D. L'ACCROISSEMENT DES CAPACITÉS DE FORMATION EN SANTÉ EST ENCORE TROP LENT ET TROP PARTIELLEMENT CENTRÉ SUR LES TERRITOIRES MÉDICALEMENT SOUS-DOTÉS
1. Les récentes réformes des études de santé n'ont pas résolu le problème de la faible réussite des étudiants en premier cycle post-bac
a) Après une mise en oeuvre chaotique, la réforme « Pass-LAS » reste peu lisible et complexe
L'architecture des études de santé a été revue en 2020. Aujourd'hui, l'accès aux études de maïeutique, médecine, odontologie, pharmacie et kinésithérapie relève du système « Pass-LAS ».
Le parcours d'accès spécifique santé (Pass) est une formation d'une année post-baccalauréat proposée uniquement par les universités comportant une unité de formation et de recherche (UFR) en santé. Après l'obtention de leur première année, les étudiants ont la faculté de se présenter à l'accès aux formations de maïeutique, médecine, odontologie, pharmacie et kinésithérapie. Ils peuvent également poursuivre en deuxième année de licence « accès santé » (LAS) et tenter ainsi une seconde fois d'accéder aux formations de santé, voire intégrer une deuxième année d'une autre licence. Un étudiant ne peut pas redoubler son année de Pass.
La licence « accès santé » (LAS) est un parcours de formation universitaire conduisant à l'obtention d'une licence. La LAS s'articule autour d'une majeure hors santé (par exemple : économie, histoire, gestion, lettre, etc.) et d'une mineure santé. Un étudiant ayant validé sa première année de LAS peut présenter sa candidature aux épreuves de sélection pour accéder aux formations de maïeutique, médecine, odontologie, pharmacie et kinésithérapie. Il peut aussi décider de ne pas déposer sa candidature à l'issue de cette première année et privilégier un dépôt de dossier en 2e ou en 3e année de LAS.
D'autres voies d'admission sont également prévues, notamment pour les étudiants en formation paramédicale, en licence Staps et biologie.
Certaines facultés ont organisé leurs parcours de façon différenciée. Ainsi, à l'Université de Strasbourg, l'accès aux études de santé se fait par le biais d'une licence mention « Sciences pour la Santé » et non par le système « Pass-LAS ».
L'objectif de cette réforme était de diversifier le profil des étudiants en études de santé. S'il est encore difficile d'en tirer un bilan sur ce point, la diversification du profil social et géographique des étudiants en filière santé exige d'abord une plus forte territorialisation des formations.
En outre, l'accueil dans les filières de formation d'étudiants issus de filières diverses peut amener à des inégalités de niveau. Selon l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), « le phénomène d'abandon des études en cours de route est en croissance, dû en partie à la réforme Pass/L.AS. En effet, cette réforme a ouvert les portes de la deuxième année de médecine à des étudiants qui n'ont pour certains effectué que 20 % du programme de santé en première année. Ainsi, devant les difficultés à rattraper le retard une fois le concours réussi, nous observons une augmentation des redoublements pour les promotions post-réforme ». L'ANEPF a également souligné l'existence d'une « inégalité des chances selon la mineure choisie par l'étudiant qui propose des programmes quantitativement inégaux ou encore la différence entre un étudiant choisissant le Pass désigné comme la “voie royale” pour l'accès aux études de santé, et la LAS ».
Après une mise en oeuvre décrite comme « très chaotique »52(*) par la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat, cette réforme est toujours dénoncée pour sa complexité et son manque de lisibilité par les principales organisations représentatives des étudiants et des doyens de facultés. Plus généralement, la Conférence des doyens des facultés de pharmacie a souligné la persistance d'un « mode de sélection par la douleur qui est d'un autre temps ».
La Conférence des doyens des facultés de pharmacie a, en particulier, indiqué au rapporteur que cette réforme était préjudiciable aux études de pharmacie, qui souffrent d'un « manque de visibilité », car elles ne sont plus accessibles directement après le baccalauréat. Les principales organisations représentatives des étudiants en santé ont également souligné l'invisibilisation de la masso-kinésithérapie, qui n'apparaît pas dans les textes organisant l'entrée en études de santé, bien qu'y étant de facto intégrée53(*).
Le rapporteur s'interroge sur le déploiement de cette réforme, dont la complexité et le mode de sélection sapent la motivation d'étudiants qui pourraient devenir d'excellents professionnels de santé, mais qui sont obligés d'y renoncer ou, pour ceux qui en ont la possibilité, de partir étudier à l'étranger. Il s'inquiète également de la baisse du nombre de néo-bacheliers inscrits en première année d'études de santé (Pass et LAS), passé de 35 000 en 2018-2019 (en Paces) à 34 000 en 2022-2023.
b) Face à cette situation, de nombreux étudiants français choisissent d'effectuer leurs études de santé à l'étranger
Le mode de sélection des étudiants dans les filières de santé et les difficultés afférentes à la réforme « Pass-LAS » poussent certains étudiants à effectuer leurs études à l'étranger. La Conférence nationale des facultés d'odontologie a ainsi mis en avant « un choix délibéré de certains étudiants français de se diriger vers ces formations directement sans rechercher à entrer dans nos formations via les Pass et LAS ». Les causes de cette fuite des étudiants sont nombreuses. La première d'entre elles résulte de la sélectivité lors de l'inscription en première année de Pass ou de LAS. Selon l'ANEPF, « l'accès à la première année des études de santé se fait dorénavant sur dossier ce qui ferme la porte à de nombreux étudiants ». Ce constat est également valable pour d'autres filières de santé, notamment la masso-kinésithérapie. La FFMKR a aussi pointé « la facilité d'accès aux écoles étrangères, qui parfois ne sélectionnent que sur présentation d'un diplôme de baccalauréat, peu important la mention, la filière ou les matières choisies aux lycées ».
