N° 770

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 septembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'information (1) sur le thème : « Complémentaires santé, mutuelles : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français »,

Présidente
Mme Marie-Claire CARRÈRE-GÉE (2),

Rapporteur
M. Xavier IACOVELLI, 

Sénatrice et Sénateur

(1) Cette mission est composée de : Mme Marie-Claire Carrère-Gée (2), présidente ; M. Xavier Iacovelli, rapporteur ; MM. Jean-Michel Arnaud, Bernard Fialaire, Mmes Corinne Imbert, Annie Le Houerou, Marie-Claude Lermytte, Émilienne Poumirol, Silvana Silvani, Anne Souyris, vice-présidents ; Mmes Jocelyne Antoine, Patricia Demas, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Isabelle Briquet, Catherine Di Folco, M. Alain Duffourg, Mme Nadège Havet, MM. Claude Kern, Khalifé Khalifé, Mme Viviane Malet, MM. Serge Mérillou, Alain Milon, André Reichardt.

(2) Mme Marie-Claire Carrère-Gée a été nommée membre du Gouvernement le 21 septembre 2024.

L'ESSENTIEL

La mission d'information sur les complémentaires santé et le pouvoir d'achat des Français s'est mise en place le 15 février 2024, à l'initiative du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), en réponse aux inquiétudes suscitées par les hausses de tarifs de complémentaires santé annoncées à la fin de 2023.

Initialement inspirée par les difficultés des retraités, particulièrement concernés par cette « flambée des prix », la mission a étendu ses réflexions à des problématiques telles que les périmètres respectifs des assurances maladie obligatoire et complémentaire, les frais de gestion des complémentaires santé, la gouvernance des relations entre AMO et AMC ou l'information des assurés sur leurs contrats de complémentaire santé.

Au terme d'une quarantaine d'auditions, elle présente 22 recommandations pour mieux protéger les assurés, et plus particulièrement les seniors, en limitant la hausse des cotisations des complémentaires santé, en améliorant le recours aux droits et en allant plus loin en matière de transparence, et pour mieux articuler AMO et AMC.

I. L'ASSURANCE MALADIE COMPLÉMENTAIRE : UNE COUVERTURE ÉTENDUE, INDISPENSABLE À L'ACCÈS AUX SOINS MALGRÉ DES DISPARITÉS PERSISTANTES

Les dépenses de santé (313,6 milliards d'euros en 2022) sont prises en charge par : les régimes obligatoires d'assurance maladie, qui en financent 79,6 %, les organismes complémentaires d'assurance maladie ou Ocam (12,6 %) et les ménages (7,2 %), la part de l'État se limitant à 0,6 %.

A. 96 % DES FRANÇAIS SONT COUVERTS PAR UNE COMPLÉMENTAIRE SANTÉ

1. AMO, AMC : deux mécanismes de solidarité différents ; un même panier de soins

Héritage de la Libération, l'assurance maladie obligatoire (AMO) garantit aux Français une couverture santé minimale devenue universelle en 1999. Les cotisations dues à l'assurance maladie sont indépendantes des dépenses de santé des assurés et de leur âge.

L'adhésion à l'assurance maladie complémentaire (AMC) est, quant à elle, facultative, à l'exception de la souscription d'un contrat collectif pour les salariés et, prochainement, pour les fonctionnaires de l'État. Selon la Drees, plus de 96 % des Français de 15 ans et plus sont aujourd'hui couverts par une complémentaire santé.

1. Un marché de 40,5 milliards d'euros, toujours dominé par les mutuelles

En 2022, 397 organismes complémentaires d'assurance maladie (Ocam) se partageaient ce marché. Parmi eux, les mutuelles collectent près de la moitié (47 %) des 40,5 milliards d'euros de cotisations perçues, les entreprises d'assurance représentant 36 % du marché et les institutions de prévoyance 17 %.

Parts de marché des trois catégories d'Ocam en 2022

Source : Drees, rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé, 2023

2. Contrats collectifs, contrats individuels : des différences sensibles en termes de mutualisation des risques, de couverture et de ratio prestation / cotisations

On distingue les contrats collectifs, dans le cadre desquels le risque est mutualisé entre les souscripteurs, et les contrats individuels, dont les tarifs prennent notamment en compte l'âge de l'assuré.

Caractéristiques des contrats collectifs et individuels d'AMC

De manière générale, la comparaison entre les deux types de contrat fait ressortir les avantages liés aux contrats collectifs :

- ils sont plus couvrants : 58 % des bénéficiaires d'une couverture collective disposent d'un contrat classé comme « très couvrant » ; 11 % des bénéficiaires d'un contrat individuel ;

le ratio prestations/cotisations des contrats collectifs est plus élevé : 87 % (74 % pour les contrats individuels) ;

ils concentrent des dispositifs de prise en charge : l'employeur est tenu de participer au moins pour moitié aux cotisations, et concentrent les dispositifs fiscaux prévus en faveur des assurés, même si les indépendants en individuel bénéficient également d'un mécanisme de déductibilité fiscale des cotisations ;

- ils mutualisent davantage les risques (par exemple les tarifs « familles » concernent un bénéficiaire de contrat collectif sur deux) que les contrats individuels, qui peuvent prendre en compte des critères tels que l'âge des assurés, leur lieu de résidence ou leur ancienneté dans le contrat et peuvent prévoir des limites d'âge à l'entrée dans un contrat.

Des contrats collectifs négociés à l'échelle d'une collectivité territoriale peuvent être proposés aux personnes n'ayant pas accès à un contrat collectif, afin de leur permettre de bénéficier d'une couverture santé à des tarifs avantageux. La mission d'information souhaite qu'il soit procédé à un état des lieux et à un bilan de ces « mutuelles communales », qui concernent toutes les collectivités (communes, départements, régions), afin qu'un recueil de bonnes pratiques puisse accompagner les élus qui souhaitent s'engager dans une telle démarche.

1. Le ticket modérateur, base de l'intervention de l'AMC dans le financement des soins

Par le « ticket modérateur », l'assuré prend en charge une part du tarif servant de base au remboursement des frais de santé par l'Assurance maladie, cette participation pouvant être partiellement couverte par l'AMC.

Au surplus, une participation forfaitaire de deux euros s'impute, dans certaines limites, sur la partie des frais liés à une consultation ou à un acte réalisé par un médecin remboursée par l'AMO.

Par exemple, une consultation de 26,50 € chez le médecin traitant est remboursée par l'AMO à hauteur de 16,55 € ; restent à la charge de l'assuré le ticket modérateur (7,95 ) et la participation forfaitaire soit 9,95 €.

Prise en charge d'une consultation chez le médecin traitant

Source : L'Assurance maladie

2. Des contrats réglementés : les contrats « solidaires et responsables », qui concernent 98 % des souscripteurs d'une complémentaire santé

Par-delà la diversité des contrats de complémentaire santé, les contrats dits « responsables » concernent quelque 98 % des souscripteurs d'une couverture complémentaire. Assortis d'une fiscalité incitative pour les Ocam, ils sont très encadrés :

- quant à l'étendue de la couverture, qui doit prendre en charge l'ensemble des tickets modérateurs, les forfaits journaliers hospitaliers (sans limitation de durée) et l'intégralité du reste à charge après AMO pour le panier du « 100 % santé » (optique, prothèses dentaires et audioprothèses) ;

- quant aux dépenses restant à la charge des assurés : franchises médicales et participations forfaitaires ; obligation de respecter les plafonds de prise en charge.

3. Une particularité : le régime local d'Alsace-Moselle
 

Nombre d'affiliés du régime local d'Alsace-Moselle

Héritier de l'histoire des départements français annexés par l'Empire allemand à la suite de la guerre de 1870, le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle compte aujourd'hui 2 millions d'affiliés (63 % de la population des départements concernés).

Il s'agit d'un deuxième niveau de couverture santé, entre l'AMO et l'AMC.

Les ressortissants de ce régime obligatoire bénéficient notamment d'une prise en charge favorable des honoraires de consultation des médecins, dentistes et auxiliaires médicaux. En outre, le régime est caractérisé par un haut degré de solidarité pour les salariés modestes, les familles, les personnes au chômage et les retraités, le taux de cotisation étant indépendant de l'âge. En revanche, il ne rembourse ni le 100 % santé, ni les dépassements d'honoraire, conduisant ses ressortissants à souscrire une complémentaire santé.

Toutefois, faute de statistiques précises, il n'est pas certain que toutes les complémentaires santé minorent le montant des cotisations exigées des ressortissants du régime local à hauteur des économies réalisées du fait de leur affiliation à ce régime.

La mission d'information appelle donc à la réalisation d'une étude approfondie consacrée au coût des complémentaires santé pour les ressortissants du régime local.

B. MALGRÉ UN RESTE À CHARGE MOYEN MODÉRÉ, DES DISPARITÉS PERSISTENT EN MATIÈRE D'ACCÈS AUX SOINS

1. Le reste à charge des ménages : une moyenne favorable, des disparités selon le type de soin

Au sein de l'OCDE, la France est le pays où le reste à charge (RAC) des ménages en santé, après intervention de l'AMO et de l'AMC, est le moins élevé : à 8,7 % de la dépense courante de santé au sens international en 2021, contre 21,9 % en Italie et 33,3 % en Grèce.

Part de la dépense courante de santé au sens international
à la charge des ménages

Source : Drees, Les dépenses de santé en 2022

Sur une dépense moyenne en santé de 3 475 € par an et par habitant en France, l'AMO finance 2 765 € et l'AMC 439 €, le RAC moyen des ménages s'établissant à 250 € par an et par habitant après AMO et AMC.

La part des dépenses supportée par les ménages varie toutefois selon le type de soins : de 2,6 % pour les soins hospitaliers à 35,7 % pour les audioprothèses.

1. Une complémentaire santé destinée aux publics fragiles : la complémentaire santé solidaire (C2S)

La C2S garantit à toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière une couverture complémentaire gratuite lorsque ses ressources sont inférieures à 10 166 € par an (pour une personne seule). La C2S est accessible contre une participation financière comprise entre 8 et 30 € par mois, en fonction de l'âge de l'assuré, lorsque ses ressources sont comprises entre le plafond de la C2S gratuite et 13 724 € par an (pour une personne seule).

Les 7,4 millions de bénéficiaires de la C2S (10,9 % de la population française hors Mayotte) qui ont accès au tiers payant intégral, ne peuvent se voir appliquer de dépassements d'honoraires et sont exonérés des participations forfaitaires et franchises médicales.

91 % d'entre eux sont gérés par l'AMO ; 9 % (694 000 personnes) sont suivis par l'un des Ocam inscrits sur la liste des organismes gestionnaires de la C2S.

En dépit de la mise en oeuvre de plusieurs mesures de simplification au cours des dernières années - meilleure appréhension des ressources des bénéficiaires via le dispositif de ressources mensuelles (DRM), attribution automatique de la C2S gratuite aux allocataires du RSA, présomption de droit à la C2S avec participation pour les bénéficiaires de l'Aspa, le non-recours à ce dispositif demeure élevé : il concernerait 31 % des bénéficiaires potentiels de la C2S gratuite et 67 % de ceux de la C2S payante.

La mission appelle donc à poursuivre la dynamique de simplification de l'accès à la C2S afin de fiabiliser et sécuriser les démarches des assurés.

Nombre de bénéficiaires de la C2S

Source : Drees, La complémentaire santé - Acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2024

2. Des difficultés particulières pour les seniors

Le passage à la retraite marque un « triple effets ciseaux », provoquant une hausse soudaine du taux d'effort pour s'assurer en complémentaire santé : perte de revenus, augmentations tarifaires liées à l'âge et perte des avantages fiscaux ou aides au paiement de la cotisation de l'employeur.

De manière générale, la cotisation mensuelle augmente considérablement avec l'âge : 33 € à 20 ans ; 93 € à 60 ans ; 146 € à 85 ans.

Montant des primes mensuelles moyennes, en euros et en 2021,
pour un assuré « de référence » (sans ayant droit et dont le revenu appartient
à la tranche la plus basse) - contrats individuels

Source : Drees, La complémentaire santé - Acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2024

Pour les contrats individuels, qui concernent 93 % des retraités, la Drees constate une nette augmentation des montants moyens des cotisations mensuelles entre 2019 et 2021 à partir de 60 ans (60 ans : 93 € au lieu de 87 € ; 75 ans : 127 € au lieu de 115 euros ; 85 ans : 146 euros au lieu de 130 €), alors que les tarifs des 20-40 ans sont restés stables. De surcroît, « plus de neuf bénéficiaires de contrat individuel sur dix sont couverts par un contrat avec une tarification à l'âge » 1(*).

En revanche les tarifs des contrats collectifs sont restés stables entre 2019 et 2021 (68 € par mois, part de l'employeur incluse).

Le taux d'effort (part du revenu que représente la somme des cotisations aux complémentaires santé et du reste à charge après AMO et AMC) augmente avec l'âge :

« L'assurance maladie affiche un faible niveau de solidarité intergénérationnelle. »2(*) (Drees)

Les hausses des tarifs des complémentaires santé constatées ces deux dernières années (de l'ordre de 8,1 % pour les mutuelles en 2024 par exemple) affectent donc tout particulièrement les seniors.

Selon les associations de retraités entendues par la mission d'information, en cinq ans le coût de la complémentaire santé supporté par les retraités est passé de 120 € à 130-150 € par mois et le taux d'effort représente plus de 10 % du revenu disponible de certains retraités.

« Si un couple, tous les mois, doit payer 205 € pour la complémentaire, cela fait, par an, l'équivalent d'un mois de pension ! » (Confédération française des retraités)

II. LES HAUSSES DE COTISATIONS DE COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : QUELLES CAUSES, QUELLES JUSTIFICATIONS ?

A. L'INEXORABLE PROGRESSION DES DÉPENSES DE SANTÉ DU FAIT DU VIEILLISSEMENT ET DE L'AUGMENTATION DU COÛT DES SOINS

Le premier déterminant de l'évolution des cotisations des complémentaires santé est la progression des dépenses de santé par habitant au sein de la population couverte. Or celles-ci suivent une trajectoire dynamique : la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) est passée de 2 218 € par habitant en 2002 à 3 475 € en 2022. Cet écart de 1 257 € par personne et par an en 20 ans est partiellement pris en charge par les complémentaires santé, ce qui se répercute sur les tarifs proposés.

La hausse de la dépense de santé par habitant présente un caractère structurel et, face à la lassitude que pourrait provoquer l'augmentation progressive des cotisations réclamées, il importe de renforcer l'information des Français pour améliorer leur consentement à l'impôt et aux dépenses contraintes associées et éviter une réduction du niveau de protection. Pour ce faire, la mission préconise que soit proposée sur Ameli une information complète sur le coût des soins qui leur ont été dispensés et le niveau des remboursements perçus.

1. Le vieillissement de la population : une clé pour comprendre la hausse des cotisations

La part de la population française ayant plus de 65 ans a progressé de 4,7 points en vingt ans, atteignant 20,5 % en 2020, et pourrait dépasser 27,1 % à l'horizon 2050.

Or, en avançant en âge, les assurés voient leurs besoins en santé progresser : les personnes âgées nécessitent davantage de suivi médical, donc de consultations et d'actes et, lorsque leur santé se dégrade, des interventions plus coûteuses. Au total, la dépense moyenne remboursable par personne et par an est deux fois plus élevée chez les 60-74 ans (4 005 €) et quatre fois plus élevée chez les plus de 85 ans (8 102 €) que chez les 17-59 ans (1 757 €).

Dépenses remboursables en ville et en établissement par tranche d'âge

Source : Mission d'information d'après les données du Repss maladie 2022

2. L'augmentation du coût des soins dans un contexte inflationniste marqué

Même à volume de soins constant, le coût des complémentaires santé augmenterait du fait de la revalorisation régulière des actes, alimentée par la récente période d'inflation.

La mission a chiffré à près de 900 millions d'euros le surcoût pour les complémentaires santé de la vague de revalorisation des professionnels de santé prévue par voie conventionnelle depuis 2022. Les revalorisations prévues pour les médecins, notamment l'emblématique consultation à 30 euros pour les généralistes, atteignent à elles seules 500 millions d'euros.

S'y ajoutent les mesures de revalorisation des tarifs hospitaliers actées en 2023 et 2024, à l'origine d'un surcoût de 100 à 150 millions d'euros pour les complémentaires santé.

B. DES CONTRAINTES TOUJOURS PLUS FORTES SUR LE NIVEAU DE COUVERTURE REQUIS DES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ

1. Le 100 % santé : une réforme utile mais coûteuse pour les complémentaires

Lancée en 2019, la réforme du 100 % santé a permis, par une action concertée de l'AMO et de l'AMC, la définition de paniers de soins sans reste à charge en dentaire, optique et audiologie. À n'en pas douter, le 100 % santé a été une réforme utile en ce qu'il a permis un net progrès de l'équipement en dentaire et en audiologie, et a garanti, dans ces deux secteurs, une diminution de 20 points du reste à charge moyen pour les ménages.

Pour autant, l'équilibre financier de la réforme pour les complémentaires santé, qui reposait sur des économies à réaliser en optique, a été compromis par ses résultats mitigés dans ce secteur, avec un faible taux de pénétration du panier 100 % santé.

L'Unocam estime que les prestations versées par les Ocam sur les trois postes du 100 % santé ont augmenté de 1,6 milliard d'euros dans les deux ans suivant le déploiement de la réforme.

Le 100 % santé est donc déterminant dans l'augmentation récente des prestations versées par les complémentaires santé. Dès 2022, la Cour des comptes pointait ainsi un risque de hausses de cotisations en lien avec le 100 % santé. Pourtant, aucune mesure de mitigation du surcoût n'a été mise en oeuvre, résultat d'un pilotage insuffisant de la réforme.

Alors que l'extension du 100 % santé aux prothèses capillaires ou aux fauteuils roulants est à l'étude, la mission préconise d'établir un bilan partagé de la réforme avant toute extension de son périmètre.

2. L'extension continue des garanties du contrat responsable et solidaire : une dynamique inflationniste et contradictoire avec le caractère concurrentiel du marché

Alors qu'à l'origine, le contrat solidaire et responsable visait à rendre effectifs les mécanismes de responsabilisation du patient dans le cadre du parcours de soins coordonnés, le contenu et les objectifs de ce contrat se sont progressivement étoffés, jusqu'à en perdre leur sens : le contrat responsable et solidaire est devenu le vecteur privilégié de l'encadrement réglementaire imposé aux complémentaires santé.

Depuis 2015, le contrat solidaire et responsable poursuit ainsi un objectif officieux d'homogénéisation de la couverture complémentaire des assurés en fixant des planchers et des plafonds de prestations, avec un panier de soins minimal désormais particulièrement couvrant.

Pour revêtir un caractère responsable, un contrat doit, par exemple, prévoir la prise en charge intégrale du ticket modérateur pour des consultations avec un professionnel de santé, ou le remboursement biannuel de montures. L'enrichissement continu des garanties imposées par le contrat solidaire et responsable entraîne un renchérissement de ces derniers, suscitant des craintes - toutefois à ce stade non étayées par des données consolidées - que les assurés modestes se tournent vers des contrats non solidaires et responsables, à la fois moins couvrants et plus taxés.

L'encadrement du contrat responsable et solidaire a, en outre, progressivement limité les marges de manoeuvre des complémentaires santé pour proposer des prestations différenciées à leurs souscripteurs, à rebours de la logique concurrentielle de marché.

Pour ces raisons, la mission d'information estime nécessaire, sans réduire les protections en santé, de recentrer les objectifs du contrat responsable et solidaire afin de mieux adapter la couverture complémentaire aux besoins de chaque assuré.

3. Une orientation stratégique contestable et inflationniste : la prise en charge par les complémentaires santé de pratiques telles que les médecines dites « douces »

En restreignant les leviers de différenciation sur le champ du soin et en y standardisant les prestations, le contrat solidaire et responsable a repoussé la concurrence entre organismes aux marges du système de santé. Pour répondre à une demande en évolution rapide, les complémentaires proposent des garanties toujours plus couvrantes pour des frais d'ostéopathie, de naturopathie ou de sophrologie. Cette prise en charge prend souvent la forme de forfaits - par exemple quatre séances d'acupuncture remboursées par an, dans la limite de 50 euros par séance. Cette présentation en euros est bien plus parlante que les prestations en santé exprimées en part de la base de remboursement de la sécurité sociale, ce qui fait de l'offre en médecines douces un argument marketing déterminant pour les complémentaires santé tout en instaurant une logique de crédit incitant à la consommation.

Évolution des prestations connexes à la santé versées par les Ocam

Source : Mission d'information d'après des données de la Drees

Aussi, les prestations connexes à la santé versées par les Ocam ont presque quintuplé en huit ans, pour avoisiner désormais le milliard d'euros. L'efficience des montants versés au titre de ces prestations dont l'efficacité n'est pas prouvée scientifiquement a de quoi interroger, compte tenu des difficultés globales de financement de notre système de santé.

La mission propose de rendre optionnelle la couverture des assurés pour ces prestations, et de sortir ces garanties du cadre du contrat responsable afin de baisser le coût de la complémentaire santé pour les assurés qui n'y recourent pas.

4. Les variations de périmètre entre AMO et AMC : un impact à nuancer

Pour expliquer les hausses tarifaires, les Ocam mettent en avant les variations de périmètre entre l'AMO et l'AMC, dont la dernière en date est la hausse de 30 % à 40 % du ticket modérateur sur les soins dentaires, actée en 2023 malgré l'opposition des professionnels et des complémentaires, et responsable d'un surcoût estimé entre 350 et 500 millions d'euros par an pour les Ocam.

Alors que la direction de la sécurité sociale estime que « de nouveaux transferts pourraient être nécessaires », la mission regrette le manque de concertation et le caractère tardif ou imprécis de l'information des Ocam sur les variations envisagées, et appelle à prévoir un délai de six mois entre la publication des textes impliquant une variation de périmètre AMO-AMC et leur entrée en vigueur, afin d'assurer aux Ocam davantage de visibilité sur leurs charges et de lisser, le cas échéant, les augmentations de cotisations associées.

Pour autant, il convient de ne pas surestimer la part de responsabilité des variations de périmètre dans les augmentations de cotisations. L'augmentation des prestations à la périphérie des soins de santé atteint 400 millions d'euros sur deux ans, soit un montant comparable à la hausse de ticket modérateur en dentaire, sans que cela alerte les Ocam et malgré un intérêt thérapeutique incertain.

En outre, ces évolutions ne traduisent pas un désinvestissement de l'AMO aux dépens de l'AMC. Du fait de l'accroissement de la population intégralement prise en charge par l'assurance maladie au titre de régimes comme celui des affections de longue durée (ALD), la part de l'AMO dans la prise en charge des dépenses de santé a augmenté de 2,3 points entre 2012 et 2022 à champ constant, tandis que la part de l'AMC a, elle, reculé de 1 point.

La hausse de 2,8 millions du nombre d'assurés en ALD depuis 2012 a ainsi provoqué un déport spontané de 3,2 milliards d'euros de ticket modérateur de l'AMC vers l'AMO. Les décisions de transferts de charges de l'AMO vers l'AMC peuvent donc, en fait, être considérées comme des mesures de rééquilibrage compensant très partiellement ces transferts de charges spontanés de l'AMC vers l'AMO.

C. UN SECTEUR FAIBLEMENT LUCRATIF, DANS LEQUEL LES HAUSSES DE CHARGES DOIVENT ÊTRE RÉPERCUTÉES SUR LES TARIFS

Le marché de la complémentaire santé est particulièrement peu lucratif par rapport aux autres marchés de l'assurance, avec un résultat technique global de 0,1 % du montant des cotisations en 2022, contre 20 % environ sur les autres marchés.

Résultat technique et résultat net total des organismes actifs en santé en 2022

Source : Drees

Il est toutefois différencié entre des contrats individuels globalement excédentaires (4,1 %) et des contrats collectifs globalement déficitaires (- 3,9 %) du fait d'une concurrence accrue sur ce segment dans la foulée de l'obligation faite aux employeurs de couvrir leurs employés en collectif, entraînant des stratégies commerciales agressives. On ne peut toutefois pas conclure à une logique d'équilibrage à grande échelle entre contrats individuels et collectifs, compte tenu de la spécialisation des organismes sur un segment de marché donné.

Le défaut de rentabilité sur les activités de complémentaire santé est lié aux caractéristiques très spécifiques de ce marché, partagé entre organismes à but lucratif et organismes sans but lucratif représentant 64 % du marché et tirant structurellement les prix vers le bas. Aussi, afin de dégager une rentabilité suffisante, les complémentaires santé comptent sur leur résultat financier et, pour les institutions de prévoyance et entreprises d'assurances, sur des résultats d'exploitation favorables dans d'autres champs.

En fait, l'incitation pour les acteurs du secteur à gagner des parts de marché ne réside pas dans le gain financier direct qui en découlerait, mais plutôt dans une meilleure mutualisation des prestations et dans la réalisation de gains financiers indirects via la vente croisée.

De plus, contrairement à l'assurance maladie obligatoire, les complémentaires santé ne peuvent pas soutenir indéfiniment une activité déficitaire du fait des exigences en capitaux propres qui s'appliquent à elles en vertu du régime prudentiel de la directive Solvabilité II : les Ocam doivent financer leur activité par des résultats à l'équilibre ou positifs.

Si les complémentaires santé disposent en moyenne de réserves financières en fonds propres excédant confortablement les obligations prudentielles, celles-ci s'infléchissent pour les mutuelles, traduction de l'équilibre financier fragile du secteur. Cette situation appelle les complémentaires santé à répercuter sur les tarifs les hausses de leurs charges.

D. CES ÉLÉMENTS NE SUFFISENT PAS À EXPLIQUER LES HAUSSES TARIFAIRES CONSTATÉES

La mission a cherché à chiffrer les augmentations de cotisations attendues du fait de l'augmentation tendancielle des dépenses de santé et des mesures nouvelles coûteuses prévues pour les complémentaires santé. Elle aboutit à une hausse prévisible pour 2024 allant de 4,5 % à 6,5 % en fonction des scénarios de coût. Cette fourchette, cohérente avec les estimations de la direction de la sécurité sociale, comprises entre 5 % et 7 %, constitue déjà une hausse conséquente à absorber pour le pouvoir d'achat des ménages.

Pour autant, le niveau d'augmentation attendu du fait de l'augmentation des dépenses de santé à couvrir est sans commune mesure avec celui annoncé par les mutuelles, soit 8,1 %.

La mission s'étonne de ces écarts : il conviendra de rester attentif aux bilans financiers des complémentaires santé sur les années à venir afin de vérifier le caractère strictement proportionné des augmentations de cotisations aux hausses de prestations.

Décomposition de la hausse attendue des prestations
de complémentaires santé en 2024

Facteurs

Chiffrage bas

Chiffrage médian

Chiffrage haut

Évolution spontanée de l'Ondam

1,4 %

1,6 %

1,8 %

Dérive attendue de l'Ondam

1,1 %

Mesures nouvelles pour les complémentaires santé

1,9 %

2,7 %

3,6 %

Total

4,4 %

5,4 %

6,5 %

Source : Mission d'information, calcul sur la base de données de la Drees et des contributions écrites

E. DES FRAIS DE GESTION QUI DEMEURENT ÉLEVÉS

Les frais de gestion des Ocam représentent en moyenne 20 % des cotisations en 2022. Ce total de 20 % comprend des frais de gestion des sinistres, des frais d'administration, liés à la gestion des contrats, et des frais d'acquisition engagés afin d'attirer de nouveaux clients - qui ne se résument pas aux dépenses de marketing. Ils diffèrent entre familles de complémentaires santé : ils représentent 14 % chez les institutions de prévoyance, spécialisées dans les contrats collectifs moins coûteux à gérer, mais 22 % chez les entreprises d'assurance, caractérisées par des frais d'acquisition particulièrement élevés.

Si le niveau des frais de gestion des Ocam est régulièrement pointé du doigt en comparaison avec ceux de l'AMO, ce parallèle apparaît excessif eu égard à la différence de nature entre les activités de l'AMO et celles de l'AMC : l'AMO se distingue en effet de l'AMC par sa nature obligatoire et monopolistique ainsi que par des frais d'acquisition et d'administration moins élevés.

Pour autant, les frais de gestion des complémentaires ont augmenté à un rythme deux fois plus élevé que l'inflation entre 2011 et 2022, soit 33 % en valeur, et dépassent désormais les frais de gestion de l'AMO.

Évolution des frais de gestion de l'AMO et de l'AMC depuis 2017

Source : Mission d'information d'après des données de la Drees

Une telle dynamique a de quoi étonner, alors que la numérisation et la noémisation devraient représenter une source d'économies sur les frais de gestion des sinistres, et que la vague de concentration du secteur aurait dû générer des économies d'échelle après une éventuelle hausse transitoire des coûts.

Dans ce contexte, 35 des 100 plus grands organismes se démarquent par des frais de gestion inférieurs à 17,5 %, et 13 par des frais de gestion inférieurs à 12,5 %.

Cela confirme qu'il existe des marges de manoeuvre, déjà mobilisées par certains organismes, afin de diminuer les frais de gestion : le taux de 20 % n'est pas un « plancher de verre » issu de contraintes structurelles.

De fait, les auditions conduites par le rapporteur ont permis d'établir que plusieurs mutuelles avaient fait état de plans d'économies à l'origine d'une baisse de 5 à 10 points des frais de gestion. Les efforts de rationalisation doivent donc être poursuivis.

Pour ce faire, la mission préconise de renforcer la transparence auprès des assurés en instaurant une classification des organismes en fonction de leur niveau de frais de gestion et en prévoyant une communication annuelle à chaque assuré du montant moyen de frais de gestion, en euros par contrat.

La mission a attaché une attention particulière aux frais d'acquisition, tirés vers le haut par le développement du courtage et des comparateurs en ligne, dont les pratiques pourraient être mieux encadrées. Elle propose ainsi d'interdire la pratique du précompte escompté et de renforcer l'encadrement du précompte et de l'escompte, responsables d'une politique commerciale agressive et difficilement conciliables avec l'obligation de conseil qui s'impose aux acteurs de l'assurance. Elle suggère également de limiter au strict nécessaire les données devant être renseignées par les internautes lors d'une première recherche en ligne.

III. TROIS EXIGENCES : AMÉLIORER LA SITUATION DES PUBLICS FRAGILES, RENFORCER L'INFORMATION DES ASSURÉS ET MIEUX ORGANISER LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME

A. UNE URGENCE : RENFORCER LA MUTUALISATION À L'ATTENTION DES EXCLUS DES CONTRATS COLLECTIFS

La généralisation des contrats collectifs pour les salariés du secteur privé et, demain, pour les fonctionnaires de l'État, a réduit le public cible des contrats individuels, désormais centré sur les retraités, les indépendants et les inactifs. Cela implique une démutualisation des risques, de plus en plus concentrés sur le segment des contrats individuels, et soutient le renchérissement de ces derniers.

La dichotomie entre contrats collectifs et contrats individuels est donc à l'origine d'un système à deux vitesses, entre des contrats plus couvrants, moins chers et aidés en collectif, et des contrats individuels plus onéreux, à telle enseigne que les souscripteurs de contrats individuels choisissent en moyenne un niveau de garanties plus bas. Les premiers perdants en sont les retraités, qui ne bénéficient d'aucun mécanisme spécifique pour alléger le coût de la complémentaire santé.

La mission estime qu'il est aujourd'hui nécessaire de mettre en oeuvre des mécanismes de solidarité intergénérationnelle afin de garantir l'accessibilité financière des retraités à une complémentaire santé.

Elle préconise donc de mandater les partenaires sociaux pour réviser les mécanismes de sortie des contrats collectifs prévus par la loi Évin dans une logique de mutualisation intergénérationnelle, sur le modèle du mécanisme de plafonnement des cotisations après un certain âge applicable aux contrats collectifs obligatoires du secteur public3(*).

Il s'agit en effet là d'une garantie directe, par le plafonnement des cotisations pour les sortants des contrats collectifs, et d'une garantie indirecte ; le plafonnement des prix sur ces contrats rétroagira probablement sur les tarifs des contrats en individuel, qui devront s'aligner à la baisse.

En outre, la mission a identifié une faiblesse de la C2S, dont l'éligibilité est conditionnée au revenu alors que, dans une logique d'équité et du fait de la tarification à l'âge, c'est le taux d'effort - c'est-à-dire la part de revenus qui serait dédié à la souscription d'une complémentaire santé sur le marché - qui devrait être déterminant. Par conséquent, un retraité peut ne pas être éligible à la C2S alors que souscrire une complémentaire sur le marché consommerait 10 % de son revenu mensuel, tandis qu'un jeune assuré peut être éligible à la C2S malgré un taux d'effort sur le marché de 3,5 %.

La mission souhaite que soit instaurée une logique de taux d'effort dans l'éligibilité à la C2S. Pour ce faire, elle préconise de créer, sur le modèle de la C2S avec participation, une « C2S seniors ».

Son accès serait subordonné à un plafond de ressources spécifique et supérieur à celui de la C2SP, et qui serait assortie d'une participation modeste, de l'ordre de deux euros par jour. La C2S seniors viendrait en complément, et non en remplacement, de la C2SG et de la C2SP, dont elle constituerait en quelque sorte le troisième étage.

La mission appelle également à ouvrir aux non-salariés agricoles la déductibilité fiscale « Madelin » sur les cotisations de complémentaire santé, aujourd'hui réservée aux indépendants.

B. UN DÉFAUT DE LISIBILITÉ DES OFFRES DES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ QUI PEUT POUSSER À SE SURCOUVRIR

Les associations de consommateurs continuent de décrier la complexité et l'illisibilité des prestations de complémentaires santé, qui peuvent pousser les assurés à se tourner vers des offres peu adaptées à leurs besoins, et trop chères. Si la difficulté à comprendre les offres est, il est vrai, le reflet de la complexité de notre système de santé à deux étages, un travail de clarification de la présentation des garanties de complémentaires santé a été instauré sous l'égide du comité consultatif du secteur financier (CCSF), notamment avec l'harmonisation de la liste et des libellés des postes de remboursement et l'institution d'une liste de cas-types faisant apparaître, pour des actes donnés, le niveau de remboursement AMO, AMC et le reste à charge.

Des marges de manoeuvre existent encore afin d'améliorer la lisibilité des contrats : la mission appelle par exemple à contraindre les complémentaires à présenter les garanties en euros plutôt qu'en part de la base de remboursement de la sécurité sociale et à définir un standard de présentation des garanties, AMO incluse ou exclue - des préconisations déjà défendues au CCSF depuis cinq ans, mais encore aujourd'hui trop peu appliquées.

C. UNE GOUVERNANCE À REVOIR POUR DÉGAGER DES MARGES D'EFFICIENCE GLOBALES

Le secteur de l'assurance maladie est particulièrement complexe : il est éclaté en 397 organismes répartis en trois familles disposant chacune de sa propre représentation. Par conséquent, aucun interlocuteur naturel n'émerge pour parler au nom de l'ensemble des complémentaires santé. Cela complexifie le dialogue entre les pouvoirs publics et les Ocam, d'autant que les positions de chaque fédération ne sont pas systématiquement alignées.

Pour pallier cela, deux instances sont nées : l'Unocam, qui regroupe les quatre fédérations de complémentaires et le régime local, se prononce sur les modifications des équilibres du financement de la santé et joue un rôle dans les négociations conventionnelles ; et l'inter AMC, une association regroupant 269 acteurs de la complémentaire santé, vise à harmoniser les relations entre professionnels de santé et complémentaires.

Si ces deux instances ont contribué activement à améliorer le pilotage de l'AMC, elles n'ont pour autant pas résolu le problème de l'insuffisance du dialogue entre assurance maladie complémentaire et pouvoirs publics. Elles sont en effet limitées quant à leur champ d'action, et, pour l'inter AMC, quant à sa représentativité. Elles incarnent, en outre, une diversité d'intérêts dont elles internalisent les divergences, ce qui limite leur capacité à engager les complémentaires santé sur des sujets complexes.

La création du comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDOC), rassemblant l'Unocam, les trois grandes familles de complémentaires, l'assurance maladie obligatoire et les services de l'État et disposant d'un large champ de compétences, vise à répondre à ces insuffisances et à enfin installer un dialogue construit et continu entre l'État, l'AMO et l'AMC.

Par conséquent, la mission appelle à institutionnaliser le CDOC et à en faire un comité de dialogue trimestriel dont la feuille de route et l'ordre du jour sont définis conjointement par le Gouvernement, l'assurance maladie et les complémentaires santé. Lorsque l'ordre du jour le justifie, la mission préconise également d'y associer le régime local d'assurance maladie d'Alsace Moselle.

Le CDOC devra notamment contribuer à faire progresser la coopération entre AMO et AMC sur deux sujets majeurs afin de limiter la hausse des cotisations : la lutte contre la fraude et l'investissement dans la prévention. Pour développer la lutte contre la fraude, la mission est favorable à la mise en place d'actions coordonnées de détection, de contrôle et de sanction ainsi que d'un groupe de travail dédié, associant tous les acteurs.

Réunie le 24 septembre 2024 sous la présidence de Corinne Imbert, vice-présidente, la mission d'information a adopté le rapport et les recommandations présentés par Xavier Iacovelli, rapporteur, et en a autorisé la publication sous forme d'un rapport d'information.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

I. MIEUX PROTÉGER LES ASSURÉS

A. ... En renforçant la protection des seniors

Recommandation n° 1. Mandater les partenaires sociaux pour réviser les mécanismes de sortie des contrats collectifs prévus par l'article 4 de la loi Évin du 31 décembre 19894(*), dans une logique de renforcement de la mutualisation intergénérationnelle, en s'inspirant du mécanisme de plafonnement des cotisations après un certain âge, applicable aux contrats collectifs obligatoires du secteur public.

Recommandation n° 2. Afin de leur garantir un taux d'effort raisonnable, créer, sur le modèle de la C2S avec participation, une « C2S seniors » destinée aux retraités dont les ressources se situent entre le minimum vieillesse et un plafond spécifique, et qui serait assortie d'une participation modeste (de l'ordre de deux euros par jour).

B. ... En limitant la hausse des dépenses liées à la couverture complémentaire santé

Recommandation n° 3. Sans réduire les protections en santé, réformer le cadre du contrat solidaire et responsable afin de mieux adapter la couverture santé complémentaire aux besoins de chaque assuré.

Recommandation n° 4. Afin de diminuer le coût de la complémentaire santé pour les assurés qui n'ont pas recours aux médecines dites « douces », rendre optionnelle la couverture des assurés pour ces prestations, et sortir ces garanties du cadre du contrat solidaire et responsable.

Recommandation n° 5. Ouvrir aux non-salariés agricoles le bénéfice de la déductibilité fiscale « Madelin » sur leurs cotisations de complémentaire santé.

Recommandation n° 6. Afin de renforcer l'accessibilité financière aux soins et de réduire les frais de gestion des sinistres des organismes, amplifier la progression du tiers payant :

- en améliorant les logiciels utilisés par les professionnels de santé pour permettre à ces derniers de pratiquer le tiers payant de manière simple et fiable ;

- en modernisant les cartes de mutuelles et les systèmes d'information, afin de permettre aux professionnels de santé, en particulier en cas de résiliation infra-annuelle, d'avoir accès à des informations à jour sur les droits des assurés et d'appliquer le tiers payant ;

- en adaptant le cadre juridique du traitement et du partage des données de santé.

Recommandation n° 7. Engager les organismes complémentaires à s'inscrire dans une trajectoire de réduction des frais de gestion. En parallèle, renforcer l'information des assurés à ce sujet :

- charger l'ACPR d'instaurer une classification des organismes complémentaires d'assurance maladie en fonction du niveau de leurs frais de gestion ;

- modifier le code de la sécurité sociale pour exiger des complémentaires santé une communication annuelle à chaque assuré de leurs frais de gestion moyens, en euros par an et par contrat dans le cadre du contrat solidaire et responsable.

Recommandation n° 8. Interdire la pratique du précompte escompté, peu compatible avec l'obligation, pour les courtiers en assurance santé, de conseiller aux assurés un contrat correspondant à leurs besoins.

Mieux encadrer le précompte en limitant le taux de la commission majorée versée la première année à trois fois le taux s'appliquant aux années suivantes et en assortissant le précompte d'une clause de reprise de commission dans le cas où le contrat prendrait fin avant l'expiration d'une période de trois ans à compter de sa souscription.

Mieux encadrer l'escompte en limitant à deux mois la durée entre le versement de la première commission et la prise d'effet du contrat et en assortissant l'escompte d'une clause de reprise de commission en cas de non-prise d'effet du contrat.

Recommandation n° 9. Réaliser une étude approfondie du coût des complémentaires santé pour les ressortissants du régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle et documenter les tarifs de complémentaires santé supportés par les affiliés de ce régime.

Évaluer le nombre de ressortissants du régime local :

- ayant souscrit un contrat de complémentaire santé à titre individuel ou collectif ;

- remplissant les conditions d'éligibilité à la C2S.

C. ... En améliorant le recours aux droits

Recommandation n° 10. Dans une logique de lutte contre le non-recours, poursuivre la dynamique de simplification de l'accès à la C2S, afin de fiabiliser et sécuriser les démarches des assurés et d'alléger la charge administrative de gestion pour les caisses d'assurance maladie.

Lorsque le montant attendu de leur pension le justifie, mettre en place une information systématique des futurs retraités sur la C2S, en amont de la liquidation effective de leurs droits.

Recommandation n° 11. Faire connaître le dispositif Help ! pour les indépendants en difficulté, et en encourager le recours.

D. ... En allant plus loin en matière de transparence de l'information

Recommandation n° 12. Poursuivre les efforts d'amélioration de la lisibilité des contrats :

- en contraignant les complémentaires santé à présenter les garanties en euros, et pas seulement en part de la base de remboursement de la sécurité sociale ;

- et en définissant un standard de présentation des garanties, AMC incluse ou exclue.

Recommandation n° 13. Prévoir une publication spécifique des frais de courtage par les organismes complémentaires.

Charger le CCSF d'élaborer une convention-type entre organismes de complémentaire santé et courtiers, de manière à préciser les responsabilités de chacun, et généraliser la pratique de ces conventions de courtage en matière de complémentaire santé.

Recommandation n° 14. Limiter au strict nécessaire, c'est-à-dire à l'âge, au code postal et au statut professionnel, les informations personnelles devant être communiquées dans le cadre de premières recherches d'informations en ligne sur des contrats de complémentaire santé, les coordonnées complètes de la personne ne pouvant être exigées qu'en vue de l'envoi d'un devis et dans la perspective d'un éventuel engagement contractuel.

Recommandation n° 15. Proposer aux assurés, sur le portail Ameli, une information complète sur le coût annuel des soins qui leur ont été dispensés et le niveau des remboursements qu'ils ont perçus.

II. MIEUX ARTICULER AMO ET AMC

A. ... En permettant aux organismes de complémentaire santé de mieux anticiper les dépenses qui leur incombent

Recommandation n° 16. Afin d'assurer aux organismes de complémentaire santé davantage de visibilité sur leurs dépenses, modifier le code de la sécurité sociale pour prévoir un délai de six mois entre la publication de textes susceptibles d'induire une modification des périmètres respectifs de prise en charge entre l'AMO et l'AMC, et leur entrée en vigueur.

Préciser, dans une annexe au PLFSS, les impacts attendus des évolutions de l'Ondam sur le niveau des prestations servies par les organismes complémentaires.

Recommandation n° 17. Décider des modalités d'une extension du 100 % santé au regard d'analyses techniques et financières et d'un bilan partagé entre AMO et AMC de la réforme, incluant des éléments d'équilibre financier.

Évaluer l'incidence financière du remboursement des montures et des verres tous les trois ans au lieu de deux, sauf évolution de la vue.

B. ... En mettant en place une meilleure gouvernance

Recommandation n° 18. Institutionnaliser le Comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDoc) et en faire un comité de dialogue trimestriel dont l'ordre du jour et la feuille de route sont définis conjointement par le Gouvernement, l'Assurance maladie et les complémentaires santé. Y associer le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle lorsque l'ordre du jour le justifie.

Recommandation n° 19. Organiser un rendez-vous annuel entre les organismes de complémentaire santé et la Miviludes afin d'éviter tout risque de prise en charge, par des contrats complémentaires, de pratiques dites thérapeutiques mais identifiées comme potentiellement dangereuses pour les assurés.

C. ... En renforçant l'efficacité du système

Recommandation n° 20. Améliorer l'organisation de la lutte contre la fraude :

- prévoir des échanges d'informations entre les organismes complémentaires d'assurance maladie et l'assurance maladie obligatoire sur les contrôles dont ils prendraient l'initiative ;

- encourager l'assurance maladie à mettre en place des actions de détection, de contrôle et de sanction coordonnées avec les organismes de complémentaire santé ;

- mettre en place un groupe de travail dédié, copiloté par la direction de la sécurité sociale, l'assurance maladie et les organismes de complémentaire santé.

Recommandation n° 21. Mettre en place une politique pluriannuelle nationale de prévention déclinant de manière coordonnée et cohérente, pour chaque priorité définie, le rôle attendu de chaque acteur, dans un esprit de complémentarité entre AMO et AMC, et en faisant toute la clarté sur les objectifs, les moyens et l'évaluation des résultats.

Recommandation n° 22. Procéder à un état des lieux et à un bilan des couvertures santé complémentaires initiées par les collectivités territoriales, afin d'établir un recueil de bonnes pratiques destiné à mieux accompagner les élus qui souhaiteraient s'engager dans une telle démarche pour permettre aux assurés d'avoir accès à une complémentaire santé à des tarifs accessibles.

LISTE DES SIGLES

A

 

3AS

Association des acteurs pour l'accès aux soins

AAH

Allocation aux adultes handicapés

ACEJ

Allocation du contrat d'engagement jeune

ACPR

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

ACS

Aide au paiement d'une complémentaire santé

Alfa

Agence de lutte contre la fraude à l'assurance

ALD

Affection longue durée

AMC

Assurance maladie complémentaire

AME

Aide médicale de l'État

AMF

Association des maires de France

AMO

Assurance maladie obligatoire

ANI

Accord national interprofessionnel

AP-HP

Assistance publique-Hôpitaux de Paris

ASI

Allocation supplémentaire d'invalidité

Aspa

Allocation de solidarité aux personnes âgées

ASS

Allocation de solidarité spécifique

AT-MP

Accidents du travail et maladies professionnelles

B

 

BRSS

Base de remboursement de la sécurité sociale

C

 

C2S

Complémentaire santé solidaire

C2SG

Complémentaire santé solidaire gratuite

C2SP

Complémentaire santé solidaire avec participation

CCAS

Centre communal d'action sociale

CCMSA

Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole

CCSF

Comité consultatif du secteur financier

CDD

Contrat à durée déterminée

CDI

Contrat à durée indéterminée

CDoc

Comité de dialogue avec les organismes complémentaires

CFR

Confédération française des retraités

CGOS

Comité de gestion des oeuvres sociales

CICE

Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

CISNS

Conseil interterritorial du système national de santé

CMU

Couverture maladie universelle

CMU-B

Couverture maladie universelle de base

CMU-C

Couverture maladie universelle complémentaire

Cnam

Caisse nationale de l'assurance maladie

Cnil

Commission nationale de l'informatique et des libertés

CPAM

Caisse primaire d'assurance maladie

CSBM

Consommation de soins et de biens médicaux

CSG

Contribution sociale généralisée

CSRD

Corporate Sustainability Reporting Directive

CSS

Complémentaire santé solidaire

CTIP

Centre technique des institutions de prévoyance

D

 

DCSi

Dépense courante de santé au sens international

DGAFP

Direction générale de l'administration et de la fonction publique

DGCCRF

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

DGCL

Direction générale des collectivités locales

DGOS

Direction générale de l'offre de soins

Drees

Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques

DRM

Dispositif des ressources mensuelles

DSS

Direction de la sécurité sociale

F

 

FFMKR

Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs

FMF

Fédération des médecins de France

FNAR

Fédération nationale des associations de retraités

FNMF

Fédération nationale de la mutualité française

FSPF

Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

G

 

GCAB

Groupement des comparateurs en assurance et banque

   

H

 

HCAAM

Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie

I

 

IGA

Inspection générale de l'administration

Igas

Inspection générale des affaires sociales

IGF

Inspection générale des finances

IJ

Indemnités journalières

Insee

Institut national de la statistique et des études économiques

Itaf

Impôts et taxes affectés

IRM

Imagerie par résonance magnétique

L

 

LFSS

Loi de financement de la sécurité sociale

M

 

MCR

Minimum de capital requis

Mecss

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Mgéfi

Mutuelle générale de l'économie et des finances

Miviludes

Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires

N

 

NHS

National Health Service

NOEMIE

Norme ouverte d'échanges maladie avec les intervenants extérieurs

O

 

OC

Organisme complémentaire

Ocam

Organismes complémentaires d'assurance maladie

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques

OMS

Organisation mondiale de la santé

Ondam

Objectif national de dépenses d'assurance maladie

Optam

Option de pratique tarifaire maîtrisée

Orsa

Own risk and solvency assessment

Orias

Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance

OTP

Opérateurs de tiers payant

P

 

PaRIS (enquête)

Patient-Reported Indicator Survey

Pass

Plafond annuel de la sécurité sociale

PIB

Produit intérieur brut

PLFSS

Projet de loi de financement de la sécurité sociale

PSC

Protection sociale complémentaire

PUMa

Protection universelle maladie

R

 

RAC

Reste à charge

RDPI

Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

Repss

Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale

RGPD

Règlement général sur la protection des données

RIB

Relevé d'identité bancaire

RSA

Revenu de solidarité active

S

 

SCR

Solvency Capital Requirement (Capital de solvabilité requis)

Smic

Salaire minimum interprofessionnel de croissance

SMR

Service médical rendu

Snitem

Syndicat national de l'industrie et des technologies médicales

SNS

Système national de santé

SSI

Sécurité sociale des indépendants

T

 

TSA

Taxe de solidarité additionnelle

TSCA

Taxe spéciale sur les conventions d'assurance

TVA

Taxe sur la valeur ajoutée

U

 

UFC-Que choisir

Union fédérale des consommateurs-Que choisir

Uncam

Union nationale des caisses d'assurance maladie

Unocam

Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie

Urssaf

Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales

USPO

Union des syndicats de pharmaciens d'officine

   

AVANT PROPOS

À la fin de 2023, l'annonce par la Mutualité française, pour 2024, d'une hausse moyenne de 8,1 % des tarifs des mutuelles5(*) a suscité une vive émotion et contribué à alimenter de légitimes inquiétudes pour l'avenir de la couverture santé et de l'accès aux soins de nombre de nos concitoyens, dans un contexte marqué par un pouvoir d'achat déjà amputé par l'inflation. Le ministre de la santé s'en était ému, jugeant une augmentation d'une telle ampleur disproportionnée et même « dénuée de sens ».

Cette annonce faisait suite à une évolution déjà défavorable en 2023, une célèbre association de consommateurs dénonçant alors une hausse médiane pouvant atteindre 7 % pour certains assurés par rapport aux tarifs de 2022.

Cette « flambée des prix » pose naturellement la question du pouvoir d'achat des retraités : un comparateur en ligne évaluait en octobre 2023 le coût des cotisations d'un couple de septuagénaires, pour une couverture renforcée, à 300 euros par mois, soit 3 600 euros par an.

Alors que les salariés - et bientôt les fonctionnaires - souscrivent des contrats collectifs dont l'employeur finance une partie, les assurés relevant d'une couverture individuelle (retraités, personnes sans emploi, travailleurs indépendants, certains étudiants non pris en charge au titre de la couverture de leurs parents...) supportent l'intégralité de leurs cotisations. Notre système de couverture santé fait peser une forte contrainte sur les assurés qui, en raison d'effets de seuil, ne peuvent accéder au mécanisme de la complémentaire santé solidaire (C2S) permettant de bénéficier d'une couverture complémentaire gratuite ou partiellement prise en charge. Les retraités subissent quant à eux un « triple effet ciseaux » : baisse de revenus, suppression de la contribution de l'employeur et augmentation du coût de leur couverture santé complémentaire, les organismes complémentaires tarifant en tenant compte du risque que présentent les assurés, ce qui induit la prise en compte de leur âge. Or, les dépenses de santé, comme le reste à charge, croissent avec l'âge.

Divers arguments sont mis en avant par les organismes de complémentaires santé (Ocam) pour justifier l'évolution de leurs tarifs : des facteurs structurels comme le vieillissement de la population ou le progrès médical, des causes plus conjoncturelles comme des augmentations de tarifs des actes des professionnels de santé ou le récent transfert, de l'assurance maladie obligatoire vers les complémentaires, de 500 millions d'euros de dépenses de soins dentaires. Et cela même si, parallèlement, le nombre d'assurés intégralement pris en charge par la sécurité sociale au titre d'une affection de longue durée (ALD) croît d'année en année : autant de dépenses dont l'essentiel ne revient pas aux complémentaires santé.

Dans ce contexte, le poids et la stabilité des frais de gestion des complémentaires - environ 20 % des cotisations - interroge : existe-t-il des marges d'amélioration, afin que ces frais de gestion pèsent moins lourd pour les assurés ?

De même, l'importance croissante des cotisations dans le budget des ménages pose la question de la faculté, pour les assurés, d'optimiser leur couverture santé afin de l'adapter à leurs besoins : les assurés disposent-ils d'une information transparente et fiable, en particulier en ligne, face à la multitude de contrats qui leur sont proposés ?

C'est dans ce contexte que le Sénat, à l'initiative du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), a mis en place, le 15 février 2024, une mission d'information sur le thème « Complémentaires santé, mutuelles : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français ». Cette structure temporaire de 23 membres a été officiellement installée le 6 mars 2024.

Le calendrier arrêté lors de la réunion constitutive a été ajusté compte tenu de la dissolution de l'Assemblée nationale intervenue à la suite des élections européennes du 9 juin 2024 : la mission d'information a décidé, le 11 juin 2024, de fixer au mois de septembre 2024 l'examen et la publication de ce rapport, initialement programmés au début du mois de juillet.

Pour mener à bien ses travaux, la mission d'information a procédé à 43 auditions - 13 en plénière6(*) et 30 au format rapporteur, ces dernières ayant été systématiquement ouvertes à l'ensemble des sénateurs composant la mission. Plus de 100 personnalités - professionnels de santé, hauts fonctionnaires, partenaires sociaux, représentants d'organismes complémentaires, du monde associatif, élus locaux - ont ainsi contribué à ce rapport7(*).

Parallèlement à ces auditions, la plupart des personnes et structures auditionnées ont reçu du rapporteur des questionnaires écrits auxquels ils ont répondu avec beaucoup de sérieux et de ponctualité. Qu'ils en soient remerciés.

Ce rapport a par ailleurs bénéficié d'une dizaine de contributions écrites, notamment de nos ambassades à Berlin et à Madrid ainsi que d'une étude de la division de la législation comparée du Sénat, conformément au souhait du rapporteur d'introduire une dimension internationale dans les réflexions de la mission d'information8(*).

Celle-ci a en outre procédé, sur le site du Sénat, à une consultation des élus locaux sur le thème des mutuelles locales, dont des collectivités territoriales peuvent prendre l'initiative pour permettre aux personnes n'ayant pas accès à un contrat collectif de souscrire une complémentaire santé à des tarifs abordables. Elle remercie chaleureusement tous les élus qui ont pris le temps de faire part de leur expérience pour enrichir ce rapport par des témoignages de terrain9(*).

Les travaux de la mission d'information ont mis en évidence divers constats :

- la France consacrait en 2022 11,9 % de sa richesse nationale aux dépenses de santé, se situant au deuxième rang de l'Union européenne après l'Allemagne (12,6 %). Ces dépenses de santé (313,6 milliards d'euros en 2022) sont prises en charge par trois grandes catégories d'acteurs : les régimes obligatoires d'assurance maladie, qui en financent 79,6 %, les organismes d'assurance maladie complémentaire (12,6 %) et les ménages (7,2 %), la part directement prise en charge par l'État se limitant à 0,6 % ;

- les dépenses de santé restant à la charge des ménages après intervention de l'AMO et de l'AMC représentaient en 2022 un total de 17 milliards d'euros. Selon les comparaisons internationales, la France se caractérise par le reste à charge le plus faible de l'OCDE avec le Luxembourg. Avec 250 euros en moyenne par habitant, le reste à charge constaté en 2022 recouvre toutefois des réalités différentes selon les catégories de dépense ;

- malgré la part décisive de l'assurance maladie obligatoire (AMO) dans la couverture du risque maladie, à travers par exemple la prise en charge des affections de longue durée ou un niveau élevé de prise en charge des hospitalisations ou événements graves de santé, il est nécessaire de disposer d'une assurance maladie complémentaire pour bénéficier d'un bon accès aux soins ;

la couverture maladie complémentaire s'est progressivement étendue : elle concerne aujourd'hui 96,3 % de la population, contre un tiers environ dans les années 1960. Des dispositions fiscales et sociales avantageuses ont été conçues afin de favoriser la souscription par les entreprises de contrats collectifs d'AMC pour leurs salariés (cette dynamique s'étend actuellement à la fonction publique de l'État), et des dispositifs ont été mis en place pour faire bénéficier les plus démunis d'une complémentaire santé gratuite ou à des tarifs avantageux, la complémentaire santé solidaire (C2S). Pour autant, la couverture maladie complémentaire n'est pas universelle : 4 % de la population n'en dispose pas ; un niveau élevé de non-recours à la C2S souligne les défaillances du système malgré des progrès récents ;

- si les garanties offertes par les régimes obligatoires d'assurance maladie se sont harmonisées, les contrats d'assurance maladie complémentaire restent très divers, qu'il s'agisse de leurs tarifs ou du niveau de prise en charge, en dépit de la forte prédominance des contrats relevant de la catégorie dite « responsable et solidaire » qui prévoient un socle et un plafond de garanties identiques pour tous les assurés (souscripteurs individuels, salariés du privé, indépendants, agents de la fonction publique...) : forfait journalier hospitalier, ticket modérateur applicable aux soins de ville, prise en charge standardisée de l'optique, des soins dentaires et des prothèses auditives, plafonnement de la prise en charge des dépassements d'honoraires...;

- la prise en charge des dépenses de santé des assurés s'appuie sur une forte imbrication de l'assurance maladie obligatoire et des complémentaires santé, puisque la plupart des soins et biens médicaux sont couverts à la fois - à des niveaux variables - par l'AMO et l'AMC, ce double niveau de remboursement donnant lieu pour une même dépense à une double facturation. Ce système à deux étages constitue d'ailleurs une spécificité française ;

- enfin, « la répartition des interventions entre les AMO, les AMC et les ménages n'est pas le résultat de choix explicites et rationnels » : « malgré les enjeux qu'elle recouvre, la répartition actuelle est le produit d'une succession de décisions techniques, parfois anciennes, plutôt que d'une approche d'ensemble ». Cette remarque du groupe de travail de la Commission des comptes de la sécurité sociale dans le cadre d'un rapport publié en 2003 à la demande du ministre de la santé de l'époque conserve toute son actualité aujourd'hui10(*).

Les travaux de la mission ont également révélé, s'agissant des complémentaires santé, un certain nombre de paradoxes :

- la souscription d'une complémentaire santé est en principe facultative, mais elle est obligatoire pour les salariés du privé et prochainement pour les fonctionnaires de l'État dans le cas de contrats collectifs, assortis de cas de dispense strictement définis par la loi ;

- parallèlement à une dynamique favorable à l'équité, dont témoignent la mise en place de la C2S et la lutte contre le non-recours, la progression des couvertures collectives a conduit à une démutualisation du système (se traduisant par un accroissement de la tarification à l'âge des contrats de complémentaires santé) et à un creusement des inégalités entre salariés bénéficiant d'une complémentaire santé collective dans des conditions avantageuses, car leurs cotisations sont subventionnées par l'employeur, et catégories de la population - plus particulièrement les retraités - ayant vocation à souscrire leur assurance santé à titre individuel. Cette évolution, qui remonte aux années 2010, pose la question de la prise en charge assurantielle des « mauvais risques » que représentent les retraités âgés par opposition aux « bons risques » qu'incarnent les actifs, plus jeunes et en meilleure santé ;

- l'AMC s'appuie sur une logique concurrentielle, mais les exigences du contrat « responsable et solidaire », assorti d'une fiscalité favorable, reviennent à limiter les marges de manoeuvre des complémentaires santé pour se différencier aux yeux des consommateurs dont par ailleurs l'information reste lacunaire, tant l'assuré peine à s'y retrouver dans le « maquis », voire la « jungle » des contrats, selon des expressions qui sont régulièrement revenues au cours des auditions de la mission d'information ;

- alors même que les complémentaires santé sont jugées indispensables à l'accès aux soins et que le système est organisé sur la base de deux étages de couverture santé très imbriqués, les complémentaires santé ne sont pas systématiquement associées à toutes les décisions qui les concernent, y compris dans les champs où elles interviennent traditionnellement de façon majoritaire. De plus, « les relations entre les AMO et les AMC ne sont guère organisées » : ce constat, issu du rapport précité de 200311(*), reste d'actualité plus de 20 ans après la publication de celui-ci. De telles lacunes appellent à une réflexion sur la gouvernance des relations entre les deux niveaux de couverture santé ;

- enfin, la prise en charge des dépenses de santé est encadrée par des normes nombreuses (plafonds de remboursement, paniers de soins couverts...) mais le système admet des espaces de liberté qui peuvent interpeller, comme la faculté, pour les Ocam, de rembourser des pratiques thérapeutiques n'ayant pas fait la preuve scientifique de leur efficacité et que la sécurité sociale ne prend pas en charge, comme l'ostéopathie, la sophrologie ou l'acupuncture, voire la naturopathie.

À de nombreuses reprises, les travaux de la mission d'information ont croisé la thématique plus vaste de l'organisation de l'assurance maladie et des frontières entre l'AMO et l'AMC, qui ont évolué au fil du temps. Il ressort des travaux de la mission d'information que l'organisation de notre couverture maladie est largement perfectible : ainsi que le directeur général de la Cnam l'a fait observer à la mission d'information, « s'il fallait repartir de zéro, [le système] serait sans doute reconstruit différemment ».

Faut-il pour autant plaider pour la mise en place d'un système de prise en charge des dépenses de santé qui, au profit d'une « Grande sécu », supprimerait le double niveau de remboursement caractérisant notre système ? Tant les exemples étrangers que la fragilité de nos finances publiques appellent à la prudence dans ce domaine et suggèrent, parallèlement à la poursuite des efforts déjà engagés pour maîtriser l'évolution des dépenses de santé, de privilégier le perfectionnement de l'existant plutôt que la recherche de solutions aux gains aléatoires.

Dans cette logique, la mission d'information, convaincue de la nécessité de réintroduire dans le dispositif des complémentaires santé une certaine forme de mutualisation, formule au terme de ses travaux 22 recommandations :

- pour mieux protéger les assurés, et plus particulièrement les seniors, en limitant la hausse des dépenses liées à leur couverture complémentaire santé, en améliorant le recours aux droits et en allant plus loin en matière de transparence de l'information ;

- et pour mieux articuler assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire en permettant aux Ocam d'anticiper les charges qui leur incombent, en mettant en place des dispositifs de gouvernance et en renforçant l'efficacité du système.

I. LES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : UNE COUVERTURE ÉTENDUE, PARALLÈLEMENT À DES DISPARITÉS AMPLIFIÉES PAR DE FORTES HAUSSES DES COTISATIONS EN 2023 ET 2024

A. ASSURANCE MALADIE OBLIGATOIRE, ASSURANCE MALADIE COMPLÉMENTAIRE : DEUX MÉCANISMES DE SOLIDARITÉ DIFFÉRENTS

La structuration en deux échelons du système français d'assurance maladie est directement liée à la naissance, en 1945, de la sécurité sociale, « destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu'ils supportent »12(*), tandis que l'assurance maladie complémentaire (AMC) intervient à titre facultatif pour rembourser les dépenses de santé engagées par les assurés au-delà des montants remboursés par l'assurance maladie obligatoire (AMO).

1. L'assurance maladie obligatoire : un dispositif public fondé sur une solidarité universelle
a) Une assurance maladie désormais universelle

La création de la sécurité sociale visait à mettre en place un système de solidarité permettant de faire face aux circonstances « dans lesquelles un travailleur se trouve privé de ses moyens d'existence, ou tout au moins dans lesquelles ses ressources sont insuffisantes pour pourvoir aux besoins de sa famille. Il en va ainsi, d'une part, lorsque le travailleur se trouve obligé d'interrompre son activité par suite notamment de maladie, de maternité, de vieillesse ou d'accident, d'autre part, lorsqu'il supporte des charges de famille particulières »13(*). Il s'agit de procéder à une « redistribution du revenu national destinée à prélever sur le revenu des individus favorisés les sommes nécessaires pour compléter les ressources des travailleurs ou familles défavorisées »14(*).

L'affiliation obligatoire à la sécurité sociale, gérée par les partenaires sociaux - aux deux tiers par les représentants des travailleurs et à un tiers par ceux des employeurs15(*), s'adresse initialement aux salariés16(*), tandis qu'est posé le principe de sa généralisation à l'ensemble des Français17(*). Il est toutefois admis dès l'origine que « l'universalité est un objectif de long terme » : « les réticences des indépendants devant l'obligation de cotiser, les difficultés à appréhender leurs revenus ou à transposer la notion d'arrêt de travail dans ces professions, vont conduire à construire un régime qui, pour être qualifié de « général », n'en sera pas moins un régime des salariés »18(*).

Dans le même temps, le rôle des sociétés de secours mutuel, qui intervenaient jusqu'alors dans tous les champs de la protection sociale, fut restreint à une action complémentaire à celle du régime obligatoire de sécurité sociale, à savoir la conduite, dans l'intérêt de leurs membres ou de leur famille, d'une « action de prévoyance, de solidarité ou d'entraide visant notamment la prévention des risques sociaux et la réparation de leurs conséquences, l'encouragement de la maternité et la protection de l'enfance et de la famille ainsi que le développement moral, intellectuel et physique de leurs membres »19(*).

En parallèle, les institutions de prévoyance ou de sécurité sociale de toute nature autres que les organismes de sécurité sociale et les sociétés de secours mutuel ne purent dès lors être maintenues ou créées que sur autorisation ministérielle et « en vue seulement d'accorder des avantages s'ajoutant à ceux qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale »20(*).

Le financement de l'assurance maladie obligatoire a d'abord exclu le recours au contribuable, les droits aux prestations étant subordonnés au paiement de cotisations par les salariés et les employeurs et les cotisations des salariés étant soumises à un plafonnement, dans une logique initialement « semi-assurantielle » motivée par le fait que « le risque maladie n'augmente pas, pour les prestations en nature, avec le revenu »21(*).

Depuis 1945, le champ de l'AMO s'est étendu à de nouvelles populations telles que les étudiants22(*) ou les travailleurs non salariés des professions agricoles23(*) et non agricoles24(*).

Finalement, dans la mesure où la quasi-totalité de la population était couverte à un titre ou à un autre par un régime d'assurance maladie, le critère de résidence en France a été substitué à celui d'exercice d'une activité professionnelle pour le bénéfice de l'AMO en 1999, dans le cadre de la loi portant création d'une couverture maladie universelle (CMU)25(*), avant que l'assurance maladie devienne, en 2016, une protection universelle maladie (PUMa)26(*).

De la CMU à la PUMa : l'assurance maladie universelle

Envisagée dès 1993, l'universalisation de l'AMO a été mise en oeuvre par le Gouvernement de Lionel Jospin à compter du 1er janvier 2000.

Dans ce cadre, toute personne résidant en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer de façon stable et régulière relevait du régime général lorsqu'elle n'avait droit à aucun autre titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie et maternité27(*).

Lorsque les revenus de l'assuré dépassaient un seuil fixé par décret (9 601 euros au 1er octobre 201428(*)), une cotisation correspondant à 8 % du montant des revenus dépassant ce plafond était due29(*). En 2015, seuls 3 % des bénéficiaires de la CMU de base (CMU-B) en étaient redevable en métropole et 0,7 % d'entre eux en outre-mer30(*).

Tandis que le nombre de personnes non couvertes était estimé à 150 000 au moment de la création de la CMU-B31(*), celle-ci comptait plus de 2,5 millions de bénéficiaires à fin 201532(*).

Effectifs de la CMU-B, densité par rapport à la population
en métropole à la fin de 2015

Source : Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, rapport d'activité 2015

À compter de 2016, la PUMa, qui garantit à toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière le bénéfice, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé33(*), s'est substituée à la CMU-B. Concrètement, tandis que la CMU-B n'était attribuée qu'à défaut d'une affiliation à un régime d'assurance maladie, la PUMa bénéficie à tous.

Cette réforme a permis à la fois de simplifier les conditions d'affiliation (les travailleurs n'ayant plus à justifier d'une activité minimale), d'assurer la continuité des droits (l'assuré demeurant affilié à son régime d'assurance maladie en cas de changement de situation personnelle le faisant relever de la couverture universelle) et de les individualiser (le statut d'ayant droit majeur étant supprimé).

S'agissant des ressources, les cotisations d'assurance maladie acquittées par les employeurs des professions agricoles et non agricoles, ainsi que par les travailleurs non salariés des professions agricoles et non agricoles34(*), entièrement déplafonnées, ne représentent plus que près de 37 % des ressources de la branche, dont plus de 55 % sont issues de la contribution sociale généralisée (CSG) et d'autres impôts et taxes affectés (Itac), à l'instar de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En effet, l'universalisation de l'AMO s'est accompagnée de la fiscalisation - ou « étatisation » - partielle de son financement.

Décomposition des produits nets de la branche maladie
du régime général en 2022

(en %)

Source : Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023

La cotisation d'assurance maladie des employeurs et des travailleurs non salariés des professions agricoles et non agricoles

Depuis 2018, il n'existe plus de cotisation salariale maladie35(*). Les employeurs, en revanche, sont redevables d'une cotisation couvrant les risques maladie, maternité, invalidité et décès, au taux de 13 % sur la totalité des rémunérations ou gains des salariés36(*).

Depuis 2019 et la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allègement pérenne de cotisations37(*), ce taux est réduit de 6 points38(*) et porté à 7 % lorsque le salaire est inférieur ou égal à 2,5 fois le Smic applicable au 31 décembre 202339(*).

Le taux de la cotisation maladie-maternité des travailleurs indépendants fait, quant à lui, l'objet d'une première réduction décroissant à proportion des revenus pour les travailleurs dont les revenus sont inférieurs à 110 % du Pass, soit 51 005 euros en 202440(*). En pratique, il est compris entre 0,5 % et 7,2 % pour les artisans et commerçants, et entre 0,3 % et 6,5 % pour les professions libérales et les non-salariés agricoles. Les artisans et commerçants bénéficient en outre d'une seconde réduction, qui porte leur taux de cotisation à 6,5 % pour la tranche de revenus supérieure à 5 fois le montant du Pass (231 840 euros en 2024)41(*).

Évolution du taux de cotisation maladie-maternité
des travailleurs indépendants selon le niveau de revenu

Source : Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 par Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale, Mmes Corinne Imbert, Pascale Gruny, M. Olivier Henno, Mmes Marie-Pierre Richer et Chantal Deseyne, rapporteurs (n° 84, 2023-2024, tome II)

Le législateur a toutefois réformé l'an dernier l'assiette sociale des travailleurs indépendants, pour les périodes courant à compter du 1er janvier 2025 pour les non-salariés non agricoles et du 1er janvier 2026 pour les non-salariés agricoles42(*), en vue de diminuer la part relative des contributions sociales dans le total de leurs prélèvements et d'augmenter la part relative des cotisations sociales, à niveau global de prélèvement constant43(*).

Le contexte historique dans lequel s'est mise en place la logique de solidarité universelle qui sous-tend aujourd'hui l'AMO s'inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « la Nation garantit à tous (...) la protection de la santé », au travers :

- d'une adhésion obligatoire, d'une part ;

- d'un mode de financement reposant à titre principal sur des cotisations sociales et des recettes fiscales proportionnelles au revenu, d'autre part ;

- et, enfin, d'une prise en charge identique pour tous, à l'exception du cas des prestations en espèces.

b) La prise en charge de la dépense de santé dans un esprit de solidarité entre bien portants et malades

L'AMO se structure aujourd'hui autour de trois piliers :

- le régime général, c'est-à-dire celui des salariés du secteur privé, auquel a été intégrée, le 1er janvier 2020, la sécurité sociale des indépendants (SSI)44(*), dont la gestion est assurée par la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et qui couvre la quasi-intégralité du champ de l'AMO ;

- le régime des travailleurs non salariés des professions agricoles, géré par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) ;

- et divers régimes spéciaux, à l'instar des régimes du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF)45(*), du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des industries électriques et gazières (IEG), des clercs et employés de notaires ou encore de la Banque de France.

En masse financière, elle constitue la deuxième branche de la sécurité sociale, après la branche vieillesse, avec plus de 242 milliards d'euros de dépenses en 2022 - contre 221 milliards de recettes.

Les charges de la branche maladie du régime général sont composées à 84 % de prestations « maladie », au sein desquelles on distingue :

- les prestations exécutées en ville, qui englobent les prestations en nature (remboursement des frais engagés par l'assuré dans le cadre d'une maladie), que l'AMO couvre à hauteur de 63 % ; et les indemnités journalières (revenu de remplacement destiné à compenser la perte de revenu liée à un arrêt maladie) ;

- et les prestations exécutées en établissements de santé, dont la sécurité sociale reste le premier financeur (92,3 % en 2022).

Décomposition des charges nettes de la branche maladie
du régime général en 2022

(en %)

Source : Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023

Principalement assis sur les revenus du travail, de remplacement et du capital, le financement de l'AMO est très progressif en fonction du revenu : les ménages du premier décile contribuent à son financement à hauteur de 4 % de leur revenu disponible, contre 15 % pour ceux du dernier décile, soit un rapport de 1 à 4.

Part du financement des assurances obligatoire et complémentaire
dans le revenu disponible des ménages, par décile de niveau de vie

(en %)

Source : Cour des comptes, Les complémentaires santé : un système très protecteur mais peu efficient, 2021

Remboursement moyen de l'AMO et de l'AMC par décile de niveau de vie

Source : Cour des comptes, Les complémentaires santé : un système très protecteur mais peu efficient, 2021

L'AMO couvre aujourd'hui 79,6 % de la dépense de santé, soit 187,6 milliards d'euros46(*), la part supportée par l'État s'établissant à 0,6 % (1,4 milliard d'euros)47(*).

2. L'assurance maladie complémentaire : une solidarité de groupe qui s'exerce dans un cadre privé
a) Une logique assurantielle, malgré l'existence d'une couverture gratuite

L'AMC repose sur des bases sensiblement différentes de celles de l'AMO.

D'une part, à la différence de l'AMO, la solidarité, dans le champ de la couverture santé complémentaire, s'exerce dans un espace restreint, entre les souscripteurs à un contrat auprès d'un même organisme, et non à l'échelle nationale.

D'autre part, le champ de compétences du mouvement mutualiste s'est inscrit, à partir de 1945, dans une logique de complémentarité par rapport au rôle de l'AMO : « Le régime légal ne pouvant couvrir entièrement tous les risques, il s'est créé un puissant besoin de protection complémentaire »48(*). Le rôle de la complémentaire santé s'est ainsi concentré sur la prise en charge du ticket modérateur, qui correspond à la participation de l'assuré à ses frais de santé49(*) (voir infra) : pour Pierre-Louis Bras et Didier Tabuteau, « il semble que la confirmation du ticket modérateur ait été motivée par la volonté de réserver un espace à l'activité mutualiste »50(*).

Ce point inscrit l'AMC dans le périmètre des dépenses de santé prises en charge par la sécurité sociale.

Enfin, la souscription d'un contrat d'AMC est en principe facultative, l'assuré jouissant, du reste, d'une totale liberté de choix de l'organisme auquel il confiera sa protection sociale.

L'AMC relève par ailleurs d'une logique au moins partiellement assurantielle51(*) :

- le tarif des contrats d'AMC, tout comme le champ et le niveau des garanties offertes, est déterminé librement entre les souscripteurs et les organismes complémentaires - avec les employeurs dans le cas des contrats collectifs et avec les assurés eux-mêmes dans celui des contrats individuels, sans que cette tarification dépende principalement du revenu ;

- la tarification des contrats varie au moins partiellement en fonction des facteurs de risques auxquels sont exposés les souscripteurs, à commencer par leur âge, auquel est corrélée la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM). D'après la Drees, l'âge déterminerait le tarif de la couverture de 95 % des souscripteurs d'un contrat individuel, tandis que la tarification au revenu ne concernerait que 10 % des bénéficiaires d'une couverture individuelle52(*). La logique de la tarification au risque est toutefois socialisée, et non individualisée : si la classe d'âge et le lieu de résidence sont des déterminants fréquents du tarif, l'état de santé individuel de l'assuré n'entre pas en compte dans la détermination des cotisations à acquitter.

Les facteurs de risque servant de base à la tarification des contrats d'AMC

Plusieurs facteurs sont retenus par les organismes d'AMC pour tarifier leurs contrats. Il s'agit principalement :

- de l'âge de l'assuré, dans la mesure où la CSBM est croissante avec l'âge ;

- du nombre d'enfants à couvrir ;

- du lieu de résidence de l'assuré ;

- de son revenu et de son ancienneté dans le contrat.

En tout état de cause, il leur est interdit de pratiquer une tarification différenciée en fonction du sexe de l'assuré.

Ces principes ne sont toutefois pas absolus :

- la logique de complémentarité, qui suppose l'intervention de l'AMC en « miroir » de l'AMO, est battue en brèche par le fait que les complémentaires santé remboursent une part de certaines dépenses de santé qui ne font pas partie du panier de soins pris en charge par la sécurité sociale, à l'instar de la chambre particulière à l'hôpital, considérée comme relevant du confort et non des soins, et des pratiques thérapeutiques dites « douces » ou « alternatives », point sur lequel ce rapport reviendra ultérieurement ;

- l'adhésion à une complémentaire santé est devenue obligatoire au cours de la période récente pour les salariés53(*) et, prochainement, des fonctionnaires de l'État54(*) et ceux des collectivités territoriales où un accord majoritaire local prévoira une adhésion obligatoire55(*) (voir infra) ;

- le mouvement mutualiste s'est vu très tôt confier la gestion de quelques régimes d'AMO - ceux des fonctionnaires56(*) et des étudiants57(*) - et habiliter à accomplir les missions qui incombent aux sections locales, aux correspondants locaux ou d'entreprises et aux agents locaux des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM)58(*) ;

- les personnes les plus fragiles peuvent accéder à une couverture complémentaire gratuite ou à prix encadré (voir infra), la complémentaire santé solidaire (C2S), financée par une taxe pesant sur les souscripteurs d'un contrat d'AMC, la taxe de solidarité additionnelle (TSA)59(*).

b) Un marché que se partagent trois grandes catégories d'organismes

Les organismes complémentaires relèvent de trois familles - mutuelles, institutions de prévoyance et sociétés d'assurance -, qui sont régies par des dispositions législatives différentes : le code de la mutualité, le code de la sécurité sociale et le code des assurances. Elles ne s'inscrivent donc pas dans un cadre juridique unifié, malgré une tendance générale au rapprochement des règles juridiques applicables aux trois familles.

(1) Trois socles juridiques différents

En 2022, 397 organismes ont exercé une activité de complémentaire santé60(*), champ défini par l'assujettissement à la taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance (TSA) qui, perçue par les Urssaf, finance la C2S.

En 2022, on comptait 272 mutuelles relevant du code de la mutualité, 100 entreprises d'assurance relevant du code des assurances et 25 institutions de prévoyance dont le cadre est défini par le code de la sécurité sociale.

(a) Les mutuelles : des organismes solidaires, sans but lucratif et pourvues d'une gouvernance démocratique

La principale catégorie d'organisme complémentaire d'assurance maladie (Ocam) est constituée des mutuelles ou unions mutualistes relevant du code de la mutualité.

Elles interviennent dans trois domaines d'activité : complémentaire santé, prévoyance et épargne-retraite. Selon la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), les mutuelles « jouent un rôle majeur pour l'accès aux soins, dans les territoires » du fait d'un réseau de « plus de 2 900 services de soins et d'accompagnement mutualistes allant de l'accompagnement de la petite enfance au grand âge, et du premier recours au long séjour »61(*).

Les mutuelles selon le code de la mutualité

Les mutuelles poursuivent un but non lucratif, exercent leur activité dans le respect du principe de solidarité et fonctionnent sur la base d'une gouvernance démocratique impliquant leurs membres62(*).

Elles mènent, notamment au moyen des cotisations versées par leurs membres et dans l'intérêt de ces derniers et de leurs ayants droit, une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide afin de contribuer au développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et à l'amélioration de leurs conditions de vie63(*).

Elles peuvent avoir pour objet :

- de réaliser diverses opérations d'assurance, notamment dans le domaine de l'AMC mais également de la prévoyance, de l'assurance-vie, de l'assurance chômage, de la capitalisation, de la protection juridique, de l'assistance aux personnes ou de la caution immobilière ;

- d'assurer la prévention des risques de dommages corporels liés à des accidents ou à la maladie, ainsi qu'à la protection de l'enfance, de la famille, des personnes âgées, dépendantes ou handicapées ;

- de mettre en oeuvre une action sociale, de créer et exploiter des établissements ou services et de gérer des activités à caractère social, sanitaire, médico-social, sportif, culturel ou funéraire, et de réaliser des opérations de prévention ;

- ou de participer à la gestion d'un régime légal d'assurance maladie et maternité et d'assurer la gestion d'activités et de prestations sociales pour le compte de l'État ou d'autres collectivités publiques.

Une même mutuelle ne peut exercer à la fois une activité d'assurance et un des trois autres types d'activité. Néanmoins, une mutuelle exerçant une activité d'assurance peut également exercer d'autres types d'activités à condition que ces dernières soient accessoires et accessibles uniquement à ses membres participants et à leurs ayants droit et aux souscripteurs d'un contrat proposé par une entreprise d'assurance, une institution de prévoyance ou une autre mutuelle ayant passé une convention avec elle.

