M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l’avortement, et par toutes les femmes, avant la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de la grossesse
Article 1er
La Nation reconnaît que l’application par l’État des dispositions législatives et réglementaires pénalisant le recours, la pratique, l’accès et l’information sur l’avortement, aujourd’hui caduques ou abrogées, a constitué une atteinte à la protection de la santé des femmes, à l’autonomie sexuelle et reproductive, à l’égalité entre les femmes et les hommes, aux droits des femmes et au droit au respect de la vie privée.
Elle reconnaît que ces dispositions ont conduit à de nombreux décès et ont été source de souffrances physiques et morales pour les personnes concernées ainsi que pour leurs proches.
Elle reconnaît également que ces dispositions ont été source de souffrances et de traumatismes pour des personnes condamnées pour avoir pratiqué des avortements.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – Il est institué auprès du Premier ministre une commission nationale indépendante de reconnaissance des souffrances et traumatismes subis par des femmes ayant avorté et les personnes ayant pratiqué des avortements avant la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de la grossesse. Cette commission est chargée de contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire des atteintes aux droits subies par les femmes et reconnues par la Nation en application de l’article 1er de la présente loi.
II. – La commission comprend :
1° Deux députés et deux sénateurs ;
2° Un membre du Conseil d’État ou un magistrat de la Cour de cassation ;
3° (Supprimé)
3° bis (nouveau) Trois personnes désignées en raison de leurs travaux historiques ou de recherche sur l’avortement ou l’histoire des femmes ;
4° Trois professionnels de santé, désignés en raison de leurs connaissances dans le domaine de la santé gynécologique des femmes ;
5° Trois personnes désignées en raison de leur engagement dans le milieu associatif pour le droit et l’accès à l’avortement.
III. – Un décret précise le fonctionnement de la commission, ses attributions, les conditions de son indépendance dans l’exercice de ses missions ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes concernées peuvent être entendues.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mmes Evren et Drexler, MM. Sol, Burgoa, Kern, Panunzi et Daubresse, Mmes Muller-Bronn et Dumont, MM. Somon, P. Vidal et Klinger, Mme P. Martin, MM. de Legge et Hingray et Mme Herzog, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Agnès Evren.
Mme Agnès Evren. Mes chers collègues, la pénalisation de l’IVG fut bel et bien un drame historique.
La commission créée par l’article 2 aura pour mission de recueillir les témoignages et de transmettre la mémoire des femmes victimes de lois attentatoires à leur liberté.
Ce travail de mémoire a vocation à nourrir la recherche historique. Dans le même esprit, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) a récemment recueilli un très grand nombre d’entretiens, filmés aux quatre coins de la France. Il dispose ainsi d’un véritable corpus de documents audiovisuels tout à fait représentatifs de la diversité des expériences vécues.
La présence de parlementaires dans une telle commission paraît inutile, voire contraire à l’objectif. Par cet amendement, M. Reichardt propose donc de la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous réservons souvent dans telle ou telle instance une place aux membres du Parlement – députés comme sénateurs –, par un réflexe peut-être corporatiste…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Non, jamais ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Merci, ma chère collègue !
En l’occurrence, la commission nationale indépendante dont l’article 2 assure la création a un travail bien spécifique à mener. Elle aura pour mission de recueillir la parole des femmes. Grâce à ces témoignages, nous pourrons mieux comprendre ce qui s’est produit jusqu’à la mise en œuvre de la loi Veil.
Ce recueil de témoignages implique un travail d’écoute et de mise en contexte.
Dans ce cadre, les magistrats joueront évidemment un rôle prépondérant : ils préciseront la manière dont la justice a été appliquée aux époques considérées. De même, les professionnels de santé auront toute leur place : ils éclaireront les dégâts que les avortements clandestins ont pu infliger aux femmes. La représentation des associations ayant œuvré pour la légalisation de l’avortement est, elle aussi, logique. Quant aux historiens, ils ont évidemment vocation à siéger dans cette commission.
