Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir inscrit à l’ordre du jour des travaux de la Haute Assemblée ce débat sur un sujet qui touche à la vie de nos citoyens. L’anecdote que vous avez relatée l’illustre bien.
En effet, il nous faut mener une réflexion sur l’encadrement de la revente des billets. Vous avez commencé à le faire d’abord en posant une question écrite, laquelle, vous l’avez rappelé, était adressée à mon prédécesseur, puis en menant des auditions et en déposant une proposition de loi. Finalement, vous avez préféré organiser ce débat, reconnaissant l’existence de multiples obstacles juridiques et de difficultés d’approche sur un certain nombre de points.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette évolution dans votre réflexion. Votre travail montre qu’il est nécessaire de s’attaquer à ce problème.
Je rappelle que 42 % des Français de moins de 35 ans se déclarent coutumiers de ces pratiques, qui se sont développées en 2024 à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques.
Je suis tout à fait favorable à ce que soient engagés une concertation et un dialogue entre les organisateurs, les plateformes, les parlementaires, donc bien entendu, vous-même, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la revente illégale de billets est un problème croissant. Elle menace l’intégrité des événements sportifs et culturels et met en danger les consommateurs.
Je remercie le groupe Les Indépendants – République et Territoires, en particulier Cédric Chevalier, d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.
Le 28 mai 2022, la finale de la Ligue des champions entre Liverpool et le Real Madrid aurait dû être une fête du football. Elle a tourné au chaos.
Des milliers de supporters, munis de billets authentiques, ont été pris dans d’interminables files d’attente. Les contrôles étaient désorganisés. Certains ont même été victimes d’agressions. Résultat, un coup d’envoi retardé de plus de trente minutes et une mise en lumière des failles du dispositif de sécurité.
Une enquête indépendante de l’UEFA a conclu à une mauvaise planification. Elle a pointé la responsabilité majeure de l’organisation dans ces défaillances.
Ces événements ont terni l’image de notre pays et ébranlé la confiance des spectateurs, mais ce sont surtout nos habitants qui ont subi ces violences inacceptables.
La protection des consommateurs et la fraude à la billetterie sont des problématiques de plus en plus récurrentes qui nous obligent à agir. Or notre arsenal législatif n’est pas suffisant.
En effet, en dépit de la loi du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles, les plateformes illégales prospèrent. Elles vendent des billets à des prix exorbitants, parfois pour des places inexistantes.
Il est donc impératif de réfléchir à une nouvelle législation autour de trois axes.
D’abord, il faut renforcer les contrôles et les sanctions. Les services compétents doivent être mieux dotés en moyens. Ainsi, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) doit pouvoir intensifier ses contrôles. Quant aux sanctions, elles doivent être alourdies.
Ensuite, il faut encadrer la vente en ligne. Nous devons encourager le développement de partenariats entre les plateformes, les organisateurs et les pouvoirs publics. Certaines le font déjà, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons tendre vers une généralisation.
Enfin, il faut sensibiliser le public. Les consommateurs doivent connaître les risques. Les campagnes d’information ont un réel impact sur la limitation de la demande sur le marché noir.
En revanche, il serait malhonnête de dire qu’une simple réponse nationale est suffisante. La fraude ne connaît pas de frontières.
Ainsi, depuis le début de la guerre en Ukraine, les menaces se sont multipliées, visant des institutions culturelles et des infrastructures touristiques. Je ne prendrai qu’un exemple, qui est tout à fait vérifiable. Le site de l’emblématique musée Anne Franck à Amsterdam connaît une multitude de sites miroirs : des répliques parfaites, tenues par des hackers russes, vendent des billets à 800 euros, au lieu de 30 euros. Des centaines de visiteurs sont piégés chaque jour, faute d’un cadre législatif européen suffisant.
Pour lutter contre la fraude à la billetterie, on ne peut plus se contenter de moyens législatifs figés. Il faut s’adapter aux nouvelles pratiques du numérique et aux méthodes toujours plus sophistiquées des fraudeurs.
