EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 26 JUIN 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons le rapport de Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire consacré à l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Mes chers collègues, face aux inquiétantes dérives constatées ces derniers mois, la commission de la culture nous a confié la délicate mais passionnante mission de dresser un état des lieux de la diffusion de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur et de la réponse qui lui est apportée par les pouvoirs publics, dont nous allons vous présenter aujourd'hui les conclusions.

Permettez-moi de désamorcer à titre liminaire les critiques qui pourraient être adressées à la commission quant au calendrier retenu. Nous sommes aujourd'hui devant vous pour vous présenter notre rapport à la date qui a été fixée dès le début de nos travaux, en tenant compte de la dégradation et de l'urgence de la situation. Il ne s'agit donc aucunement d'attiser les polémiques qui se succèdent à l'approche du premier tour des élections législatives : notre objectif est de définir avant l'été, face au risque de la banalisation de l'expression antisémite dans les enceintes universitaires et à la souffrance des étudiants victimes, un plan d'action qui puisse être mis en oeuvre dès la prochaine rentrée universitaire.

Nous avons en conséquence travaillé très vite et rencontré en deux mois plus de soixante acteurs de premier plan de la lutte contre l'antisémitisme, lesquels nous ont livré leurs analyses et leurs préconisations au cours d'échanges souvent stimulants et parfois inquiétants. Plusieurs d'entre vous ont ainsi eu l'occasion d'entendre à nos côtés les points de vue de présidents d'établissement aux approches très différentes, de représentants des associations antiracistes et mémorielles, des pouvoirs publics, y compris le ministère de la Justice, des étudiants de différentes filières, et enfin de grands témoins tels que Delphine Horvilleur ou le grand rabbin de France.

Ces auditions nous ont permis de formuler onze propositions, qui s'inscrivent, de manière opérationnelle, dans le cadre des principes de l'autonomie des établissements et de la liberté académique.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Au terme de nos travaux, nous dressons un constat malheureusement très inquiétant quant au climat d'antisémitisme qui se diffuse dans de nombreux établissements depuis le 7 octobre dernier.

Pour de nombreux étudiants, la sauvagerie et la brutalité des attaques terroristes du 7 octobre et la réponse militaire qui se déploie à Gaza font partie de leurs premières expositions aux terribles réalités d'un conflit international. Les mobilisations qui en ont découlé, centrées sur une remise en cause parfois radicale de la politique du gouvernement israélien, ont donné lieu à d'insupportables dérapages reposant sur l'assignation d'étudiants juifs à Israël, réactivant la sinistre mécanique de l'essentialisation et de l'ostracisation qui se trouve au fondement de l'antisémitisme.

Les événements du 7 octobre ont ainsi agi comme le révélateur cruel de la permanence, au coeur de l'Université, d'un antisémitisme latent : loin d'avoir disparu des enceintes universitaires, la plus ancienne des hostilités identitaires tire aujourd'hui une nouvelle force de sa légitimation idéologique par le conflit en cours, et connaît une puissante résurgence. Au-delà d'agissements isolés et sporadiques, qui n'ont jamais totalement cessé et qui sont souvent le fait de sympathisants de l'ultradroite, cette réactivation de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur s'inscrit aujourd'hui dans une nouvelle dynamique collective, attisée par une idéologie qui relève désormais également de l'extrême gauche de l'échiquier politique.

Si ce changement d'échelle de l'expression antisémite est insupportable dans l'ensemble de la société, il est particulièrement choquant à l'Université : alors que celle-ci devrait être le lieu du débat et de l'ouverture humaniste permettant le dépassement des préjugés, elle devient le centre des affrontements et le symbole de l'impossibilité du dialogue. Ce phénomène doit être combattu avec la plus grande fermeté, car les enjeux politiques ne doivent pas masquer cette réalité inadmissible au sein de notre République : depuis le 7 octobre, une catégorie d'étudiants a peur de se rendre à l'université - et il est à craindre, si rien n'est fait rapidement, que le phénomène d'évitement de certains établissements publics constatés dans l'enseignement secondaire s'étende bientôt à l'enseignement supérieur.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Ces observations générales sont appuyées sur trois séries de constats étayées, dans notre rapport, par de nombreux exemples tirés de nos auditions.

