M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la transition écologique fait l’objet de plusieurs échéances importantes.

La première d’entre elles est l’année 2030, quand nous devrions avoir divisé par deux nos émissions de CO2, afin de remplir nos objectifs européens et d’affronter l’urgence climatique dans le cadre du plan Fit for 55. Pour atteindre cet objectif, nous avons discuté, au cours de la semaine dernière et au début de celle-ci, de la réduction de l’artificialisation des sols, démarche indispensable pour protéger la biodiversité, limiter les îlots de chaleur et réduire les risques d’inondation.

Nous débattons aujourd’hui des émissions de CO2 des logements et du bâti anciens, alors que le secteur du bâtiment est responsable de 25 % à 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Il est donc fondamental de rénover, alors que plus de 7 millions de logements sont considérés comme des passoires thermiques, comme le mentionne le rapport de la commission et comme l’a rappelé Mme la rapporteure.

Les logements classés G sont interdits à la location depuis le 1er janvier de cette année, alors que ceux qui sont classés F le seront en 2028 et ceux qui sont classés E en 2034. Parmi ces logements, nous retrouvons ceux qui relèvent du bâti ancien, patrimonial, caractéristique. Le texte dont nous discutons tend à le définir comme regroupant les constructions réalisées avant 1948 avec des matériaux et techniques traditionnels.

Ainsi, selon ces critères, la moitié des 15 millions de logements qui seront interdits en 2034 pourraient être considérés comme des bâtiments anciens. Cependant, faut-il à ce titre les exonérer de rénovation et condamner à la précarité énergétique leurs résidents ? Certainement pas.

Il est tout à fait nécessaire de soutenir la rénovation énergétique. Il nous faut mener cette bataille si nous voulons affronter les dangers du dérèglement climatique et des catastrophes qui en découlent. Nous en avons largement parlé lors des récentes inondations, et je crains que nous n’ayons, à l’avenir, besoin d’alerter encore sur ce sujet.

Il faut donc prévoir des moyens et tenir compte de la réalité du bâti pour ne pas démolir et reconstruire des bâtiments déjà sur pied, alors que nous connaissons une pénurie de logements sans précédent. Par conséquent, il convient de privilégier la rénovation lorsqu’elle est possible, en préférant davantage l’usage des matériaux biosourcés au polystyrène ou au polyuréthane.

L’ancienneté des logements doit être prise en compte dans l’Hexagone, mais également en outre-mer, y compris en intégrant les conditions climatiques particulières des collectivités concernées, comme celle de La Réunion. Tel est le sens de l’amendement de mon groupe, qui sera présenté tout à l’heure.

Dans une certaine mesure, cette proposition de loi va dans le bon sens, car il s’agit d’encourager tout le monde à rénover, y compris lorsque c’est difficile, lorsque le bâti est spécifique. Or c’est le cas pour les logements construits il y a un siècle.

Cependant, les difficultés techniques trouvent souvent des réponses économiques, dès lors que nous nous en donnons les moyens – je vous ai bien entendu, monsieur le ministre… À ce titre, je regrette que les subventions supplémentaires inscrites dans le texte initial par nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain aient été supprimées en commission, alors qu’elles sont la clé pour conserver un patrimoine de qualité sans rogner sur les performances énergétiques.

Nous espérons que la situation évoluera positivement, par exemple lors du débat autour du prochain projet de loi de finances. En attendant, mon groupe votera en faveur de cette proposition de loi, attendue par nombre de nos concitoyennes et concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et INDEP. – M. Michel Masset applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l’équation est claire : construire un immeuble nécessite soixante-dix fois plus de matériaux et produit cinq fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’une réhabilitation. Les rendez-vous du siècle nous imposent donc de ne démolir qu’en dernière extrémité, de focaliser nos efforts sur la transformation de l’existant et de construire moins, beaucoup moins » : voilà ce que déclare l’urbaniste Sylvain Grisot dans son ouvrage Réparons la ville !