L’angoisse plane sur chaque grand événement. Chaque scandale abîme la confiance des spectateurs et l’image de nos territoires.
Le groupe du RDSE appelle solennellement à réfléchir à la mise en place d’une législation approfondie, afin de renforcer les contrôles, de responsabiliser les plateformes et d’harmoniser ces règles à l’échelle européenne.
Soyons clairs, cette spéculation pénalise avant tout nos concitoyens, notamment ceux des classes populaires. Les billets de certains événements sont revendus à des prix multipliés par cinq, dix, voire vingt par rapport à leur valeur initiale. Les jeunes, les familles et les passionnés de sport et de culture sont les premières victimes de ces pratiques scandaleuses.
Le sport et la culture doivent rester des espaces de passion, où la spéculation n’a pas sa place. Soyons des arbitres inflexibles. Ne laissons pas les fraudeurs fixer les règles du jeu. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Jean Rochette. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour évoquer un sujet important pour le monde du sport et du spectacle, la revente de billets pour les manifestations sportives et culturelles et les mesures nécessaires pour protéger les consommateurs contre les fraudes et la spéculation.
Je tiens à souligner l’actualité brûlante de cette question, particulièrement après les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, qui ont mis en lumière tant les avantages que les limites de notre système actuel de gestion de la billetterie.
Le contexte nous invite à réfléchir sur l’équilibre de notre cadre législatif.
Notre arsenal juridique, notamment l’article 313-6-2 du code pénal, issu de la loi du 12 mars 2012, interdit la revente habituelle de billets sans l’autorisation des organisateurs, sous peine d’amendes pouvant atteindre 15 000 euros, voire 30 000 euros en cas de récidive.
Cette disposition constitue un pilier important des dispositifs de sécurité des événements sportifs et culturels, tout en soulevant certaines questions d’adaptation aux pratiques contemporaines.
L’expérience des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 illustre ce double constat.
D’un côté, la gestion centralisée de la billetterie a permis d’éviter les incidents dramatiques comme ceux qui sont survenus en 2022, lors de la finale de la Ligue des champions. De l’autre, certains consommateurs ont exprimé des frustrations face à l’impossibilité de revendre leurs billets pour des événements moins populaires à un prix ajusté à la demande réelle.
Mes chers collègues, il est crucial de rappeler que le contrôle des entrées dans les stades et les salles de spectacle est intimement lié à des impératifs de sécurité publique.
Comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel en 2018, de nombreuses mesures de sécurité reposent sur l’identification précise des spectateurs : interdictions d’accès administratives ou judiciaires, contrôle du placement des spectateurs, etc.
Ces dispositifs, établis pour garantir la sécurité des événements, seraient gravement entravés par une libéralisation excessive de la revente sur des plateformes tierces.
Si un consommateur pouvait revendre librement son billet sans contrôle précis, il deviendrait dès lors impossible pour les organisateurs d’assurer que les interdictions d’accès sont respectées ou que les spectateurs sont correctement localisés, ce qui mettrait en péril la sécurité collective.
J’appelle également votre attention sur un élément particulièrement sensible : la gestion du fichier national des interdits de stade (Fnis).
Ce fichier, qui contient les données personnelles des spectateurs, est un outil de sécurité protégé par le règlement général sur la protection des données (RGPD) et sous le contrôle vigilant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Il est accessible uniquement aux clubs et aux organisateurs d’événements. Eux seuls ont la légitimité et la responsabilité d’identifier les personnes faisant l’objet de mesures d’interdiction et de les empêcher d’accéder aux événements.
Permettre aux plateformes tierces d’intervenir dans la chaîne de billetterie impliquerait nécessairement la transmission de données personnelles sensibles à des acteurs extérieurs, ce qui constituerait une violation grave des règles de confidentialité et de sécurité.
De plus, ces plateformes ne disposent pas des outils nécessaires pour garantir une authentification fiable des spectateurs, le risque est donc de créer des failles potentiellement dangereuses dans notre dispositif de contrôle.
Les chiffres du contentieux sont révélateurs des enjeux.