Au-delà de ces difficultés liées à la première année, la sélection pour entrer en deuxième année peut également pousser des étudiants - pourtant motivés et à même de devenir des professionnels compétents - à partir à l'étranger. Selon l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), « l'accès à la deuxième année de pharmacie est conditionné par un nombre de places restreint qui empêche parfois de très bons profils d'accéder à la deuxième année des études de pharmacie. Ces étudiants qui se sentent lésés décident donc d'aller étudier à l'étranger afin de devenir pharmaciens ». Le rapporteur regrette cette politique malthusienne qui favorise la fuite de nos talents vers l'exercice à l'étranger.
Plus généralement, les parcours de formation à l'étranger peuvent être perçus comme plus faciles et sont parfois plus courts qu'en France. C'est notamment le cas des études de masso-kinésithérapie. La FFMKR a souligné que « certains instituts donnent des cours en français pour s'adapter à cette nouvelle “clientèle”, ce qui est facilitant ». Les écoles de masso-kinésithérapie privées étant souvent très onéreuses, le différentiel de coût de formation ne joue pas en faveur des instituts français : si le cursus est plus court, il peut même être moins coûteux de s'expatrier pour ses études. Cette situation amène une hausse tendancielle des masso-kinésithérapeutes exerçant en France et formés à l'étranger. Selon les données transmises par les représentants de la profession au rapporteur, près de la moitié des nouveaux inscrits à l'Ordre sont titulaires d'un diplôme étranger54(*). Comme le met en avant la FFMKR, « en 2022, 28,3 % des inscrits au tableau de l'ordre étaient titulaires d'un diplôme étranger, alors qu'ils ne représentaient que 23,4 % en 2018 ».
Il est difficile de quantifier ce phénomène55(*), qui est cependant suivi avec vigilance par les ordres professionnels des différentes professions de santé. Le Cnop a en particulier indiqué au rapporteur être « préoccupé » par cette situation. Il estime « qu'un peu plus de 250 étudiants français suivent chaque année un cursus de pharmacie hors France. Ce chiffre devrait à brève échéance s'élever à 300 étudiants ». On peut ainsi observer une hausse progressive et durable de cette fuite des étudiants à l'étranger : « depuis 2013, la part des pharmaciens français non diplômés en France et inscrits à l'Ordre augmente progressivement, en particulier dans les sections officinales qui représentent les voies d'entrée principales. Entre 2022 et 2023, le nombre de pharmaciens français ayant obtenu un diplôme à l'étranger inscrits à l'Ordre a augmenté de 9 %, passant de 1 104 à 1 205 (sur 74 219 inscrits), alors qu'entre 2022 et 2023 le nombre d'inscrits à l'Ordre n'a augmenté que de 0,16 %. Cette hausse était de 11 % entre 2021 et 2022 ». La Conférence nationale des doyens des facultés d'odontologie a également pointé une situation particulièrement problématique pour les chirurgiens-dentistes : « Actuellement, seuls les praticiens venus de l'Union européenne, hors France, assurent l'équilibre entre les départs en retraite et les installations (plus de la moitié des néo-inscrits au conseil de l'ordre en 2023), avec une qualité de formation initiale inhomogène et inégale, générant par ailleurs une “sélection par l'argent” à cause d'un coût financier très élevé pour les étudiants et les parents, qui impacte directement le mode d'exercice et l'installation ».
Concernant les médecins, l'Intersyndicale nationale des internes (Isni) a indiqué au rapporteur qu'environ « 5 000 étudiants français poursuivent leurs études de médecine à l'étranger, conséquence d'une sélection trop rigoureuse en France, qui écarte de nombreux candidats à l'entrée des études de santé ». Ce chiffre doit cependant être interprété avec prudence, faute d'étude précise sur ce sujet.
Ce phénomène peut engendrer deux difficultés distinctes.
Tout d'abord, les disparités de qualité de formation dans les pays étrangers peuvent amener à ce que des étudiants français souhaitant bénéficier d'une formation d'excellence en France bénéficient d'une formation de niveau inférieur à l'étranger.
En outre, comme l'a souligné le Cnop, « Si certains [étudiants] reviendront exercer en France par le jeu de la reconnaissance des diplômes entre les États Membres, d'autres s'installeront dans leur pays de formation, constituant dès lors une fuite de nos futurs professionnels ». La fuite des étudiants français à l'étranger accentue donc la pénurie de soignants sur le territoire.
