Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues
Après l’article unique (début)

Article unique

I. – Le code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L. 12-1 est ainsi modifié :

a) Le 2° du II est complété par les mots : « ou descendants » ;

b) Le III est ainsi modifié :

– au début, sont ajoutés les mots : « Lorsque le vote a lieu dans le cadre d’une circonscription unique ou pour les opérations référendaires, » ;

– les mots : « ou au secteur » sont supprimés ;

2° Au dernier alinéa de l’article L. 79, les mots : « ou au secteur » sont supprimés ;

3° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 388, la référence : « n° 2024-536 du 13 juin 2024 renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate » est remplacée par la référence : « n° … du … relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues ».

II. – Le I est applicable à compter du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la publication de la présente loi.

III. – Les éventuelles conséquences financières pour l’État résultant du I sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Par le présent amendement, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires entendent s’opposer à l’affaiblissement des conditions d’exercice du droit de vote des personnes détenues.

En supprimant la possibilité pour les personnes détenues de voter par correspondance lors des élections municipales et régionales, le rapporteur porte atteinte, selon nous, à l’exercice du droit de vote des détenus.

Pérennisé et généralisé par la loi organique du 29 mars 2021, le droit de vote par correspondance pour les personnes détenues constitue une réelle avancée et un succès, de très bons taux de participation ayant été constatés par la suite. Cette loi a notamment permis aux détenus de ne plus avoir à accomplir des démarches administratives compliquées pour exercer leur droit de vote.

Jusque-là, les détenus pouvaient voter selon deux modalités complexes, incertaines et largement dissuasives : soit par procuration, soit après avoir obtenu une permission de sortir, qui était dans les faits très peu accordée pour ce motif.

Au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, selon l’Observatoire international des prisons (OIP), les détenus ont été 11 229 à voter par correspondance. Ce nombre traduit la très forte augmentation de l’exercice du droit de vote qu’a permise cette nouvelle modalité, puisque les détenus n’avaient été que 3 000 à participer à l’élection présidentielle de 2007.

Lors des dernières élections, le taux de participation aux élections des personnes détenues françaises, majeures et non déchues de leurs droits civiques a continué de croître : ce taux était de 22,4 % aux élections européennes de 2024 et respectivement de 21,8 % et 19 % lors des deux tours des élections législatives anticipées de 2024.

Supprimer cette modalité revient donc à les priver de l’exercice de leur droit de vote, surtout pour les personnes en détention provisoire, qui ne sont pas éligibles à la permission de sortir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Louis Vogel, rapporteur. Mon cher collègue, l’objectif d’augmenter la participation des détenus aux élections est évidemment tout à fait louable, et nous le partageons tous, mais il est très difficile à mettre en œuvre, comme Marie-Pierre de La Gontrie l’a parfaitement exposé tout à l’heure.

L’augmentation de la participation ne saurait être une fin en soi : il faut que le vote ait un sens démocratique. Or un vote sans lien avec des projets, avec un territoire, n’a aucune portée démocratique.

Pour toutes ces raisons, je ne peux être que défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Vous savez bien, monsieur le sénateur Benarroche, que je me fais un principe de ne jamais me montrer désagréable à votre endroit, mais l’avis du Gouvernement sur votre amendement ne peut être que défavorable.

Pour justifier cet avis, je veux d’abord citer une information de caractère général sur le vote par correspondance qui est ouvert aux Français de l’étranger : le taux de nullité y est de 25 % ! Si le principe du vote par correspondance n’a jamais été retenu pour quelque élection que ce soit dans l’Hexagone, et ne le sera pas de sitôt, c’est d’abord à cause des considérables enjeux de sécurité que cette méthode soulève. Si, dans les années qui viennent, on acquiert la capacité de sécuriser totalement un vote électronique, les choses évolueront, bien sûr, mais ce n’est pas possible à ce jour.

Pour en revenir à l’objet de votre amendement, notre objectif est que les détenus puissent voter, pour les élections locales, dans la commune où ils résidaient avant leur détention. À cette fin, nous favorisons le régime des procurations. Tout cela fonctionne aujourd’hui avec une grande facilité, puisque toutes les modalités ont été extrêmement assouplies.

