journalières compensant la perte de revenus subie pendant la période d'incapacité de travail11(*).

En cas d'invalidité permanente, le sapeur-pompier volontaire peut également percevoir une allocation ou une rente d'invalidité permanente, égales au montant perçu par un sapeur-pompier de même grade ou calculées sur la référence du salaire annuel de l'intéressé ou de ses revenus professionnels ou, pour les sapeurs-pompiers volontaires fonctionnaires, du montant de la rémunération perçue au cours des douze mois précédents.

1.3. L'obligation de suivi de l'exposition est imparfaitement mise en oeuvre par les Sdis

Au regard du faible nombre de maladies professionnelles déclarées par les sapeurs-pompiers, la mission d'information sénatoriale identifie plusieurs facteurs pouvant conduire à l'absence de reconnaissance de l'origine professionnelle des affections.

Outre les réticences de certains médecins à établir le certificat médical initial, du fait d'un déficit de formation ou de l'ignorance de leur rôle dans le système de financement des maladies professionnelles, la mission insiste sur les difficultés dans l'obtention des preuves de l'exposition de l'agent à des facteurs de risques, notamment quand l'exposition est ancienne ou peu documentée. En effet, lorsqu'un agent est atteint d'une pathologie ne figurant pas sur les tableaux professionnels, l'imputabilité de celle-ci à son activité professionnelle repose sur la capacité de l'agent et du conseil médical à établir un lien entre les missions exercées et l'apparition de la maladie.

En l'état du droit, afin de favoriser la traçabilité des contaminations éventuelles, l'employeur est tenu de délivrer une attestation d'exposition à un risque cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR), établie après avis du médecin de prévention dès la fin de l'engagement de l'agent au sein de l'établissement, soit lors d'un transfert vers un autre établissement, soit en fin de carrière12(*).

Cette attestation d'exposition est constituée du relevé cumulatif des années écoulées depuis le début de la traçabilité.

Par ailleurs, pour l'exposition à certains risques (amiante13(*), rayonnements optiques artificiels14(*), travaux hyperbares15(*)), le renseignement d'une fiche d'exposition est obligatoire après chaque exposition.

L'ensemble de ces documents permet ainsi au sapeur-pompier de constituer une base de données mobilisable, le cas échéant, pour la découverte d'une affection ne disposant pas d'une présomption d'imputabilité au service.

L'employeur consigne également la totalité des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs au sein d'un document unique d'évaluation des risques professionnels16(*) (DUERP). Ce document est conservé par l'employeur et tenu à la disposition des travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d'un intérêt à y avoir accès pendant une durée de 40 ans à compter de leur élaboration.

La mission d'information sénatoriale alerte cependant sur le fait que, « si une fiche d'intervention comprenant des informations telles que la nature de l'intervention, l'heure et le lieu, les moyens engagés ou encore les actions réalisées est effectivement renseignée pour chaque intervention de chaque sapeur-pompier dans l'ensemble des Sdis, une fiche d'exposition n'est pas systématiquement remplie, de l'aveu même de la DGSCGC ».

L'association nationale des directeurs et directeurs départementaux adjoints des services d'incendie et de secours reconnait effectivement des difficultés à se conformer à l'obligation de traçabilité des expositions prévue par le décret du 5 novembre 2015, car celle-ci « est clairement conçue pour des postes de travail où le type d'exposition est connu ». Or, « pour les sapeurs-pompiers, le type d'exposition est inconnu et hypothétique au regard des différents moyens de protection existants, et notamment le port des tenues de protection de degré divers ainsi que des protections respiratoires ». De fait, même en tenant compte du port des équipements de protection, l'exposition des sapeurs-pompiers aux substances nocives demeure variable en fonction des caractéristiques des interventions effectuées.

La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) constate ainsi une grande hétérogénéité dans les dispositifs de suivi d'exposition des Sdis, certains étant proactifs (recours à des logiciels de traçabilité comme Prorisq, réalisation de fiches d'expositions systématiques après chaque intervention jugée à risque ou suivi médical spécifique post-exposition plus complet que les obligations légales) et d'autres délaissant ces obligations, parfois perçues comme moins primordiales dans les Sdis composés principalement de sapeurs-pompiers volontaires.

