A l'heure de la libération de Paris, l'armée allemande tient dans la capitale de solides positions, dont le Palais du Luxembourg.

Occupation

Le Palais est occupé, depuis l'été 1940, par l'état-major général de l'armée de l'air allemande (Luftwaffe) pour tout le front de l'Ouest, sous le commandement du Feldmarschall Sperrle qui habite l'hôtel de la Présidence.

Les Allemands ont transformé le Palais en une forteresse souterraine, dont les issues débouchent, le long de la façade Est, dans un gigantesque blockhaus. Ils utilisent en outre l'abri de défense passive construit avant guerre dans les Jardins de la Présidence, et en prévoient un autre entre celle-ci et le Musée du Luxembourg. Par la suite, ils entreprennent d'autres travaux de défense. Sept nids de mitrailleuses jalonnent le pourtour du Palais et du Jardin. Une trentaine de blindés, constituant les défense mobiles, complètent le dispositif.

Devant la progression des armées de la Libération, l'état-major de la Luftwaffe quitte le Palais du Luxembourg dans la semaine du 12 au 18 août 1944. Il y est remplacé, sous les ordres du colonel von Berg, par une garnison de 600 hommes, qui était auparavant cantonnée au lycée Montaigne. Elle est renforcée par des SS et une compagnie de Schutzpolizei.  

Les Allemands procèdent au minage des abris de défense passive. D'importantes réserves de cheddite sont entreposées, notamment sous les Jardins de la Présidence. Grâce à l'alerte donnée par l'architecte du Sénat, Marcel Macary -que les Allemands ont réquisitionné dès  août 1940, et qui, pendant toute de la guerre, et au prix de mille difficultés, a fait en sorte que le Palais ne subisse aucun préjudice irréparable-, la préfecture de la Seine est prévenue. Dans le même temps, l'ouvrier électricien Dalby provoque des pannes de courant électrique qui gênent considérablement le travail des soldats.

Les combats

Le 25 août au matin, le colonel Fabien, commandant les FFI, met en application son plan d'attaque pour le Luxembourg : 200 hommes armés doivent se poster à l'Est et au Sud du Palais et 100 au Nord. Les escarmouches se multiplient dès les premières heures. Devant la résistance des Allemands, le recours aux blindés est inévitable.

Eléments de défense des Allemands

C'est le détachement du commandant Putz du 501ème régiment de chars de combat, qui appartient à la deuxième Division Blindée, qui est chargé de « s'emparer des défenses du boulevard Saint Michel, d'investir le Jardin du Luxembourg, puis le Sénat, afin d'empêcher le groupement de blindés qui s'y trouve d'attaquer le P.C. de la gare Montparnasse et de se répandre dans Paris ». Cette mission est confiée au capitaine de Witasse qui, après avoir pris contact avec le colonel Fabien, élabore son dispositif de combat.

Le bataillon Putz avait pénétré dans Paris par l'axe Chevilly, Villejuif, Porte d'Italie, Ile de la Cité. Arrivés place Saint Michel, ses chars reçoivent, vers 11heures, l'ordre de remonter le boulevard Saint Michel. Ils prennent progressivement position à la hauteur de la Sorbonne, d'où ils contrôlent la rue de Vaugirard, place Edmond Rostand et avenue de l'Observatoire.

D'autres blindés font mouvement vers le boulevard Saint Germain et s'engagent rue de Tournon et rue Bonaparte. L'espace formé par le Palais du Luxembourg et ses dépendances, l'école des Mines et le lycée Montaigne est ainsi entièrement cerné.

Char de la 2ème DB, rue de Fleurus
(Mémorial Leclerc/Musée Jean Moulin/Ville de Paris/Coll. Bienvenue)

Vers midi, les chars et les véhicules blindés détruisent les premières défenses allemandes. Des FFI progressent, mitraillette en main, le long des immeubles du boulevard Saint Michel, mais ils subissent le feu nourri des Allemands retranchés dans l'école des Mines. 

Quatre chars arrivent par la rue Auguste Comte, leurs canons et mitrailleuses réduisent au silence ces tireurs embusqués. Puis ils forcent les grilles pour investir le Jardin du Luxembourg.

L'avancée des blindés qui attaquent à la hauteur de la rue de Médicis est freinée par les tirs provenant des fenêtres de la galerie Est du Palais. Mais plus inquiétante est la présence d'un char « Panther » rue de Médicis. Sa puissance de feu potentielle présente un réel danger pour les blindés français.