Il me semble que personne ne veut empêcher les détenus de voter, sauf évidemment ceux à qui cela a été interdit par la justice. Nous sommes tous très attachés à la faculté offerte aux autres détenus d’accomplir leur devoir civique ; cela ne pose pas de difficulté.

Voilà, monsieur le sénateur, ce qui justifie notre avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par M. L. Vogel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

le vote a lieu dans le cadre d’

par les mots :

la République forme

La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis Vogel, rapporteur. Cet amendement technique a pour objet de préciser la notion de circonscription unique qui figure dans le texte.

La formulation proposée vise ainsi à garantir que seules les élections organisées à l’échelle nationale pourront faire l’objet d’un vote par correspondance des personnes détenues, avec un bureau de vote dérogatoire.

S’il faut le formuler ainsi, c’est tout simplement parce que, aux termes des articles L. 558-3 et L. 558-7 du code électoral, la Guyane et la Martinique peuvent également former des circonscriptions électorales uniques. Comme nous n’entendons pas faire entrer ces élections locales dans le champ du dispositif, il convient de préciser qu’il ne s’applique qu’aux élections nationales.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Il est favorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique, modifié.

(Larticle unique est adopté.)

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues
Après l’article unique (fin)

Après l’article unique

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article 723-3 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La permission de sortir est accordée de plein droit en période d’élections dans lesquelles la circonscription est locale, pour que le condamné puisse exercer son droit de vote. »

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement d’appel a pour objet de favoriser la permission de sortir pour motif électoral, qui est l’une des modalités d’exercice du droit de vote des détenus.

La permission de sortir pour ce motif est, dans les faits, très peu accordée : selon l’Observatoire international des prisons, 200 permissions ont été accordées pour l’élection présidentielle de 2017 et 113 pour les élections législatives de la même année. Pour les élections européennes de 2019, année de la première expérimentation du vote par correspondance, ce nombre était tombé à 55.

Tous les détenus ne sont pas éligibles à la permission de sortir, à commencer par les personnes placées en détention provisoire, qui représentent tout de même quelque 30 % de la population carcérale. Aussi, seules les personnes condamnées à une peine de prison inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que les individus qui, condamnés à une peine supérieure, en ont d’ores et déjà effectué la moitié, ou les deux tiers en cas de récidive, peuvent demander une permission de sortir.

Or l’effectivité du droit de vote des personnes détenues dépend de la mise en pratique de modalités simples et accessibles, ainsi que de démarches administratives simplifiées. Le nombre limité de permissions de sortir accordées pour motif électoral porte ainsi gravement atteinte à l’exercice de leur droit de vote. Pour rappel, 93 % des personnes détenues qui ont voté à l’élection présidentielle de 2022 ont voté par correspondance.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Louis Vogel, rapporteur. La permission de sortir exige un contrôle de proportionnalité. On ne peut pas accorder une permission de sortir automatiquement, sans appréciation par le magistrat du degré de dangerosité du détenu. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, après avis du directeur de l’établissement. Il me semble vraiment tout à fait irréaliste d’accorder des permissions générales.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. De deux choses l’une : soit la disposition proposée a vocation à être inscrite dans la loi, soit c’est un amendement d’appel ou, si je puis dire, une déclaration d’intention de votre part, monsieur le sénateur. (M. Guy Benarroche en convient.)

Je n’en dois pas moins pointer une difficulté de fond : avec une telle disposition, on se placerait dans une situation où l’autorité judiciaire ne pourrait plus apprécier valablement la situation d’un détenu. C’est un enjeu extrêmement compliqué. Le droit à cette permission est naturellement ouvert, dans son principe, mais le juge doit en apprécier l’opportunité selon la dangerosité de la personne détenue et au regard de ses conditions de détention.

Dès lors, monsieur le sénateur, afin de nous épargner le déplaisir d’un nouvel avis défavorable, je ne peux que vous inviter à retirer votre amendement. (Sourires.)

Mme la présidente. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?

