II. BILAN DE LA CONSULTATION DES ÉLUS LOCAUX (AVRIL 2024)

La mission d'information a procédé à une consultation des élus locaux sur le site du Sénat afin de recueillir des témoignages d'élus sur les initiatives de collectivités territoriales (principalement des communes, mais aussi des intercommunalités, des départements et des régions) ayant fait le choix de négocier au niveau de leur territoire, pour leurs habitants (plus particulièrement pour les retraités qui ne bénéficient pas de contrats collectifs co-financés par les entreprises pour leurs salariés), une complémentaire santé accessible financièrement. Par commodité, ces initiatives sont ci-dessous dénommées « mutuelles communales » même si ce terme est impropre compte tenu des quelques départements et régions qui se sont emparés de ces projets et des statuts des organismes de complémentaire santé avec lesquelles les collectivités ont négocié, qui ne se limitent pas aux mutuelles.

Le 22 avril 2024, trois semaines après la mise en ligne de son questionnaire, la mission d'information a recueilli un total de 771 réponses, principalement d'élus municipaux (742 soit 96 % ; 540 maires et maires-adjoints soit 70 % des répondants). On notera que 82 % de ces réponses émanent d'élus de communes de moins de 5 000 habitants.

Ce nombre de réponses est honorable compte tenu du fait qu'un nombre relativement limité de collectivités ont mis en place de tels projets (le nombre de « mutuelles communales » était estimé à 2 000 en 2017) et du caractère récent de cette formule.

Compte tenu du nombre de réponses, cette consultation ne saurait être considérée comme une source d'information comparable à un sondage. Les témoignages adressés à la mission par les élus sont toutefois éclairants des besoins qui s'expriment au niveau local en matière de complémentaire santé, singulièrement pour les retraités.

A. TÉMOIGNAGES DES ÉLUS ENGAGÉS DANS UNE COMPLÉMENTAIRE SANTÉ NÉGOCIÉE AU NIVEAU DU TERRITOIRE : UN BILAN EN DEMI-TEINTE

Les contrats de complémentaire santé retenus par les collectivités territoriales pour leurs habitants comportent des niveaux de cotisation plus ou moins élevés (« 3 niveaux de 20 à 45 euros par mois », « 4 niveaux de prise en charge de 20 à 130 euros environ », « 4 formules allant de 47,09 à 119,21 euros ») et tiennent compte des besoins des seniors, qu'il s'agisse du panier de soins couvert (prise en charge des frais dentaires, des audioprothèses, des cures thermales, de l'optique) ou du plafonnement des cotisations passé un certain âge (« 91,90 euros par mois pour les plus de 60 ans », « pas de hausse au-delà de 70 ans », « la négociation a permis de supprimer le palier de 80 ans qui bénéficie du même tarifs qu'à 70 ans », « 4 niveaux de garantie avec une tarification qui ne tienne plus compte de l'âge passé 60 ans »).

Ces mutuelles s'adressent toutefois à un public plus large que les retraités : s'agissant des besoins des assurés plus jeunes et des familles, on note par exemple la mention de l'orthodontie, de « nombreuses prestations de médecine douce » et de « cotisations gratuites à partir du troisième enfant », la prise en charge de consultations psychologiques et d'un forfait sevrage tabagique ainsi que des offres pour les étudiants.

Ces contrats sont généralement destinés à des profils divers : une réponse fait ainsi état de l'extension de la couverture initialement négociée, réservée au départ aux retraités percevant moins de 1 800 euros de revenus mensuels, à « l'ensemble des seniors sans conditions de ressources ». Ainsi, la ville de Toulouse, constatant que ses « seniors ont plébiscité la mutuelle communale », a fait savoir à la mission d'information qu'elle venait de l'ouvrir à tous les seniors de la ville, « sans aucune condition de ressources », et qu'elle « [réfléchissait] à un cahier des charges, pour un futur appel d'offres, pour un élargissement à la totalité des Toulousains ».

Certaines collectivités ont toutefois privilégié le ciblage d'une population précise. Lorsque ces complémentaires santé sont réservées à une catégorie d'assurés, les réponses mentionnent :

- les retraités ;

- « les habitants de la commune ou les personnes travaillant dans la commune » ;

- « les personnes les plus fragiles avec des revenus modestes » ;

- « les retraités, étudiants, agriculteurs, travailleurs indépendants » ;

- « les retraités, étudiants, fonctionnaires, auto-entrepreneurs, personnes en fin de droits » ;

- « les agents de la fonction publique travaillant au sein de la collectivité » ;

- « les familles monoparentales ».