Pour le surprendre à revers, le capitaine de Witasse donne au char "la Moskova", le plus puissant de ses moyens, l'ordre de s'engager dans la rue de Vaugirard. Celui-ci arrive au niveau du théâtre de l'Odéon, manœuvre rapidement, tire un obus dans la chenille du blindé allemand qui l'immobilise. L'équipage de « la Moskowa » est surpris de trouver un char abandonné. D'après le capitaine de Witasse, il aurait dû ouvrir la route à une dizaine d'autres chars stationnés dans le Jardin. Ces blindés, dont la mise en mouvement aurait créé une réelle menace pour  l'issue des combats, sont trouvés en état de marche, mais vides eux-aussi.

C'est dans l'axe de la rue de Vaugirard que les obus de canons frappent le plus violement le Palais du Luxembourg. Le combat est également très vif rue de Tournon, prise sous le feu des soldats allemands retranchés dans les bâtiments du Palais. Mais les blindés engagés boulevard Saint Germain et qui remontent par la rue de Seine se rendent maîtres du terrain. Ceux qui gagnent la rue Guynemer réduisent les dernières résistances au lycée Montaigne.

La reddition


Char "la Moskova"

A 15 heures 45, à la préfecture de police, le général Leclerc reçoit la reddition du général von Choltitz. A partir de 16 heurs 30, des émissaires portent l'ordre de cessez-le-feu vers les lieux où les combats se poursuivent.

Le colonel Crépin, commandant de l'artillerie de la 2ème DB, accompagné d'un colonel de l'état-major allemand, est chargé du Palais du Luxembourg.

Entré dans la Cour d'Honneur, il est conduit auprès du colonel von Berg qui prend connaissance de l'acte de capitulation. La négociation se prolonge : la garnison a les moyens de résister, des officiers SS protestent...

Pour intimider les Allemands, des voitures de la préfecture de police annoncent que l'aviation va bombarder le Palais vers 19 heures.


(Mémorial Leclerc/Musée Jean Moulin/Ville de Paris / Coll. Bienvenue)

 Après de longues discussions, l'heure de la fin des combats est fixée à 18 heures 35. Pendant ce temps, des spahis marocains et des hommes du colonel Fabien investissent le Jardin par la rue Auguste Comte et le boulevard Saint Michel. A l'heure dite, les prisonniers, colonel en tête, sortent du Palais par la loge Tournon.

Les habitants du quartier, jusqu'alors murés chez eux, arborent des drapeaux pour saluer la fin de la « bataille du Luxembourg ».

Les dommages causés au Palais

Pavillon Nord-EstLes combats du 25 août 1944 ont causé beaucoup de dégâts au Palais, notamment au pavillon Nord-Est, dont les étages supérieurs ont subi le feu du char « la Moskowa » qui progressait dans la rue de Vaugirard.

De l'Orangerie de la rue Auguste Comte à l'école des Mines, les traces d'impact d'obus et de rafales de mitrailleuses témoignent de l'âpreté des engagements. Tout au long du boulevard Saint Michel, des plaques commémorent aujourd'hui le sacrifice de nombreux combattants français.

Le Jardin ne compte plus les balustrades détruites et les plantations dévastées. Dans la Cour d'Honneur, jonchée de quantités considérables de détritus de toute nature, des blindés et des bus ont été abandonnés

L'ancienne Chapelle

L'intérieur du Palais offre le spectacle d'un « indescriptible chaos », d'un lieu évacué en toute hâte après quatre ans d'occupation, puis soumis à de violents combats. "Partout, dans les enfilades de galeries et de salons, dans la grande Salle des Conférences, dans la Bibliothèque, gisent, parmi les cartes piétinées, les dossiers dispersés, les revues et les livres déchiquetés, des saladiers pleins de mangeaille, de la vaisselle cassée, des vêtements en loques et des bouteilles de champagne, et encore des bouteilles de champagne !

Dans toute l'étendue des appartements, les meubles sont renversés. L'ancienne chapelle, transformée en magasin d'habillement, est recouverte d'une épaisse croûte de vieux uniformes et d'équipements hors d'usage" (Défense de la France - 30 août 1944).

Dès le 26 août, les mesures de sauvegarde du bâtiment et de sécurité publique qui s'imposent sont prises. Dans les jours qui suivent, le pavillon Nord-Est est étayé. Il est procédé, avec l'aide du service de désobusage du ministère de la Guerre, au regroupement et à l'enlèvement des munitions et explosifs. Un artificier du Laboratoire municipal est blessé et hospitalisé au Val-de-Grâce.

La distribution intérieure du Palais, qui avait été considérablement modifiée par la Luftwaffe, est rétablie. Les installations militaires édifiées par les Allemands dans le Jardin sont démolies, les tranchées bouchées, les sols remis en état.

Le Jardin est réouvert au public le dimanche 29 octobre, et le Palais du Luxembourg prêt à accueillir, à partir du 7 novembre 1944, l'Assemblée consultative provisoire. Mais ils ne retrouveront véritablement leur aspect d'avant guerre qu'en 1946, pour la Conférence de la Paix.