En revanche, notre plus-value en tant que parlementaires ne semble pas frappante… C’est pourquoi la commission est favorable à cet amendement, que Mme Evren a défendu au nom de M. Reichardt.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Mes chers collègues, la discussion générale l’a souligné à l’instant : le droit des femmes à disposer de leur corps et le droit à l’avortement sont de nature éminemment politique, comme les droits et libertés des femmes dans leur ensemble, qui plus est en ce moment.
Par ailleurs plusieurs orateurs ont rappelé ce constat dressé par l’ONU : les droits des femmes reculent partout dans le monde, année après année.
Pour leur part, les membres du groupe CRCE-K jugent nécessaire la présence de parlementaires dans la commission nationale indépendante créée par l’article 2.
Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Mes chers collègues, l’histoire de la répression de l’avortement, c’est l’histoire des femmes – de toutes les femmes.
C’est une histoire politique de l’intime. C’est l’histoire de la domination masculine et du patriarcat ; l’histoire d’hommes qui se servent du corps des femmes, avec ou sans leur consentement ; l’histoire de la solitude des femmes, des retards de règles, des escaliers que l’on descend à toute vitesse, ou encore des tours de vélos que l’on fait toujours plus vite, en imaginant qu’ils permettront de se débarrasser d’une grossesse dont on ne veut pas.
Toutefois, c’est aussi l’histoire de la solidarité des femmes ; l’histoire de la sororité ; l’histoire des gynécées ; l’histoire du savoir des femmes, notamment de leur savoir médical, souvent qualifié de sorcellerie…
Cette histoire, c’est la nôtre. C’est l’histoire qui nous a faites femmes et qui nous a faites féministes. C’est notre mémoire collective. Je me réjouis qu’elle devienne aujourd’hui une mémoire partagée et reconnue. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Mes chers collègues, le vote qui aura lieu dans quelques instants ne vaut bien sûr pas solde de tout compte ; il nous oblige pour aujourd’hui et pour demain.
En cette période à tout le moins difficile pour l’hôpital public, nous devons veiller avec une attention particulière aux fermetures de lits : ces mesures ne sauraient en aucun cas être décidées au détriment de l’accès au service public pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse. Il y va de l’égalité des Françaises sur l’ensemble du territoire national.
Tel est l’appel que j’adresse au Gouvernement. Je ne doute pas que Mme Bergé le transmettra à sa collègue chargée de la santé.
Cette proposition de loi, que nous nous apprêtons à adopter, mérite bien sûr d’être saluée, mais les travaux de la future commission auront sans doute plus d’importance encore.
Les recherches scientifiques ainsi menées permettront de recueillir cette mémoire et de consolider cette histoire. Or elles supposent non seulement des moyens financiers, mais aussi l’ouverture de certains fonds d’archives.
Les chercheurs, les universitaires notamment, constitués en équipes pluralistes, pourront dès lors poser un regard objectif sur l’histoire de ces Françaises, qui appartient à l’histoire de France. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l’avortement, et par toutes les femmes, avant la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de la grossesse.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 237 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 340 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur l’ensemble des travées.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Rénovation énergétique du bâti ancien
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien, présentée par M. Michaël Weber et plusieurs de ses collègues (proposition n° 14, texte de la commission n° 425, rapport n° 424).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michaël Weber, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. Michaël Weber, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Victor Hugo disait : « Il est de règle que l’architecture d’un édifice soit adaptée à sa destination » – j’ajouterais à son environnement – « de telle façon que cette destination se dénonce d’elle-même au seul aspect de l’édifice. »
Mes vingt-neuf années de mandat local, au service de la ruralité, du patrimoine et de l’environnement, et la découverte de la France au travers de ses cinquante-neuf parcs naturels régionaux (PNR) m’ont fait constater avec effroi combien la physionomie de nos villes et de nos villages avait changé.
De nombreuses rénovations, parfois désastreuses, contribuent à la standardisation de notre architecture, effaçant lentement les spécificités qui font la beauté de nos régions.