Devant ces difficultés, la mission d'information sénatoriale recommandait « l'édiction d'un modèle national de fiche d'exposition à des facteurs de risques spécifique à l'activité de sapeur-pompier »17(*).

1.4. Une circulaire récente vise à accompagner les Sdis dans le respect de leurs obligations

Afin de garantir une meilleure application des dispositions relatives à la prévention et au suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents CMR et, in fine, faciliter la reconnaissance des maladies d'origine professionnelle, le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises a transmis à tous les directeurs de SIS, le 14 janvier 2025, une circulaire relative à la santé et à la sécurité en service des agents des Sdis.

La circulaire rappelle la responsabilité de l'employeur concernant la production du relevé d'exposition des sapeurs-pompiers avant chaque visite médicale. Est ainsi rappelé que le suivi d'exposition se compose de :

la synthèse annuelle, constituée du relevé annuel des activités potentiellement exposantes et du relevé cumulatif des années écoulées depuis le début de la traçabilité, transmise en prévision de chaque visite médicale périodique à la médecine d'aptitude du sapeur-pompier et, le cas échéant, à la médecine du travail ;

l'attestation des activités potentiellement exposantes, transmise par le Sdis à l'agent en fin de carrière, compilant le relevé cumulatif des années écoulées depuis le début de la traçabilité et conservée pour une durée de 50 ans.

En outre, afin de pallier les difficultés à disposer de relevés d'exposition uniformes et exhaustifs dans tous les Sdis, la DGSCGC a adjoint en annexe à la circulaire un modèle pour ces deux documents, déclinés pour les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, satisfaisant ainsi la recommandation n° 4 du rapport d'information d'Anne Marie Nédélec et Émilienne Poumirol.

Les modèles contiennent notamment un historique des activités ayant donné lieu à une exposition potentielle à un CMR ou à certains facteurs de risques professionnels, en identifiant précisément les activités pour lesquelles l'exposition est avérée (feux d'espaces naturels, formations feux réels, usage d'émulseurs avec PFAS) et en prévoyant le relevé du nombre d'expositions et de leur durée.

Afin de tenir compte de l'impossibilité de renseigner chaque composant des fumées d'incendies ainsi que les autres polluants présents, dont les concentrations varient en fonction des situations, ces modèles se fondent sur des données standards sur la base d'un « cocktail potentiellement exposant (HAP, PFAS, CO, CO2, amiante, effort physique, chaleur) »18(*).

La standardisation de la traçabilité des activités potentiellement exposantes permise par l'appropriation de ces modèles par tous les Sdis doit ainsi permettre une meilleure orientation individuelle des agents vers des examens médicaux de dépistage conseillés par les recommandations scientifiques en vigueur, ainsi qu'une simplification des démarches de reconnaissance en maladie professionnelle des pathologies, y compris lorsque celles-ci surviennent à distance des expositions.

Toutefois, comme rappelé par la DGSCGC ainsi que la FNSPF, ces modèles d'exposition, même correctement renseignés, présentent des limites, tenant à l'impossibilité de tenir compte du rôle endossé par chaque agent lors d'une intervention, ou aux failles dans le port des équipements de protection individuelle. En définitive, bien qu'indispensable, la traçabilité de l'exposition ne saurait dispenser l'ensemble des acteurs de la sécurité civile du respect et de l'amélioration des politiques de prévention par le port des équipements de protection, l'application des protocoles de sécurité, ou encore le suivi médical prévu par les textes. Ce suivi médical relève, d'une part, des visites annuelles ou bisanuelles d'aptitude19(*), qui constituent une première démarche de prévention et de dépistage et, d'autre part, du suivi médical post-professionnel prévu pour l'ensemble des fonctionnaires territoriaux ayant été exposés dans le cadre de leurs fonctions à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction ou figurant sur l'un des tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale20(*).