Pour le rapporteur, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de la santé et de l'accès aux soins n'ont pas encore pris la mesure de ce phénomène, qu'ils ne parviennent d'ailleurs pas à quantifier. Ces départs à l'étranger sont le reflet de la complexité de la réforme « Pass-LAS » et de l'augmentation insuffisante du nombre de places dans les filières de santé.
2. Le mouvement de hausse du nombre d'étudiants reste en deçà des besoins de formation
a) L'évaluation du nombre de professionnels de santé ne fait pas l'objet d'un pilotage reposant sur une évaluation objective des besoins
S'il existe un constat général de pénurie de professionnels de santé, et notamment de médecins, aucune étude d'envergure pour évaluer les besoins de santé à court, moyen et long terme n'a été menée.
Or, comme le souligne le HCAAM dans un récent rapport consacré à cette question56(*), « La prospective est nécessaire pour une régulation efficace de l'offre de soins y compris à très court terme. Ceci car elle offre un cadre à la fois quantifié et “bouclé”, permettant d'analyser les interactions entre les variables impactant la demande et l'offre de soins. Elle permet par exemple de prendre en compte la baisse du temps de travail des médecins et la part de leur activité qu'il faudrait transférer à d'autres professionnels pour la compenser ».
Ce rapport met en évidence l'absence de travaux robustes sur les besoins de professionnels de santé en France, à la différence de certains pays comme les Pays-Bas. Ce constat est partagé par les professions de santé, qui ont fait part au rapporteur de l'insuffisance des indicateurs utilisés aujourd'hui. Ainsi, selon la Conférence nationale des doyens des facultés de pharmacie, « nous manquons d'indicateurs territoriaux (régionaux et nationaux) pour évaluer les réels besoins en pharmaciens à court et moyen terme tant au niveau officinal, hospitalier que dans l'industrie ». Le CNOMK a également indiqué demander depuis une décennie que des études soient menées afin d'évaluer les besoins de soins futurs en kinésithérapie.
À cet égard, le rapporteur s'interroge sur les modalités de fixation des objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former définis sur des périodes de 5 ans, les derniers couvrant la période 2021-2025. Faute d'être définis à partir d'une étude approfondie des besoins de professionnels à court, moyen et long terme, ces objectifs dépendent de facto essentiellement des capacités de formation.
Les jeunes professionnels de santé travaillent-ils moins que leurs aînés ?
L'évolution du temps de travail des professionnels de santé doit être prise en compte dans l'évaluation des besoins de formation des professionnels de santé.
Plusieurs intervenants ont fait part au rapporteur du constat qu'il faudrait entre deux et trois jeunes médecins pour remplacer un médecin partant à la retraite.
Les données recueillies par le rapporteur suggèrent qu'il est nécessaire de nuancer cette affirmation : les jeunes professionnels de santé travaillent en moyenne moins d'heures que leurs aînés, mais ont une productivité horaire qui est sensiblement équivalente. Les études sur cette question sont cependant dispersées, et il est difficile de répondre avec précision sur l'ampleur de cette diminution.
Tout d'abord, de façon contre-intuitive, on peut observer une augmentation de la file active et du nombre de patients par médecin traitant. Selon la DGOS, ces deux indicateurs sont en progression de respectivement 5 % et de 8,5 % entre 2016 et 2022. Ces données sont corroborées par le syndicat MG France, qui y voit le signe que les jeunes médecins travaillent certes différemment mais autant que leurs aînés : « La durée moyenne hebdomadaire de travail d'un médecin libéral est de 50 h par semaine. Intéressés et performants, nos jeunes internes et remplaçants ne veulent pas sacrifier le reste de leur vie à leur travail et aspirent à travailler dans de meilleures conditions et certainement moins d'amplitude horaire. La patientèle prise en charge par les jeunes médecins après quelques années d'installation ne semble pas très différente de celle de leurs aînés. De même les généralistes ne travaillent pas plus ou moins selon leur sexe. La patientèle moyenne tenue par un généraliste français est actuellement de 1 100 patients versus 800 il y a quinze ans donc pas de tendance objective à travailler moins. »
Plusieurs indicateurs montrent cependant une diminution tendancielle du nombre d'heures travaillées par les plus jeunes générations.
On observe premièrement une diminution du nombre de jours travaillés par an. Le nombre de semaines de vacances prises par an par les médecins généralistes est passé de 5,3 à 5,7 par an entre 2010 et 2017. Ces données sont confirmées, sur une plus longue période, par les données transmises par la Cnam au rapporteur : « on peut observer une diminution du nombre moyen de jours travaillés par an pour les médecins installés après 2002 ; alors qu'il était de 225 pour la génération 2002-2011, il s'élève plutôt à 200 aujourd'hui ».
Le temps travaillé par « semaine ordinaire » tend également à décroître. Une étude réalisée en 201757(*) indiquait que les médecins généralistes de moins de 50 ans travaillaient 3 heures 48 minutes de moins que leurs aînés.