Je sais que, dans cet hémicycle, nous dressons tous le même constat. Les travaux menés tant par Sabine Drexler que par Guillaume Gontard ont montré la nécessité de mieux protéger le bâti ancien et de soutenir la filière des matériaux biosourcés.
Cette proposition de loi transversale lie des enjeux sociaux, environnementaux et culturels. Elle constitue un premier pas pour mieux protéger ce qui contribue depuis si longtemps à l’attractivité de la France.
Il est urgent de mener un vaste effort de réhabilitation.
Réhabiliter les bâtis anciens, c’est encourager une architecture, un urbanisme et un aménagement du territoire de qualité, respectueux de l’humain, de la nature et du patrimoine. Promouvoir la maison paysanne traditionnelle, réinvestir les centres-villes anciens et les centres-bourgs, c’est renouer avec des méthodes de construction plus écologiques.
Avec cette proposition de loi pour une réhabilitation responsable du bâti ancien, nous souhaitons, à notre échelle, contribuer à réinventer un espace de vie collectif et durable, accessible à tous, concourant à créer les conditions d’une meilleure cohésion sociale.
Le bâti ancien, dans sa conception bioclimatique, est résolument moderne. Sa réhabilitation et son entretien mettent à profit l’économie circulaire, l’artisanat et les ressources locales, ce qui contribue, ce faisant, au dynamisme de nos territoires.
Mettre en valeur le déjà-là, c’est promouvoir un logement qui vit avec son environnement en obtenant naturellement ce que l’on peine à reproduire artificiellement à grand renfort d’équipements énergivores.
Le bâti ancien est innovant dans sa capacité à favoriser la circulation naturelle de l’air, à optimiser l’accès à la lumière, à bénéficier de la fraîcheur de la végétation comme de la chaleur de l’ensoleillement, et en réduisant les déperditions. C’est un mode constructif cohérent, favorable aux conforts d’été et d’hiver, tirant profit de l’inertie thermique de murs porteurs à la fois lourds et épais, de la régulation naturelle de l’humidité et de l’organisation intérieure des espaces. Or des réaménagements massifs ou inadaptés peuvent annihiler ces qualités intrinsèques.
Réhabiliter le bâti ancien, c’est également veiller à préserver ses qualités écologiques. Les édifices en question sont majoritairement construits à l’aide de matériaux biosourcés, naturels et peu transformés, ayant parfois la propriété de stocker le carbone.
Le bois, le torchis, le pisé, la terre crue, le roseau, le chanvre ou encore la paille sont ainsi parfaitement adaptés aux enjeux du bâti ancien. Ces matériaux se révèlent aussi performants que les isolants synthétiques ou minéraux.
Privilégier ces isolants biosourcés permet d’éviter l’usage systématique de matériaux issus des énergies fossiles, dépendant de transports polluants et inadaptés à la rénovation des bâtis anciens.
En recouvrant de vieilles pierres d’un enduit en ciment, en apposant des plaques de polystyrène sur les murs ou en remplaçant des menuiseries en bois par des fenêtres en PVC, l’on provoque des dégâts irrémédiables. Les matériaux nobles pourrissent sous la couche de matière synthétique, menaçant la structure même de l’édifice et la santé de ceux qui y vivent. À cet égard, nous sommes probablement à la veille d’un scandale sanitaire.
Réhabiliter l’ancien, c’est œuvrer à la construction de logements durables, à une plus grande sobriété énergétique et à un meilleur confort pour les occupants.
C’est aussi contribuer à un urbanisme circulaire, moyen tout à fait viable d’éviter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, en utilisant mieux l’existant.
C’est, enfin, lutter contre la vacance et la sous-occupation, non seulement pour produire de nouveaux logements, mais aussi pour revitaliser des villages, des bourgs et des centres-villes anciens.