Face à ce constat, nous saluons la présentation de cette proposition de loi, dans laquelle sont reprises une partie des préconisations de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, dont le rapporteur était Guillaume Gontard et la présidente Dominique Estrosi Sassone.

Rappelons tout d’abord que plus de 80 % de la ville de demain existent déjà : voilà ce qui doit faire l’objet de l’essentiel de nos efforts dans l’adaptation au dérèglement climatique. Par exemple, à Paris, plus de 80 % du bâti existant date d’avant 1948. À l’échelle nationale, sur 37 millions de logements, 15 millions sont des passoires énergétiques, et la moitié de ces dernières relèvent du bâti ancien.

L’enjeu est donc immense. Il nécessite la mobilisation des savoirs et des matériaux que le simplisme du béton avait jusqu’à récemment effacés de nos mémoires et de nos chantiers.

Les bâtiments anciens sont le reflet de l’identité et du patrimoine de nos régions, comme Michaël Weber l’a bien rappelé. Ils doivent être préservés et rénovés en respectant nos savoir-faire autant que l’environnement, grâce à l’utilisation de matériaux bio et géosourcés, dont ils sont composés à 90 %.

Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires défendront donc un amendement tendant à remettre ces matériaux au cœur de la rénovation du bâti ancien. Votre annonce, monsieur le ministre, devrait inciter les membres de notre assemblée à l’adopter. En effet, vouloir définir le bâti ancien sans privilégier fortement ces matériaux serait une erreur, y compris parce que ces filières sont en plein essor.

Ainsi, la filière biosourcée, pour le bâtiment, représente déjà plus de 4 000 emplois directs et indirects sur le territoire français. Comme vous le savez certainement, le volume des isolants biosourcés est en progression de près de 100 % depuis quatre ans. Rappelons encore que ces matériaux durables ne sont pas uniquement prédisposés à la rénovation de l’ancien et progressent aussi beaucoup dans le neuf.

Nous regrettons par ailleurs, à l’issue du rejet d’un amendement en ce sens, que nous n’abordions pas suffisamment cette proposition de loi sous l’angle de la formation des professionnels du secteur, y compris les architectes, à ces techniques de rénovation.

La rénovation thermique des bâtiments est le chantier du siècle. Elle devrait d’ailleurs être incluse dans la stratégie de sécurité globale de notre pays. Souveraineté énergétique, décarbonation de l’économie, artisanat et économie des territoires, ainsi que, évidemment, pouvoir d’achat, confort et habitabilité des logements hiver comme été sont en effet concernés.

Pourtant, le budget pour 2025 de MaPrimeRénov’ a enregistré une nouvelle baisse d’un tiers par rapport à 2024, passant de 3,1 milliards d’euros à 2,1 milliards d’euros. Nous regrettons, en outre, le remplacement par une demande de rapport de l’aide supplémentaire ciblée pour le bâtiment ancien, alors qu’il s’agissait de l’une des recommandations du rapport de la commission d’enquête précédemment mentionnée.

Malgré ces réserves, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi, qui a pour objet de fonder un urbanisme plus sobre fondé sur la rénovation et la réhabilitation.

Je terminerai en reprenant les propos de Christine Leconte, ancienne présidente de l’ordre des architectes : « Proposons de réparer cette ville, au lieu de chercher à en construire une autre. »

Elle affirme également que : « Réparer, c’est aussi prendre soin, comprendre l’histoire des lieux et ce qui nous lie aux autres générations. Les lieux fabriquent des liens qui permettent de créer ensemble une société plus solidaire et conviviale. » (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE-K et RDPI. – M. Michel Masset applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2021, nous ne cessons de rectifier, de préciser et de corriger les écueils et mesures inapplicables de la loi Climat et Résilience.

La semaine dernière, nous examinions la proposition de loi Trace, visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux. Aujourd’hui, nous débattons du bâti ancien, dont les spécificités ne sont pas prises en compte dans le DPE. Enfin, dans deux semaines, nous examinerons une proposition de loi visant à éviter certaines situations d’insécurité juridique liées aux obligations de rénovation énergétique.