Cette diminution du nombre d'heures travaillées ne correspond pas forcément à une diminution du nombre d'actes. La Cour des comptes estime en effet que le temps de travail des médecins aurait diminué de 5 % sur les 20 dernières années. Le nombre d'actes est cependant demeuré stable sur la même période, ce qui s'expliquerait par une diminution du nombre de visites à domicile et de rendez-vous de présentation des produits des laboratoires par les visiteurs médicaux. Cependant entre 2016 et 2021, cette diminution s'accélérerait, et une baisse de l'activité des médecins libéraux de près de 9 % est décelable.
Activité des médecins libéraux
Source : Cour des comptes
On peut aussi observer des phénomènes concomitants à la relative diminution du nombre d'heures travaillées : le travail en soirée et le week-end est plus rare à mesure que le temps avance.
La féminisation des métiers de santé a des effets contrastés sur le temps de travail des médecins. Selon l'étude de 2017 précitée, les femmes médecins généralistes travaillaient 7 heures 36 minutes de moins en moyenne que leurs confrères masculins58(*). En outre, à temps de travail égal, les femmes réalisent moins d'actes car leurs consultations sont plus longues (d'environ une minute trente en moyenne selon la Drees).
Ces constats s'observent également pour d'autres professions de santé. Selon la FFMKR, pour les masseurs-kinésithérapeutes, « cette dynamique s'observe dans les chiffres fournis par l'Assurance maladie (Chiffres Cnam, négociation conventionnelle avec les kinésithérapeutes, 2023). Le nombre de jours travaillés par kinésithérapeute libéral conventionné est passé de 232 en 2016 à 221 en 2021 ; la file active est, elle, passée de 190 patients en moyenne à 172 ; le nombre d'actes réalisés par professionnel baisse aussi, avec un passage de 4 341 actes en 2016 à 4 208 en 2021 ».
b) La hausse du nombre de places en études de médecine reste encore modique au regard des besoins de santé
Dans son rapport de février 2022, le rapporteur regrettait déjà que le desserrement du numerus clausus n'ait pas contribué à une augmentation massive du nombre d'étudiants. Il appelait alors à accroître significativement les capacités de formation des facultés de médecine pour tirer pleinement parti du desserrement du numerus clausus et recruter des enseignants en médecine générale, trop peu nombreux.
Depuis lors, le nombre d'étudiants admis en filière de médecine a stagné. En 2024, 10 938 étudiants ont été admis en deuxième année de médecine contre 9 361 en 2020, dernière année du numerus clausus, soit une hausse modeste de 16,8 %, dont la quasi-totalité a eu lieu entre 2020 et 2022. La lenteur de la montée en puissance du nombre d'étudiants en filière de médecine est inacceptable.
Or, compte tenu du fait que les jeunes médecins travaillent en moyenne un nombre d'heures inférieur aux médecins partant actuellement à la retraite, la modeste hausse du nombre de médecins formés équivaut en réalité à une dégradation du temps médical disponible pour les patients. Dans un contexte de vieillissement de la population et de croissance des besoins de soins, les effectifs de médecins actuellement formés sont donc insuffisants.
Les interlocuteurs rencontrés par le rapporteur ont indiqué que les capacités de formation sont aujourd'hui saturées. Ainsi, selon l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR IMG), « les infrastructures des facultés sont déjà poussées à leur maximum ». De même, le nombre de professeurs de médecine et de maîtres de stage universitaires (MSU) est insuffisant pour permettre une hausse du nombre d'étudiants qui ne compromettrait pas la qualité de l'enseignement. L'ISNAR IMG a en particulier mis en avant le « sous-financement chronique » de la médecine générale : « le ratio enseignants/étudiants y est le plus faible de toutes les spécialités, ce qui réduit la qualité de l'encadrement pédagogique ».
c) Les études de chirurgien-dentiste ont également bénéficié du numerus apertus dans des proportions encore insuffisantes
Le nombre d'étudiants admis en cursus d'odontologie a légèrement augmenté depuis la dernière année du numerus clausus, passant de 1 332 à 1 472 entre 2020 et 2024, soit une hausse d'environ 10,5 % -- encore plus faible que l'augmentation du nombre d'étudiants en médecine. Là encore, à deux étudiants près, la hausse est imputable à la période 2020-2022.
La Conférence des doyens des facultés d'odontologie a également mis en avant la difficulté de mener une « augmentation du nombre d'étudiants à moyens constants », qui peut « accentuer les difficultés de formation et d'encadrement des étudiants ».
Cette augmentation est insuffisante. La France ne peut faire reposer sa démographie de chirurgiens-dentistes sur un apport massif de praticiens formés à l'étranger, qui représentent environ la moitié des nouveaux inscrits à l'Ordre. Il est en effet impossible de maîtriser l'ampleur de ce flux, qui pourrait se tarir à un horizon temporel imprévisible.
d) Si les études de masso-kinésithérapie attirent toujours de nombreux étudiants, la hausse du nombre d'écoles privées payantes questionne l'équité d'accès à ces études
Le nombre d'étudiants en cursus de masso-kinésithérapie a modérément progressé entre 2020 et 2023, passant de 2 855 à 3 036, soit une hausse de 6,3 %. Cependant, cette hausse doit être mise en regard des besoins de soins croissants dans cette discipline. Comme le met en avant le CNOMK, « le vieillissement de la population, le choix d'approches thérapeutiques moins médicamenteuses et l'augmentation des actions de prévention nécessiteront une démographie dynamique des kinésithérapeutes pour répondre aux besoins de nos concitoyens ».