Il s’agit bien sûr d’une politique ambitieuse : privilégier le réemploi plutôt que le neuf, opter pour des matériaux de qualité, faire appel à une main-d’œuvre plus qualifiée et plus artisanale a un coût, ne serait-ce qu’au titre de la formation. Nous devons inciter l’État à soutenir financièrement les plus modestes, afin que le confort thermique ne soit plus un luxe et ne soit pas acquis au détriment des qualités et de la durée de vie du logement.
Mes chers collègues, plus de quatre millions de personnes sont mal logées en France, voire sont tout simplement sans logis. Il est urgent de créer les conditions d’un accès abordable à un logement de qualité pour tous.
La réhabilitation du déjà-là est l’une des solutions pour lutter contre le mal-logement et la précarité énergétique. En ce sens, notre proposition de loi est résolument moderne. À preuve, l’architecture contemporaine s’inspire très souvent des modes constructifs anciens, privilégiant des matériaux sains.
Mes chers collègues, je sais pouvoir compter sur vous pour défendre cette modernité renouvelée, éclairée par la richesse de notre patrimoine bâti. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jean-Pierre Corbisez, M. Yannick Jadot et Mme Marie-Laure Phinera-Horth applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylviane Noël, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les 37 millions de logements que compte la France, plus de 7 millions sont des passoires énergétiques, classées F ou G au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE). Si l’on y ajoute les logements classés E, qui seront interdits à la location en 2034, ce nombre atteint même les 15 millions.
Les logements anciens, construits avant 1948, représentent un tiers du parc national et une grande partie des passoires thermiques : deux tiers d’entre eux sont classés E, F ou G.
Ainsi, plus de 7 millions de logements classés E, F ou G relèvent du bâti ancien. Ils représentent la moitié de ce parc. À l’inverse, deux tiers des logements construits après 2013 sont classés B ou C.
Nous sommes donc face à un « mur de rénovations énergétiques » à réaliser. Il faut agir vite, c’est incontestable ; mais il ne faut bien sûr pas agir n’importe comment.
Nous avons tous en tête l’exemple des maisons alsaciennes à colombages isolées à l’aide de matériaux inadaptés. Au-delà de l’atteinte esthétique infligée à ces édifices, les travaux inappropriés provoquent diverses pathologies, comme des moisissures, car ils empêchent les matériaux traditionnels de « respirer ».
Ces travaux dommageables traduisent une forte méconnaissance du bâti ancien de la part de certains professionnels. Dès 2023, notre collègue Sabine Drexler, sénateur du Haut-Rhin et membre de la commission de la culture, a tiré la sonnette d’alarme. Dans son rapport Patrimoine et transition écologique : d’une pierre deux coups, elle plaidait pour la prise en compte des spécificités constructives du bâti ancien en vue de sa rénovation énergétique, ainsi que pour la préservation de ses qualités patrimoniales.
Notre collègue soulignait également les conséquences néfastes d’une rénovation énergétique inadaptée au bâti ancien : celles-ci sont esthétiques, culturelles, patrimoniales, mais aussi économiques et financières, puisque le soutien pécuniaire de l’État à la rénovation énergétique est vain s’il cible des travaux inadaptés.
En l’état actuel du droit, afin de tenir compte des contraintes patrimoniales et architecturales, les obligations de rénovation énergétique des logements issues de la loi Climat et Résilience sont assorties d’exceptions. Ces dernières ont d’ailleurs été introduites sur l’initiative de la commission des affaires économiques du Sénat.
Néanmoins, ces exceptions concernent les logements protégés au titre du code du patrimoine ou du plan local d’urbanisme (PLU).
Or de nombreux bâtiments d’intérêt patrimonial et culturel pour nos territoires, construits avec des matériaux traditionnels, comme les maisons à colombages, ne bénéficient pas de cette égide.
Notre commission a donc salué l’initiative de notre collègue Michaël Weber, laquelle s’inscrit dans la lignée des constats et recommandations de Sabine Drexler, confirmés par ceux de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. Celle-ci a rendu ses conclusions à l’été 2023 ; Guillaume Gontard était son rapporteur et Dominique Estrosi Sassone sa présidente.