Les mutuelles qui exercent une activité d'assurance ne peuvent moduler le montant des cotisations à la couverture santé des adhérents qu'en fonction des critères suivants : le revenu, la durée d'appartenance à la mutuelle, le régime de sécurité sociale d'affiliation, le lieu de résidence, le nombre d'ayants droit ou l'âge des membres participants64(*).

Elles ne peuvent recueillir des informations médicales auprès de leurs adhérents ou de personnes souhaitant bénéficier d'une couverture, et ne sont pas autorisées à fixer le montant des cotisations en fonction de l'état de santé de l'assuré.

Les mutuelles ne peuvent en outre instaurer de différences dans le niveau des prestations qu'en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés, ou lorsque l'assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé membre d'un réseau de soins.

(b) Les institutions de prévoyance : des organismes de protection sociale gérées par les partenaires sociaux sans but lucratif

Les institutions de prévoyance sont régies par le code de la sécurité sociale. Organismes à but non lucratif, elles ont pour singularité d'être gérées par les partenaires sociaux. Elles sont administrées paritairement par leurs membres adhérents, les représentants des employeurs, et leurs membres participants, les représentants des salariés65(*).

Les institutions de prévoyance ont pour objet de réaliser des opérations d'assurance dans les domaines de l'AMC, de la prévoyance, de l'assurance-vie, de la capitalisation et de l'assurance chômage. Elles sont constituées sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise et ratifié à la majorité des intéressés ou par accord entre des membres adhérents et des membres participants réunis à cet effet en assemblée générale. Elles garantissent à leurs membres participants le règlement intégral des engagements qu'elles contractent à leur égard.

Ces institutions peuvent mettre en oeuvre au profit des salariés une action sociale qui, lorsqu'elle se traduit par l'exploitation de réalisations sociales collectives, doit être gérée par une ou plusieurs personnes morales distinctes de l'institution. Selon les réponses écrites au questionnaire du rapporteur adressées à la mission d'information par le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), « les institutions de prévoyance sont des acteurs de la protection sociale prises au sens large avant d'être, au sens de la loi, des organismes assureurs ».

(c) Les entreprises d'assurance : des acteurs au large champ d'action, pouvant servir un but lucratif

La troisième famille d'Ocam, les entreprises d'assurance régies par le code des assurances, recouvre des structures différentes. On distingue les compagnies d'assurance, constituées sous la forme de sociétés anonymes, détenues par des actionnaires et poursuivant un but lucratif, et les mutuelles d'assurance (ou sociétés d'assurance mutuelles), sociétés civiles à but non lucratif et qui appartiennent à leurs adhérents, nommés « sociétaires »66(*). Elles ont ainsi un fonctionnement proche de celui des mutuelles. Financées par les cotisations mensuelles des assurés, leurs bénéfices sont « réinvestis au service de l'activité d'assurance, dans les cotisations, les prestations, les niveaux des garanties, l'action sociale, etc. »67(*)

Les entreprises d'assurance exercent leur activité dans des domaines très étendus, allant de l'assurance contre les catastrophes naturelles à l'assurance automobile et incluant l'AMC. Elles interviennent tant dans le champ des assurances de personnes (assurance-vie, assurance-emprunteur, etc.) que dans celui des assurances de dommages (assurance responsabilité civile, contrats multirisque habitation...).

Selon la Drees, « les compagnies d'assurance [...] ont tendance à générer de plus gros excédents que les sociétés d'assurance mutuelles, les mutuelles et les institutions de prévoyance, qui sont à but non lucratif, et qui doivent donc réinvestir leurs éventuels excédents dans l'organisme au bénéfice des adhérents »68(*).

(2) Un secteur dominé par les mutuelles

La place de l'AMC dans les activités des Ocam diffère selon les familles juridiques :

- les mutuelles réalisent 82 % de leur chiffre d'affaires en santé (environ 80 % des organismes relevant du code de la mutualité pratiquent une activité santé) ;

6 % seulement des cotisations des entreprises d'assurance proviennent du champ de la santé (80 % pour des activités autres que la santé, la prévoyance ou la retraite) ; 30 % seulement des organismes relevant du code des assurances sont engagés dans le domaine de la santé ;

- les institutions de prévoyance, dont 48 % des cotisations sont en lien avec la santé (46 % pour la prévoyance), se situent à un niveau intermédiaire (environ 70 % des organismes relevant du code de la sécurité sociale sont présents sur le marché de la santé).

Répartition de l'activité par type d'organismes en 2021

Source : Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé

Les mutuelles conservent une position dominante sur le marché de l'AMC, avec près de la moitié des 40,5 milliards d'euros de cotisations d'assurance maladie complémentaire collectées en 202269(*). Les entreprises d'assurance en représentent plus d'un tiers, les institutions de prévoyance les 17 % restants.

Cotisations d'AMC perçues par type d'organismes en 2022

(en milliards d'euros)

Source : Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé

Le positionnement de ces différentes catégories d'organismes sur le marché de l'assurance santé diffère en fonction du type de contrat - collectif ou individuel.

Si chacun de ces types de contrat représente aujourd'hui la moitié du marché de la complémentaire santé70(*), l'engagement des familles d'Ocam dans l'un ou l'autre type de couverture reflète une approche spécialisée :

- les institutions de prévoyance sont très majoritairement présentes sur le marché des contrats santé collectifs, qui constituent 88 % des cotisations collectées en 2022 ;

- les mutuelles sont pour leur part largement positionnées sur les contrats santé individuels (66 % de leurs cotisations en 2022) ;

- les entreprises d'assurance occupent une position intermédiaire et sont presque aussi présentes sur les deux marchés, avec 52 % des cotisations collectées au titre de contrats collectifs en 2022.

Part des contrats individuels et collectifs dans l'ensemble des cotisations d'AMC collectées par les différents types d'organismes en 2022

Source : Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé

(3) Un cadre juridique harmonisé

Avant l'entrée en vigueur de la loi Évin du 31 décembre 198971(*), qui constitue désormais le socle juridique de l'activité de complémentaire santé et de prévoyance, chaque type d'organisme bénéficiait d'un quasi-monopole de fait sur un secteur spécifique découlant des avantages comparatifs conférés par l'absence d'uniformité juridique : les mutuelles prenaient en charge le ticket modérateur sur les contrats individuels - qui ne relevait pas de l'objet des institutions de prévoyance - et ces dernières intervenaient sur les contrats collectifs - du fait, notamment, de leur rôle en matière de retraite complémentaire.

La loi Évin, qui s'applique indifféremment aux organismes des trois codes, a amorcé un mouvement d'harmonisation, en interdisant notamment aux Ocam d'exclure du champ de leur couverture une pathologie ou affection ouvrant droit au service des prestations en nature de l'AMO72(*) et d'augmenter le tarif d'un assuré postérieurement à son adhésion en raison de l'évolution de son état de santé73(*).

Dans cette logique, les évolutions législatives récentes concernant les Ocam (par exemple l'allègement des conditions de résiliation pour les assurés, qui seront abordées ultérieurement), se sont appliquées aux trois familles indifféremment.

C'est le cas pour la fiscalité des Ocam qui a été harmonisée74(*), passant d'une logique fondée sur le statut des entreprises distributrices à une logique reposant sur la nature du contrat.

Le droit européen a également contribué à rapprocher les normes applicables à l'ensemble des acteurs de l'AMC75(*).

De même, la récente réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) des fonctionnaires a ouvert le marché de la couverture maladie complémentaire des agents de la fonction publique de l'État à tous les opérateurs.

Toutefois, comme l'a fait observer le CTIP dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, cette harmonisation n'exclut pas le maintien de spécificités liées au cadre juridique des Ocam. Ainsi, le champ d'activité des institutions de prévoyance est limité à la couverture des salariés et anciens salariés de leurs entreprises adhérentes et seulement dans le champ couvert par la négociation collective, contrairement aux entreprises d'assurance qui sont susceptibles d'exercer leurs activités dans les 26 branches d'assurance listées par les directives européennes.

(4) Un marché en voie de concentration

Le nombre d'organismes présents sur le marché français de la complémentaire santé a été divisé par quatre depuis une vingtaine d'années.

On comptait ainsi, en 2022 :

- 397 mutuelles (1 702 en 2001) : c'est cette catégorie qui a connu la diminution la plus forte ;

- 25 institutions de prévoyance (57 en 2001) : ce nombre, divisé par deux en une vingtaine d'années, est stable depuis 2015 ;

- 100 entreprises d'assurance (117 en 2001) : leur nombre, relativement stable, est plus élevé aujourd'hui qu'au début des années 2010.

Évolution du nombre d'organismes de complémentaire santé
assujettis à la TSA depuis 2001

Source : Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé

Les évolutions du marché, et notamment la généralisation de la complémentaire santé en entreprise en 2016, ont encouragé ce puissant mouvement de concentration des acteurs.

Concentration du marché de la complémentaire santé en 2011 et 2022

(en % des cotisations)

Source : Audition de la Drees

En dépit de ce mouvement, la France se caractérise encore par un nombre d'organismes exerçant une activité d'assurance santé qui reste très élevé (397 en 2022, toutes familles juridiques confondues) par rapport à ses voisins européens. La Drees observe ainsi qu'« aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni par exemple, une trentaine d'organismes seulement exercent ce type d'activité »76(*).

3. Un deuxième niveau de couverture santé pour tous les types de soins et de biens médicaux
a) 12,6 % de la consommation de soins et biens médicaux pris en charge par l'AMC

Sur une dépense annuelle moyenne de 3 475 euros par habitant, 2 765 euros sont financés par la sécurité sociale et 439 euros par les complémentaires santé.

Au total, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), la part du financement de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) supportée par les Ocam s'est élevée à 12,6 % en 2022, soit 29,8 milliards d'euros77(*). En ajoutant les prestations hors du champ de la CSBM, les prestations totales servies aux assurés ont atteint 32,8 milliards d'euros en 2022 (+ 3,8 % par rapport à 2021).

Part du financement de la CSBM par financeur en 2022

Source : Drees

Contrairement à l'AMO, dont 57 % de la dépense correspond à la prise en charge de soins hospitaliers (16 % pour les Ocam), l'intervention de l'AMC est essentiellement concentrée sur les soins de ville :

- 21 % de la dépense de l'AMC correspond à la prise en charge de soins dentaires (qui ne pèsent que 3 % des dépenses de la sécurité sociale) ;

- 15 % représente des honoraires de médecins et sages-femmes (10% pour la sécurité sociale) ;

- 25 % des dépenses de l'AMC correspond au remboursement de dispositifs médicaux (5 % pour la sécurité sociale).

Structure de la dépense des financeurs de la CSBM en 2022

Source : Drees

b) Le ticket modérateur : un reste à charge après AMO qui constitue le socle de l'intervention de l'AMC dans le remboursement des soins
(1) La raison d'être de l'AMC

Depuis la création de la sécurité sociale, une participation aux tarifs servant de base au remboursement des frais de santé par l'AMO, appelée « ticket modérateur », a été laissée à la charge de l'assuré : ce dernier peut éventuellement en être remboursé par l'AMC. Ce système de « reste à charge » diffère de la gratuité des soins de base sur laquelle reposent par exemple les systèmes nationaux de santé.

Le montant de cette participation de l'assuré est fixé par décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), après avis de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (Unocam)78(*). Le ministre chargé de la santé peut toutefois s'opposer à cette décision pour des motifs de santé publique.

En outre, une participation forfaitaire qui se cumule avec le ticket modérateur - et s'impute donc sur la partie des frais remboursée par l'AMO - est acquittée par l'assuré pour chaque acte ou pour chaque consultation pris en charge par l'AMO et réalisé par un médecin, à l'exclusion des actes ou consultations réalisés au cours d'une hospitalisation, ainsi que pour tout acte de biologie médicale79(*).

Son montant, fixé par l'Uncam, après avis de l'Unocam, a été doublé en 2024, pour atteindre deux euros80(*). En tout état de cause, le nombre maximum de participations forfaitaires supportées par le bénéficiaire des soins au cours d'une année civile étant fixé à 25, la participation globale pouvant être exigée d'un assuré est plafonnée à 50 euros par an81(*).

Le ticket modérateur d'ordre public, une réforme inaboutie

Malgré la suspension, dans le cadre des accords de Grenelle82(*), de l'application des dispositions législatives instituant, dans une démarche de responsabilisation des assurés sociaux, un ticket modérateur d'ordre public correspondant à une partie du ticket modérateur que l'AMC avait interdiction de couvrir83(*), ce dispositif a été fixé, en 1980, à 20 % du montant du ticket modérateur84(*).

Face à la vive opposition de la société mutualiste, le ticket modérateur d'ordre public est supprimé par le Gouvernement Mauroy85(*), consacrant le principe de libre utilisation des cotisations mutualistes.

Bien que procédant de la même logique, les franchises médicales et participations forfaitaires existant aujourd'hui ne sauraient être assimilées au ticket modérateur d'ordre public, dans la mesure où elles sont déduites de la part des dépenses de santé prise en charge par l'AMO, et non de celle prise en charge par l'AMC.

Par ailleurs, une franchise médicale à la charge de l'assuré s'ajoute au ticket modérateur pour les frais relatifs à plusieurs prestations et produits de santé pris en charge par l'AMO86(*). Celle-ci a elle aussi été doublée en 2024 et s'élève désormais à un euro par boîte de médicaments, un euro par acte effectué par un auxiliaire médical - dans la limite de quatre euros par jour - et quatre euros par transport sanitaire - dans la limite de huit euros par jour87(*). Son montant maximal est lui aussi fixé à 50 euros par année civile88(*).

Exemple de la prise en charge d'une consultation chez le médecin traitant

- Tarif : 26,50 euros depuis le 1er novembre 2023

- Ticket modérateur : 30 % soit 7,95 euros

- Participation forfaitaire à la charge de l'assuré : 2 euros

- Prise en charge par l'AMO : 70 % soit 18,55 euros

- Montant remboursé par l'AMO : 18,55 euros - 2 = 16,55 euros

- À la charge de l'assuré : ticket modérateur + participation forfaitaire = 9,95 euros

Source : L'Assurance maladie

(2) Un double niveau de facturation pour toutes les dépenses de santé

Le système français se caractérise par une logique à deux étages, au sein duquel l'assurance maladie intervient pour l'ensemble des dépenses de santé et où les mêmes soins sont couverts à la fois par l'AMO et par l'AMC, ce qui induit, pour chacune de ces dépenses, une double facturation des professionnels de santé.

Cette organisation contraste avec le choix fait par d'autres pays, illustré dans le tableau ci-dessous, de concentrer l'intervention de l'AMO sur un panier de soins de base qui exclut généralement l'optique et, dans une moindre mesure, les soins dentaires.

Paniers de soins pris en charge par l'AMO dans les principaux pays européens

 

France

Allemagne

Suisse

Pays-Bas

Espagne

Royaume- Uni

Soins hospitaliers

           

Généralistes, spécialistes, infirmiers, kinésithérapeutes exerçant en libéral

           

Médicaments et autres biens médicaux hors optique et dentaire

           

Analyses en laboratoire et transports médicaux

           

Soins et prothèses dentaires

           

Optique

           

: soins intégralement couverts

  : soins donnant lieu à copaiements, couverts par les assurés ou leur éventuelle assurance facultative privée

 : soins non couverts

Source : Audrey Lafon et Alexis Montaut, « La place de l'assurance maladie privée dans six pays européens », Les dossiers de la Drees, n° 19, juin 2017

Ainsi, aux Pays-Bas, l'AMO ne prend pas en charge la kinésithérapie, ne couvre l'optique que dans des conditions restrictives et limite la prise en charge des soins dentaires aux jeunes jusqu'à l'âge de 18 ans. La prise en charge de ces dépenses relève d'assurances facultatives.

L'Allemagne a fait le choix d'un panier de soins de base plus étroit qu'en France, qui exclut l'optique, les prothèses dentaires et une grande partie des transports sanitaires, en contrepartie d'un niveau de prise en charge plus élevé par l'assurance maladie de base. En France, ces dépenses de santé font l'objet d'un remboursement par la sécurité sociale, même si les tarifs de prise en charge ou bases de remboursement sont relativement faibles. L'optique, les audioprothèses et les prothèses dentaires sont ainsi relativement peu couverts par l'AMO française89(*) :

- les dépenses d'optique (7,3 milliards d'euros) sont financées par l'AMO à raison de 5 % (400 millions d'euros) et à 72,9 % par l'AMC (5,3 milliards d'euros) (part des ménages : 22,1 % ; 1,6 milliard d'euros) ;

- les prothèses auditives (1,9 milliard d'euros) sont remboursées par l'AMO à hauteur de 22,4 % (442 millions d'euros) et à 41,9 % par l'AMC (829 millions d'euros) (part des ménages : 35,7 % ; 706 millions d'euros) ;

- les prothèses dentaires (7 milliards d'euros) sont couvertes par l'AMO à hauteur de 27,8 % (1,9 milliard d'euros) et à 56,5 % par l'AMC (3,9 milliards d'euros) (part des ménages : 15,4 % ; 1 milliard d'euros).

c) Un système complexe
(1) Pour les assurés : des taux de prise en charge diversifiés

Le ticket modérateur, fixé à 20 % en 1945, a été différencié au fil du temps selon les catégories de prestations, les conditions dans lesquelles sont dispensés les soins et la nature de l'établissement où les soins sont dispensés :

- 20 % pour les soins hospitaliers ;

- 30 % pour les honoraires médicaux ;

- 35 % pour les transports sanitaires ;

- 40 % pour les honoraires des professions paramédicales et les analyses de biologie médicale ;

- 70 % pour les médicaments à service médical « modéré » (remboursés à 30 %), et 85 % pour les médicaments à service médical « faible » (remboursés à 15 %), mais 35 % pour les médicaments à service médical rendu majeur, remboursés à 65 % ; il n'existe en revanche aucun ticket modérateur sur les médicaments reconnus comme irremplaçables et coûteux.

Prise en charge d'une boîte de médicaments
à service médical rendu majeur ou important

Source : L'Assurance maladie

Le ticket modérateur peut faire l'objet de modulations, à la hausse comme à la baisse, dans une logique de responsabilisation ou de renforcement de l'accès aux soins.

Ainsi, lorsqu'un assuré consulte un médecin hors du parcours de soins coordonnés, le ticket modérateur peut être majoré par l'Uncam de 40 % de la base de remboursement de la sécurité sociale, le portant ainsi à 70 % de ce tarif90(*). De plus, il n'est pas possible à l'AMC de prendre en charge cette majoration dans le cadre d'un contrat responsable (voir infra).

Dans diverses situations, en revanche, le ticket modérateur peut être limité, voire supprimé. Ainsi, à l'hôpital, il est forfaitisé à 24 euros pour certains types d'actes onéreux91(*).

Ce forfait ne doit être confondu :

- ni avec le forfait journalier hospitalier, supporté par les personnes admises dans la plupart des établissements hospitaliers ou médico-sociaux au titre des frais d'hébergement et d'entretien, au tarif de 20 euros par jour en hôpital et en clinique et de 15 euros par jour dans le service psychiatrique d'un établissement de santé92(*) et ne pouvant être pris en charge par l'AMO, sauf cas particuliers93(*) ;

- ni avec le forfait patient urgences, fixé à 19,61 euros (ou à 8,49 euros pour les personnes atteintes d'une ALD notamment)94(*), dû, depuis 2022, par tout assuré effectuant un passage non programmé dans une structure des urgences d'un établissement de santé, lorsque ce passage n'est pas suivi d'une hospitalisation au sein de l'établissement, et ne pouvant non plus être pris en charge par l'AMO, sauf cas particuliers95(*).

Le forfait à 24 euros

Le ticket modérateur est réduit à 24 euros :

- pour les actes affectés d'un coefficient égal ou supérieur à 60 ou d'un tarif égal ou supérieur à 120 euros ;

- pour l'ensemble des frais intervenant au cours d'une hospitalisation dans un établissement de santé, lorsqu'est effectué un acte thérapeutique ou diagnostique dont la réalisation en établissement de santé est nécessaire à la sécurité des soins, affecté d'un coefficient égal ou supérieur à 60 ou d'un tarif égal ou supérieur à 120 euros ;

- pour l'ensemble des frais intervenant au cours d'une hospitalisation consécutive à une telle hospitalisation et en lien direct avec elle.

En revanche, le ticket modérateur est supprimé pour l'ensemble des frais intervenant au cours d'une hospitalisation à compter du 31ème jour d'hospitalisation consécutif ainsi que pour certains types d'actes, à savoir :

- les actes de radiodiagnostic, d'imagerie par résonance magnétique (IRM), de scanographie, de scintigraphie ou de tomographie à émission de positons qui sont affectés d'un coefficient égal ou supérieur à 60 ou d'un tarif égal ou supérieur à 120 euros ;

- les frais de transport d'urgence entre le lieu de prise en charge de la personne et l'établissement de santé, en cas d'hospitalisation au cours de laquelle est effectué un acte affecté d'un coefficient égal ou supérieur à 60 ou d'un tarif égal ou supérieur à 120 euros ;

- en cas d'hospitalisation consécutive à une telle hospitalisation et en lien direct avec elle, les frais de transport entre les deux établissements ou entre l'établissement et le domicile en cas d'hospitalisation à domicile.

Certaines situations, pour la plupart mentionnées à l'article L. 160-14 du code de la sécurité sociale, bénéficient d'une prise en charge dérogatoire du droit commun par l'assurance maladie, caractérisée par la suppression du ticket modérateur à la charge de l'assuré ou de sa complémentaire santé.

La prise en charge par l'assurance maladie obligatoire à hauteur de 100 % des tarifs de la sécurité sociale concerne notamment certaines catégories :

d'assurés : femmes enceintes96(*), bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) au titre d'un avantage vieillesse, titulaires d'une pension d'invalidité ou d'une rente AT-MP au-delà d'un taux de 66 % d'incapacité permanente ;

d'affections : c'est, entre autres situations, le cas pour les soins liés à une affection de longue durée (ALD) exonérante, à un accident du travail ou une maladie professionnelle ;

d'actes et de produits : certains actes de prévention, de vaccination ou de dépistage, contraceptifs destinés aux moins de 26 ans, frais liés à la contraception hormonale d'urgence ou à une interruption volontaire de grossesse.

Il s'agit là soit de mécanismes incitatifs permettant de s'assurer de l'accessibilité de tous à certains produits ou actes (prévention, contraception), soit d'une prise en charge du risque lourd par l'assurance maladie obligatoire.

Lors de son audition par la mission d'information, le directeur général de la Cnam a montré que « la couverture complémentaire est l'une des composantes de la couverture des assurés, mais [que] dans cette répartition, c'est bien l'AMO qui porte le risque le plus lourd, au travers du système des affections de longue durée, des médicaments pris en charge à 100 %, etc. Cette répartition est fondée sur une logique très pertinente dans la mesure où le montant des cotisations à l'AMO ne dépend pas de votre âge, ni de votre risque ».

Pour l'ensemble de ces cas, la prise en charge par la sécurité sociale s'établit à 100 % de la base de remboursement. Les complémentaires des assurés concernés n'ont donc pas à intervenir pour financer la part du ticket modérateur qui leur revient en temps normal.

Cela n'induit pas pour autant que recourir à une complémentaire santé soit superflu pour les assurés concernés, qui peuvent être tentés, pour des motifs d'économie, de résilier leur complémentaire santé dès lors qu'ils sont couverts à 100 % au titre d'une ALD.

Ainsi, la Ligue contre le cancer, entendue par le rapporteur, alerte sur un « risque de restes à charge importants », en cas de résiliation de leur complémentaire santé, pour ces patients exposés à des dépassements d'honoraires ou à des frais non pris en charge par l'assurance maladie obligatoire, comme le forfait journalier à l'hôpital. La résiliation de leur complémentaire prive en outre ces personnes de l'accès au 100 % santé qui limite les dépenses des assurés dans les domaines de l'optique, des frais dentaires et des audioprothèses. Les patients qui, atteints d'un cancer, ne disposeraient pas d'une complémentaire santé seraient confrontés, selon la Ligue contre le cancer, à une dépense annuelle supérieure à 1 000 euros et par personne.

(2) Pour les professionnels de santé : l'exemple du tiers payant

Dans le cadre du tiers payant, l'assuré peut être dispensé, à l'initiative du professionnel de santé ou, dans certains cas, de droit, de l'avance de la part des dépenses de santé prise en charge par l'AMO. L'assuré peut également être dispensé d'avancer le ticket modérateur si le professionnel dispensant les soins est conventionné avec l'Ocam assurant sa couverture - ou avec l'association Inter-AMC, qui propose à cet effet un contrat de tiers payant unique couvrant la totalité des organismes qui en sont membres.

Vers le tiers payant généralisé ?

Depuis le 1er janvier 2017, les professionnels de santé exerçant en ville peuvent appliquer le tiers payant aux bénéficiaires de l'assurance maladie sur la part des dépenses prise en charge par l'AMO, l'ensemble des organismes d'AMO étant tenus de mettre en oeuvre le tiers payant appliqué par ces professionnels97(*).

En outre, depuis lors, les Ocam doivent permettre à leurs assurés de bénéficier du tiers payant intégral sur les prestations couvertes par un contrat responsable98(*), obligation étendue, au 1er janvier 2022, au panier « 100 % santé », dans la limite des prix maximaux de vente autorisés99(*).

Taux de tiers payant intégral par panier et par secteur du 100 % santé
au 4ème trimestre 2021

Lecture : SO = sans objet

Source : Cour des comptes, La réforme du 100 % santé, communication à la commission des affaires sociales du Sénat, juillet 2022

Il était initialement prévu que la faculté accordée aux professionnels de santé de pratiquer le tiers payant s'appliquait également à la part des dépenses prise en charge par les Ocam et que ceux-ci étaient tenus d'en assurer la mise en oeuvre. Ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel, dans la mesure où le législateur n'avait ni précisé les conditions dans lesquelles devait être garanti aux professionnels de santé le paiement de la part des honoraires prise en charge par les Ocam, ni imposé le respect d'un délai et le versement d'une pénalité en l'absence de respect de ce délai100(*).

Par ailleurs, les professionnels de santé exerçant en ville devaient être tenus d'appliquer le tiers payant à l'ensemble des bénéficiaires de l'assurance maladie sur la part des dépenses prise en charge par l'AMO à compter du 30 novembre 2017. Des difficultés pratiques ayant été soulevées par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas)101(*), cette perspective a finalement été annulée par le législateur102(*).

En tout état de cause, le tiers payant est obligatoire dans certaines situations, notamment lorsque :

- le patient bénéficie de la C2S103(*) ou de l'aide médicale de l'État (AME)104(*) ;

- les soins sont en rapport avec un accident du travail ou une maladie professionnelle105(*) ;

- le patient est hospitalisé dans un établissement sous convention avec l'AMO106(*) ;

- l'assurée est âgée de moins de 26 ans et consulte le professionnel de santé en vue d'une prescription contraceptive107(*) ;

- les soins sont en relation avec une ALD ou la maternité108(*).

En 2023, le tiers payant intégral était « appliqué sur 99,3 % du volume des actes réalisés au profit des bénéficiaires de la C2S, contre 89,8 % pour les actes réalisés à destination de l'ensemble des patients »109(*).

L'application du tiers payant diffère substantiellement selon le type de soin ou de bien médical et est diversement appliqué par les professionnels (laboratoires : 96 % ; infirmiers : 98,6 % ; dentistes : 18,4 %).

La pratique du tiers payant par les professionnels de santé
(2e trimestre 2022)

Taux de tiers payant par catégorie de professionnels de santé (en volume d'actes)

Ensemble des patients

(% tiers payant intégral

Infirmiers

98,6 %

Transporteurs

96,4 %

Pharmacies

96,2 %

Laboratoires

96 %

Masseurs/kinésithérapeutes

78,6 %

Centres de santé

74,1 %

Fournisseurs

68,8 %

Autres auxiliaires

67,9 %

Sages-femmes

61,9 %

Total médecins (omnipraticiens et spécialistes)

44,9 %

Dentistes

18,4 %

TOTAL

89,8 %

Source : DSS, La complémentaire santé solidaire, rapport annuel 2023

Il ressort des auditions de la mission d'information que certains professionnels de santé demeurent réticents à l'idée d'un tiers payant généralisé, à la fois dans un souci d'indépendance vis-à-vis de l'AMO et du fait de la grande diversité des Ocam ainsi que de la forte variabilité de leurs pratiques en matière de remboursement.

Les représentants de plusieurs professions de santé ont ainsi témoigné devant la mission d'information d'un taux élevé de renoncement de la part des professionnels pratiquant le tiers payant lorsqu'il apparaît, une fois les soins réalisés, que le patient n'est pas couvert. Joue également un rôle la complexité des procédures, a fortiori lorsque de faibles montants sont en jeu.

La mise en oeuvre du tiers payant sur la partie prise en charge par l'AMC est devenue, en théorie au moins, plus délicate depuis que la résiliation infra-annuelle du contrat a été rendue possible (voir infra) et que, par conséquent, la présentation d'une carte de complémentaire santé annuelle ne garantit plus que le patient est bel et bien couvert. Des outils ont donc été élaborés ces dernières années afin de permettre aux professionnels de santé de contrôler en temps réel l'affiliation de l'assuré et les droits ouverts.

Ainsi, le logiciel Visiodroits permet aux pharmaciens, dont une immense majorité pratique le tiers payant, de limiter à moins de 1 % le taux de rejet des demandes de prise en charge, selon la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). C'est également le cas, pour les patients hospitalisés, du dispositif ROC, qui vise à dématérialiser les échanges entre les établissements de santé et les Ocam et à simplifier la mise en oeuvre du tiers payant ; son déploiement, amorcé en 2021, devrait être généralisé à l'horizon de 2025.

Les opérateurs de tiers payant

Nombre d'Ocam recourent, pour assurer la mise en oeuvre du tiers payant, à des opérateurs de tiers payant (OTP), réunis au sein de l'Association des acteurs pour l'accès aux soins (3AS).

Ceux-ci peuvent être chargés du conventionnement avec les professions de santé, de la mise en place des supports de droits (carte papier ou digitalisée), de l'interconnexion avec les logiciels des professionnels de santé ou de la gestion du contentieux avec ces derniers.

En 2022, d'après 3AS, l'ensemble des traitements du tiers payant, tous acteurs confondus, gérait environ 500 millions de factures et 15,5 milliards d'euros de paiements.

À date, 99 % des pharmacies et 96 % des laboratoires sont liés par une convention avec un membre de 3AS, contre seulement 21 % des dentistes et 3 % des pédicures-podologues. Selon l'association, « la disparité entre professions tient pour l'essentiel à des raisons externes au processus du tiers payant : posture syndicale, mauvaise connaissance des solutions Inter-AMC... ».

Part des professionnels de santé conventionnés avec un membre de 3AS

Source : Association des acteurs pour l'accès aux soins (3AS)

4. D'autres modèles d'articulation entre AMO et AMC ?

La mission d'information a pris connaissance avec intérêt d'autres modèles relatifs à l'organisation des périmètres respectifs de l'assurance maladie obligatoire et des couvertures complémentaires.

a) Les scénarios du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM)

En janvier 2022, à la demande du Gouvernement, le HCAAM a publié un rapport décrivant quatre scénarios visant à répondre aux trois grands défis identifiés par le Haut Conseil en matière de dépenses de santé : régulation et soutenabilité, équité de la prise en charge et couverture des risques lourds. Ces scénarios étaient fondés sur des évolutions de l'articulation entre AMO et AMC ayant pour objet « d'alimenter le débat public et d'éclairer la diversité des choix ouverts aux pouvoirs publics »110(*).

Le scénario 1 apporte plusieurs correctifs dans le cadre de l'architecture actuelle. Il s'agit notamment, sans revenir sur les réformes conduites depuis 2013 (plus particulièrement les contrats collectifs obligatoires pour les salariés du privé) et sans viser une généralisation complète de la couverture complémentaire :

- de modifier le niveau des tickets modérateurs afin de mieux répartir les restes à charge après AMO entre les assurés sociaux, notamment selon l'âge ;

- de réduire la diversité des taux de remboursement des médicaments ;

- de forfaitiser la participation des patients aux dépenses hospitalières (forfaits par séjour et non par bénéficiaire, montant unique et non montants différents en ambulatoire et en hospitalisation complète, modulation en fonction de la durée du séjour, introduction d'un mécanisme de plafonnement).

Afin d'améliorer la situation des personnes âgées, ce scénario se traduit par :

- la modification de l'article 4 de la loi Évin ;

- et le relèvement du seuil d'éligibilité à la C2S pour élargir son champ d'application.

À l'attention des salariés précaires, il s'agit d'élargir le bénéfice de la couverture collective obligatoire en entreprise à tous les salariés en CDI, quelle que soit leur quotité de travail, ainsi qu'à tous ceux en CDD de plus d'un mois, d'imposer une prise en charge de la part salariale par l'employeur chaque fois que celle-ci représente plus de 10 % de la rémunération ou encore d'ouvrir aux micro-entrepreneurs et aux travailleurs agricoles l'accès aux contrats « Madelin ».

Le scénario 2 correspond à la mise en place d'une assurance complémentaire obligatoire, universelle et mutualisée qui consacrerait le couple AMO/AMC comme socle de la protection sociale en matière de santé. Il s'agit en pratique d'offrir à chacun un socle commun de garanties dans un cadre mutualisé ou « deuxième étage », permettant d'augmenter le niveau de solidarité grâce à un tarif unique par classe d'âge. Ce socle commun, défini a minima en référence à celui de l'ANI (ticket modérateur, frais d'hospitalisation, biologie médicale, médicaments, dispositifs médicaux, biens et soins relevant du 100 % santé), pourrait se prolonger par des garanties supplémentaires ou « troisième étage », auxquelles la souscription serait libre. On observe que ce scénario maintient la complexité du double remboursement des actes qui caractérise le système actuel.

Le scénario 3 (« augmentation des taux de remboursement de la sécurité sociale ») a retenu l'attention publique sous la dénomination de « Grande sécu ». Ses objectifs sont les suivants :

- renforcer l'équité et garantir l'accès aux soins ;

- restituer aux ménages une fraction importante des frais de gestion des complémentaires, dans une perspective de renforcement du pouvoir d'achat ;

- simplifier le système et le rendre plus transparent.

Cette formule, qui passe par la mise en oeuvre d'une nouvelle gouvernance de la sécurité sociale destinée à « faire intervenir davantage de représentants des assurés »111(*), dans une logique de démocratisation, repose sur l'augmentation des taux de remboursement de l'AMO et la suppression des tickets modérateurs. Le champ d'intervention de l'AMC se trouverait ainsi limité à la prise en charge des dépenses de santé non comprises dans le panier de soins de l'AMO, lequel s'étendrait à l'optique, au dentaire et aux audioprothèses, et à celle des dépassements d'honoraires, devenant, à proprement parler, une assurance supplémentaire plus que complémentaire. Le cadre juridique de l'intervention des organismes de complémentaire santé serait allégé, en lien avec la suppression de l'obligation de souscription des employeurs, des mécanismes spécifiques pour la fonction publique et les indépendants et des exonérations socio-fiscales des contrats collectifs.

D'après le HCAAM, la mise en oeuvre de ce scénario entraînerait une augmentation des remboursements de l'AMO de près de 19 milliards d'euros par an, avec un coût total pour les finances publiques évalué à 22,5 milliards d'euros, dont une diminution des recettes de la TSA de l'ordre de 3,6 milliards d'euros. Dans le même temps, le marché de l'AMC se contracterait à hauteur de 70 %, soit 27 milliards d'euros, en raison notamment, selon le HCAAM, de la désaffiliation de 50 % des assurés. Une telle réforme induirait des gains pour toutes les catégories d'assurés (jusqu'à 260 euros par an pour les retraités) et une baisse des primes croissante avec l'âge (jusqu'à 1 100 euros par an pour les plus de 80 ans). Elle profiterait davantage aux personnes âgées, le gain moyen étant estimé à 450 euros par an pour les plus de 80 ans au prix, en revanche, d'une nette augmentation des prélèvements obligatoires - qu'il s'agisse d'une hausse des cotisations d'AMO ou de CSG.

Par ailleurs, la « Grande sécu » impliquerait la mise en place d'un plan d'accompagnement à l'attention des salariés des complémentaires santé (reclassement interne, reprise volontaire par les organismes de sécurité sociale, reconversion dans d'autres métiers), dont le coût absorberait une partie des 7,6 milliards de frais de gestion économisés par la réforme.

Le scénario 4, quant à lui, repose sur un décroisement entre les domaines d'intervention de l'AMO et de l'AMC. Sur un modèle semblable à celui de l'Allemagne, l'AMC prendrait exclusivement en charge les frais d'optique, de soins et de prothèses dentaires, d'audioprothèses et de médicaments à faible service médical rendu (SMR), voire d'automédication et de pratiques thérapeutiques telles que l'ostéopathie, tandis que les autres types de dépenses de santé seraient pris en charge par l'AMO à hauteur de 100 % de la base de remboursement de la sécurité sociale, avec suppression de l'ensemble des copaiements actuels. Les améliorations attendues de cette organisation tiendraient :

- à une clarification des rôles de l'AMO et de l'assurance privée ;

- à la simplification des évolutions organisationnelles et tarifaires que peut freiner la juxtaposition de deux payeurs différents pour tous types de soins et de biens médicaux ;

- et à la plus grande latitude reconnue aux assurés de choisir leur contrat selon leurs besoins et leurs préférences, et aux organismes d'assurance privés de construire leur offre et de définir leur panier de soins.

Lors de son audition, le Président du HCAAM a très clairement indiqué que le Haut Conseil n'a été en mesure, ni de « dégager des positions communes » ni « d'obtenir un consensus » sur ces scénarios.

La mission estime que le troisième scénario, dénommé par commodité « Grande sécu », présente plusieurs inconvénients insurmontables.

En premier lieu, celui-ci entraînerait, pour financer l'accroissement des prises en charge de l'AMO, une augmentation des prélèvements obligatoires, qui, selon l'Insee, représentaient déjà 47 %112(*) du PIB en 2021, soit le niveau le plus élevé de l'Union européenne après le Danemark. Dans le contexte actuel de grande fragilité qui caractérise les finances publiques françaises, le passage à la « Grande sécu », certes séduisant pour sa simplicité, constituerait une aventure à l'issue très incertaine.

D'autre part, une telle réforme déplacerait les curseurs au moment de sa mise en oeuvre, mais cela ne pourrait être « une fois pour toutes », compte tenu de l'évolution de la dépense de santé. Les comparaisons internationales présentées en annexe au présent rapport soulignent une tendance de nombreux pays régis par un système national de santé, à l'instar de l'Espagne, de l'Italie ou du Royaume-Uni, à développer le recours à l'assurance médicale privée. Cette évolution revient à privilégier les assurés les plus aisés, alors même que la motivation de la « Grande sécu » est de mettre fin à une protection sociale à deux vitesses dans une logique d'équité et de justice sociale.

Enfin, aucun des scénarios du HCAAM, pas plus la « Grande sécu » que les trois autres, ne règle la question des dépassements d'honoraires qui restent du ressort de l'assurance privée - complémentaire ou supplémentaire - c'est-à-dire à la charge des ménages. « Cette question se posera, quel que soit le scénario », a estimé le président du HCAAM lors de son audition, notant qu'une réflexion était en cours au sein du Haut Conseil sur ce sujet crucial pour l'accès aux soins.

b) Le régime local d'Alsace-Moselle : quelle place pour les complémentaires santé ?

Héritier de l'histoire particulière des territoires annexés par l'Empire allemand à la suite de la guerre de 1870, où la législation bismarckienne laissait une fraction modeste des dépenses de soins à la charge des assurés, le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle a été maintenu en vigueur à titre provisoire113(*), après la Seconde guerre mondiale, « dans l'attente que le régime général s'aligne sur son haut niveau de solidarité »114(*). Cette perspective ne s'étant pas réalisée, le régime a été pérennisé par le législateur en 1991.

(1) Le régime local complète les prestations de l'assurance maladie obligatoire

Le régime local est une assurance complémentaire obligatoire qui relève du code de la sécurité sociale.

Il a été décrit par son président, entendu par la mission d'information, comme la deuxième composante d'une « fusée à trois étages »115(*) : le régime général, le régime local et la complémentaire santé.

Ses bénéficiaires116(*) sont les salariés assurés au régime général, ainsi que leurs ayants droit (enfants à charge jusqu'à 24 ans et conjoints à charge). L'affiliation concerne notamment les salariés du secteur privé exerçant une activité dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, quel que soit le lieu d'implantation du siège de l'entreprise ; les contractuels de droit public ; les agents titulaires à temps non complet de la fonction publique territoriale uniquement ; les titulaires d'une pension de retraite ; et les titulaires de revenus de remplacement ayant cotisé au régime local (pension d'invalidité, pension de réversion, indemnités et allocations de chômage, etc.)117(*)

Les fonctionnaires des trois fonctions publiques, les travailleurs indépendants et les assurés des régimes spéciaux ne sont donc pas couverts.

L'affiliation au régime local est obligatoire pour les assurés qui ont relevé du régime local d'assurance maladie soit pendant les cinq années précédant leur départ en retraite, soit pendant dix années durant les quinze précédant ce départ en retraite. Elle est possible pour les assurés qui, ayant cotisé au moins 60 trimestres au régime local, exercent leur droit d'option dans un délai d'un an à compter de l'attribution de leur pension.

Le régime local compte 2 millions de bénéficiaires118(*) : 1,6 million d'assurés et 474 000 ayants droit. 63 % de la population des trois départements relève du régime local.

Le régime local offre un haut degré de solidarité interprofessionnelle, intergénérationnelle et envers les familles et les plus modestes. Il n'augmente ni en fonction de la composition familiale, ni en fonction de l'âge ou de l'état de santé. Les retraités et les chômeurs les plus modestes en sont exonérés.

Le code de la sécurité sociale impose au régime local de laisser à l'assuré un ticket modérateur d'au moins 10 % pour les soins de ville. Ses ressortissants bénéficient de ce fait d'une prise en charge des actes médicaux à hauteur de 90 % de la base de remboursement de la sécurité sociale au lieu de 70 % et des actes des dentistes et auxiliaires médicaux au même niveau au lieu de 60 %. De plus, les frais de séjours hospitaliers, le forfait journalier hospitalier, le forfait patient urgences et les transports sanitaires sont intégralement couverts.

La C2S payante est compatible avec le régime local, la participation financière des bénéficiaires étant minorée pour tenir compte de l'apport du régime local : 10,50 euros par mois au lieu de 30 euros. Le contrat de sortie donne également lieu à une participation réduite (plafonnement à 21 euros par mois au lieu de 60 euros).

Le régime local laisse donc un champ d'intervention plus restreint à l'AMC. Celle-ci peut tout de même intervenir sur le ticket modérateur minoré, et sur la part des frais de santé excédant les bases de remboursement de la sécurité sociale, notamment les dépassements d'honoraires. Les affiliés au régime local paient en principe moins cher leur complémentaire santé. En effet, l'article D. 911-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit que, dans le cadre de la couverture collective à adhésion obligatoire, les prestations sont déterminées après déduction de celles déjà garanties par le régime local, et la complémentaire santé d'entreprise doit proposer une cotisation minorée aux bénéficiaires du régime local.

(2) Un équilibre financier maîtrisé, notamment grâce à des frais de gestion particulièrement bas

Les dépenses du régime local sont ainsi réparties :

- soins de ville : 73 % ;

- forfait journalier hospitalier : 10 % ;

- frais de séjour à l'hôpital : 16 %.

99 % des cotisations sont restitués sous forme de prestations aux assurés ; les frais de fonctionnement du régime local correspondent à 1 % de ses charges.

Ce taux élevé de restitution tient notamment :

- au caractère obligatoire du régime, qui le dispense d'engager des frais d'acquisition pour attirer des assurés ;

- au fait qu'il soit adossé aux organismes de sécurité sociale pour son fonctionnement quotidien (les CPAM affilient les assurés et leur servent les prestations du régime, la Carsat Alsace-Moselle vérifie les droits des nouveaux retraités et prélève la cotisation sur leur pension du régime général, l'Urssaf centralise les cotisations du régime précomptées sur les salaires et autres revenus de remplacement).

Les recettes du régime local sont constituées à raison de 71 % par les cotisations calculées sur l'intégralité des salaires des assurés, à la charge exclusive de ces derniers. Les employeurs ne contribuent pas au financement du régime.

Les retraités acquittent des cotisations dont le taux est identique à celui des salariés en activité, comptant pour 21 % des recettes. Le taux de cotisation étant unique pour tous les assurés et restant le même lors de la liquidation des droits, l'âge est sans conséquence sur le taux d'effort des seniors.

En 2021, les confortables réserves du régime, qui atteignent neuf mois de prestations, ont permis au conseil d'administration du régime local de baisser le taux de cotisation de 1,50 % à 1,30 %. Cette décision a été prise par le conseil d'administration du régime local le 16 décembre 2021 et elle est entrée en vigueur le 1er avril 2022.

L'ANI et la généralisation de contrats collectifs obligatoires pour les salariés du privé ont soulevé la question de leur articulation avec le régime local, dans la mesure où le champ de prestations couvert par l'ANI est plus large que celui du régime local, notamment en optique et en prothèses dentaires, et où les contrats collectifs, contrairement au régime local, sont cofinancés par les employeurs. De manière générale, relever du régime local est un motif de dispense de l'obligation de souscrire au contrat de complémentaire santé collectif de son employeur. Au terme d'une mission confiée en 2015 à des parlementaires119(*) par le Premier ministre, l'extension au régime local du panier de l'ANI a été écartée par les pouvoirs publics (et non par le régime local qui y était favorable), les organismes complémentaires intervenant pour compléter les prestations du régime local à hauteur des dépenses prises en charge dans le panier minimal de l'ANI.

Lors de la création du 100 % santé, la prise en charge par le régime local, demandée par celui-ci, des dépenses couvertes en matière d'optique, de soins dentaires et d'audiologie a également été écartée par les pouvoirs publics.

(3) Un système dont l'analyse doit être approfondie

Selon le HCAAM120(*), les avantages du régime local tiennent à :

- sa simplicité121(*) ;

- la « continuité des prestations tout au long de la vie, sans rupture par exemple au moment du passage à la retraite (si les conditions d'affiliation à la retraite sont remplies) » ;

- son fort niveau de solidarité pour les salariés modestes, les retraités, les chômeurs et les familles ;

- le bas niveau de ses frais de gestion, « grâce à une mutualisation des frais de gestion avec le régime de base ».

Les Alsaciens-Mosellans recourent à une couverture santé complémentaire en raison des dépassements d'honoraires, « très importants dans certaines localités »122(*), et pour bénéficier d'une meilleure couverture des soins dentaires et optiques ainsi que des audioprothèses (le 100 % santé n'ayant pas été intégré au régime local).

Toutefois, le nombre de ressortissants du régime local qui recourent à une complémentaire santé n'est pas connu : ce point, évoqué par le HCAAM dans son rapport précité de 2022, a été confirmé par le régime local dans ses réponses écrites au rapporteur, qu'il s'agisse des salariés relevant des contrats collectifs, des assurés souscrivant des contrats individuels ou des bénéficiaires du régime local relevant potentiellement de la C2S à titre payant.

Cette lacune statistique empêche d'évaluer la place des complémentaires santé pour les ressortissants du régime local et de documenter l'intérêt que représente ce « troisième étage » pour le public concerné : il importe de faire un point précis sur cette question.

Par ailleurs, compte tenu des remboursements plus élevés perçus grâce au régime local, les ressortissants de celui-ci bénéficient, de la part des organismes de complémentaire santé, de tarifs plus avantageux que le reste de la population (les primes sont ainsi inférieures de 30 à 40 % selon le HCAAM ; le régime local estime que dans le cadre de contrats individuels, la cotisation d'un bénéficiaire du régime local « correspond en moyenne à 60 % d'une cotisation d'un bénéficiaire du régime général »123(*)).

Le régime local estime cependant qu'il n'a « pas la certitude que tous les organismes complémentaires jouent le jeu »124(*) en la matière. Citant le classement des départements en fonction du coût des cotisations aux complémentaires santé publié par un comparateur en ligne pour trois catégories d'assurés (jeune actif, couple actif avec deux enfants et couple de retraités), il note que l'écart par rapport à la moyenne nationale, pour les trois départements de Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, serait de 24 à 29 %.

Ainsi, il convient de mieux connaître les tarifs auxquels sont soumis les ressortissants du régime local souscrivant une complémentaire santé, afin d'évaluer précisément comment les Ocam tirent les conséquences de leur affiliation au régime local sur le montant de leurs cotisations et de s'assurer que les complémentaires santé minorent effectivement ces cotisations à hauteur des économies réalisées au titre du régime local.

Recommandation. - Réaliser une étude approfondie du coût des complémentaires santé pour les ressortissants du régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle et documenter les tarifs de complémentaire santé supportés par les affiliés de ce régime.

Évaluer le nombre de ressortissants du régime local :

- ayant souscrit un contrat de complémentaire santé à titre individuel ou collectif ;

- remplissant les conditions d'éligibilité à la C2S.

B. UNE ASSURANCE MALADIE COMPLÉMENTAIRE INDISPENSABLE À L'ACCÈS AUX SOINS DES FRANÇAIS, DES DISPARITÉS DE COUVERTURE PERSISTANTES

1. Différents modes d'accès à la couverture maladie complémentaire selon le statut socio-professionnel
a) Contrat collectif ou individuel

En matière d'AMC, on distingue le contrat collectif, qui couvre obligatoirement les salariés d'une entreprise, du contrat individuel, librement souscrit par un assuré n'étant pas concerné par l'obligation d'adhésion à une complémentaire santé.

(1) Une couverture collective obligatoire en entreprise depuis 2016, qui s'étend aux salariés retraités

Jusqu'en 2016, les employeurs étaient libres de proposer ou non une couverture maladie complémentaire collective à leurs salariés. Dans le cadre de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013125(*), les partenaires sociaux sont convenus de généraliser ce type de couverture, dont le financement devait être partagé par moitié entre salariés et employeurs. Selon la Drees, 70 % de salariés du privé étaient couverts par un contrat collectif en 2014126(*), 79 % en 2017127(*) et 81 % en 2019128(*).

Le législateur a alors inscrit dans la loi les dispositions ayant fait l'objet de l'accord, en prévoyant que les branches professionnelles ouvrent, avant le 1er juin 2013, des négociations visant à permettre aux salariés de bénéficier d'une couverture collective à adhésion obligatoire dont les garanties et la part de financement assurée par l'employeur sont au moins aussi favorables que le minimum légal avant le 1er janvier 2016129(*).

Parallèlement à cette réforme, le choix des organismes assureurs par les employeurs a connu une évolution sensible du fait de la prohibition, par le Conseil constitutionnel, des clauses de désignation qui prévalaient jusqu'en 2013 dans le cadre des accords de branche.

Des clauses de désignation aux clauses de recommandation

Jusqu'en 2013, les accords de branche prévoyant des garanties de protection sociale complémentaire désignaient un ou plusieurs organismes assureurs auxquels devaient alors obligatoirement adhérer les entreprises relevant de leur champ d'application130(*). Ils comportaient une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités d'organisation de la mutualisation des risques auprès du ou des organismes concernés peuvent être réexaminées, sans que cette périodicité ne puisse excéder cinq ans.

Lorsque ces accords s'appliquaient à une entreprise qui, antérieurement à leur date d'effet, avait adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, la clause de désignation primait.

Considérant que ces dispositions méconnaissaient la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre, le Conseil constitutionnel les a déclarées contraires à la Constitution en 2013131(*).

Par conséquent, le législateur a prévu que les accords de branche pouvaient organiser une couverture complémentaire non plus en imposant, mais en recommandant un ou plusieurs organismes assureurs132(*), la recommandation devant être précédée d'une procédure de mise en concurrence des organismes concernés, dans des conditions de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre les candidats. Le ou les organismes ne peuvent refuser l'adhésion d'une entreprise relevant du champ d'application de l'accord et sont tenus d'appliquer un tarif unique et d'offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et pour tous les salariés concernés.

Les accords de branche doivent en outre comporter une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité, qui ne peut excéder cinq ans, les modalités d'organisation de la recommandation sont réexaminées.

Par ailleurs, dans le cadre de la transposition de la décision du Conseil constitutionnel133(*), il a été décidé que les accords de branche devaient inclure un fonds de solidarité alimenté par 2 % du montant des primes ou cotisations, afin de financer des prestations à caractère non contributif telles que des actions de prévention ou des services d'action sociale.

Parmi les actions de solidarité susceptibles d'être financées par ce fonds figurent notamment les aides au paiement des cotisations d'AMC pour certains salariés ou ayants droit ou l'organisation d'ateliers de prévention sur les risques professionnels ou de prévention santé adaptées à l'environnement professionnel. Le financement de ce fonds peut s'appuyer sur un montant forfaitaire par salarié ou sur un pourcentage de la prime ou cotisation à la complémentaire santé.

En outre, il était prévu qu'à compter du 1er juillet 2014 et jusqu'au 1er janvier 2016, dans les entreprises non couvertes par un accord de branche, l'employeur engage une négociation sur ce thème.

Dès lors, depuis 2016, les employeurs sont tenus de faire bénéficier leurs salariés, dans le cadre d'un contrat responsable (voir infra), d'une couverture comprenant au moins la prise en charge :

- du ticket modérateur pour les prestations couvertes par l'AMO ;

- du forfait journalier hospitalier ;

- des frais de soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dentofaciale à hauteur de 125 % de la base de remboursement de la sécurité sociale ;

- et des frais d'optique, sur la base d'un forfait allant de 100 à 200 euros en fonction de la correction et par période de deux ans (ou d'un an pour les enfants de moins de 16 ans et en cas d'évolution de la vue)134(*).

La moitié au moins du financement de cette couverture doit être assurée par l'employeur. Dans les faits, le taux de prise en charge moyen par l'employeur atteignait 59,6 % en 2017.

L'obligation prévue par la réforme de 2016 est toutefois assortie de cas de dispense.

Les cas de dispense de l'obligation d'adhérer
à la complémentaire santé d'entreprise

Peuvent, à leur initiative, demander à ne pas adhérer au contrat collectif d'entreprise :

- les salariés et apprentis en contrat à durée déterminée (CDD) ou en contrat de mission d'une durée au moins égale à 12 mois, à condition de justifier d'une couverture individuelle ;

- les salariés et apprentis en CDD ou en contrat de mission d'une durée inférieure à 12 mois, même s'ils ne bénéficient pas d'une couverture individuelle ;

- les salariés à temps partiel et apprentis dont l'adhésion au contrat collectif les conduirait à s'acquitter d'une cotisation au moins égale à 10 % de leur rémunération brute ;

- les salariés bénéficiaires de la C2S ;

- les salariés couverts par un contrat individuel au moment de la mise en place des garanties collectives ou de l'embauche si elle est postérieure ;

- les salariés qui bénéficient par ailleurs, y compris en tant qu'ayants droit, d'une couverture collective (autre contrat collectif d'entreprise, régime local d'Alsace-Moselle, contrat d'assurance de groupe, dispositif de protection sociale complémentaire des agents de l'État ou des collectivités territoriales ou régime complémentaire d'assurance maladie des industries électriques et gazières)135(*) .

L'ANI ne prévoit pas l'inclusion des salariés dont la durée du contrat de travail ou du contrat de mission est inférieure ou égale à trois mois ou de ceux dont la durée effective de travail prévue par ce contrat est inférieure ou égale à 15 heures par semaine. Ils bénéficient en contrepartie du « versement santé », participation de l'employeur au financement d'une couverture individuelle136(*).

En cas de cessation du contrat de travail non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit aux allocations de chômage, l'assuré et ses ayants droit bénéficient du maintien des garanties collectives de l'entreprise à compter de la date de cessation du contrat et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail137(*). Ainsi la Drees observe que « l'ANI a surtout bénéficié aux salariés précaires et aux personnes sans emploi du fait, pour ces dernières, de la portabilité de leurs droits ou de leur statut d'ayants droit de salariés du secteur privé »138(*).

Au surplus, la loi Évin précitée a prévu un autre dispositif de portabilité des garanties collectives au bénéfice, notamment, des salariés partant à la retraite et de leurs ayants droit139(*). Ces assurés ne bénéficient toutefois plus de la prise en charge d'au moins la moitié du coût de la couverture par l'employeur, ce qui, cumulé aux augmentations de tarifs prévues par la loi, induit un coût non négligeable pour les intéressés.

La portabilité des garanties collectives dans le cadre de la loi Évin

Les anciens salariés bénéficiaires d'une pension de retraite, d'une rente d'incapacité ou d'invalidité ou, s'ils sont privés d'emploi, d'un revenu de remplacement, sans condition de durée, peuvent, s'ils bénéficiaient d'une couverture collective d'entreprise lorsqu'ils étaient salariés, demander le maintien des garanties prévues par le contrat collectif, et ce dans les 6 mois qui suivent la rupture de leur contrat de travail.

Il en va de même pour les ayants droit de l'assuré décédé, pendant une période de 12 mois à compter du décès, sous réserve qu'ils en fassent la demande dans les 6 mois suivant le décès.

Les tarifs applicables aux bénéficiaires de ce dispositif de portabilité sont plafonnés à compter de la date d'effet du contrat ou de l'adhésion. Ils ne peuvent être supérieurs aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs la première année et ne peuvent leur être supérieurs de plus de 25 % la deuxième année et de plus de 50 % la troisième année140(*). La tarification devient libre à compter de la quatrième année.

Plafonnement des tarifs de la couverture maladie complémentaire
en cas de recours à la portabilité des garanties collectives

Source : Mission d'information, d'après le décret n° 90-769 du 30 août 1990 pris pour l'application des articles 4, 9 et 15 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, article 1er

(2) Les avantages liés aux contrats collectifs

Les contrats collectifs apparaissent plus avantageux pour les assurés que les contrats individuels, car les entreprises qui souscrivent ces contrats collectifs au profit de leurs salariés sont en position de négocier des garanties au meilleur prix, contrairement aux particuliers dans le cas des contrats individuels.

Ainsi, selon la Drees :

- en 2022, les prestations représentaient 74 % des cotisations hors taxe pour les contrats individuels et 87 % pour les contrats collectifs, soit un taux de retour sur cotisation plus avantageux pour l'assuré ;

- pour 100 euros de cotisations, les contrats collectifs reversent en moyenne 18 euros en optique et 19 euros en dentaire, contre respectivement 8 et 13 euros en individuel ;

- 58 % des bénéficiaires d'une couverture collective disposent d'un contrat classé comme « très couvrant », contre seulement 11 % des bénéficiaires d'un contrat individuel141(*).

Prestations versées selon le type de soin et de contrat en 2022

(en % des cotisations collectées hors taxes)

Source : Drees

Par ailleurs, un certain nombre d'avantages sociaux et fiscaux sont attachés aux contrats collectifs d'entreprise, en faveur tant de l'employeur que de ces derniers :

- la contribution de l'employeur au financement de la couverture collective obligatoire est exonérée de cotisations sociales pour la fraction n'excédant pas un montant égal à la somme 6 % du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass)142(*) et de 1,5 % de la rémunération soumise à cotisations sociales, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 12 % du Pass143(*);

- les employeurs de moins de 11 salariés sont exonérés du forfait social, dû par les employeurs sur les revenus d'activité assujettis à la contribution sociale généralisée (CSG) et exonérés de cotisations sociales, au titre des contributions au financement de la couverture maladie obligatoire144(*) ;

- les employeurs de 11 salariés au moins sont assujettis au forfait social sur ces contributions, mais au taux de 8 %, au lieu de 20 %145(*) ;

- bien que la contribution de l'employeur soit intégrée au revenu imposable, la part salariale de la cotisation à la complémentaire santé collective en est déductible146(*).

(3) Des contrats individuels plus coûteux pour les assurés

Les assurés qui ne bénéficient pas de la possibilité d'adhérer à une couverture complémentaire collective peuvent souscrire un contrat de couverture individuelle auprès d'un Ocam. Il s'agit essentiellement de retraités, d'étudiants, de travailleurs non salariés, de chômeurs de longue durée et de personnes en situation d'inactivité.

L'adhésion à ce type de contrat est facultative et la personne dispose du libre choix de l'organisme auprès duquel il souhaite s'assurer. La fixation des garanties accordées et du tarif de la couverture fait l'objet d'une négociation entre le souscripteur et l'Ocam, lequel peut procéder à une sélection en refusant d'assurer des personnes présentant un niveau de risque trop important.

Le tarif peut dépendre notamment de l'âge, mais aussi du niveau de revenu, du lieu de résidence ou encore de l'ancienneté dans le contrat.

Dans un tel contexte, le souscripteur dispose d'un pouvoir de négociation bien moindre, comme cela a été indiqué précédemment, que celui des employeurs lorsqu'ils contractent avec un Ocam en vue d'assurer la couverture collective de leurs salariés. Les tarifs des contrats individuels sont donc généralement largement supérieurs à ceux des contrats collectifs pour un même niveau de garanties.

Pour les retraités qui choisissent de ne pas bénéficier de la portabilité d'une couverture collective d'entreprise et qui, compte tenu de leur âge, sont susceptibles de recourir plus fréquemment aux soins que les assurés plus jeunes, le contrat individuel peut représenter un coût considérable par rapport à celui que supportent les actifs. D'après la Drees, 93 % des retraités souscrivaient un contrat individuel en 2017.

Comme le relevait le Conseil de l'âge en 2020, « la très grande majorité des couvertures individuelles (97 %) sont tarifées en fonction de l'âge avec un tarif à 75 ans et 85 ans en moyenne 2,9 fois et 3,1 fois supérieur au tarif appliqué aux personnes âgées de 20 ans. Une partie des contrats, majoritaire parmi ceux proposés par les sociétés d'assurance ou les institutions de prévoyance, tiennent compte du lieu de résidence pour fixer leur tarif et/ou imposer une limite d'âge à la souscription. Les contrats individuels sont majoritairement des contrats offrant le niveau de garanties le moins élevé (appartenant à la première classe si les contrats sont regroupés en trois classes au regard du score de niveau de garantie) »147(*).

En outre, pour les assurés âgés de 60 ans et plus, le tarif de la couverture augmente de près de 80 % entre un contrat offrant un faible niveau de garanties et un autre garantissant une couverture très étendue.

Cotisation mensuelle des contrats individuels à 60 et 75 ans
selon le niveau de garanties en 2016

Source : Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, Conseil de l'âge, « L'incidence des réformes du « 100 % santé » et de la complémentaire santé solidaire pour les personnes âgées », note, 17 avril 2020, d'après la Drees, 2019

Les travailleurs non salariés, quant à eux, étaient couverts à 81 % par un contrat individuel en 2017. Au-delà du coût de ce type de couverture, il convient de rappeler que ces assurés financent la totalité de leurs cotisations, tandis que les salariés bénéficient d'une prise en charge partielle par l'employeur. Ces cotisations peuvent toutefois être déduites de leur revenu imposable dans le cadre du dispositif dit « Madelin ».

Les contrats de couverture santé « Madelin »

Depuis 1994148(*), les cotisations versées par un travailleur non salarié non agricole au titre d'un contrat d'AMC - mais également d'un contrat de retraite supplémentaire, de prévoyance ou d'assurance chômage - dont les garanties respectent les caractéristiques du contrat solidaire et responsable sont admises en déduction du bénéfice imposable, dans la limite d'un montant égal à la somme de 7 % du Pass et de 3,75 % du bénéfice imposable, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 3 % de 8 fois le montant du Pass149(*).

Les travailleurs non salariés agricoles, quant à eux, ne bénéficient de cet avantage fiscal qu'au titre des cotisations versées dans le cadre d'un contrat de retraite, et pas d'un contrat d'AMC. Il en va de même des micro-entrepreneurs, dans la mesure où leurs charges sont représentées par un abattement forfaitaire appliqué à leur chiffre d'affaires150(*).

(4) Un taux de couverture important, mais un risque de renoncement à la complémentaire santé lié au statut professionnel

Malgré sa complexité, le système actuel d'assurance maladie assure une large couverture santé de la population française.

Au total, d'après les données de la Drees, 96 % des Français étaient couverts par une complémentaire santé en 2017, une proportion en hausse d'un point en l'espace de cinq ans. En 2019, selon la Drees151(*), « plus de 96 % de la population âgée de 15 ans et plus » était couverte par une complémentaire santé.

La Drees observe, dans le même rapport, que « le taux de personnes sans complémentaire santé, qui s'élève à 3,7 %, a peu varié depuis 2017 » - le taux de couverture s'élève donc, en 2019, à 96,3 %.

En 2019, le taux de couverture atteignait des taux élevés pour certaines catégories de population :

- 98,5 % des salariés du secteur privé et 97,5 % des fonctionnaires ;

- 94,4 % des travailleurs indépendants, malgré les difficultés inhérentes à l'absence, dans leur cas, de couverture collective obligatoire et en dépit du coût des contrats individuels ;

- 96,2 % des retraités, un chiffre en recul de près d'un point en trois ans152(*).

Bien qu'élevé, le taux de couverture n'en demeure pas moins encore inégal et l'on peut craindre un phénomène de renoncement à une couverture maladie complémentaire en lien avec le statut professionnel : le taux de non-couverture était, en 2017, plus marqué chez les inactifs non retraités (7,8 %, stable par rapport à 2017) et chez les chômeurs (15,4 % - en recul de deux points et demi depuis 2017).

Couverture maladie complémentaire selon le statut professionnel
en 2014 et 2017

Source : Drees, Études & Résultats n°1166

b) Le renforcement des garanties de couverture santé complémentaire en cours dans la fonction publique

Les trois versants de la fonction publique ont engagé une réforme de la couverture des risques en santé (ainsi qu'en prévoyance), qui s'inscrit dans des calendriers distincts.

(1) Fonction publique de l'État : obligation d'adhérer à un contrat collectif souscrit par l'employeur à l'échéance de 2025

La couverture maladie complémentaire des agents de la fonction publique est en cours de refonte depuis 2021, l'objectif étant de passer d'un système reposant sur le subventionnement de mutuelles « historiques » à adhésion facultative à un système prévoyant l'obligation pour les agents de souscrire une couverture collective.

Le système antérieur de protection sociale complémentaire
dans la fonction publique de l'État

Jusqu'en 2006, l'État accordait aux mutuelles constituées entre les fonctionnaires des subventions destinées notamment à développer leur action sociale et à participer à la couverture des risques sociaux, pour un montant global estimé à 80 millions d'euros en 2005.

Ce dispositif a été remis en cause à la suite de deux contentieux engagés par une mutuelle interprofessionnelle et a été jugé incompatible avec les prescriptions du droit de l'Union européenne relatives au principe d'égalité et aux aides d'État.

Un dispositif de référencement a été instauré en 2007 afin de préserver, dans le respect du droit européen, une forme de solidarité en faveur des familles et des retraités mise en oeuvre par des Ocam subventionnés par les employeurs publics et auxquelles l'adhésion, généralement couplée pour la santé et la prévoyance, était facultative153(*).

Ce dispositif imposait aux organismes référencés des obligations en matière de solidarité telles que l'absence d'âge maximal d'adhésion ou le plafonnement du tarif pour les familles, à hauteur du tarif applicable à une famille de trois enfants, tandis que la participation financière de l'État était plafonnée aux transferts de solidarité intergénérationnels. En 2019, cette participation était de l'ordre de 12 euros par agent et par an154(*).

En 2021, le Gouvernement a amorcé la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) dans la fonction publique en imposant aux employeurs publics de l'État de rembourser à leurs agents, à compter du 1er janvier 2022, une partie du montant de leurs cotisations à un contrat d'AMC respectant les caractéristiques du contrat responsable. Ce montant a été fixé à 15 euros par mois155(*).

À compter du 1er janvier 2025156(*), ces mêmes employeurs seront tenus de participer au financement de la couverture maladie complémentaire de leurs agents à hauteur de la moitié au moins du financement nécessaire à la couverture des mêmes garanties minimales que celles qui s'appliquent aux contrats collectifs d'entreprise157(*).

Cette participation sera réservée aux contrats sélectionnés par les employeurs publics au terme d'une procédure de mise en concurrence. Ces contrats devront être conformes aux caractéristiques des contrats responsables et garantir la mise en oeuvre de dispositifs de solidarité entre les bénéficiaires, notamment en faveur des familles et des retraités158(*).

Un accord collectif prévoyant la souscription par un employeur public d'un contrat collectif d'AMC peut dès lors prévoir la souscription obligatoire des agents à tout ou partie des garanties que le contrat comporte159(*). Ainsi, un accord interministériel conclu en 2022160(*), traduit au niveau réglementaire, impose à compter du 1er janvier 2025 aux employeurs de la fonction publique de l'État de souscrire des contrats collectifs d'AMC161(*). Il impose également aux agents d'adhérer au contrat souscrit par leur employeur, sous réserve de certains cas de dispense d'adhésion similaires à ceux qui s'appliquent en entreprise162(*).

Du reste, les retraités de la fonction publique de l'État pourront demander à adhérer aux garanties couvertes par le contrat collectif souscrit par leur dernier employeur, la demande d'adhésion devant être formulée dans le délai d'un an suivant la cessation d'activité163(*). Leurs cotisations feront l'objet d'un plafonnement plus avantageux que celui prévu dans le cadre de la portabilité des garanties collectives d'entreprise prévue par la loi Évin164(*), l'augmentation des cotisations étant proscrite au-delà de 75 ans.

Les contrats collectifs devront couvrir des garanties correspondant au moins aux garanties minimales applicables aux contrats collectifs d'entreprise, celles-ci devant être identiques pour les différentes catégories de bénéficiaires quel que soit leur âge, leur état de santé ou la date de leur adhésion au contrat165(*).

Le calcul des cotisations des bénéficiaires actifs et retraités
des contrats collectifs obligatoires dans la fonction publique de l'État

Les cotisations dues par les bénéficiaires de ces contrats seront calculées par référence à une cotisation d'équilibre correspondant, pour chaque contrat collectif, à la somme du coût par bénéficiaire actif du financement des garanties non optionnelles prévues pour l'ensemble des bénéficiaires actifs du contrat et du coût des dispositifs de solidarité entre les bénéficiaires166(*), soit, d'après la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), un montant d'environ 70 euros par mois en moyenne.

Elles ne pourront varier en fonction de l'état de santé des bénéficiaires. Les cotisations des bénéficiaires actifs et de leurs ayants droit ne pourront varier en fonction de l'âge167(*).

La cotisation d'un bénéficiaire actif sera composée de trois parts :

- une part acquittée par l'employeur, correspondant à 50 % de la cotisation d'équilibre ;

- une part individuelle forfaitaire acquittée par le bénéficiaire actif, constituant une fraction de la cotisation d'équilibre égale à 20 %168(*), identique pour l'ensemble des contrats collectifs souscrits par les différents employeurs publics de l'État ;

- et une part individuelle solidaire acquittée par le bénéficiaire actif, calculée pour chaque contrat collectif en appliquant un coefficient à la rémunération mensuelle brute du bénéficiaire actif, prise en compte dans la limite du Pass169(*).

Les cotisations des bénéficiaires retraités seront, quant à elles, fixées « de manière à financer le recours effectif de ces bénéficiaires aux garanties couvertes par ce contrat » et pourront évoluer en fonction de leur âge170(*). Elles seront plafonnées à un pourcentage de la cotisation d'équilibre du contrat souscrit par le même employeur pour les bénéficiaires actifs, fixé à 100 % au titre de la première année suivant la cessation définitive d'activité, à 125 % au titre de la deuxième année, à 150 % au titre des troisième, quatrième et cinquième années et à 175 % au-delà. Les cotisations ne pourront plus évoluer en fonction de l'âge après 75 ans171(*).

Plafonnement des tarifs de la couverture maladie complémentaire
en cas de recours à la portabilité des garanties collectives par un bénéficiaire retraité de la fonction publique de l'État n'ayant pas atteint l'âge de 75 ans

Source : Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 22 ; arrêté du 30 mai 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 6.

La DGAFP estime le coût du nouveau système à environ un milliard d'euros quand l'ensemble des contrats seront mis en place.

(2) Fonction publique territoriale : participation des employeurs au financement de la couverture des agents territoriaux à compter de 2026

Jusqu'à la réforme de 2007, qui n'a été rendue applicable à la fonction publique territoriale qu'en 2012172(*), les employeurs territoriaux participaient dans les mêmes conditions que ceux de l'État au financement des mutuelles de la fonction publique territoriale.

Depuis lors, ils peuvent y participer dans le cadre de deux dispositifs :

- la labellisation, qui permet aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de ne verser d'aide qu'au bénéfice des agents ayant souscrit un contrat individuel d'AMC mettant en oeuvre des dispositifs de solidarité entre ses bénéficiaires et ayant reçu à ce titre un label173(*) ;

- et la convention de participation, qui peut être conclue avec un Ocam à l'issue d'une procédure de mise en concurrence transparente et non discriminatoire permettant de vérifier que les dispositifs de solidarité entre les bénéficiaires sont mis en oeuvre (cette formule permet aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de ne verser d'aide qu'au bénéfice des agents actifs et retraités ayant souscrit un contrat collectif faisant l'objet d'une telle convention)174(*).

La participation est versée soit directement aux agents, soit aux Ocam, et vient alors en déduction de la cotisation due à ces derniers175(*). Elle peut être forfaitaire ou proportionnelle à la rémunération de l'agent176(*), l'employeur pouvant la moduler dans un but d'intérêt social, en prenant en compte le revenu de l'agent et sa situation familiale177(*).

D'après la direction générale des collectivités locales (DGCL), seuls 36,5 % des agents éligibles à la participation de leur employeur et 22,7 % des agents territoriaux au total bénéficient effectivement d'une participation de leur employeur. 100 % des conseils régionaux disposent d'un mécanisme de participation, contre 64 % des conseils départementaux et 23 % des communes et établissements communaux.

Décomposition de la population des agents territoriaux
en fonction de leur éligibilité et de leur accès à la participation de leur employeur au financement d'une couverture maladie complémentaire

Source : Direction générale des collectivités locales

À compter du 1er janvier 2026178(*), les employeurs territoriaux seront tenus de participer au financement de la couverture maladie complémentaire de leurs agents, dont les garanties devront couvrir au moins le panier minimal applicable aux contrats collectifs d'entreprise, à hauteur de la moitié au moins d'un montant de référence fixé à 30 euros par mois179(*), soit 15 euros par mois.

La direction générale des collectivités locales (DGCL) précise que « les collectivités qui participent d'ores et déjà au financement de ces garanties versent en règle générale un montant supérieur » à celui-ci, à hauteur d'un peu plus de 23 euros par mois et par agent en 2019, pour un coût total de près de 128,5 millions d'euros180(*).

Sur la base d'une participation mensuelle de 15 euros par agent, la dépense théorique annuelle à compter de 2026 s'élèverait, selon la DGCL, à 349,2 millions d'euros (+ 272 %) et la dépense réelle entre 186,3 et 232,8 millions d'euros (de + 45 % à + 81 %), en fonction du taux de participation effectif des agents territoriaux. Celui-ci devrait s'élever à un niveau compris entre 40 % et 50 %, dans la mesure où l'adhésion à un contrat ne sera obligatoire que lorsque les organisations syndicales représentatives et les autorités territoriales compétentes au niveau local auront conclu un accord majoritaire prévoyant une telle obligation181(*).

(3) Fonction publique hospitalière : une réforme complexe dont l'application risque d'être différée

Les fonctionnaires hospitaliers bénéficient, dans l'établissement où ils sont en activité, de la gratuité des soins médicaux qui leur sont dispensés et des produits pharmaceutiques que leur délivre pour leur usage personnel la pharmacie de l'établissement, sur prescription d'un médecin exerçant dans ce dernier182(*).

De plus, le montant des frais d'hospitalisation non remboursés par l'AMO au fonctionnaire hospitalier hospitalisé est pris en charge pendant une durée maximale de 6 mois par l'établissement où l'intéressé est en activité, sous réserve que l'hospitalisation ait lieu soit dans cet établissement, soit dans un autre (à condition que, dans ce cas, la nécessité de l'hospitalisation ait été reconnue par un médecin désigné par l'établissement employeur ou soit justifiée par l'urgence, attestée par un certificat délivré par l'administration de l'établissement d'hospitalisation)183(*).

Il convient de noter qu'un dispositif similaire existe au profit des praticiens hospitaliers184(*). Au total, les soins gratuits auraient représenté, en 2019, un coût annuel moyen de l'ordre de 15 euros par agent éligible185(*).

En pratique, toutefois, seuls les agents des établissements adhérents au Comité de gestion des oeuvres sociales (CGOS) en bénéficient, à l'exclusion, notamment, de ceux des établissements de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de la plupart des établissements ultramarins.

Par ailleurs, la réforme de la protection sociale complémentaire de 2007 n'incluait aucune disposition spécifique consacrée à la fonction publique hospitalière.

Il n'existe donc pas à ce jour d'aide généralisée visant à faciliter la souscription par les agents à une complémentaire santé, même si certains établissements, comme ceux de l'AP-HP, ont mis en place des dispositifs locaux de soutien.

D'après la direction générale de l'offre de soins (DGOS), 97 % des agents hospitaliers disposaient toutefois d'une couverture maladie complémentaire en 2014, ce qui permet de présumer que le dispositif des soins gratuits s'avère insuffisant.

La réforme de 2021, quant à elle, s'appliquera bel et bien aux agents hospitaliers. Ainsi, à compter du 1er janvier 2026, comme dans les autres fonctions publiques, les employeurs de la fonction publique hospitalière seront tenus de financer la couverture maladie complémentaire de leurs agents à hauteur de 50 % au moins186(*), tandis qu'un accord collectif pourra prévoir la souscription obligatoire des agents à tout ou partie des garanties qu'il comporte187(*).

D'après la DGOS, le principe de la conservation du dispositif des soins gratuits aurait été acté dans le cadre des discussions avec les organisations syndicales, ralenties par le souhait de le voir élargi formulé par plusieurs organisations de personnels non médicaux.

Afin d'éviter d'installer une concurrence entre établissements de santé dans un contexte où l'attractivité de la fonction publique hospitalière décline, la DGOS souhaiterait aboutir à « une complémentaire santé unique sur l'ensemble du territoire » garantissant à tous les agents l'accès à un panier de soins « au même prix et avec les mêmes garanties », de façon à « simplifier le travail des différents établissements de santé » et à « répondre à la concurrence des établissements du secteur privé, dont le personnel bénéficie déjà d'un dispositif de ce type »188(*). La conclusion d'un accord majoritaire national serait néanmoins nécessaire à cet effet.

Quoi qu'il en soit, la DGOS, qui estime le coût d'une participation au financement d'une couverture obligatoire unique au niveau national à 460 millions d'euros, indique qu'« au vu du retard pris dans les négociations, [la date du 1er janvier 2026] semble de moins en moins tenable »189(*).

2. Une complémentaire santé pour tous : de la CMU-C à la C2S

L'universalisation de l'AMO par l'institution de la CMU-B, rappelée précédemment, s'est accompagnée de la création d'une couverture complémentaire gratuite destinée aux plus fragiles, la CMU complémentaire (CMU-C)190(*), devenue la complémentaire santé solidaire en 2019.

a) De la CMU-C à la C2S

Sans contrepartie contributive, les bénéficiaires de la CMU-C avaient notamment droit à la prise en charge du ticket modérateur pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires, du forfait journalier hospitalier et des frais exposés en sus de la base de remboursement de la sécurité sociale, pour les prothèses dentaires, l'optique et les audioprothèses, dans des limites fixées par arrêté191(*).

À la fin de 2019, 5,8 millions de personnes bénéficiaient de la CMU-C. D'après la Drees, celles-ci étaient globalement plus jeunes que la population générale, 72 % des bénéficiaires de la CMU-C étant âgés de moins de 40 ans, tranche d'âge qui représente 48 % de la population.

Par ailleurs, une aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS) avait été instituée au 1er janvier 2005192(*). Il s'agissait d'un crédit d'impôt au titre de la TSA193(*) auquel ouvraient droit les contrats de complémentaire santé souscrits par les personnes résidant en France de façon stable et régulière et dont les ressources étaient comprises entre le plafond d'éligibilité à la CMU-C et ce même plafond majoré - de 15 % initialement194(*), puis de 20 %195(*), 30 %196(*) et enfin 35 %197(*).

Concrètement, la présentation d'une attestation ACS198(*) permettait de réduire le montant de la cotisation ou de la prime annuelle due au titre de la souscription de l'un des trois contrats ACS proposés par les organismes complémentaires199(*), dont le tarif dépendait du niveau de couverture et de l'âge de l'assuré. Le montant de cette réduction variait selon le nombre et l'âge des membres du foyer couverts par le contrat. Annuellement, il était égal à :

- 100 euros pour une personne âgée de moins de 16 ans ;

- 200 euros pour une personne âgée de 16 à 49 ans ;

- 350 euros pour une personne âgée de 50 à 59 ans ;

- 550 pour une personne âgée de 60 ans et plus200(*).

Comme les bénéficiaires de la CMU-C, ceux de l'ACS étaient dispensés des participations forfaitaires et franchises médicales201(*) sur présentation de leur attestation.

À la fin de 2019, 1,3 million de personnes recouraient à cette aide.

Caractéristiques des bénéficiaires de la CMU-C
et d'une attestation ACS en 2018

Source : Drees, Minima sociaux et prestations sociales, Ménages aux revenus modestes et redistribution, édition 2021

Dans une logique de simplification et d'amélioration du taux de recours aux droits - la Drees estime que ce dernier était compris entre 56 % et 68 % en 2018 dans le cas de la CMU-C et entre 43 % et 62 % dans celui de l'ACS, ces deux dispositifs ont été fusionnés au sein de la complémentaire santé solidaire (C2S) en 2019202(*).

b) C2S gratuite, C2S avec participation : 7,4 millions de personnes en 2022

Toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière a droit à la C2S :

gratuitement lorsque ses ressources et celles des autres membres de son foyer sont inférieures à un plafond fixé à 10 166 euros par an pour une personne seule203(*) ;

- avec une participation financière allant de 8 à 30 euros par mois en fonction de l'âge de l'assuré204(*) lorsque ses ressources et celles des autres membres de son foyer sont comprises entre le plafond de la C2S gratuite et ce même plafond majoré de 35 %, soit 13 724 euros par an pour une personne seule205(*).

