LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (MECSS)

La Mecss du Sénat

Selon l'article L.O. 111-10 du code de la sécurité sociale, « il peut être créé au sein de la commission de chaque assemblée saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale une mission d'évaluation et de contrôle chargée de l'évaluation permanente de ces lois ».

Ainsi, chacune des deux commissions des affaires sociales a créé en son sein une Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).

Les commissions des affaires sociales disposent de prérogatives importantes en matière de contrôle2(*).

Dans le cas des missions d'évaluation et de contrôle, en cas de non-transmission d'informations, le président de la commission peut demander au juge statuant en référé de faire cesser l'entrave sous astreinte3(*). Par ailleurs, la mission d'évaluation et de contrôle peut adresser aux pouvoirs publics des observations, ceux-ci ayant deux mois pour y répondre4(*).

Conformément à son règlement intérieur, la Mecss du Sénat comprend 16 membres désignés de façon à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques, auxquels s'ajoute le président de la commission. Le rapporteur général et les rapporteurs de branche sont membres de droit de la Mecss.

Déroulé des travaux

Lors de sa réunion du 12 décembre 2023, la Mecss du Sénat a adopté son programme de travail pour 2024, comprenant un rapport sur la branche AT-MP. Lors de sa réunion du 14 décembre 2023, le bureau de la commission des affaires sociales a validé ce programme de travail.

Lors de sa réunion du 17 janvier 2024, la Mecss a nommé Marie-Pierre Richer (rattachée au groupe Les Républicains, sénatrice du Cher), et Annie Le Houérou (groupe socialiste, écologique et républicain, sénatrice des Côtes-d'Armor) co-rapporteures de ce contrôle. Cette désignation conjointe d'un membre de la majorité et d'un membre de l'opposition sénatoriales a pour objet de garantir l'objectivité des travaux.

Des questionnaires écrits ont été adressés à l'ensemble des personnes ou entités auditionnées. Leur liste figure à la fin du présent rapport.

Le rapport a été adopté par la commission des affaires sociales du Sénat le 9 octobre 2024.

La sécurité sociale française est découpée, depuis 20225(*), en cinq branches6(*) recouvrant cinq catégories de risques sociaux : vieillesse, maladie, famille, autonomie et accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Des cinq, le risque AT-MP a été le premier à être assuré, dès la loi du 9 avril 18987(*).

La branche AT-MP est chargée de la gestion des risques professionnels et de l'indemnisation des travailleurs victimes d'accidents du travail, d'accidents de trajet ou de maladies professionnelles. Son action est triple : la prévention des risques, la réparation des sinistres et la tarification des cotisations. Du fait de sa nature duale, la branche AT-MP est placée sous l'égide des ministères en charge de la santé et du travail.

La définition des AT-MP

La loi encadre la définition des accidents du travail et des maladies professionnelles :

• l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale définit l'accident du travail comme « l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail », quelle qu'en soit la cause ;

• l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale définit l'accident de trajet comme « l'accident survenu à un travailleur pendant le trajet d'aller ou de retour » entre la résidence stable et le travail, ou le lieu de déjeuner et le travail. Le régime des accidents du travail s'applique aux accidents de trajet ainsi caractérisés ;

• l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale caractérise la maladie professionnelle comme « toute maladie désignée dans un tableau » ou « essentiellement et directement causée par le travail ».

En 2022, 935 000 sinistres ont été recensés parmi les assurés du régime général, dont 744 000 accidents du travail, 124 000 accidents de trajet et 67 000 maladies professionnelles.

Avec 15,4 milliards d'euros de dépenses en 2023 sur l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, la branche AT-MP est la plus petite des cinq branches de la sécurité sociale - elle représente 2,5 % des dépenses de la sécurité sociale. Le poids financier de la branche ne doit toutefois pas être sous-estimé : à titre d'exemple, il dépasse le montant des dépenses du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » la même année, soit 15 milliards d'euros.

L'essentiel de ces dépenses est concentré sur l'indemnisation des victimes d'accidents du travail : les prestations servies par la branche - prise en charge des soins, versement d'indemnités journalières, indemnisation de l'incapacité permanente - ont ainsi atteint 12,3 milliards d'euros en 2023.

Cette indemnisation repose sur un « compromis historique », issu de la loi du 9 avril 1898 : le travailleur victime d'un AT-MP se voit dispensé d'avoir à apporter la preuve de la faute de son employeur et, en contrepartie, le travailleur reçoit une indemnisation forfaitaire de ses préjudices, et l'employeur bénéficie d'une immunité civile. Ce système, toujours plébiscité aujourd'hui par les partenaires sociaux, a facilité l'accès à la réparation pour les salariés victimes, tout en évitant une judiciarisation excessive.