Une leçon peut en être tirée : fixer des objectifs ambitieux est impératif, mais se donner les moyens de les atteindre l’est tout autant. Soyons clairs : il est indispensable de réduire les répercussions des bâtiments sur l’environnement. Nous devons rénover, réhabiliter et mieux isoler nos constructions, qu’elles soient nouvelles ou anciennes, afin d’améliorer leur efficacité énergétique. Mais encore faut-il le faire intelligemment et avec pragmatisme. Or c’est bien là que le bât blesse.

Comment pouvons-nous, en effet, évaluer la performance énergétique d’un édifice datant du début du siècle dernier avec la même grille d’évaluation que celle qui est utilisée pour des constructions récentes ? Tout cela est insensé.

Pourquoi inciter à des rénovations utilisant des méthodes d’isolation modernes, inadaptées au bâti ancien ? Cette approche nous pousse à privilégier des matériaux qui présentent in fine un impact environnemental fort et qui dénaturent notre patrimoine.

C’est pourquoi cette proposition de loi, qui tend à prendre en compte les spécificités du bâti ancien, est parfaitement judicieuse.

Nous nous réjouissons des ajouts opérés par Mme la rapporteure, notamment la nécessaire prise en compte des spécificités thermiques du bâti ancien dans le diagnostic de performance énergétique. Il est en effet indispensable de considérer ses atouts, notamment hygroscopiques et d’inertie thermique, mais en demeurant toujours pragmatique, c’est-à-dire en ne créant pas un nouveau cadre spécifique, complexe et contraignant.

L’objectif doit rester la simplification et la cohérence. Cette dernière impose que les travaux de rénovation proposés s’inscrivent dans le respect des spécificités des bâtis ancien. En revanche, inciter à l’utilisation de matériaux modernes pour leur rénovation est une aberration totale. Par exemple, remplacer une fenêtre en bois par son équivalent en PVC ou changer certaines menuiseries plutôt que de les traiter relève de l’absurde.

Par ailleurs, nous devons aussi simplifier. Ainsi, restaurer un édifice ancien suppose des connaissances spécifiques : il convient de connaître les savoir-faire et les matériaux traditionnels. Faut-il, cependant, mobiliser un architecte des bâtiments de France (ABF) pour chaque audit ? Personnellement, je ne le crois pas.

En revanche, il est essentiel que les auditeurs disposent de connaissances techniques adaptées, afin de conseiller au mieux les propriétaires.

Rappelons toutefois qu’un bâtiment ancien n’est pas forcément d’intérêt patrimonial. Comme cela a été rappelé en commission, tous les bâtis ne se valent pas. Aussi, nous soutenons que c’est uniquement lorsque ces édifices présentent un fort intérêt patrimonial qu’il est souhaitable de faire appel à l’auditeur. Là non plus, ne tombons pas dans une rigidité excessive, laquelle, pour régler un problème, en créerait un autre et complexifierait encore la vie de ceux qui veulent rénover. Aidons et incitons les propriétaires à la rénovation !

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, parce que ce texte tend à l’efficacité et à la simplification de la vie des Français, le groupe Les Indépendants – République et Territoires, fidèle à sa philosophie, le votera avec enthousiasme. (M. Michel Masset applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sabine Drexler. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais évoquer le cas de la maison de Buschwiller, un village situé au sud du Haut-Rhin, le long de la frontière avec la Suisse, qui illustre de manière édifiante la menace qui pèse aujourd’hui sur le patrimoine bâti ancien en France. Sa situation est symptomatique d’une tendance préoccupante, qui sera largement évoquée lors de nos débats : la difficulté à concilier préservation du patrimoine, enjeux économiques, réglementations actuelles et transition énergétique.