Dans son rapport de février 2022, le rapporteur s'inquiétait des grandes disparités de frais de scolarité entre instituts de formation de masso-kinésithérapie (IFMK) et proposait d'envisager la possibilité que le cursus de masso-kinésithérapie soit universitaire pour lever les contraintes financières pesant sur le choix de cette spécialité.
À cet égard, la décision du Conseil d'État59(*) qui a contraint l'administration à aligner les frais de scolarité des cursus publics de masso-kinésithérapie sur ceux des cursus universitaires est bienvenue. Cependant, cette décision ne règle pas la question de l'universitarisation des études dans cette discipline, qui pourrait également favoriser la qualité de l'enseignement et de la recherche. En outre, les différences de frais d'inscription entre les IFMK privés et publics perdurent. Or, la FNEK, entendue par le rapporteur a mis en avant que « ces frais de scolarité entachent l'attractivité de la profession et la santé mentale et physique des étudiants en kinésithérapie ». Ils participent aussi d'une inégalité d'accès à ces études au détriment des étudiants issus des territoires et des milieux sociaux les moins favorisés. Pour la FNEK, « les objectifs de diversification des profils de la première année commune MMOPK sont balayés d'un revers de main dès l'entrée en IFMK privé où les inégalités d'accès aux études de kinésithérapie sont accrues du fait des milliers d'euros demandés à l'entrée ».
e) Les études de pharmacie souffrent d'un manque d'attractivité engendré par la réforme « Pass-LAS »
Alors que les études de pharmacie étaient accessibles directement après le baccalauréat avant la réforme « Pass-LAS », elles ont été intégrées à la réforme. Il en a résulté une baisse d'attractivité et de visibilité de la filière pointée par l'ensemble des personnalités rencontrées par le rapporteur, doublées de difficultés liées à sa mise en oeuvre disparate et chaotique.
Pour la Conférence des doyens des facultés de pharmacie, « la réforme d'entrée dans les études de santé (REES ou réforme Pass/LAS) nuit gravement à la démographie pharmaceutique ». En effet, cette filière compte de nombreuses places vacantes : 1 100 en 2022 et 471 en 2023 selon le Cnop. Pour ce dernier, « ce manque d'étudiants, deux années de suite, posera des problèmes pour toutes les filières de la pharmacie (officine, industrie, hôpital, biologie médicale) ». L'année 2022 fait figure d'année noire : à peine 2 589 étudiants ont été admis.
Conséquence de ce manque d'attractivité, le nombre d'étudiants admis en pharmacie est passé de 3 265 à 3 337 entre 2020 et 2024, ce qui représente une hausse très modeste de 2,2 %. Le rapporteur déplore les effets particulièrement néfastes de la réforme « Pass-LAS » sur les études de pharmacie. Alors que les effectifs d'étudiants dans cette filière ne sont « absolument pas » suffisants pour répondre aux besoins futurs selon la Conférence des doyens des facultés de pharmacie, cette réforme amène à une sous-utilisation de capacités de formation pourtant elles-mêmes sous-dimensionnées au regard des besoins. Comme le souligne l'ANEPF, « cette situation est d'autant plus préoccupante qu'il existe déjà une pénurie, illustrée tous les jours par la fermeture d'officines, en particulier en raison du manque de repreneurs lors des départs en retraite ».
f) Les écoles de sages-femmes comptent un nombre croissant de places vacantes, ce qui menace à long terme l'accessibilité aux soins assurée par cette profession
Le nombre d'étudiants admis en cursus de maïeutique diminue. Il est passé de 1 039 à 1 005 entre 2020 et 2024, soit une baisse d'environ 3,3 %. Les chiffres pour l'année 2022 sont particulièrement bas : seuls 878 étudiants ont été admis. Selon l'ANESF, cela s'explique par « le nombre de places vacantes à l'entrée dans les études [qui] reste élevé ». Il est donc clair que le numerus apertus et la réforme « Pass-LAS » sont un échec pour cette formation. Comme les cursus de pharmacie, les cursus de maïeutique sont sous-utilisés alors que les besoins de professionnels de santé sont élevés, comme le rappelait le rapporteur dans son rapport de février 2022, qui appelait à accroître les capacités de formation en maïeutique.
g) En dépit d'une hausse du nombre d'inscrits en première année d'études d'infirmier, le nombre de diplômés stagne en raison de la hausse du nombre d'abandons en cours d'études
Depuis 2020, le nombre d'étudiants inscrits en première année d'études d'infirmier augmente fortement. Il est passé de 30 940 en 2020 à 38 162 en 2023, soit une hausse de 23,3 % -- ce dont se félicite le rapporteur qui appelait en février 2022 à accroître les capacités de formation des écoles d'infirmiers. Cependant, ce chiffre doit être tempéré par la hausse du nombre d'étudiants interrompant leurs études. Environ 13 % des étudiants ont abandonné leurs études en 2023 contre moins de 4 % en 2014 en première année. Selon la Drees, ce taux est même de 18 % sur l'ensemble de la scolarité. Ainsi, en 2022, le nombre de diplômés infirmiers a diminué de 1 % par rapport à 2021 alors qu'en 2019, trois ans auparavant, le nombre d'inscrits avait augmenté de 6 %. Le taux de réussite est stable par rapport à 2021 (95 %), mais les abandons en cours de scolarité augmentent.
