Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que la proposition de loi déposée par notre collègue Cédric Chevalier a suscité beaucoup de réactions, des oppositions, quelques incompréhensions et, au final, un certain soutien ! C’est la preuve que ce sujet est digne d’intérêt et ce débat, nécessaire.

Nous connaissons tous des proches, enthousiastes à l’idée d’assister à un concert, à un match, qui s’empressent d’acheter leurs billets et qui, en raison d’un imprévu, ne peuvent finalement pas assister à l’événement. Dans un certain nombre de cas, ils n’arrivent ni à se faire rembourser leurs billets ni à les revendre. L’objet du texte était de répondre à ces situations.

Ce sujet soulève d’importantes questions en matière de protection des consommateurs, de lutte contre la fraude et la spéculation. Ces spectateurs sont amenés, en dernier recours et en l’absence d’autre solution, à revendre leurs billets sur des plateformes ayant parfois des pratiques répréhensibles, au détriment des organisateurs eux-mêmes. Un marché parallèle s’est mis en place. Cela met en difficulté, d’une part, les consommateurs et, d’autre part, les organisateurs de manifestations culturelles et sportives.

Les auditions menées par Cédric Chevalier ont révélé qu’une modification du cadre législatif était nécessaire, dans l’intérêt à la fois des consommateurs et des organisateurs.

Cette proposition de loi, c’était son premier objectif, visait à revenir sur l’article du code pénal qui interdit les reventes de billets par des tiers, de façon habituelle et en l’absence d’autorisation expresse de l’organisateur. Cet article avait été rédigé pour protéger les consommateurs des pratiques déloyales. Mais, dans les faits, son adoption les empêcherait, lorsqu’ils sont confrontés à des imprévus, de revendre leur billet de façon sereine.

Nous sommes tous d’accord, les organisateurs doivent pouvoir maîtriser les modalités de revente des billets. Eux aussi ont besoin d’être protégés, notamment dans les plus petites structures, lesquelles font face à des plateformes numériques souvent installées à l’étranger et ayant parfois des pratiques délétères.

On en vient au cœur du problème : certains organisateurs font le choix de ne pas mettre en place des systèmes de revente, parfois parce qu’ils ne le peuvent pas. C’est cela qui a contribué au développement d’un marché parallèle, qui expose les consommateurs et les organisateurs.

J’en viens au deuxième enjeu de la réforme : la lutte contre la fraude et la spéculation à la hausse sur les prix des billets. Les auditions ont révélé que certaines plateformes achètent des billets en masse, dès qu’ils sont en vente. Quelques heures plus tard, le site officiel affiche complet, et on connaît la suite : les places sont revendues beaucoup plus cher. C’est vieux comme le monde, sans doute, mais, avec internet, cela prend des proportions industrielles.

Parce qu’il n’est pas acceptable de laisser perdurer ces dérives, il est nécessaire de repenser notre arsenal juridique. Les organisateurs sont victimes de ces pratiques, face auxquelles ils ne disposent pas tous des mêmes leviers. Certains ont réussi à mettre en place des systèmes de revente, d’autres n’y sont pas parvenus. Les moyens financiers ne sont pas les mêmes selon les activités, évidemment. On constate ainsi que le monde du sport s’est adapté plus rapidement que celui de la culture.

Le troisième sujet concerne la nature juridique des billets et les questions de sécurité liées à l’organisation d’un événement. Les billets sont juridiquement considérés comme des droits d’accès à une manifestation sportive ou culturelle. L’organisateur reste maître de l’attribution des billets nominatifs et des accès aux différentes tribunes. Par exemple, le fait que l’organisateur puisse restreindre l’accès à un match sur critère nominatif permet d’éviter de potentielles violences dans les stades.

Mes chers collègues, nous le voyons, une réforme de notre droit est indispensable pour limiter au maximum la fraude, la spéculation et, surtout, pour mieux protéger les consommateurs. Les organisateurs des manifestations culturelles et sportives ont évidemment toute leur place dans ce travail législatif que nous devons entreprendre. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Garnier. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP.)