Ainsi, en novembre 2022, une maison du XVIe siècle, recouverte de crépi et affublée d’annexes, qui n’avait plus l’air de rien, ou presque, devait être démolie pour permettre la réalisation d’un lotissement. Cependant, elle a été sauvée grâce à la vigilance de deux passionnés d’architecture rurale, dont l’inspection clandestine a révélé, sous le crépi et à l’arrière des annexes, une structure en pan de bois datant de 1554, caractérisée par des éléments architecturaux remarquables et des bois de forte section en parfait état.

Face à l’urgence de la situation, une mobilisation citoyenne s’est rapidement organisée, et suffisamment de fonds ont été collectés pour procéder au démontage méthodique de la maison avant le jour programmé de sa démolition.

Elle sera très prochainement remontée au Parc de la Maison alsacienne à Reichstett, dans le Bas-Rhin, offrant ainsi une perspective sur l’architecture alsacienne du XVIe siècle. Cette initiative met en exergue l’importance de la vigilance et de la mobilisation collectives pour la sauvegarde du patrimoine architectural de nos régions.

Nous allons, nous aussi, faire preuve de ces qualités, ce soir, en examinant ce texte, qui contribuera, je l’espère, à faire prendre la pleine mesure des dangers pesant aujourd’hui sur le patrimoine bâti de notre pays. Ainsi, nos maisons anciennes ne finiront pas toutes en décharge ou dans des écomusées, car leur vraie place est là où elles ont été construites.

L’Alsace est une région reconnue pour ses maisons traditionnelles, qui font partie de son identité culturelle et attirent, chaque année, des millions de touristes. Pourtant, 300 d’entre elles disparaissent chaque année, soit par démolition, comme ce qui a failli arriver à Buschwiller, soit à la suite de rénovations inappropriées, qui portent atteinte à leur structure au point de les condamner quelques années plus tard à la démolition. Ce phénomène s’est encore accéléré avec la loi Climat et Résilience, dont nous mesurons tous qu’elle a des effets pervers qui n’ont pas été anticipés.

Face à ce constat, l’on peut relever plusieurs problématiques, à commencer par le manque de protection dont bénéficie ce petit patrimoine, y compris la grande majorité des maisons traditionnelles. Dès lors, tout peut arriver ! Ces bâtisses peuvent ainsi faire l’objet de travaux inappropriés ou être détruites sans que l’on puisse s’y opposer.

Ensuite, réhabiliter une maison ancienne en vue de la louer peut coûter plus cher que des travaux classiques, ce qui pousse certains propriétaires à privilégier la démolition, faute d’aides financières couvrant ce surcoût.

Enfin, la pression foncière et immobilière se fait sentir. Ainsi, dans certaines zones, notamment à Buschwiller, les terrains se négocient à des prix déraisonnables. Cela incite les propriétaires, non pas à réhabiliter leur bien, mais à le vendre, ce qui peut se révéler bien plus rentable en termes financiers, mais conduit, à terme, à la disparition complète des maisons traditionnelles.

Ce triste constat trahit une funeste ironie du sort : on sacrifie aujourd’hui des maisons pour des motifs écologiques, alors qu’elles sont éminemment durables, car le bâti ancien l’est par essence, et qu’elles répondent, depuis des siècles, aux logiques écologiques que l’on tente aujourd’hui d’imposer.

Pour tenter d’endiguer ce phénomène, il convient de prendre plusieurs mesures d’urgence. Tout d’abord, l’adaptation du DPE au bâti traditionnel doit passer par des normes et des calculs qui prennent en compte leur performance réelle, plutôt que des modèles standards inadaptés.

Ensuite, un soutien renforcé, y compris financier, est nécessaire aux rénovations adaptées et aux matériaux compatibles avec le bâti ancien.

Enfin, il faut assurer la transmission des savoir-faire, en valorisant les métiers du patrimoine et en développant les formations qui permettent de les exercer, mais aussi en encourageant les communes à identifier et à protéger leur patrimoine bâti.

À cette fin, sensibiliser les habitants permettra à ces derniers de comprendre l’importance de la conservation du bâti traditionnel, car, avec sa disparition et l’uniformisation progressive des paysages de nos régions, on prive celles-ci d’une partie de leur héritage et de leur art de vivre.