Selon l’analyse menée par le cabinet de Gaulle Fleurance, le contentieux lié à la revente illicite de billets a explosé de 250 % entre 2008 et 2010 et entre 2020 et 2022. Les dommages et intérêts alloués ont atteint des sommets, jusqu’à 1,6 million d’euros au cours de la période 2017-2019.
Ces données témoignent non pas d’un besoin de réforme, mais de l’importance de renforcer nos dispositifs de contrôle et de répression.
Des plateformes comme Ticombo ont récemment engagé des actions judiciaires contre l’UEFA, dénonçant ce qu’elles considèrent comme un abus de position dominante.
Si nous devons accueillir ces arguments avec prudence, il serait également imprudent de les rejeter entièrement sans examen.
Comme le souligne Victoria Binoche, représentante de cette entreprise, « en encadrant trop strictement les pratiques, on ne donne pas d’autres options aux consommateurs que de se tourner vers les réseaux sociaux ou d’autres plateformes de revente où il n’existe aucun encadrement ».
Cette observation mérite notre attention. Cependant, il faut souligner les risques réels associés à une libéralisation excessive.
La revente par des plateformes numériques tierces pourrait alimenter un marché noir et favoriser des pratiques de fraude si elle n’est pas rigoureusement encadrée.
L’expérience, notamment dans le secteur du football, nous a montré que des circuits non régulés peuvent faciliter la circulation de faux billets et la duplication frauduleuse, ce qui engendre de véritables risques pour la sécurité des spectateurs.
Face à ces constats, quelles actions pouvons-nous envisager pour améliorer notre dispositif tout en maintenant ses fondements essentiels ?
Premièrement, nous devons soutenir la DGCCRF dans ses missions de contrôle et de répression des pratiques frauduleuses. Cela passe par un renforcement de ses moyens humains et techniques, afin qu’elle puisse identifier et sanctionner rapidement les plateformes contrevenant à notre réglementation.
Deuxièmement, nous devons encourager les organisateurs d’événements à développer des plateformes de revente officielles plus performantes, plus flexibles et plus accessibles. La billetterie de Paris 2024, même si elle a suscité quelques critiques, a constitué un modèle dont nous pouvons tirer des enseignements. Parmi les améliorations possibles, on pourrait envisager une plus grande souplesse dans la fixation des prix de revente pour les événements moins demandés, permettant aux acheteurs de récupérer une partie de leur investissement.
Troisièmement, nous pourrions étudier la possibilité d’un agrément strict pour certaines plateformes de revente, qui respecteraient un cahier des charges rigoureux en matière de sécurité, d’authenticité des billets et de protection des données personnelles. Ce modèle, qui maintient le principe d’autorisation tout en l’élargissant à des acteurs sérieux, pourrait offrir une voie d’évolution sans que nous ayons à renoncer aux principes fondamentaux de notre système.
Quatrièmement, une campagne d’information à destination du grand public me semble indispensable. Nos concitoyens doivent être sensibilisés aux risques qu’ils encourent en achetant des billets sur des plateformes non autorisées : billets contrefaits, prix excessifs, absence de garantie en cas de problème.
Mes chers collègues, si l’étude OpinionWay révèle que 42 % des Français de moins de 35 ans déclarent revendre régulièrement des billets, c’est le signe d’une pratique sociale établie que nous ne pouvons ignorer. Notre rôle est de l’encadrer efficacement, non de la nier.
La sécurité des spectateurs, la lutte contre la fraude et la protection des données personnelles doivent demeurer nos priorités absolues. Reste que nous pouvons, sans doute, trouver des voies d’amélioration qui répondent aux attentes légitimes des consommateurs tout en préservant l’intégrité fondamentale de notre modèle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Jean Rochette. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)
M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les premiers réseaux de distributeurs, France Billet et Ticketnet, ont vu le jour dans les années 1990. Les organismes de spectacle peuvent alors leur confier des stocks de billets, qui sont ensuite commercialisés dans leurs points de vente. Avec l’avènement du commerce en ligne s’est ouvert le nouveau canal de vente qui fait aujourd’hui l’objet de ce débat : la billetterie en ligne.