2. La proposition de loi confère une valeur législative aux exigences de suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers

Le présent article vise à inscrire dans la partie législative du code général de la fonction publique l'obligation pour l'employeur d'établir un relevé d'exposition, dès lors qu'un sapeur-pompier professionnel ou volontaire est exposé dans le cadre de ses fonctions à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction ou figurant sur l'un des tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale, aujourd'hui prévu par des dispositions d'ordre réglementaire.

L'article impose également la publication, par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de la fonction publique, d'un modèle de fiche d'exposition.

3. L'avis de la commission

La commission a estimé que l'octroi d'une valeur législative aux dispositions visées par le présent article, jusqu'alors prévues par des mesures réglementaires, pérennise utilement les obligations incombant aux autorités territoriales en matière de traçabilité de l'exposition de leurs agents.

L'adoption du présent article doit ainsi permettre aux directeurs de Sdis de se saisir des modèles mis à disposition afin d'améliorer la qualité et la régularité du suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers, garantissant une reconnaissance simplifiée de l'origine professionnelle des maladies, y compris lorsque celles-ci se déclarent postérieurement aux expositions.

À plus long terme, le renseignement exhaustif des expositions des sapeurs-pompiers et la meilleure connaissance des risques encourus pourront profiter aux recherches épidémiologiques et ainsi permettre une connaissance et une prévention renforcée des risques encourus par les sapeurs-pompiers. À cet égard, la commission a salué la création par la DGSCGC d'un observatoire de la santé des agents des Sdis en 2024, ayant pour objet l'amélioration de la connaissance des risques encourus par les agents et l'élaboration de consensus sociaux autour de leur prise en charge.

Le rapporteur a rappelé que le renforcement de la traçabilité des expositions à des substances nocives doit impérativement se conjuguer avec l'amélioration des dispositifs de prévention proposés aux agents des Sdis. Elle a ainsi appelé à une meilleure application des protocoles de sécurité au sein des services d'incendie et de secours, à des progrès dans le développement des équipements de protection individuelle ainsi qu'à un suivi médical rigoureux des agents ayant été au contact d'éléments polluants ou toxiques pour la santé.

La commission a adopté, sur proposition du rapporteur, un amendement COM-1 visant à tenir compte de la publication des modèles d'exposition prévus par le présent article, survenue entre le dépôt du texte et son examen en commission.

La commission a adopté l'article unique ainsi modifié.


* 3  Rapport d'information n° 641 (2023-2024) fait au nom de la commission des affaires sociales sur les cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier par Mmes Anne-Marie NÉDÉLEC et Émilienne POUMIROL, enregistré à la présidence du Sénat le 29 mai 2024.

* 4 Monographie Volume 132 - Exposition professionnelle en tant que pompier? du Centre international de Recherche sur le Cancer (Circ), juin 2022.

* 5  Rapport d'information n° 641 relatifs aux cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier d'Anne-Marie Nédélec et Émilienne Poumirol.

* 6 Ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique.

* 7 Annexe II au code de la sécurité sociale : tableau n° 43 bis (affections cancéreuses provoquées

par l'aldéhyde formique).

* 8 Annexe II au code de la sécurité sociale : tableau n° 45 (infections d'origine professionnelle par les virus des hépatites A, B, C, D et E).

* 9 Article L. 822-24 du code général de la fonction publique.

* 10 Articles L. 822-21 et L. 822-22 du code général de la fonction publique.

* 11 Article 1er de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service.

* 12 Article 3 du décret n° 2015-1438 du 5 novembre 2015 relatif aux modalités du suivi médical post-professionnel des agents de la fonction publique territoriale exposés à une substance cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction.

* 13 Article R. 4412-120 du code du travail.

* 14 Article R. 4452-22 du code du travail.

* 15 Article R. 4461-13 du code du travail.

* 16 Article L. 4121-3-1 du code du travail.

* 17 Proposition n° 4 du rapport.

* 18 Instruction du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises aux directeurs des services d'incendie et de secours, 14 janvier 2025.

* 19 Arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d'aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d'exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d'incendie et de secours.

* 20 Article L. 813-2 du code général de la fonction publique.

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