Le bâti traditionnel incarne une intelligence constructive, dont nous devons désormais nous inspirer. À nous donc de faire de la transition énergétique une chance.

Je me réjouis que les propositions que j’ai formulées dans mon rapport de 2023, que j’ai remis au ministre de la transition écologique, ainsi que celles du rapport de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, présidée par Dominique Estrosi Sassone, soient aujourd’hui débattues.

Je ne doute pas que, ensemble, nous réussirons à faire progresser notre législation, certes à petits pas, mais dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michaël Weber applaudit également.)

M. le président. Je salue l’arrivée en séance de Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement, qui remplace M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à concilier performance énergétique et préservation du bâti ancien, un enjeu central de notre transition écologique et de la valorisation de notre patrimoine architectural.

Je tiens à saluer l’initiative de notre collègue Michaël Weber, ainsi que le travail approfondi mené par la commission des affaires économiques. Je remercie également Mme la rapporteure, Sylviane Noël, de son engagement pour l’amélioration de ce texte.

Nous avons en commun, ici, cette conviction : le bâti ancien constitue une richesse pour notre pays, en milieu urbain comme en milieu rural. Cependant, il est également un défi de taille en matière de rénovation énergétique, car il ne saurait être traité comme le bâti plus récent.

Nous avons collectivement affirmé notre engagement pour la transition énergétique au travers de la loi Climat et Résilience de 2021. Toutefois, force est de constater que les spécificités du bâti antérieur à 1948 ont été insuffisamment prises en compte dans les dispositifs de rénovation, comme l’a souligné la commission d’enquête sénatoriale relative à l’efficacité des politiques publiques en la matière. Il est donc impératif d’adapter nos outils et nos méthodes aux réalités du terrain.

Aujourd’hui, de nombreux propriétaires de bâtiments anciens sont confrontés à des injonctions contradictoires et subissent des obligations de rénovation qui ne tiennent pas compte des caractéristiques techniques et patrimoniales de leurs biens. De plus, les aides auxquelles ils pourraient prétendre sont mal calibrées, voire inadaptées. Ce constat appelle donc des ajustements législatifs.

C’est sur ce point que cette proposition de loi est particulièrement importante et pertinente : elle porte des avancées majeures, à commencer par l’inscription des définitions des notions de bâtiment ancien et de matériau biosourcé et géosourcé dans le code de la construction et de l’habitation. Le cadre juridique ainsi clarifié nous permettra d’adapter aux réalités du bâti ancien nos exigences en matière de performance énergétique.

Les articles 2 et 3 apportent également des réponses essentielles, en intégrant ces spécificités au sein du DPE et dans les audits énergétiques.

Par ailleurs, l’article 5 pose une question cruciale, celle du soutien financier. S’il est nécessaire de l’adapter aux rénovations du bâtiment ancien, il convient d’en évaluer l’opportunité.

Enfin, nous devons accorder une attention particulière aux territoires ultramarins, dans lesquels les spécificités climatiques et architecturales imposent des approches sur mesure.

La réglementation thermique, acoustique et d’aération de 2010 a permis des avancées, notamment en favorisant la ventilation naturelle pour limiter l’usage de la climatisation. Ce type d’adaptation doit inspirer notre approche du bâti ancien dans son ensemble.

Le groupe RDPI soutiendra donc ce texte pragmatique et utile pour les rénovations de nos bâtis anciens.

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le bâti ancien représente un tiers du parc de logement pour 39 % de sa consommation d’énergie. Ses performances en la matière en font donc un gisement important d’économies d’énergie, ainsi qu’un levier non négligeable de lutte contre la précarité énergétique.

Pourtant, les outils mis à disposition par le législateur en matière de rénovation énergétique sont uniformes pour l’ensemble des types de bâtis et se révèlent donc inadaptés au bâti ancien, au point de menacer sa préservation.