Nous relevons tout d'abord une importante sous-évaluation de la réalité de l'antisémitisme dans le supérieur. Si le nombre des actes antisémites recensés reste faible en valeur absolue - 67 entre le 7 octobre et le 10 avril d'après France Universités -, le phénomène ne saurait pour autant être considéré comme résiduel. Le fort décalage entre ces chiffres et les résultats de l'étude de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) de septembre 2023, selon laquelle neuf étudiants juifs sur dix ont déjà été confrontés à un acte antisémite, incite en effet à la prudence. La commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) évoque à ce propos un « chiffre noir » de l'antisémitisme, qui résulte d'un phénomène massif de sous-déclaration commun à l'ensemble des atteintes à caractère raciste et discriminatoire, tandis que la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) a estimé devant nous que ces chiffres sont « probablement sous-estimés ».

Plusieurs facteurs contribuent à cette sous-estimation. Au silence des victimes et des témoins, souvent par peur des représailles, s'ajoute la tentation du « pas de vagues » dans les établissements. Les actes survenant dans des contextes péri-universitaires tels que les soirées étudiantes, les lieux de stage ou les messageries en ligne constituent par ailleurs des zones grises.

Surtout, les présidents d'établissement se sentent démunis pour procéder à la qualification juridique de certains actes, et notamment, dans le contexte des mobilisations étudiantes, pour distinguer entre la critique politique légitime du gouvernement israélien, protégée par la liberté d'expression, et les déclarations antisémites constitutives de délits sanctionnés par le droit pénal. Du fait de l'ambiguïté et du caractère amalgamant du terme, ces difficultés portent notamment sur les prises de position « antisionistes » ; certains slogans utilisés lors des occupations de campus ainsi que l'utilisation du symbole des mains rouges ont également suscité de fortes réserves. Plusieurs dirigeants ont dès lors regretté de se sentir pris en étau entre deux accusations opposées : celle de criminaliser l'action politique et celle de ne pas assurer le respect des principes républicains fondamentaux.

Les faits qui nous ont été rapportés témoignent malheureusement d'une forte vivacité des agissements antisémites dans les établissements, allant du tag anonyme à l'agression physique, comme ce fut le cas à Strasbourg en janvier dernier. Nous avons également été alertés sur des situations de harcèlement et d'ostracisation d'étudiants juifs, passant par des bousculades répétées dans les couloirs, des changements de place dans les amphithéâtres, la répétition de blagues reposant sur des clichés antisémites ou encore l'isolement de certains étudiants à l'heure de constituer des groupes de travail. Ces actes, qui prennent la forme diffuse d'un « antisémitisme d'atmosphère », sont d'autant plus insidieux qu'ils sont difficiles à repérer et à caractériser.

Le combat doit tout d'abord passer, comme toujours en matière de politiques publiques, par une objectivation du phénomène et par une détection systématique des agissements antisémites. Or, lorsque nous avons interrogé les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Justice sur l'évolution de leur nombre au cours des dernières années, nous avons eu la surprise de constater que ces données n'existaient tout simplement pas pour la période précédant le 7 octobre dernier, faute d'un système de signalement et de suivi statistique suffisamment robuste.

Nous relevons à ce titre que, en dépit de l'engagement et de l'implication des référents racisme et antisémitisme, le dispositif de signalement des établissements souffre de plusieurs faiblesses structurelles : une absence de base législative consolidée et un déploiement laissé au libre choix des établissements, d'une part ; une insuffisante identification par la communauté étudiante et un déficit de confiance de la part des victimes et des témoins, d'autre part.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - En ce qui concerne ce premier axe de constats, nous recommandons tout d'abord de revoir le cadre de fonctionnement des dispositifs de signalement, afin de renforcer leur visibilité, de mieux définir les obligations incombant aux établissements et de lever les obstacles à la prise de parole des victimes et des témoins. Il pourra ici être tiré parti des avancées accomplies dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), notamment en ce qui concerne les dispositifs d'écoute. Ce premier ensemble de recommandations, qui relève pour partie du domaine législatif, fera l'objet d'une proposition de loi présentée à l'automne.

Nous recommandons également aux établissements de généraliser le système des vice-présidences dédiées aux sujets d'égalité et de discriminations, qui semble très efficace pour en assurer le portage politique.

Nous recommandons enfin, pour répondre aux difficultés de qualification des faits d'antisémitisme, d'actualiser les ressources juridiques diffusées aux établissements pour les adapter aux nouvelles formes prises par l'expression antisémite, notamment lors des récentes mobilisations sur la situation à Gaza, et de diffuser plus largement la définition opérationnelle de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), ainsi que le recommandait d'ailleurs une résolution du Sénat du 5 octobre 2021, adoptée à l'initiative de nos collègues Bruno Retailleau et Hervé Marseille.