Le développement de ce marché s’est depuis fortement accéléré : multiplication des acteurs, nouveaux services de billetterie proposant la prise en charge de la gestion des entrées ou encore de la connaissance des publics et de la communication. Sur les cent treize opérateurs de billetterie que compte ce marché, quatre se taillent la part du lion : France Billet, TicketMaster, See Tickets et Veepee captent ainsi la majeure partie des revenus de la billetterie, leurs parts de marché étant évaluées à plus de 80 %.
La quasi-monopolisation de ces plateformes de billetterie risque de déboucher sur des logiques capitalistiques, étant donné que ces plateformes sont conduites par de grands acteurs financiarisés et motivés par des logiques transnationales.
L’industrialisation du spectacle vivant tout comme des manifestations sportives est d’ailleurs perçue comme une menace par les acteurs tiers. J’en veux pour preuve le cas du spectacle vivant.
Auparavant, les producteurs travaillaient avec des promoteurs locaux, lesquels s’occupaient autant de gros spectacles que de plus petits, cette configuration ayant permis de construire l’un des biens les plus précieux de notre Nation : la diversité culturelle.
Aujourd’hui, la concentration des activités et l’émergence de grands groupes ayant pour objectif principal la rentabilité immédiate conduisent de facto à une mise à l’écart des petits acteurs de diffusion. En outre, fortes de cette position dominante, ces plateformes ont pu développer des pratiques jugées anticoncurrentielles par l’Autorité de la concurrence vis-à-vis tant des organisateurs de spectacle que des spectateurs.
Ainsi, en 2012, la Fnac, France Billet et Tickenet ont été condamnés pour s’être concertés sur le niveau de commissions prises auprès des organisateurs de spectacles. En 2019, la DGCCRF a conduit une enquête pour pratiques commerciales déloyales et clauses abusives dans le secteur de la billetterie en ligne : sur les douze plateformes contrôlées, dix présentaient des anomalies qui ont donné lieu à la rédaction de dix injonctions et de deux procès-verbaux.
C’est en prenant en compte cette double tendance, à la fois la substitution du capital à la culture et au sport et la dépossession numérique progressive au détriment des acteurs sportifs et culturels, que nous pourrons améliorer et encadrer convenablement l’activité des plateformes de reventes. Celles-ci doivent en effet non pas répondre à un objectif de maximisation des recettes et du taux de remplissage, mais plutôt promouvoir et faciliter l’accès des publics à la culture.
Dès lors, une distinction doit être faite au sein de ces plateformes de revente entre le revendeur professionnel et le revendeur occasionnel.
À nos yeux, il n’y aurait aucun sens à réprimer une plateforme dédiée à la revente occasionnelle de particulier à particulier. Il faut en revanche réprimer la revente organisée, spéculative ou frauduleuse. De plus, interdire une plateforme de revente occasionnelle risque d’inciter l’usager à se tourner vers des offres illicites.
En d’autres termes, il s’agit, dans un cas, de faire du « business », dans l’autre, pour les particuliers, de revendre des billets parce qu’ils ne peuvent se rendre à une représentation.
Il nous paraît alors indispensable d’organiser un dialogue entre les organisateurs de spectacles et les plateformes d’échange. Cette concertation pourrait notamment permettre de fixer le nombre de billets par acheteur, de favoriser la traçabilité du billet – code-barre unique, reconnaissance des achats faits par une même carte bancaire – ou encore d’étaler dans le temps la mise en vente des billets pour de grands événements afin de contrecarrer la capacité d’achat massive ou d’anticipation des revendeurs.
Par conséquent, nous sommes favorables à l’encadrement de l’activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le débat de ce jour porte sur la revente de billets pour les manifestations sportives et culturelles, à la suite du dépôt de la proposition de loi de Cédric Chevalier encadrant l’activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance.