Le bâti ancien exige une approche qui soit non pas exclusivement énergétique, mais qui inclue les dimensions techniques, environnementales et patrimoniales. Ce n’est qu’en conciliant tous ces paramètres que l’on préservera ses qualités historiques, architecturales, techniques, ses performances intrinsèques et son confort en été comme en hiver.

Nous devons veiller à ne pas créer de déséquilibres et prendre impérativement en considération le fait qu’il relève d’un système constructif particulier, vernaculaire, ayant recours à des matériaux naturels locaux et peu transformés, à base de pierres, de bois ou de terre cuite ou crue.

C’est pourquoi ce texte, en faisant évoluer le DPE pour tenir enfin compte des qualités constructives du bâti ancien, notamment de ses spécificités thermiques et des caractéristiques hygrothermiques des matériaux le composant, constitue un pas nécessaire vers une transition plus juste. Il y va tout simplement de l’acceptabilité d’une politique souhaitable, mais qui, pour réussir, exige d’être comprise et non contestée en raison des exigences issues de sa mise en œuvre.

Soyons vigilants à ne pas laisser notre volonté de répondre de manière rapide et massive aux défis posés par l’urgence climatique nous conduire dans une impasse, d’autant que le bâtiment ancien, souvent dégradé, est occupé majoritairement par des publics précaires.

S’il n’est pas question de contester le bien-fondé du DPE, ni les contraintes, voire les sanctions, imposées aux logements identifiés comme des passoires thermiques, ce système nécessite une adaptation au bâti ancien.

Le risque est désormais que les résultats du DPE obtenus dans ce type de bâtiments, ainsi que l’interdiction progressive de la location des passoires thermiques, ne débouchent sur une vacance accrue des logements dans le bâti ancien, voire sur un basculement de ces derniers vers des locations de courte durée, par exemple des meublés touristiques.

Ce phénomène d’éviction du logement locatif permanent, déjà présent dans certaines communes, constitue une source d’injustice pour les milliers de Français bloqués dans leur parcours résidentiel, mettant à mal le pacte social et menaçant la solidarité et la cohésion nationale.

Ce bâti ancien compose l’essentiel des habitations dans les centres-bourgs, par exemple dans le Lot-et-Garonne. À cause de ces dispositions, les locations sont réduites et les biens concernés sont mis en vente à prix réduit, sans trouver de repreneurs.

C’est pourquoi, pour lutter contre la désertification programmée de nos centres-bourgs et de nos villes, où se trouvent la plupart des habitats anciens, et contre la disparition d’une partie de notre patrimoine par la perte de savoir-faire, il est nécessaire de mieux concilier les objectifs de la rénovation thermique avec ceux de la préservation du patrimoine bâti.

Cette proposition de loi va dans le bon sens et nous la voterons, même si nous craignons que la réécriture proposée de l’article 5 la vide quelque peu de son sens. Nous serons ainsi particulièrement attentifs aux différentes solutions que proposera le rapport.

Le soutien financier aux travaux et dépenses en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments anciens est en effet indispensable pour les ménages les plus modestes, donc essentiel pour son acceptabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.

Mme Marie-Lise Housseau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la rénovation énergétique des logements s’est progressivement imposée comme une politique publique essentielle située au carrefour des différents défis auxquels nous devons faire face.

Tout d’abord, elle répond à un enjeu environnemental, dans la mesure où le bâtiment constitue le troisième secteur d’émissions de gaz à effet de serre, avec 18 % des émissions nationales et 45 % de la consommation finale énergétique.

Ensuite, elle répond à un enjeu social, dans un pays où 30 % des ménages ont souffert du froid en 2023, au sein des 5,2 millions de logements considérés comme énergivores.

Enfin, elle répond à un enjeu économique, dans un contexte où nous devons repenser notre modèle d’aménagement des territoires. En effet, si 80 % des logements de 2050 existent déjà, les deux tiers d’entre eux sont mal isolés.

Alors que les surfaces constructibles deviennent de plus en plus rares, le dérèglement climatique et la dévitalisation des centres-bourgs nous imposent de mener une politique plus rigoureuse en matière de rénovation, y compris énergétique.