La branche se caractérise, en outre, par une situation financière favorable, avec un excédent réalisé de 1,4 milliard d'euros en 2023 - elle est la seule dans ce cas avec la branche famille8(*).

I. LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES : UNE SINISTRALITÉ QUI STAGNE, DES EXCÉDENTS QUI S'ACCUMULENT

A. LA STAGNATION DE LA SINISTRALITÉ DES AT-MP NE PEUT TENIR LIEU DE SATISFECIT

1. Les accidents de travail et maladies professionnelles déclarés stagnent depuis vingt ans, en dépit d'une récente baisse qui reste inexpliquée
a) La sinistralité des AT-MP diminue dans le temps, mais semble atteindre un plancher

L'évolution du nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles est difficile à analyser car leurs déterminants sont multiples. Le nombre d'accidents du travail déclaré doit en effet être rapporté aux effectifs de travailleurs couverts pour le risque AT-MP, qui évoluent dans le temps, ainsi qu'à leurs conditions de travail. Le recours massif au chômage partiel durant la crise sanitaire en 2020 et début 2021, ou à plus faible raison le développement du télétravail ont par exemple conduit à une diminution temporaire du nombre d'accidents du travail. À ces effets conjoncturels doit être ajouté le risque de sous-déclaration propre aux AT-MP, lié aux majorations de tarification subies par l'employeur ou à la méconnaissance des salariés.

Nombre d'AT-MP ayant donné lieu à une déclaration

Source : Repss 2023

Pour éviter ces effets liés à la situation économique et permettre une comparaison dans le temps, l'indice de fréquence permet d'observer le nombre d'AT-MP déclarés pour 1 000 salariés, et donc d'évaluer le risque subit par les salariés au travail. De 2000 à 2019, cet indice a stagné, avec 33,2 accidents pour 1 000 salariés du régime général en 2013 contre 33,5 accidents en 2019.

Indice de fréquence national des accidents du travail

Source : Repss 2023

Après deux années peu représentatives durant la crise sanitaire, les données statistiques les plus récentes en matière de sinistres au travail concernent l'année 20229(*), et font état pour la première fois depuis dix ans d'une sinistralité à la baisse avec - 6,7 % pour les accidents du travail et - 6,4 % pour les maladies professionnelles, alors même que le nombre de salariés a augmenté de 3 %. Cependant la direction des risques professionnels (DRP) de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a indiqué aux rapporteures que cette inflexion devait être prise avec précaution, car ses déterminants ne sont pas encore expliqués. Selon la Direction de la sécurité sociale (DSS) - qui est dans l'attente de publications à ce sujet - la baisse des AT-MP pourrait « être due à des phénomènes contextuels du monde du travail (télétravail, ralentissement de l'activité, etc.) mais aussi à l'utilisation des outils de déclaration ».

Les accidents de trajet : une sinistralité à part

En 2022, 89 483 arrêts de travail étaient consécutifs à un accident de trajet. Ces accidents sont pris en charge par la branche AT-MP lorsqu'un salarié connaît un accident à l'occasion du trajet entre son lieu de domicile10(*) et son lieu de travail, ou entre son lieu de travail et son lieu de restauration11(*).

Les accidents de trajet connaissent une dynamique propre, et leur diminution continuelle depuis les années 2000 relève en grande partie des progrès réalisés par la politique de prévention de sécurité routière. Par ailleurs, le nombre d'accidents de trajet annuel varie moins selon le nombre de salariés que selon des facteurs saisonniers et météorologiques : les hivers rigoureux occasionnent davantage d'accidents que les années plus clémentes. Certains secteurs connaissent un plus grand nombre d'accidents de trajet du fait du travail intérimaire, ou lorsque les horaires de nuit et les horaires fractionnés y sont plus présents.

b) Une relative diminution de la gravité des accidents du travail

Le niveau de sinistralité des AT-MP dépend également de la gravité des accidents, dont les répercussions peuvent conduire à des arrêts de longue durée, quand il ne s'agit pas d'une incapacité permanente (IP) du salarié ou dans le pire des cas à un décès de la victime.