Taux d'abandon en première année de
formation
aux professions de santé de 2014 à
2022
Cette situation est particulièrement inquiétante, dans la mesure où ce taux d'abandon neutralise les effets des politiques publiques favorisant la hausse du nombre d'étudiants. Pour la FNSIE, cette situation s'explique par une contradiction entre l'augmentation du nombre de places et la stabilité des moyens des établissements de formation : « cette hausse n'est pas associée à une revalorisation des ressources, les places dans les salles des établissements manquent, l'offre de stage n'est pas suffisante ». Les infirmiers subissent une augmentation des effectifs lors des cours et des travaux pratiques, ce qui nuit à leur apprentissage. Il en résulte une dégradation de la qualité des formations : « sur la simulation pratique là où avant les étudiants avaient tous la possibilité de pratiquer, maintenant certains doivent se contenter de regarder les autres s'exercer sans même pouvoir s'entraîner avant le partiel de pratique ».
3. La territorialisation des études de santé est encore trop réduite
a) Alors que l'origine socio-géographique des étudiants en études de santé explique en partie les inégalités territoriales d'accès aux soins, les mesures tendant à jouer sur ce levier sont limitées
En moyenne, les professionnels de santé ont une propension plus forte à s'installer dans la région où ils ont grandi, dans celle où ils ont étudié ou dans un lieu similaire.
Selon une étude récente60(*), environ la moitié (46 %) des médecins exercent dans la zone où ils sont nés et un tiers (32,6 %) dans leur département de naissance. La moitié des médecins exercent à moins de 85 km à vol d'oiseau de leur commune de naissance. Une augmentation d'un point de pourcentage de la proportion d'étudiants issus d'une zone est ainsi causalement associée à une augmentation d'environ 0,4 point de la proportion de médecins exerçant à titre libéral dans cette zone. Concernant plus particulièrement les zones rurales, le géographe Guillaume Chevillard a indiqué au rapporteur qu'une hausse de 5 % d'étudiants en médecine issus de zones rurales entraînait une hausse d'environ 13 % de souhait d'exercice en zones rurales pour les médecins généralistes.
Or, les étudiants en études de santé, et notamment en médecine, sont issus des catégories socio-professionnelles les plus aisées et de métropoles plus fréquemment que la moyenne.
Fort de ce constat, le rapporteur avait recommandé dans son rapport de février 2022 de diversifier l'origine sociale et géographique des étudiants en santé et d'instaurer des bourses pour les étudiants issus de zones sous-dotées.
Les gouvernements successifs n'ont cependant pas encore engagé de travail d'ampleur sur ce sujet, ce qui devrait favoriser la persistance des disparités territoriales d'accès aux soins dans la durée alors que les principales analyses scientifiques sur cette question montrent que favoriser la diversité des étudiants est l'un des moyens les plus efficaces pour réduire les disparités territoriales d'accès aux soins61(*).
De surcroît, le pouvoir réglementaire ne publie pas les textes d'application des mesures pourtant déjà votées par le Parlement tendant à favoriser l'entrée dans les formations de santé des étudiants issus des territoires sous-denses et à encourager l'installation de jeunes professionnels dans ces zones à l'issue de leurs études.
La loi « Valletoux » du 27 décembre 2023 met en effet en place une expérimentation pendant cinq ans visant à encourager l'orientation des lycéens issus de déserts médicaux vers les études de santé dans trois académies volontaires. Cette mesure, pleinement en phase avec le précédent rapport de février 2022, qui proposait que soient organisées des journées d'orientation au bénéfice des lycées ruraux, n'est pas encore entrée en vigueur. L'administration n'a pas même encore désigné les académies concernées.
En outre, la réforme du contrat d'engagement de service public (CESP) prévue par cette même loi « Valletoux » n'est pas encore entrée en vigueur, faute de texte d'application. La loi « Valletoux » a étendu le bénéfice du CESP aux étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie dès la fin de la deuxième année du premier cycle d'études en santé. Le rapporteur, qui avait appelé dès février 2022 à promouvoir et augmenter le nombre de bénéficiaires des CESP, se félicite de cette mesure. Il regrette toutefois que les textes réglementaires ne soient toujours pas parus, et s'inquiète, une nouvelle fois, de l'absence d'application des mesures votées par le Parlement.
C'est en effet pour ces étudiants de deuxième cycle que le CESP est le plus utile. Comme le souligne la Conférence nationale des doyens des facultés de médecine, il y a pour les internes des effets d'aubaine marqués : « c'est un contournement du système dans de nombreux cas car l'interne prend un CESP alors qu'il a déjà prévu de toute façon de s'installer en zone sous-dense. Il faut l'ouvrir au 1er cycle des études dès la 2ème année car il sera là vraiment utile pour lutter contre la précarité étudiante qui n'est plus le problème en 3ème cycle ».