Je salue la qualité du dialogue et l’efficacité des échanges que j’ai eus avec Michaël Weber : cela nous a permis de parvenir à un accord sur le texte au stade de l’examen en commission.
Nous avons donc abouti à un équilibre : il s’agit de prendre en compte les spécificités constructives des bâtiments anciens et de préserver leurs qualités patrimoniales, sans créer d’instabilité ou de complexité normative. En effet, cette proposition de loi vise à limiter les effets de bord sur le bâti ancien et patrimonial de la loi Climat et Résilience, non à créer de nouvelles contraintes ou des surcoûts supplémentaires pour des propriétaires souvent modestes.
L’article 1er a pour objet l’introduction d’une définition du bâtiment ancien dans la loi, ainsi que la prise en compte du confort d’été et d’hiver.
L’article 2 tend, quant à lui, à adapter l’actuel diagnostic de performance énergétique (DPE) aux spécificités constructives du bâti ancien, en précisant qu’il prend en compte les caractéristiques hygrothermiques des matériaux.
À l’article 3, est mentionnée l’exigence de compétences supplémentaires spécifiques pour les auditeurs des bâtiments anciens, lorsque ces derniers présentent un intérêt patrimonial. En effet, même si des efforts ont été accomplis récemment, les connaissances des diagnostiqueurs sur les matériaux et les techniques traditionnels du bâti ancien sont bien souvent très insuffisantes.
Enfin, à l’article 5, afin de tenir compte du contexte budgétaire extrêmement tendu déterminant le montant alloué à MaPrimeRénov’, la commission demande un rapport au Gouvernement portant sur le soutien financier à la rénovation énergétique du bâti ancien.
Cet appui pourrait notamment passer par les outils que sont MaPrimeRénov’ ou les certificats d’économies d’énergie (C2E), aides qui pourraient également être couplées et rapprochées, comme le préconisait la commission d’enquête sur la rénovation énergétique. La communication de ce rapport serait aussi l’occasion de disposer de davantage de données chiffrées concernant le surcoût associé à une rénovation respectueuse du bâti ancien.
Tel est, mes chers collègues, le fruit des travaux de la commission, dont je vous propose d’adopter le texte, car il témoigne d’une volonté de préserver l’équilibre entre les intérêts patrimoniaux de nos territoires et nos objectifs de transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le retard de ma collègue Valérie Létard, qui est retenue dans les transports.
Le ministre chargé des relations avec le Parlement que je suis ne résiste pas au plaisir de souligner que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, malgré son opposition au Gouvernement, trouvera auprès de ce dernier un soutien à ce texte d’intérêt général.
Nous sommes en effet réunis aujourd’hui pour aborder un sujet crucial pour notre patrimoine et notre avenir : la rénovation énergétique du bâti ancien. Cette proposition de loi s’inscrit ainsi dans une démarche essentielle pour notre pays, visant à concilier la préservation de notre héritage architectural avec les impératifs de la transition énergétique et de la sauvegarde du pouvoir d’achat des ménages.
Le bâti ancien, qui représente plus d’un tiers de notre parc immobilier, est un témoignage vivant de notre histoire et de notre savoir-faire. Il est également un outil d’attractivité qui fait la richesse de nos territoires et le reflet de techniques et de matériaux qui ont traversé les siècles.
Toutefois, s’ils sont des éléments essentiels de notre patrimoine culturel, les bâtiments concernés doivent, eux aussi, s’inscrire dans la lutte contre le changement climatique. En effet, leur rénovation est une nécessité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi les factures d’énergie. Dans le prolongement de vos propos, madame la rapporteure, il s’agit également de fournir des logements aux Françaises et aux Français, qui en ont cruellement besoin aujourd’hui.
Un bâtiment bien isolé, qu’il soit ancien ou non, aboutit à une baisse des consommations d’énergie et à la préservation du pouvoir d’achat des ménages.