Ces plafonds sont majorés de 50 % au titre du deuxième membre du foyer, de 30 % au titre du troisième et du quatrième membre et de 40 % par membre supplémentaire à compter du cinquième206(*). Ils font également l'objet d'une majoration de 11,3 % en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin207(*).

Plafonds de ressources applicables à la C2S dans l'Hexagone

Nombre de personnes composant le foyer

C2S gratuite

C2S avec participation

Plafond annuel

Plafond mensuel

Plafond annuel

Plafond mensuel

1

10 166 €

847 €

13 724 €

1 144 €

2

15 249 €

1 271 €

20 586 €

1 716 €

3

18 298 €

1 525 €

24 703 €

2 059 €

4

21 348 €

1 779 €

28 820 €

2 402 €

Par personne supplémentaire

+ 4 066 €

+ 339 €

+ 5 490 €

+ 458 €

Source : Articles L. 861-1, D. 861-1 et R. 861-3 du code de la sécurité sociale ; arrêté du 26 mars 2024 fixant le montant du plafond de ressources de la protection complémentaire en matière de santé, article 1er

Les tarifs de la C2S avec participation sont compris, selon l'âge du bénéficiaire, entre 8 et 30 euros par mois - les contributions financières étant minorées pour les ressortissants du régime local d'Alsace-Moselle, afin de tenir compte des spécificités des taux de remboursement de celui-ci.

Tarif de la C2S avec participation par assuré couvert

Âge au 1er janvier de l'année d'attribution de la C2S

Hexagone et outre-mer

Alsace-Moselle

Montant mensuel

Montant annuel

Montant mensuel

Montant annuel

29 ans et moins

8 €

96 €

2,80 €

33,60 €

30 à 49 ans

14 €

168 €

4,90 €

58,80 €

50 à 59 ans

21 €

252 €

7,30 €

87,60 €

60 à 69 ans

25 €

300 €

8,70 €

104,40 €

70 ans et plus

30 €

360 €

10,50 €

126 €

Source : Arrêté du 21 juin 2019 fixant les montants de la participation financière à la protection complémentaire en matière de santé et la majoration application aux organismes complémentaires au titre des frais de gestion, articles 1er et 2

Le droit à la C2S est ouvert pour une durée d'un an208(*). Elle doit donc être renouvelée chaque année, la demande de renouvellement devant intervenir entre 4 et 2 mois avant l'expiration du droit en cours209(*).

Ses bénéficiaires ont accès au tiers payant intégral210(*), ne peuvent se voir appliquer de dépassements d'honoraires211(*) et sont exonérés des participations forfaitaires et franchises médicales212(*). Le panier de soins couvert correspond à celui de la CMU-C élargi au panier « 100 % Santé » (voir infra) - le panier de soins dentaires est d'ailleurs plus large que ce dernier213(*).

Cette couverture peut être obtenue, au choix du bénéficiaire, soit auprès des organismes d'AMO, soit auprès de l'un des Ocam inscrits sur la liste des organismes gestionnaires de la C2S214(*) (en 2024, on compte 82 Ocam gestionnaires).

Un fonds établi au sein de la Cnam215(*), auquel est affectée une part du produit de la TSA216(*), assure ensuite le remboursement des sommes correspondant à la prise en charge par ces organismes des dépenses couvertes217(*). En 2022, le fonds s'est vu attribuer 2,92 milliards d'euros à ce titre pour 3,23 milliards d'euros de charges - la différence s'expliquant par les participations des assurés, les régularisations comptables et les récupérations d'indus218(*).

Le profil des bénéficiaires de la C2S gratuite et de la C2S avec participation est assez similaire à celui des bénéficiaires de la CMU-C et de l'ACS.

Caractéristiques des bénéficiaires de la C2S gratuite et de la C2S payante

Source : Drees, Minima sociaux et prestations sociales, Ménages aux revenus modestes et redistribution, édition 2023

Ainsi, les moins de 20 ans représentent plus de 40 % des bénéficiaires de la C2S gratuite (C2SG), soit une sur-représentation par rapport à leur part dans la population générale (24 %). Les plus de 60 ans sont pour leur part sous-représentés : 8 % des bénéficiaires de la C2SG, 27 % en population générale. Le rapport annuel de la direction de la sécurité sociale sur la C2S attribue cette situation au fait qu'« après 60 ans, les allocataires du RSA ou de faibles allocations chômage sont progressivement orientés vers des minima sociaux liés à la retraite, dont les montants dépassent le plafond de la C2SG et relèvent du plafond d'attribution de la C2SP »219(*).

En revanche, la répartition par tranche d'âge des bénéficiaires de la C2S payante (C2SP) se rapproche de la population générale pour les moins de 20 ans et pour les 40-60 ans. Les plus de 60 ans restent surreprésentés (37 % des bénéficiaires, 27 % en population générale).

À la fin de 2022, le nombre de bénéficiaires de la C2S était de 7,4 millions de personnes :

5,9 millions pour la C2S gratuite220(*) ;

- et 1,5 million pour la C2S avec participation.

Les régimes obligatoires géraient, à la même date, 91 % des bénéficiaires de la C2S :

- 95 % de la C2S gratuite ;

- 75 % de la C2S avec participation221(*).

Ainsi, 9 % seulement des bénéficiaires de la C2S (694 000 personnes fin 2023) sont suivis par des organismes complémentaires. La quasi-totalité de ces organismes (97 %) sont des mutuelles (3 % des sociétés d'assurance).

Évolution du nombre de bénéficiaires de la CMU-C/C2S gratuite
et d'un contrat ACS/C2S avec participation depuis 2007

Source : Drees, Minima sociaux et prestations sociales, Ménages aux revenus modestes et redistribution, édition 2023

c) Le non-recours à la C2S : des améliorations à poursuivre

En 2021, le taux de non-recours à la C2S était estimé par la Drees à 44 % :

- 31 % pour la C2S gratuite ;

- 67 % pour la C2S avec participation.

Le dernier rapport annuel de la direction de la sécurité sociale sur la C2S222(*) fait par ailleurs observer que :

- le taux de recours à la C2S en 2022 est stable par rapport à 2021 ;

- si le recours à la C2S gratuite (69 %) est plus élevé que le recours à la C2S payante (34 %), cette dernière progresse plus rapidement.

Plus particulièrement, on note le non-recours à la C2S de bénéficiaires potentiels qui, bien qu'éligibles à ce dispositif, n'y font pas appel car ils sont couverts par une complémentaire d'entreprise. Ce constat concerne :

- 57 % des non-recourants à la C2S gratuite ;

- et 41 % des non-recourants à la C2S avec participation.

Selon la direction de la sécurité sociale223(*), 21 % des personnes éligibles à la C2S seraient couvertes par une complémentaire d'entreprise (18 % des personnes éligibles à la C2S gratuite ; 27 % des bénéficiaires potentiels de la C2S payante).

Les motifs de non-recours peuvent être très divers : la méconnaissance du mécanisme de C2S ou de ses droits et complexité supposée des démarches à accomplir et la participation financière pouvant être requise de l'assuré constitueraient autant d'éléments d'explication de ce phénomène. La direction de la sécurité sociale ajoute l'hypothèse que des assurés atteints d'une affection de longue durée éligibles à la C2S puissent « penser à tort que ce dispositif est similaire aux droits liés à leur ALD. Or la prise en charge à 100 % de l'ALD n'est pas étendue à l'ensemble des besoins en santé ».

Les causes de non-recours rejoignent, de manière générale, le constat de la complexité des conditions de ressources en matière de politique sociale : l'hétérogénéité des critères d'attribution, parfois « fruit de l'histoire et d'une absence de vision d'ensemble des différents dispositifs »224(*), conduit à des difficultés tant pour les allocataires (non-recours, mauvaise évaluation de leurs revenus, indus) que pour les services gestionnaires.

Ainsi, au sein d'une famille de prestations constituée par le RSA, la C2S et la prime d'activité225(*), les catégories de revenus pris en compte font l'objet d'un traitement différencié selon les allocations :

- s'agissant des revenus du patrimoine, les produits de l'épargne réglementée, non imposables, sont exclus de la base ressources de la C2S ; ils sont pris en compte dans la base ressources du RSA ;

- les pensions alimentaires versées par l'allocataire sont déduites des ressources prises en compte pour les prestations familiales, les aides au logement et la C2S, mais pas pour la prime d'activité et le RSA ;

- quant aux prestations familiales, leur prise en compte n'est pas uniforme : la liste des prestations familiales exclues de la base ressources diffère pour le RSA et la C2S.

Le non-recours a toutefois reculé de deux points depuis 2020, notamment sous l'effet de diverses mesures de simplification qui doivent être saluées.

Les mesures de simplification de l'accès à la C2S mises en oeuvre
depuis 2021

Depuis la fin de 2021, dans le cadre de la « solidarité à la source », les organismes d'AMO sont autorisés à recourir aux données du dispositif des ressources mensuelles (DRM) pour la détermination du montant des revenus des demandeurs et des bénéficiaires de la C2S et, le cas échéant, de ceux des autres membres de leur foyer dans le cadre de l'examen du droit à cette prestation226(*). Ce partage automatisé de données relatives aux ressources permet que la quasi-intégralité des ressources prises en compte pour l'ouverture du droit à la C2S soit donc désormais pré-remplie. La Mutualité sociale agricole a rejoint le DRM et a fait évoluer son outil informatique de traitement des demandes de C2S pour récupérer depuis le DRM les données nécessaires à l'étude du droit à la C2S227(*).

S'agissant par ailleurs de la C2S gratuite, celle-ci est, depuis le 1er janvier 2022228(*), automatiquement attribuée aux nouveaux allocataires du revenu de solidarité active (RSA), qui y étaient déjà réputés éligibles, sauf opposition expresse de leur part229(*). Il en va de même, depuis le 25 décembre 2022, des jeunes majeurs âgés de moins de 25 ans étant à la charge de ces bénéficiaires230(*).

Lorsque le foyer est déjà bénéficiaire du RSA, l'allocataire peut demander la C2S à tout moment sans avoir à déclarer ses ressources. Le renouvellement est automatique tant que le foyer perçoit le RSA231(*).

En ce qui concerne la C2S avec participation :

- depuis le 1er avril 2022232(*), les nouveaux bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) sont réputés satisfaire aux critères d'éligibilité, à condition qu'ils n'aient pas exercé d'activité salariée ou indépendante pendant les trois mois civils précédant le dépôt de leur demande d'attribution de la C2S233(*) (leurs conjoints, concubins et partenaires de Pacs sont eux aussi présumés éligibles s'ils satisfont à ces conditions234(*)). Les assurés déjà titulaires de l'Aspa bénéficient également d'une présomption de droit à la C2S payante lorsqu'ils font leur demande auprès de leur caisse d'assurance maladie. Le renouvellement de la C2S est automatique tant que la situation du foyer n'a pas changé235(*) ;

- en 2023, le législateur a élargi la liste des catégories de personnes présumées éligibles aux bénéficiaires :

- de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), au plus tard du 1er juillet 2024 ;

- de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) versée à taux plein ou en complément d'un avantage de vieillesse ou d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail, au plus tard du 1er juillet 2025 ;

- de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), au plus tard du 1er juillet 2026 ;

- et de l'allocation du contrat d'engagement jeune (Acej) lorsque le foyer fiscal n'est pas imposable à l'impôt sur le revenu, au plus tard du 1er juillet 2026236(*).

Enfin, dans une logique de réduction des erreurs déclaratives, l'ouverture des droits à la C2S devrait être assise, à l'échéance de 2025, sur le revenu net social, qui englobe les ressources dont dispose effectivement un individu et figure obligatoirement sur le bulletin de paie depuis le 1er juillet 2023237(*). Cet agrégat devrait remplacer le revenu net perçu, qui doit être reconstitué par l'allocataire lui-même et correspond au salaire net à payer, duquel sont déduites les sommes versées au salarié sans constituer pour autant des revenus (frais professionnels) et auquel sont ajoutées des sommes qui, à l'inverse, ne sont pas perçues par le salarié alors qu'elles constituent des revenus (protection sociale facultative, part salariale des chèques vacances, saisies sur salaires).

Dans le même esprit, l'ouverture d'un service en ligne d'adhésion à la C2S payante est prévu en 2024 pour les bénéficiaires ayant choisi leur caisse d'assurance maladie pour gérer leurs droits.

Selon la direction de la sécurité sociale, l'augmentation du nombre de bénéficiaires de la C2S gratuite en 2022 s'explique par238(*) :

l'attribution automatique de la C2SG aux nouveaux attributaires du RSA (depuis février 2022, les foyers demandant le RSA en ligne « se voient systématiquement proposer la C2S gratuite en fin de procédure ») ; cette progression de la C2SG devrait être amplifiée, à l'échéance du premier trimestre 2025, par « une modification prochaine du formulaire de demande de RSA (qui) permettra une attribution automatique pour les demandes effectuées par voie papier » ;

- et la simplification de l'étude des ressources des bénéficiaires potentiels via l'utilisation, par les services instructeurs des demandes, du dispositif de ressources mensuelles DRM.

La même remarque s'applique à la C2SP du fait de la mise en place de la présomption de droit à la C2SP pour les bénéficiaires de l'Aspa.

Cet effort de simplification et de mise en cohérence doit être poursuivi. Ainsi, le DRM, utilisé pour la détermination du montant des revenus en matière de C2S et qui constitue un « outil très puissant de simplification et d'optimisation de la gestion des prestations sociales »239(*), ne couvre pas tous les revenus. La direction de la sécurité sociale observe ainsi que « malgré l'utilisation du DRM, quelques ressources sont encore déclarées à la main lors de la demande de C2S, comme les pensions alimentaires »240(*).

La mission d'information appelle donc à compléter les mesures prises au cours de la période récente afin d'améliorer l'accès aux droits et de lutter contre le non-recours à la C2S, en évitant aux bénéficiaires potentiels de déclarer le détail de leurs ressources, tout en allégeant la gestion du dispositif par les caisses d'assurance maladie.

Recommandation. - Dans une logique de lutte contre le non-recours, poursuivre la dynamique de simplification de l'accès à la C2S, afin de fiabiliser et sécuriser les démarches des assurés et d'alléger la charge administrative de gestion pour les caisses d'assurance maladie.

Par ailleurs, la méconnaissance par les nouveaux retraités du dispositif de la C2S, pointée par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale241(*), interroge et appelle la mise en place d'une information systématique des futurs retraités sur la C2S, en fonction du montant présumé de leur pension et en amont de la liquidation effective de leurs droits, en partenariat avec la Caisse nationale d'assurances vieillesse.

Recommandation. - Lorsque le montant attendu de leur pension le justifie, mettre en place une information systématique des futurs retraités sur la C2S, en amont de la liquidation effective de leurs droits.

d) Des contrats de sortie de la C2S insuffisamment attractifs

Lorsqu'une personne qui était suivie par un Ocam au titre de la C2S ne remplit plus les conditions pour en bénéficier, elle peut se voir proposer, pour une période d'un an, un contrat de cet Ocam conforme aux caractéristiques des contrats responsables, pour un tarif compris entre 16 et 60 euros par mois242(*) selon son âge (tarif minoré pour les ressortissants du régime local d'Alsace-Moselle).

Ce contrat de sortie, qui a été introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 afin d'atténuer les effets de seuil à l'expiration du droit à la C2S, ne concerne toutefois que 9 % des bénéficiaires de la C2S puisque l'immense majorité de ce public fait le choix de relever de la sécurité sociale et non d'un organisme complémentaire, comme cela a été précisé plus haut.

Le contrat de sortie doit respecter deux conditions :

- être « responsable » (prise en charge du ticket modérateur sur les actes remboursés par la sécurité sociale, du panier 100 % santé et du forfait journalier hospitalier)243(*) ;

- appliquer la grille tarifaire fixée par arrêté.

Mis à part ces deux exigences, les organismes assureurs sont « libres de choisir le contrat qu'ils proposent aux assurés »244(*).

Une enquête conduite par la direction de la sécurité sociale montre une augmentation du taux de recours au contrat de sortie entre 2020 et 2022, qui est passé de 2,5 % initialement à un taux compris entre 7,7 % et 10,2 % (soit 24 500 à 32 500 bénéficiaires environ)245(*). Cette dynamique est entravée par un « déficit d'attractivité auprès des assurés » : le non-recours tient, selon la direction de la sécurité sociale :

- à la méconnaissance du dispositif par les assurés (20 % des répondants) ;

- à un panier de soins et une couverture considérés comme insuffisantes par rapport à la C2S (34 % des répondants) ;

- et, surtout, à des tarifs jugés trop élevés par les assurés (46 % des répondants), ce qui se comprend compte tenu des effets de seuil subis en fin de C2S.

Tarif des contrats de sortie de la C2S

Âge au 1er janvier de l'année

Hexagone et outre-mer

Alsace-Moselle

Montant mensuel

Montant annuel

Montant mensuel

Montant
annuel

29 ans et moins

16 €

192 €

5,60 €

67,20 €

30 à 49 ans

28 €

336 €

9,80 €

117,60 €

50 à 59 ans

42 €

504 €

14,60 €

175,20 €

60 à 69 ans

50 €

600 €

17,40 €

208,80 €

70 ans et plus

60 €

720 €

21 €

252 €

Source : Arrêté du 27 décembre 2019 fixant les montants maximaux des tarifs des contrats proposés aux personnes dont le droit à la protection complémentaire en matière de santé arrivé à expiration, articles 1er et 2

De fait, les contrats de sortie coûtent le double des contrats de C2S payante246(*) : l'effet de seuil est donc non négligeable, tant en sortie de C2S gratuite qu'en sortie de C2S avec contribution.

3. Le reste à charge des ménages après intervention de l'AMO et de l'AMC : une moyenne favorable, mais des disparités selon le type de soin et le profil des assurés
a) Un reste à charge de 250 euros par an et par habitant en moyenne sur une dépense de santé de 3 475 euros

En 2022, le reste à charge (RAC) en santé des ménages représentait 7,2 % de la CSBM247(*), contre 9,1 % en 2010. Il diminue en effet tendanciellement, en lien avec la forte progression du nombre de personnes exonérées de ticket modérateur au titre des affections de longue durée (ALD), sous l'effet du vieillissement de la population (voir infra).

Évolution de la part de reste à charge des ménages dans la CSBM
depuis 2010

(en %)

Source : Drees, La dépense de santé en 2022, 2023

Sur une dépense moyenne en santé de 3 475 euros par an et par habitant en France, couverte à raison de 2 765 euros par la sécurité sociale et de 439 euros par les complémentaires santé, le RAC moyen des ménages s'établit ainsi à 250 euros par an et par habitant en moyenne et se décompose entre les principaux postes suivants :

- soins hospitaliers : 45 euros ;

- soins de médecins (en ambulatoire) : 30 euros ;

- médicaments (en ambulatoire) : 67 euros ;

- optique (hors lentilles) : 23 euros ;

- soins dentaires (hors prothèses) : 10 euros ;

- prothèses dentaires : 16 euros ;

- soins d'auxiliaires médiaux : 22 euros.

b) Le reste à charge moyen le moins élevé de l'OCDE

La France est le pays de l'OCDE où le reste à charge des ménages en santé, après intervention des assurances maladie de base et complémentaire, est le moins élevé.

Exprimé en pourcentage de la dépense courante de santé au sens international, le reste à charge des ménages s'établit à 8,7 % de la dépense courante de santé au sens international (DCSi)248(*) en France en 2021, soit le taux le plus faible au sein des pays de l'OCDE avec le Luxembourg (8,9 %)249(*).

Le reste à charge est de 12 % en Allemagne ; les taux les plus élevés sont observés dans les pays du sud de l'Europe (33,3 % en Grèce ; 29 % au Portugal ; 21,9 % en Italie) et dans certains nouveaux membres250(*) de l'Union européenne (30,2 % en Lituanie ; 27 % en Lettonie).

Part de la dépense courante de santé au sens international à la charge des ménages

Source : Drees, Les dépenses de santé en 2022

c) Des disparités persistantes
(1) Disparités selon le type de soins

La part des dépenses de santé financée par les ménages diffère sensiblement selon le poste de la consommation en santé : faible sur les soins hospitaliers (1,5 % pour les hôpitaux publics) et modérée pour les consultations de médecins généralistes (5,4 %), elle est plus élevée pour d'autres soins de ville : masseurs-kinésithérapeutes (15,4 %), orthoptistes (13,6 %) et médecins spécialistes (10,3 %).

La part prise en charge par les ménages est plus limitée pour les soins des sages-femmes (2,7 %), des infirmiers (3,3 %) ainsi que pour les prestations des laboratoires de biologie médicale (4,3 %), que l'AMO couvre plus largement. S'agissant des biens médicaux, le RAC pour les médicaments en ambulatoire s'établit à 13,8 %, plus élevé que le RAC moyen.

Enfin, en dépit de la mise en oeuvre de la réforme du 100 % santé (voir infra), le RAC reste le plus élevé en proportion de la dépense sur l'optique médicale hors lentilles et accessoires (23 % en 2022), les audioprothèses (35,7 %) et les prothèses dentaires (15,4 %). Ces taux relativement élevés reflètent le niveau limité des bases de remboursement de la sécurité sociale pour ces types de soins et de biens médicaux (celle-ci est fixée, à titre d'exemple, à 2,84 euros pour une monture, dont 60 %, soit 1,70 euros, pris en charge par l'AMO), et symétriquement la part des Ocam dans leur financement (près de 72 % des frais de soins optiques, 57 % des frais de prothèses dentaires et 42 % des frais d'audioprothèses sont financés par les Ocam).

Part des Ocam dans les postes de dépenses (2022)

(en %)

Source : Drees

Part des ménages dans les postes de dépenses (2022)

(en %)

Source : Drees

Ainsi, les prothèses dentaires et les audioprothèses, pour lesquels la prise en charge par les Ocam est plus élevée, sont également ceux pour lesquels la contribution des ménages est forte, à hauteur de 35,7 % pour les audioprothèses, de 23,1 % pour l'optique et de 15,4 % pour le dentaire.

Dans ce contexte et compte tenu du niveau des dépenses liées à ces postes, les Ocam ont développé des réseaux de soins, très présents depuis les années 1990 dans les secteurs pratiquant des prix élevés, notamment ceux de l'optique, des audioprothèses et des prothèses dentaires.

Les réseaux de soins

Les Ocam sont autorisées par la loi à conclure avec des professionnels de santé, des établissements de santé ou des services de santé des conventions comportant des engagements relatifs, pour l'organisme assureur, au niveau ou à la nature des garanties ou, pour le professionnel, l'établissement ou le service, aux services rendus ou aux prestations ainsi qu'aux tarifs ou aux prix251(*).

Ces conventions ne peuvent comprendre aucune stipulation portant atteinte au droit fondamental de chaque patient au libre choix du professionnel, de l'établissement ou du service de santé et aux principes d'égalité et de proximité dans l'accès aux soins.

L'adhésion des professionnels, établissements ou services à ces conventions doit s'effectuer sur la base de critères objectifs, transparents et non discriminatoires et ne peut comporter de clause d'exclusivité.

En outre, l'organisme assureur est tenu de garantir une information complète auprès de ses assurés ou adhérents sur l'existence du conventionnement, ses caractéristiques et son incidence sur leurs droits.

Concrètement, dans le cadre de ces réseaux de soins, les Ocam négocient les tarifs de certains produits et prestations ainsi que des garanties de qualité avec des professionnels de santé et garantissent à ceux de leurs assurés ayant recours à ceux-ci un niveau de prise en charge plus élevé. L'avantage est triple :

- le reste à charge des patients est minoré ;

- les Ocam réalisent des économies ;

- et les professionnels de santé bénéficient d'un apport de clientèle.

En 2016, 51 % des Ocam étaient liés à un réseau d'opticiens et 34 % à un réseau de dentistes selon la Drees, qui note que « néanmoins, le fait de passer ou non par un réseau peut conduire l'assuré à modifier son comportement de consommation » et qu' « un remboursement plus élevé peut notamment encourager à choisir un produit ou une prestation de meilleure qualité », ce qui aboutit à ce que « ces différences de garantie ne se traduisent pas nécessairement par une baisse équivalente du reste à charge »252(*). À cette même date, 79 % des bénéficiaires d'une couverture maladie complémentaire étaient couverts par un organisme lié à un réseau d'opticiens et 58 % d'entre eux à un organisme lié à un réseau de dentistes.

(2) Disparités selon le profil des assurés, à l'origine d'un taux d'effort élevé, notamment chez les personnes âgées

Si, en moyenne, le système de santé français est l'un des plus protecteurs pour l'assuré, des situations de taux d'effort élevé demeurent par-delà le caractère redistributif de l'assurance maladie.

En effet, le reste à charge moyen masque de grandes disparités selon l'âge ou l'état de santé.

En matière de limitation du reste à charge des ménages, l'AMO joue un rôle primordial dont l'importance croît avec l'âge. De fait, pour les plus de 85 ans, le reste à charge annuel après intervention de l'AMO s'élève en moyenne à 1 000 euros, pour une dépense annuelle moyenne de 9 000 euros.

Néanmoins, le reste à charge des plus de 85 ans s'établit à un niveau trois fois supérieur à celui des personnes âgées de 36 à 40 ans.

Augmentation avec l'âge de la dépense et du reste à charge moyens
après intervention de l'AMO

Source : Drees

Il convient cependant de noter que le poids du financement de l'AMO dans le revenu du ménage croît sensiblement avec le niveau de revenu.

Financements et prestations de l'assurance maladie publique
selon le niveau de vie, en 2019

Source : Drees, La complémentaire santé, édition 2024

En tout état de cause, le coût de la santé pour l'assuré dépasse le seul cadre du reste à charge, puisqu'il faut y adjoindre les cotisations versées au titre des contrats de complémentaire santé pour évaluer rigoureusement l'effort financier réellement consenti par les Français pour se soigner.

Or, il apparaît que le taux d'effort des Français pour leurs dépenses de santé, c'est-à-dire la part du revenu d'un ménage affectée au paiement des cotisations d'AMC et du reste à charge après intervention de l'AMO et de l'AMC, décroît avec le revenu et représente des montants importants chez les plus modestes. Il représentait ainsi environ 7 % du revenu des ménages du premier décile en 2017, contre un peu plus de 2 % de celui des ménages du dernier décile.

Dépenses de santé à la charge des ménages et taux d'effort des ménages
selon le niveau de vie en 2017

Source : Drees, Études et Résultats n° 1220, « L'assurance maladie publique contribue fortement à la réduction des inégalités de revenu », février 2022

En outre, le taux d'effort augmente sensiblement avec l'âge, passant de 2,7 % entre 30 et 39 ans à 8,2 % après 80 ans253(*). De fait, la prime mensuelle due au titre d'un contrat individuel par un assuré de référence sans ayant droit et dont le revenu appartient à la tranche la plus basse s'élèverait à 33 euros en moyenne à 20 ans et à 146 euros à 85 ans.

Montant des primes mensuelles moyennes, en euros et en 2021, pour un assuré « de référence » couvert par un contrat individuel

Source : Drees, La complémentaire santé - acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2024

Le taux d'effort passe en effet, toujours selon la Drees, de 2,7 % entre 30 et 39 ans à 8,2 % après 80 ans. Cette hausse se traduit de façon inégalitaire en fonction des revenus : le taux d'effort des retraités français pour leur santé s'élève en effet à 3,9 % pour les 20 % des retraités les plus aisés, contre près de 10 % pour les 20 % des retraités les plus modestes.

Il en va de même pour les assurés atteints d'une ALD, dont le taux d'effort est supérieur à la moyenne et croît avec l'âge : il s'établit à 3,1 % entre 30 et 39 ans (au lieu de 2,7 % en moyenne) et à 8,6 % après 80 ans (au lieu de 8,2 %).

4. La hausse des tarifs des complémentaires santé : un obstacle à l'accès aux soins ?

Les augmentations des tarifs des complémentaires santé constatées au cours des dernières années se posent en termes particulièrement aigus pour les retraités, généralement souscripteurs de contrats individuels.

Face à ce constat, certaines collectivités territoriales prennent l'initiative de négocier des complémentaires santé à des tarifs avantageux pour les assurés qui n'ont pas accès à des contrats collectifs : cette formule appelle probablement un meilleur accompagnement des élus qui s'engagent dans cette démarche.

a) Une hausse sensible du coût de la couverture maladie complémentaire en 2023 et en 2024, dans des proportions cependant difficiles à évaluer

Entre 2021 et 2022, des augmentations modérées des cotisations d'AMC ont été constatées. Ainsi, les cotisations totales ont augmenté de 2,9 % selon la Drees, tandis que les prestations servies croissaient de 3,8 %, pour atteindre 32,8 milliards d'euros.

Évolution comparée des cotisations et prestations d'AMC de 2012 à 2022

(en %)

Source : Drees, Rapport 2023sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé

Ces deux dernières années cependant, les tarifs des complémentaires santé ont connu une progression considérable, posant la question de ses conséquences sur le pouvoir d'achat des assurés. Si le constat d'une hausse brutale est largement partagé, il s'avère particulièrement difficile d'obtenir des éléments chiffrés fiables et faisant consensus.

La direction de la sécurité sociale (DSS) a ainsi indiqué à la mission ne pas disposer de données autres que celles publiées par les fédérations et les courtiers et rappelé que le secteur de l'AMC avait annoncé une augmentation moyenne des tarifs à hauteur de 4,7 % pour 2023, tandis que, pour 2024, « les hausses de tarifs annoncées par les complémentaires ont parfois avoisiné 8 %, 10 %, voire 12 % » comme l'a indiqué le directeur de la sécurité sociale lors de son audition.

Les données les plus précises que la mission ait obtenues concernent les cotisations aux mutuelles. D'après Éric Chenut, président de FNMF, celles-ci auraient augmenté en moyenne de 8,1 % en 2024, avec des hausses de :

- 7,3 % pour les contrats individuels ;

- 7,7 % pour les contrats collectifs facultatifs ;

- et 9,9 % pour les contrats collectifs obligatoires254(*).

Le CTIP, quant à lui, n'a pas fourni à la mission d'estimation de l'augmentation des cotisations dues par les adhérents, ni pour 2023, ni pour 2024. Son président a cependant indiqué qu'« en 2023, le produit des cotisations santé collectées par les institutions de prévoyance a progressé d'environ 6 % », en précisant que « cette statistique correspond à un chiffre d'affaires et non à une augmentation des tarifs »255(*). De fait, cette progression n'est pas liée qu'à la hausse des cotisations, mais aussi au nombre de personnes couvertes et à celle des salaires, dans la mesure où certaines cotisations sont indexées sur les salaires ou sur le Pass.

Enfin, l'organisme France Assureurs ne s'est pas montré beaucoup plus précis à cet égard, estimant l'augmentation globale justifiable à 8,4 % (voir infra) pour 2024, sans retracer devant la mission d'information les hausses effectivement constatées : « Nous n'avons pas réalisé (et ne réalisons jamais) d'enquête auprès entreprises d'assurance pour connaître le taux d'évolution de leurs cotisations. Nous suivons uniquement, semestriellement et annuellement, l'évolution du montant des cotisations collectées et des prestations versées »256(*).

En tenant compte des effets du vieillissement sur les tarifs des complémentaires santé, l'association UFC-Que Choisir estime, pour sa part, l'augmentation des cotisations à 10 % en 2024257(*).

Il est certes compréhensible que les cotisations et les primes d'assurance croissent chaque année afin de tenir compte de l'incidence, sur les complémentaires santé, de l'évolution des dépenses de santé et de la part de ces dernières incombant à l'AMC, mais les justifications de la hausse brutale constatée récemment semblent problématiques (voir infra).

b) Une augmentation des cotisations qui n'est pas propre à la France

Cette situation n'est pas spécifique au cas français, comme le montrent les exemples suisse et allemand.

En Allemagne, où les caisses d'AMO peuvent décider d'une cotisation supplémentaire lorsque les ressources ne suffisent pas à couvrir les dépenses prévisionnelles, on note une augmentation régulière des taux de ces cotisations supplémentaires, parallèlement à la progression des dépenses de santé en lien avec le vieillissement démographique : de 1,08 % en 2006, cette hausse est passée à 1,3 % en 2022 ; 1,6 % en 2023 et 1,7 % en 2024.

Évolution des taux de cotisation aux caisses d'AMO en Allemagne,
des recettes du Fonds de santé et des dépenses de l'Office fédéral
de la sécurité sociale depuis 2016

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Taux moyen supplémentaire des caisses d'AMO

+ 1,08 %

+ 1,11 %

+ 1,08 %

+ 0,99 %

+ 1,00 %

+ 1,28 %

+ 1,3 %

+ 1,6 %

+ 1,7 %

Recettes du Fonds de santé (en Mds d'€)

219,6

229,6

238,2

246,4

264,3

293,4

311,3

-

-

Dépenses de l'Office fédéral de la sécurité sociale (en Mds d'€)

218,1

225,6

234,4

247,3

257,4

272,0

286,7

299,9

-

Source : Ambassade de France en Allemagne

En Suisse, une augmentation de la prime mensuelle moyenne de 8,7 % (+ 28,70 francs) - 7,7 % pour les enfants - a été annoncée pour 2024 par le Conseil fédéral, en raison de la « forte augmentation des coûts de la santé » (en hausse de 6,4 % pendant le premier semestre de 2023 par rapport au premier semestre de 2022), en lien avec « le vieillissement démographique, de nouveaux médicaments et traitements ainsi qu'une augmentation des prestations de santé »258(*) : + 8,5 % pour les prestations ambulatoires en milieu hospitalier ; + 5,1 % pour les consultations médicales. Le Conseil fédéral observait en outre que les réserves des assureurs avaient dû compenser les « pertes sur placement dues à une situation difficile sur les marchés de capitaux » : « les assureurs disposent de réserves suffisantes, mais ils n'ont plus de marges de manoeuvre pour atténuer davantage l'augmentation des primes ».

En 2010, les coûts de la santé à la charge de l'AMO suisse s'élevaient à 24,3 milliards de francs ; ils s'établissaient en 2022 à 37,7 milliards, soit une croissance annuelle moyenne de 3,7 %259(*).

c) Des difficultés particulières pour les souscripteurs de contrats individuels, et au premier chef pour les retraités

Au-delà de l'estimation des proportions exactes de la progression du coût de la couverture maladie complémentaire en France, il convient de rappeler que les données avancées par les différents acteurs de l'AMC constituent des moyennes et que les publics les plus à risques, notamment les personnes âgées, subissent des augmentations plus importantes encore.

En effet, comme cela a été indiqué précédemment, les Ocam tarifient de plus en plus les contrats en fonction de l'âge des assurés. À titre d'illustration, la date de naissance est exigée (ainsi que le lieu de résidence) lorsque l'on interroge les comparateurs en ligne. Comme l'a fait observer la Cour des comptes en 2021260(*), « cette pratique de tarification à l'âge s'est en effet généralisée, passant, selon la Drees, de 64 % des contrats en 2006 à 97 % en 2016. Cette évolution témoigne d'un alignement des pratiques des mutuelles sur celles des assurances, le risque, dans une logique assurantielle, étant étroitement corrélé à l'âge ».

Ce constat fait ressortir la spécificité du régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle, qui applique un taux de cotisation indépendant de l'âge de l'assuré.

La Fédération nationale des associations de retraités (FNAR) estime que les prix des complémentaires santé supportés par les retraités ont augmenté de 10 à 30 euros en moyenne par personne et par mois en l'espace de cinq ans, passant de 120 euros à un niveau compris entre 130 et 150 euros261(*), ce qui représente 13 % à 15 % du revenu d'un allocataire de l'Aspa.

La FNAR, évoquant un contrat de partenariat conclu avec une mutuelle permettant aux adhérents des associations qui en sont membres de bénéficier d'un contrat favorable (trois niveaux de couverture, pas d'augmentation des tarifs selon l'âge après 71 ans), a indiqué à la mission d'information qu'entre 2023 et 2024, les tarifs de ce contrat avaient augmenté :

- pour les adhérents âgés de 60 à 65 ans, de 7 % pour chacun des trois niveaux ;

- pour les adhérents âgés de 66 à 70 ans, de 9 % pour le niveau 1, de 10 % pour le niveau 2 et de 9 % pour le niveau 3 ;

- pour les adhérents âgés de 71 ans et plus, de 12 % pour le niveau 1, 14 % pour le niveau 2 et 9 % pour le niveau 3.

Selon le président du Conseil de l'âge au sein du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, le taux d'effort (coût de la complémentaire santé cumulé au reste à charge après AMO et AMC) représenterait plus de 10 % du revenu disponible de certains retraités262(*).

En d'autres termes, comme l'a souligné le président de la confédération française des retraités (CFR), « si un couple, tous les mois, doit payer 250 euros pour la complémentaire, cela fait, par an, l'équivalent d'un mois de pension ! »263(*).

Il en résulte logiquement un risque accru de désaffiliation, dont témoignent tant la FNAR que la confédération française des retraités (CFR). Ce phénomène est vraisemblablement amplifié par la prise en charge des ALD au titre de l'AMO à hauteur de 100 % des bases de remboursement de la sécurité sociale, qui constitueraient pour nombre de retraités un « filet de sécurité » et un motif de résiliation, par ailleurs erroné car la prise en charge au titre d'une ALD ne supprime pas les reste à charge liés à une autre pathologie, ainsi que l'a fait observer au rapporteur la Ligue contre le cancer. De fait, les seniors représentent une proportion importante du dispositif de prise en charge des ALD : d'après le Conseil de l'âge, sur les quelque 12 millions d'assurés concernés, 7,8 millions ont plus de 60 ans et 3,6 millions ont plus de 75 ans.

L'UFC-Que Choisir a rappelé, à cet égard, que « les conditions tarifaires sont le premier motif de résiliation à l'initiative de l'assuré » et que « les publics les plus à risque pourraient être les personnes non couvertes par un contrat collectif, et au revenu modeste dépassant légèrement les seuils d'éligibilité à la complémentaire santé solidaire ». L'association fait cependant observer que les données ne permettent pas d'évaluer la part des résiliations qui se fait au profit d'un contrat moins cher ni la proportion d'assurés résiliant leur contrat pour se passer de complémentaire santé264(*). Aucune donnée chiffrée n'a pu être fournie à la mission pour étayer cette tendance. Si elle était avérée, cette évolution serait d'autant plus préoccupante que la consommation de soins augmente avec l'âge (voir infra).

d) Une formule qui doit faire ses preuves : les « mutuelles communales »

La formule des « mutuelles communales » ou « mutuelles de village », dont le nombre était estimé à 2 000 en 2017, se développe en France, avec l'ambition de limiter le coût de la couverture complémentaire santé pour les personnes ne bénéficiant pas de l'accès à un contrat collectif, et notamment les retraités.

(1) Une recherche qui n'est pas spécifique à la France : le cas des contrats de groupe aux Pays-Bas

Cette recherche de solutions mutualisées de couverture santé destinées à des assurés présentant un certain risque n'est pas spécifique à la France, si l'on se réfère à l'exemple des Pays-Bas ou à des acteurs très divers (communes, associations de patients, clubs de sport, associations de seniors, etc.), recourant à de telles formules, dont le bilan semble mitigé265(*).

Aux Pays-Bas, certains groupes (par exemple, les salariés d'une entreprise ou d'une collectivité, les étudiants ou des assurés souffrant de maladies chroniques) souscrivent conjointement une assurance maladie collective, qu'il s'agisse d'une assurance obligatoire de base et/ou d'une assurance couvrant des soins hors panier de base.

Un rapport indépendant de 2016 recensait 75 contrats collectifs mis en place entre des associations de patients et des assureurs santé privés (soit 0,1 % du nombre total de contrats collectifs existants), pour un total d'environ 62 655 adhérents. À titre de comparaison, les contrats collectifs mis en place par des associations de seniors sont plus répandus : on comptait 913 contrats, pour environ 405 000 assurés en 2016, et environ 251 000 assurés à ce type de contrats collectifs en 2023.

S'agissant des contrats collectifs proposés par des associations de seniors, l'Association néerlandaise des personnes âgées propose par exemple une réduction de 10 % sur l'assurance maladie facultative chez trois assureurs, avec un « bon niveau de couverture » adapté aux personnes âgées de plus de 60 ans. Elle propose également son propre comparateur, ainsi que des conseils personnalisés en matière d'assurance maladie.

Dans un rapport publié en 2021, l'Autorité néerlandaise des soins de santé (NZa) relevait toutefois que les contrats collectifs spécifiques aux seniors pour l'assurance maladie de base demeuraient en moyenne plus chers que les contrats individuels (+ 29 euros sur un an). Selon l'autorité, « si les bénéficiaires sont en relativement bonne santé, le contrat collectif n'est souvent pas intéressant en raison de son coût élevé ». Le contrat collectif peut toutefois présenter un intérêt pour les personnes âgées dont les besoins en matière de soins sont élevés.

Dans les communes proposant des contrats d'assurance maladie de base aux personnes à faibles revenus (revenus inférieurs à 130 % du salaire minimum légal), ce type de contrat collectif s'inscrit dans la politique sociale de la collectivité. Il comporte souvent une exonération de franchise ou une franchise réduite et une réduction du montant de la prime d'assurance.

Le nombre d'assurés collectifs au titre de leur appartenance à une association de patients est faible (environ 37 000 personnes en 2023) et a fortement diminué depuis 2019 (- 52 %). En 2023, 58,2 % des assurés néerlandais avaient un contrat collectif, contre 65,3 % en 2019.

Les raisons précises de ce recul n'ont pas été identifiées mais l'Autorité néerlandaise des soins de santé suppose que ce type de contrat collectif n'est pas suffisamment intéressant financièrement pour les assureurs.

Cette baisse s'explique principalement par la suppression du « rabais de groupe » applicable aux contrats collectifs en 2023266(*).

(2) Les initiatives locales pour faire bénéficier les assurés individuels des avantages de la mutualisation : un cadre à préciser pour mieux accompagner les élus

À titre d'exemple, la ville d'Arcachon a mis en place une mutuelle municipale qui, selon le document de communication élaboré par la mairie avec l'organisme complémentaire qui gère cette couverture, présente pour les assurés les avantages suivants : « disposer d'un interlocuteur unique, des tarifs avantageux avec un plafonnement à partir de 71 ans mais aussi un panier d'actions d'accompagnement à l'activité physique, à l'aménagement de l'habitat, des propositions d'ateliers de prévention très variés et un accès simplifié à la téléconsultation ». Le tarif négocié permettrait aux adhérents de bénéficier d'une « couverture optimale à un prix avantageux », avec « une économie de 30 à 40 % par rapport à leurs contrats », « un panel de services à la personne » et « un référent local pour les aider dans leurs démarches ».

Le terme de « mutuelles communales », fréquemment utilisé, est cependant impropre, car ces initiatives ne sont réservées ni aux organismes mutualistes, ni à l'échelon municipal (communes et intercommunalités), quelques départements267(*) et régions ayant transposé ces projets à leur échelle.

La Région Île-de-France, par exemple, a créé en février 2023, avec trois opérateurs, le dispositif « Île-de-France Mutuelle Santé », après un appel à partenariats lancé en 2021 auprès des acteurs de la complémentaire santé. Les relations entre la région et les trois opérateurs sélectionnés sont encadrées par une convention268(*).

Cette mutuelle est ouverte à tous les Franciliens sans conditions de ressources. L'adhésion des assurés est possible directement auprès des opérateurs ou par une mise en relation téléphonique assurée par un centre de relation clientèle géré par la région - lequel redirige d'ailleurs 4 % des appels vers l'assurance maladie en vue d'une demande d'attribution de la C2S269(*).

Le contrat proposé est un contrat solidaire et responsable assurant une prise en charge renforcée pour certains types de soins correspondant aux priorités politiques de la région, tels que le soutien psychologique ou la santé des femmes. Les tarifs, que la région a décidé de geler en 2024, seraient inférieurs d'environ 20 % aux tarifs moyens du marché.

Une mutuelle est également mise en place en Auvergne-Rhône-Alpes270(*) à l'attention de tous les habitants de la région, « sans conditions de revenus, sans limite d'âge et sans questionnaire médical ». Les opérateurs retenus sont six mutuelles ; le public attendu représente « plusieurs dizaines de milliers de personnes en quatre ans ». Cette formule s'appuie sur « des tarifs significativement inférieurs à couverture équivalente, une augmentation tarifaire limitée dans le temps, une prise en compte des priorités de santé publique de la région, en particulier de la prévention »271(*).

S'agissant de la procédure, on distingue trois modalités d'organisation des « mutuelles communales », selon le degré d'implication de la collectivité. Les collectivités peuvent par exemple mandater une association pour choisir l'organisme de complémentaire santé en fonction du profil des adhérents potentiels, établi après sondage ou enquête.

Différents schémas de « mutuelles communales »
selon le degré d'implication de la collectivité
272(*)

1. La collectivité peut jouer un simple rôle de relai d'information en faisant connaître aux habitants des associations créées par des courtiers, proposant des solutions de complémentaire santé négociées. Les habitants adhèrent à l'association pour bénéficier de la couverture santé négociée après mise en concurrence des organismes de complémentaire santé. Selon l'AMF, il n'y a dans ce contexte aucun lien contractuel entre l'association d'assurés et la commune, qui n'intervient qu'en tant que « facilitateur ».

2. La collectivité peut prendre l'initiative de la création d'une mutuelle locale en négociant et en sélectionnant une offre de complémentaire santé pour ses habitants. Elle procède à une mise en concurrence des organismes sur la base d'un cahier des charges recensant les besoins de la population. Les relations entre la collectivité et l'organisme retenu peuvent prendre la forme d'une convention.

3. La collectivité peut créer elle-même une association d'assurés. Lorsqu'une commune décide de créer, par l'intermédiaire de son centre communal d'action sociale (CCAS), une association communale d'assurés, celle-ci se charge de négocier les tarifs avec les organismes de complémentaire santé sur la base d'un cahier des charges élaboré par la commune après enquête sur les attentes de la population. Les habitants adhèrent à l'association pour pouvoir bénéficier des tarifs négociés.

Dans le premier cas, les associations d'assurés créées par des professionnels de l'assurance souscrivent un contrat de mutuelle au bénéfice de leurs membres à qui elles proposent un contrat collectif à adhésion facultative. Dans les deuxième et troisième cas, les contrats de complémentaire santé sont en tout état de cause signés individuellement par les assurés avec l'organisme partenaire, sur la base de tarifs négociés pour l'ensemble de la collectivité.

Afin de présenter un bilan de ces initiatives locales, la mission d'information a procédé à une consultation des élus locaux sur le site du Sénat afin de recueillir des témoignages sur ces initiatives.

Dans les faits, ce type de contrat ne semble pas constituer une réponse pleinement satisfaisante au problème posé par le poids des tarifs des complémentaires santé sur le pouvoir d'achat des Français :

- les bénéficiaires potentiels des « mutuelles communales » sont notamment des personnes âgées (la présentation de la mutuelle d'Arcachon est à cet égard éclairante), qui présentent un niveau de risque important. Il ressort des auditions menées par la mission d'information que ces contrats ne seraient donc pas particulièrement attractifs pour les Ocam. Les sociétés d'assurance y verraient surtout un moyen de mieux faire connaître leur offre assurantielle ;

- on peut s'interroger sur la pérennité du tarif proposé dans le cadre de l'appel d'offres initial. Faute de données précises et globales sur ces contrats, en l'absence d'un état des lieux complet par niveau de collectivité territoriale, il n'est pas exclu que le tarif proposé, au départ relativement attractif, augmente significativement par la suite, comme le suggèrent certains témoignages d'élus locaux recueillis par la mission d'information dans le cadre de la consultation sur le site internet du Sénat. Le montant des cotisations étant fonction des dépenses de santé des adhérents, il semble peu probable que les tarifs de ces « mutuelles communales » restent stables, du fait d'une forte proportion de seniors parmi les souscripteurs, ce qui empêche la mutualisation des risques. Malgré quelques commentaires incontestablement très positifs, ces formules, qui s'adressent en principe à tous les publics, semblent en réalité peiner à atteindre une clientèle plus jeune (voir infra) ;

- ces dispositifs pourraient tendre à transférer des Ocam vers les collectivités territoriales une partie de la charge de travail liée aux souscriptions, dans la mesure où elles se chargeraient de la promotion de la « mutuelle communale » ;

-  compte tenu des contraintes liées à la mise en concurrence et du coût administratif que peut représenter pour une commune la mise en place d'une telle formule, et si l'on considère la déception que peut susciter le faible nombre d'adhésions recueillies in fine273(*), le bilan coût-avantages ne semble pas pertinent pour toutes les collectivités ;

- des écueils juridiques ont été identifiés par l'AMF dans sa contribution écrite au rapporteur. L'association engage ainsi les maires à faire acquitter une redevance en contrepartie de l'usage d'un local qui serait mis à disposition de l'organisme de complémentaire santé au sein de la mairie ou du CCAS, conformément à l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques274(*). L'AMF note par ailleurs n'avoir pas connaissance, dans le cas de la négociation et de la sélection d'une complémentaire santé par la commune, d'une convention-type entre la commune et l'organisme sélectionné, ce qui peut être à l'origine de pratiques disparates. Dans le même esprit, la portée du rapport contractuel entre la commune et l'organisme de complémentaire santé, dans l'hypothèse de la création d'une association d'assurés, semble devoir être précisée.

Le bilan de la consultation menée par le Sénat sur les « mutuelles communales »

771 élus ont répondu à la consultation lancée par la mission d'information. Il s'agissait à 96 % d'élus municipaux, en cohérence avec la formule de complémentaires santé dénommées « communales », qui concernent à ce jour essentiellement des collectivités de l'échelon municipal. 82 % des répondants étaient élus au sein de communes de moins de 5 000 habitants.

Au terme de cette consultation, il apparaît que les contrats retenus par les collectivités territoriales pour leurs habitants comportent des niveaux de cotisation plus ou moins élevés en fonction du degré de couverture et tiennent compte des besoins des seniors, qu'il s'agisse du panier de soins couvert (frais dentaires, audioprothèses, cures thermales, optique) ou du plafonnement des cotisations au-delà d'un certain âge.

Ils s'adressent toutefois en principe à un public plus large que les retraités : s'agissant des besoins des assurés plus jeunes et des familles, on note la mention de l'orthodontie, de « nombreuses prestations de médecine douce », de « cotisations gratuites à partir du troisième enfant », la prise en charge de consultations psychologiques et d'un forfait sevrage tabagique, ainsi que des offres pour les étudiants.

Certaines collectivités ont cependant privilégié le ciblage d'une population précise. Lorsque ces complémentaires santé sont réservées à une catégorie d'assurés, les réponses mentionnent :

- les retraités ;

- « les habitants de la commune ou les personnes travaillant dans la commune » ;

- « les personnes les plus fragiles avec des revenus modestes » ;

- « les retraités, étudiants, agriculteurs, travailleurs indépendants » ;

- « les retraités, étudiants, fonctionnaires, auto-entrepreneurs, personnes en fin de droits » ;

- « les agents de la fonction publique travaillant au sein de la collectivité » ;

- « les familles monoparentales ».

D'après les informations dont disposent les répondants, ces contrats sont majoritairement souscrits par des seniors ; les personnes sans emploi, les travailleurs indépendants et les familles sont également cités.

Les principaux critères de choix retenus par les élus engagés dans une mutuelle négociée sont le niveau des cotisations, l'étendue de la couverture proposée et la qualité de l'accompagnement des assurés, comme par exemple l'accueil téléphonique, la proximité et la possibilité d'une « rencontre en visuel ».

Au total, les avantages de la formule, selon les élus qui l'ont expérimentée, tiendraient à :

- des cotisations moins élevées ;

- la qualité de l'accueil et de l'accompagnement des assurés, comprenant la possibilité de rencontres physiques et de contacts individuels ;

- et la simplification du choix de la couverture par les assurés.

En revanche, la déception exprimée par certains élus semble principalement résulter du faible nombre de personnes ayant adhéré, de la relative rareté des familles ayant souscrit des contrats et de l'augmentation des tarifs parfois constatée depuis la mise en place de la mutuelle « communale ».

Compte tenu des contraintes liées à la mise en concurrence et de la charge de travail qu'elle représente pour les collectivités (18 mois de travail selon un témoignage) certains élus, singulièrement de petites communes, s'interrogent sur la pertinence de la démarche, même si d'autres témoignages relativisent les inconvénients de celle-ci pour l'équipe municipale (« aucune dépense budgétaire pour la ville excepté quelques heures de travail et de réflexion pour les élus et les services »).

Globalement, malgré les témoignages de satisfaction adressés à la mission, force est de constater que la mutuelle « communale » ne saurait garantir une couverture santé efficace et peu onéreuse, si l'on en juge par certains retours d'expérience négatifs : « Il s'agissait d'un dispositif permettant par la mutualisation du risque de bénéficier de tarifs moins élevés d'environ 30 % que le marché. Néanmoins après deux ans les tarifs ont rejoint les niveaux du marché voire plus ». Ce rattrapage des tarifs tient probablement à la difficile mutualisation des risques, en lien notamment avec la forte proportion de seniors parmi les souscripteurs.

En outre, certains répondants estiment que la commune n'est pas l'échelon le plus approprié et mentionnent des initiatives de l'intercommunalité, du département ou de la région qui rendent superflu l'engagement de la commune. Selon un témoignage, le département semble offrir une « échelle de proximité intéressante pour ces questions de mutuelle santé », la commune étant moins bien armée pour faire face aux aspects financiers du sujet et aux difficultés de la mise en concurrence.

Les motifs avancés pour ne pas s'engager dans un tel projet sont principalement :

- la méconnaissance du dispositif ;

- l'absence de demande des habitants ;

- la complexité du projet ;

- et l'absence d'une structure pour accompagner sa mise en oeuvre. 

Certaines réponses s'interrogent sur le rôle des intermédiaires d'assurance susceptibles de « se cacher derrière ces contrats », avec un « coût supplémentaire pour les assurés ». Un élu fait état de la rupture de la convention passée par sa commune avec une entreprise d'assurance dont les prix se sont avérés peu attractifs, et qui a fini par considérer la mairie comme « une annexe de cet assureur ».

En tout état de cause, les élus tentés par les mutuelles « communales » expriment le besoin d'un véritable accompagnement des collectivités pour faire face à une démarche complexe et appellent à un partage d'expériences entre collectivités, à l'élaboration d'une « note d'information », d'un guide d'aide à la décision, d'un « modèle de cahier des charges », d'une « présélection d'organismes fiables et sérieux [...] proposés aux communes », à tout le moins d'une « liste d'assurances santé qui négocient ce type de contrat », voire à la mise en place d'un organisme qui gérerait ces dispositifs pour les petites communes.

Les associations d'élus sollicitées par la mission d'information n'ont pas été en mesure de présenter un bilan de ces « mutuelles », qui relèvent d'initiatives propres aux collectivités et ne font pas l'objet d'une approche globale.

Le rapporteur note que l'Association des maires de France, sollicitée par la mission d'information, s'abstient de soutenir ou de référencer les différentes formules de « mutuelles municipales » identifiées dans sa contribution écrite. Il est toutefois possible que l'obstacle constitué par l'insuffisante mutualisation des risques entre adhérents soit moins insurmontable à l'échelle d'un département ou d'une région qu'à celle d'une petite commune.

Il semble donc nécessaire de procéder à un état des lieux des formules de complémentaire santé collective négociées par les trois niveaux de collectivités territoriales, afin de faire le point sur le bilan coût-avantages des « mutuelles communales », tant pour les assurés, susceptibles de subir une hausse imprévue de leurs cotisations, que pour les collectivités qui engagent des moyens non négligeables - sans parler de leur éventuelle responsabilité juridique. Un recueil de bonnes pratiques pourrait ainsi être mis à la disposition des élus qui souhaiteraient s'engager dans un tel projet, afin de mieux les accompagner dans leur démarche.

Recommandation. - Procéder à un état des lieux et à un bilan des couvertures santé complémentaires initiées par les collectivités territoriales, afin d'établir un recueil de bonnes pratiques destiné à mieux accompagner les élus qui souhaiteraient s'engager dans une telle démarche pour permettre aux assurés d'avoir accès à une complémentaire santé à des tarifs accessibles.

II. LES HAUSSES DE COTISATIONS SUR LES CONTRATS DE COMPLÉMENTAIRE SANTÉ : QUELLES CAUSES, QUELLES JUSTIFICATIONS ?

A. LES ARGUMENTS DES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : DES PRESSIONS STRUCTURELLES À LA HAUSSE SUR LEURS COÛTS, ALOURDIES PAR DES DÉCISIONS POLITIQUES RÉCENTES

Le premier déterminant de l'évolution des cotisations des complémentaires santé est la progression de leurs charges, principalement déterminées par l'évolution des dépenses de santé par habitant au sein de la population couverte.

En effet, les prestations versées par les complémentaires santé pour la prise en charge des dépenses de santé de leurs assurés représentent, en moyenne, 81 % de leurs revenus opérationnels. Ainsi, à structure de prise en charge constante, toute évolution des dépenses de santé appelle une évolution des prestations, et, en miroir, une hausse des cotisations.

Différents facteurs peuvent affecter les charges des complémentaires santé :

des facteurs structurels, liés à l'évolution spontanée de la démographie - principalement le vieillissement de la population couverte - et à d'autres facteurs non pilotables. Ces facteurs jouent sur le volume et les caractéristiques des actes, donc sur les dépenses de santé par personne ;

des facteurs prix, liés au niveau de rémunération des professionnels de santé et au coût des soins. Les complémentaires doivent en effet, dans le cadre du contrat solidaire et responsable275(*), prendre en charge l'intégralité du ticket modérateur sur les prestations de santé276(*) : or celui-ci est proportionnel à des tarifs pouvant augmenter. Ces facteurs font varier les dépenses de santé par personne, à structure et volume de soins constant ;

des facteurs répartition, liés à la ventilation de la prise en charge des dépenses de santé entre l'assurance maladie obligatoire, les complémentaires santé et les ménages. Ces facteurs font varier les prestations des complémentaires santé à dépenses de santé par personne constantes.

1. L'incidence de la progression régulière des dépenses de santé
a) Un lien direct entre l'augmentation des dépenses de santé par assuré et les cotisations

Dans sa contribution écrite à la mission d'information, France Assureurs expose la méthode d'élaboration des tarifs des complémentaires santé :

« L'assureur fait une estimation des dépenses à venir : il utilise les informations connues à date, principalement :

- l'évolution de la structure du portefeuille, c'est-à-dire l'évolution des caractéristiques des assurés du contrat (en raison des entrées et sorties du contrat) car ces caractéristiques influent sur les niveaux des dépenses : il s'agit du nombre de personnes protégées, de l'âge des bénéficiaires, de leur région (ce facteur joue énormément sur les postes hôpital et soins de ville en raison des différences entre régions statistiquement constatées en matière de dépassements d'honoraires des médecins et de tarifs hospitaliers : tarifs journaliers de prestations et chambres particulières), leur secteur d'activité (pour les contrats collectifs et les travailleurs indépendants) ;

- l'évolution de la sinistralité du contrat : l'analyse des dépenses réalisées permet de définir une tendance d'évolution des dépenses futures ».

Pour la présidente de France Assureurs, « l'évolution de l'Ondam donne une première estimation » de l'évolution des cotisations des Ocam, qui « reflète donc [le] cumul d'évolutions des dépenses de santé »277(*).

Si le taux de contribution des complémentaires santé varie selon les catégories de soins et de biens médicaux, celles-ci restent mobilisées sur l'ensemble des postes de dépenses de santé278(*) du fait de la complémentarité de leur intervention à celle de l'assurance maladie obligatoire, comme cela a été souligné précédemment.

Ainsi, alors qu'en Allemagne, où les champs des assurances maladie obligatoire et complémentaire sont décroisés, la trajectoire des dépenses pour des soins de ville ou hospitaliers a un impact limité sur les charges des complémentaires santé, tel n'est pas le cas en France.

La Mutualité française fait ainsi de la hausse tendancielle des dépenses de santé le facteur principal de l'évolution de ses charges : « les dépenses des Ocam sont intimement liées aux dépenses AMO (intervention en copaiement/cofinancement) sur un champ large de prestations »279(*).

Il convient toutefois de nuancer cette vision : si les charges incombant à l'AMO et à l'AMC sont bien sûr corrélées, elles ne sont pas pour autant strictement proportionnelles. Certains régimes dérogatoires de prise en charge, comme celui des affections de longue durée280(*) impliquent, sur certains segments de la dépense, des trajectoires financières différenciées entre AMO et AMC.

b) La trajectoire dynamique des dépenses de santé des assurés sociaux

Or les dépenses de santé suivent, en France, une trajectoire dynamique. La consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) représentait ainsi, selon les données de la Drees, 136 milliards d'euros en 2002, puis 182 milliards d'euros en 2012 et 236 milliards d'euros en 2022.

Évolution de la consommation de soins et de biens médicaux de 2012 à 2022,
en euros courants

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

220

240

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

178 Md€

182 Md€

185 Md€

190 Md€

193 Md€

197 Md€

200 Md€

2018

207 Md€

211 Md€

227 Md€

236 Md€

2019

2020

2021

7,8

2022

203 Md€

Taux de croissance de la CSBM

CSBM

Source : Mission d'information d'après des données de la Drees

Les dépenses à couvrir pour les trois piliers du financement du système de santé281(*) ont donc connu une hausse d'environ 30 % en un peu plus de dix ans, et de 74 % en vingt ans.

Cette hausse n'est que partiellement absorbée par la croissance démographique qu'a connue la France sur la période, quand bien même la population française atteint, en 2020, 67,1 millions d'habitants, soit une progression de 6,5 millions d'habitants en vingt ans (+ 11 %).

Cela signifie donc que la hausse globale de la consommation de soins et de biens médicaux s'accompagne d'une évolution dynamique de la CSBM par habitant : celle-ci est passée de 2 218 euros par habitant en 2002 à 2 806 euros par habitant en 2012, puis 3 475 euros par habitant en 2022.

Entre 2002 et 2022, la dépense de santé a donc progressé de 74 %, tandis que les dépenses de santé par habitant croissaient de 57 %.

Cet écart de 1 257 euros par personne et par an est supporté pour partie par l'assurance maladie obligatoire, et pour partie par les ménages - directement, via le reste à charge précédemment évoqué, ou indirectement, via les cotisations de complémentaire santé. Pour financer cet écart, l'assurance maladie peut pour partie compter sur la progression mécanique du volume des cotisations sociales, assises sur des salaires augmentant tendanciellement. Les complémentaires santé doivent, elles, procéder à des hausses tarifaires, particulièrement visibles dès lors qu'elles sont payées directement par l'assuré dans le cas de contrats individuels.

c) Vieillissement de la population et augmentation du coût des soins : des facteurs structurels et durables

La hausse de la CSBM par personne présente un caractère structurel en ce qu'elle est liée à deux facteurs principaux : le vieillissement de la population et l'augmentation du coût du soin282(*), portée à la fois par les répercussions de l'inflation dans l'économie sur le champ de la santé, et par le coût de l'innovation en santé.

(1) Le vieillissement : un facteur clé pour comprendre la hausse des dépenses de santé sur la durée

La pyramide des âges se déforme en effet vers le haut depuis plus de vingt ans, et cette déformation devrait perdurer jusque dans les années 2070, selon les travaux de l'Insee283(*). La part de la population française ayant plus de 65 ans a en effet déjà progressé de 4,7 points en vingt ans, atteignant 20,5 % en 2020, et pourrait dépasser 27,1 % à l'horizon 2050.

Pyramide des âges en France en 2020 et en 2070

Source : Insee

La hausse des dépenses de santé moyenne par individu est l'un des corollaires du vieillissement de la population. En avançant en âge, les assurés voient leurs besoins en santé progresser considérablement : les personnes âgées nécessitent davantage de suivi médical, donc de consultations et d'actes et, lorsque leur santé se dégrade, des interventions plus coûteuses. Au total, la dépense moyenne remboursable284(*) par personne et par an est deux fois plus élevée chez les 60-74 ans et quatre fois plus élevée chez les plus de 85 ans que chez les 17-59 ans.

Ainsi, comme cela a été relevé plus haut, alors que les 17-59 ans présentaient, en 2020, une consommation moyenne de soins et de biens médicaux de 1 757 euros par personne (dont 1 015 euros en ville et 747 euros en établissements), la CSBM des 60-74 ans s'élevait à 4 005 euros par personne (dont 2 224 euros en ville et 1 781 euros en établissements), et celle des 85 ans et plus s'établissait à 8 102 euros par personne (dont 4 426 euros en ville et 3 676 euros en établissements).

Dépenses remboursables en ville et en établissement par tranche d'âge

Source : Mission d'information d'après les données du Repss maladie 2022

L'effet du vieillissement de la population sur les dépenses de santé est loin d'être négligeable : France Stratégie avait par exemple estimé285(*) que les dépenses de santé en 2011 auraient été 27 % plus élevées, à population constante et à état de santé par tranche d'âge constant, si la pyramide des âges de la France avait été celle projetée pour 2060.

Le vieillissement de la population se traduit en une hausse des charges par assuré pour les complémentaires santé, mais celle-ci est limitée :

- par le dispositif des ALD, concernant en premier lieu des seniors et prévoyant une prise en charge du ticket modérateur par l'AMO, et non par l'AMC286(*).

- par la pratique de la « tarification à l'âge », qui limite les effets du vieillissement démographique sur les cotisations à âge fixé - sans toutefois les oblitérer dans la mesure où il subsiste une forme de solidarité intergénérationnelle dans la fixation des tarifs de nombreux organismes, notamment mutualistes.

(2) La hausse des prix des actes en santé, reflet de l'inflation et de la cherté de l'innovation

La hausse des prix des actes en santé s'est opérée à un rythme « guère différent de celui des autres biens et services produits en France » depuis le début des années 70, selon le document précité de France Stratégie. Si la hausse du coût unitaire des actes est notamment portée par des facteurs structurels comme la cherté de l'innovation en santé ou l'évolution du prix des matières premières, celle-ci est également alimentée par des décisions politiques ou conventionnelles concernant la rémunération des professionnels de santé287(*) ou améliorant la prise en charge de certains soins, à l'instar du 100 % santé288(*).

L'impact de la récente période d'inflation sur l'Ondam pourrait d'ailleurs faire l'objet d'une analyse plus approfondie des pouvoirs publics, afin d'isoler l'effet « prix » dans la hausse des dépenses de santé. Parce que la hausse de la consommation de soins et de biens médicaux par personne présente un caractère structurel, il faut s'attendre à ce que les complémentaires santé continuent de se renchérir à l'avenir, à répartition constante des dépenses entre assurance maladie obligatoire, assurance maladie complémentaire et reste à charge pour les ménages. La lassitude face à l'augmentation progressive des cotisations réclamées pourrait pousser les assurés à diminuer leur niveau de protection, voire à cesser de souscrire une complémentaire santé.

Dans ces conditions, il importe, pour le rapporteur, de renforcer l'information des Français sur le coût de leurs soins.

Le rapporteur souhaite que tous les Français puissent consulter facilement, sur leur espace Ameli, le coût total des soins qui leur ont été dispensés, et le niveau des remboursements qu'ils ont perçus. Il estime que la bonne information des assurés sur le coût de leur santé est de nature à améliorer le consentement à l'impôt et aux dépenses contraintes qui y sont associées.

Recommandation. - Proposer aux assurés, sur le portail Ameli, une information complète sur le coût annuel des soins qui leur ont été dispensés et le niveau des remboursements qu'ils ont perçus.

2. L'impact des choix politiques ou conventionnels sur les charges des complémentaires santé

Ces considérations démographiques s'accompagnent de facteurs faisant varier les prestations des complémentaires santé à structure et volume de soins constants.

Il en va ainsi des revalorisations salariales dans les établissements de santé. En 2021, la masse salariale représentait 56,2 milliards d'euros pour les établissements publics de santé, auxquels s'ajoutent 7,5 milliards d'euros dans le secteur privé lucratif, et 7,4 milliards d'euros dans le secteur privé non lucratif289(*) - soit un total de plus de 70 milliards d'euros.

S'y ajoutent les prestations de médecine de ville, qui remboursent des honoraires ayant notamment vocation à rémunérer les professionnels de santé - celles-ci atteignent 62 milliards d'euros en 2022, et devraient augmenter à la suite de revalorisations conventionnelles actées afin d'améliorer la rémunération de certaines professions et de compenser les effets de l'inflation.

a) L'augmentation des tarifs conventionnels et hospitaliers

Le haut niveau d'inflation sur les années 2021 à 2023 a conduit à accélérer les revalorisations d'actes en santé par des avenants aux conventions applicables aux professionnels.

La rémunération des actes des professionnels de santé libéraux
et l'implication des organismes complémentaires d'assurance maladie

En France, des conventions négociées entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et les syndicats représentatifs de chaque profession encadrent l'exercice libéral des professions de santé.

Ces conventions définissent notamment les tarifs sur lesquels se fonde la prise en charge par la sécurité sociale et, partant, la rémunération des professionnels de santé. Indirectement, les tarifs conventionnels déterminent les charges des complémentaires santé via la prise en charge du ticket modérateur - obligatoire dans le cadre du contrat solidaire et responsable sauf pour certains produits de santé290(*).

Les représentants des organismes complémentaires, rassemblés depuis 2005 dans l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (Unocam), peuvent participer aux négociations et devenir signataires des conventions ou avenants avec les professionnels de santé291(*).

Leur signature est toutefois facultative pour la validité des conventions, sauf pour celles conclues avec les professions pour lesquelles la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie obligatoire est minoritaire.

Ainsi, de nombreux avenants signés depuis 2022 ont conduit à revaloriser les actes des professionnels de santé, et donc à accroitre le montant à prendre en charge par les complémentaires santé pour chaque acte.

Sans aucunement remettre en question la nécessité de ces hausses tarifaires pour garantir le pouvoir d'achat des professionnels de santé dans un contexte inflationniste et s'inscrire dans un dialogue conventionnel fécond, on constate que ces revalorisations ne sont pas neutres pour les complémentaires santé, et expliquent pour partie les hausses de cotisations constatées en 2024.

L'Unocam, qui réunit les représentants des organismes de complémentaire santé, a par ailleurs approuvé certaines des mesures de revalorisation actées dans le champ conventionnel en se portant signataire des avenants à la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes ou des orthophonistes, par exemple.

Pour le seul exercice libéral, les avenants aux conventions conclues engagent d'ores-et-déjà les complémentaires santé à verser autour de 850 millions d'euros de prestations supplémentaires en année pleine. Selon France Assureurs, 200 millions d'euros de prestations supplémentaires doivent déjà être financées en 2024, avant même l'entrée en vigueur des mesures dépensières de la nouvelle convention médicale292(*) qui pourrait provoquer une nouvelle hausse de charges approximant 300 millions d'euros.

Impact des revalorisations conventionnelles sur les prestations à verser
par les complémentaires santé

Revalorisation

Chiffrage approximatif par la mission après montée en charge

Convention médicale et règlement arbitral

513 millions d'euros

dont revalorisation généralistes
règlement arbitral 2023

91 millions d'euros

dont revalorisation spécialistes
règlement arbitral 2023

109 millions d'euros

dont revalorisation généralistes
convention 2024

213 millions d'euros

dont autres revalorisations
de la convention 2024

100 millions d'euros

Convention des chirurgiens-dentistes

230 millions d'euros

Convention des masseurs-kinésithérapeutes

100 millions d'euros

Conventions avec les autres professionnels de santé

15 millions d'euros

Total mesures conventionnelles nouvelles 2023 et 2024

858 millions d'euros

Source : Mission d'information sur la base des contributions écrites reçues et des données Drees

Les mesures de revalorisation des tarifs hospitaliers actées en 2023 et 2024 dans un contexte inflationniste contribuent, quant à elles, à un accroissement de 100 à 150 millions d'euros de la prise en charge des complémentaires au titre de l'année 2024.

(1) Les revalorisations des consultations des médecins par le règlement arbitral puis la nouvelle convention : 500 millions d'euros

Le règlement arbitral entré en vigueur le 1er mai 2023 a par exemple prorogé la convention médicale conclue le 25 août 2016 en y apportant certaines modifications, notamment la revalorisation de la consultation de 1,5 euro. À compter du 1er novembre 2023, la consultation de référence pour les généralistes est portée à 26,5 euros, et celle des autres spécialistes à 31,5 euros.

Pour les complémentaires, cela représente un effort supplémentaire de 45 centimes d'euros par acte, soit une hausse de 6 % pour la consultation des généralistes.

À nombre de consultations constant, la mission a chiffré aux alentours de 200 millions d'euros le coût de cette mesure en année pleine pour les organismes complémentaires. Pour l'année 2023, le coût de la mesure avoisinerait 40 millions d'euros. La Mutualité française et France Assureurs estiment, quant à eux, à respectivement 96 millions d'euros et 82 millions d'euros par an en année pleine le coût de la mesure pour les seuls généralistes.

Cette revalorisation, prévue par un règlement arbitral consécutif à l'échec des négociations conventionnelles en 2023, a été jugée insuffisante par l'ensemble des syndicats de médecins représentatifs compte tenu, notamment, du niveau d'inflation. Elle a donc être complétée par de nouvelles hausses tarifaires dans le cadre de la reprise des négociations conventionnelles.

La nouvelle convention médicale293(*), signée par l'ensemble des syndicats représentatifs sauf l'Union française pour une médecine libre, l'Uncam et l'Unocam, prévoit ainsi le passage de la consultation de base des généralistes à 30 euros, conformément aux demandes de certains syndicats294(*) : une mesure qui devrait alourdir les charges des complémentaires santé de 200 millions d'euros supplémentaires en année pleine295(*).

S'y ajoutent diverses revalorisations pour les autres spécialistes : la consultation des gynécologues médicaux est revalorisée de 31,5 euros à 40 euros, et la consultation chez le psychiatre est revalorisée à 57 euros. Certaines consultations spécifiques sont également réévaluées à la hausse, comme le dépistage du mélanome chez le dermatologue, qui passe de 47,5 euros à 60 euros. Ces mesures en faveur des spécialistes pourraient justifier une hausse supplémentaire de 100 millions d'euros de dépenses en année pleine pour les complémentaires santé.

Les mesures dépensières de la nouvelle convention médicale devraient entrer en vigueur de manière échelonnée, à partir de fin 2024.

(2) La revalorisation des soins bucco-dentaires : 230 millions d'euros

Le 21 juillet 2023, les deux syndicats représentatifs des chirurgiens-dentistes libéraux ont signé une nouvelle convention nationale pour la période 2023-2028, dont l'Unocam est cosignataire.

Cette convention contient des engagements financiers en faveur de la prévention et de l'accès aux soins pour les assurés : les mesures les plus emblématiques en sont l'extension du panier 100 % santé, la revalorisation de 10 euros d'un examen bucco-dentaire désormais annuel entre 3 et 24 ans et l'augmentation de 30 % de la valorisation des soins conservateurs pour cette génération.

Dans un communiqué, la Mutualité française estime à 230 millions d'euros par an l'impact en dépenses nouvelles de cette nouvelle convention sur les complémentaires santé.

(3) L'impact limité de la revalorisation des tarifs des actes et consultations des sages-femmes

La signature, le 11 juillet 2023, de l'avenant 7 à la convention nationale des sages-femmes a porté des mesures de revalorisations tarifaires représentant un investissement de 61 millions d'euros sur deux ans, afin de prendre en compte les effets de l'inflation. Compte tenu du fort taux de prise en charge de l'AMO296(*) sur les honoraires de sages-femmes, en lien avec l'assurance maternité qui prévoit la prise en charge à 100 % par la sécurité sociale des actes liés à la grossesse, ces mesures de revalorisation ne devraient pas avoir un impact significatif sur les comptes des complémentaires santé dans l'immédiat. Toutefois, l'extension progressive des compétences des sages-femmes pourrait induire, à l'avenir, un lien financier accru entre la profession et les Ocam.

(4) La revalorisation des actes des auxiliaires médicaux : plus de 100 millions d'euros

La revalorisation des actes des auxiliaires médicaux en lien avec le contexte d'inflation constituera, à terme, un effort de plus de 100 millions d'euros pour les complémentaires santé.

Le 24 mai 2023, le ministre de la santé et de la prévention avait saisi le directeur général de la Cnam d'une lettre de cadrage indiquant son souhait que « les infirmiers libéraux, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes et les pédicures-podologues puissent bénéficier d'un soutien rapide à leur activité de soins », en lien avec « le contexte inflationniste ».

Ces négociations se sont matérialisées par des avenants aux conventions régissant les liens entre l'assurance maladie et chacune de ces professions de santé.

Les conséquences financières pour les complémentaires santé varient en fonction de leur implication dans la prise en charge des patients concernés. Si, pour l'ensemble de ces professions, le ticket modérateur de droit commun est de 40 %297(*), la proportion de patients bénéficiant d'une prise en charge par l'AMO à hauteur de 100 % des tarifs conventionnels en lien avec une affection de longue durée (ALD) conduit à une importante hétérogénéité dans les parts de dépenses prises en charge par les complémentaires santé entre chacune de ces professions.

Les revalorisations prévues298(*) par l'avenant 7 du 16 juillet 2023 à la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes devraient avoir l'impact le plus important sur les finances des complémentaires santé. À horizon 2025, les différentes mesures tarifaires contenues dans l'avenant pourraient augmenter les charges des complémentaires santé de 100 millions d'euros environ, avec une montée en puissance progressive.

La revalorisation de 4 % de l'acte médical d'orthophonie299(*) prévue par l'avenant 20 du 22 juin 2023 à la convention nationale des orthophonistes libéraux devrait, quant à elle, avoir une incidence de l'ordre de 5 à 10 millions d'euros.

Les conséquences sur les complémentaires santé des revalorisations prévues pour les infirmiers par les avenants 9300(*) et 10301(*) n'auront, au contraire, qu'un impact limité sur les complémentaires santé, qui ne prennent en charge que 3 % des dépenses courantes de soins infirmiers. L'Unocam n'a, au demeurant, pas signé cet avenant. Il en va de même pour les avenants aux conventions conclues avec les pédicures-podologues et les orthoptistes, pour lesquelles le montant total de prise en charge par les complémentaires santé est marginal - respectivement 2 et 47 millions d'euros en 2022. Au total, l'ensemble des mesures prises pour ces trois professions ne devrait pas avoir une incidence supérieure à 15 millions d'euros environ sur les finances des Ocam.

(5) La revalorisation des tarifs hospitaliers

Outre les revalorisations tarifaires prévues par voie conventionnelle, la hausse des tarifs hospitaliers se traduit par un accroissement des montants pris en charge par les complémentaires santé.

Les revalorisations dynamiques réalisées en 2023 - 7,1 % dans le public, 6,7 % dans le privé non lucratif et 5,4 % dans le privé lucratif - sont confortées par une nouvelle vague de revalorisations controversée302(*) pour 2024, avec une majoration de 0,3 % dans le privé lucratif et de 4,3 % dans le public et le privé non-lucratif.

Ces évolutions sont alimentées, notamment dans le secteur public et privé non lucratif, par les mesures salariales en faveur du personnel hospitalier : Ségur de la santé, revalorisation du point d'indice en juillet 2022 et en 2023, majoration de la rémunération pour le travail de nuit, les gardes et les astreintes, augmentation de l'indemnité versée en cas de jour non ouvrable travaillé, etc.

Selon France Assureurs, le coût des mesures d'augmentation des tarifs nationaux journaliers de prestation à l'hôpital actées en 2023 atteindrait 100 millions d'euros pour 2024.

Si aucune estimation n'a été fournie à la mission pour les mesures d'augmentation des tarifs hospitaliers décidées en 2024, les montants associés devraient être inférieurs à ceux de 2023 compte tenu de la moindre ampleur des revalorisations.

b) Les variations de périmètre entre interventions de la sécurité sociale et des complémentaires santé

À prix, volume et structure des besoins de santé constants, des décisions portant sur la ventilation des dépenses entre l'assurance maladie obligatoire et l'assurance maladie complémentaire peuvent également modifier le montant de prestations versées par les complémentaires santé.

Ces décisions prennent la forme d'une modification du taux de prise en charge par l'assurance maladie obligatoire, qui se répercute sur la part de ticket modérateur - et donc sur les prestations des complémentaires santé, qui doivent intégralement le prendre en charge dans le cas d'un contrat responsable et solidaire303(*).

Aux termes de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale, le ticket modérateur est « fixé dans des limites et des conditions fixées par décret en Conseil d'État, par décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, après avis de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire ».

Il est à noter que l'avis des organismes de complémentaire santé qui s'exprime dans le cadre de l'Unocam est strictement consultatif : les représentants des complémentaires santé ne peuvent s'opposer à des transferts de charge.

L'article R. 160-5 du code de la sécurité sociale définit ainsi des fourchettes dans lesquelles peut évoluer le ticket modérateur, à la discrétion de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam). Si cette dernière ne retranscrit pas, par une décision, les évolutions du cadre réglementaire sous deux mois, un arrêté du ministre de la sécurité sociale peut fixer d'autorité le nouveau niveau du ticket modérateur304(*).

Dans les faits, le niveau retenu par l'Uncam se situe le plus souvent au milieu de l'intervalle défini par les textes réglementaires. Ainsi, les frais d'honoraires des praticiens se voient appliquer un ticket modérateur de 30 %, alors que l'article R. 160-5 prévoit un encadrement de 25 % à 35 % pour ces soins.

L'article R. 160-5 du code de la sécurité sociale a connu des modifications fréquentes ces dernières années, avec une augmentation du ticket modérateur sur les médicaments homéopathiques, les transports sanitaires ou les soins dentaires.

Il convient toutefois de préciser que ces modifications ne poursuivaient pas toutes des motivations financières : le déremboursement de l'homéopathie a par exemple été acté au regard de sa faible efficacité thérapeutique. En outre, il importe de démentir le préjugé du désinvestissement de l'assurance maladie : la part des dépenses de santé prise en charge par la sécurité sociale a augmenté de près de quatre points sur les dix dernières années, notamment en lien avec le dispositif de prise en charge dérogatoire pour les ALD305(*).