Le Contrat d'engagement de service public (CESP)
Créé par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « HPST »), le contrat d'engagement de service public (CESP) est proposé aux étudiants et internes en médecine et en odontologie. Le signataire d'un CESP bénéficie d'une allocation (1 200 euros bruts par mois) pendant tout ou partie de la durée de ses études. En contrepartie, il s'engage à exercer son activité de soins dans un ou plusieurs lieux d'exercice spécifiques proposés par les agences régionales de santé (ARS) dans des zones où la continuité des soins fait défaut, pour une durée égale à celle pendant laquelle lui aura été versée l'allocation.
Une réforme du CESP a eu lieu en 2020, le restreignant aux seuls étudiants de 2e et 3e cycle et l'étendant aux praticiens à diplôme étranger hors Union européenne (PADHUE) autorisés à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine ou en odontologie (dans le cadre de la liste A et de la liste C) (après 2020).
5 432 CESP ont été offerts aux étudiants de médecine sur la période 2010-2022, et 941 en odontologie sur la même période. Ce nombre est insuffisant au regard des pénuries de soignants dans certains territoires.
Selon le CNOD, « il est à regretter que les CESP qui représentent un investissement conséquent pour les départements soient de plus en plus sujets à dénonciation unilatérale ; les jeunes praticiens décident de ne plus respecter le contrat d'engagement mais on constate avec surprise que l'administration ne tente même pas de recouvrer les sommes engagées ». Face à ce constat, qui remet en cause l'efficacité du dispositif, il est nécessaire de montrer plus de vigilance dans le suivi du respect de leurs obligations par les signataires.
Plus largement, pour le rapporteur, la territorialisation des installations ne peut reposer uniquement sur des incitations financières individuelles comme le CESP. Une telle mesure, pertinente dans l'urgence, ne peut pas en effet résoudre les difficultés structurelles causées par le manque d'étudiants issus des zones sous-dotées et la trop faible territorialisation des études de santé.
b) La formation des médecins, des chirurgiens-dentistes et des pharmaciens est encore centrée autour des centres hospitalo-universitaires des grandes métropoles
Les centres hospitalo-universitaires (CHU) se concentrent dans les plus grandes villes du territoire, dans les zones les mieux dotées en médecins. Ce phénomène accentue les inégalités territoriales d'accès aux soins, car les professionnels de santé ont tendance à s'installer à proximité de leur lieu de formation.
Ainsi, en moyenne, environ 7 médecins généralistes sur 10 s'installent dans la zone où ils ont effectué leur internat. Une augmentation d'un point de pourcentage de la proportion d'internes dans une université est causalement associée à une augmentation moyenne d'environ 0,4 point de pourcentage de la proportion de médecins généralistes en pratique privée, issus de ces cohortes, qui s'installent dans la zone universitaire62(*).
Le plan de déploiement de
8 nouveaux sites de formation d'odontologie
dans des zones
sous-dotées : une initiative bienvenue et efficace
pour
renforcer l'équité territoriale d'accès aux
soins
Le 2 décembre 2021, le Premier ministre, Jean Castex, avait annoncé la création de 8 nouveaux sites universitaires de formation en odontologie soit sous forme d'unités de formation et de recherche (UFR) soit sous forme d'antennes. Ces sites ont été choisis en vue d'orienter les professionnels de santé vers les territoires les plus fragiles du point de vue de la démographie en chirurgiens-dentistes.
Ces formations se trouvent à Amiens, Caen, Rouen, Dijon, Besançon, Grenoble, Poitiers et Tours. Tous ces sites sont des facultés, à l'exception de Poitiers et de Grenoble qui sont des antennes des facultés de Bordeaux et de Lyon.
Ces nouvelles facultés ont noué des partenariats avec des facultés partenaires, car de nombreuses disciplines doivent être enseignées par des spécialistes.
Entendue par le rapporteur, Anne-Charlotte Bas, doyenne de la faculté d'odontologie de Rouen a mis en avant les difficultés de recrutement d'enseignants-chercheurs, qui sont notamment liées aux différences entre leur traitement et les revenus usuels des chirurgiens-dentistes libéraux. En outre, l'impossibilité de recruter de façon pérenne des chirurgiens-dentistes exerçant par ailleurs à titre libéral limite fortement le vivier potentiel de recrutement.
Les étudiants ont également une tendance plus forte à s'installer dans des lieux qu'ils ont pu découvrir à l'occasion de stages. À cet égard, le rapporteur proposait en 2022 de créer une quatrième année de troisième cycle pour la médecine générale qui permettrait l'envoi annuel de 3 900 médecins juniors, prioritairement dans les zones sous-denses.
L'article 37 de la LFSS pour 2023 a repris cette proposition en créant une dernière année du diplôme d'études spécialisées de médecine générale dans des lieux agréés en pratique ambulatoire en priorité dans les zones sous-denses. Cependant, à ce titre, un stage peut être réalisé en milieu hospitalier ou extrahospitalier au cours de la dernière année du diplôme d'études spécialisées de médecine générale.