Toutefois, il faut avoir l’honnêteté de le dire : si certains bâtiments anciens, grâce à l’usage de matériaux particuliers, sont très performants, d’autres sont de véritables passoires thermiques. Ainsi, en France, au 1er janvier 2024, quelque 29 % des résidences principales construites avant 1948 sont des passoires énergétiques classées F ou G selon le DPE, contre 14 % pour la moyenne des logements.
Il nous faut donc rénover ces édifices, mais pas n’importe comment. En effet, la rénovation du bâti ancien présente des défis uniques, car les qualités intrinsèques, notamment hygrothermiques, des bâtiments concernés doivent être préservées. Une rénovation inadaptée peut non seulement réduire l’espérance de vie de ces bâtiments, mais aussi nuire au confort et à la santé de leurs résidents.
Ainsi, une isolation thermique mal conçue, utilisant des matériaux inappropriés comme le polystyrène, peut provoquer une accumulation d’eau dans les murs, entraînant des pathologies pour les occupants.
De même, le remplacement de fenêtres en bois, qui assurent une circulation essentielle de l’air et de l’humidité, par des fenêtres en PVC peut entraîner des effets de condensation et de moisissure. Ces exemples montrent l’importance de prendre en compte les spécificités du bâti ancien dans les projets de rénovation.
Les ministères du logement et de la culture sont bien conscients de ces sujets, sur lesquels ils travaillent main dans la main. Ainsi, le Gouvernement a publié, la semaine dernière, un guide à l’attention des diagnostiqueurs immobiliers qui tend à mieux prendre en compte le bâti ancien dans le cadre du diagnostic de performance énergétique.
Cette proposition de loi, déposée par le sénateur Michaël Weber, que je salue et remercie, vise à combler l’une des lacunes de la législation actuelle en adaptant certaines exigences de rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien.
Le texte comprend, notamment, des définitions claires de l’expression « bâtiment ancien », ainsi qu’une réévaluation des priorités de travaux pour ce type de construction. Il a également pour objet de mieux prendre en compte les spécificités du bâti ancien en vue du DPE.
Au sujet du DPE, permettez-moi de rappeler que la ministre chargée du logement a lancé, cette semaine, un plan de dix mesures pour fiabiliser le diagnostic et lutter contre la fraude. Nous serons intraitables avec les diagnostiqueurs qui réalisent des DPE de complaisance et nous renforcerons la formation, notamment initiale, avec la création d’un cursus postbac. Je suis évidemment favorable à ce que cette formation intègre les techniques de rénovation du bâti ancien.
Je ne puis terminer cette intervention sans évoquer le nerf de la guerre, à savoir les financements. En général, rénover un logement ancien coûte cher, notamment du fait du prix des matériaux respectueux du bâti ancien.
Or il est essentiel que ces travaux soient réalisés avec des matériaux adaptés, souvent locaux et à faible impact environnemental, pour garantir une rénovation durable et efficace.
Le recours à ces matériaux favorise une économie locale qui concourt à la vitalité des territoires, tout en réactivant les savoir-faire traditionnels. Ce sont d’ailleurs souvent les collectivités locales qui savent le mieux quel matériau employer ou quelle filière soutenir sur leur territoire.
Comme ces matériaux coûtent plus cher, je vous annonce la parution, ce jour, d’un décret qui permettra aux collectivités de davantage financer le dispositif MaPrimeRénov’, en plus de l’aide nationale. Ce complément financera, notamment, des bonifications pour l’emploi de matériaux spécifiques, comme on le constate d’ores et déjà dans de nombreux territoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de cette proposition de loi est l’occasion de montrer que la transition énergétique peut aller de pair avec la préservation de notre patrimoine.
Ce texte est le fruit d’une réflexion approfondie et d’une volonté commune de trouver des solutions pragmatiques et équilibrées. En adaptant nos politiques de rénovation aux spécificités du bâti ancien, nous pouvons non seulement améliorer l’efficacité énergétique de notre parc immobilier, mais aussi préserver notre héritage culturel pour les générations futures.
Je vous remercie de votre attention et de votre soutien à cette initiative essentielle pour notre avenir commun. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)