Mme Laurence Garnier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on dit parfois que le législateur traite de problèmes complexes, qui n’intéressent pas nos concitoyens. Notre débat d’aujourd’hui prouve le contraire. Nous nous adressons en effet à tous les Français qui aiment le sport, la culture, et qui sont directement concernés par les risques de fraude et de spéculation.

La question est de savoir comment protéger le consommateur, et ce à plusieurs niveaux. Il faut d’abord lui permettre, le cas échéant, de revendre des places de concert ou d’événements sportifs auxquels il ne pourrait finalement pas se rendre. Ce niveau de protection est important. Il s’agit aussi de le protéger des fraudes et des spéculations qui limiteraient son accès à ces événements sportifs et culturels : c’est peut-être un niveau encore plus essentiel.

Beaucoup de Français se sont déjà fait avoir, comme on dit, en achetant leurs billets sur des sites de revente illégale. En dix ans, le nombre de litiges concernant de tels achats a triplé. Je remercie le sénateur Chevalier d’avoir mis en lumière ces risques par sa proposition de loi et de les faire ainsi mieux connaître à nos concitoyens.

Avant de faire évoluer la loi, nous avons la responsabilité, en tant que parlementaires, d’analyser d’abord le cadre juridique existant, ses vertus, ses manques, et aussi de tirer les leçons du passé, notamment des événements récents qui ont éprouvé ce cadre juridique.

Le cadre légal existant est défini dans notre code pénal, qui interdit la vente de billets sans l’autorisation du producteur ou de l’organisateur et la punit de 15 000 euros d’amende. Ce cadre légal est fortement contraint, et risque d’être défavorable aux consommateurs dans un certain nombre de cas, du fait du monopole de l’organisateur du spectacle sur la revente. Il risque aussi d’être assez largement contourné par nos concitoyens, qui sont relativement nombreux, madame la ministre, à reconnaître acheter ou revendre des billets, notamment sur les réseaux sociaux.

Le premier objectif est de protéger le consommateur de la spéculation et de la fraude. Pour l’atteindre, nous devons recentrer nos échanges sur ce sujet. Si nous libéralisons le système trop rapidement, les Français nous reprocheront demain, à juste titre, d’avoir ainsi augmenté le nombre de victimes potentielles de fraudes ou de spéculation sur le prix des billets.

Comment les événements sportifs récents ont-ils éprouvé le cadre actuel ? En mai 2022 a eu lieu la finale de la Ligue des Champions entre Liverpool et le Real Madrid. Des centaines de faux billets ont été mis en vente, ce qui a largement contribué à la cacophonie et à l’anarchie généralisée ayant entouré cet événement. Trois mois plus tard, en juillet 2022, le Sénat a publié les conclusions des travaux menés par la commission des lois et la commission de la culture sur les incidents survenus au Stade de France le 28 mai 2022, et formulé un certain nombre de recommandations.

Deux ans plus tard, en juillet 2024, les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris se sont déroulés remarquablement, ce dont chacun ici se réjouit, dans le cadre légal existant. Les organisateurs avaient fait un choix très clair : rester les seuls gestionnaires de la billetterie, grâce à un système entièrement numérique et une plateforme unique de revente officielle, qui a permis la revente de près de 900 000 billets.

Bien sûr, le cadre juridique actuel n’est pas parfait. Notre collègue Cédric Chevalier a tracé des pistes de réflexion pour le faire évoluer. Certaines limites ont été pointées par l’UFC-Que Choisir et rappelées par les intervenants précédents. En tout état de cause, ce cadre légal a permis d’éviter les deux principaux écueils : la spéculation massive sur le prix des billets et les fraudes massives constatées il y a deux ans.

Avant de modifier ce cadre légal, il nous faut bien peser les risques supplémentaires qu’une évolution ferait courir aux consommateurs français, par rapport aux gains attendus.