Un arrêté du 25 novembre 2019306(*) a répercuté l'évolution du cadre réglementaire portée par le décret n° 2019-905 du 30 août 2019 en diminuant le taux de remboursement des spécialités homéopathiques de 30 % à 15 %. Cette mesure, entrée en vigueur au 1er janvier 2020, a été une étape préalable avant le déremboursement total des spécialités homéopathiques au 1er janvier 2021.

Il reste loisible aux complémentaires de prendre en charge - ou non - tout ou partie du prix de ces spécialités, dont le prix a considérablement augmenté suite au déremboursement, celui-ci ayant entraîné une liberté tarifaire élargie pour les laboratoires producteurs.

Les syndicats représentatifs des pharmaciens s'étaient alors opposés à cette décision, l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) estimant par exemple que « le déremboursement a provoqué une augmentation exponentielle des prix d'achat, alors qu'un remboursement à 15 % n'avait que peu d'incidence pour le régime obligatoire [compte tenu de la franchise médicale venant en déduction des montants remboursés par l'AMO] ».

Par la suite, une décision307(*) de l'Uncam consécutive au décret n° 2023-382 du 19 mai 2023 a abaissé le taux de prise en charge par la sécurité sociale des transports sanitaires programmés. Auparavant de 65 %, celui-ci a été diminué à 55 % - en conséquence, le ticket modérateur y est désormais fixé à 45 %. Cette opération a été présentée comme financièrement neutre pour les complémentaires santé, puisqu'elle s'est accompagnée d'une prise en charge intégrale des « transports sanitaires urgents ». Toutefois, l'Unocam a d'abord rendu un « avis défavorable » sur cette mesure, mettant en avant « des doutes sur la neutralité financière de l'opération ». Dans son avis ultérieur n° 22 du 12 juin 2023, « l'Unocam prend acte de cette proposition ».

Le principal transfert récent de l'assurance maladie obligatoire vers les complémentaires santé, et le dernier en date, est celui opéré sur les soins dentaires.

Tirant les conséquences du décret n° 2023-701 du 31 juillet 2023 et en l'absence de décision de l'Uncam dans les deux mois, un arrêté du 12 octobre 2023308(*) a fixé à 40 %, et non plus à 30 %, le taux du ticket modérateur sur les soins dentaires, à l'exception des actes susceptibles d'être réalisés principalement par des médecins.

Historique des principales évolutions de ticket modérateur de droit commun
sur les soins et les actes de santé

Décret n° 2023-701 du 31 juillet 2023 : hausse du ticket modérateur de 30 % à 40 % sur les soins dentaires, à l'exception des actes susceptibles d'être réalisés principalement par les médecins.

Décret n° 2023-382 du 19 mai 2023 : hausse du ticket modérateur de 35 % à 45 % sur les transports sanitaires programmés.

Décret n° 2019-905 du 30 août 2019 : hausse du ticket modérateur de 70 % à 85 % sur les préparations homéopathiques, préalable au déremboursement de l'homéopathie à compter du 1er janvier 2021.

Décret n° 2008-1364 du 18 décembre 2008 relatif à la majoration de la participation de l'assuré prévue à l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale : augmentation du ticket modérateur dans une fourchette de 40 points au-dessus du taux de droit commun en cas de non-respect du parcours de soins coordonnés. Cette majoration du ticket modérateur ne peut toutefois pas être prise en charge par les complémentaires santé dans le cadre du contrat responsable et solidaire309(*).

Décret n° 93-965 du 29 juillet 1993 et décret n° 93-1089 du 15 septembre 1993 : hausse du ticket modérateur de 25 % à 30 % sur les honoraires des médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes, et de 35 % à 40 % pour les honoraires des auxiliaires médicaux et des analyses. Le taux du ticket modérateur des médicaments augmente également (65 %, 35 %).

Décret n° 85-652 du 29 juin 1985 : hausse du ticket modérateur de 25 % à 35 % pour les soins infirmiers et la biologie.

Décrets n° 77-108 du 4 février 1977 et n° 77-593 du 10 juin 1977 : hausse du ticket modérateur de 25 % à 35 % pour les actes des auxiliaires médicaux autres que les infirmiers, et création d'un ticket modérateur de 30 % sur les transports sanitaires et modification des taux de remboursement sur le médicament.

Décret n° 68-551 du 18 juin 1968 : diminution à 25 % du taux de ticket modérateur pour les honoraires des praticiens et auxiliaires médicaux.

Cette évolution est entrée en vigueur le 15 octobre 2023, malgré l'opposition affirmée tant par les syndicats de chirurgiens-dentistes que par l'Unocam, dans ses délibérations n° 29 du 24 juillet 2023 et n° 36 du 15 septembre 2023.

Sont en cause tant la mesure en elle-même que la méthode retenue.

La mesure est en effet considérée comme une mesure « d'économies »310(*) sur le secteur dentaire, qui constituera « un frein à l'accès aux soins de nos concitoyens »311(*) selon le syndicat des chirurgiens-dentistes de France.

Les Chirurgiens-dentistes de France déplorent également un « très mauvais signal envoyé aux chirurgiens-dentistes qui ne sont plus considérés comme rendant les mêmes services que les autres disciplines médicales » : le ticket modérateur à 40 %, dix points plus élevés que celui applicable aux consultations en médecine, était jusqu'alors réservé aux actes des auxiliaires médicaux.

La méthode employée a également fait l'objet de réserves marquées tant par les professionnels, qui regrettent une mesure « prise sans aucune concertation avec les acteurs concernés »312(*), que par les organismes complémentaires d'assurance maladie.

Ces derniers s'inquiètent du niveau du transfert de charges occasionné - le coût de la mesure étant estimé à 500 millions d'euros en année pleine par le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), quand France Assureurs évoque un coût de 104 millions d'euros en 2023 et 394 millions d'euros en 2025. La DSS, quant à elle, estime le montant du transfert à 350 millions d'euros en année pleine.

Ce transfert est « supérieur de 200 millions d'euros à ce qui avait été initialement annoncé » selon France Assureurs - une réévaluation qui n'est pas sans conséquence sur la hausse des tarifs des contrats de complémentaire santé. Si l'ampleur de l'écart avec le transfert initialement annoncé - soit 300 millions d'euros - reste incertain, l'existence d'un écart ne fait, quant à elle, pas de doute.

La contribution exceptionnelle des organismes complémentaires
en 2020 et 2021

Outre les transferts de charges de l'assurance maladie obligatoire vers l'assurance maladie complémentaire, la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2021 a instauré une contribution exceptionnelle à la charge des organismes complémentaires, justifiée par les moindres dépenses de ces organismes en 2020 et 2021 du fait d'une diminution des soins pendant les périodes de confinement.

La contribution a atteint un montant de 1,5 milliard d'euros, dont 1 milliard d'euros au titre de l'année 2020 et 0,5 milliard d'euros au titre de l'année 2021. Ces montants sont inférieurs aux moindres dépenses des organismes complémentaires engendrées par la crise sanitaire.

Il convient de rappeler que, de son côté, l'assurance maladie obligatoire a assumé un investissement exceptionnel pendant la crise sanitaire, à l'origine de surcoûts de l'ordre de 50 milliards d'euros depuis 2020313(*).

Répartition de la contribution exceptionnelle
selon le type d'organisme complémentaire et de contrat

Source : Drees

c) Une nécessaire anticipation des charges à venir des complémentaires santé pour limiter les hausses de cotisation

L'ensemble de ces dépenses nouvelles atteint donc, pour les complémentaires santé, un montant de l'ordre du milliard d'euros314(*) en année pleine, après montée en charge des mesures de revalorisation progressive et en incluant des dépenses supplémentaires au titre de la nouvelle convention médicale315(*). Les chiffres agrégés, fournis par les fédérations, ne portent pas tous sur le même périmètre mais semblent cohérents avec ce total : France Assureurs évoque « plus d'un milliard d'euros de dépenses nouvelles »316(*) tandis que la FNMF estime que « les dépenses nouvelles décidées en 2023 et celles anticipées car connues au moment de la fixation des cotisations pour 2024 représentent 1,3 milliard d'euros ».

Ces mesures nouvelles constituent une part non négligeable des prestations versées par les complémentaires santé : un milliard d'euros supplémentaires représente une hausse de 3 % des prestations servies aux assurés317(*).

De surcroît, une anticipation imparfaite de l'ampleur des mesures nouvelles à financer peut se traduire en une hausse sensible des cotisations à appeler pour les organismes.

En effet, les complémentaires santé provisionnent, lorsqu'elles doivent déterminer les tarifs de l'année à venir, un certain montant pour des mesures nouvelles non anticipées. Toutefois, si le montant réalisé dépasse l'attendu, les résultats techniques des complémentaires santé, déjà proches de l'équilibre318(*), peuvent devenir négatifs.

Or le cadre normatif s'appliquant aux complémentaires santé proscrit des situations de déficit durable319(*). Par conséquent, des mesures nouvelles non anticipées trop importantes se répercutent sur les cotisations de l'année suivante, France Assureurs évoquant un « effet de rattrapage ».

Dès lors, une information tardive ou imprécise des complémentaires santé sur l'ampleur des transferts de charges qui pourraient leur incomber en cours d'année peut générer des hausses de cotisations particulièrement spectaculaires l'année suivante, puisque celles-ci doivent pallier à la fois le déséquilibre technique imprévu occasionné en année n, et le coût prévisible en année n+1.

Alors que la direction de la sécurité sociale estime que « de nouveaux transferts pourraient être nécessaires afin de parvenir à [un] rééquilibrage [des charges entre AMO et AMC] », la question de la temporalité et de la transparence de cette prise de décision à l'égard des complémentaires santé doit être posée.

L'ensemble des décisions et des mesures nouvelles ne sont naturellement pas du ressort de l'État, ni même de la seule sécurité sociale : les mesures conventionnelles sont par exemple issues de négociations avec les professionnels de santé concernés, et leur issue est par nature incertaine.

Des dispositions législatives permettent toutefois d'offrir une certaine visibilité sur l'évolution des charges des complémentaires santé. Ainsi, l'article L. 162-14-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit une entrée en vigueur différée des mesures conventionnelles dépensières, au plus tôt six mois après l'approbation des conventions dont elles découlent. Ces dispositions peuvent cependant naturellement être écartées par des dispositions législatives contraires, comme l'a prévu l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 sur l'extension des compétences d'administration de vaccins.

La mission d'information estime que cet exemple pourrait être étendu à l'ensemble des textes impliquant une variation de périmètre des dépenses remboursables par l'AMO et l'AMC320(*), afin d'assurer davantage de visibilité aux complémentaires santé sur le niveau de leurs charges prévisibles et d'éviter que ces transferts se traduisent par des hausses brutales de cotisations.

Recommandation. - Afin d'assurer aux organismes de complémentaire santé davantage de visibilité sur leurs dépenses, modifier le code de la sécurité sociale pour prévoir un délai de six mois entre la publication de textes susceptibles d'induire une modification des périmètres respectifs de prise en charge entre l'AMO et l'AMC, et leur entrée en vigueur.

3. Les contraintes financières liées à l'amélioration de la couverture des assurés

S'il convient de se féliciter de l'amélioration de la couverture santé des assurés qui résulte de la création du 100 % santé et de l'extension du contrat solidaire et responsable, il n'en demeure pas moins que ces mesures pèsent sur les charges des complémentaires santé et contribuent à une aggravation de leurs contraintes financières.

a) Le 100 %  santé : une mesure d'amélioration de l'accès aux soins pour les Français dont le coût n'a pas été maîtrisé
(1) Une réforme ayant partiellement répondu à l'objectif d'amélioration de l'accessibilité financière des équipements en dentaire, en optique et en audiologie

Le 100 % santé est une réforme entrée en vigueur progressivement à partir de 2019321(*), qui consiste en la définition d'un panier de soins en dentaire, optique et audiologie sur lesquels le reste à charge est nul pour le patient, grâce à l'implication conjointe de l'assurance maladie obligatoire et des complémentaires santé.

Le 100 % santé est l'une des conditions nécessaires pour pouvoir proposer un contrat dit « solidaire et responsable », bénéficiant d'une fiscalité avantageuse. Ces contrats représentant près de 95,9 % du marché, la réforme du 100 % santé a pu se déployer à grande échelle au sein de la population.

Cette réforme, issue d'une promesse électorale du président de la République et mise en oeuvre par la LFSS pour 2019322(*), procède d'un constat simple : celui de l'existence, pour les assurés, de forts restes à charge, même après participation des complémentaires santé, dans les trois champs sur lesquels l'intervention de l'AMO est limitée. L'Unocam estimait ainsi, en 2019, les restes à charge moyens :

à 316 euros pour les prothèses dentaires ;

à 1 256 euros pour les aides auditives ;

et à 126 euros pour l'optique.

La moindre ampleur des restes à charge en optique doit être mise en lien avec l'action des réseaux de soin et la proactivité de certaines complémentaires pour proposer des offres sans reste à charge avant la création du 100 % santé.

Ces restes à charge élevés étaient à l'origine de renoncements aux soins qui touchaient alors 12,3 % des patients nécessitant des soins en dentaire, 10,6 % en optique et 8,3 % en audioprothèse. Et cela même si le renoncement aux soins était naturellement plus élevé chez les assurés ne disposant pas de complémentaires santé, qui ne sont pas concernés par la réforme du 100 % santé.

Le 100 % santé repose sur la répartition des produits concernés par la réforme en différentes classes de prise en charge, dont « l'une au moins [...] a vocation à faire l'objet d'une prise en charge renforcée »323(*).

Il existe deux classes en audiologie (classe I sans reste à charge, classe II à prix libre), deux en optique (classe A comportant des montures et des verres sans reste à charge et classe B comprenant des produits à tarif libre) et trois en dentaire (un panier 100 % santé, un panier « aux tarifs modérés » et un panier « au tarif libre »).

Toutefois, la logique de la réforme diffère entre les trois secteurs, selon le rapport réalisé par la Cour des comptes à la demande de la commission des affaire sociales du Sénat324(*) : « Concernant les prothèses dentaires et auditives, le dispositif supprime les restes à charge sur des équipements déjà consommés par une partie de la population. En optique, le dispositif revient non pas à supprimer les restes à charge sur les équipements déjà consommés mais plutôt à introduire une gamme de produits sans reste à charge, à un niveau de qualité garanti, bien qu'à un prix très inférieur à celui des équipements majoritairement consommés jusqu'alors. Les prix limites pour les audioprothèses et les prothèses dentaires ont ainsi été fixés en prenant pour référence les prix moyens pratiqués pour ces produits, contrairement aux prix limites des équipements optiques ».

Les dernières données disponibles sur le 100 % santé démontrent une atteinte partielle des objectifs qui lui étaient assignés en matière d'amélioration de l'accessibilité financière aux équipements en dentaire, optique et audiologie.

À n'en pas douter, le 100 % santé a permis un net progrès de l'équipement en dentaire et en audiologie, et a garanti, dans ces deux secteurs, une diminution sensible du reste à charge moyen pour les ménages325(*). Interrogée sur la question, « l'UFC-Que Choisir a soutenu et soutient toujours le principe de la réforme du 100 % santé », qui a constitué une avancée pour l'accès aux soins des assurés « en prothèses audi[tives] et en dentaire »326(*).

En optique en revanche, les objectifs ne sont pas atteints, avec un taux de pénétration très faible du 100 % santé.

Ainsi, des progrès restent encore à faire pour donner davantage de visibilité au dispositif, méconnu de 47 % des Français fin 2021, et améliorer le taux de pénétration du panier sans reste à charge.

Afin de garantir le déploiement de la réforme, l'article L. 165-1-4 du code de la sécurité sociale prévoit « l'obligation, pour l'exploitant ou pour le distributeur au détail, de proposer et de disposer de certains produits ou prestations appartenant aux classes à prise en charge renforcée », c'est-à-dire qui relèvent des paniers de soins sans reste à charge. Cette obligation semble toutefois être très inégalement appliquée entre les professionnels, ce qui contribue à une forte hétérogénéité dans les taux de pénétration des équipements 100 % santé entre les secteurs.

· En audiologie, l'entrée en vigueur de la réforme a alimenté la croissance tendancielle du nombre d'aides auditives vendues327(*), en le portant à un nouveau palier. Selon des données du Syndicat national de l'industrie et des technologies médicales328(*) (Snitem), le nombre d'équipements vendus a quasiment doublé entre 2019 et 2022. Cette hausse de la consommation est alimentée par les primo-équipés. Selon Malakoff Humanis, ces derniers représenteraient 50 % de la consommation en appareils auditifs depuis la réforme, une donnée à mettre en lien avec le taux de 65 %329(*) de Français souffrant de problèmes d'audition non équipés en optique avant la réforme. Une décrue s'amorce en 2023, qui pourrait être en lien avec l'essoufflement des effets de rattrapage sur 2021 et 2022 pour les primo-équipés après les années 2019 et 2020, marquées par une baisse de la consommation du fait de la crise sanitaire et à « un probable attentisme lié à l'annonce de l'entrée en vigueur du remboursement intégral à compter de 2021 », selon le rapport précité de la Cour des comptes.

Nombre d'appareils auditifs vendus en France, en milliers

Source : Mission d'information d'après des données du Snitem

La classe I éligible au 100 % santé représente 40 % des équipements vendus en 2023 selon la DSS, une proportion stable par rapport à 2021 mais en nette hausse par rapport à 2019 (13 %) et 2020 (12 %). La pénétration du panier 100 % santé dans le marché est aujourd'hui conforme aux objectifs fixés aux prémices de la réforme. Le syndicat national des entreprises de l'audition estime « suffisantes pour répondre aux besoins principaux des patients malentendants » les exigences de qualité du panier 100 % santé, ce qui explique un taux de pénétration satisfaisant.

La concomitance entre l'accroissement des ventes d'appareils auditifs et l'accroissement de la part des équipements 100 % santé vendus laisse à penser que la réforme a contribué efficacement au développement de l'équipement en audiologie dans la population.

La montée en charge du 100 % santé a également permis une réduction de près de moitié de la part de reste à charge pour les ménages sur ces équipements, qui atteint en moyenne 36 % en 2022.

Évolution de la part du reste à charge des ménages
dans la consommation d'audioprothèses

Source : Drees

S'il convient de se féliciter que le sous-équipement en audiologie ait pu trouver en partie une solution avec le 100 % santé, des risques de dérive et de suréquipement ont néanmoins été identifiés par la Cour des comptes, à propos desquels il serait nécessaire de conduire des études supplémentaires.

• En dentaire, le taux de pénétration du panier 100 % santé est particulièrement élevé puisque ce panier englobe 57 % des prothèses consommées en 2022, auxquelles s'ajoutent 22 % de prothèses à tarifs modérés.

Selon la Cnam, 7,4 millions d'assurés ont pu bénéficier d'un reste à charge nul sur leurs prothèses dentaires en 2022.

Le taux de reste à charge pour les ménages s'en trouve considérablement diminué : alors qu'il stagnait autour de 35 % avant réforme, il a désormais atteint un nouveau palier autour de 15 %.

Évolution de la part du reste à charge des ménages
dans la consommation de prothèses dentaires

Source : Drees

Cependant, les résultats relatifs aux prothèses à tarifs modérés sont en-dessous des attentes : les Chirurgiens-dentistes de France se disent « préoccupés » que « les complémentaires ne respectent pas leurs engagements et que certaines [aie]nt même baissé leurs garanties sur ce panier, rendant inopérant l'effort des seuls chirurgiens-dentistes de plafonnement de leurs honoraires tout en diminuant l'accessibilité des patients à ces prothèses », sans toutefois que des preuves de tels comportements aient pu être portées à la connaissance de la mission d'information.

• En optique, en revanche, le 100 % santé n'a à ce jour pas obtenu les résultats escomptés. La Cour des comptes, dans son rapport précité, conclut même à « une absence d'augmentation du recours aux soins » en optique.

Seuls 15 % des montures et 17 % des verres représentant au total 6 % de la dépense en optique relèvent du panier A, sans reste à charge.

Plusieurs causes peuvent être avancées :

- un moindre besoin compte tenu d'un taux de recours relativement élevé en optique avant la réforme ;

- la préexistence d'offres sans reste à charge, notamment en raison d'une couverture souvent généreuse de l'optique par les contrats de complémentaires santé;

l'écart entre le prix moyen des équipements préexistants et celui du panier 100 % santé, très inférieur, dans un secteur qui réalise de fortes marges selon les auditions conduites par la mission ;

l'implication très perfectible du secteur de l'optique dans la visibilité des offres 100 % santé : la direction de la sécurité sociale, rejoignant la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), a ainsi indiqué à la mission que « 42 % des opticiens contrôlés ne respectaient pas en 2022 les obligations liées au 100 % santé », en premier lieu celle de proposer et de disposer d'équipements sans reste à charge prévue par l'article L. 165-1-4 du code de la sécurité sociale.

Les contrôles de la DGCCRF sur l'application du 100 % santé :
l'optique

La contribution écrite adressée au rapporteur par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) confirme que les contrôles réalisés en 2020-2021 ont mis en avant de nombreux manquements de la part des professionnels des secteurs de l'optique et de l'audioprothèse. L'enquête a donc été reconduite en 2023330(*) ; elle a cette fois concerné, outre les opticiens et les audioprothésistes, les chirurgiens-dentistes. Selon la DGCCRF, elle montre que « certaines pratiques visées par la Cour des comptes dans son rapport La réforme du 100 % santé de juillet 2022 persistaient et que le taux de non-conformité reste élevé » : « Pour s'en tenir aux seules vérifications portant sur le 100 % santé, le taux de non-conformité est d'environ 35 % chez les dentistes, 45 % chez les audio-prothésistes et 60% chez les opticiens (chiffres provisoires). Il a notamment été remonté la persistance de pratiques consistant à ne pas délivrer les informations précontractuelles générales obligatoires concernant les devis (obligation d'affichage en vitrine et en magasin quant à la remise gratuite d'un devis) ou à ne pas présenter spontanément le dispositif du 100 % santé (absence de présentation du dispositif, absence de remise de l'intégralité du devis, dissimulation ou dénigrement des produits concernés...). Par ailleurs, si les enquêteurs ont pu constater que les professionnels remettaient le devis règlementaire et s'attachaient à respecter le formalisme de dernier, ce qui constitue un progrès, son remplissage n'était pas toujours conforme à la réglementation. Ainsi, la pratique consistant à indiquer un reste à charge pour l'offre 100 % santé n'a pas complètement disparu. À noter cependant que les professionnels ont signalé des difficultés, dues à leurs fournisseurs de logiciel, pour se mettre en conformité. »

Concernant l'enquête 2023, les intentions de suites concernent surtout l'optique, qui fait l'objet de 241 « suites pédagogiques » ou avertissements sur 465, de 248 « suites correctives » (injonctions) sur 417, et de 60 suites répressives (procès-verbaux pénaux et administratifs) sur 94.

Plus étonnant encore, l'entrée en vigueur de la réforme coïncide avec une légère augmentation du reste à charge pour les équipements en optique, à rebours des objectifs annoncés par la réforme. Celui-ci est passé de 23 % en 2018 à 28 % en 2020, puis 26 % en 2021, avant de retomber à 23 % en 2022. L'UFC-Que choisir avance également que le taux de renoncement à l'équipement optique pour raisons financières n'a pas diminué malgré le déploiement de la réforme.

Évolution de la part du reste à charge des ménages dans la consommation en optique

Source : Drees

La direction de la sécurité sociale est convenue, dans sa réponse au questionnaire du rapporteur, que « le bilan est plus mitigé en optique que pour les autres secteurs », même si, chez les bénéficiaires de la C2S, les résultats sont tout à fait opposés à ceux observés en population générale : 87 % des montures et 96 % des verres équipés sur cette population relèvent du panier sans reste à charge.

(2) L'équilibre financier de la réforme compromis par un pilotage insuffisant et des prévisions optimistes

Dans son rapport précité de 2022, la Cour des comptes évoque « un coût incertain et difficilement maîtrisable ».

L'équilibre financier de la réforme du 100 % santé reposait sur la compensation partielle des surcoûts liés à l'augmentation de l'équipement de la population par des économies découlant d'un meilleur encadrement des prix ou, pour l'assurance maladie obligatoire, d'une diminution de la base de remboursement.

Selon la Cour des comptes, les déterminants des économies prévisionnelles étaient les suivants :

« Les équipements optiques de classe B, dont les prix sont libres, voient leur base de remboursement [de sécurité sociale] diminuée à quelques centimes d'euro. La bonification de la prise en charge par l'assurance maladie obligatoire pour les enfants a été supprimée. Les plafonds de remboursement complémentaire des montures par les contrats responsables ont été abaissés de 150 € à 100 € par monture. Un plafond de remboursement par les contrats responsables des organismes complémentaires a été introduit pour les aides auditives de classe 2, à hauteur de 1 700 €. » Les bases de remboursement des prothèses dentaires ont également été revues.

Initialement, le coût du 100 % santé était estimé à 87 millions d'euros pour l'AMO et 80 millions d'euros pour les complémentaires. Pour ces dernières, des hausses de dépenses conséquentes en dentaire (320 millions d'euros) et en audioprothèse (275 millions d'euros) devaient être pour partie compensées par des économies en optique, à hauteur de 515 millions d'euros, grâce aux baisses de plafonds de remboursement sur les montures et au moindre coût des équipements 100 % santé.

Ce montant d'économies a alerté la Cour des comptes, qui estime que « la question de la robustesse de ces prévisions peut être posée, du fait d'hypothèses très volontaristes en optique, d'ailleurs non partagées par les organismes complémentaires (économie attendue par la FNMF de 445 M€, soit un delta de + 70 M€) ».

De fait, le bilan financier de la réforme à date fait apparaître un important surcoût pour les complémentaires santé, qui a pesé sur leurs charges.

S'agissant des paniers du 100 % santé, les dépenses financées par les Ocam en 2022 se montent, selon les calculs de la mission :

- à 291 millions d'euros en audiologie ;

- à 178 millions d'euros en optique ;

- et à 2,134 milliards d'euros sur les prothèses dentaires, auxquels s'ajoutent 872 millions d'euros au titre du panier à tarifs maîtrisés.

Comparaison des montants de dépenses AMO et AMC
sur les paniers 100 % santé

Source : Mission d'information d'après données Drees

La Drees331(*) évalue les dépenses prises en charge par les Ocam en 2022 sur les trois secteurs concernés par le 100 % santé à :

3,997 milliards d'euros pour les prothèses dentaires ;

à 4,807 milliards d'euros celle pour l'optique ;

et à 829 millions d'euros pour l'audiologie ;

- soit un total de 9,633 milliards d'euros.

Sur le même champ, l'Unocam annonce, dans son deuxième baromètre sur le 100 % santé, une croissance de 23 % des prestations versées par les Ocam entre 2019 et 2021, qui sont passées de 6,9 milliards d'euros à 8,5 milliards d'euros. Les trois postes du 100 % santé représentent ainsi 27 % des prestations versées par les complémentaires en 2021.

Il ne s'agit pas là d'une hausse anodine pour les complémentaires santé, puisque sur la période, les prestations servies aux assurés ont augmenté de 1,3 milliard d'euros - les hausses de dépenses sur les trois postes du 100 % santé expliquent donc en intégralité la hausse des prestations versées par les Ocam.

Évolution des prestations versées par les Ocam
sur le champ du 100 % santé

Source : Mission d'information à partir des données du baromètre de l'Unocam, deuxième édition

Il est toutefois remarquable que les chiffres de l'Unocam pour 2021 s'éloignent de ceux calculés par la Drees332(*), qui chiffre la dépense des Ocam à 4,268 milliards d'euros sur les prothèses dentaires, 5,095 milliards d'euros en optique et 750 millions d'euros en audiologie, soit un total de 10,1 milliards d'euros.

Dépenses des Ocam par secteur du 100 % santé en 2021 et 2022
selon la Drees

 

Audiologie

Optique

Dentaire

Total

2021

750

5 095

4 268

10 113

2022

829

4 807

3 997

9 633

Source : Drees

Si les hausses de dépenses se sont donc concrétisées en audiologie, avec un doublement des prestations AMC, et en dentaire, toutes deux ont largement excédé les prévisions. Quant au secteur de l'optique, il n'a finalement pour ainsi dire pas été pourvoyeur d'économies pour l'AMC, avec une diminution des prestations de seulement 40 millions d'euros en deux ans.

La faiblesse des économies en optique est explicable par le recours très faible des assurés au panier 100 % santé, qui se démarque par des prix nettement plus bas qu'avant réforme333(*). Le faible engagement des opticiens en faveur de la réforme, et la méconnaissance répandue de leurs obligations réglementaires mise en évidence par la DGCCRF334(*), contribue donc à mettre à mal l'équilibre financier de la réforme du 100 % santé pour les Ocam.

Des économies, ou plutôt des moindres dépenses, auraient également pu provenir d'une clause de régulation prix/volume sur les audioprothèses, mais, alors que les conditions pour y recourir étaient remplies en 2021, le mécanisme n'a pas été mobilisé335(*).

La pression liée aux surcoûts de la réforme du 100 % santé s'est, en outre, concentrée sur les organismes complémentaires, les mécanismes mis en oeuvre pour permettre à l'assurance maladie obligatoire de réaliser des économies (baisse des bases de remboursement en optique, notamment) ayant été plus efficaces que ceux destinés à l'AMC.

Ainsi, la part des remboursements des Ocam sur les trois champs couverts par le 100 % santé est passée de 55 % à 61 % des dépenses totales sur la période 2019-2021, selon le baromètre de l'Unocam. Le principe initial d'un effort équitablement réparti entre AMO et AMC ne s'est donc, à ce jour, pas concrétisé.

(3) L'une des principales raisons de l'augmentation des coûts des complémentaires santé

Dès juillet 2022, la Cour des comptes prévoyait que « les dépenses supplémentaires induites par la réforme d[evraient] être prises en compte par les organismes complémentaires dans l'équilibre de leur résultat technique », rendant « des hausses de cotisations [...] probables » en l'absence d'économies par ailleurs.

Les craintes alors formulées se sont par la suite concrétisées : auditionné par la mission, le directeur général de Malakoff Humanis s'est risqué à une estimation selon laquelle « plus de la moitié des augmentations de tarifs des trois dernières années sont dues au 100 % santé ».

Le 100 % santé étant obligatoirement inclus dans les contrats solidaires et responsables, c'est sur ce type de contrat, très majoritaire (96 % du marché en 2022), que les augmentations de cotisations en lien avec le 100 % santé sont les plus importantes. France Assureurs constate ainsi que « le contrat responsable est devenu trop cher pour certains ménages [...] en raison notamment du 100 % santé ».

Le CTIP confirme ce qui précède quand il constate que l'engagement des complémentaires santé dans la réforme du 100 % santé « s'est traduit par des dépenses en forte hausse tirées par l'audiologie et le dentaire, au regard du taux de pénétration de l'offre 100 % santé ». Il chiffre à 2 milliards d'euros le surcoût de la réforme à fin 2022, réparti entre 1,1 milliard d'euros sur les prothèses dentaires et 0,8336(*) milliard d'euros sur les prothèses auditives.

Pour la Mutualité française, « la mise en oeuvre de la réforme du 100 % santé a d'ores et déjà représenté 2,5 milliards d'euros supplémentaires pour les Ocam, dont près d'un milliard pour les seules mutuelles ».

L'absence d'économies en optique pour les Ocam compromettant l'équilibre économique de la réforme, une amélioration du suivi et du pilotage de cette dernière apparaît aujourd'hui nécessaire.

Alors qu'un éventuel élargissement du 100 % santé aux prothèses capillaires, aux fauteuils roulants ou à l'orthodontie est à l'étude, France Assureurs, le CTIP et la Mutualité française sont unanimes : dès lors que « le bilan de la montée en charge, de son impact et de son coût réel n'a jamais été réellement partagé [et] s'avère largement supérieur à ce qui était envisagé »337(*), un « bilan complet et partagé » est « indispensable »338(*), sans quoi les Ocam seront « très prudents quant à toute idée d'élargissement »339(*).

La mission souscrit entièrement à ces propos et estime que toute extension du 100 % santé doit être subordonnée à un bilan préalable de la réforme, qu'il s'agisse de son impact financier pour l'AMO et l'AMC, de la lutte contre la fraude, de l'accès aux soins et des restes à charge pour les assurés.

Recommandation. - Décider des modalités d'une extension du 100 % santé au regard d'analyses techniques et financières et d'un bilan partagé entre AMO et AMC de la réforme, incluant des éléments d'équilibre financier.

Le 100 % santé n'est pas la seule mesure prise par le Gouvernement afin d'améliorer la couverture en santé des assurés : celui-ci s'est en effet également engagé dans le dispositif Mon soutien psy, afin d'ouvrir à certaines consultations chez un psychologue une prise en charge de la sécurité sociale. Le champ des dépenses remboursées par la sécurité sociale - et donc par les complémentaires santé via le ticket modérateur - s'en trouve de ce fait élargi.

Le dispositif Mon soutien psy

Introduit par l'article 79 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022340(*), le dispositif Mon soutien psy (auparavant appelé MonParcoursPsy) a introduit, dans certains cas, un mécanisme de prise en charge par l'assurance maladie obligatoire de séances chez un psychologue.

Sur adressage d'un médecin ou, dans certains cas, d'une sage-femme341(*), un assuré de plus de 3 ans342(*) souffrant de troubles psychologiques légers à modérés343(*) peut bénéficier d'une prise en charge par l'AMO à hauteur de 60 %344(*) sur huit séances par an chez un psychologue conventionné. La première séance est destinée à un bilan d'évaluation.

Les complémentaires santé sont également associées au dispositif puisqu'elles sont tenues de participer au financement des séances Mon soutien psy dans le cadre du contrat responsable et solidaire345(*). Il s'agit là d'une originalité : les consultations chez les psychologues n'étant pas prises en charge par la sécurité sociale en dehors de ce dispositif, il revient habituellement à chaque contrat complémentaire de déterminer le montant éligible à remboursement.

Selon le directeur général de Malakoff Humanis, auditionné par la mission, le déploiement du dispositif Mon soutien psy représente, en année pleine, une hausse de 0,5 % des prestations des complémentaires santé. Pourtant, le dispositif ne s'est qu'imparfaitement déployé : près de 90 % des psychologues ont refusé de se conventionner, notamment du fait d'un tarif fixé à 30 euros par séance, un montant jugé peu attractif.

L'effort des complémentaires santé en faveur de ce dispositif pourrait bien s'accroître encore, puisque parmi les mesures de renforcement annoncées en vue d'une entrée en vigueur au deuxième semestre 2024 figurent :

l'accès direct au psychologue ;

- le passage de huit à douze séances remboursées par an ;

l'augmentation du tarif de la consultation de 30 à 50 euros, afin d'inciter davantage de psychologues à se conventionner.

b) L'effet inflationniste sur les coûts des complémentaires santé de l'extension progressive du contrat solidaire et responsable

Le contrat solidaire et responsable est un encadrement normatif des contrats de complémentaire santé qui, lorsqu'il est respecté, ouvre droit à divers avantages fiscaux, notamment un taux réduit de taxe de solidarité additionnelle (TSA) à 13,27 % au lieu de 20,27 % et le bénéfice de mécanismes de déductibilité fiscale des montants de cotisation. Le cadre du contrat solidaire et responsable s'applique tant sur les contrats individuels que collectifs.

L'avantage comparatif du contrat solidaire et responsable sur les autres types de contrats est tel que celui-ci s'est progressivement imposé comme la norme dans le marché de la complémentaire santé : selon des données de la Drees, ces contrats représentaient en 2022, 95,9 % des cotisations perçues par les Ocam en santé, soit 1,2 point de plus qu'en 2016.

Alors qu'à l'origine, le contrat solidaire et responsable visait à rendre effectifs les mécanismes de responsabilisation du patient dans le cadre du parcours de soins coordonnés, le contenu et les objectifs de ce contrat se sont progressivement étoffés, jusqu'à en perdre leur sens. Le contrat solidaire et responsable est tour à tour devenu un mécanisme de responsabilisation des complémentaires santé, puis des médecins, avant de devenir un outil pour assurer une forme d'homogénéité dans le remboursement des soins entre les assurés et, avec le 100 % santé qui lui est adossé, pour améliorer la couverture santé.

Ainsi, l'encadrement du contrat responsable et solidaire a progressivement limité les marges de manoeuvre des complémentaires santé pour proposer des prestations différenciées et personnalisées à leurs souscripteurs.

Résultat de l'affrontement entre logiques possiblement contraires, le contrat solidaire et responsable s'est aujourd'hui écarté de ses objectifs premiers pour devenir le vecteur privilégié de l'encadrement réglementaire imposé aux complémentaires santé.

En évoluant sans cap ni objectif clairement fixé, cet outil a perdu de sa cohérence.

(1) Aux origines du contrat responsable, la volonté de rendre applicables les mécanismes de responsabilisation des patients pour endiguer la croissance des dépenses de santé

Le contrat solidaire et responsable répond, à l'origine, à deux logiques tout à fait différentes :

- un contrat de complémentaire santé est dit solidaire346(*) lorsque les cotisations ne sont pas fixées en fonction de l'état de santé des individus couverts et lorsque l'organisme assureur ne recueille aucune information médicale sur les assurés qu'ils protègent. Introduits en 2002, les contrats solidaires ont, selon la DSS, « pour but de rendre la complémentaire santé accessible quel que soit l'état de santé des personnes ». Le caractère solidaire des contrats de complémentaire santé est issu du monde de la mutualité347(*) : l'objectif est d'inciter les autres familles de complémentaires santé à ne pas appliquer de tarification en fonction de l'état de santé. Ce principe, qui semble aujourd'hui partagé par l'ensemble des acteurs de la complémentaire santé, sanctuarise l'accès à l'assurance dans le domaine très particulier qu'est la santé, et il serait tout à fait inopportun de le remettre en question ;

- un contrat de complémentaire santé est dit responsable lorsque les prestations qu'il propose respectent le cadre de l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale. À sa création348(*), les contrats de complémentaire santé devaient, pour être responsables, proscrire la prise en charge par l'AMC de la majoration de ticket modérateur ou des dépassements d'honoraires de spécialistes en cas de non-respect du parcours de soins coordonnés, et prévoir a contrario une prise en charge partielle ou totale des actes du médecin traitant.

La mise en oeuvre du contrat responsable répondait donc à un objectif clair : éviter que les complémentaires santé ne puissent solvabiliser des pratiques peu vertueuses de contournement du parcours de soins coordonnés, qui menaceraient ses objectifs de rationalisation de la consommation de soins et d'endiguement de la croissance des dépenses de santé.

Or, du fait de la liberté de prestations dont jouissent les complémentaires santé, l'État ne pouvait pas leur imposer directement ces contraintes. Afin de contourner cette impossibilité, il a donc recouru à une mesure d'incitation fiscale conditionnelle, suffisamment avantageuse pour conquérir progressivement l'ensemble du marché de la complémentaire santé.

C'est dans ce même esprit que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008349(*) a proscrit la prise en charge, dans un contrat solidaire et responsable, des participations forfaitaires et franchises médicales récemment instaurées.

(2) L'intégration d'objectifs multiples, sans cohérence avec l'esprit de responsabilité qui avait motivé sa création

Peu à peu, le contrat solidaire et responsable s'est élargi et a incorporé de nouveaux objectifs, sans cohérence d'ensemble.

· Responsabiliser les complémentaires santé

Le législateur a d'abord entrepris d'utiliser cet outil pour responsabiliser les complémentaires santé.

Afin de les inciter à davantage de transparence et d'efforts pour limiter leurs frais de gestion, la LFSS pour 2012350(*) a conditionné le caractère responsable d'un contrat à une communication annuelle aux assurés du montant et de la composition des frais de gestion, en pourcentage des cotisations.

Par la suite, le contrat solidaire et responsable est devenu un vecteur pour accélérer le déploiement du tiers payant sur la part complémentaire puisque ses avantages sociaux et fiscaux sont désormais conditionnés au « bénéfice du tiers payant, au moins à hauteur des tarifs de responsabilité »351(*).

· Responsabiliser les professionnels de santé

Le contrat solidaire et responsable s'est ensuite vu fixer un autre objectif : la responsabilisation des professionnels de santé et de la modération des dépassements tarifaires par le plafonnement des prestations des complémentaires santé en la matière352(*). La DSS indique que « le contrat responsable peut jouer un rôle de régulation des pratiques des professionnels de santé en matière de dépassements d'honoraires »353(*) en prévoyant des conditions de prise en charge des dépassements d'honoraires354(*).

Cette responsabilisation est toutefois indirecte : les pouvoirs publics ont estimé qu'une moindre solvabilisation des dépassements d'honoraires pour le patient pourrait conduire les professionnels de santé à y renoncer, tout ou partie.

Le caractère indirect de la tentative de responsabilisation des professionnels de santé sur les tarifs pratiqués explique des résultats que France Assureurs estime particulièrement mitigés : « Les tarifs en optique ont continué d'augmenter et le nombre de médecins Optam355(*) n'a pas augmenté à la différence du montant des dépassements d'honoraires ». Il convient toutefois de rappeler que le précédent système, fondé sur la prise en charge des dépassements d'honoraires aux frais réels par les complémentaires, a fréquemment été décrié pour ses effets inflationnistes.

· Homogénéiser les niveaux de couverture des assurés

Le contrat responsable s'est récemment vu assigner, de manière officieuse, un nouvel objectif d'homogénéisation de la couverture santé des assurés.

Depuis 2004, le plancher et le plafond de prise en charge pour s'inscrire dans le cadre du contrat responsable et solidaire ont en effet eu tendance à se rapprocher.

Initialement, un contrat responsable devait garantir la prise en charge de tout ou partie des frais de santé dans le parcours de soins coordonnés356(*).

Toutefois, depuis 2015357(*), la prise en charge de l'intégralité du ticket modérateur358(*) est désormais requise pour revêtir la qualification de contrat solidaire et responsable. A contrario, la prise en charge des dépassements d'honoraires est désormais plafonnée359(*).

Dernière évolution majeure en date, l'introduction du 100 % santé dans les contrats solidaires et responsables, à compter de 2022360(*), a contribué à rehausser encore la protection minimale offerte aux assurés des complémentaires santé.

Du fait de la multiplication des objectifs qui lui ont été assignés, la Mutualité française juge aujourd'hui qu'« on s'est écarté de la philosophie originelle du contrat responsable »361(*). Le contrat responsable et solidaire et l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale, qui le caractérise, sont progressivement devenus la prise législative privilégiée pour imposer des contraintes normatives aux contrats de complémentaire santé, sans lien avec une quelconque notion de responsabilité des assurés.

La Mutualité française estime ainsi que « le contrat responsable et solidaire est devenu un instrument « systématique » utilisé par le gouvernement sans requestionner les objectifs, le champ de la couverture AMO/AMC, les impacts sur les adhérents (niveau des cotisations) et la rigidité limitant les adaptations aux besoins et l'innovation »362(*).

(3) Une standardisation contradictoire avec le caractère concurrentiel du marché des complémentaires santé

Si cette dynamique d'homogénéisation de la couverture santé des assurés peut paraître louable, la standardisation qu'elle entraîne n'en reste pas moins contradictoire avec le caractère concurrentiel du marché des complémentaires santé.

Le CTIP résume le dilemme auxquels sont confrontés les pouvoirs publics, chargés de déterminer « l'équilibre délicat entre assurer une couverture adéquate pour le plus grand nombre et laisser des marges de manoeuvre pour permettre un libre choix d'une couverture adaptée aux besoins, préférences et moyens »363(*).

En resserrant toujours davantage le corridor de prestations éligibles à la labellisation « solidaire et responsable », les pouvoirs publics ont considérablement limité les marges de manoeuvre permettant aux complémentaires santé de se faire concurrence. S'il existe toujours une possibilité de proposer des prestations différenciées dans le cadre du contrat solidaire et responsable, les réformes de 2015 et 2022 ont accru les difficultés rencontrées par les Ocam pour agir en ce sens. Cette dynamique a donc concentré la concurrence sur la qualité de service et, d'une manière que l'on peut difficilement qualifier de responsable, sur la prise en charge de prestations non remboursées par la sécurité sociale : certaines pilules contraceptives, des lentilles de contact, des séances chez le psychologue ou l'ostéopathe364(*), par exemple. L'une des principales richesses qu'apporte le système français à deux étages est la possibilité de garantir, pour tous les assurés, un socle de protection en santé assumé par l'assurance maladie obligatoire, tout en permettant à chacun de s'assurer en complémentaire de manière personnalisée, selon ses besoins et son aversion au risque.

Dans cette logique, c'est en principe à l'assurance maladie obligatoire davantage qu'à l'assurance maladie complémentaire qu'il revient de garantir l'existence d'un socle de protection satisfaisant contre la maladie.

En outre, la standardisation des contrats de complémentaire santé a « créé de la complexité dans [les] contrats et est source de nombreux questionnements » selon France Assureurs365(*), qui qualifie même « les règles du contrat responsable » de « totalement illisibles et incompréhensibles des assurés ».

Principales évolutions du cadre législatif
du contrat solidaire et responsable

Article 57 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie : création du contrat solidaire et responsable, qui conditionne des avantages sociaux et fiscaux à la non prise en charge, par la complémentaire santé, des frais supplémentaires encourus par l'assuré du fait du non-respect du parcours de soins coordonnés.

Article 52 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 : pour être responsable, un contrat de complémentaire santé ne peut plus proposer la prise en charge des participations forfaitaires et franchises médicales.

Article 10 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 : subordination du caractère responsable d'un contrat de complémentaire santé à la communication annuelle, par l'organisme assureur, du montant et de la composition de ses frais de gestion.

Article 56 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 et décret n° 2014-1374 du 18 novembre 2014 relatif au contenu des contrats d'assurance maladie complémentaire bénéficiant d'aides fiscales et sociales : resserrement des contraintes autour de la prise en charge du contrat responsable. Il est désormais fait obligation à un contrat responsable de couvrir, sauf exception, l'intégralité du ticket modérateur et du forfait journalier. Des niveaux plancher et plafond de prise en charge sur certains dispositifs médicaux et sur les prothèses dentaires sont mis en place. La prise en charge des dépassements d'honoraires est désormais plafonnée.

Article 83 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé : subordination du caractère responsable d'un contrat de complémentaire santé à la possibilité pour l'assuré de bénéficier du tiers payant sur la part complémentaire.

Article 5 de la loi n° 2019-733 du 14 juillet 2019 relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé : subordination du caractère responsable d'un contrat de complémentaire santé à la communication, avant la souscription, du montant et de la composition des frais de gestion de l'organisme assureur.

Article 65 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 : intégration du 100 % santé dans les garanties minimales que doit proposer un contrat de complémentaire santé responsable.

Article 69 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 : subordination du caractère responsable d'un contrat de complémentaire santé à l'absence de prise en charge par la complémentaire santé de la minoration de la prise en charge des frais de transport sanitaire par l'assurance maladie obligatoire lorsqu'un patient refuse un transport partagé sans que son état de santé le justifie.

(4) Une dynamique inflationniste des cotisations de complémentaires santé alimentée par l'extension des garanties incluses dans le panier de soins du contrat solidaire et responsable

Le panier de soins minimal du contrat solidaire et responsable est désormais particulièrement couvrant pour les assurés. Cette évolution a permis d'améliorer l'accessibilité financière aux soins. Elle a toutefois aussi pesé sur les prestations à verser par les complémentaires santé, alimentant ainsi la dynamique inflationniste des cotisations.

La prise en charge intégrale du ticket modérateur, sauf exception, équivaut ainsi à des dépenses de 21,1 milliards d'euros en 2022, prises en charge en grande majorité par les complémentaires santé dans le cadre du contrat responsable et solidaire366(*). La frange de ticket modérateur entre 90 % et 100 % des tarifs de la sécurité sociale équivaut, sur les seuls soins de ville, à 2,7 milliards d'euros.

La DSS, dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, concède ainsi qu'« il faut veiller à l'équilibre entre des garanties suffisamment couvrantes pour garantir l'accès aux soins et le coût des contrats afin qu'ils restent accessibles » et que « le dimensionnement du panier de soins » implique aujourd'hui, via les cotisations versées aux complémentaires santé, « un coût conséquent pour certains assurés ».

Le panier de soins du contrat solidaire et responsable aujourd'hui

Un contrat solidaire et responsable couvre367(*) :

• l'intégralité du ticket modérateur sur l'ensemble des prestations remboursées par la sécurité sociale, à l'exception des médicaments habituellement destinés au traitement d'affections sans gravité ou au service médical rendu faible, et des frais de cure thermale ;

• le forfait journalier ;

• le cas échéant, les dépassements d'honoraires sous certaines conditions368(*) ;

• les équipements du panier sans reste à charge du 100 % santé dans la limite des prix maximaux fixés ;

• des frais d'optique à raison d'une fois tous les deux ans au plus369(*). La prise en charge de ces frais s'opère dans la limite370(*) d'un minimum compris entre 50 et 200 euros et d'un maximum compris entre 200 et 800 euros en fonction de la complexité des cas. La prise en charge de la monture est, elle, plafonnée à 100 euros ;

• à raison d'une fois tous les quatre ans au plus, un maximum de 1 700 euros par aide auditive incluant le tarif de responsabilité fixé ;

• les frais de soins dentaires prothétiques exposés par l'assuré en sus des tarifs de responsabilité dans la limite des honoraires de facturation.

Il ne peut en revanche pas couvrir :

• la franchise médicale et la participation forfaitaire ;

• la majoration de ticket modérateur en cas de non-respect du parcours de soins coordonnés ;

• les dépassements d'honoraires de spécialistes en cas de non-respect du parcours de soins coordonnés ;

• la majoration de ticket modérateur sur les frais de transport sanitaire en cas de refus de transport partagé non justifié par l'état de santé.

Les fédérations de complémentaires santé craignent que le contrat responsable ne devienne inabordable pour certaines populations.

La Mutualité française estime ainsi que le contrat solidaire et responsable « engendre un haut niveau de coût » et que « sa standardisation et son coût peuvent conduire à du renoncement à la complémentaire santé responsable (soit du fait de la non-soutenabilité, soit du fait de l'inadéquation du panier aux besoins ressentis) »371(*), tandis que France Assureurs juge que « le contrat responsable est progressivement devenu trop cher pour certaines populations »372(*).

Si ces craintes étaient avérées, certains assurés pourraient solliciter, auprès de leur complémentaire santé, des contrats non responsables mais moins coûteux en cotisations : de tels exemples ont été portés à la connaissance du rapporteur lors des auditions, même si aucune donnée consolidée traduisant l'étendue du phénomène n'a pu être fournie à la mission d'information. Ces assurés s'exposeraient alors à une double peine : non seulement leur nouveau contrat serait moins couvrant, mais en plus il serait moins « efficace » en ratio prestations/cotisations toutes taxes comprises, dès lors qu'ils seraient désormais redevables d'un taux de TSA de sept points plus élevé.

L'évaluation du « coût » des garanties imposées par le contrat responsable est cependant particulièrement périlleuse, étant donné qu'il est difficile d'estimer quelle politique de prestations les Ocam mèneraient si le contrat solidaire et responsable n'existait pas. Aussi la mission ne se risque-t-elle pas à une évaluation quantitative de la levée des contraintes liées au contrat responsable et solidaire.

Pour autant, certaines prises en charge obligatoires du contrat solidaire et responsable peuvent interroger.

L'exemple du remboursement des verres et des montures, à raison d'une fois tous les deux ans, est revenu au cours de nombreuses auditions pour dénoncer un panier des soins « déconnecté des besoins réels »373(*) et tirant à la hausse les dépenses de santé, à rebours des objectifs initiaux du contrat solidaire et responsable.

Selon certaines complémentaires auditionnées, il pourrait être envisagé de fixer à une fois tous les trois ans le remboursement de montures et de verres, sauf évolution de la vue, sans pour autant rogner sur la qualité de la prise en charge des patients.

En 2016, 13 % des Français équipés changeaient de lunettes tous les ans, 36 % tous les deux ans, 24 % tous les trois ans et 27 % tous les quatre ans. Sur la base de ces données et des remboursements assurés par les complémentaires santé en optique, la mission estime qu'une telle recommandation pourrait permettre de dégager des économies de l'ordre de 600 millions d'euros pour les complémentaires santé.

Une telle mesure permettrait, en outre, d'accélérer les économies en optique nécessaires à l'équilibre financier de la réforme du 100 % santé et aujourd'hui bien moins importantes qu'anticipées.

Dans le cadre du bilan du 100 % santé demandé par la mission d'information, il est impératif d'évaluer l'incidence financière de cette mesure tout en s'assurant qu'elle n'altère pas la qualité de la prise en charge des assurés.

Recommandation. - Dans le cadre du bilan du 100 % santé, évaluer l'incidence financière du remboursement des montures et des verres tous les trois ans au lieu de deux, sauf évolution de la vue.

(5) Le contrat solidaire et responsable : quel avenir ?

L'avenir du contrat solidaire et responsable a fait partie des sujets les plus régulièrement évoqués lors des auditions conduites par la mission d'information.

Alors que la philosophie initiale de responsabilisation des assurés cohabite désormais avec de nombreux autres objectifs, il n'est pas interdit de s'interroger sur la pertinence du contrat solidaire et responsable en tant qu'outil de politique publique.

De nombreux acteurs s'accordent à dire qu'il pourrait aujourd'hui être opportun « d'ouvrir une réflexion avec les OC sur le périmètre du contrat responsable »374(*), la direction de la sécurité sociale et France Assureurs en tête. La Mutualité française va plus loin et s'interroge « si le contrat responsable est toujours le bon levier/l'unique levier pour répondre aux objectifs que nous devons collectivement redéfinir »375(*).

Lors de la réunion du 24 septembre 2024, Alain Milon, président de la Mecss, s'est déclaré favorable à une intervention du législateur pour définir les contours d'un contrat de complémentaire santé « de base », que devraient proposer toutes les complémentaires santé, et en fixer le tarif.

La mission d'information souscrit à la nécessité d'une réflexion sur le contrat solidaire et responsable afin de recentrer ses objectifs de manière cohérente.

Recommandation. - Sans réduire les protections en santé, réformer le cadre du contrat solidaire et responsable afin de mieux adapter la couverture santé complémentaire aux besoins de chaque assuré.

4. La taxation : un paramètre central pour les complémentaires santé

Le niveau de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) due par les complémentaires santé explique des variations des montants des cotisations déconnectées des prestations.

a) La taxe de solidarité additionnelle : 5,5 milliards d'euros en 2022

Depuis 2016376(*), les contrats de complémentaire santé sont frappés par une taxe unique, la taxe de solidarité additionnelle (TSA) rénovée. Cette taxe, dont le produit atteint 5,5 milliards d'euros en 2022 (+ 2,2 % par rapport à 2021)377(*) au profit de la Cnam378(*), présente des taux différenciés selon que le contrat auquel elle s'applique est solidaire et responsable (13,27 %379(*)) ou non (20,27 %). Il est à noter que les contrats agricoles solidaires et responsables bénéficient d'un taux de TSA minoré de 6,7 %, dans le cadre de la politique sectorielle agricole.

Cette taxe est le produit de la fusion, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, de deux taxes préexistantes : la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) et la taxe de solidarité additionnelle (TSA).

La première, instituée en 1944, frappe proportionnellement les contrats d'assurance à un taux variant de 7 % à 33 %, en fonction de la nature du contrat et du risque indemnisé. Elle existe toujours sur les contrats d'assurance n'ayant pas pour objet la protection complémentaire en santé.

Au moment de la fusion, le taux de TSCA applicable aux contrats de complémentaire santé était de 7 % pour des contrats solidaires et responsables, et de 9 % pour les autres contrats. Cet écart de deux points a été revu à sept points concomitamment à la fusion.

La seconde, instituée en 1999, frappait l'ensemble des contrats de complémentaire santé à un taux de 6,27 % afin de financer le fonds CMU-C.

La somme des taux de ces deux taxes permet de retrouver le niveau de taxation des contrats d'assurance maladie complémentaire en vigueur en 2024.

b) Une pression fiscale sur des contrats de complémentaire santé renforcée depuis les années 2000

Depuis les années 2000, on observe un mouvement d'intensification de la pression fiscale sur les contrats de complémentaires santé.

L'ex-TSA a connu une évolution dynamique, passant de 1,75 % en 2005 à 2,5 % jusqu'en 2008, puis 5,9 % en 2009 et 2010 avant d'atteindre un niveau de 6,27 %.

En outre, pendant une période courant jusqu'à 2010, les contrats solidaires380(*) puis les contrats solidaires et responsables381(*) étaient exonérés de TSCA, tandis que les contrats non solidaires et responsables étaient frappés à un taux de 7 %.

À partir de 2011, après une période transitoire à 3,5 %, les contrats solidaires et responsables ont été frappés par une TSCA à 7 %, tandis que les contrats non solidaires et responsables ont vu leur taux de TSCA s'élever à 9 %.

La fusion de la TSCA et de la TSA sur les contrats de complémentaire santé s'est accompagnée d'une hausse du taux de TSCA sur les contrats non solidaires et responsables à 14 %, portant ainsi le taux de TSA rénovée à 20,27 % sur ces contrats, et 13,27 % sur les contrats solidaires et responsables.

Depuis 2016, la taxation sur les contrats de complémentaire santé reste constante.

Historique des taux légaux de TSA et de TSCA pour les contrats de complémentaire santé

Source : Drees

c) Une fiscalité trop lourde selon les fédérations de complémentaires santé

Les trois familles de complémentaires santé sont unanimes quant à la nécessité de revoir la charge fiscale pesant sur les complémentaires santé afin de leur permettre de dégager les marges de manoeuvre nécessaires à endiguer la hausse des cotisations.

France Assureurs réclame de « ramener à 6,27 % » le taux de TSA, ce qui équivaudrait à supprimer l'ex-part de TSCA sur les contrats de complémentaires santé, et estime qu'un tel allègement fiscal « serait plus cohérent avec les niveaux de taxation des complémentaires santé observés à l'étranger qui sont bien inférieurs »382(*), comme « 2,5 % en Italie », par exemple. De son côté, la Mutualité française fait valoir que l'attribution à la Cnam des produits de l'ex-part de TSCA « revient à ce que le bénéficiaire d'un contrat contribue deux fois au financement de la sécurité sociale : via ses cotisations sociales et via la TSA sur son contrat de complémentaire santé »383(*).

La part de TSA de 6,27 % visant historiquement à financer le fonds CMU et désormais destinée à la Cnam au titre de la complémentaire santé solidaire est également sous le feu des critiques. France Assureurs s'interroge ainsi sur la pertinence de l'utilisation d'une fiscalité proportionnelle pour asseoir un mécanisme de solidarité, sans toutefois préciser quel système leur semblerait préférable.

En tout état de cause, le CTIP est d'avis qu' « il faut alléger la fiscalité sur les contrats »384(*).

Pour la direction de la sécurité sociale, abaisser le niveau de taxation sur les complémentaires santé « reviendrait à affaiblir les recettes de la branche maladie dont le déficit attendu en 2024 pourrait être de 8,5 milliards d'euros et de 9 milliards d'euros en 2027 »385(*). La mission souligne également le caractère incertain des répercussions d'allègements fiscaux sur les tarifs des complémentaires santé.

5. Un contexte économique et financier qui suppose de répercuter la hausse des coûts sur les cotisations

Tant les caractéristiques du marché des complémentaires santé que les règles prudentielles qui s'imposent aux Ocam font des cotisations, dans un cadre contraint où les marges de manoeuvre sont très restreintes, la variable d'ajustement des organismes face aux hausses de coûts auxquelles les organismes sont confrontés.

a) Le marché de la complémentaire santé : un marché structurellement peu lucratif
(1) Des résultats techniques faibles, voire négatifs en santé

Le marché de la complémentaire santé est particulièrement peu lucratif par rapport aux autres marchés de l'assurance.

Alors que les ratios combinés typiques en assurance sont de l'ordre de 70 % à 80 %, ceux sur l'activité santé atteignent 99,9 %, ce qui pousse l'entité chargée de contrôler le respect par les organismes bancaires et assurantiels de leurs obligations prudentielles, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), à évoquer des marges en santé « très étroites par rapport aux autres champs d'activité »386(*).

Le ratio combiné et le ratio sinistres/primes

Le ratio combiné et le ratio sinistres/primes sont les ratios de gestion les plus couramment utilisés par les assureurs pour mesurer l'équilibre économique de leur activité.

Ils se différencient par leur numérateur : le ratio combiné se définit comme la somme du ratio sinistres/primes et du ratio charges de gestion/primes. Le premier ne mesure que « l'impact de la sinistralité »387(*), tandis que le second est, en un certain sens, assimilable à un résultat d'exploitation.

Un ratio inférieur à 100 signifie une activité dégageant des résultats excédentaires, tandis qu'un ratio supérieur à 100 indique un déficit d'exploitation.

Le résultat technique des activités d'assurance en santé est donc quasiment nul - il s'établit à 0,1 % du montant des cotisations en 2022.

Il est toutefois différencié entre des contrats individuels globalement excédentaires (4,1 %), et des contrats collectifs globalement déficitaires (- 3,9 %).

Cette tendance, inscrite dans la durée, résulte de la combinaison de plusieurs facteurs :

- pour un organisme, parvenir à sécuriser un contrat collectif permet d'acquérir d'un coup une grande quantité de clients et garantit un gain en chiffre d'affaires conséquent ;

- les contrats collectifs sont plus attractifs pour les complémentaires santé que les contrats individuels : ils sont plus stables et plus simples à gérer, ce qui explique à la fois un pouvoir de négociation plus important pour les souscripteurs et une concurrence accrue entre organismes, ce qui pousse les cotisations à la baisse ;

- selon l'ACPR, « l'accroissement de la concurrence lié à l'ANI de 2013 a certainement poussé certains acteurs à offrir des tarifications agressives pour les contrats collectifs, que ce soit dans une stratégie de gains de parts de marché (pour les organismes du code des assurances) ou de défense de ces parts de marché (pour ceux relevant des codes de la mutualité ou de la sécurité sociale) »388(*).

Cet état de fait pourrait laisser penser que les pertes sur les contrats collectifs sont compensées par les gains sur les contrats individuels - en un certain sens, par leur cotisation, les assurés en individuel subventionneraient les assurés en collectif.

Une telle logique d'équilibrage peut, il est vrai, exister dans certaines complémentaires santé, notamment celles qui connaissent une répartition à peu près équitable entre contrats individuels et collectifs.

Toutefois, à grande échelle, cette logique « ne peut exister car le mix collectif/individuel n'est pas le même selon d'une part les organismes des trois codes et au sein d'un même code entre les organismes », selon l'ACPR389(*). Il est par exemple impossible pour les institutions de prévoyance, dont 88 % des cotisations proviennent du collectif, d'équilibrer leur résultat technique en surfacturant les contrats individuels.

Résultats techniques des activités d'assurance en santé
par type de contrats

Source : Drees

Le résultat technique moyen varie également en fonction de la famille de complémentaire santé :

- les entreprises d'assurance ont un résultat technique moyen légèrement positif, qui l'est toujours resté depuis 2011 (1,5 %) en 2022 ;

- les mutuelles sont à l'équilibre technique ;

- le résultat technique des institutions de prévoyance est structurellement négatif sur leur activité santé (- 2,7 % en 2022) - ce qui n'est pas sans lien avec leur activité tournée presqu'exclusivement sur les contrats collectifs, en moyenne déficitaires.

Résultats techniques par famille de complémentaire santé

Source : Drees

(2) Un défaut de rentabilité structurel compensé de différentes manières en fonction des familles

Le défaut de rentabilité sur les activités de complémentaire santé est lié aux caractéristiques très spécifiques de ce marché, partagé entre organismes à but lucratif et organismes sans but lucratif. Les mutuelles et les institutions de prévoyance, à but non lucratif, représentant 64 % du marché en 2022 - leur présence tire structurellement les prix vers le bas, dès lors que ces organismes peuvent se permettre de dégager sur le long terme des résultats faiblement positifs, permettant la croissance de leur activité et les investissements nécessaires.

Face à ce défaut de rentabilité dans l'exploitation, les complémentaires santé adoptent plusieurs stratégies afin de dégager un résultat net positif.

La Drees indique ainsi que « les excédents ou déficits d'un organisme sur son activité d'assurance santé peuvent être compensés par les résultats de ses autres activités d'assurance et les résultats de placements financiers »390(*). Ces stratégies portent leurs fruits : les résultats nets en 2022 ont été positifs pour l'ensemble des familles, de 0,4 % des cotisations pour les mutuelles, 2 % pour les institutions de prévoyance et 4,1 % pour les entreprises d'assurance.

Les activités des mutuelles et institutions de prévoyance sur les marchés financiers ont ainsi dégagé 102 millions d'euros en 2022, améliorant ainsi le résultat technique en santé. Ce résultat est, dans certains cas, au coeur du modèle d'affaires : auditionné par la mission, le directeur général de Malakoff Humanis indique que le groupe « maint[ient] [son] équilibre grâce aux produits financiers, dont une partie sert à « éponger » les pertes techniques tandis qu'une autre partie est redistribuée aux clients, le reste constituant le résultat du groupe, à hauteur de 183 millions d'euros »391(*).

Les données de la Drees indiquent également que les activités assurantielles hors du champ de la santé sont les garantes de la bonne tenue financière de ces organismes, notamment sur les activités d'assurance vie (5,9 milliards d'euros de résultat positif pour les organismes proposant une assurance en santé en 2022).

Le cas des institutions de prévoyance est à cet égard remarquable. Alors que leur activité en santé, concentrée sur des contrats collectifs en moyenne déficitaire, a dégagé 193 millions d'euros de résultat technique négatif en 2022, des résultats d'exploitation sur les autres champs - notamment sur la prévoyance - ont engendré 407 millions d'euros de profit en 2022, auxquels s'ajoutent près de 100 millions d'euros de résultats financiers favorables pour dégager un résultat net agrégé positif de 311 millions d'euros.

Résultat technique et résultat net total des organismes actifs en santé en 2022

Source : Drees

Ainsi, l'incitation à gagner des parts sur le marché de la complémentaire santé n'est pas véritablement le gain financier direct qui en découlerait, mais plutôt :

- le bénéfice d'une base d'assurés plus étendue pour que s'applique une meilleure mutualisation des prestations et diminuer les risques. Cet objectif est particulièrement important pour les mutuelles et les institutions de prévoyance, dont l'activité en santé occupe une part significative dans l'activité globale ;

- la réalisation des gains financiers indirects via la vente croisée. Par leur champ d'activité étendu, les compagnies d'assurance sont les plus concernées : elles utilisent leur clientèle en santé comme un levier pour proposer en complément d'autres prestations sur des secteurs plus lucratifs. Cette offre est appréciée par certains clients qui trouvent davantage de simplicité et de fluidité à recourir à un même assureur pour leur complémentaire santé, leur automobile et leur habitation, par exemple. Les institutions de prévoyance poursuivent une logique similaire en visant à couvrir les entreprises par des contrats collectifs en santé et en prévoyance. La logique de vente croisée est moins prégnante pour les mutuelles, dont le portefeuille d'activités est restreint.

b) Un encadrement prudentiel ne permettant pas aux complémentaires santé de s'endetter durablement

L'activité des complémentaires santé est encadrée par des normes prudentielles, visant à garantir la stabilité financière des organismes assureurs et leur capacité à honorer les prestations à leur charge.

Les grandes lignes de cet encadrement sont définies à l'échelle européenne selon un cadre commun à l'ensemble des activités d'assurance, défini par la directive Solvabilité II392(*), transposée en droit national depuis 2015393(*). L'Autorité du contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) confirme qu'« il n'y a pas de spécificités applicables aux assureurs exerçant dans les branches 1 et 2 (santé et prévoyance), la règlementation est la même que pour les autres assureurs. Il en allait de même sous la précédente directive »394(*).

Il s'applique à l'ensemble des familles de complémentaire santé : mutuelles du code de la mutualité, entreprises d'assurance du code des assurances et institutions de prévoyance du code de la sécurité sociale. L'ACPR, en charge de contrôler le respect des normes prudentielles bancaires et assurantielles, indique que seuls « sont exemptés les organismes réalisant moins de 5 millions d'euros de primes annuelles395(*) » et dont le total des provisions techniques est inférieur à 25 millions d'euros, représentant un « poids économique marginal »396(*). La révision en cours de la directive pourrait porter le seuil d'exemption à 15 millions d'euros de primes annuelles et 50 millions de provisions techniques. Le régime Solvabilité I s'applique aux organismes ne satisfaisant pas aux conditions du régime Solvabilité II.

Dans le sillage du renforcement des normes prudentielles bancaires par la réforme Bâle 2397(*) entrée en vigueur en 2008, ce cadre prudentiel est entré en application le 1er janvier 2016, en remplacement du cadre préexistant, moins exigeant et décrié pour son caractère simpliste - le précédent cadre ne prenait pas en compte la diversité des risques portés par les entreprises d'assurance, était insuffisamment harmonisé à l'échelle européenne et mal adapté aux groupements d'assureurs.

L'objectif de Solvabilité II est donc de renforcer l'intégration du marché européen de l'assurance et de promouvoir une réglementation plus adaptée à la réalité des marchés, des structures capitalistiques et des risques encourus.

(1) La directive Solvabilité II impose aux complémentaires santé de dépasser certains planchers de fonds propres

En vertu de la directive Solvabilité II, la situation financière des complémentaires santé est encadrée, ces dernières étant tenues de respecter deux exigences de capital :

- le minimum de solvabilité requis (SCR) ;

- et le minimum de capital requis (MCR) .

France Assureurs indique que ces règles « contraignent notamment [les complémentaires santé] à mettre en adéquation leur niveau de fonds propres avec les différents risques auxquels elles sont confrontées comme par exemple le risque opérationnel (conséquences de défaillances ou de négligences au sein de l'organisme, de fraudes de la part des assurés), le risque du marché (perte de valeur des actions détenues) [ou] le risque de concentration (faillite d'un émetteur qui détient beaucoup d'actifs dans le portefeuille d'un organisme) »398(*).

· Le SCR correspond au capital économique dont a besoin une entreprise d'assurance pour limiter la probabilité de ruine à 0,5 %399(*). Il doit être déterminé annuellement et contrôlé en continu en fonction du risque réel de l'entreprise, en évaluant toutes les pertes potentielles sur les douze mois à venir.

Cela se traduit par une contrainte de fonds propres sur les complémentaires santé : l'article 100 de la directive Solvabilité II prévoit ainsi que « les États membres exigent que les entreprises d'assurance et de réassurance détiennent des fonds propres éligibles couvrant le capital de solvabilité requis ».

Tous les fonds propres ne sont pas éligibles : le SCR doit être couvert au moins au tiers par des fonds propres de niveau 1, c'est-à-dire de la meilleure qualité, et au plus au tiers par des fonds propres de niveau 3, qui constituent les fonds de la moins bonne qualité.

· Le MCR est défini par l'ACPR comme « le montant minimal de capital pour exercer une activité d'assureur. Il a un seuil plancher absolu qui dépend du type de garanties proposées par un organisme et une formule qui dépend notamment des primes collectées et des provisions techniques de l'assureur, et dont le résultat est encadré par un corridor »400(*). Si le niveau de fonds propres est inférieur au MCR, les intérêts des assurés sont menacés de manière suffisamment directe en cas de poursuite de l'activité pour justifier le retrait de l'agrément par l'ACPR.

Là encore, aux termes de l'article 128 de la directive Solvabilité II, « les États membres exigent que les entreprises d'assurance et de réassurance détiennent des fonds propres de base éligibles couvrant le minimum de capital requis ». Le MCR doit être couvert au minimum par 80 % de fonds propres de niveau 1, et les fonds propres de niveau 3 ne sont pas autorisés.

Le respect de ces minima est obligatoire et surveillé par l'ACPR, qui vérifie également la conformité de leur calcul.

Les trois piliers de Solvabilité II

La directive Solvabilité II repose sur trois piliers :

• les exigences quantitatives : elles définissent les règles de valorisation des actifs et des passifs, ainsi que les exigences de capital et leur mode de calcul. C'est ce pilier qui prévoit le minimum de capital requis (MCR) et le capital de solvabilité requis (SCR) ;

• les exigences qualitatives : il s'agit d'obligations portant sur les processus internes d'évaluation des risques et visant « la mise en place d'un système de gouvernance efficace dont le but est de garantir une gestion saine et prudente de l'activité »401(*).

? Aux termes de l'article R. 354-3 du code des assurances, les assureurs doivent mettre en oeuvre un processus interne d'évaluation des risques et de la solvabilité appelé Orsa (Own risk and solvency assessment). Ce document, qui évalue le besoin global de solvabilité, le respect des obligations quantitatives réglementaires et la conformité au réel des hypothèses sur lesquelles repose l'évaluation des risques, est à remettre annuellement à l'ACPR.

? La gouvernance doit être proportionnée à celle de l'organisme et reposer sur une répartition des tâches claires et une séparation des responsabilités. Il est proscrit, pour l'organisme, de n'avoir qu'un dirigeant effectif (principe « des quatre yeux ») et les responsables de quatre fonctions-clés doivent être séparés.

Répartition des rôles entre les quatre fonctions-clés

Source : ACPR

• l'information à destination du public et du superviseur : ce pilier fait obligation aux organismes assureurs de mettre en oeuvre un « reporting » harmonisé et rendu au superviseur trimestriellement ou annuellement, selon les catégories d'information.

(2) Des exigences prudentielles satisfaites par la grande majorité des complémentaires santé

Selon les données de l'ACPR et de la Drees, les règles prudentielles fixées par Solvabilité II sont respectées par les organismes complémentaires avec une marge de manoeuvre confortable.

Il est à noter que les taux de couverture du SCR et du MCR sont calculés à l'échelle de chaque organisme assureur. Ainsi, pour les plus grosses entreprises d'assurance, dont l'activité de complémentaire santé ne représente qu'une part marginale des cotisations et des prestations402(*), le niveau et l'évolution de ces ratios sont largement indépendants de la situation financière du marché de la complémentaire santé.

Au total, selon la Drees403(*), le taux de couverture du SCR atteint 234 % sur les organismes exerçant une activité en santé et soumis à Solvabilité II.

« Parmi les organismes d'assurance exerçant une activité santé, le taux de couverture moyen du [SCR] des organismes régis par le code de la mutualité était de 270 % en 2022, celui des organismes d'assurance régis par le code de la sécurité sociale de 246 %, et celui des organismes régis par le code des assurances de 238 %. Ainsi, le taux de couverture moyen du [SCR] est bien supérieur à l'exigence de 100 % pour toutes les catégories d'organismes d'assurance exerçant une activité santé, ce qui n'exclut pas des situations individuelles plus dégradées. »404(*)

Ces situations dégradées concernent « quelques exceptions, des acteurs généralement petits ». Le taux de couverture moyen du SCR de 234 %, porté par certaines complémentaires disposant de garanties financières conséquentes, ne doit toutefois pas masquer que plus de 20 % des mutuelles, 30 % des institutions de prévoyance et 40 % des entreprises d'assurance ont un SCR inférieur à 200 %, ce qui indique des marges de manoeuvre limitées.

Distribution de la couverture du SCR en 2022

Source : Drees

En outre, les trois familles respectent les exigences de qualité portant sur les fonds propres admissibles : les fonds propres de niveau 1 couvrent 92 % du SCR, et les fonds propres de niveau 3 seulement 1 %.

Les mêmes constats s'appliquent, avec encore davantage de marges de manoeuvre, à la couverture du MCR. Le taux de couverture moyen s'élève à 569 % en 2022 selon la Drees, avec des différences sensibles entre les trois familles. À la fin de 2022, plus de 60 % des organismes disposeraient d'un taux de couverture du MCR de plus de 500 %, et aucun ne couvrirait insuffisamment le MCR.

Distribution de la couverture du MCR en 2022

Source : Drees

Comme pour le SCR, la couverture du MCR repose à 98 % sur des fonds propres de niveau 1, excédant ainsi l'exigence réglementaire fixée à 90 %.

Couverture moyenne du MCR en 2022 et qualité des fonds propres

Source : Drees

(3) Une diminution des ratios de capital et de solvabilité des mutuelles traduisant l'équilibre fragile du secteur

Les organismes ayant une activité de complémentaire santé satisfont donc, dans leur majorité, largement aux exigences prudentielles qui s'imposent à elles.

Depuis 2016, le taux de couverture moyen des ratios prudentiels sur le champ de l'ensemble des organismes ayant une activité en complémentaire santé est en augmentation. Sur la période 2016-2022, le taux de couverture moyen est passé de 215 % à 234 % pour le SCR et d'environ 490 % à 569 % pour le MCR.

Il serait toutefois inexact d'en tirer des conclusions sur l'évolution de la dynamique financière du secteur de la complémentaire santé. La hausse des taux de couverture moyens est en effet « essentiellement tiré[e] par ceux des entreprises d'assurance, dont le bilan est nettement supérieur à celui des mutuelles et des institutions de prévoyance »405(*). Or, l'ACPR affirme qu'« à l'exception des mutuelles du Livre II du code la mutualité qui sont très mono-métier, les autres assureurs exercent d'autres activités qui ne rendent pas discernables les effets de la santé sur les ratios de solvabilité »406(*).

L'évolution des ratios pour les mutuelles du code de la mutualité donne donc en un certain sens des informations plus fiables sur l'évolution de la situation financière du secteur de la complémentaire santé.

Sur ce champ, la trajectoire des taux de couverture moyen du SCR et du MCR depuis 2016 indique une fragilisation progressive de la situation financière des mutuelles.

Ainsi, le taux de couverture moyenne du SCR pour les mutuelles a diminué de 26 points en six ans, passant de 289 % à 263 %, tandis que le taux de couverture moyenne du MCR, qui excédait 1 000 % en 2016, est tombé à 951 %. Cette dynamique est d'autant plus préoccupante que, sur la période, le mouvement de concentration du secteur s'est poursuivi.

Évolution des taux de couverture du SCR (haut) et du MCR (bas)
depuis 2016

Source : Drees

Compte tenu des marges de manoeuvre certaines sur les seuils prudentiels dont disposent les complémentaires santé, et singulièrement les mutuelles, la diminution des ratios de capital et de solvabilité n'apparaît pas, à ce stade, immédiatement préoccupante.

Toutefois, elle souligne la fragilisation de la situation financière des organismes dont l'activité est centrée sur la santé du fait d'une activité insuffisamment rentable.

(4) Des règles prudentielles proscrivant les déficits durables

Contrairement à l'assurance maladie obligatoire, qui peut faire reposer son financement sur l'endettement, les complémentaires santé « ne peuvent pas soutenir indéfiniment une activité déficitaire »407(*) du fait des exigences en capitaux propres qui s'appliquent à elles : les Ocam doivent financer leur activité par des résultats à l'équilibre ou positifs.

S'il peut naturellement arriver aux complémentaires santé de connaître un exercice déficitaire lorsque l'activité a été plus défavorable que ce que laissaient entrevoir les prévisions, la répétition des déficits sur plusieurs années consécutives pourrait conduire à une violation des obligations prudentielles.

Ainsi, les conséquences d'un déficit sur la politique tarifaire des organismes complémentaires varient selon que ses causes sont structurelles ou conjoncturelles.

Si le déficit n'a pas vocation à se reproduire les années suivantes, par exemple du fait d'un événement isolé qui aurait tiré les prestations à la hausse, les complémentaires peuvent choisir de prendre sur leurs fonds propres les pertes réalisées et d'entamer une partie de leur marge de manoeuvre sur les minima prudentiels.

En revanche, si les causes du déficit ont vocation à perdurer, il appartient aux complémentaires santé de prendre les mesures qui s'imposent en charges ou en produits afin de corriger la trajectoire financière pour les exercices suivants.

c) La nécessité pour les complémentaires santé de répercuter une part importante des hausses de leurs dépenses en santé sur les cotisations

Comme exposé précédemment, les causes de la hausse des charges des complémentaires santé s'inscrivent, pour nombre d'entre elles (transferts définitifs de charges, revalorisations conventionnelles et tarifaires, hausse tendancielle de la consommation de soins), dans la durée.

Dès lors, bien que la majorité des complémentaires santé satisfont aux exigences prudentielles avec un certaine marge de manoeuvre, l'ACPR estime que « les organismes doivent ajuster leurs tarifs et leurs dépenses dès lors que la tendance lourde de la sinistralité est en hausse, ce qui est le cas »408(*), ce qui suppose d'augmenter les cotisations ou de diminuer leurs dépenses.

Pour celles des complémentaires disposant de fonds propres confortables, la hausse des cotisations réclamées en 2024 aurait donc pu être retardée, mais pas indéfiniment : compte tenu du caractère structurel des tensions haussières sur les coûts des complémentaires, cette hausse aurait été inévitable à terme. Une telle décision aurait également fragilisé la situation financière et prudentielle des organismes concernés.

En somme :

· l'activité de complémentaire santé est structurellement peu profitable, avec des résultats techniques proches de l'équilibre. Les résultats en santé ne permettent d'ores et déjà pas aux complémentaires santé de financer les investissements à réaliser - elles se reposent pour cela sur les excédents techniques hors santé et les résultats financiers. Déconnecter les cotisations des prestations afin de limiter la hausse des cotisations pour les adhérents contribuerait à faire de la complémentaire santé un secteur structurellement déficitaire et subventionné par d'autres activités, ce qui n'est économiquement pas viable ;

· les complémentaires santé disposent de réserves financières en fonds propres excédant confortablement les obligations prudentielles en vigueur. Toutefois, il n'est pas opportun de puiser durablement dans ces réserves pour financer des déficits d'exploitation liés à des hausses structurelles de dépenses, comme c'est le cas aujourd'hui. Une telle solution palliative fragiliserait la stabilité financière du système.

B. DES ARGUMENTS À RELATIVISER POUR JUSTIFIER LES HAUSSES DE COTISATIONS

Les raisons alléguées par les complémentaires santé pour justifier les fortes hausses de cotisations constatées depuis 2023 ne suffisent pas à les expliquer en intégralité : outre que celles-ci sont disproportionnées par rapport à l'évolution des dépenses des complémentaires santé, le niveau élevé des frais de gestion des Ocam interroge, de même que les conséquences inflationnistes d'une stratégie consistant, à des fins commerciales, à prendre en charge des pratiques thérapeutiques coûteuses situées à la périphérie des soins.

