Ce dossier est l'occasion de revenir sur quelques parcours de membres du Sénat de 1940 ou de futurs membres du Conseil de la République de 1946 pendant la seconde guerre mondiale.
Devant l'impossibilité de prétendre à l'exhaustivité, et la difficulté de choix, l'option retenue privilégie la diversité des origines, des opinions, et des destins de ceux qui s'engagèrent.
Elle permet d'évoquer tout à la fois les opposants du 10 juillet 1940, les combattants de la France Libre, les résistants de l'intérieur, ceux qui connurent la déportation ou furent assassinés.
Au-delà de quelques figures, ces parcours visent à rappeler la mémoire de tous les parlementaires, célèbres ou moins connus, qui restèrent fidèles aux principes républicains et à l'honneur.
Les sénateurs de 1940
Pendant la deuxième guerre mondiale, des sénateurs qui appartenaient à la Haute Assemblée en 1939-1940 ont eu un parcours exemplaire ou connu un destin tragique. Ceux qui opposèrent à l'ennemi et au régime de Vichy une résistance active le firent à divers stades du conflit, leur attitude fut très diverse, elle est plus ou moins connue.
Dès le début de la guerre, des sénateurs s'illustrent dans les rangs de l'armée française, ne ménageant pas leurs efforts pour défendre notre territoire. C'est le cas, par exemple, d' André Maroselli, sénateur de la Haute-Saône, mobilisé en 1939 comme lieutenant-colonel de l'armée de l'air, et de Fernand Monsacré, élu de l'Aube, remarqué au front pour son courage et sa bravoure, qui sont tous deux décorés de la Croix de guerre 1939-1945.
Après la défaite et la signature de l'armistice, lorsque le Sénat et la Chambre des députés sont réunis au Grand Casino de Vichy pour remettre les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, Joseph Paul-Boncour, alors sénateur du Loir-et-Cher, qui avait déjà soutenu le départ du gouvernement en Afrique du Nord et s'était opposé à la cessation des combats, présente un contre-projet spécifiant que toute modification de la Constitution doit être ratifiée par la Nation.
Cette tentative de maintien de la légalité républicaine reste infructueuse et le projet gouvernemental donnant tous pouvoirs au maréchal Pétain est adopté par 569 voix contre 80 et 17 abstentions. Vingt-trois sénateurs s'opposent au projet de loi constitutionnel. Lors de la proclamation des résultats du scrutin, Marcel Astier, sénateur de l'Ardèche, manifeste son opposition au texte qui vient d'être adopté en criant au milieu des clameurs des majoritaires: «Vive la République quand même!».
Certains sénateurs mettent un point d'honneur à décliner les responsabilités que le nouveau pouvoir souhaiterait leur confier. C'est le cas de René Coty, sénateur de la Seine-Inférieure, qui se retire au Havre et refuse sa nomination à la tête de la mairie ainsi qu'au conseil départemental de la Seine-Inférieure, estimant qu'il ne peut cautionner un gouvernement dont il réprouve la politique.
D'autres membres de la Haute Assemblée s'engagent dans la lutte clandestine. Parmi eux, Pierre Chaumié, sénateur du Lot-et-Garonne, remplit les fonctions de préfet de la Résistance. Jean Maroger, élu de l'Aveyron, industriel en électricité, participe à la lutte contre l'occupant en interrompant le transport de courant et sabotant des pylônes électriques.
Quant à François Labrousse, sénateur de la Corrèze, il est décoré de la médaille de la Résistance pour son combat auprès des clandestins et des maquisards.
Manquant de docilité, des sénateurs indisposent le gouvernement de Vichy. Victor Le Gorgeu, par exemple, est révoqué de ses fonctions de maire de Brest pour avoir refusé de voter une motion de confiance à Pétain. De même, Henri Queuille est démis de son mandat de maire de Neuvic, en Corrèze. Il parvient à gagner Londres où il lance sur les ondes un appel aux paysans de France, ce qui lui vaut d'être déchu de la nationalité française et de son mandat sénatorial.
Demeuré sur le territoire français, Paul Giacobbi participe à la fondation d'un réseau de résistance. Destitué de ses fonctions de maire et arrêté, il parvient à s'évader et se réfugie dans le maquis où il participe activement à la libération de la Corse. Il siègera, comme Marcel Astier et Henri Queuille, à l'Assemblée consultative provisoire d'Alger. Arrêté, lui aussi, pour faits de résistance, Marcel Plaisant, élu du Cher, est incarcéré et torturé par la Gestapo. Il doit la vie aux maquisards qui le libèrent le 21 août 1944. De même, interpellé par les Allemands à la demande de la police française, le varois René Renoult est emprisonné à Marseille jusqu'au 12 juin 1944, date à laquelle sa libération par les FFI le sauve de la déportation.
D'autres sénateurs n'auront pas cette chance. C'est le cas de Joseph Paul Rambaud, élu de l'Ariège et organisateur de l'Armée secrète pour le compte du réseau « Combat » d'Henri Frenay. Suspecté par la police pour son action en faveur des réfractaires au STO, il est arrêté le 17 juin 1944, puis déporté à Buchenwald, où il décède le 12 octobre 1944. Quant à Pierre Masse, sénateur de l'Hérault qui a ouvertement protesté contre les mesures antisémites prises par Vichy, il est arrêté lors de la rafle du 20 août 1941, interné à Drancy puis à Compiègne, avant d'être déporté à Auschwitz, où il meurt au mois d'octobre 1942.
Outre ce dernier, les sénateurs de la Haute-Saône, des Bouches-du-Rhône et de la Haute-Marne, Moïse Lévy, Abraham Schrameck et Georges Ulmo, sont déchus de leur mandat parlementaire par le décret du gouvernement de Vichy du 19 novembre 1941 en application du statut des Juifs.
Parmi les grandes figures de la lutte contre le fascisme, Marx Dormoy, sénateur de l'Allier, trouve la mort à Montélimar lorsqu'une bombe explose à son domicile, où il était placé en résidence surveillée par le gouvernement de l'Etat français. Joseph Serlin, élu de l'Isère, est quant à lui assassiné de plusieurs balles dans la nuque, probablement par des « collaborationnistes », après avoir fourni des centaines de cartes d'alimentation aux jeunes réfractaires au STO.
En violation de la convention d'armistice qui ne prévoit pas de statut particulier pour l'Alsace-Moselle, l'occupant, arguant de l'instauration d'une administration civile allemande dans la région, contraint les parlementaires qui en sont élus à démissionner.
Hubert d'Andlau, sénateur du Bas-Rhin, se démet de son mandat
Dossier d'Histoire réalisé par la Division des Archives du Sénat