Sensibiliser les consommateurs à ce cadre légal, qu’ils connaissent encore mal, pourrait d’abord renforcer leur protection contre la fraude et la spéculation, d’autant plus qu’à ce stade, aucune étude ne permet d’affirmer que libéraliser davantage le marché limiterait les fraudes. L’idée du tiers de confiance, évoquée par Cédric Chevalier, reste une piste à explorer, même s’il existe des incertitudes juridiques. De même, la possibilité d’autoriser uniquement une revente à la baisse des billets pourrait être étudiée.

Enfin, madame la ministre, se pose aussi la question des contrôles et des sanctions des plateformes qui revendent illégalement des billets et, plus largement de l’ensemble des activités de billetterie en ligne. L’actualité récente a montré les risques liés à l’hameçonnage de sites comme ceux du musée d’Orsay ou du parc Astérix, ayant conduit certains de nos concitoyens à se faire dérober leurs coordonnées bancaires.

Je conclurai en soulignant, madame la ministre, qu’il s’agit là d’un dossier important à approfondir pour vous et pour les agents de la DGCCRF, dont je tiens à saluer l’engagement quotidien pour protéger les consommateurs français. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis aujourd’hui pour débattre d’un sujet porté avec raison et conviction par notre collègue Cédric Chevalier : la protection des consommateurs et la lutte contre les fraudes et la spéculation dans le cadre des manifestations sportives et culturelles.

Initialement, l’ordre du jour prévoyait l’examen d’une proposition de loi encadrant l’activité des plateformes de revente de billets agissant en qualité de tiers de confiance afin de protéger les consommateurs.

Afin de lutter contre la spéculation et l’instauration de marchés parallèles, la loi du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles a interdit la revente de billets par des plateformes sans autorisation expresse des organisateurs. Si l’objectif du législateur était légitime, et s’il a été en partie atteint, le droit actuel pose un certain nombre de questions et de difficultés qui justifient que notre chambre s’y intéresse de nouveau.

Je tiens à remercier à mon tour le groupe Les Indépendants – République et Territoires de nous en donner l’opportunité, grâce au sénateur Chevalier.

Dans les faits, les Français, et notamment les plus jeunes, sont nombreux à acheter leurs billets à des intermédiaires lorsque les organisateurs n’en proposent plus à la vente et à les revendre en cas d’imprévu. Ils le font sur des bourses de billets mis en place par les organisateurs eux-mêmes, lorsque ceux-ci le souhaitent et le peuvent ou, dans la majorité des cas, sur des plateformes tierces ou des réseaux sociaux, où ils s’exposent, faute de solution sécurisée, à de possibles arnaques.

La proposition de loi de Cédric Chevalier tirait les conséquences de l’inadéquation entre le droit existant et les pratiques des Français et proposait une piste de solution. Elle visait en effet à reconnaître pleinement à tout consommateur le droit de revendre ses billets sur une plateforme numérique, tout en prévoyant la délivrance d’un agrément permettant de distinguer les plateformes de revente tiers de confiance, ouvrant les services de ces dernières aux consommateurs en toute légalité et cassant ainsi le monopole des organisateurs d’événements.

Séduisant, le dispositif proposé présentait cependant un certain nombre de difficultés, qui ont été exposées par les orateurs précédents. Je pense en particulier au caractère nominatif de certains billets. Il convient également d’évoquer les conditions économiques de viabilité de la certification ainsi octroyée, qui ne devrait pas peser sur l’attractivité des plateformes en question, lesquelles sont en concurrence, si j’ose dire, avec les plateformes non officielles.

En ce qui concerne enfin la lutte contre les fraudes et la spéculation, qui participe bien sûr à la protection des consommateurs, les épisodes de fraudes massives qui ont rythmé notre actualité ces dernières années ont montré les limites de la loi du 12 mars 2012. Je pense que nous sommes tous unanimes sur ce point. Je pense notamment à l’exemple désolant de la finale de la Ligue des Champions, non pas parce qu’il n’y avait qu’un club français en lice, mais parce qu’organisé au Stade de France en mai 2022, ce match avait donné lieu à des scènes de chaos logistique et sécuritaire, liées notamment à ce problème de billets.