1. Des hausses de cotisations dont l'ampleur interroge

Si la corrélation entre l'augmentation des cotisations et celle des prestations est compréhensible, l'ampleur des augmentations de 2023-2024 paraît disproportionnée.

a) Un lien confirmé entre l'évolution des cotisations et celle des prestations

Sur une longue période, on observe une forte corrélation entre le niveau des prestations et le niveau des cotisations, preuve que les premières sont les principales déterminantes des secondes. Ainsi, en base 100 en 2013, les prestations étaient de 116,37 et les cotisations de 117,01 en 2022.

Comparaison de l'évolution des prestations, des cotisations et de la CSBM
en base 100 en 2013

Source : Mission d'information

Après une période de creusement marquée par des cotisations plus dynamiques que les prestations, qui a culminé en 2020 avec un écart de 4,6 points409(*), l'écart s'est tari en 2021 et en 2022, témoin d'une hausse des cotisations modérée par rapport à des prestations portées par le 100 % santé et la reprise après covid (+ 6,1 % en 2021, + 3,8 % en 2022).

Sur une année donnée, les prestations et les cotisations peuvent évoluer de façon hétérogène mais sur la durée, on voit donc que les trajectoires des prestations et des cotisations sont très similaires.

D'autres facteurs s'adjoignent aux prestations pour expliquer le niveau des cotisations. Il s'agit notamment du niveau des frais de gestion, qui sera étudié plus précisément dans la suite de ce rapport. Leur évolution a provoqué un renchérissement des contrats de complémentaire santé. Le résultat technique des organismes en santé et ses variations peuvent également expliquer pourquoi les augmentations de cotisations et de prestations ont suivi un rythme légèrement différent.

L'écart entre l'évolution de la CSBM et les prestations versées par les complémentaires, qui atteint 10 points en 2022410(*), s'explique par l'intensification de l'effort de l'AMO dans le financement des dépenses de santé, notamment du fait de sa spécialisation dans le risque lourd et la prise en charge des ALD411(*).

b) Une déconnexion entre les hausses de cotisations et de prestations en 2023 et en 2024 ?

La direction de la sécurité sociale et la Cnam ont « essayé d'estimer la hausse des prestations des complémentaires santé en 2023 et en 2024, sur la base des données dont nous disposons pour le suivi de l'Ondam »412(*) afin de la confronter aux données de hausses de cotisations fournies par les fédérations de complémentaires santé, la Drees ne disposant pas encore de données stabilisées sur ces exercices.

Tout en précisant qu'il ne s'agit que d'une évaluation incertaine, le directeur de la sécurité sociale en a détaillé les résultats lors de son audition :

« Pour 2023, nous estimons la hausse des dépenses des complémentaires à environ 4,5 % sur les prestations et, pour 2024, à un peu plus de 5 %. Cette hausse est plus élevée que les années précédentes, du fait de nouvelles dépenses en lien avec l'inflation et la dynamique de certaines dépenses. Elle reste cependant inférieure à ce que les complémentaires annonçaient en fin d'année 2023 : certaines familles de complémentaires santé annonçaient pour l'année 2023 une progression autour de 6 %, ce que nous n'avons jamais compris. Elles expliquaient que cette hausse n'avait pas été anticipée en 2023 et devait être rattrapée en 2024.

Ensuite, le chiffre de 2024 a également fait l'objet de discussions. Les hausses de tarifs annoncées par les complémentaires ont parfois avoisiné 8 %, 10 %, voire 12 % dans certains cas, ce qui n'est pas compréhensible. [Alors] ministre de la santé, Aurélien Rousseau a indiqué en décembre aux complémentaires que l'estimation de la direction de la sécurité sociale correspondait à une hausse des dépenses autour de 5 %, qui peut expliquer des hausses de tarifs moyens entre 5 % et 7 %. Entre la hausse des dépenses et la hausse des tarifs, deux points supplémentaires peuvent être envisagés, en raison de l'effet de noria. La dépense moyenne des complémentaires augmente de 5 %, mais les dépenses individuelles peuvent augmenter plus vite. Techniquement, il nous semblait qu'une hausse moyenne comprise entre 5 % et 7 % pouvait s'expliquer. »

Selon les portefeuilles de chaque complémentaire santé, les hausses pourraient être plus ou moins élevées.

En tout état de cause, la direction de la sécurité sociale conclut qu'« il ne paraît pas possible d'imputer des hausses au-delà de 8, 9, 10, parfois 12 % aux décisions du Gouvernement »413(*).

Les fédérations de complémentaires santé contestent ce chiffrage. Dans un document transmis à la mission, France Assureurs décompose les 8,4 % de hausse moyenne de cotisations attendues en 2024 en trois blocs : l'Ondam voté, la dérive moyenne de l'Ondam et les mesures nouvelles.

Décomposition de l'augmentation des cotisations santé pour 2024
selon France Assureurs

Source : France Assureurs

Toutefois, la mission exprime d'importantes réserves quant à la méthode employée. Elle note en effet de probables doubles comptages de dépenses. En effet, l'Ondam voté pour 2024, à 3,2 %, intègre déjà les mesures nouvelles pour 2024. En effet, l'Ondam pour l'année n+1 est déterminé comme la somme entre les dépenses de l'année n, l'évolution spontanée des dépenses, dite tendancielle, et les mesures nouvelles en dépenses et en économies.

Or les mesures nouvelles en dépenses sont prises en compte à nouveau par France Assureurs, en utilisant une méthode de calcul différente : il semble donc qu'elles soient comptées deux fois.

Malgré le caractère incertain de la plupart des données, la mission d'information propose, pour déterminer la hausse attendue du niveau des cotisations en 2024, de séparer les causes d'évolution liées à l'Ondam, le dérapage moyen de l'Ondam et les mesures nouvelles susceptibles d'avoir un impact financier sur les complémentaires.

· Les causes d'évolution des dépenses liées à l'Ondam sont composées de la hausse tendancielle des dépenses pour 2024, comprise entre 2,8 et 3,2 points selon qu'on affecte ou non l'impact de l'inflation, et les mesures de régulation et d'économies, jouant pour 1,4 point. La résultante en est un écart positif de 1,4 à 1,8 point. Ce calcul exclut les mesures nouvelles prises en compte dans la détermination de l'Ondam.

Cette méthode n'est pas optimale : l'Ondam retrace les dépenses de l'assurance maladie obligatoire, et certaines évolutions - qu'elles figurent dans le tendanciel ou dans les mesures nouvelles d'économies - ne touchent pas de la même manière l'AMO et l'AMC. Elle constitue toutefois une approximation que les complémentaires utilisent elles-mêmes, faute de données plus précises.

La mission d'information souhaite donc que l'impact des évolutions de l'Ondam sur le niveau des charges des complémentaires santé soit mieux documenté. Elle estime que cette précision doit faire l'objet, chaque année, d'une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Recommandation. - Préciser, dans une annexe au PLFSS, les impacts attendus des évolutions de l'Ondam sur le niveau des prestations servies par les organismes complémentaires.

· France Assureurs indique ajouter au facteur d'évolution spontanée de l'Ondam une compensation au titre de la dérive attendue de l'Ondam. De son côté, la commission des affaires sociales du Sénat a ainsi estimé que l'Ondam pour 2024 reposait sur des hypothèses très optimistes, voire « insincères »414(*). 1,1 point, correspondant à l'écart entre l'Ondam hors crise voté en 2023 (3,7 %) et l'estimation de l'Ondam hors crise réalisé en 2023 par le comité d'alerte (4,8 %) sont affectés pour tenir compte de cet écart probable.

· Pour valoriser le coût des mesures nouvelles dépensières s'imposant aux Ocam, la mission d'information s'est servie des données qui lui ont été transmises et de ses propres calculs, exposés dans ce rapport. Ces données retracent spécifiquement l'effet des dépenses nouvelles sur les complémentaires santé.

Les dépenses nouvelles pour les Ocam retracées par la mission découlent des tarifs hospitaliers, des revalorisations conventionnelles des professionnels médicaux et paramédicaux et du transfert de charges vers l'AMC sur les soins dentaires. La compilation de ces données donne, en fonction des sources, une fourchette large : entre 645 millions d'euros et 1,25 milliard d'euros, avec un scénario médian autour de 1,03 milliard d'euros. Par rapport aux prestations versées par les Ocam en 2023415(*), cela représente une hausse minimale de 1,9 point, et une hausse maximale de 3,6 points. Le scénario médian fait apparaître une hausse de 2,7 points.

Impact estimé des mesures nouvelles sur les prestations
des complémentaires santé en 2024

Mesures nouvelles

Chiffrage
bas

Chiffrage médian

Chiffrage haut

Mesures conventionnelles

195 M€

390 M€

550 M€

dont médecins

82 M€

170 M€

200 M€

dont chirurgiens-dentistes

113 M€

220 M€

230 M€

dont autres professionnels

· · 120 M€

Revalorisation des tarifs hospitaliers

100 M€

150 M€

200 M€

Transfert de charges des soins dentaires

350 M€

394 M€

500 M€

Total mesures nouvelles dépensières pour 2024

645 M€

934 M€

1 250 M€

En % des cotisations

1,9 %

2,7 %

3,6 %

Source : Mission d'information, calcul sur la base de données de la Drees et des contributions écrites transmises à la mission, notamment celles des fédérations de complémentaires santé

Ces chiffres n'intègrent que les mesures nouvelles en dépenses. Moins scrutées, les mesures nouvelles d'économies et de régulation affectant les complémentaires santé, que les pouvoirs publics s'efforcent d'inscrire dans la loi ou dans les conventions, ne font pas l'objet d'un chiffrage spécifique. L'effet de ces mesures est donc intégré dans la composante « Ondam » de la décomposition présentée supra - ce qui revient à faire l'hypothèse forte que les économies générées affectent les Ocam et l'AMO selon les mêmes proportions.

La mission peut donc expliquer, à l'aune des évolutions tendancielles et des mesures d'économies prévues dans l'Ondam et des dépenses nouvelles pour les complémentaires santé - et en prenant en compte le probable dépassement de l'Ondam en 2024, une hausse des tarifs de complémentaires santé pouvant aller de 4,5 % à 6,5 %, avec un scénario médian à 5,4 %416(*).

Décomposition de la hausse attendue des prestations de complémentaires santé en 2024

Facteurs

Chiffrage bas

Chiffrage médian

Chiffrage haut

Évolution spontanée de l'Ondam

1,4%

1,6%

1,8%

Dérive attendue de l'Ondam

1,1%

Mesures nouvelles pour les complémentaires santé

1,9%

2,7%

3,6%

Total

4,4%

5,4%

6,5%

Source : Mission d'information, calcul sur la base de données de la Drees et des contributions écrites

Ces montants sont nettement inférieurs à ceux communiqués par les complémentaires santé. Une partie de l'écart est explicable du fait d'un possible effet de rattrapage lié à l'insuffisante prise en compte des mesures dépensières pour 2023 et à une sous-tarification des cotisations pour cette année-là.

Toutefois, il reste probable que l'augmentation des tarifs des complémentaires santé en 2024 excède l'évolution des prestations à leur charge.

2. Une affirmation du rôle de la sécurité sociale dans la prise en charge de la dépense de santé qui relativise le poids des transferts de charges de l'AMO vers l'AMC

Les transferts de charges à l'AMC ne font que compenser partiellement la déformation de la structure des dépenses de santé vers l'AMO, qu'il s'agisse de la maternité ou des affections de longue durée : ils ne sauraient donc être tenus seuls responsables de l'augmentation des tarifs des complémentaires santé.

a) Des régimes de prise en charge dérogatoire du droit commun pour la maternité et les affections longue durée, dont les dépenses sont particulièrement dynamiques

Certaines situations, pour la plupart mentionnées à l'article L. 160-14 du code de la sécurité sociale, bénéficient d'une prise en charge dérogatoire du droit commun par l'assurance maladie, caractérisée par la suppression du ticket modérateur à la charge de l'assuré ou de sa complémentaire santé.

La prise en charge par l'assurance maladie obligatoire à hauteur de 100 % des tarifs de la sécurité sociale concerne notamment certaines catégories :

d'assurés : femmes enceintes417(*) et bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) au titre d'un avantage vieillesse, les titulaires d'une pension d'invalidité ou d'une rente AT-MP au-delà d'un taux de 66 % d'incapacité permanente ;

d'affections : c'est, entre autres situations, le cas pour les soins liés à une affection de longue durée (ALD) exonérante, à un accident du travail ou une maladie professionnelle ;

d'actes et de produits : certains actes de prévention, de vaccination ou de dépistage, contraceptifs destinés aux moins de 26 ans, frais liés à la contraception hormonale d'urgence ou à une interruption volontaire de grossesse.

Il s'agit là soit de mécanismes incitatifs permettant de s'assurer de l'accessibilité de tous à certains produits ou actes (prévention, contraception), soit d'une prise en charge du risque lourd par l'assurance maladie obligatoire.

Lors de son audition par la mission d'information, le directeur général de la Cnam avait justifié ce système, insistant sur le fait que « la couverture complémentaire est l'une des composantes de la couverture des assurés, mais [que] dans cette répartition, c'est bien l'AMO qui porte le risque le plus lourd, au travers du système des affections de longue durée, des médicaments pris en charge à 100 %, etc. Cette répartition est fondée sur une logique très pertinente dans la mesure où le montant des cotisations à l'AMO ne dépend pas de votre âge, ni de votre risque »418(*).

Pour l'ensemble de ces cas, la prise en charge par la sécurité sociale s'établit à 100 % de la base de remboursement. Les complémentaires des assurés concernés n'ont donc pas à intervenir pour financer la part du ticket modérateur qui leur revient en temps normal.

Cela n'induit pas pour autant que recourir à une complémentaire santé soit superflu pour les assurés concernés, qui peuvent être tentés, pour des motifs d'économie, de résilier leur complémentaire santé dès lors qu'ils sont couverts à 100 % au titre d'une ALD, comme cela a été indiqué plus haut à propos des alertes exprimées par la Ligue contre le cancer.

Dans certains cas, le champ de l'exonération de ticket modérateur est restreint - la complémentaire santé d'un assuré en ALD est ainsi impliquée dans la prise en charge du ticket modérateur sur les soins sans lien avec l'affection exonérante.

Les affections de longue durée

Les affections de longue durée (ALD) sont caractérisées comme les affections « comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse »419(*). Le plus souvent, le terme ALD est utilisé par abus de langage pour décrire les affections de longue durée exonérantes, pour les soins desquelles est prévue une exonération du ticket modérateur à la charge de l'assuré.

Ces ALD exonérantes sont réparties en trois catégories :

- les ALD 30, dont le nom provient d'une liste de trente pathologies ouvrant droit au régime d'exonération. Cette liste, définie par décret420(*), contient notamment les diabètes de type 1 et 2, les tumeurs malignes ou les accidents vasculaires cérébraux invalidants ;

- les ALD 31, dites « hors liste », concernent les assurés qui ne sont pas atteints par une des 30 ALD mais atteints d'une forme grave d'une maladie ou d'une forme évolutive ou invalidante d'une maladie grave comportant un traitement prolongé d'une durée prévisible supérieure à six mois et une thérapeutique particulièrement coûteuse. Une telle caractérisation nécessite l'accord de la caisse primaire d'assurance maladie, rendu sur la base d'un dossier rempli par le médecin traitant.

- les ALD 32, qui couvrent les polypathologies entraînant un état pathologique invalidant et nécessitant des soins continus d'une durée prévisible supérieure à six mois et particulièrement coûteux.

En 2022, 13,8 millions de Français présentaient une ALD 30, 31 ou 32, dont une vaste majorité au titre d'une ALD 30.

Il existe également des affections de longue durée non exonérantes421(*), pour les soins desquelles le ticket modérateur reste dû, mais qui permettent, sur accord du médecin-conseil de l'assurance maladie, de continuer à percevoir des indemnités journalières au-delà de six mois d'arrêt de travail. Il peut par exemple s'agir d'une longue fracture, rendant impossible le retour au travail.

Ces régimes de prise en charge dérogatoire, et en premier lieu celui des affections de longue durée, voient leur poids augmenter dans les dépenses de santé de l'assurance maladie obligatoire.

Au 31 décembre 2008, on comptait 8,3 millions d'assurés en ALD au régime général, un nombre qui a depuis augmenté de moitié pour atteindre 9,5 millions en 2012, puis 12,3 millions fin 2022. L'évolution serait encore plus marquée à champ constant, l'hypertension artérielle sévère, qui touchait 1 million d'assurés en 2008, ayant été retirée de la liste des ALD 30 en 2011422(*). La hausse du nombre d'assurés présentant une ALD n'est naturellement pas liée qu'à l'évolution du nombre d'assurés : la Drees rappelle, dans une brève423(*), que « la prévalence de ces maladies est passée de 14,6 % en 2008 à 17,8 % en 2021 », ce qu'elle attribue principalement au « vieillissement de la population ».

Or la consommation de soins et de biens médicaux est très concentrée sur cette population, qui nécessite des soins à la fois particulièrement fréquents et coûteux - en 2020, les frais de santé pris en charge par la sécurité sociale pour un patient au titre de son ou ses ALD atteignaient, en moyenne, 9 124 euros.

Cela explique une évolution dynamique des dépenses de la sécurité sociale en faveur des personnes en ALD : en 2005, celles-ci représentaient 59,6 % des prestations versées, en 2020 leur part s'élevait à 66 %.

Évolution de la part des dépenses de santé de l'AMO liée aux ALD

Source : DSS

En 2022, les dépenses de santé remboursées par l'assurance maladie aux personnes en ALD en lien avec ces affections représentaient 119,6 milliards d'euros.

Le rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) 2023 pour la maladie conclut : « La part des dépenses relatives aux assurés en ALD dans le total des remboursements de l'assurance maladie est en augmentation continue » et « la dépense totale de santé continuera d'augmenter du fait du vieillissement de la population ».

Il s'agit donc là d'un changement dans la structure des patients que doit prendre en charge l'assurance maladie.

b) Un recul du poids des Ocam dans la prise en charge des dépenses de santé

La conséquence des dispositifs d'exonération du ticket modérateur pour les organismes d'assurance maladie complémentaire se traduit mécaniquement par une diminution des prestations à verser.

Selon les informations transmises à la mission par la Ligue contre le cancer qui se base sur des données de la Cnam, le coût pour la sécurité sociale de l'exonération du ticket modérateur sur les ALD exonérantes s'élèverait à 16 milliards d'euros en 2022, que les complémentaires santé auraient intégralement dû prendre en charge en droit commun dans le cas d'un contrat solidaire et responsable.

Ce montant de 16 milliards d'euros ne prend pas en compte les autres dispositifs d'exonération de ticket modérateur424(*) : le montant total des transferts de charges de l'AMC vers l'AMO au titre des affections exonérantes est donc supérieur à 16 milliards d'euros. Il dépasse probablement la moitié des prestations versées par les complémentaires santé - 32,8 milliards d'euros en 2022.

Du fait de la progression du taux de prévalence des ALD, un nombre croissant de Français bénéficie d'une prise en charge de son ticket modérateur sur certains frais de santé par l'assurance maladie obligatoire plutôt que par l'assurance maladie complémentaire. Ce phénomène génère un déport de charges de l'assurance maladie complémentaire vers l'assurance maladie obligatoire.

L'accroissement du taux de prévalence des ALD entre 2012 et 2022 a généré un déport spontané de charges de ticket modérateur de plus de 3,2 milliards d'euros de l'assurance maladie complémentaire vers la sécurité sociale. Les mêmes calculs appliqués à la déformation de la structure des assurés entre 2017 et 2022 indiquent un surcoût de ticket modérateur pris en charge par l'assurance maladie de 1,8 milliard d'euros, et de 255 millions d'euros pour la période 2020-2022.

Transfert spontané de charges de ticket modérateur de l'AMC vers l'AMO
lié à l'augmentation du taux de prévalence des ALD

Source : Mission d'information d'après des données de la Cnam, de l'Insee et de la Ligue nationale contre le cancer

Signe que les transferts de charge spontanés de l'AMC vers l'AMO excèdent les transferts de l'AMO vers l'AMC, on constate que la part de la dépense de santé prise en charge par l'assurance maladie obligatoire augmente sur une longue période, tandis que celle prise en charge par l'assurance maladie complémentaire a tendance à diminuer.

À rebours des stéréotypes sur un désengagement de l'assurance maladie obligatoire, la part de la CSBM prise en charge par l'assurance maladie obligatoire est en fait passée de 75,9 % à 78,2 % à champ constant entre 2012 et 2022425(*), tandis que celle des complémentaires santé a baissé de 13,9 % à 12,6 %426(*), en dépit des dépenses nouvelles comme le 100 % santé, auxquelles les complémentaires santé imputent la hausse des cotisations.

Part de la CSBM prise en charge par chaque financeur

Source : Drees

Le rapporteur souscrit donc à l'avis du directeur général de la Cnam : « L'augmentation des tarifs des complémentaires santé est d'abord reliée à celle des dépenses de santé, et non à des transferts de l'AMO, puisqu'au contraire, la part des dépenses prises en charge par l'AMO augmente »427(*).

3. Des frais de gestion qui restent élevés malgré la modernisation du secteur

Les frais de gestion des Ocam, fréquemment mis en cause dans le débat sur les hausses tarifaires car ils représentent en moyenne 20 % des cotisations en 2022, sont régulièrement pointés du doigt en comparaison avec ceux de l'AMO, beaucoup moins élevés. Si cette comparaison n'apparaît pas pertinente eu égard à la différence de nature entre les activités de l'AMO et celles de l'AMC, les frais de gestion des complémentaires ont augmenté au cours des dix dernières années, sans que les explications des organismes de complémentaire santé ne justifient pleinement cette évolution. Les efforts de rationalisation mis en oeuvre dans la période récente doivent donc être poursuivis.

a) Les frais de gestion des complémentaires santé : 20% des cotisations hors taxe en 2022

La Mutualité française définit les frais de gestion des complémentaires santé comme « les charges qui leur permettent d'assurer leur fonctionnement, de développer leur activité et de proposer à leurs adhérents des services répondant à leurs besoins »428(*). Ils répondent à une définition comptable, établie par arrêté ministériel.

Les trois catégories au sein des frais de gestion

Ces frais répondent à une définition comptable, précisée par arrêté429(*) : ils « correspondent aux frais de gestion des sinistres, aux frais d'acquisition, aux frais d'administration et autres charges techniques nettes affectés aux garanties430(*) ».

• Les frais de gestion des sinistres (en moyenne 4 % des cotisations versées en 2022) correspondent aux frais liés au traitement des dossiers sinistres (instruction des dossiers, mise en règlement). Ils incluent également les commissions versées au titre de la gestion des sinistres et les frais de contentieux attenant aux remboursements.

• Les frais d'administration (en moyenne 7 % des cotisations versées en 2022) sont liés à la gestion courante des contrats et au recouvrement des cotisations. Ils incluent « les commissions d'apérition, de gestion et d'encaissement, les frais de service chargés de la surveillance du portefeuille de contrats, de la réassurance et du contentieux lié aux cotisations »431(*). Ils comprennent, selon la Mutualité française, les frais liés aux « réseaux de soins, services aux assurés, tiers payant et actions de prévention »432(*).

• Les frais d'acquisition (en moyenne 8 % des cotisations versées en 2022) sont les frais engagés pour faire souscrire de nouveaux clients. Ils incluent « les commissions d'acquisition, les frais de réseaux commerciaux et des services chargés de l'établissement des contrats, de la publicité, du marketing, ou exposés à leur profit »433(*).

Leur montant, qui dépasse 8 milliards d'euros en 2022, soit 20 % des cotisations hors taxe perçues, est contesté par les associations de consommateurs auditionnées : l'UFC-Que choisir estime par exemple qu'« il s'agirait [pour limiter la hausse des cotisations] de rationaliser les frais de gestion », qu'ils jugent « scandaleusement élevés »434(*).

Les frais de gestion dépendent notamment des catégories de contrat : ils sont plus bas en collectif (18 %) qu'en individuel (21 %). Cela s'explique par des économies d'échelle - les mêmes garanties étant proposées à un nombre élevé d'assuré - mais aussi par des économies sur le recouvrement, le paiement des cotisations pouvant être assuré par l'employeur. Sur les contrats collectifs, les frais d'acquisition des clients sont également réduits : conquérir des clients en individuel demande un effort de démarchage particulièrement conséquent.

Part des charges de gestion dans les cotisations en santé en 2022,
par famille de complémentaires santé et type de contrats

Source : Drees

Les frais de gestion sont également hétérogènes entre les familles de complémentaires santé.

• Conséquence de leur spécialisation dans les contrats collectifs, les institutions de prévoyance se démarquent par les frais de gestion les plus bas, à 14 %. Elles se démarquent surtout par des frais d'acquisition et d'administration inférieurs à la moyenne, là encore en cohérence avec les avantages comparatifs des contrats collectifs. Ces frais sont toutefois plus bas que les frais moyens observés sur les contrats collectifs, ce qui démontre une efficacité supérieure de cette famille de complémentaires à structure de contrats constante.

 Les frais de gestion des mutuelles se situent dans la moyenne : environ 20 % des cotisations hors taxes perçues. Elles se démarquent toutefois par des frais d'administration particulièrement élevés, autour de 9 %.

La taille et le champ d'activité des mutuelles ne leur permet en effet pas d'amortir les coûts, notamment informatiques, aussi facilement que les assureurs, dont le champ d'activité est plus large, et la taille moyenne plus grande. La gouvernance mutualiste, plus lourde que chez les autres familles, aurait aussi un rôle à jouer dans cette spécificité. Enfin, la Drees explique l'importance des frais d'administration au sein des mutuelles « par la plus forte restructuration au sein du secteur mutualiste, qui engendre des coûts durant la phase de transition »435(*), alors même que le mouvement de concentration a nettement ralenti depuis 2018.

Pourtant, on pourrait s'attendre à ce que les contrats des mutuelles, qui assurent beaucoup de seniors, soient moins coûteux à gérer du fait de situations personnelles et contractuelles moins changeantes.

• Quant aux entreprises d'assurance, elles se démarquent par les frais de gestion les plus élevés : 22 % en moyenne, et même 25 % sur les contrats individuels. Ceux-ci sont portés par des frais d'acquisition de 11 % (14 % en individuel) ; un total de moitié supérieur à ceux des mutuelles et deux fois plus élevé que ceux des institutions de prévoyance. Cela peut s'expliquer par le fait que l'apport stratégique du marché de la complémentaire santé pour les compagnies d'assurance réside dans la vente croisée. Les compagnies d'assurance n'hésitent donc pas à consacrer des moyens conséquents au démarchage des clients, conscientes que cet investissement pourra être rentabilisé par la souscription croisée de contrats à plus forte marge.

Derrière ces faits stylisés et ces moyennes lissées se cache donc en réalité une grande variété de situations, avec des réalités complexes, dépendant du modèle d'affaires, des modes d'organisation et des stratégies de chaque organisme.

b) Les limites de la comparaison des frais de gestion de l'AMO et de l'AMC

Les organismes complémentaires sont régulièrement pointés du doigt sur la base d'une comparaison de leurs frais de gestion avec ceux du régime obligatoire de base, beaucoup moins élevés : 3,6 % des prestations versées en 2022.

Or cette comparaison apparaît fallacieuse, car elle met en rapport des frais de nature tout à fait différente. La Drees indique ainsi, dans son rapport de 2023 sur la situation financière des complémentaires santé, que « les coûts de gestion des organismes complémentaires ne sont pas directement comparables aux coûts des régimes de base ».

En effet, les régimes obligatoires de base constituent une assurance obligatoire et monopolistique, qui d'une part leur permet selon la Drees de « plus facilement réaliser des économies d'échelle », et d'autre part limite les frais d'acquisition aux démarches d'affiliation à la sécurité sociale. En revanche, le secteur de la complémentaire santé, « beaucoup plus morcelé » et sur lequel « la liberté de choix engendre des frais supplémentaires spécifiques aux organismes complémentaires », doit engager des dépenses plus importantes pour attirer et fidéliser les assurés.

Les frais d'acquisition sont donc alimentés par la concurrence entre les complémentaires santé, et représentent la contrepartie d'un système dans lequel l'assuré peut choisir librement son niveau de couverture en santé en fonction de son aversion au risque, au-dessus d'un socle commun constitué par l'AMO.

En outre, il apparaît périlleux de comparer ligne à ligne les frais d'administration du régime obligatoire et des Ocam. En effet, le recouvrement, qui constitue la majeure partie des frais d'administration pour les Ocam, est externalisé à l'Urssaf pour les régimes obligatoires de base.

La comparaison prend en revanche davantage de sens s'agissant des frais de gestion des sinistres. Il ne s'agit donc pas de mettre en rapport les 20% de frais de gestion totaux de l'AMC avec les 3,6% de l'AMO, mais bien l'ensemble constitué par les frais de gestion des sinistres des complémentaires santé (4 % des prestations versées) auxquels il convient d'ajouter une fraction minoritaire de leurs frais d'acquisition et d'administration, pour laquelle la mission n'a pas obtenu de chiffrage. La mission regrette de ne pas avoir pu obtenir de comparaisons salariales entre AMO et AMC, à niveaux de qualification et tâches comparables.

Cette dernière comparaison n'est toutefois pas parfaite, les activités de l'AMO et de l'AMC étant « à la fois différentes et imbriquées »436(*), ce qui peut justifier des structures de frais de gestion des sinistres différentes.

Dans l'autre sens, il convient de remarquer que la « noémisation »437(*) effectuée par l'AMO génère d'importantes économies de gestion des dossiers pour les complémentaires santé du fait de la numérisation des dossiers.

c) Une dynamique à la hausse qui interroge

Si la comparaison avec les frais de gestion de l'assurance maladie obligatoire n'apparaît pas pertinente, la dynamique des frais de gestion des complémentaires santé a toutefois de quoi interroger, particulièrement dans le contexte marqué par de fortes hausses de cotisations.

Dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, France Assureurs se satisfait que « le taux de frais des organismes complémentaires [soit] globalement stable depuis près de dix ans ». Sur l'ensemble des familles, les données de la Drees indiquent plutôt une légère augmentation du ratio entre frais de gestion et cotisations, qui est passé de 19 % à 20 % entre 2011 et 2022 - une augmentation portant à la fois sur l'individuel et sur le collectif. Ce mouvement est porté par une hausse de deux points chez les mutuelles, malgré une tendance stable voire à la baisse chez les autres familles.

Comparaison du niveau des frais de gestion en 2011 et en 2022

Source : Drees

Pour autant, cette légère augmentation en ratio dissimule en réalité une nette augmentation en valeur. En effet, les cotisations des complémentaires santé ont augmenté de 26 % entre 2012 et 2022.

Dès lors, le passage en moyenne de 19 % à 20 % de frais de gestion sur le secteur entre 2011 et 2022 masque une augmentation de 33 % du montant nominal des frais de gestion.

Cette progression s'est opérée deux fois plus rapidement que l'inflation, qui atteint 16 % sur la période.

Pour comparaison, les frais de gestion de la sécurité sociale sur la période ont non seulement baissé en proportion - le directeur général de la Cnam a indiqué lors de son audition qu'ils sont « aujourd'hui parfois inférieurs à 3 %, contre 5,5 % il y a dix ans »438(*) - mais ils ont également diminué en valeur.

Des chiffres de la Drees confirment qu'entre 2012 et 2022 :

- les frais de gestion des régimes de sécurité sociale ont diminué de 170 millions d'euros, passant de 6,9 à 6,7 milliards d'euros ;

- ceux des organismes complémentaires ont augmenté de 1,7 milliard d'euros, passant de 6,1 à 7,8 milliards d'euros.

Comme l'a constaté le directeur général de la Cnam lors de son audition par la mission d'information, « les courbes des frais de gestion des différents acteurs se sont croisées » et les frais de gestion de l'AMC dépassent désormais ceux des régimes obligatoires.

Évolution des coûts de gestion du système de santé

Source : Drees

d) Quelles justifications ?

Tout en concédant que les métiers et les structures des coûts entre AMO et AMC étaient différents, le directeur général de la Cnam a affirmé lors de son audition se « demander pourquoi le taux de 20 % des complémentaires n'a pas baissé, alors que nous [AMO et AMC] réalisons tous des gains d'efficacité sur les systèmes d'information »439(*).

Les fédérations de complémentaires santé notent le poids des évolutions réglementaires et législatives sur la gestion du secteur, et plus particulièrement :

- l'intégration du 100 % santé dans les systèmes d'information ;

- les évolutions du contrat solidaire et responsable, à propos duquel France Assureurs note un besoin de « mise en conformité incessant », avec des conséquences sur « les systèmes d'information » et « la conformité des documents contractuels »440(*) ;

- le passage à la résiliation infra-annuelle des contrats : le CTIP note par exemple, dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, l'impact haussier de « la résiliation infra annuelle et la fin des mutualisations obligatoires au sein des branches » sur les frais d'acquisition.

L'effet des réglementations sectorielles européennes441(*) est également mis en cause : celles-ci peuvent parfois être lourdes, notamment pour les mutuelles se situant juste au-dessus du seuil d'application de Solvabilité II.

Il est certain que les modifications répétées et souvent insuffisamment concertées du cadre juridique de l'action des complémentaire santé demandent des adaptations parfois coûteuses en gestion pour les organismes, voire le recrutement de profils experts. Toutefois, le rapporteur regrette qu'aucun chiffrage ne lui ait été transmis afin de mieux documenter les conséquences de ces mesures sur la hausse des frais de gestion des complémentaires.

Au contraire, sur la dernière décennie, divers facteurs auraient pu enrayer l'inflation des frais de gestion des complémentaires santé.

La numérisation et la noémisation auraient, par exemple, pu contribuer à diminuer les frais de gestion des sinistres par ligne d'acte, qui restent aujourd'hui conséquents : 43 centimes en individuel et 49 centimes en collectif442(*). En effet, avant le déploiement de l'outil de télétransmission NOÉMIE, l'assurance maladie complémentaire devait traiter des feuilles de soins, le plus souvent sous format papier, envoyées par l'assuré pour chaque remboursement. La noémisation leur permet désormais de recevoir directement de l'assurance maladie complémentaire, de manière numérisée et quasi-immédiate, les données utiles au remboursement : on pourrait s'attendre à ce qu'une telle simplification de l'activité de remboursement fasse baisser les frais de gestion des sinistres par ligne d'actes.

Le mouvement de concentration443(*), particulièrement marqué dans le monde mutualiste, aurait également pu générer des économies d'échelle, synonymes de moindres frais de gestion. Ces rapprochements peuvent conduire, il est vrai, dans un premier temps à une hausse transitoire des coûts liés à la lourdeur des procédures liés à la fusion et au temps nécessaire avant de réaliser les gains d'efficience.

Bien que le mouvement de concentration du secteur ait considérablement ralenti au cours de la dernière décennie, et singulièrement lors des cinq dernières années (le nombre de mutuelles actives a diminué de 528 entre 2006 et 2012, puis de 231 entre 2012 et 2018, et seulement de 66 entre 2018 et 2022), le rapporteur s'étonne que les rapprochements n'aient toujours pas exercé d'effet sur la diminution des frais de gestion, alors que la majorité des fusions a eu lieu il y a plus de cinq ans.

Interrogée à ce sujet, l'ACPR confirme que « les rapprochements accélérés ces quinze dernières années dans le secteur de la mutualité et de la sécurité sociale ne se sont pas toujours traduites immédiatement par une organisation adaptée, ce qui a pu créer des frais de gestion en excès par rapport à la concurrence », une situation qualifié d'« anomalie ». Toutefois, l'autorité note que « ces anomalies sont en cours de résorption » 444(*).

e) Des efforts de rationalisation à poursuivre

Sur les cent plus grands organismes de complémentaire santé, 35 se démarquaient en 2022 par des frais de gestion inférieurs à 17,5 %, et 13 par des frais de gestion inférieurs à 12,5 %. Cela confirme qu'il existe des marges de manoeuvre, déjà mobilisées par certains organismes, afin de diminuer les frais de gestion : le taux de 20 % n'est pas un « plancher de verre » issu de contraintes structurelles.

Les auditions conduites par le rapporteur l'ont conforté dans cette vision. Plusieurs organismes complémentaires auditionnés ont en effet fait état de frais de gestion particulièrement bas, grâce à la mise en oeuvre de plans de maîtrise des frais de gestion.

La Mutuelle générale de l'économie et des finances (Mgéfi), mutuelle historique de Bercy, se singularise par exemple par des frais de gestion à hauteur de 13,93 %, un niveau très inférieur au marché qui s'explique par le programme de réduction des frais généraux conduit par la mutuelle dès 2016, à l'origine d'une diminution des frais « de près de 10 % ». Ce programme, qui repose notamment sur « une transformation digitale de la relation adhérent », a vocation à « se poursuivre, signifiant une réduction [supplémentaire] des coûts administratifs » 445(*).

La Mutuelle générale, ancienne Mutuelle générale des postes, télégraphes et téléphones, fait état de frais de gestion de 17,8 % à la fin de 2023, un total en baisse continue depuis six ans (21 % en 2018).

Interrogé sur la question, le groupe Aéma admet qu'il existe des marges de manoeuvre pour faire évoluer à la baisse les frais de gestion « avec des contraintes sociales ou territoriales qui peuvent être fortes ». Il cite notamment :

- « l'automatisation du traitement des dossiers » ;

- « la renégociation ou la mutualisation d'achats avec tiers » ;

- et « la réduction du nombre d'implantations » 446(*).

Ces exemples démontrent que des marges de manoeuvre subsistent, au sein des complémentaires santé, pour diminuer la part des frais de gestion. La mission d'information est donc convaincue de la nécessité d'engager les organismes de complémentaire santé à mettre en oeuvre des efforts supplémentaires pour faire baisser leurs frais de gestion, à l'heure où les cotisations augmentent à un rythme très rapide.

Par ailleurs, afin d'inciter les complémentaires santé à diminuer leurs frais de gestion, le rapporteur a estimé important de privilégier l'information des assurés et de renforcer la transparence dans l'affichage des frais de gestion auprès de ceux-ci.

La règlementation actuelle prévoit que les frais de gestion sont communiqués, dans le cadre du contrat responsable et solidaire, lors de la souscription puis chaque année à l'ensemble des adhérents ou souscripteurs. Les frais de gestion de l'organisme doivent être exprimés en pourcentage des cotisations hors taxes447(*).

Pour autant, les assurés ne connaissent pas nécessairement la répartition des frais de gestion entre les organismes complémentaires. Ils peuvent ainsi ignorer que des frais de gestion de l'ordre de 15 % sont inférieurs à la moyenne.

Afin de clarifier ce point, l'ACPR pourrait être chargée, sur le modèle du Nutri-Score, de classifier les complémentaires santé en fonction de leurs frais de gestion.

En outre, le montant des frais de gestion devrait être exprimé, pour l'information de chaque assuré, non plus en pourcentage des cotisations hors taxes mais, dans une logique de clarification et d'amélioration de l'information des assurés, en euros par an et par contrat. L'assuré serait ainsi en mesure de mieux se rendre compte du montant de ses cotisations destiné à financer les frais de gestion des complémentaires santé, les organismes de complémentaire santé étant pour leur part incités à davantage les maîtriser.

Recommandation : Engager les organismes complémentaires à s'inscrire dans une trajectoire de réduction des frais de gestion. En parallèle, renforcer l'information des assurés à ce sujet :

- charger l'ACPR d'instaurer une classification des organismes complémentaires d'assurance maladie en fonction du niveau de leurs frais de gestion ;

- modifier le code de la sécurité sociale pour exiger des complémentaires santé une communication annuelle à chaque assuré de leurs frais de gestion moyens, en euros par an et par contrat dans le cadre du contrat solidaire et responsable.

f) La nécessité de mieux encadrer les frais d'acquisition, tirés vers le haut par le courtage et les comparateurs en ligne

Une attention particulière doit être accordée aux frais d'acquisition, tirés vers le haut par le développement du courtage et des comparateurs en ligne, dont les pratiques pourraient être mieux encadrées.

Au sein des frais de gestion, les frais d'acquisition sont particulièrement importants : ils représentent en médiane, selon la Drees, 66 euros en individuel et 53 euros en collectif448(*). Pour les entreprises d'assurance, il est critique : il atteint 119 euros en individuel, soit près de 10 euros par mois et par contrat !

Médiane des frais d'acquisition par assuré en 2022

Source : Drees

Ces montants très importants peuvent en partie être expliqués par l'importance croissante du courtage, mise en cause lors de nombreuses auditions de la mission. Celui-ci serait devenu quasiment systématique sur les contrats collectifs. Or la rémunération de ces intermédiaires, devenus nécessaires au développement de la base clients selon de nombreuses complémentaires, contribue à renchérir les prestations des complémentaires santé.

Les pratiques de certains courtiers ont également été mises en cause lors d'auditions - des cas de couvertures multiples du fait de pratiques commerciales agressives ayant été rapportés, notamment chez les seniors. Il s'agit notamment d'affiliations non consenties, « généralement réalisées par un courtier » selon le médiateur de la mutualité449(*). De plus, la DGCCRF estime que les difficultés identifiées en matière de résiliation de contrats de complémentaire santé concernent « essentiellement quelques des courtiers en assurance » : « absence de bouton de résiliation », « bouton de résiliation qui ne fonctionne pas »450(*)...

Une fois immatriculés à l'organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias)451(*), les courtiers font l'objet d'un encadrement limité452(*) de leurs pratiques, même si, depuis le 1er avril 2022, l'activité de démarchage téléphonique en assurance, modalité privilégiée par certains courtiers, est davantage encadrée453(*). Le souscripteur éventuel doit ainsi en principe consentir explicitement à la communication. Le distributeur doit transmettre au souscripteur potentiel un certain nombre d'informations454(*) et s'assurer que celui-ci peut résilier son contrat en cours concomitamment à la prise d'effet du contrat proposé. La signature manuscrite ou électronique du souscripteur est nécessaire à la validité du contrat conclu.

L'entreprise recourant à des courtiers doit notamment455(*), quant à elle, faire en sorte qu'avant la souscription du contrat, des informations soient mises à la disposition du souscripteur éventuel sur l'identité et l'adresse de l'intermédiaire, ainsi que sur les procédures de réclamation, et que des dispositions « appropriées et proportionnées » soient prises pour assurer le respect de l'obligation de conseil de l'assureur, qui doit agir « de manière honnête, impartiale et professionnelle et ce, au mieux des intérêts du souscripteur ou de l'adhérent »456(*).

(1) Des modes de commissionnement contestés

Il existe différents modes de commissionnement des courtiers, dont certains sont particulièrement contestés au motif qu'ils pourraient entrer en contradiction avec le devoir du courtier d'agir de façon conforme à l'intérêt du souscripteur.

On distingue ainsi la rémunération linéaire de la rémunération précomptée.

Sous l'empire de la rémunération linéaire, la commission perçue par les courtiers est proportionnelle au montant de primes apportées par celui-ci, et constant à travers le temps. Un exemple typique de rémunération linéaire consiste en le versement, par l'assureur, de 15 % à 25 % du montant des primes mensuelles tout le long de la vie du contrat.

Toutefois, afin de coller au profil de coût des courtiers - l'acquisition d'un client étant plus onéreuse que son maintien en portefeuille - s'est progressivement développé un mode de rémunération alternatif : le précompte. Celui-ci consiste en le versement d'une commission majorée l'année de l'entrée en vigueur de la police d'assurance, autour de 40 % à 50 % des cotisations versées, puis d'une commission minorée - de 5 % à 10 % - les années suivantes. Afin de garantir la neutralité de ce mode de commissionnement pour l'assureur, le précompte est assorti d'une clause de durée : si le contrat sort du portefeuille du courtier avant une durée déterminée, ce dernier doit rembourser tout ou partie de la commission majorée à l'assureur.

Si, comme le rappelle l'ACPR citée par l'Argus de l'Assurance457(*), le précompte est bien légal en France à ce jour, il reste que sa conformité à la directive Assurances est incertaine. Celle-ci, dans son article 17.3, dispose en effet qu'« un distributeur de produits d'assurance ne prend en particulier aucune disposition sous forme de rémunération (...) qui pourrait l'encourager (...) à recommander un produit d'assurance particulier à un client, alors que le distributeur de produits d'assurance pourrait proposer un autre produit qui correspondrait mieux aux besoins du client ». Or les clauses de durée associées au précompte pourraient constituer une incitation, pour le courtier, à garder des clients en portefeuille sur un contrat donné malgré l'évolution des besoins de ces derniers. C'est donc la compatibilité entre le précompte et le devoir de conseil qui pose question.

En ce sens, un meilleur encadrement du précompte est souhaitable afin de concilier au mieux cette pratique, importante pour l'équilibre économique du secteur de la complémentaire santé, avec le devoir de conseil. La mission d'information souscrit à la recommandation proposée le lundi 9 septembre 2024 par les trois familles de complémentaires santé, visant à limiter le taux de la commission majorée à un maximum de 3 fois le taux des années suivantes et prévoir une clause de « reprise de commission » dans le cas où le contrat prend fin avant l'expiration d'une période suffisante pour amortir la commission majorée, fixée à 3 ans. De telles mesures sont susceptibles de limiter les conflits potentiels entre les intérêts des acteurs de l'assurance et ceux des assurés.

Ces risques sont encore majorés lorsque le précompte est associé à l'escompte : en cas de précompte escompté, la commission majorée est versée au moment de la conclusion du contrat, et non au moment de l'entrée en vigueur de la police d'assurance, ce qui permet un décalage de trésorerie favorable au courtier, parfois sur plusieurs mois.

Cette pratique est particulièrement critiquée. En permettant aux courtiers de percevoir des flux financiers importants et immédiats à la conclusion de chaque contrat, le précompte escompté favorise des logiques de vente agressives, avec une attention au volume plutôt qu'à la qualité, et présente des effets financiers déstabilisateurs.

Sous couvert d'anonymat et dans l'article précité, le dirigeant d'une plateforme de courtage indique ainsi que « le précompte escompté est une aberration. La combinaison entre le précompte et l'escompte entraîne un taux de chute des affaires énorme, parfois au-delà de 40 %. Les courtiers courent après les commissions pour rembourser le grossiste, des clients sont victimes de ventes forcées, et des assureurs peinent à récupérer leur trésorerie ».

Aussi certains courtiers ont-ils déjà décidé de ne plus pratiquer le précompte escompté, voire pour certains le précompte - à l'image du courtier grossiste Alptis Assurances.

Pour le consommateur, les effets sont doubles. D'une part, il existe un risque de rester dans un contrat mal adapté à ses besoins réels, du fait des clauses de durée. D'autre part, en cas de rupture du contrat avant la fin de la clause de durée, les assureurs portent le risque financier et sont tributaires de leur capacité à récupérer leur trésorerie auprès du courtier. Les difficultés rencontrées dans le recouvrement de ces créances pèsent sur les frais de gestion des organismes, et in fine sur leurs tarifs.

L'exemple de la Mutuelle générale Santé est à cet égard parlant. Souhaitant se positionner sur le marché de l'individuel, cette mutuelle a massivement eu recours, pour ce faire, à des courtiers pratiquant une politique commerciale agressive, rémunérés pour la plupart avec un précompte escompté. Toutefois, selon l'Argus de l'Assurance458(*), « la recette miracle a très vite montré ses faiblesses. En 2015, pénalisée par de mauvais ratios de primes sur sinistres, la MGS accuse une perte d'exploitation de plus de 15 millions d'euros, selon nos informations. Les assurés enchaînent quant à eux les déconvenues, certains subissant des hausses de cotisations de près de 160 % ».

Il semble au rapporteur que les risques associés au précompte escompté, tant sur les tarifs pour les assurés que sur la stabilité financière du secteur, justifieraient aujourd'hui l'interdiction de cette pratique, un temps envisagée par l'ACPR au premier semestre 2017. L'évolution du regard porté sur le précompte, qui ne fait plus l'unanimité au sein même du secteur du courtage, appelle désormais à mieux réguler les modes de commissionnement.

La mission appelle également à suivre les recommandations des trois familles de complémentaires santé pour mieux encadrer l'escompte, en limitant la durée entre le versement de la première commission et la prise d'effet du contrat à un maximum de deux mois, et en assortissant la commission d'une clause de reprise en cas de non-prise d'effet du contrat.

Recommandation. - Interdire la pratique du précompte escompté, peu compatible avec l'obligation, pour les courtiers en assurance santé, de conseiller aux assurés un contrat correspondant à leurs besoins.

Mieux encadrer le précompte en limitant le taux de la commission majorée versée la première année à trois fois le taux s'appliquant aux années suivantes et en assortissant le précompte d'une clause de reprise de commission dans le cas où le contrat prendrait fin avant l'expiration d'une période de trois ans à compter de sa souscription.

Mieux encadrer l'escompte en limitant à deux mois la durée entre le versement de la première commission et la prise d'effet du contrat et en assortissant l'escompte d'une clause de reprise de commission en cas de non-prise d'effet du contrat.

(2) Une forme d'opacité dans les relations entre courtiers et assureurs

Les liens entre les courtiers et les organismes d'assurance sont particulièrement mal documentés et peu transparents.

Le médiateur de la Mutualité observe que « le courtage et l'opacité qui en résulte sont [...] une source de mécontentement de plus en plus fréquente »459(*). Lors de son audition, il a relevé, à propos du démarchage téléphonique, l'existence de nombreuses réclamations « pour des contrats distribués par des courtiers ou gérés par des tiers »460(*), appelant les mutuelles à la vigilance pour que s'applique leur devoir d'information et de conseil précontractuel.

La multiplicité des acteurs peut parfois empêcher le souscripteur du contrat d'identifier le courtier, l'intermédiaire et l'organisme assureur : selon le médiateur des assurances, « dans de nombreux cas, les assurés connaissent leur courtier, qui est leur intermédiaire, et pas leur assureur. [...] Le courtier doit clairement rappeler qui est l'assureur du contrat. »461(*)

Cette diversité d'intervenants peut aussi, en cas de litige, empêcher les assurés d'identifier le médiateur compétent, comme l'a fait observer le médiateur de la mutualité dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur : il est en effet difficile de proposer une solution en médiation car le courtier et l'assureur du contrat ne relèvent pas du même médiateur de la consommation. De plus, le médiateur de la mutualité a fait observer lors de son audition que les Ocam doivent s'assurer avec la plus grande vigilance que « leurs coordonnées figurent sur les documents délivrés par le gestionnaire du contrat », ce qui n'est pas toujours le cas lorsqu'intervient un intermédiaire et ne peut que rendre la situation des assurés très fragile en cas de litige.

Cette multiplicité d'acteurs n'est pas sans conséquences sur le niveau des cotisations : selon le médiateur des assurances, « les complémentaires santé délèguent aux courtiers la relation clients, bien plus qu'en assurance dommages ou qu'en assurance vie, épargne, retraite »462(*), une délégation à des acteurs privés lucratifs dont les coûts se répercutent fatalement sur ceux des contrats.

Compte tenu de ces difficultés, la mission d'information a été convaincue de l'intérêt, évoqué par le médiateur de la mutualité lors de l'audition des médiateurs des trois familles de complémentaires santé463(*)  de généraliser la pratique des conventions de courtage entre les organismes de complémentaire santé et les courtiers, afin qu'un texte clair définisse précisément le rôle et les responsabilités de chacun - une convention-type pourrait ainsi être élaborée par le CCSF et diffusée auprès des Ocam, l'enjeu étant que les assurés ne puissent confondre le courtier et l'organisme assureur.

Recommandation. - Charger le CCSF d'élaborer une convention-type entre organismes de complémentaire santé et courtiers, de manière à préciser les responsabilités de chacun, et généraliser la pratique de ces conventions de courtage en matière de complémentaire santé.

Afin d'encourager les complémentaires santé à limiter leurs frais de courtage et d'améliorer la transparence pour les assurés, les frais de gestion liés au courtage464(*) pourraient en outre faire l'objet d'une publication spécifique par les organismes complémentaires à chacune des communications sur les frais de gestion transmises aux assurés.

Recommandation. - Prévoir une publication spécifique des frais de courtage par les organismes complémentaires.

(3) Les comparateurs en ligne : une aide pour les assurés ?

Les comparateurs santé en ligne sont pour certains rémunérés par les complémentaires santé, le plus souvent « au clic », voire liés capitalistiquement avec des opérateurs.

Dans un secteur éclaté et aux offres difficilement lisibles, ces plateformes permettent, pour les assurés, de comparer les offres disponibles sur le marché afin de choisir le contrat qui convient le mieux à leurs besoins et, le cas échéant, de réaliser des économies. En l'absence de comparateur public, elles font oeuvre utile en fournissant une base de comparaison de référence, ce qui explique leur popularité, encore renforcée par le contexte récent de hausse tarifaire des complémentaires santé.

Les comparateurs recueillent en effet un nombre croissant de visites : 2 millions de visiteurs par mois sur LesFurets.com, qui traite environ 3,5 millions de devis par an, tous produits confondus ; pour les seules complémentaires santé, 3 millions de formulaires ont été fournis en 2023 pour l'ensemble des comparateurs du Groupement des comparateurs en assurance et banque (GCAB)465(*). Afin d'être répertoriées sur ces sites, les complémentaires santé doivent payer, ce qui contribue à augmenter leurs frais d'acquisition.

Si les comparateurs sont soumis à des obligations d'information et de transparence vis-à-vis des consommateurs en vertu du décret du 22 avril 2016466(*), l'information reçue par le consommateur peut toutefois être trompeuse parce que lacunaire, dans la mesure où chaque comparateur ne travaille qu'avec un nombre limité de complémentaires santé. Ainsi, sur les près de 400 acteurs du secteur, Hyperassur travaille avec 32 compagnies d'assurance, LesFurets.com avec « une trentaine de mutuelles et d'assureurs »467(*) et Meilleur Taux avec 48 partenaires.

Les offres mises en avant ne sont donc pas, dans l'absolu, les plus adaptées au besoin du consommateur, mais bien les plus adaptées parmi les organismes référencés, ce que les consommateurs ne savent pas nécessairement.

Les comparateurs réclament, en outre, fréquemment des données précises sur l'assuré, qui ne semblent pas toutes strictement nécessaire au classement des offres par pertinence. S'il est normal d'indiquer l'âge et le code postal du demandeur, car ces informations ne sont pas sans conséquences en matière de couverture santé, on comprend mal pourquoi toute recherche sur ces plateformes, indépendamment d'une demande de devis, implique que soient renseignés l'identité complète de l'internaute, son adresse courriel et son numéro de téléphone, voire son adresse postale. Cette exigence, que la mission d'information a constatée lors des recherches qu'elle a effectuées en vue de ce rapport, a attiré l'attention de l'association UFC-Que choisir qui juge souhaitable de « permettre de consulter les offres sans renseigner d'informations personnelles »468(*).

Ces données peuvent en effet servir, par la suite, à des fins publicitaires pour les complémentaires partenaires, même si les responsables des sites de comparateurs auditionnés par la mission d'information ont fait observer que les données ainsi recueillies ne peuvent être utilisées que pour le type de produit qui a donné lieu à leur collecte (en l'occurrence, une assurance santé), et que cet usage est limité dans le temps.

Dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, la DGCCRF note à cet égard que « de nombreux signalements font suite à un démarchage téléphonique de courtiers qui ont acheté à des sites comparateurs les coordonnées téléphoniques de consommateurs communiqués par ces derniers afin de recevoir des offres ».

La mission d'information a observé que les recherches d'information effectuées directement sur les sites d'organismes de complémentaire santé excluent elles aussi l'anonymat de l'internaute : comme pour la consultation des comparateurs en ligne, toute demande d'information est traitée comme une demande de devis.

En outre, le sexe de l'auteur de la demande doit être renseigné dès le début d'une recherche d'information sur un comparateur en ligne469(*), alors même que la tarification en fonction du sexe est interdite depuis 2012 pour tous les organismes de complémentaire santé (la Drees précise sur ce point qu'« en 2011, elle concernait un tiers des bénéficiaires des contrats individuels des entreprises d'assurance, et une femme payait alors en moyenne 27% de plus qu'un homme »470(*)).

La mission d'information souhaite donc limiter les données personnelles exigées lors d'une première recherche d'informations sur les complémentaires santé, que cette demande soit adressée à un comparateur en ligne ou directement à un organisme de complémentaire santé. Elle estime que l'identité de l'internaute et ses coordonnées complètes ne devraient être demandées que dans l'hypothèse où, après une première recherche, il souhaiterait être joint par un organisme pour finaliser une demande de devis et formaliser un éventuel engagement contractuel.

Recommandation. - Limiter au strict nécessaire, c'est-à-dire à l'âge, au code postal et au statut professionnel, les informations personnelles devant être communiquées dans le cadre de premières recherches d'informations en ligne sur des contrats de complémentaire santé, les coordonnées complètes de la personne ne pouvant être exigées qu'en vue de l'envoi d'un devis et dans la perspective d'un éventuel engagement contractuel.

g) Un levier à mieux déployer : le tiers payant, facteur de diminution des frais de gestion des sinistres

Un autre axe pour enrayer les hausses de frais de gestion réside dans le déploiement du tiers payant. Ce facteur, cité notamment par France Assureurs dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, est présenté comme l'une des clés pour permettre une « gestion industrielle et automatisée » des prestations, mais son déploiement reste aujourd'hui insuffisant non seulement en raison des réticences de certaines catégories de professionnels de santé, mais aussi pour des motifs liés au cadre juridique du traitement des données de santé.

(1) Des réticences de certains professionnels de santé qu'il importe de lever

Selon France Assureurs, les réticences de certaines catégories de professionnels de santé persistent « en dépit du développement d'outils simples et adaptés à leur pratique et du travail facilitateur actuellement réalisé avec les éditeurs de logiciels »471(*). Certains représentants de professionnels de santé allèguent pour leur part le manque d'adaptation des logiciels métiers, même si certaines professions de santé, comme cela a été vu plus haut, sont largement engagées dans ce mouvement, plus particulièrement les pharmaciens et les laboratoires.

La progression du tiers payant est un objectif louable, à laquelle la mission souscrit afin d'améliorer l'accès aux soins en allégeant la charge de trésorerie pour les assurés et de limiter les frais de gestion des complémentaires santé. Il est toutefois clair que celle-ci ne doit pas se faire au détriment du temps des soins. Il est donc nécessaire que les logiciels métier évoluent pour permettre une utilisation efficace, simple et rapide du tiers payant par les professionnels de santé, mais également que les professionnels de santé se saisissent des outils déjà développés pour s'inscrire dans une trajectoire de progression du tiers payant.

En tout état de cause, il apparaît a minima nécessaire que les logiciels de télétransmission utilisés par les professionnels de santé soient conçus de façon à permettre un recours au tiers payant, et ce sans représenter une charge de travail excessive pour les professionnels de santé, ce qui ne semble pas être toujours le cas.

Recommandation. - Afin de renforcer l'accessibilité financière aux soins et de réduire les frais de gestion des sinistres des organismes, amplifier la progression du tiers payant en améliorant les logiciels utilisés par les professionnels de santé pour permettre à ces derniers de pratiquer le tiers payant de manière simple et fiable.

(2) Le cadre juridique du traitement des données de santé

La DSS estime que « le cadre juridique permettant la transmission des données de l'AMO vers l'AMC et des professionnels de santé vers l'AMC pourrait être perfectionné, tant au regard de la protection du secret médical que de l'identification des finalités permettant le traitement des données par les organismes complémentaires »472(*).

En effet, l'inadaptation du cadre juridique pose la question de la transmission de données de santé aux Ocam en vue du remboursement de soins ou produits de santé aux assurés, et par conséquent de la licéité :

- du traitement des données de santé au regard du règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) et de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- de la transmission des données de santé au regard du secret médical.

Selon une analyse juridique faite par la Cnil en 2022473(*), la licéité du traitement des données de santé appelle les remarques suivantes :

- le traitement de ces données doit reposer sur une base légale qui peut être l'exécution du contrat d'assurance et qui doit prévoir un motif de dérogation au principe de l'interdiction de traitement des données concernant la santé ;

- le traitement des données de santé par les Ocam pourrait être permis pour les seuls contrats solidaires et responsables, sur la base de l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale qui, définissant le régime fiscal de ces contrats, consacre leur existence légale et implique que les organismes qui les gèrent puissent traiter les données nécessaires à l'exécution de ces contrats : cette faculté reconnue implicitement aux Ocam de traiter les données de santé à des fins de liquidation des prestations doit toutefois, selon la Cnil, être confirmée de manière précise par la loi ;

- en revanche, s'agissant des autres contrats de complémentaire santé, aucune disposition ne permet de déroger à l'interdiction du traitement des données. À cet égard, la Cnil estime que l'exception du consentement de l'assuré n'est pas adaptée au traitement des données de santé qu'implique l'intervention des complémentaires santé. Elle observe en outre que, dans le cadre des contrats collectifs, aucun consentement explicite et exprès n'est donné à la conclusion du contrat par chaque assuré individuellement.

La Cnil conclut donc à la nécessité de revoir l'encadrement juridique des contrats de complémentaire santé afin de conforter la licéité de ces traitements, tout en observant que cette adaptation ne saurait autoriser les Ocam à procéder à des traitements de données en dehors des situations nécessaires à l'exécution des contrats.

S'agissant par ailleurs de la licéité des demandes de transmission des données au regard de la protection du secret médical, la Cnil fait observer :

- que les documents couverts par le secret médical, tels que les ordonnances de prescription ou le numéro de code des actes effectués, lient les professionnels de santé sans dérogation au profit des Ocam474(*) ;

- que le secret médical ne s'applique pas aux patients, ceux-ci pouvant prendre l'initiative de transmettre de tels documents, par exemple aux fins de remboursement ;

- que dans le cadre du tiers payant, l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale précité prévoyant que les contrats responsables et solidaires doivent inclure un mécanisme de dispense d'avance de frais, la transmission d'informations couvertes par le secret médical aux Ocam est possible, pour autant que ces transferts respectent le cadre juridique de l'exécution de ces contrats. En revanche pour les autres contrats de complémentaire santé, la pratique consistant à faire signer par les patients un consentement à la transmission de données à l'Ocam pour chaque envoi ne peut s'appuyer, à ce jour, sur aucune norme juridique particulière ni aucune jurisprudence.

Une disposition législative autorisant explicitement les professionnels de santé à transmettre aux Ocam des données couvertes par le secret médical est donc nécessaire, à la fois pour garantir le respect de la vie privée des personnes et pour assurer la sécurité des traitements mis en oeuvre.

Cette adaptation du cadre juridique, suppose préalablement de préciser les finalités du traitement et de la transmission des données de santé impliquant des Ocam, les catégories de données concernées ainsi que les modalités de contrôle destinées à encadrer ces pratiques.

Le cadre législatif doit donc aujourd'hui être clarifié et permettre, dans le respect du secret médical, d'accentuer les transferts d'informations entre AMO et AMC afin de concourir, entre autres enjeux, au déploiement du tiers payant.

Recommandation. - Adapter le cadre juridique du traitement et du partage des données de santé pour contribuer au déploiement du tiers payant.

4. Une orientation stratégique contestable et inflationniste : la prise en charge par les complémentaires santé de pratiques telles que les médecines dites « douces »
a) La hausse rapide des prestations connexes à la santé et ses conséquences sur les finances des complémentaires santé

Les dépenses des complémentaires santé sont tirées à la hausse par le financement de plus en plus répandu de prestations sur des champs non couverts par la sécurité sociale.

Les prestations qualifiées comme « connexes à la santé » par la Drees475(*) représentent 2,2 milliards d'euros de dépenses en 2022 - un montant à comparer aux 29,8 milliards d'euros de prestations des Ocam dans le champ de la CSBM en 2022. Ce montant correspond à près de 7 % des prestations des complémentaires santé.

Répartition des prestations des complémentaires santé par poste

Source : Mission d'information d'après des données Drees

Ces prestations sont de nature très différentes. Parmi elles, les frais d'hébergement à l'hôpital ou en cure représentent 1,2 milliard d'euros et les prestations à la périphérie des soins de santé - ostéopathie, acupuncture, naturopathie, sophrologie, réflexologie, etc. - atteignent désormais à elles seules pratiquement un milliard d'euros.

Si le total des frais d'hébergement pris en charge par les complémentaires varie peu depuis 2014, les prestations à la périphérie des soins de santé ont connu un essor certain : les dépenses associées ont presque quintuplé en l'espace de huit ans.

Évolution des prestations connexes à la santé versées
par les complémentaires santé

Source : Mission d'information d'après des données de la Drees

Preuve que le dynamisme de la dépense est loin d'être sans effet sur la situation financière des complémentaires santé, l'augmentation des prestations à la périphérie des soins de santé atteint sur deux ans 377 millions d'euros, soit un montant supérieur aux 350 millions d'euros liés au « transfert de charges » controversé de l'AMO vers l'AMC en dentaire selon le chiffrage de la DSS.

b) Une conséquence de la standardisation des prestations en santé par le contrat solidaire et responsable : la concurrence entre complémentaires santé a été repoussée aux frontières du système de santé

L'augmentation du montant de ces prestations procède à la fois d'une hausse de la demande de la part des assurés et d'une solvabilisation des dépenses accrue par les complémentaires, dont les contrats présentent des garanties toujours plus couvrantes pour des frais de psychothérapie, d'ostéopathie, de naturopathie, de sophrologie ou d'acupuncture.

Ces deux dynamiques - prise en charge des dépenses liées à ces pratiques et demande accrue des assurés - s'entretiennent largement.

· D'une part, la politique de solvabilisation des prestations à la périphérie des soins de santé par les complémentaires santé ne repose pas sur la même logique que celle des soins remboursés par la sécurité sociale. En effet, la manière dont ces dépenses sont prises en charge par les complémentaires encouragent la hausse de la demande.

Les prestations à la périphérie des soins de santé sont le plus souvent remboursées sur une logique de forfait avec un plafond annuel de prise en charge qui peut être exprimé comme tel, ou procéder d'un double plafonnement de la prise en charge par séance et du nombre de séances annuel. 

À titre d'exemple, le tableau des garanties d'un contrat « santé senior » proposé par un grand groupe mutualiste fait état d'une rubrique « médecines douces » comprenant les pratiques suivantes : « ostéopathie, chiropraxie, réflexologie, sophrologie, phytothérapie, pédicurie, podologie, acupuncture, étiopathie, hypnose, naturopathie, diététique », prises en charge à raison de 40 euros par séance et d'un nombre de séances variable selon le contrat (entre deux et cinq séances par an).

Ce plafonnement, s'il vise en principe à éviter les excès et à limiter la dépense totale encourue par les complémentaires santé au titre de ces prestations à la périphérie des soins de santé, induit toutefois en réalité une logique de crédit, qui pousse les assurés à considérer qu'ils « ont droit » à un certain nombre de séances. L'existence d'un plafond annuel peut alors, paradoxalement, devenir une incitation à « consommer » ces prestations.

Un assuré s'apercevant en fin d'année qu'il lui reste une séance remboursable chez un professionnel du bien-être avant le renouvellement de ses droits peut être incité à programmer cette séance sans besoin avéré, par précaution, afin de ne pas avoir à entamer trop tôt ses « crédits » pour l'année suivante.

Il n'est d'ailleurs pas interdit de se questionner sur la nature assurantielle de ces prestations, qui concernent aussi bien les malades que les bien-portants, et dont la consommation ne répond pas systématiquement à la survenue d'un risque - contrairement à une consultation médicale, par exemple.

· D'autre part, la demande des assurés en faveur de ces prestations encourage les complémentaires santé à développer leur offre. Les prestations à la périphérie du système de santé sont en effet devenues un argument marketing déterminant pour les complémentaires santé : le syndicat de médecins Avenir Spé-Le Bloc évoque ainsi « un argument commercial pour attirer des adhérents »476(*), d'autant plus déterminant que les complémentaires santé s'estiment enfermées par le cadre du contrat solidaire et responsable.

En restreignant les leviers de différenciation sur le champ du soin et en y standardisant les prestations, le contrat solidaire et responsable a repoussé la concurrence entre organismes aux marges du système de santé. Sur ces prestations, les complémentaires santé ont le champ libre pour se différencier et proposer un vaste éventail de prestations à leurs assurés.

De plus, alors que les tableaux de garanties sont particulièrement complexes en santé, rendant peu transparente la qualité réelle des prestations des complémentaires santé, les garanties en bien-être sont présentées d'une manière nettement plus parlante, en euros, comme l'a illustré l'exemple ci-dessus. Il est donc beaucoup plus simple pour les complémentaires santé de se distinguer par des prestations avantageuses sur le bien-être que sur la santé.

c) Des questionnements sur l'efficience des dépenses engagées et sur le contrôle des professionnels concernés

Compte tenu de la situation financière du secteur, alors que les dépenses de santé augmentent inexorablement et que les cotisations de complémentaire santé sont en nette hausse, la question de l'efficience des dépenses imputables à des pratiques périphériques à la santé doit être posée.

Les syndicats de professionnels de santé auditionnés par la mission ont, pour la plupart, exprimé une forme d'incompréhension face à la solvabilisation de disciplines ou de « méthode[s] [non] scientifiquement prouvée[s] »477(*). Le syndicat de médecins Avenir Spé-Le Bloc estime dans ses réponses au questionnaire du rapporteur qu'« au vu des difficultés de financement global de la santé, il parait tout à fait incompréhensible de payer des activités dont l'utilité et la pertinence ne sont pas scientifiquement établies ». Le syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs avance, dans le même esprit, que « la définition d'un panier AMC doit tenir compte des données scientifiques et ne pas se baser sur la seule volonté de la population ou sur un effet de mode »478(*).

La prise en charge de telles prestations par les complémentaires santé est, en outre, particulièrement onéreuse en frais de gestion : contrairement aux frais de santé sur lesquels les complémentaires santé bénéficient de la dématérialisation par l'assurance maladie, les frais de bien-être sont gérés par des factures au format papier, ce qui tire vers le haut les frais de gestion des sinistres.

Ces prestations à la périphérie des soins de santé sont de plus en plus fréquemment incluses dans les garanties « de base » des contrats, alors même qu'elles ne concernent pas tous les assurés. Il s'agit là de l'une des nombreuses causes des hausses tarifaires des complémentaires santé.

Or, la fonction principale d'une complémentaire santé est d'agir en complément de l'assurance maladie sur les frais de santé dont l'efficacité ne fait aucun doute scientifique. Les prestations à la périphérie de la santé doivent rester, pour les complémentaires santé, une activité subsidiaire, d'autant que le besoin de mutualisation afin de solvabiliser ces dépenses y est moins important.

C'est pourquoi la mission appelle à ce que les complémentaires santé ne proposent la prise en charge de prestations à la périphérie de la santé que de manière optionnelle. Dans ce schéma, les complémentaires santé seraient tenues de ne proposer, de prime abord, que des prestations en santé, et pourraient, après le choix des garanties en santé, proposer à l'assuré de souscrire une assurance optionnelle pour les prestations à la périphérie des soins de santé, à un tarif donné. Le surcoût lié à l'option ne revêtirait pas la qualification de « responsable », et ferait donc l'objet d'un taux de TSA plein.

La souscription d'une complémentaire santé se ferait en deux étapes :

- en premier lieu, l'assuré choisirait ses prestations en santé, avec un tarif associé sur lequel s'appliquerait un taux de TSA réduit si les garanties s'inscrivent dans le standard du contrat solidaire et responsable ;

- une fois que l'assuré aurait choisi ses prestations en santé, il serait libre de souscrire à une option pour bénéficier de prestations à la périphérie de la santé, dont le prix serait soumis à un taux de TSA normal.

Cette solution permettrait aux assurés qui ne souhaitent s'assurer qu'en santé de bénéficier d'une baisse du montant de leurs cotisations.

Recommandation. - Afin de diminuer le coût de la complémentaire santé pour les assurés qui n'ont pas recours aux médecines dites « douces », rendre optionnelle la couverture des assurés pour ces prestations, et sortir ces garanties du cadre du contrat solidaire et responsable.

Autre motif d'inquiétude pour les professionnels de santé, le manque de régulation sur les pratiques et les professionnels dont l'activité est solvabilisée par les complémentaires santé. Cette lacune ouvre en effet la porte à des pratiques déviantes, qui ont de quoi inquiéter même si elles restent aujourd'hui minoritaires voire marginales selon les professions. La Fédération des médecins de France (FMF) estime qu'« il ne faut rembourser ces actes que s'ils sont pratiqués par des professionnels de santé reconnus selon le code de la santé publique »479(*), tandis que la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR) craint que la prise en charge par l'AMC de prestations à la périphérie des soins de santé ne « contribu[e] à la promotion et au déploiement de pratiques non éprouvées et donc aux dérives thérapeutiques »480(*).

De fait, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) « constate régulièrement des tentatives d'infiltration de notre système de santé » par des « gourous de la santé » et certaines organisations sectaires présentes dans le domaine du soin481(*). Elle note que si les quelque 400 « pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique » répertoriées ne sont pas forcément porteuses de dérives sectaires, « la maladie est devenue une porte d'entrée rêvée pour (des mouvements) qui profitent de la souffrance ou de l'inquiétude des malades et de leur famille pour exercer une emprise à leur égard ». Elle observe que « 4 Français sur 10 ont ainsi recours aux médecines dites alternatives ou complémentaires, dont 60 % parmi les malades du cancer ».

Une commission d'enquête sénatoriale constituée en 2012 et présidée par notre collègue Alain Milon avait ainsi appelé à un encadrement rigoureux de ces pratiques, liées à des enjeux financiers considérables, et à une meilleure information du public sur leurs dangers potentiels pour des malades encouragés à mettre fin à leur traitement au profit de pratiques dénuées de fondement scientifique482(*). La crise sanitaire et le dynamisme des réseaux sociaux, qui offrent une tribune facile aux gourous de toute sorte, ont souligné l'actualité des alertes exprimées il y a plus de dix ans par cette commission.

Dans cet esprit, la mission d'information estime souhaitable que les organismes de complémentaire santé prennent régulièrement l'attache de la Miviludes afin d'éviter de prendre en charge des pratiques qui peuvent se traduire, comme l'avait déploré la commission d'enquête du Sénat, par une véritable perte de chance pour certains malades.

Recommandation. - Organiser un rendez-vous annuel entre les organismes de complémentaire santé et la Miviludes afin d'éviter tout risque de prise en charge, par les contrats complémentaires, de pratiques dites thérapeutiques mais identifiées comme potentiellement dangereuses pour les assurés.

III. TROIS EXIGENCES : AMÉLIORER LA SITUATION DES PUBLICS FRAGILES, RENFORCER L'INFORMATION DES ASSURÉS ET REVOIR LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME

Les difficultés identifiées par la mission d'information appellent trois axes de mesures pour :

- améliorer la situation des publics fragiles et résoudre les difficultés posées par les exclus des contrats collectifs - retraités, indépendants et inactifs ;

- améliorer l'information des assurés et leur permettre de choisir la complémentaire santé la plus adaptée à leurs besoins, leur évitant ainsi des cotisations surdimensionnées ;

- renforcer la gouvernance du système, de manière à dégager des marges d'efficience.

A. UNE URGENCE : RENFORCER LA MUTUALISATION À L'ATTENTION DES EXCLUS DES CONTRATS COLLECTIFS

1. Des risques désormais concentrés sur les contrats individuels
a) La généralisation des contrats collectifs aux dépens de la mutualisation et de la solidarité intergénérationnelle

La généralisation des contrats collectifs, rendus obligatoires pour les salariés du privé483(*) dans le cadre de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi qui a transposé l'Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, a naturellement déformé la structure du marché en générant un déport des contrats individuels vers les contrats collectifs.

Cela se traduit dans les chiffres : les contrats collectifs représentaient 41 % du marché en 2011 ; leur part s'élevait à 50 % en 2022. Sauf exception, les salariés qui avaient choisi de recourir à un contrat individuel pour leur couverture complémentaire santé ont donc basculé vers un contrat collectif. La déformation de la structure du marché s'est donc accompagnée d'une déformation des caractéristiques des assurés au sein de chaque type de contrat.

Le déport des salariés des contrats individuels vers les contrats collectifs a réduit le public cible des contrats individuels : ceux-ci concernent désormais, dans leur grande majorité, les retraités, les agents publics, les indépendants et les inactifs. Par rapport aux assurés couverts par des contrats collectifs - typiquement des actifs de moins de 65 ans, insérés dans l'emploi ou ayant été récemment insérés dans l'emploi484(*) - les assurés en individuel connaissent des problèmes de santé en moyenne plus fréquents et plus graves.

Ainsi, une conséquence importante de la réforme a été la concentration du risque sur les contrats individuels. Dans le même mouvement, la diversité des profils de risque couverts en individuel a diminué, entraînant une moindre mutualisation du risque sur ce segment de marché.

Il découle donc de l'obligation de souscrire au contrat collectif de son employeur « une segmentation et une perte des solidarités intergénérationnelles », selon la Mutualité française. Celle-ci évoque une rupture d'égalité « entre actifs et retraités, et plus globalement entre actifs et non-actifs ».

La réforme PSC (protection sociale complémentaire) dans la fonction publique485(*), et notamment l'obligation pour les fonctionnaires de l'État de souscrire au contrat de complémentaire santé de son assurance employeur, alimentera encore davantage ce clivage en générant inéluctablement un déport des fonctionnaires vers des contrats collectifs, laissant les contrats individuels aux seuls retraités, indépendants et inactifs et concentrant encore davantage le risque sur les contrats individuels.

La Mutualité française craint ainsi qu'une « fragilis[ation de] la mutualisation des risques entre actifs et retraités (tout secteur d'emploi confondu) »486(*) ne s'opère en conséquence du déploiement de la réforme PSC.

b) Des contrats individuels à la fois plus chers et moins couvrants, créant un système à deux vitesses au désavantage des retraités, des indépendants et des inactifs

On voit donc se constituer et se renforcer, avec les réformes dites ANI et PSC, un système à deux vitesses en matière de complémentaires santé.

Les gagnants sont les bénéficiaires d'un contrat collectif, c'est-à-dire principalement les salariés du privé et certains fonctionnaires. Ils bénéficient de contrats à la fois moins chers, et plus couvrants.

En effet, le contrat collectif :

offre d'importantes marges de négociations au souscripteur, qui apporte par un seul contrat un gain conséquent en matière de chiffres d'affaires pour l'organisme assureur. Cette caractéristique alimente une concurrence importante entre les assureurs. Dès lors, le souscripteur se retrouve en position de force dans les négociations, ce qui lui permet de négocier des garanties plus couvrantes à un prix donné ;

permet à l'assureur de bénéficier d'un risque mutualisé entre des assurés porteurs en moyenne de peu de risques, ce qui joue à la baisse sur les prix.

Au contraire, le risque concentré sur les assurés en individuel pousse les organismes assureurs à prendre davantage de marges dès lors que le risque a plus de chances de se matérialiser.

La dichotomie entre contrats collectifs et contrats individuels est donc à l'origine d'un système à deux vitesses, entre des contrats plus couvrants et moins chers en collectif, et des contrats individuels plus onéreux, à telle enseigne que les souscripteurs de contrats individuels choisissent en moyenne un niveau de garanties plus bas.

Dès lors, le système tel que renforcé par la loi pour la sécurisation de l'emploi et la réforme PSC a fait des gagnants, au premier chef certains salariés désormais couverts en collectif, et des perdants, en premier lieu les retraités, les indépendants, les demandeurs d'emploi et les inactifs, dont les contrats se sont mécaniquement renchéris.

2. Des dispositifs de prise en charge mal répartis au sein de la population

Qu'il s'agisse de la contribution des employeurs à la souscription des contrats collectifs, des mécanismes de déductibilité fiscale des cotisations ou des critères d'accès à la C2S, les dispositifs de prise en charge ne sont pas prévus pour les retraités ni pour les foyers modestes sans être précaires, qui s'en trouvent désavantagés.

a) Des avantages centrés sur certains actifs

Les dispositifs d'aide à la souscription des contrats collectifs, tant publics que privés, alimentent encore le système de couverture complémentaire santé à deux vitesses.

La participation des employeurs aux cotisations de complémentaire santé par l'employeur, à hauteur de 50 % au minimum487(*), ne concerne bien entendu que les salariés. Selon des données datant de 2017, la prise en charge moyenne par l'employeur atteindrait 59,6 %, soit un montant total de 12,1 milliards d'euros de cotisations prises en charge au titre de 2022.

Le mécanisme de prise en charge similaire prévu dans la fonction publique dans le cadre de la réforme PSC, que ce soit par la prise en charge d'une part des cotisations sur les contrats collectifs ou par la voie d'une subvention accordée sous conditions en cas de souscription à une complémentaire santé, ne bénéficiera également qu'aux fonctionnaires.

Les dispositifs fiscaux en faveur des assurés sont également concentrés sur les actifs. Salariés et indépendants non agricoles488(*) bénéficient ainsi, si leur contrat de complémentaire santé est solidaire et responsable, d'une déductibilité fiscale des montants versés au titre d'un contrat de complémentaire santé.

En revanche, les non-salariés agricoles et les micro-entrepreneurs ne sont concernés par aucun dispositif d'aide à la souscription sans condition de revenus. De même, les retraités et les inactifs ne disposent pas d'aides publiques, hormis la C2S pour des assurés précaires, alors même que ces publics devraient être prioritaires pour le bénéfice d'une couverture complémentaire santé dès lors qu'ils sont ceux pour lesquels le taux d'effort489(*) moyen est le plus élevé.

De l'aveu même de la direction de la sécurité sociale, les « dispositifs avantageux portent davantage sur la population en activité »490(*).

b) La C2S, un outil de politique publique utile pour les plus précaires, mais qui atteindrait mieux sa cible en s'appuyant sur le taux d'effort et non sur le revenu

La complémentaire santé solidaire (C2S) permet un accès gratuit ou à tarif avantageux à la complémentaire santé, sous conditions de ressources du foyer491(*). Cet outil est, à n'en pas douter, utile et nécessaire pour garantir l'accès le plus étendu à la complémentaire santé.