À de multiples reprises, et de plus en plus fréquemment, le législateur s’est interrogé sur l’orientation et sur l’ambition à donner à cette politique. Qu’il s’agisse d’accélérer, d’assouplir ou de supprimer le calendrier de rénovation des passoires thermiques, voire de donner des marges de manœuvre aux acteurs publics ou privés pour atteindre les objectifs, les normes législatives et réglementaires en la matière fluctuent en fonction des crises, alors que le secteur du bâtiment demande de la stabilité et de la simplification.

C’est dans ce contexte qu’un rapport d’information de la commission de la culture sur le patrimoine et la transition écologique a conclu, en juin 2023, que la législation actuelle ne tenait pas suffisamment compte des qualités du bâti ancien, à l’exception des bâtiments historiques.

La présente proposition de loi découle de ce travail. Elle aborde le cas du bâti ancien, une catégorie regroupant les bâtiments achevés avant 1948, qui représente un tiers de notre parc national. Ce type de bâtiment est singulier : il est composé de matériaux naturels et exige une réhabilitation spécifique, incompatible avec les techniques et les matériaux utilisés sur le bâti moderne.

Autrement dit, le bâti ancien nécessite des procédés de réhabilitation rigoureux et individualisés, afin d’améliorer la performance énergétique des lieux, tout en conservant ses qualités intrinsèques et sa valeur patrimoniale. Tels sont les principaux objectifs de cette proposition de loi.

Pour y répondre, ce texte propose d’inscrire dans le marbre la définition de bâtiment ancien, qui se caractérise par une faible empreinte environnementale. Cette proposition de loi précise également que le DPE et les propositions de travaux de réhabilitation doivent tenir compte des qualités du bâti ancien, une adaptation souhaitable dans un contexte où les outils de confiance comme le DPE et le label RGE – pour reconnu garant de l’environnement – sont dévalorisés et incompris par les propriétaires.

Si la logique du stop and go en matière de politique de rénovation des logements, caractérisée par les coups de rabot sur les budgets de MaPrimeRénov’, explique largement que nous ne remplissions pas nos objectifs annuels de rénovation, ne nions pas le rôle de la défiance des particuliers envers certains indicateurs et outils complexes, comme le DPE et le RGE, comme frein au déclenchement des travaux. Et je n’aborde même pas le reste à charge, qui représente en moyenne 65 % des dépenses engagées.

Cette proposition de loi adapte également les modalités de l’audit énergétique aux bâtiments anciens, en imposant que les propositions de travaux soient adaptées aux contraintes architecturales et patrimoniales pesant sur l’édifice concerné. Cette exigence se double d’une attente de compétences supplémentaires spécifiques au bâti ancien. Cette dernière mesure est alignée avec l’impératif d’un vaste plan national et ambitieux de formation à la rénovation énergétique des logements, proposé dans un rapport d’information de l’Assemblée nationale en octobre 2023.

Enfin, cette proposition de loi demande au Gouvernement un rapport sur les possibilités de soutien financier spécifiques à la rénovation du bâti ancien. Au-delà de la problématique du reste à charge, cette question doit être abordée de manière plus large et ambitieuse.

L’idée d’une planification pluriannuelle pourrait ainsi être expertisée afin de donner des perspectives budgétaires à toute la filière, laquelle pourrait alors monter en puissance et en compétences. Nous pourrions également nous inspirer de modèles étrangers, comme celui d’une banque publique de la rénovation garantie par l’État, qui existe outre-Rhin, en lieu et place des établissements bancaires, lesquels sont trop frileux dans ce domaine.

En définitive, cette proposition de loi nécessaire repose sur deux fondements. D’une part, elle répond aux problématiques posées par le poids du bâti ancien dans le parc de logements et par les singularités des réhabilitations à y effectuer ; d’autre part, elle nous rappelle les multiples défis qui jalonnent notre politique, tels que la formation, la simplification et le financement.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (M. Michel Masset applaudit.)