Les faux billets ne sont pas l’apanage du monde du football, du sport, puisqu’ils circulent également dans le monde de la culture, notamment via la création de sites miroirs frauduleux qui usurpent l’identité de plateformes officielles. Le musée d’Orsay, la cathédrale Notre-Dame de Paris en ont récemment fait les frais. Nous nous félicitons donc que la ministre de la culture, Rachida Dati, ait annoncé la publication prochaine d’un décret visant à sanctionner pénalement les arnaques à la billetterie dont les grands musées sont victimes.

Une des solutions évidentes réside dans la multiplication et la généralisation de bourses aux billets. De nombreux organisateurs s’en sont dotés avec succès ces dernières années. Ceux des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont ainsi proposé une application dédiée, sur laquelle 815 000 billets pour les jeux Olympiques et 59 000 billets pour les jeux Paralympiques ont été revendus. Pour autant, ces solutions ne sont pas infaillibles, comme l’ont montré les nombreux sites miroirs créés lors des Jeux.

Le principal défi posé par la généralisation de ces bourses est le manque de moyens humains et financiers des plus petites structures. Au final, les problèmes de certification, de confiance et de sécurité qui se posent sont peut-être davantage dus à la nature même du support numérique qu’au propriétaire de ce support, qu’il soit organisateur ou pas. Le débat reste ouvert et nous sommes heureux d’y participer aujourd’hui. Nous serons ravis, madame la ministre, d’entendre vos propositions et vos réflexions sur ce sujet. (M. Cédric Chevalier applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane.

M. Adel Ziane. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd’hui porte à la fois sur l’accès du plus grand nombre à la culture et au sport et sur la lutte contre les dérives d’un marché parallèle, qui alimente la spéculation et les fraudes. Notre législation doit être à la hauteur de ces enjeux. Les législateurs que nous sommes doivent être exigeants.

Je tiens à saluer le groupe Les Indépendants – République et Territoires, qui a inscrit ce débat à l’ordre du jour. Si celui-ci trouve place aujourd’hui dans le cadre d’une niche parlementaire, c’est bien parce que la proposition de loi que nous devions initialement examiner, portée par notre collègue Cédric Chevalier, que je remercie pour son travail, requiert un travail d’approfondissement pour éviter de consacrer dans la loi un système qui pénalise à la fois les ayants droit, les organisateurs et les consommateurs.

Des plateformes comme Viagogo ont déjà été condamnées à de multiples reprises pour leurs pratiques frauduleuses, sur la base de recours déposés par des associations de défense des consommateurs ou par des producteurs d’événements. Légaliser sans encadrer, sans offrir de garanties, c’est prendre le risque de donner un blanc-seing à des dérives.

Si le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se félicite du retrait de cette proposition de loi, il n’en demeure pas moins que le statu quo est insatisfaisant. La situation actuelle est inacceptable : le marché de la revente de billets en ligne prospère, sans contrôle suffisant des pratiques commerciales, et alimente un marché noir.

Mon collègue Jean-Jacques Lozach ayant parlé des questions sportives, je me concentrerai pour ma part sur la sphère culturelle.

La spéculation sur les titres d’accès aux événements culturels représente une menace pour la démocratisation de la culture. Comment justifier que des billets pour un concert ou une pièce de théâtre, initialement vendus à un prix raisonnable, puissent être revendus à des tarifs exorbitants sur le marché secondaire, privant ainsi une partie du public d’un accès à la culture ?

Des solutions existent, et certaines institutions ont montré la voie. Prenons l’exemple de la plateforme de revente officielle de l’Opéra de Paris : le prix de revente y est librement fixé par le vendeur, mais ne peut excéder la valeur faciale du billet. Résultat : la spéculation est impossible et les billets retrouvent une seconde vie en toute transparence. C’est une initiative vertueuse, qui doit nourrir nos réflexions et pourrait inspirer un cadre plus général.