D'après les informations dont disposent les répondants, ces contrats sont le plus souvent choisis par les retraités et seniors (44 %), mais aussi par les personnes sans emploi (14,5 %), les travailleurs indépendants (10,2 %) et les familles (10,2 %).

Les principaux critères de choix retenus par les élus engagés dans une mutuelle négociée sont tout d'abord le niveau des cotisations (32,5 %), l'étendue de la couverture santé proposée (28,4 %) et la qualité de l'accompagnement des assurés, comme par exemple l'accueil téléphonique, la proximité et la possibilité d'une « rencontre en visuel » (28,7 %) : « La proximité de la mutuelle et une permanence assurée en mairie a été un facteur apprécié lors de la sélection ». La rapidité de traitement des dossiers n'est indiquée que par 5 % des répondants.

En définitive, les avantages de la formule, selon les élus qui l'ont expérimentée, tiennent à :

- des cotisations moins élevées (42 %) ;

- la qualité de l'accueil et de l'accompagnement des assurés, comprenant la possibilité de rencontres physiques et de contacts individuels (29 %) ;

- la simplification du choix de la couverture santé complémentaire par les assurés (17 %).

Les élus se déclarant satisfaits de cette formule témoignent :

- de l'atout qu'a constitué la mutuelle « communale » pour permettre à des personnes sans mutuelle d'accéder à une couverture complémentaire ;

- de l'accès aux soins permis par des tarifs négociés ;

- des économies réalisées par les assurés (« faible augmentation des tarifs, inférieure à l'inflation », « intérêt de l'encadrement des hausses de tarifs prévu dans la convention ») et de « l'augmentation de pouvoir d'achat » qui en résulte ;

- de l'adaptation de la formule à la situation des retraités qui perdent le bénéfice du contrat collectif de leur entreprise ;

- de la simplicité des démarches qui incombent aux habitants ;

- de l'atout que constitue la relation de proximité avec les assurés et du maintien d'un « contact humain » qu'elle permet ;

- de l'intérêt d'un panier de soins pouvant comprendre la prévention (remboursement de la pratique sportive).

En revanche, la déception exprimée par certains élus tient :

- au faible nombre de personnes ayant adhéré, même si un élu déclare avec philosophie qu'en dépit de ce succès mitigé « cela reste un service à la population » ;

- et à la relative rareté des familles ayant souscrit des contrats ;

- et à l'augmentation des tarifs parfois constatée depuis la mise en place de la mutuelle « communale ».

Si l'on met à part l'exemple de Toulouse qui compte 3 300 personnes concernées par la mutuelle communale, les réponses relatives au nombre de contrats souscrits font état d'effectifs modestes, qui s'échelonnent entre 5 foyers (voire moins) et 1 884 personnes, de nombreuses réponses renvoyant à « une dizaine de contrats ».

Compte tenu des contraintes liées à la mise en concurrence, de la charge de travail qu'elle représente pour les collectivités (18 mois de travail selon un témoignage) et du risque pris par les élus à l'égard de leurs électeurs, on comprend les élus, singulièrement de petites communes, qui s'interrogent sur la pertinence de la démarche, même si certains témoignages relativisent les inconvénients de celle-ci pour l'équipe municipale (« aucune dépense budgétaire pour la ville excepté quelques heures de travail et de réflexion pour les élus et les services »).

Malgré les témoignages de satisfaction adressés à la mission, force est de constater que la mutuelle « communale » ne saurait garantir une couverture santé efficace et peu onéreuse, si l'on en juge par certains retours d'expérience négatifs : « Il s'agissait d'un dispositif permettant par la mutualisation du risque de bénéficier de tarifs moins élevés d'environ 30 % que le marché. Néanmoins après deux ans les tarifs ont rejoint les niveaux du marché voire plus ». Ce rattrapage des tarifs tient probablement à la difficile mutualisation des risques, en lien avec la forte proportion de seniors (« des cotisations moins élevées au départ, mais qui rattrapent le marché très rapidement, compte tenu qu'il y a une majorité de retraités et de seniors qui adhèrent »).

Il semble que les collectivités procédant à un marché reçoivent relativement peu d'offres, ce qui pourrait tenir aux difficultés de la mutualisation dans ce domaine. Toutefois la consultation ne permet pas de dégager de véritables statistiques sur ce point compte tenu du faible nombre de réponses reçues à cette question580(*) (une offre : 23 % des répondants ; 2 ou 3 offres : 27 % ; 5 ou plus.


* 580 Une offre : 23 % des répondants ; deux offres : 13 % ; trois offres : 14,6 % ; cinq offres et plus : 17 % ; « je l'ignore » : 30 %.

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