M. Guy Benarroche. Je comptais bien le retirer, monsieur le ministre, car il s’agit effectivement d’un amendement d’appel, au moyen duquel je souhaitais montrer à quel point le vote par correspondance apparaît indispensable.

Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 2 est retiré.

L’amendement n° 5, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À titre expérimental, un bureau de vote est ouvert dans des établissements pénitentiaires afin de permettre aux personnes détenues d’exercer leur droit de vote en personne.

Un rapport d’évaluation de l’impact de la mesure sur le taux de participation des détenus et les éventuelles difficultés logistiques rencontrées est remis au Parlement dans un délai d’un an après la première échéance électorale concernée.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Par cet amendement, nous demandons qu’un bureau de vote soit ouvert, à titre expérimental, dans des établissements pénitentiaires.

Nous avons déjà eu des échanges à ce sujet avec le rapporteur en commission. L’on sait que les seuls pays où la participation des détenus est plus forte sont ceux où il y a des bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires. Il faut se décider et passer à l’acte.

Nous proposons donc cette expérimentation, et nous demandons un rapport d’évaluation de l’effet de cette mesure sur le taux de participation des détenus ; ce rapport identifierait aussi les éventuelles difficultés logistiques rencontrées par l’administration pénitentiaire.

Certes, je sais bien que le Sénat ne vote jamais de demandes de rapport ; Philippe Bas nous expliquait que cela posait un problème constitutionnel. Je veux bien, mais M. le ministre pourrait peut-être, à tout le moins, s’engager à nous transmettre des éléments pour que nous sachions très précisément quelles sont les difficultés ; ainsi, nous pourrions progresser sur cette voie.

Tel est le sens de cet amendement ; de son sort dépendra notre vote sur l’ensemble du texte : s’il est adopté, nous voterons pour ; sinon, nous nous abstiendrons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Louis Vogel, rapporteur. Ce qui est demandé existe déjà pour les élections nationales à circonscription unique…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais non ! Pas partout !

M. Louis Vogel, rapporteur. … et on le maintiendra.

En revanche, pour les élections locales, nous avons estimé que les inconvénients du système l’emportaient sur ses avantages ; nous l’avons donc supprimé pour ces scrutins.

En revanche, pour ce qui concerne votre demande au Gouvernement, je serais très favorable à ce que le ministère réalise une étude sur ce sujet afin de faire évoluer les choses et d’aboutir, comme vous l’avez suggéré tout à l’heure, madame de La Gontrie, à une solution plus optimale, puisque nous convenons qu’aucune des solutions actuelles n’est satisfaisante.

La commission émet donc un avis défavorable, mais je laisse M. le ministre répondre plus précisément à votre seconde demande.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Il n’y a pas de suspense, madame de La Gontrie : les choses sont assez claires.

Tout d’abord, le vote par correspondance au sein d’un lieu de détention existe déjà et ce texte le maintient pour les élections nationales. Ces scrutins sont toujours organisés dans les lieux de détention, cela ne pose aucune difficulté. Nous estimons donc que les choses sont déjà assez précises dans le texte.

Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Quant à votre souhait particulier de recevoir du Gouvernement des éléments d’appréciation de la situation, cela ne me pose aucune difficulté non plus, dans le souci du respect du contradictoire, mais je suis forcé de renvoyer la balle à la Chancellerie et au garde des sceaux ; cependant, j’appuierai volontiers votre demande auprès d’eux.

Mme la présidente. Madame Marie-Pierre de La Gontrie, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Évidemment, madame la présidente !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’instauration des bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de présenter Marie-Pierre de La Gontrie. Il est seulement un peu moins ambitieux, puisque nous demandons non pas une expérimentation, mais uniquement un rapport. Vous me direz, ce n’est pas cela qui va nous garantir un avis favorable de la commission…

L’instauration de bureaux de vote en prison n’a jamais été expérimentée en France. Elle a en effet été jugée trop complexe pour des raisons pratiques et sécuritaires, en tout cas pour les votes aux élections locales.