Il est, pour les inactifs et les retraités, la seule modalité d'aide à la souscription d'un contrat de complémentaire santé.

Pour autant, l'éligibilité à la C2S est conditionnée au niveau de revenu du foyer. Or, compte tenu de la pratique courante de la tarification à l'âge sur les contrats de complémentaire santé, un assuré de 40 ans et un assuré de 80 ans disposant du même revenu présenteront des taux d'effort tout à fait hétérogènes pour leur couverture santé.

En 2016, les tarifs des complémentaires santé étaient en moyenne 2,9 fois plus élevés à 75 ans qu'à 20 ans - et donc, à revenu constant, le taux d'effort également.

Dans cette situation, un retraité au-dessus du seuil d'éligibilité à la C2S peut avoir davantage de difficultés à financer son contrat de complémentaire sur le marché qu'un assuré plus jeune, pourtant éligible à la C2S.

Pour cette raison, ce dispositif, tel qu'il est conçu à ce jour, ne saurait répondre à toutes les situations de difficulté financière à souscrire une complémentaire santé. Les assurés non éligibles à la C2S en raison de leurs revenus, mais dont le taux d'effort est élevé, sont les plus pénalisés, a fortiori lorsqu'ils ne disposent pas de la déductibilité fiscale ou des aides de leur employeur.

À titre d'exemple, pour un assuré âgé de 75 ans dont le revenu mensuel se situe juste au-dessus du seuil de la C2S avec participation (1 144 euros pour une personne seule), la cotisation à une complémentaire santé sur le marché (114 euros par mois) représente en moyenne 10 % de son revenu.

A contrario, un assuré de 26 ans éligible à la C2S avec un revenu de 1 144 euros payerait, en moyenne, sa complémentaire santé 40 euros sur le marché, soit un taux d'effort de 3,5 %. Alors même que l'assuré de 26 ans rencontrerait moins de difficultés financières à souscrire une complémentaire santé sur le marché que l'assuré de 75 ans, seul le premier bénéficie aujourd'hui de la complémentaire santé solidaire.

Tarification des contrats individuels

Source : Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, Conseil de l'âge, « L'incidence des réformes du « 100 % santé » et de la complémentaire santé solidaire pour les personnes âgées », note, 17 avril 2020, d'après la Drees, 2019

3. Une nécessité : améliorer l'accès à la complémentaire santé pour les exclus des contrats collectifs

La mission d'information est convaincue de la nécessité d'améliorer l'accès à la complémentaire santé des assurés privés des avantages des contrats collectifs du fait de leur situation socio-économique : les retraités d'une part, et d'autre part les non-salariés.

a) L'indispensable réaffirmation d'une solidarité intergénérationnelle par une C2S dédiée aux seniors

Le passage à la retraite induit trois conséquences sur le coût de la complémentaire santé :

- d'une part, une perte de revenus qui augmente mécaniquement le taux d'effort, même à cotisations constantes ;

- d'autre part, la perte des avantages fiscaux ou des aides de l'employeur - que ce soit pour les salariés, les fonctionnaires ou les indépendants souscripteurs d'un contrat Madelin. La fin de cette prise en charge peut représenter, pour les assurés partant à la retraite, un doublement, voire un triplement du poids des cotisations : l'intégralité du financement du contrat incombe désormais au retraité, qui n'en partage plus la charge ;

- en outre, le passage à la retraite est corrélé à des augmentations tarifaires sur les contrats de complémentaires santé liées à l'âge, qui peuvent de surcroît être renforcées en cas de basculement d'un contrat collectif vers un contrat individuel, si l'assuré n'opte pas pour le contrat « loi Évin » qui doit lui être proposé492(*).

Ce « triple effet ciseaux » provoque, pour les assurés, une hausse soudaine du taux d'effort au titre de la complémentaire santé, qui ne trouve aujourd'hui pas véritablement de réponse - hormis en cas de souscription d'un contrat « loi Évin », mais les conditions de sortie du contrat collectif prévues par celle-ci ne permettent qu'un lissage bien temporaire de la montée en charge, aménagée sur trois années493(*).

La mission d'information souhaite améliorer l'accès des retraités aux complémentaires santé en agissant sur le levier de la mutualisation entre les actifs et les retraités et en revoyant les critères d'éligibilité à la C2S de manière à mieux prendre en compte le poids des cotisations aux complémentaires santé dans le revenu des retraités.

· La mission a constaté que la mise en oeuvre de l'obligation de souscrire au contrat collectif de son employeur avait engendré une démutualisation et une perte de solidarité intergénérationnelle entre les assurés actifs d'une part, et les inactifs de l'autre - dont les premiers perdants sont les retraités.

Elle observe en revanche que les dispositions prévues au sein de l'accord PSC494(*) (plafonnement des cotisations à 175 % de la cotisation d'équilibre du contrat souscrit par l'administration employeur pour les bénéficiaires actifs, et dont le niveau ne peut plus être réévalué à la hausse après l'âge de 75 ans) sont de nature à garantir la soutenabilité des tarifs des complémentaires santé pour les retraités. Il s'agit en effet à la fois d'une garantie directe, par le plafonnement des cotisations pour les sortants de contrats collectifs, et d'une garantie indirecte - le plafonnement des prix sur ces contrats rétroagira probablement sur les tarifs des contrats en individuel, qui devront s'aligner à la baisse.

La mission estime donc que l'application de dispositions similaires pour les salariés du privé est une piste à envisager, sous réserve naturellement d'une robuste expertise de ses conséquences financières. Bien au fait que les dispositions relatives aux fonctionnaires de l'État traduisent un historique de mutualisation intergénérationnelle plus forte dans la fonction publique que dans le secteur privé, la mission juge souhaitable de renvoyer aux partenaires sociaux la détermination des conditions dans lesquelles ce plafonnement serait envisageable.

Recommandation. - Mandater les partenaires sociaux pour réviser les mécanismes de sortie des contrats collectifs prévus par l'article 4 de la loi Évin du 31 décembre 1989, dans une logique de renforcement de la mutualisation intergénérationnelle, en s'inspirant du mécanisme de plafonnement des cotisations après un certain âge, applicable aux contrats collectifs obligatoires du secteur public.

· L'absence de prise en compte du taux d'effort des assurés pour l'éligibilité à la complémentaire santé solidaire ne permet pas au dispositif de répondre à l'ensemble des situations de difficulté d'accès à une complémentaire santé. Ce dispositif est notamment moins bien adapté aux seniors, dont le taux d'effort peut rester très important malgré des revenus supérieurs au seuil d'éligibilité du fait de la tarification à l'âge.

Afin de prendre en compte la spécificité de la situation des retraités et de leur permettre de souscrire à un contrat de complémentaire santé avec un taux de charge plafonné, la mission propose de créer une C2S dédiée aux seniors.

La « C2S senior » complèterait la C2S gratuite et la C2S avec participation. Elle viendrait en complément, et non en remplacement, de ces dispositifs dont elle constituerait en quelque sorte le troisième étage, et reposerait sur :

- un plafond de ressources spécifique, supérieur à ceux de la C2S gratuite et de la C2S avec participation ;

- une participation spécifique, qui pourrait être comprise entre un euro et deux euros par jour en fonction de l'âge du bénéficiaire.

Ainsi :

- un retraité dont les revenus seraient de 500 euros par mois continuerait de bénéficier de la C2S gratuite ;

- un retraité dont les revenus seraient de 1 000 euros par mois continuerait de bénéficier de la C2S payante, avec une participation fixée à 25 ou 30 euros par mois selon son âge, comme c'est le cas actuellement ;

- un retraité dont les revenus dépasseraient le seuil d'éligibilité à la C2S payante, qui ne dispose aujourd'hui d'aucune aide pour souscrire un contrat de complémentaire santé, pourrait, grâce à la C2S seniors, bénéficier d'une complémentaire santé à un tarif préférentiel lui garantissant un taux d'effort raisonnable495(*), de l'ordre de deux euros par jour.

Recommandation. - Afin de leur garantir un taux d'effort raisonnable, créer, sur le modèle de la C2S avec participation, une « C2S seniors » destinée aux retraités dont les ressources se situent entre le minimum vieillesse et un plafond spécifique, et qui serait assortie d'une participation modeste (de l'ordre de deux euros par jour).

b) Encourager le recours à la complémentaire santé pour les non-salariés
(1) Ouvrir le dispositif de déductibilité fiscale « Madelin » aux non-salariés agricoles

Du fait de leur activité, les exploitants agricoles sont exposés à des risques pour leur santé - troubles musculo-squelettiques et maladies respiratoires notamment. Ces pathologies ne sont pas toujours recevables comme maladies professionnelles496(*) : c'est pourquoi il existe un fort besoin de couverture complémentaire santé chez les non-salariés agricoles, qu'il convient, pour les pouvoirs publics, d'accompagner dans une démarche d'accessibilité financière.

Dans le cadre de la politique sectorielle agricole, les non-salariés agricoles bénéficient ainsi d'un taux de TSA minoré sur leurs contrats responsables et solidaires, puisqu'exonéré de l'ex-part de TSCA. Le niveau de taxation sur ces contrats est ainsi de 6,27 %, contre 13,27 % pour les contrats responsables et solidaires non agricoles.

Afin d'améliorer encore le taux de couverture complémentaire santé chez les non-salariés agricoles, des dispositifs complémentaires peuvent être envisagés.

Par exemple, l'accès à la déductibilité fiscale des cotisations de complémentaire santé dans le cadre des contrats dits « Madelin », aujourd'hui réservé aux travailleurs indépendants, pourrait être ouvert aux non-salariés agricoles. La déductibilité fiscale « Madelin » est, du reste, déjà ouverte aux non-salariés agricoles en ce qui concerne leurs contrats de retraite supplémentaire. Cette recommandation avait déjà été envisagée dans le cadre du scénario 1 présenté dans le rapport du HCAAM précité497(*).

Recommandation. - Ouvrir aux non-salariés agricoles le bénéfice de la déductibilité fiscale « Madelin » sur leurs cotisations de complémentaire santé.

(2) Renforcer l'aide aux indépendants en difficulté pour améliorer la couverture complémentaire santé

Alors que les indépendants présentent des taux d'affiliation à des complémentaires santé inférieurs à la moyenne, les actions de sensibilisation et les aides à leur attention doivent être renforcées.

Le dispositif Help !, créé en 2022 à destination des indépendants en difficulté, peut être un relais intéressant pour mieux les accompagner dans leur accès aux droits.

Reposant sur une mobilisation collective de l'Urssaf, des caisses d'allocations familiales, des caisses primaires d'assurance maladie ainsi que des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, le dispositif vise à « répondre aux diverses situations difficiles traversées par les travailleurs indépendants et de détecter les fragilités rencontrées afin d'y répondre rapidement et concrètement »498(*). Parmi les objectifs de ce dispositif figure notamment l'accès aux soins et à la santé.

L'indépendant rencontrant des difficultés financières, médicales, familiales ou sociales peut ainsi répondre à un questionnaire unique en ligne, transmis aux organismes compétents (l'Urssaf, la caisse d'allocations familiales, la caisse primaire d'assurance maladie et la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail). Ces derniers peuvent alors contacter l'indépendant en difficulté pour lui proposer une aide adaptée aux problématiques rencontrées, et pour lui faire connaître les droits auxquels il a accès.

La promotion de ce dispositif pourrait donc encourager l'accès à une complémentaire santé pour les indépendants en difficulté, et notamment le recours à la complémentaire santé solidaire en cas d'éligibilité.

Recommandation. - Faire connaître le dispositif Help ! pour les indépendants en difficulté, et en encourager le recours.

B. UN DÉFAUT DE LISIBILITÉ DES OFFRES DES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ QUI PEUT POUSSER CERTAINS ASSURÉS À CHOISIR DES CONTRATS INUTILEMENT CHERS

1. Des efforts récents en faveur des consommateurs
a) Une protection accrue des assurés souscrivant un contrat de complémentaire santé

Depuis les années 1980, le législateur s'est engagé pour garantir les droits des assurés dans leurs relations avec leur complémentaire santé. Le cadre réglementaire et législatif a ainsi évolué pour garantir la protection contre les ruptures de couverture et les droits des assurés dans leurs relations avec leur complémentaire.

(1) La protection contre les ruptures de couverture complémentaire

La couverture complémentaire découle, pour l'assuré, d'un ou de plusieurs accords contractuels. Dans le cadre d'une couverture collective, le contrat de travail et le contrat souscrit par l'employeur garantissent la protection, tandis que dans le cadre d'une couverture individuelle, l'affiliation dépend du contrat auquel a adhéré l'assuré.

Par conséquent, la protection complémentaire de l'assuré est, par nature, précaire : elle prend notamment fin avec le contrat de travail.

La loi Évin précitée de 1989 entend répondre au risque de rupture de couverture pour l'assuré, en instaurant une obligation de maintien des garanties pour les anciens salariés et les ayants droit d'un salarié décédé. Ainsi, l'assuré titulaire d'une rente pour incapacité, d'une pension d'invalidité, d'allocations de retour à l'emploi ou d'une pension de retraite peut opter pour le maintien des garanties du contrat complémentaire santé collectif dont il bénéficiait étant salarié. L'organisme assureur doit donc proposer à l'assuré un contrat prévoyant des garanties équivalentes à sa couverture collective précédente, à la charge exclusive de l'assuré.

Ce dispositif a été, par la suite, complété par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui prévoit une « portabilité des droits » pour les assurés, c'est-à-dire le maintien de la couverture complémentaire collective dans les douze mois suivant la perte d'emploi d'un salarié499(*).

(2) L'assouplissement des conditions de résiliation des contrats de complémentaire santé : la résiliation infra-annuelle

Alors que le droit à résilier sa complémentaire santé n'était ouvert qu'une fois par an pour les assurés, la loi du 14 juillet 2019500(*) permet aux assurés de résilier à tout moment leur contrat de complémentaire santé, sans frais ni pénalité, après un an d'adhésion501(*).

Cette possibilité avait été ouverte en 2014 pour certains autres contrats d'assurance (automobile, habitation notamment), par la loi dite « Hamon »502(*).

Ces dispositions ont renforcé les droits des consommateurs, en leur permettant de résilier un contrat onéreux ou mal adapté à leur situation dès qu'ils ont connaissance d'une meilleure offre.

Selon le bilan de la résiliation infra-annuelle effectué par le CCSF503(*), le premier motif de résiliation est le prix des contrats et le souhait de l'assuré de trouver une couverture santé moins chère. La moitié des résiliations sont le fait d'assurés de plus de 62 ans.

Contrairement aux effets attendus de la réforme, la résiliation infra-annuelle n'a pas entraîné de baisse des tarifs, ce que le CCSF a attribué à l'entrée en vigueur du 100 % santé, au contexte global de hausse des dépenses de santé et à la mise en oeuvre de certaines mesures liées aux suites de la pandémie comme le dispositif Mon soutien psy504(*).

La résiliation infra-annuelle a marqué un important changement pour les complémentaires santé, avec un effet haussier probable sur leurs frais de gestion.

Elle a également constitué une rupture dans la justification des droits ouverts par les assurés : les professionnels de santé rencontrés par le rapporteur sont nombreux à noter que la résiliation infra-annuelle a conduit à priver de valeur la traditionnelle « carte papier » de la mutuelle, valable un an. À compter de la résiliation du contrat, la date de validité inscrite sur la carte papier ne s'applique plus ; or le professionnel n'est pas nécessairement informé de cette résiliation, ce qui génère des risques accrus d'impayés, voire de fraude et est de nature, en outre, à freiner le développement du tiers payant.

Il importe donc de faciliter l'accès à cette information, ce qui passe par la modernisation des cartes de mutuelle qui pourraient, sur le modèle de la carte Vitale, intégrer les données numériques permettant d'évaluer facilement et à tout moment les droits des assurés.

Recommandation. - Moderniser les cartes de mutuelles et les systèmes d'information afin de permettre aux professionnels de santé, en particulier en cas de résiliation infra-annuelle, d'avoir accès à des informations à jour sur les droits des assurés et d'appliquer le tiers payant.

(3) La progression du droit d'information des assurés

Les obligations reposant sur les organismes d'assurance maladie complémentaire en matière d'information des assurés se sont également progressivement renforcées.

Ainsi, l'article 12 de la loi Évin précitée prévoit que, dans le cadre d'un contrat collectif, l'employeur diffuse à ses salariés une notice d'information, rédigée par l'assureur, portant sur les garanties prises en charge par le contrat d'assurance maladie complémentaire auquel il a souscrit505(*).

b) L'harmonisation des tableaux de garanties pour répondre à l'illisibilité des offres

Les associations de consommateurs décrient, de longue date, la complexité et l'illisibilité des prestations des complémentaires santé.

Cette complexité est, il est vrai, le miroir de celle du système de santé. Ce constat réunit la DSS, qui admet ainsi qu'« en comparaison à d'autres systèmes de santé, ce découpage AMO/AMC à la française apparait comme plus difficilement lisible »506(*), et les fédérations d'organismes complémentaires - France Assureurs rappelle que « la complexité des tableaux de garanties renvoie à la complexité de notre système de santé, de son organisation et de son financement [et à celle] de la réglementation »507(*). Dans le même esprit, le médiateur de la protection sociale a estimé lors de son audition qu'« aucun organisme assureur ne peut répercuter sur une notice ou un tableau de garanties de quelques pages la complexité des nomenclatures de la sécurité sociale »508(*).

Pour autant, la complexité provient aussi d'une insuffisante harmonisation des tableaux de garanties, des présentations des prestations ou encore des définitions des libellés.

Exemple d'un tableau de garanties de complémentaire santé

Source : magnolia.fr

Des actions ont donc été engagées afin d'harmoniser les tableaux de garantie, dans le but de clarifier et simplifier la présentation des offres pour les assurés.

Dès 2011, sous l'impulsion de Bercy, des travaux ont été conduits sous l'égide du Comité consultatif du secteur financier509(*) (CCSF), une instance consultative hébergée par la Banque de France et réunissant des représentants des établissements financiers, des représentants de la clientèle en nombre égal, un député, un sénateur et des personnalités qualifiées.

Dans un avis du 19 juin 2018, le CCSF « insiste sur l'importance d'une application effective des engagements de lisibilité, transparence et comparabilité, par tous les organismes de complémentaire santé ». Le comité avait alors approuvé des propositions de l'Unocam destinées à améliorer la lisibilité des garanties :

- prévoir une liste de grands postes de remboursement aux libellés harmonisés et clairement définis, de même que certaines de leurs sous-rubriques. Par exemple, la rubrique « hospitalisation » se décompose en des sous-rubriques « participation du patient », « forfait journalier hospitalier », « honoraires » et d'autres sous-rubriques libres ;

Source : Avis du CCSF en date du 19 juin 2018

harmoniser les pratiques entre une présentation incluant la prise en charge de l'AMO, et une présentation l'excluant ;

- instituer une liste unique d'une douzaine d'exemples de remboursement faisant apparaître les tarifs opposables, le niveau de remboursement de l'AMO, le niveau de remboursement de la garantie et le reste à charge en euros. Cette recommandation, dans la droite ligne de l'institution d'exemples de remboursements en euros, permet de contourner la complexité du système, fondée sur un remboursement dépendant a minima du taux de ticket modérateur et de la base de remboursement de la sécurité sociale.

Le CCSF souligne en outre l'intérêt d'un devis du professionnel de santé avant l'engagement de frais de santé pouvant entraîner un reste à charge.

Suite à cet avis de 2018, l'Unocam, la Mutualité Française, France Assureurs et le CTIP ont signé le 14 février 2019, en présence de la ministre de la santé, un engagement pour « une harmonisation des libellés des principaux postes de garanties, incluant des exemples communs en euros sur les actes et prestations les plus courants et/ou potentiellement reste à charge important et des outils pédagogiques visant à accompagner les assurés dans leur compréhension du système et leurs démarches »510(*).

Dans un nouvel avis du 10 décembre 2019, le CCSF :

- a constaté que l'accord avait été « effectivement traduit dans les engagements professionnels », bien que le collège des consommateurs ait regretté son « caractère non-contraignant » ;

- a invité une nouvelle fois les organismes à développer les estimations du remboursement en euros plutôt qu'en part de la base de remboursement ;

- a regretté que les professionnels n'aient pas choisi entre l'expression d'un taux de remboursement incluant ou excluant celui de l'AMO, comme il l'avait demandé dans son avis du 19 juin 2018 ;

- a appelé à une meilleure harmonisation des termes utilisés pour désigner des garanties semblables.

Le 11 mai 2021, le CCSF constate la difficulté à comprendre la notion de base de remboursement ainsi que la répartition des parts prises en charge par l'AMO et l'AMC et conclut à nouveau à la nécessité d'exprimer les remboursements en euros et à harmoniser la présentation des garanties, notamment l'ordre dans lequel elles apparaissent. Il propose également de refondre les exemples de remboursement en euros pour offrir plus de pédagogie, et de porter leur nombre à 26. Le CCSF regrette, en outre, la difficulté d'accès aux tableaux de garanties et aux tableaux d'exemples de remboursement sur les sites internet des organismes complémentaires.

On note donc, avis après avis, le caractère répétitif, voire incantatoire des recommandations du comité, révélateur d'un processus long et probablement non consensuel pour les organismes de complémentaire santé.

2. Des efforts à poursuivre pour permettre aux assurés de choisir le niveau de couverture le plus adapté à leurs besoins
a) Le manque persistant de clarté et de lisibilité des offres

Une enquête présentée par l'Unocam au CCSF le 18 avril 2023 indique une application satisfaisante des engagements pris par les complémentaires santé : 97,6 % des assurés ont accès sur le site de l'organisme au tableau des 26 exemples de remboursement en euros, et 94,1 % d'entre eux ont un accès « en trois clics » aux données sur les garanties.

Cette forme de satisfecit n'a pas pleinement convaincu le rapporteur. Dans le même esprit, les associations de consommateurs estiment que les travaux menés à ce jour ne sont pas suffisants pour garantir la clarté et la transparence des garanties. Selon l'UFC-Que choisir, « les offres sont au contraire totalement illisibles et opaques pour les assurés »511(*).

Même si les garanties sont, effectivement, disponibles et accessibles en ligne, la mission d'information a effectivement pu constater que ces tableaux ne sont pas nécessairement mis en avant sur les sites. Dans les faits, on ne peut les trouver que si on les cherche, ce qui suppose de connaître leur existence.

Le marché des contrats de complémentaires santé a même été comparé par le président de la Confédération française des retraités à un « maquis ». L'UFC-Que choisir estime nécessaire de « standardiser davantage et de manière contraignante les tableaux de garanties ainsi que les exemples de remboursements »512(*).

Selon le CCSF, « les associations de consommateurs demandent également que les tableaux de garantie soient harmonisés quant à l'expression de la garantie, remboursement de l'AMO inclus ou remboursement de l'AMO exclu ».

Aujourd'hui, certaines complémentaires santé indiquent par exemple un taux de 100 % de prise en charge des consultations médicales : elles incluent la prise en charge de l'AMO à 70 % et la prise en charge de l'AMC à hauteur de 30 %. Cela correspond à une logique de remboursement total pour l'assuré. Dans le même temps, et pour les mêmes garanties, d'autres organismes évoquent une prise en charge de 30 %, correspondant à la prise en charge AMO exclue, et donc au remboursement effectif de la complémentaire. Ces différences de pratique sont à la source d'un manque de lisibilité pour l'assuré.

Ces revendications rejoignent largement les préoccupations exprimées par le CCSF depuis son avis de 2018, plusieurs fois répétées depuis et à nouveau inscrites au programme de travail du CCSF pour 2024 et 2025.

Les médiateurs des complémentaires santé auditionnés par la mission d'information ont souligné le lien entre certaines saisines et la complexité des contrats - plus particulièrement des tableaux de garanties - pour les assurés : la notion de « base de remboursement de la sécurité sociale », voire de BRSS, à laquelle les contrats se réfèrent, est en effet « peu accessible aux néophytes »513(*). La question du périmètre des soins qui, non pris en charge par l'assurance maladie obligatoire, ne peuvent l'être par les complémentaires constitue également une source d'incompréhension pour les assurés, comme l'a fait observer le médiateur de la protection sociale : « Si vous avez un problème de cataracte, l'implant intraoculaire sera remboursé. Si, à cette occasion, on vous pose un implant multifocal, qui vous permettra de ne plus jamais porter de lunettes, le soin sera qualifié de confort, et ne sera alors pas remboursé. Il est difficile de comprendre les garanties »514(*).

Le rôle des médiateurs

Sous l'influence du droit européen, le code de la consommation515(*) impose désormais à tous les secteurs de la consommation d'offrir la possibilité de recourir à un système de médiation.

Dans le champ de la complémentaire santé, chaque famille dispose d'un médiateur afin de résoudre à l'amiable des litiges entre l'adhérent et sa complémentaire : il y a donc un médiateur de la mutualité, un médiateur des assurances et un médiateur de la protection sociale, chargé des litiges avec les institutions de prévoyance.

En 2023, les médiateurs ont traité 4 019 dossiers relatifs à la santé : 2 664 pour le médiateur des assurances, 979 pour le médiateur de la mutualité et 376 pour le médiateur de la protection sociale, pour des montants compris le plus souvent entre quelques centaines et quelques milliers d'euros. Le montant médian sur lequel portent les litiges était de 800 euros pour le médiateur de la mutualité, à titre d'exemple.

La médiation est gratuite pour l'assuré, le système étant financé par les complémentaires elles-mêmes.

La saisine du médiateur suit une procédure très encadrée : celle-ci est possible si un litige persiste516(*) après avoir adressé une réclamation écrite à son organisme assureur.

À compter de la saisine, le médiateur dispose de trois semaines pour examiner la recevabilité de la demande. En raison du caractère limité du champ des litiges pouvant donner lieu à une médiation517(*) et de règles de recevabilité spécifiques518(*), de nombreuses demandes sont déclarées irrecevables - 66,7 % en 2023 pour le médiateur de la mutualité, par exemple.

Si la demande est recevable, le médiateur a 90 jours519(*) pour trouver une issue amiable au différend. Dans les faits, le délai moyen excède largement le délai légal - 154 jours en 2023 pour le médiateur de la mutualité, 152 jours pour celui de la protection sociale.

Les principales causes des réclamations sont :

- une forme de carence à développer les services de gestion des sinistres et des réclamations par les complémentaires santé, notamment les assureurs. Le médiateur des assurances note ainsi que « certains assureurs ne jouent pas suffisamment le jeu. Ils n'ont pas suffisamment renforcé leur service de gestion de sinistres et réclamations. Ils laissent les dossiers se déverser à la médiation, estimant qu'ils ont réalisé un arbitrage entre le renforcement de leur service de gestion de sinistre, et le financement d'une part du budget de la médiation »520(*) ;

- une forme de consumérisme des assurés, le médiateur de la Mutualité indiquant que les auteurs « considèrent souvent que les prestations prévues par leur garantie sont un dû. Même si les conditions de délivrance de la prestation prévue au contrat ne sont pas toujours remplies, ils estiment y avoir droit ». Cette dynamique est alimentée, selon le médiateur de la protection sociale, par l'obligation de souscrire au contrat collectif de l'employeur, les salariés estimant « qu'ils cotisent à la complémentaire santé comme ils cotisent à la sécurité sociale » et considèrent donc « normal que la complémentaire santé complète totalement la prise en charge des soins exposés »521(*) ;

- le transfert de la relation clients aux courtiers, source d'opacité dans les prestations et les droits des assurés522(*).

b) La complexité des offres, un frein au libre jeu de la concurrence ?

La difficulté pour les assurés de comprendre les offres des complémentaires santé peut avoir pour effet indirect de renchérir la couverture complémentaire santé.

En effet, le manque de comparabilité entre les contrats est un frein à l'application des logiques concurrentielles. De nombreux assurés peuvent ne pas avoir conscience que leur contrat de complémentaire santé est insuffisamment compétitif par rapport au marché. Ces derniers sont alors comme prisonniers de leur choix initial, et peuvent payer au-dessus des prix de marché une complémentaire santé pendant de longues années.

À cet égard, l'UFC-Que choisir note que « le manque d'accessibilité et de lisibilité de l'information limite les possibilités de faire valoir le droit de résilier à tout moment. L'assuré est bien en peine de savoir s'il est plutôt bien loti ou non. »523(*)

En outre, le manque de lisibilité des contrats rend difficile, pour les non-initiés, d'effectuer un choix éclairé et d'opter pour un contrat dont le niveau de couverture est adapté à ses besoins. Dans le doute sur l'étendue réelle des prestations, certains assurés peuvent donc se « sur-couvrir » et payer un contrat qui n'est pas calibré à leurs besoins. Certains organismes complémentaires auditionnés concèdent même que, dans certains cas, l'auto-assurance reviendrait moins cher aux assurés que la souscription à une complémentaire santé aux garanties surcalibrées.

Recommandation. - Poursuivre les efforts d'amélioration de la lisibilité des contrats :

- en contraignant les complémentaires santé à présenter les garanties en euros, et pas seulement en part de la base de remboursement de la sécurité sociale ;

- et en définissant un standard de présentation des garanties, AMC incluse ou exclue.

C. UNE GOUVERNANCE À REVOIR POUR DÉGAGER DES MARGES D'EFFICIENCE GLOBALES

1. AMO, AMC : quel dialogue, quelle coopération ?
a) Un secteur éclaté qui ne parle pas d'une seule voix

Le secteur de l'assurance maladie complémentaire est particulièrement complexe : il est éclaté entre de nombreux acteurs - 397 organismes étaient collecteurs de la TSA en 2022 - eux-mêmes répartis en trois familles.

Chaque famille dispose de sa propre représentation : la FNMF et la Fédération nationale indépendante des mutuelles (Fnim) représentent les mutuelles, la seconde plus particulièrement les mutuelles indépendantes et généralement plus petites, tandis que le CTIP représente les institutions de prévoyance et France Assureurs les entreprises d'assurance.

Par conséquent, aucun interlocuteur naturel n'émerge pour parler au nom de l'ensemble des complémentaires santé. Cela complexifie le dialogue entre les pouvoirs publics et les Ocam, et au sein même des Ocam ; d'autant que les positions de chaque fédération ne sont pas toujours alignées, compte tenu des intérêts divergents de chaque famille et parfois en leur sein, liés à leur implantation différenciée sur le marché.

b) Unocam et inter AMC, deux instances inter-complémentaires aux compétences limitées

Pour pallier ce problème, deux principales instances inter-complémentaires formalisées ont vu le jour depuis les années 2000 : l'Unocam et l'inter AMC. Le champ d'action de chacune est toutefois limité.

• L'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (Unocam) est une association créée par l'article 55 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie524(*). Elle regroupe la Mutualité française, France Assureurs, le CTIP, le régime local d'Alsace-Moselle et, depuis 2008, la Fnim. Dans son rapport d'activité 2022, l'Unocam affirme qu'elle « représente tous les organismes complémentaires d'Assurance maladie, dans la diversité de leur gouvernance, de leur modèle économique et de leurs métiers que sont les mutuelles, les entreprises d'assurance et les institutions de prévoyance ».

La loi de 2004 avait fixé des objectifs clairs mais ambitieux à l'Unocam, chargée de rendre des avis sur les décisions relatives au ticket modérateur et de participer aux négociations conventionnelles associant l'AMO et les représentants des professionnels de santé525(*). En 2022 et 2023, l'Unocam a approfondi son investissement dans son rôle de partenaire conventionnel, en devenant cosignataire de plusieurs conventions avec des professions de santé pour lesquelles le financement AMC est minoritaire - notamment celle des masseurs-kinésithérapeutes. L'Unocam est également chargée de rendre des avis sur les projets de loi relatifs à l'assurance maladie et sur les PLFSS depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007526(*).

L'Unocam est donc avant tout une instance se prononçant sur les grandes modifications des équilibres du financement de la santé.

• L'inter AMC est une association créée en 2015 par la Mutualité française, France Assureurs et le CTIP, rassemblant 273 complémentaires santé ou partenaires (opérateurs de tiers payant, notamment). Sa vocation première est d'« harmoniser, simplifier les échanges entre les professionnels de santé et les complémentaires en France, et faciliter le parcours du patient »527(*).

L'association est particulièrement engagée sur la simplification du recours au tiers payant pour les professionnels de santé, et est à l'origine de dispositifs comme ROC en établissements de santé528(*).

c) La nécessaire création d'une instance de dialogue formalisée entre l'assurance maladie complémentaire et les pouvoirs publics

Si ces deux instances ont, à n'en pas douter, contribué activement à améliorer le pilotage de l'assurance maladie complémentaire en France, elles n'ont pour autant pas résolu le problème de l'insuffisance du dialogue entre assurance maladie complémentaire et pouvoirs publics.

Plus de vingt ans après la promulgation de la loi sur l'assurance maladie qui a instauré l'Unocam, les constats dressés dans l'exposé des motifs et motivant la création de l'union restent en effet pleinement d'actualité : « L'absence de coordination entre l'assurance de base et les assurances complémentaires conduit souvent à des incohérences dans la gestion de notre système de soins ». Il est très regrettable qu'aucun progrès n'ait été accompli dans ce domaine depuis 2004.

Compte tenu des défis auxquels est confronté notre système de santé, notamment financiers, une approche partenariale est réellement indispensable. Le président du groupe Harmonie mutuelle a estimé, lors de son audition par la mission, que « pour réussir ce défi, qui est celui de notre système de santé dans son ensemble, nous avons une conviction forte et partagée, celle d'agir en complémentarité des pouvoirs publics et des parties prenantes sur des sujets aussi majeurs et structurants que la prévention, la lutte contre la fraude, la régulation des prix en santé. Il nous faut chercher ces complémentarités. Chacun doit être à sa place, là où il est le plus efficient, car nos défis sont communs. Il est illusoire de croire que nous les affronterons en ignorant les acteurs qui nous entourent »529(*). Le rapporteur souscrit pleinement à ces propos.

Le directeur général de Malakoff Humanis a exprimé la nécessité de revoir les modalités de dialogue, estimant que « l'Unocam n'est probablement pas l'alpha et l'oméga des interlocuteurs » et ajoutant que « ce qu'il faut, c'est un dialogue entre l'assurance maladie obligatoire, la direction de la sécurité sociale et les organismes complémentaires. Il faut probablement les trois fédérations autour de la table, ainsi que l'Unocam, mais celle-ci n'intervient que sur le conventionnel, non sur le contractuel, or l'on sait que la tuyauterie est importante ! »530(*).

· Les deux instances actuelles sont de surcroît limitées quant à leur représentativité (notamment l'inter AMC, qui ne couvre pas l'ensemble des acteurs de la complémentaire santé) et à leur champ d'action - principalement les enjeux financiers et conventionnels pour l'Unocam, le service aux professionnels de santé pour l'inter AMC.

· Les instances existantes ne peuvent donc pas couvrir l'ensemble des sujets qui devraient l'être, en bonne gestion : les enjeux de clarification et de transparence sont ainsi laissés au CCSF, dont la capacité à engager les complémentaires santé est limitée, la lutte contre la fraude est gérée en silo entre AMO et AMC531(*) et, surtout, il n'existe aucune instance de dialogue pluriannuel, de long cours, sur la vision et l'avenir de l'assurance maladie. Un comble alors que les défis du financement du système de santé sont structurels et durables : ils nécessitent donc une réponse coordonnée et une vision de long terme.

L'Unocam est certes invitée à réagir au coup par coup à des décisions modifiant l'équilibre financier de l'AMO et de l'AMC, mais les complémentaires santé n'ont pas véritablement d'occasion de dialoguer avec les pouvoirs publics sur des sujets de pilotage global du système.

· En outre, l'Unocam comme l'inter AMC sont des personnes morales uniques, représentant pourtant une diversité d'intérêts incarnée par les trois familles de complémentaires santé. Ces instances internalisent les divergences qui peuvent exister entre les familles, même si le consensus n'est pas une condition sine qua non au fonctionnement de l'Unocam532(*). Leur légitimité à engager les complémentaires santé sur des sujets de discorde entre familles de complémentaire santé est donc limitée.

· Enfin, aucune instance ne permet un dialogue construit avec l'assurance maladie obligatoire et le Gouvernement.

Pour cette raison, le Comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDoc) créé à l'initiative du ministre de la santé et de la prévention et installé le 13 octobre 2022, rassemble l'Unocam, la Mutualité française, France Assureurs, le CTIP, l'assurance maladie obligatoire et des services de l'État.

Il a « vocation à traiter des sujets d'intérêt commun entre l'État, l'Assurance maladie et les organismes complémentaires, pour mieux répondre aux besoins de santé des assurés, sans se substituer aux instances et lieux de concertation existants », et s'est fixé une feuille de route ambitieuse : articulation entre AMO et AMC, renforcement de l'accès aux droits, prévention, généralisation du tiers payant, partages de données et lutte contre la fraude533(*).

La mission salue cette initiative, tout en regrettant qu'elle n'ait pas été prise plus tôt. Elle appelle à institutionnaliser ce comité de dialogue et à le réunir trimestriellement, sur un ordre du jour défini conjointement par les complémentaires santé et le Gouvernement, pour répondre à l'ensemble des enjeux qui lui incombent534(*) selon une approche partenariale entre AMO et AMC : il importe pour ce faire que les Ocam puissent régulièrement exprimer leurs préoccupations et leurs propositions au Gouvernement.

Elle estime également souhaitable que le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle, évoqué plus haut, soit associé en tant que de besoin à cette instance.

Recommandation. - Institutionnaliser le Comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDoc) et en faire un comité de dialogue trimestriel, dont l'ordre du jour et la feuille de route sont définis conjointement par le Gouvernement, l'Assurance maladie et les complémentaires santé. Y associer le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle lorsque l'ordre du jour le justifie.

2. Un effort de coordination nécessaire en matière de lutte contre la fraude et de prévention

La coordination aujourd'hui insuffisante entre AMO et AMC conduit les deux parties à investir insuffisamment certains gisements d'économies, pourtant indispensables au vu de la situation financière de notre système de santé. La lutte contre la fraude et le développement de la prévention, largement perfectibles, illustrent cette défaillance.

a) La lutte contre la fraude, une illustration de l'insuffisante coordination entre AMO et AMC

En matière de lutte contre la fraude, les insuffisances actuelles concernent non seulement le manque de coordination des acteurs, mais aussi le cadre juridique, inadapté aux enjeux actuels du traitement des données de santé.

(1) Les défaillances dues à une organisation en silo

La lutte contre la fraude est l'exemple le plus marquant des conséquences regrettables d'une insuffisante collaboration entre assurances maladie obligatoire et complémentaire.

En effet, le développement des nouvelles technologies et l'utilisation de la donnée permettrait, en théorie, à l'AMO et à l'AMC d'aller beaucoup plus loin dans leur lutte contre la fraude en coordonnant leurs efforts et en partageant leurs informations.

Selon l'organisation décrite par France Assureurs, l'AMO et l'AMC luttent en effet contre la fraude en silo :

« Les assureurs disposent de leur propre mécanisme de lutte contre la fraude (en interne ou de façon mutualisée via l'ALFA, l'agence de lutte contre la fraude à l'assurance), détectent et agissent pour lutter contre la fraude (ponctuelle - facturation d'actes fictifs par exemple ou organisée de type édition de fausses ordonnances et de fausses factures).

De son côté, l'assurance maladie a diligenté des actions fortes dans les domaines de l'optique et de l'audiologie. Nous en prenons connaissance par la presse et les données communiquées sont insuffisantes pour permettre aux organismes complémentaires de faire un recours et de récupérer les indus qui leur reviennent.

On reste donc dans un schéma où l'AMO et l'AMC luttent parallèlement, en silo contre la fraude sociale et ne partagent pas leurs informations. Alors que la lutte contre la fraude est un enjeu national pour lequel organismes de sécurité sociale et complémentaires devraient travailler de pair pour gagner en efficacité et en rapidité et ainsi garantir la pérennité de notre système de protection sociale. »535(*)

Bilan de la politique de lutte contre la fraude
conduite par l'Assurance maladie en 2023

Selon le bilan de la lutte contre la fraude publiée par l'Assurance maladie le 28 mars 2024536(*), « près de 466 millions d'euros de fraudes ont été détectées et stoppées, un montant record qui dépasse l'objectif de 380 millions d'euros fixé initialement ». Cette politique de fermeté s'est traduite par 10 500 suites contentieuses engagées en 2023 (+ 20 % en un an), près de 4 000 poursuites pénales (+ 34 % par rapport à 2022) et 3 400 pénalités financières (+ 28 % par rapport à 2022).

L'Assurance maladie évoque la « complexité » des formes que revêt la fraude : fraudes à l'identité, falsification de documents authentiques, faux arrêts de travail diffusés sur les réseaux sociaux, fraudes aux RIB... Cette sophistication des techniques de fraude exige des stratégies innovantes qui impliquent notamment la diversification du profil des agents et la formation de cyberenquêteurs.

En 2023 ont été conduites des campagnes ciblant les centres de santé (200 ont été contrôlés ; 21 ont été déconventionnés depuis 2023 pour des fraudes impliquant des activités en ophtalmologie ou en soins dentaires). La fraude aux audioprothèses est un point de vigilance particulier (21,3 millions d'euros de fraude évités en 2023).

La mission a identifié deux principales causes à cette situation sous-optimale :

- d'une part, comme l'a mentionné le directeur général du groupe Humanis lors de son audition par la mission, « sur la fraude, il n'y a pas [de dialogue], car il n'y a pas d'instance. Il faut une instance institutionnalisée pour réfléchir aux fraudes »537(*). Cette remarque rejoint les constats ci-dessus relatifs à la gouvernance du système. L'instance de dialogue entre les assurances maladie pourrait être un CDoc institutionnalisé et renforcé, selon les propositions évoquées plus haut.

- d'autre part, de l'aveu même de la direction de la sécurité sociale, « les relations entre AMO et AMC sont également rendues complexes par des difficultés d'ordre juridique en matière d'échange de données. [...] Une amélioration du cadre juridique pourrait permettre d'approfondir la coopération entre AMO et AMC en matière de lutte contre la fraude. »538(*).

Les enjeux d'une meilleure coordination des actions de lutte contre la fraude dépassent des considérations d'organisation administrative, si l'on considère les gisements d'économie qui pourraient provenir d'un renforcement de l'approche partenariale entre AMO et AMC sur la lutte contre la fraude. Les montants déjà observés aujourd'hui sont en effet conséquents : 52 millions d'euros pour Malakoff Humanis, 45 millions d'euros pour Harmonie mutuelle, par exemple. De quoi faire dire au directeur général de Malakoff Humanis que « la somme des fraudes pour les groupes présents ici, si elles étaient évitées, serait significative, probablement autant que pour l'assurance maladie obligatoire » et que « si nous [AMO et AMC] mettions nos moyens et nos données en commun, nous serions probablement beaucoup plus efficients dans cette lutte »539(*).

La mission encourage donc la possibilité de diligenter des contrôles et des sanctions communes à l'AMO et à l'AMC en cas de suspicion de fraude ou de fraude avérée, afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude par une action partenariale et coordonnée.

Lors de son audition par la mission d'information, le directeur de la sécurité sociale s'est dit favorable à de telles évolutions : « toutes les actions de détection, de contrôle et de sanction que mène l'Assurance maladie gagneraient à être davantage coordonnées avec les organismes complémentaires »540(*).

(2) Un cadre juridique à adapter

En cause, également, un cadre législatif restrictif, défini par le code de la sécurité sociale, même si, dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, la direction de la sécurité sociale évoque des travaux en cours entre la Cnam, les complémentaires et la Cnil sur le sujet.

Les articles L. 114-9 à L. 114-22-2 du code de la sécurité sociale qui définissent le cadre juridique de la lutte contre la fraude sont articulés autour de l'intervention des « organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ». L'assurance maladie complémentaire n'est évoquée que dans l'article L. 114-9, qui pose le principe de contrôle et enquête de l'assurance maladie obligatoire lorsqu'elle a « connaissance d'informations pouvant laisser supposer une fraude » : il est prévu que l'organisme local d'assurance maladie obligatoire « informe le cas échéant, s'il peut être identifié, l'organisme d'assurance maladie complémentaire de l'assuré de la mise en oeuvre de la procédure » de contrôle.

Selon France Assureurs, cette « base légale pour un échange d'informations sur la fraude [n'est] ni suffisante ni opérante »541(*). Le directeur général de la Cnam ne voit pour sa part « que des avantages à ce que l'on partage mieux avec les complémentaires santé les éléments dont nous disposons » pour renforcer la lutte contre la fraude542(*).

Recommandation. - Améliorer l'organisation de la lutte contre la fraude :

- prévoir des échanges d'informations entre les organismes complémentaires d'assurance maladie et l'assurance maladie obligatoire sur les contrôles dont ils prendraient l'initiative ;

- encourager l'assurance maladie obligatoire à mettre en place des actions de détection, de contrôle et de sanction coordonnées avec les organismes de complémentaire santé ;

- mettre en place un groupe de travail dédié, copiloté par la direction de la sécurité sociale, l'assurance maladie et les organismes de complémentaire santé.

b) La prévention, un axe insuffisamment investi faute de coopération entre AMO et AMC

De la même manière, la prévention pâtit du manque de coopération entre AMO et AMC, alors qu'il s'agit là d'un levier déterminant non seulement pour améliorer l'état de santé de la population, mais aussi, à terme, pour contribuer à la soutenabilité de notre système de santé.

Dans un rapport de 2021543(*), la Cour des comptes a pointé du doigt « des résultats médiocres » sur le cancer, le diabète et les maladies neuro-cardio-vasculaires, malgré des dépenses de prévention estimées à 15 milliards d'euros. Elle déplore notamment une « gestion fragmentée » de la politique de prévention du fait « de l'intrication entre les prestations curatives et préventives, de l'éclatement des responsabilités en matière sanitaire, combinées à l'hétérogénéité des financeurs et des acteurs de la prévention ». Cette gestion fragmentée limite notamment la fiabilité des estimations de l'effort financier des complémentaires santé en faveur de la prévention, faute de remontées de données.

Plusieurs pathologies sont emblématiques à la fois de l'intérêt de développer la portée et l'efficience de la politique de prévention, et de l'insuffisance des mesures aujourd'hui mises en oeuvre :

- avec 43 000 nouveaux cas par an, le cancer colorectal est aujourd'hui la deuxième cause de décès par cancer en France, alors qu'il se guérit dans neuf cas sur dix en cas de détection précoce ;

- selon le rapport de la Cour des comptes précité, « près de 700 000 personnes sont atteintes de diabète de type 2 sans qu'elles le sachent, du fait d'un dépistage insuffisamment proposé aux patients. La détection étant plus tardive, les risques de complications (infarctus, accident vasculaire cérébral, amputation, cécité, etc.), voire de décès, sont nettement majorés ».

Outre le caractère primordial de la prévention sur le plan sanitaire, les enjeux financiers associés sont massifs : au total, il est estimé que mieux dépister les cancers et lutter contre les addictions pourrait dégager un gain de 5 milliards à 16,7 milliards d'euros.

Des problématiques similaires à celles qui ont été évoquées plus haut à propos de la lutte contre la fraude se font jour en matière de prévention : une absence d'espace de dialogue entre les acteurs et un cadre de gestion des données restrictif.

La gestion des données est néanmoins plus complexe en matière de prévention qu'en matière de lutte contre la fraude : elle concerne des masses de données plus importantes, mais également plus sensibles puisqu'elles pourraient être dévoyées.

Le directeur général de Malakoff Humanis estime ainsi que « pour faire de la prévention, il faut faire du prédictif et, pour cela, utiliser de la donnée. [...] Bien sûr, la donnée doit être anonymisée ; reste qu'il faudrait une réflexion poussée sur son usage, car, j'y insiste, la data permet de faire du prédictif, donc de la prévention. Je pense que les assurances maladie obligatoire et complémentaires pourraient progresser en la matière. »544(*)

Indépendamment de la problématique du partage de données, il semble indispensable de progresser dans deux domaines :

- d'une part, définir un programme national cohérent en matière de prévention, décliné selon des priorités claires et des acteurs clairement identifiés ;

- d'autre part, coordonner les interventions des assurances maladie obligatoire et complémentaire en précisant clairement les rôles respectifs de chacune, afin d'éviter redondances et lacunes.

Cette répartition est aujourd'hui difficilement lisible pour les assurés, de sorte que l'efficience de l'action des complémentaires santé fait parfois l'objet de réserves. L'union syndicale de médecins Avenir Spé-Le Bloc estime ainsi que « l'action des complémentaires en termes de prévention, bien que portant sur de vrais enjeux de santé publique, paraît dispersée, déconnectée des parcours de soins et donc peu efficiente, parfois redondante avec des actions publiques et paraissant bien souvent plus être un affichage marketing qu'une action de fond »545(*).

En principe, le champ d'action des organismes complémentaires en matière de prévention est large : ils agissent en prévention primaire, secondaire et tertiaire, à tous les âges de la vie, auprès des individus et des entreprises. Ils proposent à la fois :

- une prise en charge individuelle de frais de santé ou de frais connexes à la santé en lien avec la prévention. Les complémentaires santé prennent en charge le ticket modérateur sur certaines prestations cofinancées avec l'assurance maladie, à l'instar de certains vaccins546(*). Les complémentaires proposent en outre une prise en charge de prestations non remboursées par l'assurance maladie obligatoire, comme des séances d'activité physique adaptée ou des actes de diététicien ;

- des démarches plus collectives, notamment en matière d'information et de sensibilisation sur les dépistages ou la vaccination, par exemple.

Il résulte de ce champ d'action très large une forme de saupoudrage dans l'investissement des complémentaires en faveur de la prévention, qui nuit à l'efficience de ces dépenses.

En outre, il est fréquent en matière de prévention que seule l'assurance maladie obligatoire soit mobilisée, avec une prise en charge à 100 % des frais occasionnés. Le recours à une prise en charge intégrale de l'assurance maladie vise notamment à toucher un public aussi large que possible - y compris certains assurés précaires qui n'ont pas souscrit à une complémentaire santé et pour lesquels l'intervention de l'assurance maladie complémentaire se traduirait par un reste à charge dissuasif.

C'est le cas de certains vaccins547(*), mais également des dépistages organisés des cancers colorectal, du sein et du col de l'utérus. Les consultations réalisées à des fins de prévention, comme les bilans de prévention aux âges clés de la vie en cours de déploiement et le dispositif M'T Dents sur la prévention bucco-dentaire pour les jeunes, sont également prises en charge intégralement par l'assurance maladie obligatoire.

Le programme de prévention bucco-dentaire, qui remplacera M'T Dents à compter de 2025, sera toutefois cofinancé et co-porté par l'assurance maladie complémentaire. Ce programme présente, grâce au cofinancement, une ambition accrue qui permettra de diminuer l'espacement entre les consultations et d'élargir le champ des bénéficiaires. Bien que, comme vu plus haut, l'existence d'un reste à charge après AMO puisse avoir un effet dissuasif sur le recours pour les assurés dépourvus de complémentaire santé, France Assureurs estime également que le co-portage AMO/AMC permettra d'améliorer le taux de recours à ces consultations, « chaque acteur utilisant son canal d'information et ses démarches « d'aller vers » pour convaincre le maximum de nos concitoyens, et notamment ceux les plus éloignés des soins, de participer »548(*).

La définition des actions de prévention intégralement prises en charge par l'assurance maladie, et de celles faisant l'objet d'un cofinancement manque de clarté. Cela contribue à un manque de spécialisation de chaque acteur, et à un manque de clarté pour l'assuré.

Une clarification de la répartition des rôles entre les acteurs semble aujourd'hui nécessaire. En ce sens, la spécialisation des complémentaires santé dans la prévention sur le lieu de travail est un axe de l'AMC à développer. France Assos Santé considère ainsi « que les complémentaires santé [pourraient avoir] une large place dans le cadre de la prévention au travail, dans la mesure où il existe une couverture santé obligatoire dans les entreprises »549(*).

Du fait des contrats collectifs obligatoires, les complémentaires santé ont aujourd'hui une meilleure connaissance des entreprises que l'assurance maladie obligatoire, et y bénéficient d'une implantation plus importante. Par conséquent, elles peuvent y mobiliser des réseaux différents de ceux de l'assurance maladie afin de participer à la promotion et au relai de dispositifs de prévention.

Dans cet esprit, le directeur général de la Cnam a estimé lors de son audition, à propos du dépistage organisé, que les Ocam avaient un rôle spécifique à jouer auprès des salariés pour mieux diffuser l'information :

« Pour reprendre l'exemple du dépistage organisé, qui est un enjeu de santé publique majeur, nous sommes en retard en France. Nous serions très heureux que les complémentaires santé, qui disposent de canaux de contact dans les entreprises dont nous ne disposons pas, relayent ces messages sur l'importance de ces dépistages organisés vis-à-vis des salariés et des entreprises qu'elles couvrent. Elles peuvent le faire librement. Nous gagnerions peut-être à formaliser davantage un programme de prévention partagé, mais personne n'interdit aux complémentaires santé d'agir dans ces domaines »550(*).

Il convient donc de mettre en place une stratégie coordonnée en matière de prévention, dans une logique pluriannuelle et dans un esprit de complémentarité entre AMO et AMC. Une telle stratégie suppose aussi la définition d'objectifs quantifiés, la détermination de moyens adaptés et d'une évaluation rigoureuse des résultats obtenus.

Recommandation. - Mettre en place une politique pluriannuelle nationale de prévention déclinant de manière coordonnée et cohérente, pour chaque priorité définie, le rôle attendu de chaque acteur, dans un esprit de complémentarité entre AMO et AMC, et en faisant toute la clarté sur les objectifs, les moyens et l'évaluation des résultats.

TRAVAUX DE LA MISSION

I. RÉUNION CONSTITUTIVE

(Mercredi 6 mars 2024)

M. Alain Milon, président. - Mes chers collègues, l'honneur me revient de présider l'ouverture de la réunion constitutive de cette mission d'information, dont l'intitulé concerne l'impact des complémentaires santé sur le pouvoir d'achat.

Cette mission d'information a été créée à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), dans le cadre du droit de tirage prévu à l'article 6 bis du règlement du Sénat.

Les vingt-trois membres de notre mission ont été nommés lors de la séance publique du jeudi 15 février.

Je me félicite que cette question décisive soit inscrite à l'agenda du Sénat : nombre de nos concitoyens, déjà confrontés à une hausse des tarifs des complémentaires santé depuis plusieurs années, ont très mal perçu, à juste titre, l'augmentation des cotisations de quelque 8 % annoncée à la fin de l'année dernière pour les seules mutuelles. Il est donc important que notre assemblée se saisisse du sujet.

Par-delà la question du pouvoir d'achat et du risque de renoncement aux soins qu'implique l'augmentation des tarifs des complémentaires, il est urgent que nous débattions des périmètres respectifs de l'assurance maladie et des complémentaires santé. Ces dernières, qui estiment être des « payeurs aveugles », souhaitent participer aux décisions. De mon point de vue, si elles participent aux décisions, il faudra qu'elles partagent les bénéfices, afin de combler les déficits des autres...

Et n'oublions pas les questions que pose l'information des consommateurs, largement perfectible !

Je n'en dis pas plus à ce stade.

Nous devons procéder à la désignation des membres de notre bureau, en commençant par celle du président. J'ai reçu du groupe Les Républicains la candidature de Mme  Marie-Claire Carrère-Gée, à qui je cède bien volontiers la place.

La mission d'information procède à la désignation de sa présidente, Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

- Présidence de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente -

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Mes chers collègues, je vous remercie de votre confiance. Je salue moi aussi le thème choisi par le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants pour cette mission d'information.

La question des complémentaires santé est au coeur de préoccupations essentielles des Français : l'accès à la santé, le pouvoir d'achat et, plus généralement, le pouvoir de vivre.

Alain Milon a évoqué à juste titre la hausse des cotisations, qui nous invite à prolonger notre réflexion sur l'architecture générale de notre système de santé et du remboursement de la prise en charge collective des dépenses de santé.

Le vieillissement de la population française et les innovations thérapeutiques, qui sont beaucoup plus chères, ont nécessairement des conséquences sur le volume des dépenses de santé. Une réflexion s'impose donc sur les complémentaires santé et, plus généralement, sur notre sécurité sociale, qui est fondée sur un principe de solidarité entre bien-portants et malades.

Mais avant toute chose, nous allons procéder à la désignation des onze autres membres du bureau, à commencer par celle du rapporteur.

Le règlement du Sénat prévoit que le groupe à l'origine de la demande de création d'une mission d'information obtient de droit, s'il le demande, que le rapporteur soit désigné parmi ses membres. Dans cette logique, le groupe RDPI propose la candidature de notre collègue M. Xavier Iacovelli.

La mission d'information procède à la désignation de son rapporteur, M. Xavier Iacovelli.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Nous procédons à présent à la désignation des vice-présidents et des secrétaires.

Compte tenu de la désignation du président et du rapporteur, la répartition des postes de vice-président et de secrétaire est la suivante : pour le groupe Les Républicains, un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, deux vice-présidents ; pour le groupe Union Centriste, un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, un vice-président ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, un vice-président ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, un vice-président. Le groupe RDPI est représenté au bureau par le rapporteur.

Pour les fonctions de vice-président, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Union Centriste, M. Jean-Michel Arnaud ; pour le groupe Les Républicains, Mme  Corinne Imbert ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, Mme  Annie Le Houérou et Mme  Émilienne Poumirol. Siégeront également au bureau en tant que vice-présidents : pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, M. Bernard Fialaire ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, Mme Marie-Claude Lermytte ; pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, Mme Silvana Silvani ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, Mme Anne Souyris.

Pour les fonctions de secrétaire, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, Mme Patricia Demas ; pour le groupe Union Centriste, Mme  Jocelyne Antoine.

La mission d'information procède à la désignation des autres membres de son bureau : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Corinne Imbert, Mme Annie Le Houérou, Mme Émilienne Poumirol, M. Bernard Fialaire, Mme Marie-Claude Lermytte, Mme Silvana Silvani et Mme Anne Souyris, vice-présidents ; Mme Patricia Demas et Mme  Jocelyne Antoine, secrétaires.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Notre groupe a effectivement demandé la création de cette mission d'information, mais le sujet dépasse, me semble-t-il, les clivages partisans. Des parlementaires de toutes sensibilités avaient exprimé le même souhait.

Il a été fait référence à une augmentation de 8 % des cotisations : pour les retraités, la hausse est de 25 %, voire de 30 %. Cela pose un vrai problème de pouvoir d'achat.

C'est d'ailleurs ce qui m'a conduit à demander la création de cette mission d'information. Les retraités subissent un effet ciseaux : leur pouvoir d'achat baisse - on gagne moins en partant en retraite -, leurs cotisations augmentent et il n'y a plus de prise en charge par l'employeur. Ils passent d'une complémentaire santé collective à une complémentaire individuelle. Une partie d'entre eux renoncent à des soins, souvent pour des raisons liées au montant des cotisations.

L'un des objectifs de cette mission est de déterminer les causes des augmentations. Nous en connaissons certaines, puisque nous votons des dispositifs en loi de financement de la sécurité sociale. Mais il serait également intéressant de s'emparer de la question des charges de gestion des différentes complémentaires santé et mutuelles.

Peut-être serait-il également utile de procéder à des analyses comparées au niveau européen : comment fonctionnent l'équivalent des complémentaires chez nos voisins ? Quel type de cotisations ? Quel type de prise en charge ?

Je souhaite que nos travaux puissent déboucher sur des préconisations et des solutions pour réduire le gap sur les complémentaires santé entre les actifs et les retraités, afin d'éviter les renoncements aux soins et les baisses de pouvoir d'achat dues aux augmentations de cotisations. Ce sera l'un des enjeux de nos auditions et réflexions.

Je remercie par avance ceux de nos collègues qui y participeront. Je pense que nous pouvons tous apporter notre pierre à l'édifice. Nous sommes tous confrontés à cette problématique, dans nos territoires comme dans nos entourages.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Je voudrais préciser quelques éléments de calendrier et de méthode.

Pour pouvoir terminer nos travaux vers la fin du mois de juin, notre calendrier d'auditions sera très resserré.

Outre les auditions plénières, il y aura des auditions « rapporteur », sur des aspects plus techniques de notre sujet. Elles seront ouvertes à tous les membres de la mission.

M. Alain Milon. - Nous risquons d'avoir des difficultés à concilier cette mission avec les réunions de la commission des affaires sociales ou d'autres missions d'information.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Nous veillerons à limiter, dans la mesure du possible, les conflits d'agenda.

M. Khalifé Khalifé. - Je suis ravi de faire partie de cette mission d'information, compte tenu de l'importance du sujet.

Il me semble primordial de procéder à un état des lieux des personnes qui sont déjà à 100 % au niveau de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) pour les affections de longue durée (ALD). Les mutuelles interviennent aussi en cas de dépassements d'honoraires. Je pense notamment aux professionnels en secteur 2. Dispose-t-on d'éléments statistiques sur ces personnels, qui sont en forte augmentation ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Nous procéderons à une analyse fine du périmètre. Les évolutions des remboursements de l'assurance maladie en ville, à l'hôpital et dans les établissements de santé publics et privés est effectivement éclairante sur le reste à charge des mutuelles et des assurés. La question des ALD fera donc évidemment partie de nos réflexions. D'ailleurs, les mutuelles interviennent aussi pour des personnes en ALD, qui peuvent avoir d'autres maladies.

Même remarque s'agissant des dépassements d'honoraires : il faut identifier finement ce qui est remboursé par la sécurité sociale et ce qui ne l'est pas, ce qui est pris en charge par les complémentaires et ce qui ne l'est pas... À ma connaissance, ce travail n'a pas été fait. Ce sera l'un des objets de notre mission.

Le pouvoir d'achat est la résultante de multiples facteurs. Il nous faudra aller creuser différents sujets.

Chers collègues, je vous remercie de votre présence, signe de votre engagement sur ce sujet technique, mais essentiel.

II. ÉCHANGE DE VUES

(Mardi 11 juin 2024)

- Présidence de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente -

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Compte tenu des dernières évolutions de la situation politique dans notre pays, le rapporteur et moi-même vous proposons de reporter au mois de septembre la réunion consacrée à l'examen de notre rapport. Celle-ci était initialement fixée au 3 juillet prochain, mais entre les deux tours des élections législatives, ce n'est pas concevable... Il ne nous semble donc pas opportun de maintenir ce calendrier. Cela ôterait toute visibilité à notre travail.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Les feux de l'actualité ne seront assurément pas dirigés le 3 juillet vers les travaux de notre mission d'information !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Notre mission traite d'un sujet essentiel pour la vie des Français. Nous pouvons légitimement souhaiter que nos travaux obtiennent quelque écho auprès de nos concitoyens. Il importe également de nous réunir à une date où le plus grand nombre possible d'entre nous pourra être présent.

Je vous annonce, par ailleurs, que l'audition de l'actuel ministre chargé de la santé, M. Frédéric Valletoux, prévue le 19 juin, est annulée, à sa demande - nous en comprenons évidemment la raison.

Nous vous proposons donc de reporter l'examen de notre rapport au mois de septembre prochain, dès que nous y verrons plus clair sur le plan politique. Avant de retenir une date précise, nous souhaiterions entendre nouveau ministre chargé de la santé. Nous veillerons à ce que la date retenue pour l'examen du rapport ne coïncide pas avec les journées parlementaires. Nous gardons aussi à l'esprit que les Jeux Paralympiques s'achèveront le 8 septembre.

M. André Reichardt. - J'abonde dans votre sens : l'objet de la mission d'information est sensible. Il concerne le pouvoir d'achat des Français. Il convient de trouver la bonne date pour être en mesure d'attirer l'attention du futur Gouvernement sur nos recommandations. Mettons à profit le temps dont nous disposons pour approfondir nos réflexions sur le sujet ; nous avons en effet jusqu'à la fin du mois de septembre, le cas échéant, pour rendre notre rapport.

J'approuve donc votre proposition. Notre rapporteur pourra-t-il nous transmettre en amont un document récapitulatif de ses propositions, afin que nous puissions y réfléchir et faire des propositions complémentaires ?

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Il faudrait que nous puissions auditionner le nouveau ministre chargé de la santé avant l'examen du rapport - le plus tôt serait le mieux - et échanger sur son contenu, comme nous aurions dû le faire aujourd'hui dans un autre contexte politique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Cela vous convient-il ?

M. Bernard Fialaire. - Oui.

Mme Anne Souyris. - Cela me convient également.

Il en est ainsi décidé.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Nous aurions certes préféré présenter plus tôt nos travaux, mais les circonstances nous conduisent à reconsidérer nos échéances. Donnons-nous toutes les chances d'être audibles, afin que le travail que nous réalisons soit utile.

Je précise que, conformément aux usages dans le cadre d'une mission commune d'information, le projet de rapport sera mis à votre disposition quelques jours avant que nous nous prononcions. Vous pourrez donc prendre connaissance de ce document, si vous le souhaitez, avant la réunion d'examen.

Nous reviendrons vers vous lorsque nous en saurons plus sur le calendrier.

III. EXAMEN DU RAPPORT

(mardi 24 septembre 2024)

- Présidence de Mme Corinne Imbert, vice-présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 35.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Mes chers collègues, j'ai l'honneur de présider cette réunion qui marque le terme de la mission d'information mise en place le 6 mars dernier à l'initiative du groupe RDPI, notre collègue Marie-Claire Carrère-Gée ayant été nommée ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de la coordination gouvernementale.

Je rappelle que, selon le calendrier initialement retenu, nos travaux auraient dû aboutir en juin ou juillet 2024, mais la dissolution de l'Assemblée nationale a conduit à décaler l'examen de ce rapport. Ce point a été décidé lors de notre réunion plénière du 11 juin dernier.

Comme cela a été relevé lors de notre réunion constitutive, le sujet retenu par le rapporteur - la hausse des tarifs des complémentaires santé et son impact sur le pouvoir d'achat, plus particulièrement pour les retraités - nous a conduits à réfléchir plus globalement à l'architecture de notre système de prise en charge des dépenses de santé, qui repose sur deux mécanismes différents : assurance maladie obligatoire (AMO) et assurance maladie complémentaire (AMC).

Avant de passer la parole au rapporteur, je voudrais rappeler quelques chiffres concernant le déroulement de cette mission.

Il a été procédé à 43 auditions, 13 en plénière et 30 au format rapporteur, ces dernières ayant été systématiquement ouvertes à l'ensemble de la mission. Des personnalités très diverses - professionnels de santé, hauts fonctionnaires et experts, partenaires sociaux, représentants d'organismes complémentaires, du monde associatif, élus locaux - ont ainsi été associées aux réflexions de la mission. Malheureusement, l'actualité politique ne nous a pas permis d'entendre le ministre de la santé.

Parallèlement à ces auditions, des contributions écrites de qualité ont substantiellement enrichi le rapport. Que leurs auteurs en soient remerciés.

En outre, la mission d'information a mis en place au mois d'avril, sur le site du Sénat, une consultation des élus locaux sur le thème des mutuelles que l'on qualifie par commodité de « communales », même si l'échelon municipal n'est pas le seul concerné.

Je précise pour finir que les groupes, s'ils le souhaitent, pourront adresser au secrétariat d'éventuelles contributions écrites destinées à faire état, le cas échéant, de positions spécifiques. Ces contributions seront, conformément aux usages, annexées au rapport. Le délai limite de l'envoi au secrétariat de ces documents est fixé au jeudi 26 septembre à 11 h 30.

J'attire en outre votre attention, chers collègues, comme cela a été indiqué dans la lettre que vous avez reçue en amont de cette réunion, sur la nécessité de préserver la confidentialité du rapport jusqu'à la conférence de presse prévue jeudi matin. Cette exigence vaut aussi pour le contenu de nos débats d'aujourd'hui.

Je donne sans plus tarder la parole à notre rapporteur, puis nous aurons un débat et procéderons ensuite au vote sur les recommandations.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Je me réjouis de vous présenter aujourd'hui les conclusions de nos travaux, qui nous ont fortement mobilisés au cours des derniers mois. Je veux bien entendu saluer Marie-Claire Carrère-Gée, avec qui j'ai travaillé en bonne intelligence.

L'augmentation du coût de la couverture santé complémentaire pour nos compatriotes, et en particulier pour nos aînés, constitue en effet une problématique majeure à laquelle il convenait que les représentants de la Nation réfléchissent afin de proposer des mesures concrètes. À l'aune de cette ambition, il nous a paru nécessaire d'examiner la structure de notre système d'assurance maladie dans son ensemble.

Comme vous le savez tous, l'assurance maladie obligatoire constitue une base commune de remboursement pour l'ensemble des assurés et garantit la prise en charge du risque lourd, notamment avec le régime des affections de longue durée (ALD).

« Deuxième étage de la fusée », l'assurance maladie complémentaire intervient au travers de la prise en charge du ticket modérateur, c'est-à-dire de la part des dépenses de santé laissée à la charge des assurés. Facultative en dehors du cas de l'adhésion obligatoire à un contrat collectif d'entreprise, sur laquelle je reviendrai, l'AMC est assurée par environ 400 organismes privés : les mutuelles, qui représentent près de la moitié des quelque 40 milliards d'euros de cotisations collectés chaque année, les entreprises d'assurance et les institutions de prévoyance. Ces organismes complémentaires d'assurance maladie (Ocam) pratiquent, dans une logique assurantielle, une tarification au risque, dépendant notamment de l'âge de l'assuré.

Une couverture de base est toutefois proposée aux plus démunis, gratuitement ou en contrepartie d'une participation modérée : la complémentaire santé solidaire (C2S), dont bénéficient près de 7,5 millions de personnes, mais qui affiche malheureusement un taux de non-recours très important, estimé à 44 % au total en 2021.

Il nous paraît nécessaire, à cet égard, de poursuivre la dynamique de simplification de l'accès à la C2S engagée ces dernières années dans le cadre de la « solidarité à la source ». De même, la méconnaissance du dispositif constituant l'un des principaux facteurs de non-recours, nous estimons que les futurs retraités devraient, lorsque le montant attendu de leur pension le justifie, être systématiquement informés de leur éventuelle éligibilité à la C2S en amont de la liquidation de leur pension. C'est la recommandation n° 10.

À côté de l'architecture complexe du système français d'assurance maladie, le régime local d'Alsace-Moselle garantit à ses 2 millions d'affiliés une prise en charge plus large que dans le reste de l'Hexagone, mais pas intégrale. Je remercie d'ailleurs nos collègues élus des trois départements concernés d'avoir attiré notre attention sur ce dispositif spécifique, qui mérite en effet tout notre intérêt.

Les affiliés à ce régime doivent donc souvent adhérer à une couverture complémentaire, notamment en lien avec les dépassements d'honoraires, mais il n'existe pas d'évaluation chiffrée du nombre de ressortissants du régime se trouvant dans cette situation. Nous suggérons donc qu'une étude approfondie soit réalisée à ce sujet afin de disposer d'une parfaite visibilité sur la place qu'occupent les complémentaires dans la couverture des affiliés du régime local. Cette étude devrait également évaluer avec précision le coût que représente la couverture complémentaire pour ces affiliés. En effet, bien que les prestations à la charge des Ocam y soient significativement plus faibles que dans le reste de la population, puisque le régime local assure un niveau de couverture plus élevé, il n'est pas certain que tous les organismes traduisent cette différence de situation sur le montant de leurs primes. C'est la recommandation n° 9.

Quoi qu'il en soit, et pour nous replacer dans une perspective plus globale, l'AMC a pris en charge, en 2022, 12,6 % de la consommation de soins et biens médicaux, soit un peu moins de 30 milliards d'euros. Son intervention se concentre sur les soins de ville, tandis que plus de la moitié des dépenses de l'AMO est dédiée aux soins hospitaliers.

L'organisation de l'assurance maladie en France aboutit ainsi à un double niveau de facturation des dépenses de santé, car l'AMO et l'AMC interviennent sur le même panier de soins et de biens. Cette organisation contraste avec les systèmes de prise en charge adoptés par certains de nos voisins européens, où l'AMO prend en charge un panier de soins de base différent de celui sur lequel intervient l'assurance privée. Ce panier exclut généralement l'optique, les prothèses dentaires et les audioprothèses qui relèvent principalement, dans cette logique, des acteurs privés.

Le système français qui, de l'aveu même du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), ne serait pas structuré de la même façon s'il fallait aujourd'hui repartir de zéro, induit dès lors une certaine complexité, tant pour les assurés que pour les professionnels de santé, ainsi qu'une perte d'efficience.

Néanmoins, l'AMC permet de couvrir une large majorité des Français contre les aléas de la santé : 96,3 % d'entre eux disposaient ainsi d'une complémentaire santé en 2019, que ce soit dans le cadre d'un contrat collectif d'entreprise, auquel l'adhésion est obligatoire pour les salariés depuis 2016 avec une participation de l'employeur à hauteur de la moitié des cotisations dues, ou d'un contrat individuel, généralement plus coûteux et moins couvrant.

Ce dernier type de contrat concerne essentiellement les travailleurs indépendants, les chômeurs, les étudiants et les inactifs, mais aussi et surtout les retraités, dont la situation a inspiré la création de cette mission, même si les anciens salariés peuvent bénéficier de la portabilité des garanties du contrat collectif d'entreprise, avec un encadrement des hausses de tarifs pendant trois ans. Dans la fonction publique d'État également, la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) permettra de rendre obligatoire l'adhésion à un contrat collectif dès 2025, avec un dispositif de portabilité plus favorable aux retraités que celui qui s'applique aux salariés du privé. Des accords collectifs pourront aller dans le même sens à compter de 2026 dans les deux autres versants de la fonction publique.

Néanmoins, ces avancées ne doivent pas dissimuler les disparités constatées en matière de couverture santé. En effet, seuls 1,5 % des salariés du privé et 2,5 % des fonctionnaires n'étaient pas couverts par l'AMC en 2019, contre 3,8 % des retraités et 5,6 % des travailleurs indépendants. Le taux de non-couverture atteint même 8 % chez les inactifs et 13 % chez les chômeurs.

De même, le taux d'effort, c'est-à-dire la somme du reste à charge après intervention de l'AMC et du coût de la couverture complémentaire, ne représente que 2 % du revenu des 10 % des ménages les plus riches, contre 7 % de celui des 10 % les plus pauvres. Cet indicateur évolue lui aussi sensiblement avec l'âge de l'assuré : de 2,7 % chez les 30-39 ans, il atteint 8,2 % chez les plus de 80 ans.

C'est dans ce contexte que sont intervenues en 2023 et 2024 des hausses importantes des tarifs des complémentaires santé, de l'ordre de 8 % à 10 % selon les estimations. Il s'est avéré particulièrement difficile de chiffrer ces augmentations avec précision, à défaut de disposer de données publiques et établies sur les mêmes bases. Seule certitude : la hausse des cotisations entraîne de sensibles difficultés pour de nombreux Français, en particulier parmi les retraités.

Ce sont, précisément, les récentes hausses tarifaires des complémentaires santé qui sont à l'origine de la création de cette mission d'information. Ces hausses sont-elles justifiées ? Quelles en sont les causes principales ? Comment y remédier, notamment pour les populations les plus exposées, en premier lieu les seniors ?

La mission a d'abord enquêté sur l'évolution récente des coûts des complémentaires santé, afin d'évaluer le caractère nécessaire des augmentations tarifaires notifiées. Les estimations réalisées par la mission à partir de l'ensemble des données transmises indiquent des hausses de cotisations prévisibles de 4,4 % à 6,5 % selon le chiffrage des mesures nouvelles, un résultat cohérent avec les calculs de la direction de la sécurité sociale, mais considérablement inférieur à la hausse tarifaire réelle telle que notifiée par la Mutualité française, soit 8,1 %.

Il importera donc de surveiller, dans les prochaines années, la proportionnalité des augmentations tarifaires à l'évolution des prestations. Pour expliquer l'écart entre les hausses de cotisations explicables et les hausses observées, des pistes existent, comme une anticipation imparfaite de l'ampleur des mesures nouvelles à financer sur l'année 2023, qui aurait pu se répercuter sur la campagne tarifaire 2024.

Il faut dire que le secteur de la complémentaire santé est un secteur complexe, dans lequel les marges de manoeuvre financières sont restreintes. La coexistence d'organismes avec et sans but lucratif rend le marché peu rentable : en 2022, le résultat technique du secteur représentait à peine 0,1 % des cotisations perçues. En outre, les complémentaires santé, contrairement à l'assurance maladie obligatoire, ne peuvent s'endetter durablement : ce sont des organismes privés, soumis à des règles prudentielles strictes dans le cadre du régime Solvabilité II. Les complémentaires doivent donc répercuter sur les cotisations une large partie des hausses de leurs coûts.

Une fois ce constat posé, nous nous sommes donc attachés à faire l'inventaire des causes sous-jacentes aux augmentations tarifaires des complémentaires santé, en prenant soin d'entendre l'ensemble des acteurs. Les auditions ont démontré que ces hausses étaient plurifactorielles, et que leurs origines ne sauraient, comme on peut parfois l'entendre de manière caricaturale, être attribuées à un unique acteur, que ce soient les complémentaires santé avec leurs frais de gestion ou les pouvoirs publics et leurs transferts de charges.

Dans un contexte de vieillissement démographique, les Ocam sont particulièrement sollicités. Les soins sont de plus en plus nombreux, et il a été procédé au cours de la période récente à des revalorisations des tarifs hospitaliers et conventionnels pour les professionnels de ville - des mesures ô combien justifiées, mais qui contribuent, bien sûr, à augmenter les montants à prendre en charge par les complémentaires santé, pour près d'un milliard d'euros après montée en charge.

Le cumul du vieillissement et de la hausse du coût des actes en santé explique que les dépenses de santé par personne et par an aient augmenté de 1 257 euros en vingt ans ; et cet écart est supporté par les trois piliers du financement de la santé : l'AMO, l'AMC et les ménages.

Outre cet élément, partagé par toutes les parties, la hausse des charges des Ocam peut être expliquée selon deux axes principaux : une hausse du niveau de protection, c'est-à-dire un accroissement des prestations par assuré, et une augmentation des frais de gestion.

En ce qui concerne la hausse du niveau de protection des assurés, les complémentaires mettent en avant des contraintes toujours plus fortes sur le niveau de couverture qu'elles doivent assurer en santé, avec le cadre du contrat solidaire et responsable, le 100 % santé et ce qu'elles dénoncent comme des transferts de charge de l'AMO vers l'AMC.

Au coeur de la question du niveau de couverture des complémentaires santé se trouve le contrat solidaire et responsable. Initialement conçu pour responsabiliser les assurés et dissuader toute prise en charge hors du parcours de soins coordonnés, cet outil assorti d'avantages fiscaux s'est au fil du temps vu assigner d'autres objectifs, comme celui de garantir une certaine uniformité dans la couverture complémentaire santé des assurés en prévoyant des plafonds et des planchers de prise en charge. Cet encadrement, dans lequel s'inscrivent aujourd'hui 95 % des contrats, s'est progressivement resserré avec des garanties obligatoires supplémentaires, à rebours de la logique concurrentielle de marché : prise en charge de l'intégralité du ticket modérateur et du forfait journalier hospitalier, 100 % santé ou remboursement bisannuel de montures, par exemple. Le contrat solidaire et responsable est ainsi progressivement devenu un standard de garanties très protecteur, mais coûteux pour l'assuré, à telle enseigne que les complémentaires doutent qu'il soit soutenable.

Nous estimons donc nécessaire, sans réduire les protections en santé, de recentrer les objectifs du contrat solidaire et responsable afin de mieux adapter la couverture complémentaire aux besoins de chaque assuré. C'est la recommandation n° 3.

L'autre sujet déterminant pour expliquer la hausse des prestations est le déploiement du 100 % santé depuis 2019. Par une action concertée de l'AMO et de l'AMC en dentaire, en audiologie et en optique, cette réforme a permis la définition de paniers de soins sans reste à charge pour l'assuré. Elle est à l'origine d'un net progrès de l'équipement et d'une diminution de 20 points du reste à charge moyen en dentaire et en audiologie, dont il faut se féliciter.

Toutefois, l'équilibre financier de la réforme, qui reposait sur des économies ambitieuses en optique, a été compromis par ses résultats mitigés dans ce secteur qui semblent liés, notamment, à un manque d'engagement de certains professionnels. Malgré les signaux d'alerte lancés dès 2022 par la Cour des comptes, aucune mesure corrective n'a été mise en oeuvre pour endiguer le dérapage du coût du 100 % santé pour les complémentaires. En conséquence, dans les deux ans suivant le déploiement de la réforme, les prestations versées par les Ocam sur les trois postes du 100 % santé ont augmenté de 1,6 milliard d'euros selon l'Union nationale des Ocam (Unocam). Nous appelons donc à établir un bilan partagé de la réforme avant toute extension de son périmètre. C'est la recommandation n° 17. Je pense aussi au sujet de la lutte contre la fraude : on a pu détecter des fraudes, mais non liées à l'AMO ; il n'y a donc pas eu de sanctions contre les professionnels qui abusaient parfois du 100 % santé.

Vient enfin la question des transferts de charges de l'assurance maladie, que je préfère qualifier de « variations de périmètre », à l'image de la hausse du ticket modérateur en dentaire en 2023 pour un montant compris entre 350 et 500 millions d'euros. Ces mesures ont, il est vrai, des conséquences sur les dépenses des complémentaires santé, mais cet impact doit être nuancé.

En effet, ces transferts très commentés ne compensent pas, tant s'en faut, les transferts de charges invisibles des complémentaires vers l'assurance maladie du fait de l'accroissement de la population dont les soins sont pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Entre 2017 et 2022, l'accroissement du taux de prévalence des ALD a ainsi provoqué un déport spontané de 1,8 milliard d'euros de ticket modérateur de l'AMC vers l'AMO ; un montant plus de trois fois supérieur aux transferts de charge de l'AMO vers l'AMC sur la période. Cela démontre que, contrairement aux idées reçues, l'assurance maladie obligatoire ne se désengage pas - bien au contraire, puisque la part des dépenses de santé prise en charge par la sécurité sociale s'est encore accrue lors des dix dernières années.