L'indice de gravité des accidents du travail, qui se mesure par le nombre de reconnaissances d'incapacité permanente pour 10 000 accidents du travail, permet d'établir que la tendance globale est à une baisse de la gravité des accidents du travail, en partie due au déversement des emplois du secteur industriel vers le secteur tertiaire. L'indice de gravité des AT, qui était de 601 en 2013, est redescendu à 527 en 201912(*) avant d'augmenter pour la première fois en 2021 (583), ce que la Cnam explique par un retard de traitement des dossiers de 2020. À plus long terme, la gravité des accidents risque d'être renforcée par le vieillissement de la population en âge de travailler : les salariés âgés de plus 50 ans connaissent en effet moins d'AT mais ces derniers sont plus souvent graves ou mortels13(*).

La relative diminution de la gravité des AT ne doit pas invisibiliser le nombre de décès consécutifs à un AT-MP, qui demeure de 1 227 en 2022, dont 738 pour les seuls accidents du travail14(*). Ces décès font l'objet d'une très bonne connaissance concernant les AT du fait de l'obligation pour l'employeur de prévenir l'inspection du travail dans les douze heures après la survenue de l'accident15(*), ce qui entraîne le plus souvent une enquête administrative, voire pénale. Les journalistes du journal Le Monde qui ont consacré une série d'articles aux décès sur le lieu de travail16(*) ont confirmé aux rapporteures l'importance du rôle de l'inspection du travail en cas d'accident grave, à la fois pour réduire les risques auxquels les salariés sont exposés, mais également pour fournir une base étayée en vue d'une indemnisation du salarié ou de ses proches en cas de décès.

La sinistralité AT-MP du régime agricole

Les accidents du travail, de trajet et les maladies professionnelles sont reconnus et indemnisés au titre du régime AT-MP du régime agricole dont la gestion est confiée à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). La particularité des AT-MP du régime agricole réside en ce qu'ils concernent deux populations très différentes dans leur rapport au travail, les salariés agricoles et les non-salariés qui sont constitués à 93 % de chefs d'exploitation.

Les données de la CCMSA indiquent que le nombre d'AT subis par les chefs d'exploitation connaît une diminution d'ampleur depuis dix ans (- 40,3%), ce qui s'explique par la réduction du nombre d'exploitations et donc d'affiliés au régime. Dans le même temps, les accidents concernant les salariés agricoles ont également diminué de 27 %, ce qui confirme une meilleure prise en compte de la sécurité et de la santé au travail dans le secteur agricole. Cependant les indicateurs de gravité ont augmenté pour ces deux catégories depuis 2013, que ce soit concernant le taux d'IPP supplémentaires pour les AT non mortels (+ 28 % pour les salariés, + 27,3 % pour les non-salariés) ou concernant le nombre de jours d'arrêts pour les AT avec arrêts (+ 28 % pour les salariés). Cependant, cette tendance est à relativiser compte tenu du vieillissement de ces populations, et du fait que le régime général connaît des évolutions similaires sur l'ensemble des arrêts de travail.

En revanche, les maladies professionnelles liées aux risques psycho-sociaux (RPS) font encore l'objet d'une mauvaise connaissance, alors même que le mal-être d'une partie des agriculteurs est avéré.

Source : CCMSA

c) La sinistralité AT-MP dépend également des nomenclatures et conventions statistiques retenues

La sinistralité AT-MP dépend de la définition retenue du risque, particulièrement dans le cas des maladies professionnelles. La sous-déclaration des maladies professionnelles, prises en charge par l'assurance maladie à tort et donnant lieu à un transfert financier entre les branches17(*), a également des conséquences sur la déclaration des accidents du travail. Le cas des troubles musculosquelettiques (TMS) illustre cette porosité, puisqu'avant d'être reconnus comme MP, ces derniers provoquent fréquemment plusieurs arrêts de travail de droit commun, pris en charge par des indemnités maladies. Aussi les arrêts de travail conduisant au versement d'indemnités journalières varient très sensiblement selon les secteurs d'activité pour certaines pathologies, ce qui semble indiquer qu'elles sont liées à l'activité professionnelle.

Le périmètre pertinent des maladies professionnelles semble donc encore à définir, et permettrait d'avoir une vision plus précise de la sinistralité AT-MP. Cette clarification suppose cependant de disposer d'une vision consolidée des AT-MP au-delà du seul régime général, or pour la fonction publique les conventions statistiques suivies par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) diffèrent. Lors de l'audition de la directrice de la CNAM-TP, cette dernière a précisé que le chantier de la consolidation des données inter-régime avait été délaissé par le ministère lors des dernières années.

Proposition n°1 : Imposer aux différents services de l'État et aux acteurs concernés de produire des données consolidées inter-régimes permettant d'avoir une vision synoptique de la sinistralité AT-MP en France.