C’est pourtant possible, puisque certains pays, comme le Danemark et la Pologne, ont choisi cette modalité pour l’exercice du droit de vote des personnes détenues. En Pologne, le taux de participation des personnes détenues en capacité de voter est bien plus élevé grâce à ce système : il était de près de 60 % lors des élections législatives de 2011.

L’absence d’urnes dans les prisons françaises n’est pas sans conséquence, puisque les personnes détenues doivent exprimer leur choix avant le reste de la population française, et même avant le début de la période de réserve électorale, ces deux jours de trêve médiatique instaurés afin de « garantir la sincérité du scrutin et d’éviter toute forme de pressions intempestives sur les électeurs ».

Par ailleurs, les bulletins sont dépouillés à la Chancellerie, ce qui, au moins symboliquement, peut poser question, de même que le choix du ministère de la justice de publiciser le résultat des votes des détenus comme une catégorie à part, alors que, pour le reste des votants, les résultats sont donnés par bureau de vote, donc selon un critère géographique et non par catégories d’électeurs.

Cet amendement est inspiré des travaux de l’Observatoire international des prisons

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Louis Vogel, rapporteur. Sur le fond, le débat vient d’avoir lieu ; sur la forme, il n’est pas de la tradition de notre assemblée d’inscrire dans la loi des demandes de rapport. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Il est défavorable, mais je n’en voudrais pas moins, monsieur le sénateur, vous fournir quelques explications.

Premièrement, vous l’aurez compris après nos débats, le vote dans les lieux de détention existe.

Deuxièmement, pour ce qui est des élections locales, imposer des isoloirs et des urnes dans les lieux de détention serait par principe contraire à l’objet du présent texte, puisque cela impliquerait de rattacher à nouveau ce corps électoral spécifique à la commune d’implantation de l’établissement pénitentiaire ou au chef-lieu de département ; or, c’est bien cela qui coince. Si, en retenant plutôt la solution de la commune de résidence antérieure, on devait avoir une urne et un isoloir pour chaque commune susceptible de recevoir le vote d’un détenu, sincèrement, on ne saurait comment s’y prendre.

Quoi qu’il en soit, pour ce qui est de cette demande de rapport, même si nous y sommes défavorables, nous vous fournirons volontiers les éléments d’analyse dont vous aurez besoin.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que, le jour du vote, chacun d’entre vous, en tant que parlementaire, peut se rendre dans une maison d’arrêt ou dans tout autre lieu de détention pour voir comment les choses se passent : c’est parfois très intéressant !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. Je voudrais à nouveau remercier l’ensemble des groupes politiques du Sénat. Les échanges que nous avons eus m’ont paru très intéressants.

Je veux en outre remercier mon collègue Antoine Lefèvre d’avoir salué l’ambition humaniste de mon texte. Telle était en effet mon ambition en déposant ce texte, mais celui-ci avait également une visée politique importante, comme l’a relevé M. le ministre en évoquant l’exemple de Lille.

Mes remerciements vont aussi à mes collaborateurs, ainsi qu’à ceux qui ont assisté le rapporteur Louis Vogel ; nous avons pu, tous ensemble, travailler de concert sur ce texte.

Monsieur le ministre, je reconnais m’y être prise un peu tardivement, mais il faut aller vite si l’on veut que ce texte s’applique lors des élections municipales de mars 2026. Dès lors, il faudrait qu’il soit inscrit très rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Je compte sur votre soutien pour ce faire. Ainsi, nous pourrons assurer l’équité devant le vote dès ces élections municipales ; cet enjeu politique, me semble-t-il, nous rassemble tous.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre. Il est évident, madame la sénatrice, que nous allons essayer d’inscrire ce texte le plus rapidement possible à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Nous en prenons l’engagement. Nous devons sans aucun doute faire aboutir ce texte, et nous ne désespérons de rien.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Après l’article unique (début)
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Revente de billets pour les manifestations sportives et culturelles : quelles actions pour protéger les consommateurs et lutter contre les fraudes et la spéculation ?

Débat organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, sur le thème : « Revente de billets pour les manifestations sportives et culturelles : quelles actions pour protéger les consommateurs et lutter contre les fraudes et la spéculation ? ».