A contrario, un facteur rarement évoqué par les complémentaires santé pour expliquer les pressions sur leurs charges est l'essor des prestations qu'elles versent en dehors du strict champ de la santé, qui traduit une orientation stratégique contestable. On observe en effet un investissement récent des complémentaires santé dans les prestations connexes à la santé.

En réponse à une demande en évolution rapide, les complémentaires santé proposent des garanties toujours plus couvrantes pour des frais d'ostéopathie ou d'acupuncture par exemple, souvent sous la forme de forfaits annuels en euros ou en nombre de séances. Cette présentation, bien plus parlante que celle des garanties en santé, fait de l'offre en « médecines douces » un argument marketing d'autant plus déterminant que le contrat solidaire et responsable a restreint la possibilité, pour les Ocam, de différencier les contrats proposés sur le champ strict de la santé. Les prestations à la périphérie des soins de santé sont donc presque devenues un incontournable, y compris dans les contrats les moins couvrants, alors même que l'efficacité thérapeutique de ces pratiques n'est pas toujours avérée. Résultat : le montant pris en charge par les complémentaires santé pour les prestations connexes à la santé a quintuplé en huit ans, et atteint désormais 1 milliard d'euros pour les complémentaires. Cette évolution n'a rien d'anodin : elle dépasse par exemple largement le montant du transfert de charges en dentaire.

Afin d'endiguer cette évolution et de diminuer le coût de la complémentaire santé pour les assurés qui n'ont pas recours aux médecines dites « douces », nous proposons de rendre optionnelle la couverture pour ces prestations et de sortir ces garanties du contrat solidaire et responsable. La souscription d'une complémentaire santé se ferait alors en deux étapes : d'abord, l'assuré choisirait ses garanties en santé, le cas échéant avec un taux de taxe de solidarité additionnelle (TSA) réduit si celles-ci s'inscrivent dans le cadre du contrat solidaire et responsable ; puis il choisirait, s'il le souhaite, une option pour bénéficier d'une prise en charge sur les prestations à la périphérie de la santé, qui serait quant à elle soumise au taux plein de TSA. C'est la recommandation n° 4.

L'absence de véritable contrôle des pratiques sur le champ des prestations périphériques à la santé inquiète également les professionnels de santé. Ce danger avait d'ailleurs été soulevé il y a une dizaine d'années par une commission d'enquête du Sénat que présidait notre collègue Alain Milon : nous partageons cette préoccupation et souhaitons qu'un rendez-vous annuel soit organisé entre la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) et les Ocam afin de limiter le risque de solvabilisation de pratiques présentées comme thérapeutiques, mais identifiées comme potentiellement dangereuses. C'est la recommandation n° 19.

L'augmentation des prestations versées n'explique toutefois pas, seule, l'intégralité de l'accroissement des charges des complémentaires santé. Celles-ci sont également portées par des frais de gestion dont le montant a évolué de manière dynamique sur les dernières années et atteint, en 2022, 7,8 milliards d'euros, soit 20 % des cotisations récoltées. Les frais de gestion se répartissent en trois catégories : frais d'acquisition, engagés pour faire souscrire de nouveaux clients ; frais d'administration liés à la gestion courante des contrats et au recouvrement ; et frais de gestion des sinistres, qui correspondent aux frais liés au traitement des dossiers. La ventilation et le niveau des frais de gestion varient selon les familles de complémentaires : les institutions de prévoyance, spécialisées dans les contrats collectifs, moins coûteux en gestion, parviennent par exemple à limiter leurs frais de gestion à 14 %.

Avant toute chose, il me revient de clarifier un point : les 20 % de frais de gestion des complémentaires santé ne sauraient validement être comparés aux 5 % de l'assurance maladie, comme on peut parfois l'entendre. Un tel parallèle serait excessif : l'AMO, en position monopolistique, n'engage peu ou pas de frais d'acquisition, et n'a pas à sa charge le recouvrement, géré par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce qui diminue d'autant ses frais d'administration.

Il est toutefois permis de s'étonner que les frais de gestion des complémentaires santé se soient accrus à un rythme deux fois supérieur à l'inflation sur les dix dernières années, en augmentant d'un tiers. Cette trajectoire est d'autant plus alarmante que la numérisation et la concentration du secteur auraient dû générer, à terme, des économies de gestion - le « gendarme financier » du secteur, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), parle même d'une « anomalie ».

La mission enjoint les complémentaires santé à poursuivre leurs efforts de rationalisation pour diminuer leurs frais de gestion. Treize des cent plus grands organismes se démarquent déjà par des frais de gestion inférieurs à 12,5 % : cela confirme que le taux de 20 % n'est pas un « plancher de verre » issu de contraintes structurelles.

Pour encourager les complémentaires santé qui s'engageront dans une trajectoire de réduction de leurs frais de gestion, nous recommandons de renforcer l'information des assurés à ce sujet, en établissant une classification des Ocam en fonction de leur niveau de frais de gestion et en prévoyant une communication annuelle des Ocam à chaque assuré de leurs frais de gestion moyens, en euros et par contrat. C'est la recommandation n° 7.

En outre, la mission a pu constater l'importance des frais d'acquisition au sein des frais de gestion. Ceux-ci atteignent en moyenne 10 euros par mois et par contrat individuel chez les entreprises d'assurance. Cela a fait naître la préoccupation de mieux réguler le courtage, qui tire ces frais vers le haut. Le rapport préconise ainsi, à la recommandation n° 8, un meilleur encadrement du précompte et de l'escompte, et l'interdiction de leur utilisation conjointe. Ces modes de commissionnement peuvent en effet constituer une incitation financière à maintenir un assuré dans un contrat inadapté : ils sont donc difficilement compatibles avec l'obligation de conseil applicable aux acteurs de l'assurance.

Les auditions ont également permis de souligner le besoin d'améliorer la transparence en matière de courtage : nous proposerons donc, à la recommandation n° 13, de prévoir une publication isolée des frais de courtage et de généraliser la pratique des conventions de courtage, qui permettent de définir les responsabilités respectives de l'assureur et du courtier.

Nous nous sommes intéressés aussi aux comparateurs en ligne. Ces plateformes font certes oeuvre utile en permettant de mieux se repérer dans le « maquis » des contrats proposés. Néanmoins, les comparateurs n'offrent pas une vision complète du marché, tant s'en faut, puisque seules sont référencées les offres des complémentaires partenaires, c'est-à-dire les clientes de ces plateformes. Notre attention a été attirée sur le fait que celles-ci, à des fins commerciales, demandent aux internautes de renseigner des données personnelles non nécessaires à la comparaison des contrats - une pratique qu'il conviendrait de proscrire. La recommandation n° 14 tend donc à limiter au strict nécessaire les données qui doivent être communiquées lors d'une première recherche en ligne.

Enfin, le tiers payant constitue une perspective de réduction des frais de gestion en même temps qu'il facilite le parcours des patients et renforce l'accessibilité financière des soins. Les freins à son déploiement doivent donc être levés : qu'il s'agisse du cadre juridique du traitement des données, des logiciels métier ou des cartes de mutuelle, dépassées depuis que la résiliation infra-annuelle est possible, tout doit être mis en oeuvre pour que les professionnels puissent pratiquer le tiers payant de manière simple et fiable. C'est la recommandation n° 6.

Pour répondre à l'enjeu de la soutenabilité du coût de la complémentaire santé, la mission a identifié trois axes forts : l'amélioration de la situation des publics fragiles, le renforcement de l'information des assurés et la révision de la gouvernance du système.

Les contrats collectifs obligatoires en entreprise et, demain, dans la fonction publique de l'État, ont conduit à créer un système à deux vitesses. Ils ont concentré le bon risque sur les contrats collectifs, sur lesquels la compétition entre complémentaires est féroce. Les assurés en individuel - notamment les retraités, indépendants et inactifs - concentrent les risques les plus importants, et ont vu leurs contrats se renchérir au point d'être parfois inabordables : les associations de retraités nous ont alertés sur ce point.

Alors même que les inactifs souscrivent des contrats individuels en moyenne plus chers et moins couvrants, les aides à la souscription sont concentrées sur les actifs, qu'il s'agisse de la participation de l'employeur aux contrats collectifs ou de la déductibilité fiscale des cotisations, notamment dans le cadre des contrats « Madelin » aujourd'hui destinés aux indépendants. À cet égard, le projet de rapport estime souhaitable, à la recommandation n° 5, d'élargir le bénéfice de cette déductibilité aux non-salariés agricoles afin de diminuer leur taux d'effort et d'améliorer leur couverture.

Parmi les assurés en individuel, la situation des retraités doit être suivie avec une attention particulière. Le passage à la retraite entraîne en effet un « triple effet ciseaux », avec à la fois une diminution de revenus, la perte des aides à la souscription et des augmentations de tarifs liées à l'âge. Seule la C2S peut permettre aux retraités d'accéder à une complémentaire santé à un coût raisonnable, mais celle-ci ne couvre pas tous les seniors ayant des difficultés financières à s'affilier sur le marché, puisqu'elle n'est pas adaptée à leurs spécificités.

En effet, l'éligibilité à la C2S repose uniquement sur les revenus du ménage, et non sur le taux d'effort requis pour s'assurer sur le marché. Pourtant, dès lors que le coût mensuel moyen d'une complémentaire santé sur le marché varie de 33 euros à 20 ans à 93 euros à 60 ans, et même 146 euros à 85 ans, un retraité consacre au paiement de sa complémentaire santé une part de son budget trois à cinq fois supérieure à celle d'un jeune disposant du même revenu ; 20 % des retraités les plus modestes affectent ainsi jusqu'à 10 % de leurs ressources au paiement de leur complémentaire santé. C'est considérable !

Pour garantir aux retraités modestes un taux d'effort raisonnable, le rapport préconise la création d'une « C2S senior ». Celle-ci, assortie d'une participation qui pourrait être de l'ordre de 2 euros par jour, viendrait en complément, et non en remplacement, de la C2S gratuite et de la C2S avec participation. Elle en constituerait, en quelque sorte, un troisième étage, avec un plafond de ressources supérieur à ceux de la C2S actuelle, au bénéfice des seuls retraités - c'est la recommandation n° 2.

En outre, le développement des contrats collectifs a engendré une démutualisation entre, d'une part, les assurés actifs et, d'autre part, les assurés inactifs, au premier rang desquels se trouvent les retraités. Il est souhaitable de réintroduire de la mutualisation au sein des contrats collectifs. L'accord sur le régime facultatif de protection sociale complémentaire dans la fonction publique en constitue un bon exemple : il prévoit un plafonnement des cotisations des contrats proposés aux retraités en sortie de contrat collectif et une impossibilité d'augmenter les tarifs après 75 ans. Sur ce modèle, la recommandation n° 1 préconise de mandater les partenaires sociaux afin de réviser les mécanismes de sortie des contrats collectifs prévus par la loi Évin pour les salariés du privé, dans une logique de renforcement de la solidarité intergénérationnelle.

Il est également indiqué dans le rapport que le défaut de lisibilité des offres des complémentaires santé peut pousser certains assurés à choisir des contrats inutilement onéreux. Si la difficulté à comprendre les offres est le reflet de la complexité de notre système de santé à deux étages, un travail de clarification a été instauré sous l'égide du comité consultatif du secteur financier (CCSF), notamment avec l'harmonisation des libellés des postes de remboursement et l'institution d'une liste de cas-types faisant apparaître, pour des actes donnés, le niveau de remboursement AMO, AMC et le reste à charge.

Toutefois, nous avons pu constater que certaines recommandations du comité pour améliorer l'information des assurés, pourtant répétées année après année d'une manière presque incantatoire, n'étaient toujours pas mises en oeuvre : par exemple, la présentation des garanties en euros et non plus en pourcentage. La recommandation n° 12 vise à contraindre les complémentaires à appliquer ces recommandations.

Enfin, il est nécessaire de revoir la gouvernance du système pour dégager des marges d'efficience. On peut s'étonner, voire s'inquiéter, du manque de dialogue entre l'AMO et l'AMC, à l'origine d'une organisation en silo et d'une perte d'efficience sur des enjeux d'intérêt commun tels que la prévention et la lutte contre la fraude. Sur ce dernier sujet, il est nécessaire de passer à une approche partenariale, en encourageant des échanges d'information et le déploiement d'actions coordonnées AMO-AMC. Tel est le sens des recommandations nos 20 et 21.

À cet égard, le projet de rapport met en lumière les insuffisances des instances de représentation qui existent aujourd'hui. L'Unocam et l'association des complémentaires santé pour le tiers payant (inter-AMC) disposent en effet d'un champ et d'une représentativité limités, ce qui affecte leur capacité à engager les complémentaires sur des sujets complexes.

La création du comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDOC), rassemblant l'Unocam, les trois grandes familles de complémentaires, l'assurance maladie obligatoire et les services de l'État et disposant d'un large champ de compétences, vise à répondre à ces insuffisances et à installer un dialogue construit et continu entre l'État, l'AMO et l'AMC, dans sa diversité.

Par conséquent, la recommandation n° 18 appelle à institutionnaliser le CDOC et à en faire un comité de dialogue trimestriel dont la feuille de route et l'ordre du jour sont définis conjointement par le Gouvernement, l'assurance maladie et les complémentaires santé. La mission préconise également d'y associer le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle.

Si j'estime que les 22 propositions qui concluent le projet de rapport sont de nature à améliorer l'efficacité, l'équité et la mutualisation du système des complémentaires santé, au service de tarifs maîtrisés pour tous, je ne saurais céder à aucun triomphalisme. L'objet de ces propositions est de maîtriser la hausse des tarifs, de la rendre soutenable, et non pas de l'éviter. Les auditions ont bien montré que dans un cadre financier contraint de toute part, avec des prélèvements obligatoires élevés, une branche maladie en déficit historique et des complémentaires santé qui peinent à atteindre l'équilibre économique, il ne pourrait pas exister de remède miracle pour faire cesser la hausse des tarifs des complémentaires santé.

Cela mène à un écueil que je redoute : la lassitude que pourrait provoquer l'augmentation progressive de la charge financière de la couverture en santé, et le risque que celle-ci pousse les assurés à réduire leur niveau de protection. Pour améliorer le consentement des Français à l'impôt et aux dépenses contraintes associées à la santé, il importe de renforcer leur information sur le coût réel de la santé, que de nombreux concitoyens sous-estiment. On pourrait par ailleurs faire de même pour l'ensemble des services publics... C'est pourquoi je préconise par la recommandation n° 15 que soit proposée sur Ameli une information complète des assurés sur le coût des soins qui leur ont été dispensés et le niveau des remboursements perçus.

Un mot, pour finir, sur les initiatives prises par certaines collectivités territoriales, au travers de la négociation de « mutuelles communales ». Ces formules visent à permettre à ceux qui n'ont pas accès à un contrat collectif de financer une complémentaire santé à des tarifs abordables. À en croire les témoignages recueillis par le biais de la consultation des élus locaux que nous avons lancée, ces initiatives ne semblent pas constituer une formule miracle pour toutes les collectivités. De fait, la stabilité des tarifs proposés via ces dispositifs ne serait pas systématiquement garantie dans la durée, la forte proportion de seniors parmi les souscripteurs empêchant une mutualisation effective du risque. Nous recommandons de procéder à un état des lieux et à un bilan de ces initiatives, dans l'objectif d'établir un recueil de bonnes pratiques destiné à mieux accompagner les élus qui souhaiteraient s'engager dans ce type de démarche. C'est la recommandation n° 22.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Merci de cette présentation très complète et dense du rapport, qui contient de nombreuses propositions. M. André Reichardt nous a soumis par écrit des précisions techniques très utiles sur le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle, qu'il connaît très bien. Nous l'en remercions.

M. Bernard Fialaire. - Je félicite le rapporteur pour ce très bon travail, très instructif, même si je rencontre quelques problèmes d'ajustement de chiffres lorsque je compare les pourcentages aux montants donnés, notamment sur les dépenses de santé nationales. Je regrette de n'avoir pu assister à toutes les auditions ; cependant, lorsque je sortais de celles-ci, j'étais dans une situation de malaise absolu : comment fait-on pour supporter, voire accompagner, un système aussi injuste et inefficace - 20 % de frais de gestion, contre 4 % pour la sécurité sociale et 1 % pour l'Alsace-Moselle -, qui rembourse des pratiques thérapeutiques ne reposant sur aucune preuve scientifique, alors que des patients rencontrent des difficultés d'accès aux soins ? Par rapport à ce que ferait une grande sécurité sociale qui rembourserait à 100 %, cela représente une baisse de pouvoir d'achat considérable !

Il est certes très intéressant d'analyser, d'apporter des solutions quasi cosmétiques et administratives, et d'inciter à réaliser des études complémentaires. Ce rapport est parlant : il faut aller vers une grande sécurité sociale. Nous avons plusieurs fois interrogé les intervenants, qui craignent des pertes d'emplois importantes dans le secteur des mutuelles. Mais ces emplois sont déjà bien menacés par l'intelligence artificielle ; ce n'est pas une bonne raison.

Le président Macron avait intégré ce sujet dans son programme de 2017 et lancé une étude, mais tout a été fait alors pour conclure qu'il ne fallait pas de grande sécurité sociale, au travers de montages compliqués relatifs à ce qui serait pris en charge sur l'optique ou d'autres secteurs.

Le sujet est très simple ; il faut instaurer une grande sécurité sociale prenant en charge à 100 % les dépenses de santé qui sont reconnues et prévoir une couverture supplémentaire pour ceux qui ont des exigences particulières - chambre seule, dépassements d'honoraires...

Je conçois votre travail comme une orientation vers une solution forte, qui change le système. Il m'a conforté sur la nécessité d'aller au plus vite vers une grande sécurité sociale.

Si l'on avait à repenser la protection sociale, on ne referait pas le système actuel, qui trahit la philosophie de la protection sociale française : cotisation en fonction des moyens, service en fonction des besoins. Aucune audition ne nous a prouvé qu'on allait en sens inverse. C'est un déni des valeurs et des orientations fixées par le Conseil national de la résistance (CNR).

Mme Anne Souyris. - Je remercie le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) de nous avoir permis de travailler depuis six mois sur ce sujet, et je salue le travail du rapporteur et de la présidente de la mission d'information.

Si je partage les constats du rapport sur la hausse des cotisations aux contrats individuels, je regrette que les recommandations ne soient pas à la hauteur des enjeux et ne permettent pas, in fine, de réduire substantiellement le poids des complémentaires dans le budget des assurés.

Je regrette que l'articulation entre l'assurance maladie et les complémentaires, d'une part, et l'organisation des complémentaires, d'autre part, n'ait pas fait l'objet d'une réflexion plus appuyée. Pourtant, deux pistes me semblent pertinentes. Le régime local d'Alsace-Moselle est un exemple de mutualisation poussée du risque, aux frais de gestion extrêmement faibles, dont nous devrions davantage nous inspirer. Si ses taux de cotisation sont légèrement plus élevés que dans le reste du territoire, le reste à charge est moindre : 10 % contre 30 % pour le régime général concernant les cotisations médicales ; 10 % contre 40 % pour les soins dentaires et auxiliaires.

La Cour des comptes, dans une étude commandée par la commission des affaires sociales, qui donna lieu en 2012 à un rapport d'information dont Patricia Schillinger a été rapporteure au nom de la commission, avait examiné ce régime et proposé deux scénarios pour améliorer notre système national : l'élargissement du régime de base au-delà des remboursements qu'il prend actuellement en charge, et la création d'un niveau complémentaire d'assurance maladie obligatoire. S'il reste à expertiser la couverture en assurance complémentaire des assurés du régime local d'Alsace-Moselle, son coût et son efficacité, ladite expérience devrait nous engager à élargir le régime de base.

Cette proposition a notamment été étudiée par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) début 2022, dans un rapport présentant quatre pistes d'évolution pour l'articulation entre la sécurité sociale et les assurances complémentaires. Le troisième scénario - une grande sécurité sociale - étend le périmètre de la sécurité sociale afin qu'elle prenne en charge plus de la moitié des remboursements actuellement assurés par les complémentaires. Certes, vous l'avez déjà évoqué, mais sans aller jusqu'au bout du sujet. Ce modèle permettrait une gestion plus efficiente, alors que les frais de gestion des complémentaires sont quatre à six fois supérieurs à ceux de la sécurité sociale. Il simplifierait drastiquement le système, rendu plus lisible, au bénéfice des usagers au plus faible capital culturel. La simplification est d'autant plus importante que vous évoquiez la transparence des mutuelles sur leurs frais de gestion. Personne ne comprend rien à ce magma, notamment les assurés. Cela permettrait aussi de limiter les renoncements aux soins pour des raisons financières.

Le Haut Conseil a estimé que ce scénario coûterait aux finances publiques 22,5 milliards d'euros, dont 18,8 milliards d'euros de remboursements supplémentaires pour la sécurité sociale, et 3,7 milliards d'euros en pertes de recettes. Les 5,4 milliards d'euros de frais de gestion des complémentaires seraient économisés. Le coût net de la réforme serait donc de 17,1 milliards d'euros. Ces dépenses pourraient être en partie compensées par une redirection des montants actuellement dépensés par les assurés vers les complémentaires santé et par des mesures de lutte contre la fraude fiscale, la suppression de la niche fiscale sur les complémentaires santé, estimée à 7,25 milliards d'euros par la Cour des comptes, la lutte contre la fraude pharmaceutique, la renégociation des prix des médicaments et le développement d'une production publique.

Si les mutuelles ont été au coeur de la construction de la sécurité sociale aux XIXe et XXe siècles, le modèle interrogé par ce rapport doit être revu. Le système d'une grande sécurité sociale est un horizon vers lequel nous souhaitons tendre, étant cependant entendu qu'une telle transition de notre système de protection sociale doit s'accompagner d'une unification des branches de la sécurité sociale et du retour de nombreux représentants des travailleurs dans sa gestion. Provoquons un retour au modèle de démocratie sociale de 1946 !

En attendant, bien que cette mission n'ait pas proposé de revoir fondamentalement l'articulation entre complémentaires et assurance maladie, je salue certaines propositions du rapporteur qui vont dans le bon sens, notamment la sortie des médecines « douces » du panier de soins solidaire et responsable, la réduction des frais de gestion et leur transparence, ainsi que la mise en place d'une C2S senior. Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai lors du vote.

M. Alain Milon. - Je remercie le rapporteur pour son travail qui nous conforte tous dans la nécessité de revoir complètement et fondamentalement le financement de la santé sur le territoire national. Différents acteurs interviennent, et in fine le patient ne sait plus qui paie quoi.

Je ne suis pas très favorable à une grande sécurité sociale car, dans d'autres pays, on assiste à des débordements : les patients ne bénéficient pas du même niveau de soins dont ils bénéficieraient en France.

Comment financer la santé en France sans reprendre l'intégralité du modèle alsacien-mosellan ? Dans ce dernier système, les cotisations sont nettement supérieures aux cotisations, notamment patronales, qui s'appliquent sur le reste du territoire.

Le thème de cette mission d'information n'est pas la sécurité sociale, mais les complémentaires santé et les raisons de l'augmentation des cotisations y afférentes.

J'ai souvenir, lorsque je présidais la commission des affaires sociales, d'avoir régulièrement entendu les mutuelles affirmer qu'elles refusaient d'être en permanence les payeurs aveugles, et qu'elles voulaient participer à l'élaboration des décisions. Je soutiens intégralement les recommandations nos 20, 22 et 18 : à partir du moment où les mutuelles paient, elles doivent au moins participer au processus de décision, sans obligatoirement prendre in fine la décision.

J'avais proposé au ministre François Braun que le Parlement, en attendant une réforme complète du financement de la santé, puisse définir une cotisation de base et un contrat de base, le coût de cette cotisation étant déterminé dans le cadre de l'examen par le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale, quitte ensuite à ce que les Ocam brodent d'autres dispositifs, en particulier sur certaines médecines « douces »...

L'augmentation des tarifs des mutuelles m'a toujours extrêmement choqué. Elles ont annoncé, pour 2025, 6 % d'augmentation, soit un surcoût de 240 millions d'euros qui pèse sur le niveau de vie des cotisants et n'est pas vraiment justifié. En 2023 et 2024, les augmentations de 8 % des cotisations n'étaient pas non plus justifiées car, durant la crise du covid, c'est la sécurité sociale qui a tout pris en charge, et non les complémentaires !

Mme Émilienne Poumirol. - Tout à fait !

M. Alain Milon. - Comme de nombreux soins et opérations ont également été retardés, elles n'ont pas eu de frais et ont réalisé des économies considérables qui auraient dû leur permettre soit de rembourser leurs cotisants, soit d'éviter une augmentation des cotisations les années suivantes.

Il faudrait à mon avis permettre au Parlement, par exemple dans le cadre de l'examen du PLFSS, de définir les contours d'un contrat de complémentaire santé « de base » ainsi que son tarif. Ce point pourrait-il faire l'objet d'une recommandation ?

Mme Annie Le Houerou. - Merci au rapporteur d'avoir porté ce sujet. Ce rapport intéressant dresse un état des lieux et montre toute la complexité du système. Malheureusement, nous avions plusieurs missions en parallèle et il était difficile de suivre tous les travaux, même si ce sujet méritait une plus forte implication.

Vos recommandations visent à améliorer le système existant sur le tiers payant, la protection des seniors... Mais la complexité du système est telle qu'elle nécessite une remise à plat complète.

Nous avons l'impression de passer à côté des vraies difficultés de notre sécurité sociale et de l'esprit qui prévalait en 1945 : chacun devait y contribuer selon ses moyens et en bénéficier en fonction de ses besoins.

Dans la recommandation n° 3 (« Sans réduire les protections de santé, réformer le cadre du contrat solidaire et responsable afin de mieux adapter la couverture santé complémentaire aux besoins de chaque assuré »), il y a une contradiction entre la solidarité nationale et les services qui peuvent être apportés.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Un retraité, dans le cadre de ce contrat, n'a pas besoin de garantie sur la maternité... L'objectif est d'adapter le contrat aux besoins.

Mme Annie Le Houerou. - Certaines interrogations méritent des réponses plus précises. Il faudrait un travail de fond plus important afin de poser différentes options, sur lesquelles nous pourrions nous prononcer pour aboutir à un système qui soit davantage solidaire et réponde mieux aux besoins des patients.

Les charges de notre système de santé explosent cette année encore. Il faut aussi s'interroger sur la pertinence des soins, ce qui dépasse le cadre de notre mission d'information. Notre groupe proposera une contribution annexée au rapport.

Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je salue l'important travail réalisé, qui s'imposait. Aux difficultés de l'accès aux soins s'ajoute celle du financement de l'accès aux complémentaires santé. Les plus vulnérables de nos concitoyens - seniors, victimes d'accidents de la vie, personnes aux revenus modestes - sont les premières victimes de ces évolutions, qui contribuent à la complexification croissante et au manque de clarté de l'environnement réglementaire. Il n'y a aucune lisibilité, et vous l'avez bien indiqué lorsqu'il s'agissait de comparer des éléments difficilement comparables...

Je souscris à la plupart des préconisations du rapporteur, qui vont dans le bon sens.

Comme souvent, les collectivités territoriales se sentent acculées et obligées d'intervenir car l'État, compétent en la matière, ne fait pas son travail pour permettre un accès efficient au service. La région Île-de-France, de même que certaines communes, ont pris l'initiative de proposer des mutuelles. Il n'est pas normal qu'une commune ou une région, dont ce n'est pas la compétence, se sente obligée, pour protéger ses habitants, de solliciter des assureurs afin qu'ils proposent un panier de services et une tarification favorable.

Faire des propositions en vue d'aboutir à un système plus clair et efficace, c'est positif, mais il faut aussi une évaluation de bon sens pour que les collectivités territoriales se recentrent sur leurs compétences, et pour que l'État et le secteur privé proposent un véritable service aux assurés français.

Mme Silvana Silvani. - Merci pour ce rapport précis, qui traduit la complexité du monde des complémentaires santé, et pour votre conclusion en demi-teinte, réaliste et honnête.

Je n'interviendrai pas directement sur les recommandations.

Ce rapport reflète - ou révèle en creux - l'état de notre système de protection sociale et de solidarité. Il montre aussi, mais sans le dire explicitement, qu'on peut tordre le système des complémentaires à l'envi, sans compenser le fait que les plus démunis se trouvent quasi systématiquement privés de couverture sociale.

Je viens de Meurthe-et-Moselle, département frontalier de l'Alsace-Moselle. Les habitants d'Alsace-Moselle ne se plaignent pas du montant de leurs cotisations, car ils savent ce qu'elles leur rapportent. Dans mon département nous rêverions d'acquitter une petite augmentation de cotisation, sans que l'on s'emberlificote dans des histoires de complémentaires auxquelles nous ne comprenons rien... Les cotisations ont été créées pour que chacun contribue au dispositif et puisse en recueillir des bénéfices.

La sécurité sociale n'est pas un autre sujet ; c'est précisément le sujet ! Cette mission révèle, en creux, qu'il faut étudier le système général et pas seulement les complémentaires.

Monsieur le rapporteur, vous pourriez informer les citoyens non seulement de ce que coûtent leurs soins, mais aussi de ce qui est investi dans la solidarité nationale !

M. Alain Milon. - Lors du congrès de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), il y a un an, j'avais indiqué au président de la Mutualité française ce qui me choquait le plus dans les frais de gestion : le logo de ma précédente mutuelle figurait sur les maillots de foot de Saint-Étienne et sur les bateaux de la Transatlantique, qu'elle finançait... Ce n'est pas le rôle d'une mutuelle !

Mme Corinne Imbert, présidente. - Je partage ce qui a été dit sur les médecines « douces » : les assurances complémentaires les intègrent dans le « paquet », alors qu'il faudrait les en faire sortir. Si elles voulaient jouer un rôle plus important dans la prévention, les complémentaires devraient plutôt prendre en charge des consultations de diététique et l'incitation au sport, avec de véritables professionnels diplômés. Ce serait plus utile en matière de santé.

M. Bernard Fialaire. - Il faut arrêter avec la « prévention » réalisée par les mutuelles : quand on sélectionne ses patients, ce n'est pas de la prévention, mais du marketing ! Les mutuelles font faire des bilans santé à des personnes qui n'en ont pas besoin ; c'est un gâchis considérable ! La véritable prévention consiste à identifier les personnes auxquelles elle serait utile, mais qui sont éloignées du système.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Vous envisagez une contribution d'environ 2 euros pour la C2S senior. Est-ce réalisable ? Faut-il afficher un montant alors que nous ne connaissons pas le niveau de revenu maximal pour l'éligibilité des patients ?

Je me permets un retour d'expérience en tant que professionnelle de santé : il faut de bonnes lunettes pour décoder les différentes prises en charge figurant sur les cartes de mutuelle ! Pour ma part, j'imprime au dos des ordonnances les remboursements respectifs de l'AMO et de l'AMC. Cela devrait inciter les patients à calculer le coût du ticket modérateur, mais aussi celui d'une complémentaire santé permettant d'obtenir le remboursement intégral de leurs médicaments...

Mme Émilienne Poumirol. - Durant toute ma vie professionnelle, j'ai fait la même suggestion à mes patients ! J'ai en tête l'exemple de cette dame qui, arrivée à la retraite, me disait devoir faire des ménages afin de pouvoir continuer à payer sa mutuelle et celle de son mari, alors que celui-ci était en ALD...

Mme Corinne Imbert, présidente. - De surcroît, contrairement à ce qui prévalait il y a trente ans, les patients n'ont plus d'interlocuteur en face d'eux qui puisse leur donner les explications dont ils auraient besoin. De fait, ils achètent, cher, leur tranquillité.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Faut-il informer chaque patient du coût réel de la santé ? Nous avons eu un long débat sur cette question : cela peut être un peu culpabilisant. Toutefois, j'estime que le consentement à l'impôt et aux cotisations sociales va de pair avec une réelle connaissance de ce que coûte le système de santé. Certes, pour ne prendre que cet exemple, le prix de chaque médicament délivré en pharmacie est indiqué sur l'ordonnance, mais les caractères sont minuscules. Et je ne dis pas que c'est la faute des pharmaciens ! Avec l'ancien système des vignettes, on savait au moins combien coûtaient les boîtes de médicaments.

Dans le même ordre d'idées, quand on indique à nos concitoyens, qui se plaignent de leur coût, le prix réel d'un repas à la cantine ou d'une place en crèche, bizarrement, même ceux d'entre eux qui gagnent le plus prennent conscience de ce qui est pris en charge par la collectivité...

La prévention est-elle du ressort de l'AMO ou de l'AMC ? Nous recommandons que l'une et l'autre, en relation avec les pouvoirs publics, s'accordent sur un plan pluriannuel de prévention. C'est d'ailleurs ce vers quoi tendait le ministre François Braun. Une réelle politique en matière de prévention permettrait de réduire les dépenses de soins. Ainsi, l'on sait bien qu'un certain nombre de pathologies ne sont pas suffisamment dépistées, ce qui entraîne des coûts ultérieurement pour l'assurance maladie.

Il faudrait voir avec le président Mouiller si la commission des affaires sociales ne pourrait pas mener un travail sur cette question de la prévention.

M. Bernard Fialaire. - Cela relève aussi de l'éducation.

M. Alain Milon. - C'est un travail interministériel.

Mme Émilienne Poumirol. - Notre collègue Mélanie Vogel a rendu en 2022 un rapport intitulé : Protéger et accompagner les individus en construisant la sécurité sociale écologique du XXIe siècle. Elle y insistait sur la nécessité de remplacer le « tout-curatif » par la prévention, ce qui implique un travail interministériel.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Il faudrait déjà au minimum que l'AMO et l'AMC définissent ensemble des axes de prévention selon une feuille de route définie par le Gouvernement.

S'agissant de la complémentaire santé solidaire destinée aux seniors, celle-ci est attribuée, en fonction des ressources et de la composition du foyer, soit sans aucune contribution, soit en contrepartie d'une cotisation de 1 euro maximum par jour et par personne. Nous proposons de porter ce montant maximum à 2 euros environ, en fonction des ressources, le plancher étant fixé par référence au minimum vieillesse et le plafond restant à définir.

Un peu moins de 4 % de nos concitoyens ne disposent pas d'une couverture maladie complémentaire. C'est à la fois peu et beaucoup. Or, parmi ceux qui disposent d'une complémentaire, certains se serrent la ceinture pour s'acquitter de leur cotisation alors même qu'ils pourraient bénéficier de la C2S, qu'elle soit gratuite ou contributive. On connaît le taux de non-recours à la C2S : 44 %.

De fait, il faudrait envisager de rendre automatique le bénéfice de la C2S. Certes, ce serait un coût pour l'assurance maladie, mais nos concitoyens concernés auraient un meilleur accès aux soins. C'est pourquoi nous recommandons d'informer systématiquement les nouveaux retraités, le cas échéant, de leur éligibilité à la C2S gratuite ou contributive ou bien à l'éventuelle future C2S senior.

Quand j'ai pris l'initiative de lancer cette mission d'information, j'étais très favorable à la création d'une « grande sécu ». À terme, c'est peut-être la solution, mais à ce jour, compte tenu de la situation des finances publiques, je ne crois pas qu'elle soit réalisable dans l'immédiat, car elle impliquerait une augmentation considérable des prélèvements, étant entendu que le coût serait de 20 milliards d'euros pour l'AMO. Pour autant, c'est une piste qu'il ne faut pas exclure et qui pourrait faire l'objet d'une autre mission d'information.

Nous préconisons également de revenir sur le contrat santé solidaire et responsable, avec la mise en place d'options.

M. Bernard Fialaire. - Il faudrait supprimer le mot « solidaire »...

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Il faut à tout le moins que ces contrats soient « responsables », le contrat de base devant être adapté à chaque âge de la vie et couvrir les besoins réels de santé. C'est pourquoi nous préconisons que les médecines « douces » soient exclues du panier de soins de base et qu'elles relèvent d'une couverture optionnelle, même si les Français y ont fréquemment recours - à titre personnel, j'ai souvent recours à l'ostéopathie : à ce propos, il faudrait réguler la profession d'ostéopathe, tout le monde pouvant le devenir dans la mesure où les écoles de formation ne sont pas contrôlées.

Monsieur Milon, vous souhaitez que le contrat de base soit défini par le Parlement. Or il semble difficile, juridiquement, de contraindre des acteurs privés à proposer tel ou tel produit, à tarif fixé, qui plus est.

M. Alain Milon. - Le ministre Braun ne m'a pas fait état de ces réserves !

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. -Nous pourrions intégrer votre remarque au rapport, même si à mon avis une réflexion sur la faisabilité juridique de votre suggestion me semble souhaitable...

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Nous avons démontré dans notre rapport que, contrairement à ce que les complémentaires santé tentaient de nous faire croire, la sécurité sociale ne se déchargeait pas sur elles des dépenses de santé. Certes, il existe des transferts de charges, mais, avec le 100 % santé, la sécurité sociale a accru sa prise en charge.

S'agissant des frais de gestion des mutuelles, nous avons cherché à comprendre les raisons pour lesquelles ils ne baissaient pas. Peut-être la sponsorisation d'épreuves sportives est-elle l'une des explications... D'ailleurs, treize des cent plus importantes mutuelles ont fait des efforts et sont parvenues à passer sous le seuil des 12,5 % de frais de gestion, étant entendu qu'il leur sera de toute façon impossible de parvenir au même taux que l'assurance maladie obligatoire, celle-ci étant en situation de monopole. En tout cas, cette réduction des frais de gestion devra se traduire par une baisse des cotisations dont s'acquittent les sociétaires.

M. Bernard Fialaire. - Il faudrait également évoquer les placements immobiliers des mutuelles, qui ont des effets pervers sur le prix du mètre carré dans certains endroits.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Contrairement à ce que je pensais avant nos auditions, ce ne sont pas les collectivités locales qui « organisent » la prise en charge de la complémentaire santé dont elles peuvent prendre l'initiative ; en réalité, elles se contentent de mutualiser des contrats individuels, négociés, après appel d'offres, à un horizon de deux ou trois ans. Mais au terme de cette période, certaines observent une augmentation du montant des cotisations. De fait, il n'y a pas toujours de réelle plus-value in fine.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Nous en venons à la proposition d'intitulé de ce rapport d'information.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Nous proposons le titre suivant : Hausse des tarifs des complémentaires santé : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Je vous remercie.

Les recommandations sont adoptées et la mission d'information autorise la publication du rapport.

Mme Corinne Imbert, présidente. - Je rappelle que chaque groupe pourra, s'il le souhaite, adresser une contribution qui sera annexée au rapport, le délai-limite étant fixé au jeudi 26 septembre à11 h 30. Par ailleurs, une conférence de presse se tiendra ce même jeudi, à 8 h 30.

CONTRIBUTIONS DES GROUPES

I. Rassemblement démocratique et social européen (RDSE)

Le groupe RDSE salue l'initiative de Xavier Iacovelli, sénateur du groupe RDPI d'avoir demandé et rapporté la mission d'information sur les complémentaires santé et le pouvoir d'achat des Français.

Ce travail mené conjointement avec notre collègue Marie-Claire Carrère-Gée, présidente de la mission, et tous les sénatrices et sénateurs qui ont participé aux auditions, donne lieu à un constat préoccupant : les hausses régulières de tarifs chaque année pèsent de plus en plus sur le pouvoir d'achat et conduisent à l'affaiblissement de la couverture complémentaire de nombreux Français, certains d'entre eux renonçant aux soins, faute de mutuelles.

Si les recommandations du rapport corrigent, à la marge, les profondes incohérences du système actuel, nous considérons que l'occasion était donnée de revenir plus fondamentalement sur les aberrations des organismes de complémentaires maladie (Ocam).

« S'il fallait repartir de zéro, le système serait sans doute reconstruit différemment » est-il écrit en avant-propos du rapport. Aussi, avons-nous le devoir d'être plus ambitieux pour revenir profondément sur une situation qui remet en cause les fondements mêmes de notre protection sociale, son universalité en particulier.

Notre système est bâti sur des contributions en fonction de nos moyens pour une protection en fonction de nos besoins. Or, le virage pris au cours de ces dernières décennies par les complémentaires santé contredisent complètement ces principes, avec des contributions variables en fonction de la participation des entreprises, dont les plus florissantes peuvent offrir une protection majorée avec une participation moindre des bénéficiaires et une contribution supérieure des retraités dont la grande majorité sont modestes.

Et dans le « maquis » ou la « jungle » des contrats, comme le relève la mission, une différence de prise en charge est opérée entre « bons risques » et « mauvais risques ». Ce n'est pas le vocable « solidaire » d'un contrat qui corrige cette injustice.

S'il y avait un intérêt financier à recourir à la gestion des complémentaires santé par les Ocam, cela pourrait se justifier. Le rapport démontre qu'il n'en est rien ! Les groupes consacrent 20 % aux frais de gestion, à mettre au regard des moins de 4 % des frais de gestion pratiqués par la sécurité sociale et 1 % par le régime local d'Alsace-Moselle.

Et ce surcoût est justifié par les contraintes imposées aux Ocam qui naviguent dans un système concurrentiel. Pour élaborer des contrats sur mesure - et donc au fond non solidaires - les organismes recourent à des mécénats et des sponsorings qui interrogent. Ils mobilisent par ailleurs des réserves prudentielles investies dans un patrimoine conséquent qui, en outre, n'est pas sans impact sur certains segments du marché immobilier.

Dans le détail, on peut observer d'autres pratiques qui abusent les patients ou clivent l'accès aux soins. Notamment, les initiatives de remboursement thérapeutique sans preuve relèvent davantage de démarches commerciales que de réels progrès thérapeutiques. Quant à la prévention affichée comme une avancée de santé publique, elle cible des publics privilégiés et ne s'adresse pas à ceux qui en ont le plus besoin et qui ne relèvent pas de leurs clientèles.

Tous ces constats plaident pour la « Grande sécu », soit une extension du régime de base de la sécurité sociale, comme le préconise le rapport du 14 janvier 2022 du Haut Conseil à l'avenir de l'assurance-maladie, dont l'avis avait été sollicité par le gouvernement d'alors. Bousculant l'intérêt de nombreux protagonistes, la démarche s'est enrayée.

Une contribution juste à une « Grande sécu » dispensant du recours à une complémentaire santé augmenterait de toute évidence le pouvoir d'achat des retraités, comme cette mission d'information s'attache à vouloir le faire. A minima, il serait utile de travailler à une meilleure articulation entre un système public de qualité et des mutuelles replaçant l'équité au coeur de leur modèle pour une santé accessible à tous.

C'est pourquoi le groupe RDSE, fidèle à ses racines solidaristes et à ses valeurs d'égalité et d'humanisme, appelle à plus de courage et de volonté pour la correction de l'injustice qui caractérise le système actuel des complémentaires santé, tout en saluant le rôle essentiel qu'ont joué les mutuelles à leur origine.

II. Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER)

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain salue le travail réalisé par la mission d'information sur les complémentaires santé et mutuelles : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français, menée par sa présidente Marie-Claire Carrère-Gée et son rapporteur Xavier Iacovelli. Le groupe reconnaît la qualité de l'état des lieux exhaustif du régime de remboursement des frais de santé, basé sur l'articulation entre la sécurité sociale obligatoire et les complémentaires santé.

Un système complexe et inefficace

Le système de couverture santé actuel, bien qu'indispensable à la protection des Français, se caractérise par sa complexité et son manque de transparence, laissant souvent les assurés déconcertés et dans l'incapacité de faire un choix éclairé pour une mutuelle qui couvre leurs besoins réels. Ils sont tentés de sélectionner celle-ci sur le prix, espérant une bonne couverture à condition d'en avoir les moyens financiers. Le rapport indique que certains assurés consacrent 10 % de leurs dépenses à cette couverture. C'est une question de justice sociale et d'équité pour préserver le pouvoir d'achat de millions de Français. L'absence d'outils clairs de comparaison des offres de mutuelles renforce ce sentiment d'incompréhension.

Selon la Cour des comptes, dans son rapport du 21 juillet 2021 sur les complémentaires santé, ces dispositifs représentent un coût annuel d'environ 10 milliards d'euros, sans compter les frais de gestion supportés par l'assurance maladie. Ce système dual, mêlant assurance maladie obligatoire et complémentaires, engendre des frais de gestion élevés, notamment en raison de la superposition des dépenses, aggravant ainsi la facture.

La Cour des comptes souligne que, bien que les assurances maladie complémentaires (AMC) offrent une protection étendue et couvrent une grande majorité des Français (environ 96 % de la population), des inégalités subsistent. Outre les coûts de gestion élevés, le rapport confirme un accès inégalitaire aux complémentaires santé, les plus précaires bénéficiant d'une couverture insuffisante. Il met également en lumière l'écart entre les contrats collectifs, souvent plus protecteurs et avantageux pour les cotisants, et les contrats individuels, moins favorables.

Une refonte nécessaire pour plus de justice sociale

Nous défendons l'urgence d'une réforme en profondeur du système pour le rendre plus accessible, transparent et moins coûteux. Il est essentiel de simplifier les dispositifs, de promouvoir la solidarité intergénérationnelle et de mieux protéger les seniors face aux restes à charge, qui demeurent trop élevés. Nous soutenons les recommandations n° 1 et n° 2 du rapport, visant à renforcer la protection des seniors, notamment en revoyant les mécanismes de sortie des contrats collectifs, comme le prévoit l'article 4 de la loi Évin.

Nous nous interrogeons sur la proposition n° 3 de réformer le cadre solidaire et responsable afin de mieux adapter la couverture santé complémentaire aux besoins de chaque assuré. Cette réforme devra préserver le caractère solidaire de l'assurance maladie dans lequel chacun doit participer à la hauteur de ses moyens et bénéficier en fonction de ses besoins.

Par ailleurs, le non-recours aux dispositifs de couverture sociale reste un défi majeur. Malgré les réformes, les démarches administratives complexes continuent d'exclure une partie des populations les plus vulnérables. Favorables à la recommandation n° 10 du rapport, nous appelons à une simplification accrue de la Complémentaire Santé Solidaire (C2S) pour en garantir l'accessibilité et alléger les procédures administratives des caisses d'assurance maladie.

Afin de pallier le non-recours aux soins et les coûts élevés des mutuelles pour de nombreux usagers, les collectivités locales se sont engagées à négocier des contrats collectifs ouverts à leurs administrés. Cet engagement traduit une dérive du système existant qui est dans l'incapacité de s'adapter à la réalité des besoins de la population. Les collectivités viennent pallier la carence du système dual AMO/AMC. Cette implication des collectivités territoriales illustre la nécessité d'une réforme plus profonde de notre système de couverture sociale de base avec un panier de soins assuré, compatible avec les capacités des ménages à couvrir les risques.

Vers une approche de long terme et une meilleure prévention

Dans le cadre de la réflexion sur l'évolution de notre système de protection sociale, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reste fermement attaché aux principes d'universalité et de solidarité qui fondent la sécurité sociale. Des solutions existent pour assurer la pérennité financière de ce système, telles que l'investissement dans la prévention, source d'économies sur le long terme, l'adaptation des prises en charge aux besoins spécifiques, la refonte des modes de rémunération, ainsi que la lutte contre les restes à charge, qui contribuent au renoncement aux soins et à l'aggravation de l'état de santé des Français.

Enfin, nous regrettons que les mesures d'économie avancées par le Gouvernement ne soient pas à la hauteur des enjeux structurels de notre système de santé. Face aux défis démographiques, à l'augmentation des maladies chroniques et aux impacts du changement climatique sur la santé, une approche plus globale s'impose.

Nous plaidons pour un financement de la protection sociale qui ne repose plus uniquement sur la taxation du travail, mais qui inclut d'autres sources de revenus. De plus, une politique ambitieuse de prévention est indispensable pour réduire les coûts sociaux de la protection.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain continuera à soutenir toutes les initiatives visant à garantir l'accès équitable aux soins pour tous les Français, dans une logique de justice sociale et d'équité.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Par ordre chronologique

Auditions plénières

· Haut conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPS)

Dominique Libault, président

Représentants des complémentaires santé

· France Assureurs

Florence Lustman, présidente

· Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (Unocam)

Marc Leclère, président

· Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF)

Éric Chenut, président

· Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP)

Dominique Bertrand, président

Denis Laplane, vice-président

· Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees)

Fabrice Lenglart, directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques

Geoffrey Lefebvre, chef de bureau de l'analyse des comptes sociaux

Catherine Pollak, adjoint au sous-directeur Observation de la Santé et de l'Assurance Maladie

Associations de consommateurs et d'usagers

· UFC-Que Choisir

Daniel Bideau, vice-président et animateur du réseau santé de l'association

Maria Roubtsova, chargée de mission

· France Assos Santé

Féreuze Aziza, chargée de mission Assurance maladie

Marianick Lambert, membre du bureau

La situation des retraités

· Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA)

Jean-Philippe Vinquant, président du Conseil de l'âge

· Fédération nationale des associations de retraités

Christine Meyer-Meuret, coresponsable de la mission santé et qualité de vie des retraités

· Confédération française des retraités

Pierre Erbs, président

· Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie (HCAAM)

Pierre-Jean Lancry, président

Nathalie Fourcade, secrétaire générale

· Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam)

Thomas Fatôme, directeur général

· Direction de la sécurité sociale

Franck von Lennep, directeur

· Régime local d'assurance maladie Alsace-Moselle

Patrick Heidmann, président

Anne-Céline Freiss, directrice adjointe

Représentants des comparateurs en ligne

· Le Furet

Cédric Ménager, directeur général

· Comparadise

Julien Fillaud, directeur général

· Meilleur Taux

Samuel Bansard, directeur des activités de comparaison d'assurances

· Pierre Pedinielli, délégué général du Groupement des comparateurs en assurance et banque (GCAB)

La complémentaire santé des fonctionnaires

· Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)

Guillaume Tinlot, chef de service des politiques sociales, salariales et des carrières

· Direction générale des collectivités locales

Christophe Bernard, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale

· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Charles Bourdeaud'Hui, chef du bureau des politiques sociales

Médiateurs des complémentaires santé

· Antoine Lamon, médiateur de la Mutualité Française

· Arnaud Chneiweiss, médiateur de l'assurance

· Xavier Lagarde, médiateur de la protection sociale

Grands groupes de complémentaires santé

· Axa France

Diane Milleron Deperrois, directrice générale Santé et Collectives France

· Malakoff Humanis

Thomas Saunier, directeur général

Laurent Borella, directeur santé

· Vyv

Thomas Blanchette, vice-président du groupe mutualiste Vyv et président d'Harmonie mutuelle, membre fondateur du groupe Vyv

Catherine Touvrey, directrice Assurance protection sociale du groupe Vyv et directrice générale d'Harmonie mutuelle

Auditions du rapporteur

Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF)

Éric Chenut, président de la Mutualité Française

Séverine Salgado, directrice générale

Laure-Marie Issanchou, directrice santé

Fédérations hospitalières

· Fédération de l'hospitalisation privée (FHP)

Christine Schibler, déléguée générale

Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale

· Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (Fehap)

Arnaud Joan Grange, directeur de l'offre de soins et des parcours de santé

· Fédération hospitalière de France (FHF)

Marc Bourquin, conseiller en stratégie

Aurélien Sourdille, responsable adjoint du pôle OFFRES (Offre de soins, Finances, FHF-Data, Recherche, E-Santé)

· Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF)

Jimmy Guichard, membre du conseil d'administration

Pharmaciens

· Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF)

Denis Millet, secrétaire général

· Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Pierre-Olivier Variot, président

Médecins

· Fédération française des médecins généralistes (MG France)

Dr Agnès Giannotti, présidente

Dr Gilles Urbejtel, membre

· Syndicat des médecins libéraux (SML)

Dr Mardoché Sebbag, vice-président

· Union française pour une médecine libre - Syndicat (UFML-S)

Dr Rachida Inaoui-Roze, rhumatologue

Dr Éric Weinberg, médecin généraliste

· Fédération des médecins de France (FMF)

Dr Patricia Lefébure, présidente

Dr Bassam Al Nasser, secrétaire général

· Union syndicale Avenir spé-Le Bloc

Dr Bertrand de Rochambeau, co-président, gynécologue

Dr Vincent Dedes, ophtalmologiste, président du syndicat des ophtalmologistes de France (Snof)

Dr Vincent Pradeau, cardiologue, président du syndicat national des cardiologues (SNC)

Dr Étienne Fourquet, président du syndicat national des anesthésistes-réanimateurs (Snarf)

Infirmiers

· Fédération nationale des infirmiers (FNI)

Daniel Guillerm, président

Pascale Lejeune, secrétaire générale

· Convergence infirmière

Gérard Masson, secrétaire général

Franz Boussegui, membre du conseil d'administration

Chirurgiens-dentistes

· Chirurgiens-dentistes de France (CDF)

Dr Pierre-Olivier Donnat, président

Dr Catherine Mojaïsky, conseillère technique

Charlotte Teyssier d'Orfeuil, déléguée générale

· Union dentaire (UD)

Dr Bruno Levollant, vice-président

Dr Pierre Schmidt, secrétaire général adjoint

· Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL)

Dr Fabienne Robichon, vice-présidente

SPVIE Assurances

Cédric Pironneau, directeur général

Olivier Babeau, président de l'institut Sapiens

Erwann Tison, directeur des études à l'institut Sapiens

Kinésithérapeutes

· Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR)

Sébastien Guérard, président

Vincent Daël, délégué général

· Syndicat national des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (SNMKR)

Guillaume Rall, président

· Alizé

François Randazzo, président

Caroline Sacchiero Vicaigne, vice-présidente à la vie conventionnelle

Auxiliaires médicaux

· Syndicat national autonome des orthoptistes (SNAO)

Mélanie Ordines, présidente

Ivo Trinta, secrétaire adjoint

· Fédération nationale des orthophonistes (FNO)

Sarah Degiovani-Pasquier, présidente, orthophoniste en Île-de-France

· Fédération nationale des podologues (FNP)

David Boudet, président

100 % santé

v Audioprothésistes

· Syndicat des audioprothésistes (SDA)

Luis Godinho, vice-président

· Syndicat national des entreprises de l'audition (Synea)

Benoît Roy, président

Amaury Dutreil, vice-président

· Syndicat national de l'audition mutualiste (Synam)

Laurent Éveillard, président

Lucie Redonnet, déléguée générale

v Opticiens

· Fédération nationale des opticiens français (Fnof)

Hugues Verdier-Davioud, président

Olivier Touret, administrateur et membre du bureau

Charlotte Thusseau, assistante

· Rassemblement des opticiens de France (ROF)

Jean-François Porte, vice-président

Sandrine Ladoux, administratrice

· Syndicat national de l'optique mutualiste (Synom)

Laurent Éveillard, président

Lucie Redonnet, déléguée générale

v Chirurgiens-dentistes

· Chirurgiens-dentistes de France (CDF)

Dr Pierre-Olivier Donnat, président

Dr Gérard Morel, conseiller technique

Charlotte Teyssier d'Orfeuil, déléguée générale

· Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL)

Dr Patrick Solera, président

· Union dentaire (UD)

Dr Bruno Levollant, vice-président

Dr Pierre Schmidt, secrétaire général adjoint

Organisations syndicales

· Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale

Bérengère Faveaux, secrétaire confédérale chargée des relations avec le Parlement

· Confédération générale du travail (CGT)

Régis Mezzasalma, conseiller confédéral

José Nunez, chef de file des administrateurs Malakoff Humanis

· Confédération Force ouvrière (FO)

Alain Gautron, secrétaire confédéral

David Ollivier-Lannuzel, secrétaire confédéral

· Confédération française de l'encadrement-confédération générale des cadres (CFE-CGC)

Agnès Colonval, déléguée nationale protection sociale

Leslie Robillard, chargée d'études protection sociale

· Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Léonard Guillemot, conseiller confédéral

Nassim Chibani, conseiller technique protection sociale

Organisations patronales

· Mouvement des entreprises de France (Medef)

Garance Pineau, directrice générale

Nathalie Buet, directrice de la protection sociale

· Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

Thierry Grégoire, membre du Comex CPME

Gwendoline Delamare-Deboutteville, directrice des affaires sociales

Biologistes médicaux

· Syndicat des biologistes (SDBIO)

Dr François Blanchecotte, président

· Syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC)

Dr Thierry Bouchet, président

· Syndicat national des médecins biologistes (SNMB)

Dr Jean-Claude Azoulay, président

Dr Michel Sala, vice-président

· Les biologistes médicaux (BIOMED)

Dr Lionel Barrand, président

Association des acteurs pour l'accès aux soins (3AS)

Catherine Abiven, présidente de Cegedim assurance et directrice du Cetip

Pierre-Henri Comble, directeur en charge du Datalab chez Cegedim

Jérôme Tillette de Mautort, directeur des partenariats chez Almerys

Association des plateformes santé (APFS)

Laurent Borella, président, vice-président Kalixia

Christian Acknin, directeur général de Santéclair

Olivier Nique, directeur général de Seveane

Aurélie Barbereau, présidente du directoire d'ISEA

Union nationale des professionnels de santé (UNPS)

Sébastien Guérard, président

Mathilde Guest, directrice générale

Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI)

Olivier Maillebuau, secrétaire général

Valérie Copin, vice-présidente

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

Jean-Paul Faugère, vice-président

Mutuelle de France des Alpes du Sud (MFAS)

Jean-Claude Eyraud, président

Laurence Allix, directrice

Me Jacques Barthélémy, avocat conseil en droit social honoraire

Jean-Martin Cohen Solal, ancien directeur général de la Mutualité française

Mutuelles étudiantes

· La mutuelle des étudiants (LMDE)

Ariane Suard, directrice

· Société mutualiste des étudiants du Nord-Ouest (Smeno)

Ahmed Hegazy, président

Joël Dockwiller, directeur général

· Société mutualiste étudiante des Régions Rhône-Alpes et Auvergne (Smerra)

Daniella Zadi, présidente

Lionel Lérissel, directeur général

· Heyme

Benjamin Biale, directeur général de l'Union mutualiste générale prévoyance (UMGP)

Aéma Groupe

Adrien Couret, directeur général

Patrick Brothier, vice-président et président d'Aésio Mutuelle

Xavier Michel, directeur affaires publiques

Fédération nationale indépendante des mutuelles (Fnim)

Pierre-Édouard Magnan, président

Erwin Marzolf, directeur général

La Mutuelle Générale

Christophe Harrigan, directeur général

Christophe Morange, directeur de la communication et RSE

Mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie (Mgéfi)

Bruno Caron, président

Christian Pasquetti, directeur général

François-Gilles Egretier, directeur de la communication et des affaires publiques

Comité consultatif du secteur financier (CCSF)

Catherine Julien-Hiebel, présidente

Ligue contre le cancer

Catherine Simonin, administratrice et présidente de la commission société et politiques de santé

Mutuelles initiées par des collectivités territoriales : l'exemple de la région Île-de-France

Région Île-de-France : Farida Adlani, vice-présidente, chargée de la santé, de la famille et des solidarités, et Anne-Claire Tyssandier, directrice adjointe de cabinet de la présidente du conseil régional

Régions de France : Laura Lehmann, conseillère santé, sociale, formation sanitaire et sociale et enseignement supérieur

Mutualité Fonction Publique (MFP)

Serge Brichet, président

Laurence Tribillac, directrice influence et métiers

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES551(*)

· Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSSF)

· Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL)

· Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)

· Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD)

· Planète CSCA (courtage d'assurance)

· Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

· Union des entreprises de proximité (U2P)

· Cercle de réflexion des courtiers français (CRCF)

· Association des maires de France (AMF)

· Ambassade de France à Berlin

· Ambassade de France à Madrid

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES RECOMMANDATIONS

Recommandations

Acteurs concernés

Support

Calendrier

1

Revoir les mécanismes de sortie des contrats collectifs prévus par l'article 4 de la loi Évin du 31 décembre 1989552(*)
dans une logique de mutualisation intergénérationnelle en s'inspirant
du mécanisme de plafonnement
des cotisations applicable aux contrats collectifs obligatoire du secteur public.

Partenaires sociaux, législateur, Gouvernement 

Article 4 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ;
Décret n° 90-769 du 30 août 1990 pris pour l'application des articles 4, 9 et 15 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques

2027

2

Créer, sur le modèle de la C2S
avec participation, une « C2S seniors » destinée aux retraités modestes, assortie de conditions d'éligibilité spécifiques.

Législateur,

Gouvernement

Article L. 861-1 du code de la sécurité sociale

Dispositions réglementaires nouvelles (arrêté du 21 juin 2019553(*))

(Concertation avec l'assurance maladie et les Ocam)

2025

3

Mieux adapter le cadre du contrat solidaire et responsable aux besoins
de chaque assuré.

Législateur, Gouvernement

Articles L. 871-1 et R. 871-2
du code de la sécurité sociale

2026

4

Afin de diminuer le coût de la complémentaire santé pour les assurés qui n'ont pas recours aux médecines dites « douces », rendre optionnelle
la couverture des assurés pour ces prestations, et sortir ces garanties du cadre du contrat solidaire et responsable.

Législateur, Gouvernement

Articles L. 871-1 et R. 871-2
du code de la sécurité sociale et disposition législative nouvelle

2025

5

Étendre aux non-salariés agricoles la déductibilité fiscale de leurs cotisations de complémentaire santé.

Législateur

Article 154 bis-0 A
du code général des impôts

2025

6

Pour amplifier l'application du tiers payant, adapter les logiciels utilisés par les professionnels de santé, moderniser les cartes de mutuelle ainsi que les systèmes d'information et adapter le cadre juridique du traitement des données.

Assurance-maladie obligatoire, Ocam, législateur

Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978554(*), code de la sécurité sociale

Bonnes pratiques

2028

7

Inciter les Ocam à réduire leurs frais de gestion, améliorer l'information des assurés sur la part des frais de gestion dans le coût de leur complémentaire santé et faire établir par l'ACPR une classification des Ocam en fonction du niveau de leurs frais de gestion.

Législateur, Gouvernement, Ocam, ACPR

Article L. 871-1 du code de la sécurité sociale, dispositions législatives et réglementaires nouvelles, bonnes pratiques

2025 à 2026

8

Interdire la pratique du précompte escompté et mieux encadrer
le précompte et l'escompte.

Législateur, Gouvernement

Dispositions législatives nouvelles dans les codes des assurances, de la mutualité et de la sécurité sociale

2025

9

Mieux connaître le coût
des complémentaires santé pour
les ressortissants du régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle.

Gouvernement, régime local

 

2025

10

Poursuivre la dynamique
de simplification de l'accès à la C2S
dans une logique de lutte contre le non-recours et informer systématiquement les futurs retraités sur la C2S lorsque
le montant attendu de leur pension
le justifie.

Législateur, Gouvernement, Assurance maladie

Articles L. 861-2 et L. 8618-5 du code de la sécurité sociale, bonnes pratiques

2025

11

Faire connaître le dispositif Help ! destiné aux indépendants en difficulté.

Gouvernement

Bonnes pratiques

2025

12

Améliorer la lisibilité des contrats de complémentaire santé (présenter les garanties en euros et définir un standard de présentation des contrats).

Gouvernement, CCSF

Dispositions réglementaires nouvelles,

avis du CCSF

2026

13

Prévoir une publication spécifique
de leurs frais de courtage par
les organismes complémentaires, établir
une convention-type entre organismes complémentaires et courtiers.

Gouvernement, Ocam, CCSF

Article L. 871-1 du code de la sécurité sociale,
avis du CCSF

2025

14

Limiter au strict nécessaire les informations personnelles devant être renseignées pour une première recherche sur les comparateurs en ligne.

Gouvernement, Ocam

code de la consommation

2025

15

Informer les assurés sur le coût annuel des soins qui leur ont été dispensés
et le niveau des remboursements
qu'ils ont perçus.

Gouvernement, Assurance maladie

Site ameli.fr

2026

16

Prévoir un délai de six mois entre
la publication des textes induisant
une modification de périmètre
entre AMO et AMC et la mise en oeuvre de ces décisions.

Législateur, Gouvernement

Code de la sécurité sociale

2025

17

Procéder à un bilan partagé
du 100 % santé avant une extension
de son périmètre et évaluer l'incidence financière du remboursement
des montures et verres tous les trois ans au lieu de deux.

Gouvernement, Assurance maladie, Ocam

 

2025

18

Institutionnaliser le CDoc ; y associer
le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle en fonction
de l'ordre du jour.

Législateur, Gouvernement, Assurance maladie, Ocam, régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle

Code de la sécurité sociale

2025

19

Organiser une réunion annuelle entre les Ocam et la Miviludes pour éviter la prise en charge, par les complémentaires santé, de pratiques potentiellement dangereuses.

Gouvernement, Miviludes, Ocam

Bonne pratique

2025

20

Améliorer l'organisation de la lutte contre la fraude par des échanges d'information et des actions coordonnées entre l'assurance maladie et les Ocam.

Gouvernement, Assurance maladie, Ocam

Instruction ministérielle, Bonnes pratiques

2025

21

Mettre en place une politique pluriannuelle de prévention
dans une logique de complémentarité entre l'assurance maladie et les Ocam.

Gouvernement, Assurance maladie, Ocam

Instruction ministérielle, Bonnes pratiques

2025

22

Procéder à un état des lieux des mutuelles initiées par des collectivités territoriales et établir un recueil
de bonnes pratiques pour mieux accompagner les élus dans cette démarche.

Associations d'élus, Ocam

Bonnes pratiques

2025-2026

ANNEXES

I. LES SPÉCIFICITÉS DE L'ORGANISATION FRANÇAISE EN MATIÈRE DE COUVERTURE SANTÉ - COMPARAISONS INTERNATIONALES

Les comparaisons internationales mettent en évidence les spécificités de l'organisation française d'assurance maladie.

Une typologie comparée des systèmes de santé555(*) souligne la singularité française quel que soit le modèle retenu, y compris par rapport aux pays ayant fait le choix d'une organisation comparable à celle de la France.

Les schémas théoriques d'organisation de la couverture maladie de base

On distingue traditionnellement trois modèles d'organisation de la couverture maladie de base :

- les systèmes nationaux de santé, financés par l'impôt (Italie, Espagne, Royaume-Uni, Danemark ou Portugal, entre autres exemples) : les soins sont gratuits dans les hôpitaux publics et le parcours de soins très encadré, en lien souvent avec des critères géographiques et des modalités de prise en charge qui diffèrent parfois substantiellement d'une région à l'autre (cas de l'Espagne et de l'Italie) ; le patient est orienté vers le professionnel ou la structure de soins appropriée ; et l'offre de soins privée existant en marge du système national est entièrement à la charge des patients qui souhaitent y recourir ;

- les systèmes d'AMO gérés par des caisses publiques (France, Allemagne ou Belgique) : le système est financé par des cotisations et la médecine de ville, majoritairement libérale, coexiste avec des hôpitaux publics, les assurés ayant le choix de leur praticien ou de leur établissement de santé, leurs dépenses de santé étant remboursées par l'AMO en fonction d'un panier de soins et d'un montant de base défini par les pouvoirs publics ;

- et les systèmes libéraux de santé (Suisse et Pays-Bas) : l'AMO est gérée par des assureurs privés qui se font concurrence, l'État définissant le panier de soins de base afin d'assurer une couverture minimale à tous et de rendre l'offre plus lisible.

A. L'ASSURANCE PRIVÉE TOUJOURS PRÉSENTE, QUEL QUE SOIT LE SYSTÈME

1. Un rôle qui se déduit de l'organisation de l'assurance maladie obligatoire

Dans les différents systèmes d'assurance maladie, l'assurance privée se structure en fonction de la place de l'AMO :

- elle intervient à titre complémentaire quand, comme en France ou en Belgique, elle concerne des soins inclus dans le panier de base et vise à couvrir les copaiements à la charge du patient ;

- elle est dite supplémentaire lorsqu'elle est destinée à couvrir des prestations hors panier de base (ainsi, au Canada, le système public couvre intégralement les soins hospitaliers et les soins de médecin, mais pas les soins ambulatoires des autres professionnels de santé, les médicaments, les soins dentaires et l'optique : « deux tiers des canadiens ont une assurance privée couvrant tout ou partie de ces prestations »556(*)) ;

- elle est dite duplicative quand, dans les pays à système national de santé, elle « double » la couverture de base, certains assurés y recourant, sans être pour autant dispensés de concourir par l'impôt au financement du système public.

Les systèmes de santé présentent toutefois des spécificités qui les écartent des schémas théoriques retracés ci-dessus.

Ainsi, en Allemagne, les assurances privées couvrent également, à titre duplicatif, les dépenses de santé de certaines catégories de la population. Il s'agit principalement des fonctionnaires, que leur statut empêche de souscrire une assurance publique car l'État prend en charge la moitié de leurs dépenses de santé et qui doivent souscrire une assurance privée pour couvrir le reste de ces dépenses, ainsi que des salariés percevant un salaire annuel supérieur à 66 000 euros bruts, qui sont dispensés de l'obligation de s'assurer dans le système légal. Ce système concerne environ 10 % de la population et ouvre droit à un panier de soins fixé librement par chaque caisse. Cette assurance se distingue d'une complémentaire santé, car elle se substitue intégralement à l'assurance maladie publique pour ceux qui y sont contraints ou en font le choix557(*).

L'assurance maladie en Allemagne

En Allemagne, l'affiliation aux caisses d'assurance maladie est obligatoire et payante. Les 96 caisses d'assurance maladie actives en 2023 se font concurrence et les assurés peuvent les choisir librement : si le panier de soins de base pris en charge par l'AMO est le même dans toutes les caisses558(*), celles-ci sont libres, pour fidéliser les assurés, de rembourser des prestations supplémentaires et de proposer une offre de service plus ou moins développée. Les différences entre les paniers de soins selon les caisses peuvent expliquer des différences de taux de cotisation. Les assurés qui résilieraient leur contrat, par exemple en réaction à une augmentation du taux de cotisation, doivent s'affilier à une autre caisse.

L'AMO est financée par le fonds de santé, alimenté par le produit des cotisations des assurés559(*) auquel s'ajoutent, depuis 2004, des subventions fédérales. Chacune des caisses d'assurance maladie peut décider d'une cotisation supplémentaire lorsque les ressources ne suffisent pas à couvrir les dépenses prévisionnelles.

Les cotisations des assurés et les subventions fédérales sont versées aux caisses selon une pondération basée sur l'âge, le sexe et les facteurs de risques de leurs assurés, afin d'assurer une concurrence loyale entre les structures.

La couverture de base est plus large en Allemagne qu'en France : ainsi, les consultations auprès des médecins de ville sont entièrement prises en charge par l'assurance maladie si le médecin est conventionné et pour les prestations incluses dans le catalogue des soins. De manière générale, l'assurance maladie allemande prend en charge un panier d'actes et de biens de santé parfois plus étroit qu'en France (l'optique, une grande partie des transports sanitaires, les prothèses dentaires et les médicaments sans prescription en sont exclus), mais à un niveau plus élevé560(*).

Par ailleurs, la « limite de charge » plafonne depuis 2004 les dépenses de santé restant à la charge des assurés (voir infra).

2. Une tendance à l'augmentation de la part des assurances privées dans des pays ayant mis en place un système national de santé

De manière générale, on constate dans certains pays ayant mis en place un système national de santé une tendance à l'« augmentation de la part des dépenses de santé financées par les assurances privées » (entre 2006 et 2019 : de 0,9 % à 2,8 % en Italie ; de 6,9 % à 7,6 % en Espagne ; de 3,9 % à  4,7 % en Finlande)561(*).

En Italie, en Espagne et au Portugal, où les dépenses de santé sont majoritairement financées par l'État (respectivement 75 %, 68 % et 61 %), la Drees explique l'accroissement de la part des ménages dans le financement des dépenses de santé, supérieure à 20 % en 2021, par les politiques budgétaires mises en place pendant la crise économique de 2008 (instauration ou augmentation des tickets modérateurs, relèvement des seuils de remboursement). L'augmentation de la contribution des ménages au financement de la dépense courante de santé, entre 2006 et 2019, s'est élevée à 8,8 % en Espagne, à 2,1 % en Italie et à 5,1 % au Portugal.

L'assurance maladie en Espagne

L'Espagne est passée d'un système d'assurance maladie à un système national de santé (SNS) dans les années 1970. Les soins étant pris en charge à 100 % (s'ils sont prescrits par un médecin du SNS), ils ne donnent pas lieu à avance de frais ni à remboursement.

La prise en charge des soins primaires est assurée par les centres de santé comprenant médecins généralistes, pédiatres et infirmiers. L'assuré est libre de choisir son médecin, mais généralement dans un centre proche de son domicile. Les soins spécialisés ambulatoires sont pris en charge dans des centres de santé spécialisés ou par les consultations externes des hôpitaux.

Le panier de soins - pour les soins primaires comme pour les soins spécialisés - est fixé au niveau national, par le Conseil interterritorial du SNS (CISNS), où sont représentés à la fois le ministère de la santé et les communautés autonomes, compétentes en matière de santé. Il est actualisé chaque année. Le panier de soins basique, couvert en totalité par le financement public, recouvre les activités de prévention, diagnostic, traitement et rééducation effectuées dans les établissements de santé et les établissements socio-sanitaires, ainsi que le transport sanitaire urgent.

Le panier de soins supplémentaire, soumis à participation de l'usager, inclut les prestations ambulatoires (pharmacie, ortho-prothèse, produits diététiques, transport sanitaire non urgent sujet à prescription, soumis au même ticket modérateur que la pharmacie). Enfin, le panier de soins accessoire fait l'objet d'une contribution et/ou d'un remboursement de la part de l'utilisateur ; en relèvent « toutes les activités, services ou techniques n'ayant pas le caractère de prestation, qui ne sont pas considérés comme essentiels et/ou qui sont complémentaires ou de soutien pour l'amélioration d'une pathologie chronique ».

Parallèlement au panier de soins commun défini au niveau du SNS, les communautés autonomes peuvent compléter le panier de soins du CISNS à condition de disposer des ressources nécessaires au financement de ce complément.

La part des assurances privées et des ménages dans les dépenses de santé augmente depuis plusieurs années en Espagne, au Portugal et en Finlande, et, dans une moindre mesure, en Italie.

Structure du financement de la DCSi en 2006, 2019, 2020 et 2021

Systèmes nationaux de santé562(*)

Source : Drees

En Espagne et au Royaume-Uni, l'assurance privée revêt une fonction duplicative et permet de financer des soins dispensés par des acteurs privés. Selon la Drees563(*), ces assurances souscrites à titre duplicatif semblent réservées à une petite fraction de la population de ces deux pays (16 % des Espagnols et 11 % des Britanniques). On note que l'affiliation à une assurance privée ne dispense pas de financer par leurs impôts le système national de santé, même si les intéressés ne l'utilisent pas.

Au Royaume-Uni, environ 10 % de la population souscrit ce type d'assurance et a accès aux médecins du National Health Service (NHS) avec exercice privé, dans les hôpitaux publics, ou aux hôpitaux privés564(*). L'assurance privée y intervient également à titre complémentaire, dans une moindre mesure, pour certains soins (dentaire, optique)565(*).

En Italie, les assurés souhaitant éviter les listes d'attente ou choisir leur spécialiste et qui sont prêts à payer eux-mêmes les dépenses peuvent faire appel à des prestataires privés. Dans de tels cas, les patients ont un accès direct à l'établissement sans prescription médicale d'un généraliste, mais ils paient le coût total des soins et n'ont droit à aucun remboursement du service national de santé. Les listes d'attente pour les soins spécialisés étant longues, les assurés se font souvent soigner en secteur privé et une mobilité interrégionale importante des patients a lieu afin d'accéder rapidement aux soins.

En Espagne566(*), le nombre d'assurés souscrivant une assurance maladie privée est en augmentation régulière, comme le souligne le graphique ci-dessous : 8,7 millions d'assurés en 2011 ; 11,5 millions en 2022.

Nombre de personnes disposant d'une assurance privée depuis 2011
en Espagne

Source : Ambassade de France en Espagne

La proportion de la population ayant souscrit une assurance privée s'établissait en 2023 à 31 %, selon le dernier baromètre du Centre d'investigations sociologiques.

Jusqu'en 2020, le nombre d'assurés croissait de 300 000 par an ; cette tendance s'est accélérée depuis la pandémie puisque l'on compte un million d'assurés de plus entre 2019 et 2022.

Selon les données de l'Union espagnole des entités d'assurance et de réassurance (Unespa), la santé privée est un secteur en plein essor. L'emploi y a augmenté de 7 % depuis 2018 ; le chiffre d'affaires s'est élevé en 2022 à plus de 10,5 milliards d'euros, ce qui constitue un record historique.

Des incitations fiscales encouragent les assurés espagnols à recourir à une assurance privée « afin de désengorger le système national de santé »567(*). Les travailleurs indépendants, sportifs et artistes peuvent déduire les primes, y compris celles du conjoint et des enfants de moins de 25 ans dans la limite de 500 euros par personne et par an ; cette déduction des primes concerne aussi les entreprises qui investissent dans l'assurance maladie de leurs employés.

Le prix moyen d'une assurance privée est d'environ 814 euros par an (environ 76 euros par mois), les primes d'assurances augmentant avec l'âge et l'état de santé de l'assuré. Le montant de la prime diffère selon les prestations choisies. Le prix d'une assurance de base peut représenter un coût mensuel de 25 euros environ, avec un ticket modérateur. Les assurances les plus économiques offrent un accès aux soins primaires et spécialistes privés, mais pas à l'hospitalisation ou opérations chirurgicales.

L'intérêt de l'assurance privée tient essentiellement, selon les informations adressées au rapporteur, à la faculté d'éviter les files d'attente et d'accélérer l'accès aux soins. À cet égard, le ministère de la santé publie chaque année des informations sur les listes d'attente en matière d'accès aux soins. Au 30 juin 2023, les constats étaient les suivants :

intervention chirurgicale non urgente : 819 964 patients du système national de santé (SNS) sur les listes d'attente (temps d'attente moyen : 112 jours), dont 17,4 % depuis plus de six mois ;

première consultation avec un spécialiste : temps d'attente de 87 jours, six communautés autonomes dépassant ce délai (121 jours en Andalousie).

L'assurance privée présente également l'avantage, pour les assurés espagnols, d'un panier de soins plus étendu : des examens qui ne seraient effectués qu'en dernier ressort dans le SNS peuvent par exemple être proposés sans délai dans le privé. L'assurance privée est également réputée apporter plus de confort, notamment dans les domaines des soins dentaires et de la kinésithérapie, qui font figure de parents pauvres du SNS.

Par ailleurs, les fonctionnaires espagnols ont le choix entre le SNS et des mutuelles spécialisées. La Mutuelle générale des fonctionnaires civils de l'État assure ainsi la couverture de 1,5 million d'assurés.

B. DES COPAIEMENTS LAISSÉS À LA CHARGE DE L'ASSURÉ DANS TOUS LES SYSTÈMES

Quel que soit le système, l'assuré doit prendre en charge une partie des frais de santé.

1. Une tendance générale pour certains types de soins et de biens médicaux tels que médicaments, optique et soins dentaires
a) Une prise en charge partielle des médicaments

Les médicaments et les dispositifs médicaux sont, dans six pays étudiés par la Drees en 2017 (France, Allemagne, Pays-Bas, Suisse, Espagne et Royaume-Uni)568(*), assortis de copaiements qui s'inscrivent, y compris dans les systèmes nationaux de santé, dans une logique de maîtrise des dépenses de santé et de responsabilisation des assurés.

Aux Pays-Bas, le paiement d'un ticket modérateur est exigé pour les aides auditives, les prothèses dentaires et certains médicaments. De plus, sauf sur certains soins569(*), chaque assuré au régime de base paie une franchise obligatoire, qui correspond aux premiers 385 euros de frais de santé.

L'assurance maladie aux Pays-Bas570(*)

Les Pays-Bas comptaient, en 2023, 20 compagnies d'assurance maladie, appartenant à dix groupes, contre 24 assureurs en 2016. Presque tous les assureurs maladie sont des organismes à but non lucratif, qui ont l'obligation d'utiliser leurs éventuels résultats positifs pour constituer des réserves ou baisser le montant des primes d'assurance. Les quatre principaux groupes couvrent, à eux quatre, 84 % de la population. Certaines compagnies d'assurance maladie sont fortement liées à une région particulière des Pays-Bas (par exemple De Friesland, du groupe Achmea, liée à la Frise, une province du Nord du pays), mais les personnes résidant en dehors de cette région peuvent également s'affilier à l'une de ces compagnies.

La loi de 2006 sur l'assurance maladie a mis fin à la dichotomie entre le régime du fonds d'assurance maladie, couvrant environ deux tiers de la population, et de nombreux petits régimes publics et privés, en intégrant tous ces régimes au sein d'un régime universel reposant sur le libre choix d'un assureur privé, offrant un panier de soins de base. Les principaux objectifs politiques de cette « réforme de marché » étaient d'offrir un système de soins de haute qualité abordable et soutenable d'un point de vue financier et d'augmenter la liberté de choix des assurés, qui peuvent librement changer d'assureur au bout d'un an de contrat571(*).

Pour une même police d'assurance, un assureur a l'obligation de proposer le même montant de prime, quels que soient l'âge et l'état de santé de l'assuré. En revanche, les montants de primes diffèrent selon les assureurs et les polices d'assurance. Selon le gouvernement, le niveau de la prime moyenne d'assurance maladie s'élève à 1 752 euros par an en 2024 (contre environ 1 200 euros en 2016).

Les principales prestations couvertes par le panier de soins de base sont les soins dispensés par les médecins généralistes et spécialistes ainsi que les sages-femmes, les soins infirmiers, les séjours à l'hôpital, le transport médical, les soins liés à la maternité, les soins de santé mentale pour une durée maximale de trois ans, les dispositifs médicaux, les analyses sanguines, les soins dentaires jusqu'à l'âge de 18 ans, certains soins dispensés par des kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes et diététiciens et la kinésithérapie (uniquement pour les patients souffrant de maladies chroniques).

Parmi les soins non couverts par l'AMO figurent notamment une partie des soins dentaires pour les adultes, la kinésithérapie ou encore les lunettes et lentilles de contact (sauf pour les assurés malvoyants ou sous certaines conditions). Pour ces soins, il est possible de contracter une assurance maladie facultative.

Chaque assuré au régime de base paie une franchise obligatoire de 385 euros en 2024, sauf pour les soins auxquels cette franchise ne s'applique pas.