2. Cette stagnation apparente masque des mutations profondes de la sinistralité AT-MP

La sinistralité appréhendée par le nombre d'AT-MP et par leur fréquence peut donner l'impression d'une stagnation ou d'un plancher atteint dans la couverture du risque. Analysée dans le détail, la sinistralité AT-MP se caractérise au contraire par des mutations importantes, et par une surreprésentation du risque auprès de certains publics.

a) Les maladies professionnelles connaissent une augmentation sensible des TMS et des RPS

Les données de la Cnam font état d'une surreprésentation des pathologies multifactorielles parmi les maladies professionnelles reconnues et indemnisées. Ainsi sur les 44 217 maladies reconnues par la branche AT-MP en 2022, les troubles musculosquelettiques (TMS) représentaient plus de 86 %18(*), touchant particulièrement les ouvriers, avec une prévalence chez les salariés les plus âgés et chez les femmes19(*). Les maladies professionnelles relevant de troubles psychosociaux liés à l'activité professionnelle connaissent également une hausse de + 16 % par rapport à 202120(*).

Part des maladies professionnelles reconnues avec arrêt de travail ou IP
par la branche AT-MP par grandes familles de pathologies en 2022

(en %)

Source : Repss AT-MP 2023

La dynamique des pathologies liées au travail mais dont la nature est multifactorielle représente un défi pour la branche AT-MP, car leur caractère diffus et environnemental s'accommode imparfaitement du système français de reconnaissance des maladies professionnelles. Par conséquent, le niveau de sous-déclaration afférent est probablement très élevé, comme le suggèrent les travaux de la Cnam.

Estimation de la sous-déclaration relative aux TMS en 2022

Source : Repss AT-MP 2023

b) La sinistralité AT-MP est particulièrement contrastée selon les secteurs d'activité

La diversité de risques au travail se retrouve dans les indices de fréquence, mais aussi de gravité. À titre d'exemple, le nombre moyen de jours indemnisés par salarié du régime général par branche AT-MP variait en 2019 entre 0,93 pour les activités de banque, d'assurance et de services administratifs et 5,28 pour les activités de nettoyage, d'action sociale et d'intérim21(*).

Fréquence des accidents du travail avec arrêt en 2021 pour
les secteurs les plus risqués

(en %)

Source : Repss AT-MP 2023

Les filières qui étaient historiquement les plus accidentogènes ont connu de nets progrès dans la fréquence des accidents du travail grâce à une action renforcée en faveur de la prévention et de la santé au travail. C'est notamment le cas des secteurs du BTP, de la métallurgie ou de la chimie, pour lesquels la fréquence des accidents du travail a fortement diminué.

Évolution de la fréquence des AT-MP pour le BTP et l'industrie

(en %)

Source : Repss AT-MP 2023

Les accidents du travail dans le secteur du BTP : un risque important,
des progrès remarquables

Dans le secteur du BTP, les salariés sont exposés à un très grand nombre de risques professionnels associés à une gravité importante : chutes, heurts avec engins et masses en mouvement, enfouissements, électrocutions, etc. Le secteur connaît de plus un contexte défavorable en raison de la faible taille moyenne des entreprises qui limite la capacité organisationnelle et les moyens, du caractère forain des chantiers, des risques induits par la coactivité, par le roulement dans les équipes et enfin par la diversité culturelle et linguistique du personnel. Les clients des entreprises du BTP manifestent par ailleurs un intérêt variable pour la santé et sécurité des personnels.

Cette forte exposition aux risques se traduit par des taux d'accidents du travail et de maladies professionnelles toujours élevés, en dépit des remarquables avancées du secteur ces dernières années. Le BTP déplore un indice de fréquence moyen de 47,7 en 2021 contre 31 pour la moyenne de tous les secteurs professionnels. Cet indice était encore de 56 en 2010, ce qui argue toutefois d'une diminution soutenue des accidents.

Cependant des progrès restent encore à faire, notamment concernant les intérimaires, dont l'intégration est par nature plus difficile dans les collectifs de travail, puisqu'ils connaissent une surexposition de 22 % aux accidents du travail dans le secteur selon la Cnam-TS.