Le législateur a donc défini strictement les contours de ces stages, qui devront avoir lieu dans les zones sous-denses et en médecine de ville, sauf exception, qui doivent rester marginales. Le rapporteur se félicite de cette évolution et restera vigilant afin que la volonté du Parlement soit scrupuleusement respectée. À cet égard, les organisations d'internes entendues lui ont fait part d'une certaine impréparation, qui pourrait conduire à ce que les stages soient menés dans des conditions dégradées ou aient finalement lieu dans les CHU. L'ISNAR IMG a ainsi indiqué que « les Départements de Médecine générale ne sont pas prêts à accueillir des Docteurs Juniors ambulatoires en Médecine générale. Les locaux dans les cabinets médicaux ne sont ni disponibles ni en projet ».
En outre, l'accomplissement de stages dans les zones sous-dotées et en pratique ambulatoire ne peut pas se limiter à la quatrième année de troisième cycle. Il est en effet nécessaire que les étudiants découvrent ces territoires et ces pratiques tout au long de leur cursus. C'est pourquoi, dès février 2022, le rapporteur avait recommandé de procéder à la « barémisation » des indemnités de transport et de prévoir une revalorisation annuelle prenant en compte l'évolution du coût de la mobilité, pour un meilleur déploiement territorial des internes de médecine générale, en particulier dans les zones sous-denses, et d'organiser une concertation sur l'opportunité de verser les indemnités de transport aux étudiants en maïeutique, pharmacie et masso-kinésithérapie. Il avait également appelé à favoriser l'accueil des étudiants en santé dans tous les territoires, en concertation avec les collectivités territoriales, et expérimenter des internats ruraux dans les zones sous-denses.
Cette demande d'immersion dans les territoires est d'ailleurs partagée par les représentants d'étudiants entendus par le rapporteur. L'ANEMF considère ainsi qu'il « est primordial d'ouvrir des stages en périphéries, en hôpital, en MSP, en libéral pour faire découvrir plusieurs modes d'exercice mais aussi le territoire aux étudiants ». Ceux-ci ont cependant mis en avant la persistance de difficultés pratiques liées à l'hébergement et au transport. Selon l'ANEMF, « l'indemnité de transport existe mais les facultés ne la proposent pas ou le remboursement est une épreuve pour les étudiants. Il convient déjà de permettre à tout le monde de bénéficier de cette indemnité. Ensuite, nous considérons que cette indemnité, dont le montant a été arbitré il y a plusieurs années (130 euros bruts par mois), est en inadéquation avec la réalité du coût de la vie et de l'augmentation du prix de l'essence ». L'Association nationale des étudiants sages-femmes (ANESF) a également souligné que cette indemnité est en décalage avec les distances réellement parcourues par les stagiaires, qui parcourent par exemple en moyenne 4 599,75 km par an en filière maïeutique.
Dans certaines filières, il n'existe pas d'indemnité de logement. Ainsi, selon l'ANESF, « actuellement, nous [les étudiants en maïeutique] n'avons pas d'indemnité d'hébergement contrairement aux étudiants en médecine qui peuvent bénéficier de 150 € d'indemnités pour un stage ambulatoire ».
Pour le rapporteur, la persistance de ces difficultés financières et matérielles restreint la possibilité de réaliser des stages dans des zones éloignées des lieux de formation, ce qui en limite l'attractivité et participe de la méconnaissance de ces territoires par les futurs professionnels de santé. C'est donc un facteur aggravant des inégalités territoriales d'accès aux soins.
* 52Rapport d'information n° 590 (2021-2022), déposé le 29 mars 2022 : « Mise en oeuvre de la réforme de l'accès aux études de santé, bilan après deux ans : des progrès, mais peut mieux faire ».
* 53 Contribution licence santé, avril 2024.
* 54 Cependant, tous ne sont pas des étudiants français partis à l'étranger : certains sont des professionnels étrangers ou français qui résidaient déjà à l'étranger avant de commencer leurs études.
* 55 La DGOS n'a pas été en mesure de fournir une estimation de son ampleur au rapporteur.
* 56 Rapport du HCAAM, février 2024, « Une prospective des ressources humaines en santé pour assurer l'équité d'accès aux soins sur tous les territoires ».
* 57 Verger, Pierre., et al. « Le panel de médecins généralistes de ville : éclairages sur les enjeux de la médecine de premier recours d'aujourd'hui ». Revue française des affaires sociales, 2017/3, 2017. p.213-235.
* 58 Cet écart pourrait s'expliquer en partie par le fait que les femmes médecins sont plus jeunes que les hommes médecins : les effets de génération et de féminisation se combinent.
* 59 CE, 7 octobre 2022, n° 438 233, Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie.
* 60 Silhol, J. (2024). Geographical Distribution of Interns in General Practice : A Tool for Regulating Place of Settlement ? Economie et Statistique / Economics and Statistics, 542, 17-36.
* 61 Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques. Les leçons de la littérature internationale, D. Polton, H. Chaput, M. Portela, les dossiers de la Drees n° 89, décembre 2021.
* 62 Silhol, J. (2024). Geographical Distribution of Interns in General Practice : A Tool for Regulating Place of Settlement ? Economie et Statistique / Economics and Statistics, 542, 17-36.