Ce débat doit aussi nous amener à réfléchir aux moyens à donner aux plus petites structures culturelles. Si les grandes institutions peuvent mettre en place leur propre système de revente, ce n’est pas toujours le cas des petites salles et des festivals indépendants, qui peinent déjà à survivre face à la concentration et à la pression économique du secteur. Il y a donc un véritable enjeu d’équité et de régulation à traiter.

Nous devons également nous interroger sur l’efficacité des dispositifs actuels de lutte contre les plateformes frauduleuses. Malgré les décisions de justice et les condamnations, les pratiques persistent. Les pouvoirs publics doivent être plus réactifs, leurs actions plus fermes. Il est inadmissible que des consommateurs se fassent flouer en toute impunité.

Mes chers collègues, nous ne devons pas tomber dans le piège d’une dérégulation trop laxiste qui légitimerait les dérives actuelles. Mais nous ne devons pas non plus nous contenter d’un immobilisme qui laisse prospérer les fraudes. Je remercie donc de nouveau Cédric Chevalier d’avoir proposé ce débat.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain considère qu’un marché encadré de la revente de billets peut être une solution viable, à condition de garantir que les plateformes de revente soient directement gérées par les structures culturelles elles-mêmes ou externalisées auprès d’acteurs agréés soumis à un contrôle strict.

Il est également essentiel d’encadrer les prix de revente et de lutter efficacement contre la spéculation. Le système actuel, qui permet à certains d’acheter massivement des billets dès leur mise en vente pour les revendre ensuite à des prix exorbitants, sans aucun partage de la valeur avec les ayants droit, est inadmissible.

Enfin, il faut renforcer la lutte contre la fraude afin de mieux protéger les consommateurs et d’empêcher les pratiques trompeuses qui prolifèrent sur le marché secondaire.

Madame la ministre, sur ces principes, nous souhaiterions connaître l’avis du Gouvernement. Il nous faut construire un cadre équilibré, protecteur et efficace. Nous vous appelons à vous saisir de cette question et à travailler en lien avec les ayants droit et les associations de consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord saluer l’initiative du sénateur Cédric Chevalier qui, en soulevant la question de l’encadrement des plateformes de revente de billets, ouvre un débat nécessaire sur une pratique largement répandue chez les Français, notamment parmi les jeunes générations.

Le Gouvernement comprend pleinement les préoccupations qui sont à l’origine de cette initiative et reste ouvert à un dialogue constructif et approfondi. Vous avez été nombreux à exprimer ici votre souhait d’un tel dialogue.

La décision prise par vous-même, monsieur le sénateur Chevalier, de retirer la proposition de loi initiale pour la remplacer par un débat parlementaire, est particulièrement louable. Elle illustre une méthode de travail exemplaire, marquée par un large processus d’auditions, que vous avez évoqué, et par une véritable écoute des différents acteurs économiques et politiques concernés. Je tiens donc à vous remercier chaleureusement pour votre démarche.

Sur le fond, l’idée de faciliter la revente de billets par un encadrement clair des plateformes numériques est séduisante pour nombre de nos concitoyens, en particulier les jeunes, qui recourent fréquemment à ces pratiques, même lorsqu’elles sont en contradiction avec les conditions générales des événements.

Cependant, les incidents comme ceux qui ont marqué la finale de l’Euro de football au Stade de France nous rappellent que les risques de fraudes, de faux billets et d’atteintes à la sécurité demeurent très élevés, y compris avec les règles restrictives actuelles.

La loi de 2012, en l’état, ne permet pas à la DGCCRF d’intervenir. Le seul levier dont dispose cette direction pour agir sur ce sujet est celui des pratiques commerciales trompeuses. Par ailleurs, les plateformes étrangères posent également problème, car elles sont, en pratique, difficilement atteignables. Il est donc nécessaire d’engager une réflexion sur ce sujet.