Source : Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP)

A contrario certaines filières ont assisté à une détérioration rapide de leur situation, comme dans les secteurs des ESMS (établissement de santé et médicosociaux), des hypermarchés ou même du stockage et de l'entreposage frigorifique. Cette aggravation illustre que les priorités en matière de prévention doivent être constamment révisées afin de tenir compte de l'évolution du monde professionnel.

c) D'autres facteurs influent grandement sur les risques professionnels, tant au niveau des entreprises que des salariés

Les petites et moyennes entreprises (PME) demeurent moins perméables aux politiques de prévention puisque l'indice de fréquence des accidents du travail au régime général y est supérieur à 40 pour 1 000, là où il n'atteint pas 30 pour 1 000 dans les établissements de plus de 200 salariés. La taille des ETI et grandes entreprises leur permet de concevoir des politiques de prévention propres, qui sont mieux adaptées à la spécificité de leurs activités, contrairement aux PME dont les moyens en la matière sont plus limités.

Des facteurs propres aux salariés conditionnent aussi la sinistralité AT-MP, qu'ils concernent la catégorie socio-professionnelle, l'âge ou le genre des salariés. La catégorie socio-professionnelle détermine majoritairement le risque d'exposition à certains risques, ainsi selon les données de la Cnam-TS 68 % des ouvriers qualifiés ont été exposés à des nuisances sonores durant la semaine précédant l'enquête contre 13 % des cadres et professions intellectuelles supérieures. Ces disparités doivent donc être prises en compte dans la mise en place des politiques de prévention, de même que l'âge ou le genre des salariés.

Part des salariés exposés à un risque selon la catégorie professionnelle

Source : Placss 2023

Santé des femmes au travail : des maux invisibles22(*)

Les travaux de la délégation au droit des femmes du Sénat ont souligné que les secteurs professionnels largement féminisés font l'objet d'une sous-évaluation systématique de la pénibilité et des risques au travail. Comme dans les secteurs de la santé et du social, du nettoyage et de l'intérim, du commerce et des industries de l'alimentation, où de nombreux métiers dits féminins sont exposés à un port répétitif de charges dépassant la norme autorisée de 25 kg23(*).

De fait, les accidents du travail ont augmenté de 42 % chez les femmes entre 2001 et 201924(*) et le nombre d'accidents du travail est plus élevé dans les activités de services à prédominance féminine (178 483 accidents du travail) que dans le secteur du BTP (88 360 accidents du travail).

Cette invisibilisation tient à ce que les accidents de travail mortels concernent à 90 % des hommes, et que ces accidents demeurent les plus prégnants dans la représentation collective des AT-MP.

Source : Délégation aux droits des femmes du Sénat


* 2 Les pouvoirs de contrôle de la commission sont définis par l'article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale, qui prévoit notamment que « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils [le président, le rapporteur général, le président de la Mecss, les rapporteurs, les membres désignés à cet effet] demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis ».

* 3 Article L.O. 111-9-1 du code de la sécurité sociale.

* 4 Article L.O. 111-9-3 du code de la sécurité sociale.

* 5 Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.

* 6 Article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.

* 7 Loi concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail.

* 8 Dont l'excédent atteint 1 milliard d'euros pour 2023.

* 9 Rapport de gestion 2022 de l'Assurance Maladie - Risques professionnels, décembre 2023

* 10 Le domicile correspond à la résidence principale, mais également secondaire le cas échéant, ou tout autre lieu fréquenté de façon habituelle pour motifs familiaux.

* 11 Article L. 411-2 du code du travail.

* 12 Repss AT-MP 2023.

* 13 Caisse nationale d'assurance maladie, « Sinistralité des seniors - salariés de 50 ans et plus - en 2017 », mars 2019.

* 14 Rapport annuel 2022 de l'Assurance Maladie - Risques professionnels.

* 15 Décret n° 2023-452 du 9 juin 2023 relatif aux obligations incombant aux entreprises en matière d'accident de travail et d'affichage sur un chantier.

* 16 Série d'articles « Morts au travail : l'hécatombe ».

* 17 Article L. 176-1 du code de la sécurité sociale, cf. infra.

* 18 Repss AT-MP 2023.

* 19 Selon l'Anact, dans sa Photographie statistique de la sinistralité au travail en France selon le sexe entre 2001 et 2019, 60% des salariés souffrant de TMS sont des femmes.

* 20 Audition DSS.

* 21 Cour des comptes, « La maîtrise des risques professionnels dans les établissements et services médicaux sociaux », in Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2022.

* 22 Rapport d'information n° 780 (2022-2023), tome I, déposé le 27 juin 2023.

* 23 Article R. 4541-9 du code du travail.

* 24 Anact, Photographie statistique de la sinistralité au travail en France selon le sexe entre 2001 et 2019, 2022.

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