Je vous rappelle que dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Madame la ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. Cédric Chevalier, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Cédric Chevalier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, imaginez que vous ayez acheté des places pour un spectacle. Vous vous êtes organisés des mois à l’avance, mais peu avant le jour J, patatras : la tuile, l’imprévu, la mouche dans le lait !

Au regard des sommes en jeu, vous souhaitez trouver un moyen d’être remboursé, ou, à défaut, de récupérer au moins une partie de la somme versée, quitte à revendre moins cher vos billets pour ne pas tout perdre et en faire profiter quelqu’un d’autre. Vous retournez sur le site d’achat, mais aucun remboursement n’est possible, aucune autre solution n’est offerte. Pis, revendre ces billets à un particulier vous place dans l’illégalité !

Mes chers collègues, tout cela, c’est du vécu ! J’ai fait cette expérience malheureuse il y a quelques années. C’est elle qui m’a incité à creuser le sujet. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que, hélas ! j’étais malheureusement loin d’être le seul à avoir connu cette situation.

Bien des jeunes, en particulier, la subissent et nombre d’entre eux, pour pallier cette carence, utilisent les réseaux sociaux pour s’en sortir, ce qui les expose à des risques d’arnaque.

Tout s’est ensuite accéléré. Au mois de juin dernier, je posais – avec une certaine naïveté, je le reconnais – une simple question écrite sur le sujet. Cette question, à ce jour, demeure sans réponse… Vous me répondrez, madame la ministre, que vous n’occupiez pas ces fonctions à l’époque. Je le reconnais, et je tiens à vous remercier, ainsi que vos équipes, de votre écoute et de l’accueil que vous avez réservé à ma démarche.

À l’origine, mon interrogation portait simplement sur la revente de billets pour une manifestation sportive. Plus précisément, je m’inquiétais qu’un organisateur puisse interdire à un particulier de revendre son billet pour un prix inférieur à la valeur faciale de celui-ci.

Face à l’absence de réponse à ma question écrite, j’ai poursuivi ma réflexion et déposé une proposition de loi encadrant l’activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance, ce qui incluait les événements sportifs et culturels.

Mon objectif alors était simple : donner à un consommateur la possibilité de revendre un billet à un prix inférieur plutôt que de perdre totalement son investissement, tout en favorisant l’accès du plus grand nombre, en particulier ceux qui n’en auraient pas forcément eu les moyens, à la culture.

C’est une question non seulement de pouvoir d’achat, mais également d’égalité d’accès aux loisirs et à la culture comme d’égalité entre ceux qui peuvent se permettre de perdre de l’argent et les autres.

Cette proposition de loi visait à revoir l’article 313-6-2 du code pénal, qui interdit la revente de billets sans autorisation des organisateurs. En d’autres termes, sans leur accord, aucune revente n’est possible.

Cette initiative parlementaire a eu au moins deux mérites : d’une part, mettre en lumière un sujet connu, mais éludé, d’autre part, susciter des réactions des professionnels concernés.

Si ma proposition était perfectible – je le reconnais volontiers –, les auditions menées ont révélé un point essentiel : le droit actuel n’est guère satisfaisant.

En résumé, je peux dire que cette soulève d’importantes questions juridiques, pour le consommateur comme pour l’organisateur.

Ainsi, en cas d’imprévu, le consommateur est dans l’impossibilité de revendre sereinement son billet. Bien pis, il peut être victime de fraudes sur les plateformes de revente : billets non valides, prix spéculatifs, etc. Quant à l’organisateur, il fait face à des pratiques déloyales, favorisées et renforcées par la digitalisation : achats massifs de billets pour les revendre plus cher, fraudes, spéculations outrancières, de telles pratiques nuisant à son image. Ces dérives ont d’ailleurs donné lieu à plusieurs contentieux dont la presse s’est fait largement écho.

Les représentants de l’UFC-Que Choisir que j’ai rencontrés à ce sujet ont particulièrement insisté sur les fraudes et la spéculation auxquels les consommateurs risquent d’être confrontés, tels des prix artificiellement gonflés ou des billets invalides.