Toutefois, comme vous l’avez souligné, plusieurs difficultés fondamentales subsistent, qui expliquent que le Gouvernement n’aurait pas pu soutenir la proposition de loi en l’état.

D’abord, un billet constitue non pas un droit de propriété, mais un droit d’accès à un événement précis, soumis aux conditions fixées par l’organisateur. Autoriser la revente libre sans le consentement explicite de ce dernier pourrait remettre en cause ce principe fondamental.

De plus, la suppression du caractère nominatif des billets pose un problème sérieux de sécurité publique. Nombre d’entre vous ont évoqué cette préoccupation. Elle pourrait notamment permettre à des individus interdits de stade d’accéder à des manifestations et de contourner ainsi les mesures préventives mises en place pour protéger le public, qui sont essentielles à nos yeux.

Par ailleurs, l’accès effectif aux stades pour les consommateurs achetant leurs billets via une plateforme de revente n’était pas suffisamment sécurisé dans cette proposition de loi. Sans garantie juridique solide, les premiers pénalisés auraient pu être les consommateurs eux-mêmes.

Enfin, cette initiative présentait le risque de favoriser l’augmentation des phénomènes de fraude et de marché noir, ainsi qu’une spéculation préjudiciable au pouvoir d’achat des consommateurs.

Face à ces constats, que nombre d’entre vous ont également faits, le Gouvernement considère que l’évolution législative envisagée dans cette proposition de loi n’était pas souhaitable.

Pour autant, il nous faut agir, et sur ce point, je vous rejoins, car la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Nous privilégions ainsi une approche fondée sur la concertation et le dialogue entre les plateformes, les organisateurs d’événements et les consommateurs, ainsi que sur un travail conjoint avec les parlementaires. Vous avez été nombreux, avec Cédric Chevalier, à formuler des propositions variées et des pistes d’amélioration, et je vous en remercie. Ces contributions vont permettre d’alimenter la réflexion et le débat.

Je réaffirme donc ici la volonté du Gouvernement de poursuivre le travail engagé, en collaboration avec d’autres ministres, notamment Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, et Rachida Dati, ministre de la culture, avec toutes les parties prenantes et vous-même, monsieur le sénateur Cédric Chevalier.

L’objectif est d’aboutir à un consensus efficace, respectueux des enjeux de sécurité, du droit des consommateurs et du bon fonctionnement économique et juridique du secteur. Je reste bien entendu à votre disposition pour poursuivre ces échanges. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et Les Républicains.)

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. Cédric Chevalier, pour le groupe auteur de la demande.

M. Cédric Chevalier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie sincèrement de la qualité et de la pertinence de vos interventions, qui illustrent l’intérêt qu’il y avait à organiser ce débat.

J’ai véritablement apprécié l’ensemble des éclairages et des propositions des différents groupes, que ce soit sur la méthode à mettre en œuvre avant toute évolution, sur les pistes de travail envisagées ou encore sur les moyens qu’il convient de prévoir.

Vous avez également insisté, chers collègues, sur la prudence dont il faut faire preuve avant d’adopter un texte, car le remède pourrait être pire que le mal.

En tout cas, j’ai senti une envie collective de faire évoluer les choses de manière prudente et intelligente, avec le concours du Gouvernement. À cet égard, je vous remercie de nouveau, madame la ministre, de votre soutien et de votre accueil.

Le travail n’est pas achevé. Il se poursuit au service de nos concitoyens pour prévenir la fraude et les arnaques, mais aussi pour permettre à chacun et chacune, notamment aux plus jeunes, d’accéder dans les meilleures conditions aux événements sportifs ou culturels. (M. Adel Ziane applaudit.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Revente de billets pour les manifestations sportives et culturelles : quelles actions pour protéger les consommateurs et lutter contre les fraudes et la spéculation ? »

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)