Par ailleurs, un ticket modérateur doit être acquitté pour certains soins (aides auditives, prothèses dentaires et certains médicaments).

Les personnes ayant de faibles revenus peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d'une allocation de soins destinée à couvrir la prime d'assurance et la franchise obligatoire572(*). Le moment de l'allocation dépend des revenus et de ceux du conjoint. En complément, elles peuvent faire appel aux contrats collectifs subventionnés par certaines communes, qui proposent des contrats collectifs d'assurance maladie de base pour les personnes dont les revenus sont inférieurs à 130 % du salaire minimum (voir infra).

En Allemagne, si les médicaments sont gratuits pour les mineurs, les personnes majeures paient l'intégralité du médicament si celui-ci coûte moins de cinq euros, acquittent une participation de cinq euros pour les médicaments coûtant entre cinq et cinquante euros et contribuent à hauteur de 10 % au-delà, dans la limite de dix euros.

En Espagne, les médicaments pris en charge sont fournis gratuitement à certaines catégories d'assurés573(*). Les autres patients acquittent une participation dont le montant dépend de leurs revenus annuels574(*). Cette participation est soumise à des plafonds spécifiques pour les médicaments d'usage fréquent destinés à traiter des maladies chroniques.

En Italie, les produits pharmaceutiques sont répartis en trois tranches. Les médicaments considérés essentiels ou traitant les maladies chroniques sont pris en charge par le système national de santé, mais les régions étant responsables de l'organisation et de la prestation des soins de santé, une participation par produit ou ordonnance peut être exigée en fonction de la politique régionale. Les médicaments utilisés pour traiter des pathologies moins lourdes sont entièrement à charge des patients. Le pharmacien a le devoir de proposer le produit qui sera le mieux pris en charge. Si le patient refuse l'usage du générique, le surcoût est à sa charge.

L'assurance maladie en Italie

Le système national de santé italien est financé par les résidents par le biais des impôts.

Les soins de base comprennent des soins gratuits dispensés dans les centres de santé ou des hôpitaux publics ou privés conventionnés : soins de médecine générale, soins de pédiatrie, soins liés à la maternité, hospitalisation, prescription de certains médicaments.

Les autres prestations (consultations de spécialistes, soins dentaires, cures thermales, prothèses, examens de laboratoire, soins orthopédiques) ne sont que partiellement prises en charge par les centres de santé. La prise en charge peut être plus importante, voire totale, pour certains patients, par exemple, en raison de leurs faibles ressources, de leur appartenance à une catégorie particulière, ou s'ils sont atteints d'une maladie chronique.

Si les prestations sont les mêmes sur tout le territoire italien, les modalités de leur prise en charge peuvent différer d'une région à une autre. En effet, si le ministère de la santé fixe les principes et objectifs fondamentaux du système de santé, détermine l'ensemble des prestations de santé de base remboursables dans tout le pays et alloue des fonds nationaux aux régions, les régions sont responsables de l'organisation et de la prestation des soins de santé.

Les patients sont libres de choisir leur médecin généraliste et le pédiatre de leurs enfants de moins de quatorze ans parmi ceux qui travaillent dans leur « unité sanitaire sociale ». Les patients ne peuvent pas changer de médecin généraliste pendant au moins douze mois. Les médecins généralistes et pédiatres doivent accepter tous les patients ; ils ne peuvent refuser un patient ou le retirer de leur liste que pour des raisons exceptionnelles et avérées d'incompatibilité. Une prescription d'un médecin généraliste est nécessaire pour bénéficier de soins spécialisés, ambulatoires ou hospitaliers. Cependant, les patients sont également libres de choisir les prestataires de soins de santé spécialisés et secondaires parmi les prestataires publics ou privés conventionnés avec le service national de santé, dans n'importe quelle région italienne, bien que ce choix puisse être limité par des contraintes de capacité. Les patients sont libres de choisir n'importe quel hôpital agréé, mais n'ont pas le droit de choisir des spécialistes hospitaliers.

b) L'exclusion de l'optique de la plupart des paniers de soins AMO

L'optique est généralement exclue du panier de soins de base ; en France, ces dépenses donnent lieu à une prise en charge par l'AMO, mais dans des proportions toutefois très limitées.

En Allemagne, les remboursements sont moins favorables pour l'optique que pour les consultations auprès des médecins de ville. Sous réserve de dispositions spécifiques à certaines caisses, la prise en charge des dépenses d'optique, pour les personnes majeures, est limitée aux verres et dépend du niveau de déficience visuelle de l'assuré. Ces dépenses sont en revanche entièrement prises en charge jusqu'à 18 ans.

Aux Pays-Bas, parmi les soins non couverts par l'AMO figurent les lentilles de contact et les lunettes (sauf pour les assurés malvoyants ou sous certaines conditions).

c) Une prise en charge différenciée des frais dentaires

La prise en charge des soins dentaires diffère selon les pays.

En France et aux Pays-Bas, ces soins sont peu couverts par l'assurance maladie de base, mais en fonction de logiques inversées. Si les soins conservateurs sont davantage pris en charge par l'AMO française que les prothèses et implants, seuls les prothèses et les actes de chirurgie sont partiellement couverts aux Pays-Bas pour les adultes (les soins dentaires sont en revanche gratuits jusqu'à 18 ans).

En Allemagne en revanche, les soins dentaires conservateurs sont pleinement pris en charge par les caisses d'assurance maladie. La prévention dentaire y est par ailleurs encouragée : si le patient consulte son dentiste au moins une fois par an, il peut obtenir une meilleure prise en charge d'une éventuelle prothèse. En outre, les dentistes sont payés directement par les caisses d'assurance maladie et ne facturent aux patients que les soins non couverts (en fonction des matériaux choisis, par exemple).

En Espagne, la plupart des soins dentaires ne sont pas pris en charge par l'AMO, mais certaines communautés autonomes offrent une couverture plus étendue en la matière. Les prothèses dentaires peuvent donner lieu à des aides financières.

2. Un dispositif original de dispense de ticket modérateur en Allemagne : le « bouclier sanitaire » ou « limite de charge »

Le système allemand prévient les risques de renoncement aux soins pour des motifs financiers par un « bouclier sanitaire » ou « limite de charge » qui plafonne les dépenses de santé restant à la charge des assurés en pourcentage de leur revenu. Ce dispositif, mis en place en 2004 dans le cadre de la loi pour la modernisation de l'assurance maladie publique, permet aux ménages de ne pas payer les tickets modérateurs et les franchises au-delà d'un seuil de 2 % du revenu brut annuel575(*), limite abaissée à 1 % dans le cas des patients atteints de maladies chroniques nécessitant des traitements de longue durée576(*).

La Cour des comptes fait ainsi observer que ce système vise, de manière simple, à remplacer l'ensemble des dispositifs d'exonération particulier, notamment les ALD, jugés « complexes et disparates » et « dont la justesse et la soutenabilité ne sont pas toujours démontrées », par un « plafond unique général, associé à un principe de copaiement systématique par les assurés »577(*).

Ce bouclier permet de faire contribuer chacun à ses dépenses de santé tout en ayant la « garantie d'être pris en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire une fois atteint un certain niveau de reste à charge ».

C. DES RÔLES DIFFÉRENTS IMPARTIS À L'ASSURANCE MALADIE COMPLÉMENTAIRE SELON LES PAYS

Les exemples allemand et néerlandais soulignent des différences fondamentales de conception de l'AMC par rapport à la France.

En France, où un cofinancement public/privé existe pour la quasi-totalité des soins et biens médicaux, l'assurance privée est principalement complémentaire de l'AMO et vise à limiter les copaiements à la charge des assurés ; elle intervient également, de manière marginale, à titre supplémentaire pour des prestations dites de confort à l'hôpital (chambre seule...) ou le remboursement de prestations de pratiques thérapeutiques alternatives comme la sophrologie ou l'ostéopathie, non pris en charge par la sécurité sociale.

Aux Pays-Bas, 83 % des assurés avaient souscrit une assurance santé facultative en 2023, pour couvrir les dépenses de santé non couvertes par le panier de soins de base de l'AMO : lunettes et lentilles de contact, certains soins dentaires, orthodontie, kinésithérapie.

Au Pays-Bas, une AMC facultative peu encadrée

Contrairement à l'AMO, l'AMC facultative est peu encadrée aux Pays-Bas : les compagnies d'assurance déterminent elles-mêmes les conditions et les modalités de remboursement, ainsi que le montant des primes, variable selon la situation de chaque assuré. La prime d'assurance complémentaire est généralement plus élevée pour les personnes âgées.

Les compagnies d'assurance santé n'ont pas l'obligation d'accepter les demandes de souscription d'assurance complémentaire. Elles peuvent également appliquer des délais d'attente avant le premier remboursement (par exemple, une nouvelle couronne dentaire ne sera remboursée par l'assurance qu'après six mois et non pas immédiatement au premier jour du contrat). La vente liée (assurance de base et assurance complémentaire) est courante. Il est également souvent proposé un contrat additionnel à l'assurance facultative, couvrant spécifiquement les frais dentaires.

Certains frais de santé dits « spécifiques » (prothèses, certains médicaments, soins d'orthodontie) sont déductibles du revenu imposable à partir d'un certain seuil ou ouvrent droit à un crédit d'impôt pour les personnes ne payant pas ou très peu d'impôt sur le revenu.

Comme l'a relevé la Cour des comptes en 2015578(*), le développement de l'AMC en France s'inscrit dans une logique de concentration des prises en charge sur les soins les plus lourds et les pathologies les plus graves, parallèlement à une certaine « érosion de la prise en charge des soins courants des autres assurés », « dans un contexte de désengagement de l'assurance maladie des soins courants ». Ainsi, « le poids des affections de longue durée dans les dépenses de l'assurance maladie obligatoire de base et son corollaire, l'importance des autres dépenses laissées à la charge des assurés (tickets modérateurs, participations à la charge des assurés et dépassements de tarifs) créent le besoin d'une couverture complémentaire santé ». L'AMC couvre ainsi une très forte majorité des Français (environ 96 %).

À l'inverse, l'Allemagne a fait le choix d'un niveau plus élevé de prise en charge par l'AMO, mais sur un périmètre plus restreint : l'AMO prend en charge un panier de soins plus étroit qu'en France (sont exclus l'optique, les prothèses dentaires et une grande partie des transports sanitaires). Ainsi, la Cour des comptes notait que « les dispositifs d'assurance maladie strictement complémentaires ne prennent en charge en Allemagne que 2 % environ des dépenses de santé. Le niveau de remboursement par l'assurance maladie légale laisse en effet, contrairement à la France, peu d'espace pour des offres de couverture complémentaire dont les assurés ressentent par ailleurs moins le besoin ». 23 % environ seulement des Allemands sont concernés par cette couverture complémentaire579(*).

II. BILAN DE LA CONSULTATION DES ÉLUS LOCAUX (AVRIL 2024)

La mission d'information a procédé à une consultation des élus locaux sur le site du Sénat afin de recueillir des témoignages d'élus sur les initiatives de collectivités territoriales (principalement des communes, mais aussi des intercommunalités, des départements et des régions) ayant fait le choix de négocier au niveau de leur territoire, pour leurs habitants (plus particulièrement pour les retraités qui ne bénéficient pas de contrats collectifs co-financés par les entreprises pour leurs salariés), une complémentaire santé accessible financièrement. Par commodité, ces initiatives sont ci-dessous dénommées « mutuelles communales » même si ce terme est impropre compte tenu des quelques départements et régions qui se sont emparés de ces projets et des statuts des organismes de complémentaire santé avec lesquelles les collectivités ont négocié, qui ne se limitent pas aux mutuelles.

Le 22 avril 2024, trois semaines après la mise en ligne de son questionnaire, la mission d'information a recueilli un total de 771 réponses, principalement d'élus municipaux (742 soit 96 % ; 540 maires et maires-adjoints soit 70 % des répondants). On notera que 82 % de ces réponses émanent d'élus de communes de moins de 5 000 habitants.

Ce nombre de réponses est honorable compte tenu du fait qu'un nombre relativement limité de collectivités ont mis en place de tels projets (le nombre de « mutuelles communales » était estimé à 2 000 en 2017) et du caractère récent de cette formule.

Compte tenu du nombre de réponses, cette consultation ne saurait être considérée comme une source d'information comparable à un sondage. Les témoignages adressés à la mission par les élus sont toutefois éclairants des besoins qui s'expriment au niveau local en matière de complémentaire santé, singulièrement pour les retraités.

A. TÉMOIGNAGES DES ÉLUS ENGAGÉS DANS UNE COMPLÉMENTAIRE SANTÉ NÉGOCIÉE AU NIVEAU DU TERRITOIRE : UN BILAN EN DEMI-TEINTE

Les contrats de complémentaire santé retenus par les collectivités territoriales pour leurs habitants comportent des niveaux de cotisation plus ou moins élevés (« 3 niveaux de 20 à 45 euros par mois », « 4 niveaux de prise en charge de 20 à 130 euros environ », « 4 formules allant de 47,09 à 119,21 euros ») et tiennent compte des besoins des seniors, qu'il s'agisse du panier de soins couvert (prise en charge des frais dentaires, des audioprothèses, des cures thermales, de l'optique) ou du plafonnement des cotisations passé un certain âge (« 91,90 euros par mois pour les plus de 60 ans », « pas de hausse au-delà de 70 ans », « la négociation a permis de supprimer le palier de 80 ans qui bénéficie du même tarifs qu'à 70 ans », « 4 niveaux de garantie avec une tarification qui ne tienne plus compte de l'âge passé 60 ans »).

Ces mutuelles s'adressent toutefois à un public plus large que les retraités : s'agissant des besoins des assurés plus jeunes et des familles, on note par exemple la mention de l'orthodontie, de « nombreuses prestations de médecine douce » et de « cotisations gratuites à partir du troisième enfant », la prise en charge de consultations psychologiques et d'un forfait sevrage tabagique ainsi que des offres pour les étudiants.

Ces contrats sont généralement destinés à des profils divers : une réponse fait ainsi état de l'extension de la couverture initialement négociée, réservée au départ aux retraités percevant moins de 1 800 euros de revenus mensuels, à « l'ensemble des seniors sans conditions de ressources ». Ainsi, la ville de Toulouse, constatant que ses « seniors ont plébiscité la mutuelle communale », a fait savoir à la mission d'information qu'elle venait de l'ouvrir à tous les seniors de la ville, « sans aucune condition de ressources », et qu'elle « [réfléchissait] à un cahier des charges, pour un futur appel d'offres, pour un élargissement à la totalité des Toulousains ».

Certaines collectivités ont toutefois privilégié le ciblage d'une population précise. Lorsque ces complémentaires santé sont réservées à une catégorie d'assurés, les réponses mentionnent :

- les retraités ;

- « les habitants de la commune ou les personnes travaillant dans la commune » ;

- « les personnes les plus fragiles avec des revenus modestes » ;

- « les retraités, étudiants, agriculteurs, travailleurs indépendants » ;

- « les retraités, étudiants, fonctionnaires, auto-entrepreneurs, personnes en fin de droits » ;

- « les agents de la fonction publique travaillant au sein de la collectivité » ;

- « les familles monoparentales ».

D'après les informations dont disposent les répondants, ces contrats sont le plus souvent choisis par les retraités et seniors (44 %), mais aussi par les personnes sans emploi (14,5 %), les travailleurs indépendants (10,2 %) et les familles (10,2 %).

Les principaux critères de choix retenus par les élus engagés dans une mutuelle négociée sont tout d'abord le niveau des cotisations (32,5 %), l'étendue de la couverture santé proposée (28,4 %) et la qualité de l'accompagnement des assurés, comme par exemple l'accueil téléphonique, la proximité et la possibilité d'une « rencontre en visuel » (28,7 %) : « La proximité de la mutuelle et une permanence assurée en mairie a été un facteur apprécié lors de la sélection ». La rapidité de traitement des dossiers n'est indiquée que par 5 % des répondants.

En définitive, les avantages de la formule, selon les élus qui l'ont expérimentée, tiennent à :

- des cotisations moins élevées (42 %) ;

- la qualité de l'accueil et de l'accompagnement des assurés, comprenant la possibilité de rencontres physiques et de contacts individuels (29 %) ;

- la simplification du choix de la couverture santé complémentaire par les assurés (17 %).

Les élus se déclarant satisfaits de cette formule témoignent :

- de l'atout qu'a constitué la mutuelle « communale » pour permettre à des personnes sans mutuelle d'accéder à une couverture complémentaire ;

- de l'accès aux soins permis par des tarifs négociés ;

- des économies réalisées par les assurés (« faible augmentation des tarifs, inférieure à l'inflation », « intérêt de l'encadrement des hausses de tarifs prévu dans la convention ») et de « l'augmentation de pouvoir d'achat » qui en résulte ;

- de l'adaptation de la formule à la situation des retraités qui perdent le bénéfice du contrat collectif de leur entreprise ;

- de la simplicité des démarches qui incombent aux habitants ;

- de l'atout que constitue la relation de proximité avec les assurés et du maintien d'un « contact humain » qu'elle permet ;

- de l'intérêt d'un panier de soins pouvant comprendre la prévention (remboursement de la pratique sportive).

En revanche, la déception exprimée par certains élus tient :

- au faible nombre de personnes ayant adhéré, même si un élu déclare avec philosophie qu'en dépit de ce succès mitigé « cela reste un service à la population » ;

- et à la relative rareté des familles ayant souscrit des contrats ;

- et à l'augmentation des tarifs parfois constatée depuis la mise en place de la mutuelle « communale ».

Si l'on met à part l'exemple de Toulouse qui compte 3 300 personnes concernées par la mutuelle communale, les réponses relatives au nombre de contrats souscrits font état d'effectifs modestes, qui s'échelonnent entre 5 foyers (voire moins) et 1 884 personnes, de nombreuses réponses renvoyant à « une dizaine de contrats ».

Compte tenu des contraintes liées à la mise en concurrence, de la charge de travail qu'elle représente pour les collectivités (18 mois de travail selon un témoignage) et du risque pris par les élus à l'égard de leurs électeurs, on comprend les élus, singulièrement de petites communes, qui s'interrogent sur la pertinence de la démarche, même si certains témoignages relativisent les inconvénients de celle-ci pour l'équipe municipale (« aucune dépense budgétaire pour la ville excepté quelques heures de travail et de réflexion pour les élus et les services »).

Malgré les témoignages de satisfaction adressés à la mission, force est de constater que la mutuelle « communale » ne saurait garantir une couverture santé efficace et peu onéreuse, si l'on en juge par certains retours d'expérience négatifs : « Il s'agissait d'un dispositif permettant par la mutualisation du risque de bénéficier de tarifs moins élevés d'environ 30 % que le marché. Néanmoins après deux ans les tarifs ont rejoint les niveaux du marché voire plus ». Ce rattrapage des tarifs tient probablement à la difficile mutualisation des risques, en lien avec la forte proportion de seniors (« des cotisations moins élevées au départ, mais qui rattrapent le marché très rapidement, compte tenu qu'il y a une majorité de retraités et de seniors qui adhèrent »).

Il semble que les collectivités procédant à un marché reçoivent relativement peu d'offres, ce qui pourrait tenir aux difficultés de la mutualisation dans ce domaine. Toutefois la consultation ne permet pas de dégager de véritables statistiques sur ce point compte tenu du faible nombre de réponses reçues à cette question580(*) (une offre : 23 % des répondants ; 2 ou 3 offres : 27 % ; 5 ou plus.

B. TÉMOIGNAGES D'ÉLUS INTÉRESSÉS PAR LA FORMULE MAIS PAS ENCORE ENGAGÉS DANS UNE MUTUELLE « COMMUNALE »

Des réponses témoignent par ailleurs d'un intérêt des élus consultés pour la formule des « mutuelles communales », même si la démarche de la collectivité en la matière n'est pas encore aboutie (« projet à l'étude », « réflexion en cours suite à la sollicitation de citoyens », « Je vois que cela se fait de plus en plus et je pense le faire »), y compris pour un élu d'Alsace-Moselle (« c'est un projet qui reste ouvert et qui sera mis en oeuvre avant la fin du mandat même si, en Alsace-Moselle, l'intérêt est moins grand »). Un élu estime les « mutuelles communales » adaptées aux besoins des personnes âgées, soucieuses selon lui « d'avoir des réponses d'interlocuteurs ``vivants'' plutôt que virtuels ».

C. TÉMOIGNAGES FAISANT ÉTAT DE RÉSERVES DE LA PART D'ÉLUS RÉTICENTS À METTRE EN oeUVRE LA FORMULE

Certaines réserves tiennent au fait que la commune ne serait pas l'échelon le plus approprié pour ce type de démarche. Les élus exprimant ce point de vue mentionnent des initiatives de l'intercommunalité, du département ou de la région qui selon eux rendent superflu l'engagement de leur commune. Selon un témoignage, le département semble offrir une « échelle de proximité intéressante pour ces questions de mutuelle santé », la commune étant moins bien armée pour faire face aux aspects financiers du sujet et aux difficultés de la mise en concurrence.

Les motifs de ne pas s'engager dans un projet de « mutuelle communale » sont principalement :

- la méconnaissance du dispositif (29 %) ;

- l'absence de demande des habitants (31 %) ;

- la complexité du projet (16 %) et l'absence d'une structure pour accompagner celui-ci (5,2 %). 

Les réticences des élus tiennent à des causes diverses :

manque d'information sur le sujet : on note à cet égard que les répondants ont pour la plupart connu l'existence des « mutuelles communales » par le bouche-à-oreille (association d'élus ou autre collectivité territoriale), voire par divers médias (presse spécialisée, réseaux sociaux ou internet), et non dans le cadre d'une communication officielle ;

- conviction que ces initiatives n'entrent pas dans les compétences des collectivités ;

- crainte d'engager les finances de la commune ;

insuffisante disponibilité des élus pour instruire ce sujet technique et complexe (« étant débordé par les tâches courantes, ce sujet n'est pas remonté dans nos priorités même si cela nous apparaît être une bonne idée » ; « Cette démarche est intéressante, mais c'est un dossier supplémentaire à gérer au niveau de la commune ! »), a fortiori dans les petites communes (un élu d'une commune de 250 habitants plaide pour la mobilisation de l'intercommunalité dans ce domaine ; un témoignage rappelle la situation des communes de moins de 500 habitants « qui ne disposent pas d'ingénierie ni de ressources pour mener à bien cette démarche ») ;

déception après une première approche par un assureur (« c'était un moyen [pour l'assureur] de trouver un fichier facilement, j'ai testé sur des proches et ce n'était pas meilleur que [la couverture complémentaire] qu'ils avaient »), voire « peur de se faire avoir » ;

opacité des offres (« les détails de remboursement offerts ne sont jamais clairs et explicites ») : ce point conduit un répondant à recommander une « standardisation des couvertures proposées afin d'assurer la comparaison entre les propositions » ;

méfiance à l'égard des organismes de complémentaire santé (« crainte que certaines mutuelles offrent un prix d'appel la première année et augmentent allègrement leurs tarifs dès la deuxième années » ; risque que la garantie sélectionnée se révèle à l'usage inadaptée aux besoins, crainte des manoeuvres d'un « vendeur agressif qui veut placer son offre »).

Certains répondants s'interrogent sur le rôle des intermédiaires d'assurance susceptibles de « se cacher derrière ces contrats », avec un « coût supplémentaire pour les assurés ». Un élu fait état de la rupture de la convention passée par sa commune avec une entreprise d'assurance dont les prix se sont avérés peu attractifs, et qui a fini par considérer la mairie comme « une annexe de cet assureur ».

Les élus tentés par les « mutuelles communales » expriment le besoin d'un véritable accompagnement des collectivités pour faire face à une démarche complexe et appellent à un partage d'expériences entre collectivités, à l'élaboration d'une « note d'information », d'un guide d'aide à la décision, d'un « modèle de cahier des charges », d'une « présélection d'organismes fiables et sérieux [...] proposée aux communes », à tout le moins d'une « liste d'assurances santé qui négocient ce type de contrat », voire à la mise en place d'un organisme qui gérerait ces dispositifs pour les petites communes. Un témoignage préconise en outre la mise en place d'une véritable formation des élus en la matière.


* 1 Drees, La complémentaire santé - Acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2024.

* 2 Drees, « L'assurance maladie publique contribue fortement à la réduction des inégalités de revenus », Études et résultats, n° 1220, février 2022.

* 3 Plafonnement des cotisations à 175 % de la cotisation d'équilibre du contrat souscrit par l'administration employeur pour les bénéficiaires actifs, et dont le niveau ne peut plus être réévalué à la hausse après l'âge de 75 ans.

* 4 Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques.

* 5 Communiqué de presse de la Mutualité française du 19 décembre 2023 : + 8,1% en moyenne pour les cotisations des mutuelles - une augmentation qui suit l'évolution globale des dépenses de santé (mutualite.fr)

* 6 Les vidéos et les comptes rendus des réunions plénières de la mission d'information sont disponibles sur la page internet du Sénat à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/missions-dinformation-communes/mission-dinformation-sur-les-complementaires-sante-mutuelles-limpact-sur-le-pouvoir-dachat-des-francais.html#c79299.

* 7 Ce rapport s'appuie également sur divers rapports et études consacrés à la couverture maladie complémentaire, publiés notamment par la Cour des comptes, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la santé, la direction de la sécurité sociale (DSS) et le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM).

* 8 Une annexe est consacrée à des comparaisons internationales.

* 9 Une synthèse de cette consultation est annexée au rapport.

* 10 La répartition des interventions entre les assurances maladie obligatoire et complémentaire en matière de dépenses de santé, rapport du groupe de travail de la Commission des comptes de la Sécurité sociale présidé par Jean-François Chadelat, avril 2003.

* 11 La répartition des interventions entre les assurances maladie obligatoire et complémentaire en matière de dépenses de santé, rapport du groupe de travail de la Commission des comptes de la sécurité sociale présidé par Jean-François Chadelat, avril 2003.

* 12 Ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale, article 1er.

* 13 Exposé des motifs de l'Ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale.

* 14 Idem.

* 15 Ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale, article 5.

* 16 Ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles, article 2.

* 17 Loi n° 46-1146 du 22 mai 1946 portant généralisation de la sécurité sociale, article 1er.

* 18 Pierre-Louis Bras, Didier Tabuteau, Les assurances maladie, PUF, Que sais-je ?, 2021.

* 19 Ordonnance n° 45-2456 du 19 octobre 1945 portant statut de la mutualité, article 1er.

* 20 Ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale, article 18.

* 21 Pierre-Louis Bras, Didier Tabuteau, op. cit.

* 22 Loi n° 48-1473 du 23 septembre 1948 étendant aux étudiants certaines dispositions de l'ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles, article 1er.

* 23 Loi n° 61-89 du 25 janvier 1961 relative aux assurances maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles et des membres non salariés de leur famille, article 1er.

* 24 Loi n° 66-509 du 12 juillet 1966 relative à l'assurance maladie et à l'assurance invalidité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, article 1er.

* 25 Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, article 1er.

* 26 Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, articles 32 et 59.

* 27 Ancien article L. 380-1 du code de la sécurité sociale.

* 28 Décret n° 2014-517 du 22 mai 2014 relatif au taux et aux modalités de calcul de la cotisation maladie due par les personnes affiliées au régime général sur critère de résidence, article 2.

* 29 Anciens articles L. 380-2 et D. 380-3 du code de la sécurité sociale.

* 30 Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, rapport d'activité 2015.

* 31 Jean-François Chadelat, « La couverture maladie universelle », in Revue d'histoire de la protection sociale, 2012/1 (n° 5).

* 32 Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, rapport d'activité 2015.

* 33 Article L. 160-1 du code de la sécurité sociale.

* 34 Article L. 241-2 du code de la sécurité sociale.

* 35 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 8.

* 36 Article D. 242-3 du code de la sécurité sociale.

* 37 Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, article 8.

* 38 Article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale.

* 39 Article D. 241-1-2 du code de la sécurité sociale.

* 40 Articles L. 621-3, D. 621-2 et D. 621-3 du code de la sécurité sociale ; article L. 731-35 du code rural et de la pêche maritime.

* 41 Articles L. 621-1 et D. 621-1 du code de la sécurité sociale.

* 42 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, article 18.

* 43 Décret n° 2024-688 du 5 juillet 2024 fixant les modalités de calcul des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants.

* 44 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 15.

* 45 Le régime d'assurance maladie obligatoire de la SNCF a été mis en extinction en 2020 ; les personnels recrutés après cette date sont donc affiliés au régime général.

* 46 Drees, Les dépenses de santé en 2022 - résultats des comptes de la santé, édition 2023.

* 47 Cette part recouvre l'aide médicale d'État, les soins à destination des anciens combattants ainsi que le financement des hôpitaux militaires.

* 48 Thierry Beaudet, Luc Pierron, La mutualité, PUF, Que sais-je ? 2018.

* 49 Ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles, article 24.

* 50 Pierre-Louis Bras, Didier Tabuteau, Les assurances maladie, Que sais-je ? Presses universitaires de France, 2021.

* 51 La couverture des ayants droit (conjoint ou enfants, notamment) est, quant à elle, souvent proposée à tarif préférentiel, voire à titre gratuit.

* 52 Drees, La complémentaire santé - acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2024.

* 53 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, article 1er ; article L. 911-7 du code de la sécurité sociale.

* 54 Ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique, article 1er ; accord interministériel du 26 février 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 1er ; décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 2.

* 55 Ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique, article 1er.

* 56 Loi n° 47-649 du 9 avril 1947 dite Morice portant ratification du décret n° 46-2971 du 31 décembre 1946 relatif à l'institution du régime de sécurité sociale des fonctionnaires, article 2.

* 57 Loi n° 48-1473 du 23 septembre 1948 étendant aux étudiants certaines dispositions de l'ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles, article 6.

* 58 Loi n° 47-460 du 19 mars 1947 tendant à modifier l'ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 sur l'organisation administrative de la sécurité sociale dans l'intérêt de la Mutualité française, article 1er.

* 59 Voir infra.

* 60 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 61 Source : réponses écrites au questionnaire du rapporteur.

* 62 Article L. 110-1 du code de la mutualité.

* 63 Article L. 111-1 du code de la mutualité.

* 64 Article L. 110-2 du code de la mutualité.

* 65 Article L. 931-1 du code de la sécurité sociale.

* 66 Articles L. 322-1, L. 322-26-1 à L. 322-26-2 du code des assurances.

* 67 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 68 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 69 Source : Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

* 70 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 71 Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques.

* 72  Article 2.

* 73  Article 6.

* 74 Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, article 88.

* 75 Directive 92/49/CEE du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE ; directive 92/96/CEE du Conseil du 10 novembre 1992 portant coordination de dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe sur la vie et modifiant les directives 79/267/CEE et 90/619/CEE.

* 76 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé. Cette situation semble refléter la concentration de ces marchés dans ces pays : « Aux Pays-Bas, en Irlande et au Royaume-Uni, les trois premiers acteurs détiennent plus de 80% du marché », constatait un rapport publié en juin 2009 par l'Igas, le Ministère du budget et le Centre d'analyse stratégique (P. Fréhaut, T. Klein et P. Laffon, Comparaison internationale sur les choix effectués en matière de santé).

* 77 Cette part a fortement diminué au début de la crise sanitaire, avant de rebondir en 2021.

* 78 Article L. 160-13 du code de la sécurité sociale.

* 79 Idem.

* 80 Décret n° 2024-113 du 16 février 2024 relatif à la participation forfaitaire des assurés sociaux aux frais de santé en application du II de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale, article 1er ; article R. 160-19 du code de la sécurité sociale.

* 81 Article D. 160-6 du code de la sécurité sociale.

* 82 Projet de protocole d'accord des réunions tenues les 25, 26 et 27 mai 1968 au ministère des affaires sociales sous la présidence du Premier ministre, 8° (« Sécurité sociale »).

* 83 Ordonnance n° 67-707 du 21 août 1967 portant modification du livre V du code de la santé publique relatif à la pharmacie, de diverses dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux prestations et de la loi n° 66-419 du 18 juin 1966 relative à certains accidents du travail et maladies professionnelles, article 20.

* 84 Décret n° 80-24 du 25 janvier 1980 fixant les limites de l'intervention des organismes pratiquant une assurance complémentaire du risque maladie, article 1er.

* 85 Décret n° 81-962 du 21 octobre 1981 portant abrogation du décret n° 80-24 du 15 janvier 1980 pris pour l'application de l'article 20 de l'ordonnance n° 67-707 du 21 août 1967, relatif à la part des frais de soins qui doit être obligatoirement laissée à la charge des assurés sociaux, article 1er ; loi n° 82-1 du 4 janvier 1982 portant diverses mesures relatives à la sécurité sociale, article 4.

* 86 Article L. 160-13 du code de la sécurité sociale.

* 87 Articles D. 160-9 et D. 160-11 du code de la sécurité sociale.

* 88 Article D. 160-10 du code de la sécurité sociale.

* 89 Source : Drees, Les dépenses de santé en 2022, 2023.

* 90 Articles L. 162-5-3 et R. 160-6 du code de la sécurité sociale.

* 91 Articles L. 160-14 et R. 160-16 du code de la sécurité sociale.

* 92 Arrêté du 20 juin 2019 relatif aux montants du forfait journalier hospitalier prévu à l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale, articles 1er et 2.

* 93 Article L. 174-4 du code de la sécurité sociale.

* 94 Arrêté du 17 décembre 2021 relatif aux montants du forfait patient urgences prévu à l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale, articles 1er et 2.

* 95 Article L. 160-13 du code de la sécurité sociale.

* 96 Article L. 160-9 du code de la sécurité sociale ; frais de santé liés à la grossesse lors des six premiers mois, puis pour l'ensemble des frais de santé jusqu'à douze jours après l'accouchement.

* 97 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, article 83.

* 98 Article L. 871-1 du code de la sécurité sociale.

* 99 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, article 65.

* 100 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, loi de modernisation de notre système de santé.

* 101 Igas, Évaluation de la généralisation du tiers payant, octobre 2017.

* 102 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 63.

* 103 Article L. 861-3 du code de la sécurité sociale.

* 104 Article L. 251-2 du code de la sécurité sociale.

* 105 Article L. 432-1 du code de la sécurité sociale.

* 106 Article L. 162-21-1 du code de la sécurité sociale.

* 107 Article L. 162-4-5 du code de la sécurité sociale.

* 108 Article L. 162-1-21 du code de la sécurité sociale.

* 109 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023.

* 110 HCAAM, Quatre scénarios polaires d'évolution de l'articulation entre Sécurité sociale et Assurance maladie complémentaire, janvier 2022.

* 111 Compte rendu de l'audition du président du HCAAM, 3 avril 2024.

* 112 Il représentait 43,2 % du PIB en 2023.

* 113 Par un décret daté du 12 juin 1946.

* 114 HCAAM, Quatre scénarios polaire d'évolution de l'articulation entre Sécurité sociale et l'Assurance maladie complémentaires, janvier 2022.

* 115  Compte rendu de l'audition du président du régime local d'assurance-maladie d'Alsace-Moselle, 10 avril 2024.

* 116 Source : réponses écrites du régime local au questionnaire du rapporteur.

* 117 Auxquels s'ajoutent les salariés d'un établissement implanté dans les trois départements concernés, qui exercent une activité itinérante dans d'autres départements (chauffeurs-livreurs, dépanneurs, commerciaux, chargés d'affaires, personnel naviguant des compagnies aériennes...).

* 118 Source : réponses écrites du régime local au questionnaire du rapporteur.

* 119 MM. Philippe Bies, député du Bas-Rhin, Denis Jacquat, député de la Moselle, André Reichardt, sénateur du Bas-Rhin et Mme Patricia Schillinger, sénatrice du Haut-Rhin.

* 120 HCAAM, Quatre scénarios polaire d'évolution de l'articulation entre Sécurité sociale et l'Assurance maladie complémentaires, janvier 2022. Le HCAAM s'est posé la question, dans ce rapport, de l'expérimentation, dans d'autres territoires, de régimes locaux complémentaires comparables au régime local.

* 121 Selon les réponses écrites du régime local au questionnaire du rapporteur, « les flux de prise en charge des frais de santé sont générés par la carte vitale. Seul le taux de prise en charge diffère ».

* 122 Compte rendu de l'audition du président du régime local d'assurance-maladie d'Alsace-Moselle, 10 avril 2024.

* 123 Source : réponses écrites du HCAAM au questionnaire du rapporteur.

* 124 Source : réponses écrites du HCAAM au questionnaire du rapporteur.

* 125 Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés, article 1er.

* 126 Drees, La complémentaire santé - acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2019.

* 127 Compte rendu de l'audition du directeur de la Drees, 26 mars 2024.

* 128 Drees, La complémentaire santé - acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2024.

* 129 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, article 1er.

* 130 Article L. 912-1 du code de la sécurité sociale.

* 131 Décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013, loi relative à la sécurisation de l'emploi.

* 132 Loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014, article 14.

* 133 Décret n° 2017-162 du 9 février 2017 relatif au financement et à la gestion de façon mutualisée des prestations mentionnées au IV de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale.

* 134 Articles L. 911-7 et D. 911-1 du code de la sécurité sociale.

* 135 Articles R. 242-1-6 et D. 911-2 à D. 911-4 du code de la sécurité sociale.

* 136 Articles L. 911-7-1 et D. 911-7 du code de la sécurité sociale.

* 137 Article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

* 138 Drees, La complémentaire santé - acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2024.

* 139 Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, article 4.

* 140 Décret n° 90-769 du 30 août 1990 pris pour l'application des articles 4, 9 et 15 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, article 1er.

* 141 Drees, La dépense de santé en 2022, 2023 et La complémentaire santé - acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2024.

* 142 46 368 euros en 2024.

* 143 Articles L. 242-1 et D. 242-1 du code de la sécurité sociale.

* 144 Article L. 137-15 du code de la sécurité sociale.

* 145 Article L. 137-16 du code de la sécurité sociale.

* 146 Dans la limite d'un montant égal à la somme de 5 % du Pass et de 2 % de la rémunération annuelle brute, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 2 % de 8 fois le montant du Pass (article 83 du code général des impôts).

* 147 Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, Conseil de l'âge, « L'incidence des réformes du « 100 % santé » et de la complémentaire santé solidaire pour les personnes âgées », note, 17 avril 2020.

* 148 Loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, article 24.

* 149 Article 154 bis du code général des impôts.

* 150 Articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts.

* 151 Drees, La complémentaire santé : acteurs, bénéficiaires, garanties, 2024.

* 152 En 2014 et en 2017, la Drees estimait la proportion de retraités couverts par une complémentaire santé à 97 %.

* 153 Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, articles 39 et 40 ; décret n° 2007-1373 du 19 septembre 2007 relatif à la participation de l'État et de ses établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs personnels.

* 154 IGF/IGA/Igas, Protection sociale complémentaire des agents publics, juin 2019.

* 155 Ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique, article 4 ; décret n° 2021-1164 du 8 septembre 2021 relatif au remboursement d'une partie des cotisations de protection sociale complémentaire destinées à couvrir les frais de santé des agents civils et militaires de l'État, article 4.

* 156 Cette échéance était initialement fixée au 1er janvier 2024 et a été reportée d'un an par le législateur pour tenir compte des délais nécessaires à l'aboutissement des négociations avec les partenaires sociaux dans les ministères et garantir la mise en oeuvre opérationnelle du régime (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, article 196).

* 157 Ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique, articles 1er et 4 ; article L. 827-1 du code général de la fonction publique.

* 158 Article L. 827-3 du code général de la fonction publique.

* 159 Article L. 827-2 du code général de la fonction publique.

* 160 Accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, 26 janvier 2022.

* 161 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, articles 1er et 6.

* 162 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, articles 2 et 6.

* 163 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 4.

* 164 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 22.

* 165 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 10.

* 166 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 14.

* 167 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 13.

* 168 Arrêté du 30 mai 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 2.

* 169 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 15.

* 170 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 17.

* 171 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 22 ; arrêté du 30 mai 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 6.

* 172 Décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011 relatif à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents.

* 173 Article L. 827-4 du code général de la fonction publique.

* 174 Article L. 827-6 du code général de la fonction publique.

* 175 Décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011 relatif à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents, article 24.

* 176 Décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011 relatif à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents, article 27.

* 177 Décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011 relatif à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents, article 23.

* 178 Ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique, article 4.

* 179 Articles L. 827-9 et L. 827-10 du code général de la fonction publique ; décret n° 2022-581 du 20 avril 2022 relatif aux garanties de protection sociale complémentaire et à la participation obligatoire des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à leur financement, article 6.

* 180 Source : compte rendu du 2 mai 2024.

* 181 Article L. 872-2 du code général de la fonction publique.

* 182 Article L. 722-1 du code général de la fonction publique.

* 183 Article L. 722-2 du code général de la fonction publique.

* 184 Article L. 6152-2 du code de la santé publique.

* 185 Igas/IGF, La protection sociale complémentaire des agents publics, rapport spécifique à la fonction publique hospitalière, juillet 2019.

* 186 Article L. 827-1 du code général de la fonction publique.

* 187 Article L. 827-2 du code général de la fonction publique.

* 188 Source : compte rendu du 2 mai 2024.

* 189 Source : réponses écrites de la DGOS au questionnaire du rapporteur.

* 190 Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, article 20 ; ancien article L. 861-1 du code de la sécurité sociale.

* 191 Ancien article L. 861-3 du code de la sécurité sociale.

* 192 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, article 56.

* 193 Article L. 862-4 du code de la sécurité sociale.

* 194 Ancien article L. 863-1 du code de la sécurité sociale.

* 195 Loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, article 50.

* 196 Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, article 27.

* 197 Loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, article 55.

* 198 Ancien article L. 863-3 du code de la sécurité sociale.

* 199 Ancien article L. 863-2 du code de la sécurité sociale.

* 200 Ancien article L. 863-1 du code de la sécurité sociale.

* 201 Ancien article L. 322-4 du code de la sécurité sociale.

* 202 Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, article 52.

* 203 Arrêté du 26 mars 2024 fixant le montant du plafond de ressources de la protection complémentaire en matière de santé, article 1er.

* 204 Arrêté du 21 juin 2019 fixant les montants de la participation financière à la protection complémentaire en matière de santé et la majoration application aux organismes complémentaires au titre des frais de gestion, article 1er.

* 205 Article L. 861-1 du code de la sécurité sociale.

* 206 Article R. 861-3 du code de la sécurité sociale.

* 207 Article D. 861-1 du code de la sécurité sociale.

* 208 Article L. 861-5 du code de la sécurité sociale.

* 209 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport annuel 2023.

* 210 Articles L. 162-16-7, L. 861-3 et D. 861-2 du code de la sécurité sociale.

* 211 Article L. 162-5-13 du code de la sécurité sociale.

* 212 Article L. 160-15 du code de la sécurité sociale.

* 213 Article L. 861-3 du code de la sécurité sociale ; arrêté du 20 octobre 2019 relatif aux conditions de prise en charge au titre de la protection complémentaire en matière de santé pour les soins dentaires prothétiques et pour les équipements d'optique médicale ; arrêté du 23 février 2014 relatif aux conditions de prise en charge au titre de la protection complémentaire en matière de santé pour les soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale.

* 214 Article L. 861-4 du code de la sécurité sociale.

* 215 Article L. 862-1 du code de la sécurité sociale.

* 216 Article L. 862-3 du code de la sécurité sociale.

* 217 Article L. 862-2 du code de la sécurité sociale.

* 218 Direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport annuel 2023.

* 219 Direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport annuel 2023.

* 220 5,88 millions de personnes en juin 2023.

* 221 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport annuel 2023.

* 222 Direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023.

* 223 Direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023. Chiffres 2021.

* 224 Conseil d'État, Les conditions de ressources dans les politiques sociales : plus de simplicité, plus de cohérence, étude réalisée à la demande du Premier ministre, juillet 2021.

* 225 Le rapport précité du Conseil d'État identifie quatre familles de « bases ressources » : l'aide sociale, pour laquelle les départements apprécient souverainement les conditions d'attribution, le RSA (famille à laquelle appartient la C2S), qui repose sur des critères très détaillés, l'ASPA, fondée sur le revenu brut, et enfin les prestations reposant sur des critères fiscaux (AAH, aide juridictionnelle, bourses...).

* 226 Décret n° 2021-1436 du 4 novembre 2021 modifiant le décret n° 2019-969 du 18 septembre 2019 relatif à des traitements de données à caractère personnel portant sur les ressources des assurés sociaux, article 1er.

* 227 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023.

* 228 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, article 88.

* 229 Article L. 861-2 du code de la sécurité sociale.

* 230 Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023, article 105.

* 231 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023.

* 232 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, article 88.

* 233 Articles L. 861-2 et R. 861-11 du code de la sécurité sociale.

* 234 Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023, article 105.

* 235 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023.

* 236 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, article 45.

* 237 Arrêté du 31 janvier 2023 modifiant l'arrêté du 25 février 2016 fixant les libellés, l'ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie mentionnées à l'article R. 3243-2 du code du travail, article 1er.

* 238 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023.

* 239 Conseil d'État, Les conditions de ressources dans les politiques sociales : plus de simplicité, plus de cohérence, étude réalisée à la demande du Premier ministre, juillet 2021.

* 240 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023.

* 241 Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, Avis 2023 sur la complémentaire santé solidaire, janvier 2024.

* 242 Article L. 861-12 du code de la sécurité sociale ; arrêté du 27 décembre 2019 fixant les montants maximaux des tarifs des contrats proposés aux personnes dont le droit à la protection complémentaire en matière de santé arrivé à expiration, article 1er.

* 243 Voir infra.

* 244 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023.

* 245 Source : direction de la sécurité sociale, La complémentaire santé solidaire, rapport 2023.

* 246 Pour rappel : 8 euros par mois pour les 29 ans et moins (ressortissants du tarif local d'Alsace-Moselle - TLAM : 5,60 euros) ; 14 euros pour les 30 à 49 ans (TLAM : 9,80 euros) ; 21 euros pour les 50 à 59 ans (TLAM : 14,60 euros) ; 25 euros pour les 60 à 69 ans (TLAM : 17,40 euros) ; 30 euros pour les 70 ans et plus (TLAM : 21 euros).

* 247 Agrégat historique des comptes de la santé, qui représente la valeur totale de la consommation des biens et services concourant directement au traitement d'une perturbation de l'état de santé. Il regroupe : la consommation de soins des hôpitaux publics et privés (y compris les médicaments et les dispositifs médicaux) ; la consommation de soins de ville (soins dispensés par les médecins et les auxiliaires médicaux, soins dentaires, analyses médicales et cures thermales, rémunérations forfaitaires des professionnels de santé) ; la consommation de transports sanitaires ; la consommation de médicaments en ambulatoire hors remises conventionnelles (vendus en officines ou en rétrocession hospitalière) ; la consommation de biens médicaux en ambulatoire (optique, véhicules pour personnes en situation de handicap, matériels, pansements, etc.). En revanche, il ne comprend pas les dépenses de prévention, les soins de longue durée ni les dépenses de gouvernance.

* 248 La DCSi retrace la consommation finale individuelle ou collective de biens et services de santé directement consommée par les ménages ou indirectement via la puissance publique, le secteur associatif (institutions à but non lucratif), les entreprises, etc. La DCSi recouvre ainsi un spectre plus large que la CSBM (consommation de soins et de biens médicaux), agrégat historique des comptes de la santé, qui regroupe les seules dépenses relatives aux traitements directs d'une perturbation de l'état de santé, alors que la DCSi comprend également les dépenses de prévention, les soins de longue durée et les dépenses de gouvernance.

* 249 Source : Drees, « Comparaisons internationales de la dépense courante de santé en 2021 et 2022 », Les dépenses de santé en 2022. Résultats des comptes de la santé, édition 2023.

* 250 Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République slovaque, République tchèque et Slovénie.

* 251 Article L. 863-8 du code de la sécurité sociale.

* 252 Drees, La complémentaire santé - acteurs, bénéficiaires, garantie, édition 2019.

* 253 Drees, Études et Résultats n° 1220, « L'assurance maladie publique contribue fortement à la réduction des inégalités de revenu », février 2022.

* 254 Source : compte rendu de l'audition des représentants des organismes de complémentaires santé, 26 mars 2024.

* 255 Source : compte rendu de l'audition des représentants des organismes de complémentaire santé, 26 mars 2024.

* 256 Source : réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 257 Source : compte rendu de l'audition des associations de consommateurs, 27 mars 2024.

* 258  La forte augmentation des coûts entraîne une nette hausse des primes en 2024 (admin.ch).

* 259 Office fédéral de la santé publique suisse, septembre 2023 ( 82919.pdf (admin.ch).

* 260 Cour des comptes, Les complémentaires santé : un système très protecteur mais peu efficient, 2021.

* 261 Source : compte rendu du 2 avril 2024.

* 262 Source : compte rendu de l'audition du Conseil de l'âge et des associations de retraités, 2 avril 2024.

* 263 Idem.

* 264 Source : réponses écrites de l'association au questionnaire du rapporteur.

* 265 Source : note de la division de la législation comparée du Sénat.

* 266 Les compagnies d'assurance santé peuvent toujours conclure des accords pour des contrats collectifs mais seules les réductions sur les assurances complémentaires facultatives restent possibles. La suppression du rabais de groupe sur l'assurance maladie de base part du constat selon lequel les assureurs avaient d'abord augmenté les primes pour tous les assurés, puis accordé une réduction à certains groupes, ce qui revient à une « subvention croisée ». Ainsi, par exemple, les jeunes en bonne santé pouvaient bénéficier d'une forte réduction, tandis que les personnes souffrant de maladies chroniques payaient le prix total. Cette situation, mise en évidence dès 2016, avait déjà conduit à une réduction du rabais de groupe de 10 % à 5 % au maximum en 2020, qui vise également à rendre l'offre en matière d'assurance maladie plus claire et plus facile à comparer pour les citoyens, à travers la diminution attendue du nombre de contrats de groupe proposés (Source : note de la division de la législation comparée du Sénat).

* 267 Selon les informations transmises à la mission d'information par l'Association des départements de France, on peut citer la Haute-Vienne, les Hautes-Pyrénées, le Loiret, la Nièvre, les Bouches-du-Rhône et la Sarthe.

* 268 Source : réponses écrites de Régions de France au questionnaire du rapporteur.

* 269 Source : réponses écrites de Régions de France au questionnaire du rapporteur.

* 270 Selon la contribution écrite transmise à la mission d'information par Régions de France, cette mutuelle est disponible depuis juin 2024.

* 271 D'autres initiatives régionales dans le champ de la complémentaire santé ont été identifiées par Régions de France, comme le Pass mutuelle étudiant en Occitanie ou le partenariat instauré entre la région Grand Est et une mutuelle à tarifs préférentiels accessibles aux personnes non éligibles à l'AC2S mais disposant de revenus modestes.

* 272 Source : réponses de l'Association des maires de France (AMF) au questionnaire du rapporteur.

* 273 Selon certaines réponses, les adhésions s'échelonnent entre cinq foyers et 1 884 personnes (plus de 3 000 à Toulouse), certains élus consultés par le Sénat faisant état d'une dizaine de contrats seulement.

* 274 Si les associations d'assurés sont des associations à but non lucratif, l'usage fait de ce local municipal répond à un objet commercial.

* 275 Articles L. 871-1 et R. 871-2 du code de la sécurité sociale.

* 276 Hors remboursement de certains médicaments.

* 277 Compte rendu de l'audition de France Assureurs par la mission d'information, 26 mars 2024.

* 278 Voir supra.

* 279 Source : réponses écrites de la Mutualité française au questionnaire du rapporteur.

* 280 Voir infra et supra.

* 281 Assurance maladie obligatoire, complémentaires santé et ménages.

* 282 Directement via le coût des matières premières pour les médicaments et les dispositifs médicaux ou par le coût de l'équipement nécessaire aux soins, indirectement via la rémunération des professionnels de santé, étudiée infra.

* 283 Insee, 2020, Tableaux de l'économie française, édition 2020, population par âge.

* 284 Hors dépassements d'honoraires.

* 285 France Stratégie, « Les déterminants de long terme des dépenses de santé en France », 2017.

* 286 Voir supra et infra.

* 287 Voir infra.

* 288 Voir infra.

* 289 Chiffre calculé en utilisant des données de 2019.

* 290 Article R. 871-2 du code de la sécurité sociale.

* 291 Articles L. 182-3 et L. 162-14-3 du code de la sécurité sociale.

* 292 Voir infra.

* 293 Convention médicale du 4 juin 2024.

* 294 Notamment MG France, principal syndicat de médecins généralistes et habilité à signer seul la convention pour les généralistes.

* 295 À nombre de consultations constant par rapport à 2022. L'estimation précise est de 213 millions d'euros supplémentaires, soit un surcoût de 305 millions d'euros pour les dépenses de généralistes par rapport au précédent avenant.

* 296 90 % en 2022.

* 297 Article R. 160-5 du code de la sécurité sociale.

* 298 Augmentation du tarif des lettres-clés de 3 % et revalorisation progressive des coefficients des actes cotés en AMS 7,5 et 9,5.

* 299 L'acte médical d'orthophonie (AMO) est la valeur sur laquelle les différents actes des orthophonistes sont indexés afin de déterminer le niveau de rémunération associé.

* 300 L'avenant 9 à la convention nationale des infirmiers, signé le 27 juillet 2022, a principalement revalorisé les actes des infirmiers en pratique avancée.

* 301 L'avenant 10 à la convention nationale des infirmiers, signé le 16 juin 2023, a principalement revalorisé la prise en charge des patients à domicile.

* 302 Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée, estime ces revalorisations « particulièrement choquantes ».

* 303 Articles L. 871-1 et R. 871-2 du code de la sécurité sociale, à l'exception de certains produits de santé.

* 304 Article R. 160-21 du code de la sécurité sociale.

* 305 Voir supra, notamment dans la partie II. B. 2.

* 306 Arrêté du 25 novembre 2019 fixant le taux de la participation de l'assuré prévue à l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale pour les spécialités homéopathiques et les préparations homéopathiques mentionnées au 7° de l'article R. 160-5 du même code.

* 307 Décision du 18 juillet 2023 fixant le taux de la participation des assurés sociaux aux frais de transport sanitaire pris en charge au titre de l'article R. 160-5 du code de la sécurité sociale.

* 308 Arrêté du 12 octobre 2023 fixant le taux de la participation des assurés sociaux prévue à l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale pour les honoraires des chirurgiens-dentistes et actes relevant des soins dentaires mentionnés au 3° bis de l'article R. 160-5 du même code.

* 309 Article L. 871-1 du code de la sécurité sociale.

* 310 Contribution écrite à la mission de la Fédération des syndicats dentaires libéraux.

* 311 Contribution écrite à la mission des Chirurgiens-dentistes de France.

* 312 Contribution écrite de la Fédération des syndicats dentaires libéraux.

* 313 18,3 milliards d'euros en 2020, 18,3 milliards d'euros en 2021 et 11,7 milliards d'euros en 2022 puis 0,9 milliard d'euros attendus en 2023, soit 49,2 milliards d'euros.

* 314 Selon les différentes estimations transmises à la mission ou réalisées par la mission, le montant pourrait être compris entre 800 millions d'euros et 1,4 milliard d'euros. Toutefois, une partie de ces montants devraient avoir été anticipés par les complémentaires santé, et intégrés dans la hausse des tarifs pour 2023.

* 315 Ces montants ne prennent pas en compte d'autres éventuelles mesures nouvelles supplémentaires pour 2024.

* 316 France Assureurs inclut également les dépenses anticipées.

* 317 La base de calcul est ici le total de prestations versées en 2022, soit 32,8 milliards d'euros.

* 318 Voir infra.

* 319 Voir infra.

* 320 Décisions de l'Uncam ou, en leur absence, arrêtés du ministre chargé de la sécurité sociale.

* 321 La réforme a débuté en janvier 2019 en audiologie, en avril 2019 en dentaire et en janvier 2020 pour l'optique.

* 322 Article 51 de la LFSS pour 2019 et décret n° 2019-21 du 11 janvier 2019, pris en application de cet article.

* 323 Article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.

* 324 Cour des comptes, La réforme du cent pour cent santé, juillet 2022.

* 325 Celui-ci est par exemple passé de 61 % à 36 % entre 2019 et 2022 sur les audioprothèses, voir infra.

* 326 Réponses écrites de l'UFC-Que choisir au questionnaire du rapporteur.

* 327 Avec un taux de croissance annuel moyen de 7,2 % entre 2010 et 2018.

* 328 Organisation professionnelle représentant la majeure partie de l'industrie du secteur des dispositifs médicaux.

* 329 Selon la direction de la sécurité sociale.

* 330 La publication de ses résultats définitifs est prévue en septembre 2024.

* 331 Drees, Les dépenses de santé en 2022, 2023.

* 332 Drees, Les dépenses de santé en 2021, 2022.

* 333 Cf supra.

* 334 Voir l'encadré ci-dessus.

* 335 En vertu d'un protocole d'accord du 7 juin 2018 signé entre les syndicats d'audioprothésistes et le ministère de la santé, le prix limite de ventes des audioprothèses du panier 100 % santé peut être réduit de 50 euros lorsque le volume vendu chez les adultes excède 650 000 sur neuf mois, ou 935 000 sur une année entière. Malgré le dépassement des seuils de volume en 2021, la clause de baisse du prix limite de vente n'a pas été activée au regard de la sous-consommation sur l'année 2020.

* 336 Cette dernière donnée peut sembler étonnante dans la mesure où, selon la Drees, il s'agit de la prise en charge totale des frais d'audioprothèse par les Ocam.

* 337 Réponses écrites de la Mutualité française au questionnaire du rapporteur.

* 338 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 339 Réponses écrites du CTIP au questionnaire du rapporteur.

* 340 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

* 341 Article L. 162-58 du code de la sécurité sociale.

* 342 Pour les majeurs, la prise en charge est conditionnée à la réponse à une des situations mentionnées à l'article 1er de l'arrêté du 8 mars 2022 relatif aux tarifs, codes de facturation et critères d'inclusion du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement psychologique. Pour les mineurs de plus de 3 ans, la seule condition à la prise en charge est « une situation de mal-être ou de souffrance psychique pouvant susciter l'inquiétude de l'entourage ».

* 343 Les troubles graves tels que les risques suicidaires ou les troubles du neurodéveloppement sévères sont hors du champ du dispositif aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 8 mars 2022 relatif aux tarifs, codes de facturation et critères d'inclusion du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement psychologique. Pour les mineurs de plus de 3 ans, la seule condition à la prise en charge est « une situation de mal-être ou de souffrance psychique pouvant susciter l'inquiétude de l'entourage ».

* 344 Article R. 160-5, 18° du code de la sécurité sociale.

* 345 R. 871-2 du code de la sécurité sociale.

* 346 II de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale.

* 347 Article L. 110-2 du code de la mutualité.

* 348 Article 57 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

* 349 Article 52 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

* 350 Article 10 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

* 351 Article L. 871-1 du code de la sécurité sociale et article 83 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 352 Article 56 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 et décret n° 2014-1374 du 18 novembre 2014 relatif au contenu des contrats d'assurance maladie complémentaire bénéficiant d'aides fiscales et sociales.

* 353 Réponses écrites de la direction de la sécurité sociale au questionnaire du rapporteur.

* 354 2°de l'article R. 871-2 du code de la sécurité sociale : il s'applique, sur les dépassements tarifaires des médecins n'ayant pas adhéré à l'Optam, un plafond correspondant au minimum entre le tarif de responsabilité et le montant pris en charge pour les dépassements des médecins en Optam minoré de 20 % du tarif de responsabilité.

* 355 L'option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam, anciennement contrat d'accès aux soins) est un accord entre les médecins conventionnés et l'Assurance maladie autorisant des dépassements d'honoraires encadrés. Il est promu par les pouvoirs publics afin de garantir un niveau de dépassements d'honoraires soutenables pour les assurés.

* 356 Article 57 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

* 357 Article 56 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 et décret n° 2014-1374 du 18 novembre 2014 relatif au contenu des contrats d'assurance maladie complémentaire bénéficiant d'aides fiscales et sociales.

* 358 Article R. 871-2 du code de la sécurité sociale, à l'exclusion de celui portant sur les médicaments à faible taux de remboursement AMO et sur les soins thermaux.

* 359 2° de l'article R. 871-2 du code de la sécurité sociale : il s'applique, sur les dépassements tarifaires des médecins n'ayant pas adhéré à l'Optam, un plafond correspondant au minimum entre le tarif de responsabilité et le montant pris en charge pour les dépassements des médecins en Optam minoré de 20 % du tarif de responsabilité.

* 360 Article 65 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 361 Réponses écrites de la Mutualité française au questionnaire du rapporteur.

* 362 Idem.

* 363 Réponses écrites du CTIP au questionnaire du rapporteur.

* 364 Avec des conséquences financières certaines, voir infra.

* 365 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 366 Les ménages peuvent toutefois être sollicités en cas de non-souscription à un contrat solidaire et responsable, de non-respect du parcours de soins coordonné ou pour les frais liés à une cure thermale ou à la consommation de certains médicaments.

* 367 Article R. 871-2 du code de la sécurité sociale.

* 368 Il s'applique, sur les dépassements tarifaires des médecins n'ayant pas adhéré à l'Optam, un plafond correspondant au minimum entre le tarif de responsabilité et le montant pris en charge pour les dépassements des médecins en Optam minoré de 20 % du tarif de responsabilité.

* 369 Sauf dans le cas où un renouvellement anticipé est prévu et en cas d'évolution de la vue.

* 370 Ces montants incluant le tarif de responsabilité fixé.

* 371 Réponses écrites de la Mutualité française au questionnaire du rapporteur.

* 372 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 373 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 374 Réponses écrites de la direction de la sécurité sociale au questionnaire du rapporteur.

* 375 Réponses écrites de la Mutualité française au questionnaire du rapporteur.

* 376 Article 22 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.

* 377 Contribution écrite de la direction de la sécurité sociale à la mission d'information.

* 378 Une partie des produits de la TSA est affectée au financement de la C2S par la Cnam.

* 379 Article L. 862-4 du code de la sécurité sociale.

* 380 À compter du 1er octobre 2002.

* 381 À compter du 1er janvier 2006.

* 382 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 383 Réponses écrites de la Mutualité française au questionnaire du rapporteur.

* 384 Réponses écrites du CTIP au questionnaire du rapporteur.

* 385 Réponses écrites de la direction de la sécurité sociale au questionnaire du rapporteur.

* 386 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 387 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 388 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 389 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 390 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 391 Compte rendu du 15 mai 2024.

* 392 Directive 2009/138/CE publiée le 25 novembre 2009 et amendée par la directive 2014/51/UE dite « Omnibus II » du 16 avril 2014.

* 393 Ces directives ont été transposées en droit national par l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 et le décret n°2015-513 du 7 mai 2015.

* 394 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 395 France Assureurs indique par ailleurs qu'en vertu d'un arrêté du 17 mars 2023, le chiffre d'affaires doit désormais atteindre 5,4 millions d'euros, et le total des provisions techniques 26,6 millions d'euros.

* 396 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 397 Les accords de Bâle II, datant de 2004, ont contribué à fixer des standards communs de contrôle prudentiel des activités bancaires plus adaptés à la réalité des risques que les précédents cadres fixés par les accords de Bâle I en 1988.

* 398 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 399 Article 101 de la directive 2009/138/CE : « Le capital de solvabilité requis correspond à la valeur en risque (Value-at-Risk) des fonds propres de base de l'entreprise d'assurance ou de réassurance, avec un niveau de confiance de 99,5 % à l'horizon d'un an ».

* 400 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 401 Site internet de l'ACPR.

* 402 Les activités en santé représentent en moyenne 6 % des cotisations collectées par les entreprises d'assurance actives en santé.

* 403 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 404 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 405 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 406 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 407 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 408 Réponses écrites de l'ACPR au questionnaire du rapporteur.

* 409 En utilisant 2013 comme année référence et base 100.

* 410 En utilisant 2013 comme année référence et base 100.

* 411 Voir infra.

* 412 Compte rendu de l'audition du directeur de la sécurité sociale, 9 avril 2024.

* 413 Compte rendu de l'audition du directeur de la sécurité sociale, 9 avril 2024.

* 414  Rapport législatif n° 84 portant sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, tome II (2023-2024) de Mmes  Élisabeth Doineau, rapporteure générale, Corinne Imbert, Pascale Gruny, M.  Olivier Henno, Mmes  Marie-Pierre Richer et Chantal Deseyne, déposé le 8 novembre 2023. Examen des articles.

* 415 Calculées comme l'estimation de la Drees pour 2022 affectée d'un coefficient de 4,5 % de hausse des prestations en 2023 indiqué par la direction de la sécurité sociale.

* 416 Ces chiffres sont obtenus en sommant les composantes liées à l'évolution tendancielle de l'Ondam (+ 1,4 à 1,8 point), à la compensation au titre de la dérive attendue de l'Ondam (+ 1,1 point), et aux mesures nouvelles pour les complémentaires (+ 1,9 à 3,6 points selon les sources, avec une hypothèse médiane à + 3 points).

* 417 Article L. 160-9 du code de la sécurité sociale ; frais de santé liés à la grossesse lors des six premiers mois, puis pour l'ensemble des frais de santé jusqu'à douze jours après l'accouchement.

* 418 Compte rendu du 9 avril 2024.

* 419 3° de l'article L. 160-14 du code de la sécurité sociale.

* 420 Article D. 160-4 du code de la sécurité sociale.

* 421 Article L. 324-1 du code de la sécurité sociale.

* 422 Décret n° 2011-726 du 24 juin 2011.

* 423 Drees, 2023, Mieux connaître et évaluer la prise en charge des maladies chroniques : lancement de l'enquête PaRIS en septembre 2023.

* 424 Assurance maternité, accidents du travail et bénéficiaires de l'Aspa ou d'une pension d'invalidité, par exemple.

* 425 En incluant les modifications de champ liées à l'intégration du fonds C2S aux dépenses de la sécurité sociale, auparavant catégorisées dans les dépenses de l'État, l'effort de la sécurité sociale a progressé de 76 % à 79,6 % entre 2012 et 2022.

* 426 France Assureurs note dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur que « si on intègre toutes les dépenses connexes (de type chambres particulières, médecine douce...), leur contribution au financement du forfait patientèle médecin traitant, le financement de la CSS (complémentaire santé solidaire) et toutes les sommes, prélevées sous forme de taxe (TSA) qui alimentent la branche maladie du régime obligatoire, on se rend compte que la part des complémentaires est passée de 15,2 % en 2011 à 15,7 % en 2022 ». Toutefois, il s'agit là d'une vision extrêmement large de l'engagement des complémentaires santé, qui dépasse là le seul champ de la santé. Le champ retenu dans l'analyse des pouvoirs publics, portant sur la CSBM, semble donc plus pertinent pour analyser l'engagement de l'AMO et de l'AMC pour le financement du système de santé.

* 427 Compte rendu de l'audition du directeur général de la Cnam, 9 avril 2024.

* 428 Réponses écrites de la Mutualité française au questionnaire du rapporteur.

* 429 Arrêté du 6 mai 2020 précisant les modalités de communication par les organismes de protection sociale complémentaire des informations relatives aux frais de gestion au titre des garanties destinées au remboursement et à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.

* 430 Par simplicité, on désigne souvent cette dernière catégorie sous le nom de « frais d'administration ».

* 431 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 432 Réponses écrites de la Mutualité française au questionnaire du rapporteur.

* 433 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 434 Site de l'UFC-Que choisir, « Des frais de gestion scandaleusement élevés », 23 janvier 2024.

* 435 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 436 Drees, Rapport 2023 sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé.

* 437 La « noémisation » désigne la télétransmission de l'assurance maladie obligatoire vers l'assurance maladie complémentaire des données ouvrant droit au remboursement de la part complémentaire pour l'assuré. Son nom provient de celui du système de télétransmission NOÉMIE (Norme ouverte d'échanges maladie avec les intervenants extérieurs) développé à cet effet. Ce système numérique et ne nécessitant pas de démarche de l'assuré, remplace progressivement l'envoi de feuilles de soins, parfois en format papier, de l'assuré à sa complémentaire santé. Il fluidifie et accélère le remboursement de la part complémentaire.

* 438 Compte rendu du 9 avril 2024.

* 439 Idem.

* 440 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 441 Il s'agit là de Solvabilité II, mais pas seulement : directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), règlement Dora sur la résilience opérationnelle, directives sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, etc.

* 442 La Drees note toutefois que ces données, constituées sur un panel incomplet, doivent être interprétées avec prudence.

* 443 Voir supra.

* 444 Contribution écrite de l'ACPR à la mission d'information.

* 445 Contribution écrite de la Mgéfi à la mission d'information.

* 446 Contribution du groupe Aéma à la mission d'information.

* 447 Article L. 871-1 du code de la sécurité sociale.

* 448 Ces données doivent être regardées avec prudence du fait du panel incomplet sur lequel elles ont été collectées.

* 449 Compte rendu de l'audition des médiateurs, 15 mai 2024.

* 450 Contribution écrite de la DGCCRF.

* 451 Article L. 512-1 du code des assurances.

* 452 Ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018 relative à la distribution d'assurances, loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement.

* 453 Article L. 112-2-2 du code des assurances.

* 454 Notamment, en cas de souscription, les dates de conclusion et de prise d'effet du contrat, l'éventuel droit de renonciation et les modalités d'exercice de ce droit, notamment l'adresse à laquelle la notification de la renonciation doit être envoyée ainsi que les modalités d'examen des réclamations.

* 455 Article L. 513-2 du code des assurances.

* 456 Article L. 521-1 du code des assurances.

* 457 Argus de l'Assurance, « Le précompte divise les grossistes », 13 juillet 2022.

* 458 Argus de l'Assurance, « Courtage : le jour où le précompte a failli être interdit », 3 mai 2018.

* 459 Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur.

* 460 Compte rendu du 15 mai 2024.

* 461 Compte rendu du 15 mai 2024.

* 462 Réponses écrites du médiateur des assurances au questionnaire du rapporteur.

* 463 Voir le compte rendu de l'audition des médiateurs, d 15 mai 2024.

* 464 On entend par là l'ensemble des commissions versées à des courtiers par les organismes complémentaires.

* 465 Compte rendu de l'audition des représentants des comparateurs en ligne, 2 mai 2024.

* 466 Décret n° 2016-505 du 22 avril 2016 relatif aux obligations d'information sur les sites comparateurs en ligne. Les critères de classement, l'existence d'une relation contractuelle ou capitalistique avec les professionnels, l'existence d'une rémunération du site par ceux-ci et l'impact sur le classement des offres sont notamment obligatoirement communiqués.

* 467 Compte rendu de l'audition des représentants des comparateurs en ligne, 2 mai 2024.

* 468 Réponses écrites d'UFC-Que choisir au questionnaire du rapporteur.

* 469 Selon une recherche faite le 6 septembre 2024, le sexe du demandeur est demandé en tout début de questionnaire, soit sous couvert de « civilité », soit pour établir le « profil » de la personne.

* 470 Drees, La complémentaire santé - acteurs, bénéficiaires, garanties, édition 2024.

* 471 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 472 Réponses écrites de la direction de la sécurité sociale au questionnaire du rapporteur.

* 473  Analyse juridique adressée aux organismes de complémentaire santé (cnil.fr).

* 474 En revanche, aux fins de remboursement par l'assurance maladie obligatoire, l'article L. 161-29 du code de la sécurité sociale impose aux professionnels ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursables de communiquer aux organismes d'assurance maladie obligatoire le numéro de code des actes effectués.

* 475 Drees, Les dépenses de santé en 2022, 2023.

* 476 Réponses écrites au questionnaire du rapporteur.

* 477 Réponses écrites de la FFMKR au questionnaire du rapporteur.

* 478 Réponses écrites au questionnaire du rapporteur.

* 479 Réponses écrites de la FMF au questionnaire du rapporteur.

* 480 Réponses écrites de la FFMKR au questionnaire du rapporteur.

* 481 Source : site de la Miviludes.

* 482 Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger, rapport fait au nom de la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé par M. Jacques Mézard (n° 480, 2012-2013).

* 483 Voir supra.

* 484 Cas de la portabilité des droits.

* 485 Voir supra.

* 486 Réponses écrites au questionnaire du rapporteur.

* 487 Voir supra.

* 488 Il s'agit des contrats « Madelin » (voir supra).

* 489 Le taux d'effort se définit comme le ratio entre le coût des cotisations à une complémentaire santé et le revenu du ménage.

* 490 Réponses écrites de la direction de la sécurité sociale au questionnaire du rapporteur.

* 491 Voir supra pour davantage de détails sur le fonctionnement et le public visé par la C2S.

* 492 Voir supra.

* 493 Voir supra.

* 494 Décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 22 ; arrêté du 30 mai 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État, article 6.

* 495 La mission d'information estime que le principe d'égalité ne devrait pas s'opposer à la création de la C2S seniors, compte tenu de la spécificité de situation liée, au regard de la souscription d'une complémentaire santé, à l'âge et à la retraite.

* 496 Si leur degré de gravité n'excède pas un certain seuil et si elles ne figurent pas dans un tableau de maladies professionnelles.

* 497 HCAAM, 2022, « Quatre scénarios polaires d'évolution de l'articulation entre Sécurité sociale et Assurance maladie complémentaire ».

* 498 Source : entreprendre.service-public.fr

* 499 Article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

* 500 Loi n° 2019-733 du 14 juillet 2019 relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé et décret n° 2020-1438 du 24 novembre 2020 relatif au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé.

* 501 Cette loi ne s'applique toutefois pas si le contrat assure également le souscripteur contre certains dommages, comme les dommages aux biens.

* 502 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

* 503 Ce bilan a été publié le 20 décembre 2023.

* 504 Voir supra.

* 505 Articles L. 141-4 du code des assurances et L. 932-6 du code de la sécurité sociale.

* 506 Réponses écrites de la direction de la sécurité sociale au questionnaire du rapporteur.

* 507 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur

* 508 Compte rendu du 15 mai 2024.

* 509 Article L. 614-1 du code monétaire et financier.

* 510 Avis du CCSF en date du 10 décembre 2019.

* 511 Réponses écrites de l'UFC-Que choisir au questionnaire du rapporteur.

* 512 Réponses écrites de l'UFC-Que choisir au questionnaire du rapporteur

* 513 Selon le médiateur de la protection sociale (compte rendu de l'audition des médiateurs, 15 mai 2024).

* 514 Compte rendu du 15 mai 2024.

* 515 Article L. 611-1 du code de la consommation.

* 516 Ou, en cas de non-réponse de l'organisme assureur, deux mois après la réclamation.

* 517 Articles L. 611-3 et L. 611-4 du code de la consommation.

* 518 Article L. 612-2 du code de la consommation.

* 519 Ce délai peut toutefois être prolongé si le dossier est complexe.

* 520 Compte rendu du 15 mai 2024.

* 521 Compte rendu du 15 mai 2024.

* 522 Voir supra.

* 523 Compte rendu du 27 mars 2024.

* 524 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

* 525 Article L. 182-3 du code de la sécurité sociale.

* 526 Loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

* 527 Source : rapport d'activité 2023 de l'Inter AMC.

* 528 Voir supra.

* 529 Compte rendu du 16 mai 2024.

* 530 Compte rendu du 16 mai 2024.

* 531 Voir infra.

* 532 La décision par l'Unocam de signer une convention ou un avenant est prise par le conseil de l'Unocam, le cas échéant avec une majorité de 60 % lorsque l'AMC est financeur majoritaire de la profession.

* 533 Source : communiqué de presse publié à l'issue de la première réunion du CDoc ( François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, a installé hier un comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDoc) - Ministère du travail, de la santé et des solidarités (sante.gouv.fr))

* 534 La réunion de juin 2024, qui aurait dû porter sur le contrat solidaire et responsable, a été annulée.

* 535 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 536  Source : dossier de presse de l'assurance maladie : 2024-03-28-DP-LCF.pdf (ameli.fr)

* 537 Compte rendu du 16 mai 2024.

* 538 Réponses écrites de la direction de la sécurité sociale au questionnaire du rapporteur.

* 539 Compte rendu du 16 mai 2024.

* 540 Compte rendu du 10 avril 2024.

* 541 Réponses écrites au questionnaire du rapporteur.

* 542 Compte rendu du 9 avril 2024.

* 543 Cour des comptes, La politique de prévention en santé, novembre 2021.

* 544 Compte rendu du 16 mai 2024.

* 545 Réponses écrites d'Avenir Spé-Le Bloc au questionnaire du rapporteur.

* 546 Hépatite B, coqueluche, diphtérie, tétanos, poliomyélite, etc...

* 547 Il en va ainsi du vaccin rougeole-oreillons-rubéole pour les jeunes jusqu'à 17 ans révolus, du vaccin contre la grippe saisonnière pour les populations pour lesquelles la vaccination est recommandée, pour le vaccin contre le papillomavirus humain dans le cadre du programme de vaccination au collège, notamment.

* 548 Réponses écrites de France Assureurs au questionnaire du rapporteur.

* 549 Réponses écrites de France Assos Santé au questionnaire du rapporteur.

* 550 Compte rendu du 9 avril 2024.

* 551 Indépendamment des réponses aux questionnaires du rapporteur, adressées à la mission par les personnes auditionnées.

* 552 Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques.

* 553 Arrêté du 21 juin 2019 fixant les montants de la participation financière à la protection complémentaire en matière de santé et la majoration applicable aux organismes complémentaires en matière de frais de gestion.

* 554 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 555 Audrey Lafon et Alexis Montaut, « La place de l'assurance maladie privée dans six pays européens », Les dossiers de la Drees, n° 19, juin 2017.

* 556 Valérie Paris, « La couverture santé dans les pays de l'OCDE », Les tribunes de la santé, n° 65, 2020, pp. 47-59.

* 557 L'assurance privé permet un accès aux soins plus rapide. L'obtention d'un rendez-vous peut être accéléré, notamment dans les spécialités comme l'ophtalmologie et l'orthodontie où la démographie est moins favorable. En outre, lorsqu'en fin d'exercice la caisse a un résultat positif, les assurés peuvent être remboursés d'une partie de leur cotisation.

* 558 Ce panier de soins est défini de manière autonome par la Fédération des caisses d'assurance maladie publique allemande et par l'union fédérale des médecins conventionnés. En principe, la loi peut encadrer ce droit mais cette situation reste en Allemagne exceptionnelle. Ce fut le cas lorsque le gouvernement fédéral demanda en 2004 d'extraire les montures et verres optiques du remboursement par les caisses d'assurance maladie.

* 559 Actuellement, le taux de cotisation s'élève à 14,6 % du revenu de l'assuré, dont 7,3 % à la charge de l'assuré et 7,3 % à la charge de l'employeur ou de la caisse de retraite.

* 560 Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, 2015.

* 561 Drees, « Comparaisons internationales de la dépense courante de santé en 2021 et 2022 », Les dépenses de santé en 2022. Résultats des comptes de la santé, édition 2023.

* 562 Source : Drees, « Comparaisons internationales de la dépense courante de santé en 2021 et 2022 », Les dépenses de santé en 2022. Résultats des comptes de la santé, édition 2023.

* 563 Audrey Lafon et Alexis Montaut, « La place de l'assurance maladie privée dans six pays européens », Les dossiers de la Drees, n° 19, juin 2017.

* 564 Valérie Paris, « La couverture santé dans les pays de l'OCDE », Les tribunes de la santé, n° 65, 2020.

* 565 Drees, « Comparaisons internationales de la dépense courante de santé en 2021 et 2022 », Les dépenses de santé en 2022. Résultats des comptes de la santé, édition 2023.

* 566 Source : ambassade de France en Espagne.

* 567 Audrey Lafon et Alexis Montaut, « La place de l'assurance maladie privée dans six pays européens », Les dossiers de la Drees, n° 19, juin 2017.

* 568 Audrey Lafon et Alexis Montaut, « La place de l'assurance maladie privée dans six pays européens », Les dossiers de la Drees, n° 19, juin 2017.

* 569 Consultations chez le généraliste, soins maternité.

* 570 Source : note de la division de la législation comparée du Sénat.

* 571 Sur la période 2023-2024, 1,3 million d'assurés (soit 7,4 %) ont changé de compagnie d'assurance maladie.

* 572 Sous réserve de conditions d'âge (avoir 18 ans ou plus) et de revenu (revenu brut mensuel inférieur à 37 496 euros pour une personne seule, 47 368 euros pour un couple) auxquelles s'ajoute une exigence relative à la valeur du patrimoine possédé.

* 573 Aux personnes atteintes d'un handicap sous certaines conditions, aux titulaires de pensions non contributives, aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles ainsi qu'aux chômeurs ayant épuisé leurs droits aux allocations chômage.

* 574 Revenus annuels supérieurs à 100 000 euros : 60 % ; compris entre 18 000 et 100 000 euros : 50 % ; inférieurs à 18 000 euros : 40 %. La participation est de 10 % pour les titulaires de pensions et les ayants droit dont les revenus sont inférieurs à 100 000 euros (60 % au-dessus de 100 000 euros).

* 575 Selon le site du ministère fédéral de la santé, le calcul de la limite de charge intègre « les suppléments et les revenus bruts des membres vivants du ménage » ; « pour chaque membre de la famille est pris en compte un abattement qui est déduit du revenu brut de la famille ».

* 576 Le site du ministère fédéral de la santé avertit les assurés éligibles à la « limite de charge » qu'ils ne seront pas prévenus automatiquement par leur caisse d'assurance maladie dès qu'ils auront atteint ce seuil et qu'il leur appartient en conséquence de « garder un oeil attentif sur [leurs] suppléments et conserver les reçus » afin de demander le moment venu à leur caisse une dispense de paiement.

* 577 Cour des comptes, Les complémentaires santé : un système très protecteur mais peu efficient, 2021.

* 578 Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, 2015.

* 579 Audrey Lafon et Alexis Montaut, « La place de l'assurance maladie privée dans six pays européens », Les dossiers de la Drees, n° 19, juin 2017.

* 580 Une offre : 23 % des répondants ; deux offres : 13 % ; trois offres : 14,6 % ; cinq offres et plus : 17 % ; « je l'ignore » : 30 %.

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