La revente de billets pour les événements sportifs et culturels est une pratique qui a pris une ampleur considérable avec l’essor des plateformes numériques. Si elle peut répondre à une demande légitime de flexibilité et de souplesse pour les consommateurs, elle est aussi un terreau fertile pour la fraude, la spéculation et les abus.
Le sujet peut sembler anodin, mais la revente de billets est un enjeu en termes d’accessibilité aux événements sportifs et culturels et de protection des consommateurs.
En France, le cadre juridique est strict : la loi interdit par défaut la revente de billets sans l’autorisation des organisateurs. L’article 313-6-2 du code pénal prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à 15 000 euros d’amende en cas de vente non autorisée, voire jusqu’à 30 000 euros en cas de récidive.
Mise en œuvre par la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles, cette règle vise à empêcher la revente de billets non autorisée et non contrôlée, en préservant le contrôle des organisateurs sur la tarification et la distribution de billets d’événements.
Nous sommes conscients de la nécessité d’un contrôle rigoureux pour contrer la revente abusive. Nous ne pouvons que nous opposer à l’aubaine que constitue pour certains revendeurs la revente à des prix exorbitants de billets qu’ils ont achetés en masse. Un contrôle accru est indispensable pour lutter contre la fraude et les pratiques abusives.
Pourtant, si nous débattons aujourd’hui de cette question, c’est bien parce que des interrogations et des problématiques demeurent.
La loi actuelle restreint l’accès des consommateurs aux options de revente en accordant aux organisateurs un contrôle quasi total.
Dernièrement, lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, la plateforme officielle de revente imposait des règles strictes : interdiction de vendre au-delà du prix d’achat et impossibilité de fixer un prix inférieur, même en cas de demande faible.
Toutefois, interdire strictement la revente ne semble pas une solution viable. La situation laisse à penser que c’est même contre-productif dans l’objectif de lutter contre les abus.
En effet, de nombreux acheteurs se retrouvent légitimement contraints de revendre leurs billets pour des raisons personnelles. Faute de solutions officielles ou lorsque les conditions sont très contraignantes, les consommateurs se tournent vers des marchés parallèles peu sécurisés. C’est à cette occasion que les abus et les arnaques prospèrent. Il est donc essentiel de trouver un équilibre entre la lutte contre la spéculation et la liberté de revente encadrée.
De nombreuses pistes sont à explorer pour tenter de répondre à cette nécessité d’équilibre et de contrôle.
Nous pourrions envisager la mise en place d’une certification pour les plateformes de revente afin de sécuriser les transactions, de garantir la transparence des prix et l’authenticité des billets. Une solution légale et sûre permettrait d’éviter les abus.
Derrière la revente de billets, il y a aussi le combat en faveur de la démocratisation du sport et de la culture. Une régulation juste permettrait aux véritables passionnés de continuer d’accéder aux événements.
Alors que le contexte est à la baisse significative des crédits budgétaires pour le sport et pour la culture, avec la suppression du pass Culture pour les moins de 17 ans, il est de notre responsabilité collective de porter haut et fort la défense de ces secteurs. La culture et le sport doivent rester des espaces de partage et d’émotion accessibles à toutes et tous.
Aussi, profitons de ce débat pour envisager des solutions pérennes d’encadrement des plateformes de revente pour les consommateurs et pour les acteurs du monde sportif et culturel. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE – K. – MM. Cédric Chevalier et Louis Vogel applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous réjouissons du retrait de la proposition de loi encadrant l’activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance, texte dont nous cernions mal l’origine et les objectifs réels et qui revenait à libéraliser une activité sans offrir aux organisateurs et aux consommateurs des garanties suffisantes et acceptables.
Mon intervention portera sur les conditions de revente de billets pour les manifestations sportives et s’articulera autour de deux axes qui me paraissent essentiels.
En tant que législateurs, nous avons la responsabilité d’assurer la protection des droits des spectateurs détenteurs de billets pour leur permettre d’accéder, en toute sécurité, à des manifestations sportives organisées sur le territoire national.
Sur ce sujet nous avançons : le cadre légal se précise.