Ils nous ont également alerté sur le manque de transparence et sur les difficultés de référencement sur internet. Face à la multitude de plateformes et à leur puissance en matière de référencement et de visibilité sur le web, comment les organisateurs peuvent-ils lutter ? Et comment un consommateur de bonne foi peut-il s’y retrouver et faire la distinction entre les plateformes mandatées par les organisateurs et les sites frauduleux revendant des billets à des tarifs exorbitants ? Cette confusion entretient un climat de défiance, voire d’insécurité pour les acheteurs.

Face à ces constats, plusieurs pistes m’ont été suggérées lors de mes différents entretiens, notamment l’interdiction de la revente de billets au-dessus de leur valeur faciale et de toute revente avant le lancement officiel de la billetterie. Ces mesures garantiraient une billetterie plus juste et transparente, protégeraient les consommateurs et préserveraient les intérêts des organisateurs, tout en évitant le no show.

J’ai donc préféré l’organisation de ce débat à l’examen de ma proposition de loi, parce que toutes les auditions et les différentes rencontres ayant révélé l’ampleur des changements législatifs à envisager. L’adoption du texte que j’avais initialement déposé aurait eu des effets en cascade, dont il est important de maîtriser tous les contours.

L’encadrement des pratiques ne peut en effet se limiter à une autorisation de revente. Il doit s’accompagner de garanties sur la traçabilité des billets, la clarté des transactions et la responsabilité des plateformes. Sans ces garde-fous, on risque d’aggraver le problème.

L’objectif du débat est clair : poser les bases d’une évolution législative protégeant les consommateurs et les organisateurs.

Quel système vertueux mettre en place ? Plutôt qu’un remboursement ingérable, il faut prévoir un mécanisme sécurisé de revente. Cela permettrait de lutter contre la spéculation et de rassurer l’ensemble des acteurs du milieu.

Les organisateurs pourraient mettre en place ces dispositifs, en internalisant ou en externalisant les procédures, tout en conservant leur liberté contractuelle. Les évolutions devraient, par conséquent, les amener à développer eux-mêmes des mécanismes de revente des billets entre particuliers. Certains d’entre eux ont d’ailleurs déjà mis en place des solutions vertueuses et efficaces. Il faut les saluer et s’en inspirer.

En effet, les auditions menées ont aussi révélé la diversité des situations dans lesquelles se trouvent les organisateurs, d’importantes différences étant constatées selon la taille de l’événement et le caractère sportif ou culturel de la manifestation en question, ce qui n’est pas sans poser certaines difficultés pour le texte législatif à adopter.

La mise en place de systèmes de revente pour les manifestations culturelles et sportives, quand ils ne sont pas déjà prévus, ne peut être que bénéfique pour le consommateur comme pour les organisateurs eux-mêmes.

En étant la principale interface des consommateurs en cas d’imprévu, ce dispositif leur permettra de mieux contrecarrer les pratiques déloyales des plateformes de revente pratiquant la fraude, de lutter contre les marchés parallèles et la spéculation à la hausse sur les prix des billets.

Pour autant, si cette modification est nécessaire, elle ne suffira pas. En ce sens, le renforcement des sanctions et des dispositifs permettant de lutter contre la fraude et la spéculation à la hausse des prix des billets apparaît comme une autre priorité.

Mes chers collègues, notre droit doit évoluer. Je vous ai présenté des pistes de réflexion issues de mon travail : il faut inciter les organisateurs à développer eux-mêmes des mécanismes de revente des billets entre particuliers ; interdire la revente de billets au-dessus de leur valeur faciale ; empêcher toute revente avant le lancement officiel de la billetterie ; lutter contre la spéculation et les fraudes.

Cette liste n’est pas exhaustive. Poursuivons ce débat de façon transpartisane et indépendante, avec la bienveillance, la sagesse et l’expérience qui caractérise notre noble assemblée. C’est tout le sens du débat d’aujourd’hui.

Je remercie sincèrement mes collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires de m’avoir offert l’opportunité de l’inscrire à notre ordre du jour aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)