La loi du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles a constitué une avancée importante dans le domaine de la lutte contre la fraude aux billets de spectacles et d’événements sportifs.
L’incrimination pénale de la revente illicite, désormais codifiée à l’article 313-6-2 du code pénal, a eu un effet dissuasif.
Par ailleurs, des contrôles sont effectués par les services de la DGCCRF et des contentieux contre certains sites de revente ou plateformes d’échange sont engagés.
Toutefois, cette procédure est longue avant d’aboutir à une condamnation et ne constitue pas toujours une réponse suffisamment adaptée pour lutter contre le développement des pratiques frauduleuses, principalement caractérisées par des clauses abusives et des pratiques commerciales trompeuses.
Les incidents survenus aux abords du Stade de France, le 28 mai 2022, lors de la finale de la Ligue des champions, ont occasionné des troubles à l’ordre public et provoqué d’importants risques sécuritaires et sanitaires. Ils ont révélé nos vulnérabilités, mais ont permis d’accélérer le changement.
Le préfet Michel Cadot, alors délégué interministériel aux grands événements sportifs (Diges), recommandait dans son rapport d’enquête d’adopter une chaîne cybersécurisée de vente de billets électroniques, non transférables et personnalisés, uniquement transmis par l’organisateur et munis d’un QR code rotatif utilisant la technologie blockchain.
Après l’adoption de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, un décret a précisé les conditions dans lesquelles les organisateurs de manifestations sportives exposées à un risque de fraude par leur nature ou par leurs circonstances particulières sont soumis à l’obligation de prévoir des titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables.
Les Internationaux de France de tennis et la Coupe du monde de rugby de 2023, entre autres, avaient anticipé ces évolutions. L’organisateur pouvait communiquer directement au titulaire du billet, via son téléphone portable, d’éventuelles alertes ou des messages d’information. Ces dispositifs, également employés l’été dernier lors des jeux Olympiques et Paralympiques, ont concouru au succès de l’événement en assurant une plus grande sécurité des personnes et des biens.
La revente illicite de billets à des fins spéculatives nuit à tout l’écosystème sportif. Elle entame injustement le pouvoir d’achat des Français et obère leur capacité à accéder à des événements qui doivent demeurer populaires. Cette activité a également un impact sur les organisateurs.
L’article L333-1 du code du sport est clair : les organisateurs d’événements sportifs, qu’ils soient associatifs, publics ou privés, sont propriétaires et seuls détenteurs du droit d’exploitation des manifestations sportives qu’ils organisent. Cet article se justifie par les investissements consacrés à la création, à l’organisation ainsi qu’au développement desdits événements. Il s’agit là d’un droit de propriété incorporelle sui generis, comparable à celui que confère sur une œuvre le droit d’auteur.
Déjà fragilisés par un contexte économique atone et par la baisse des financements publics et privés dans le secteur sportif, les organisateurs détenteurs de droit subissent un important manque à gagner, puisqu’ils ne touchent aucune rémunération sur la revente de billets, qui se fait sans leur autorisation par des plateformes avec lesquelles ils n’ont pas contractualisé.
Leur intérêt légitime est de contrôler au plus près l’ensemble de la chaîne de valeur générée par l’événement, dans laquelle la billetterie détient un rôle considérable et représente une recette vertueuse pour les clubs et les instances fédérales. En un mot, l’enjeu est de rester souverain en fixant soi-même ses conditions générales de vente, la politique tarifaire et la politique de rétrocession des billets.
Nombre d’entre eux ont internalisé leur système de billetterie et développé leur propre plateforme de revente ou bourse d’échange, avec des canaux officiels sécurisés de mieux en mieux identifiés et exploités par les consommateurs. La plateforme centralisée de Paris 2024 illustre cette réussite : sur les 12 millions de billets vendus, 874 000 ont été rétrocédés via ce support.
Il nous revient de ne pas déréguler le système au détriment de nos structures fédérales. Aussi sommes-nous favorables au maintien du cadre actuel et nous rejetons ce qui pourrait le fragiliser.