Nous nous sommes ensuite penchés sur la manière de prévenir les dérives. La bonne démarche doit selon nous passer par la réaffirmation des missions fondamentales de l'université. Au coeur de ces dernières, nous trouvons d'une part la déconstruction de la mécanique raciste et antisémite par la diffusion des savoirs, d'autre part la préservation de la culture du débat et de la controverse, qui ne saurait constituer un prétexte à l'expression de propos de haine. Il s'agit ainsi de réarmer les esprits face à la confusion généralisée des valeurs et des savoirs qui fait le lit de l'antisémitisme.

La diffusion des savoirs doit à nos yeux être assurée par la systématisation de la formation et de la sensibilisation de tous les acteurs. Nous relevons à cet égard que le format des événements facultatifs en accès libre ne permet pas de toucher les publics auxquels ils sont prioritairement destinés. Nous préconisons en conséquence de rendre obligatoires, en dehors du temps des enseignements proprement dits, un certain nombre de formations. Ces formations interviendraient notamment lors de la première entrée dans l'enseignement supérieur, avant toute participation à certains événements de la vie étudiante, comme les soirées d'intégration, ou encore lors des demandes d'agrément présentées par les associations, dont la délivrance serait toujours subordonnée au suivi de cette sensibilisation. À l'image du travail accompli au cours des dernières années dans le champ des VSS, il s'agit de développer une acculturation de la communauté universitaire à la lutte contre l'antisémitisme.

Nous préconisons également de nous appuyer davantage sur les moyens de l'enseignement et de la recherche pour déconstruire les stéréotypes antisémites. Les départements d'études juives et hébraïques doivent à ce titre être sanctuarisés. Nous pourrions également nous appuyer sur une nouvelle structure publique de recherche et de formation interuniversitaire dédiée à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, sur le modèle de l'Institut d'étude des religions et de la laïcité (Irel), qui, je le rappelle, a été créé en 2002 dans le contexte du débat sur l'enseignement du fait religieux. La lutte contre l'antisémitisme pourrait enfin être intégrée dans les cursus de formation par un renforcement du bonus étudiant, compatible avec les libertés académiques.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Les acteurs de l'université doivent également se mobiliser pour défendre la culture du débat, qui a été mise à mal au cours des derniers mois. Lorsque les possibilités du dialogue ont été épuisées, cette défense peut passer par une limitation temporaire et proportionnée des libertés d'expression et de réunion des étudiants, voire par le déclenchement de l'intervention des forces de l'ordre, dans le respect des franchises universitaires, ainsi que le cadre législatif et réglementaire le permet pour protéger l'ordre public et le bon fonctionnement des universités. Nous estimons que les présidents d'établissement ne doivent pas hésiter à interdire préventivement certains débats qui n'en sont pas.

Le troisième et dernier axe de réponse réside dans la systématisation, à chaque fois qu'elles sont possibles et pertinentes, des poursuites et des sanctions contre les auteurs d'agissements antisémites, en incluant des mesures de responsabilisation particulièrement adaptées aux profils étudiants.

Nous constatons à cet égard une forte diversité des approches des présidents d'établissement en matière répressive, illustrée par l'existence d'un débat sur la possibilité ou non d'engager des procédures pour les faits d'antisémitisme se déroulant dans la sphère privée. Nous considérons quant à nous, à l'instar de certains présidents, que l'impossibilité de poursuivre n'existe pas et que l'arsenal législatif et réglementaire à leur disposition est plus que suffisant pour assurer la sanction de tels agissements.

Nous relevons également que les signalements répétés au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, lorsqu'ils ne sont pas accompagnés de l'engagement concomitant d'une procédure disciplinaire, constituent un moyen pour certains chefs d'établissement de se défausser de leurs obligations, dans l'attente du verdict hypothétique et lointain de la justice. Nous estimons que la voie disciplinaire doit constituer le mode prioritaire de sanction des agissements antisémites dans les établissements, de manière parallèle à l'engagement de poursuites judiciaires, qui s'inscrivent dans le temps long. Rappelons cette évidence : les actes antisémites doivent être sanctionnés avant que leurs auteurs aient quitté les établissements. Dans l'attente des décisions disciplinaires, le président a par ailleurs la possibilité de prendre des mesures conservatoires permettant d'assurer la protection des victimes, comme l'exclusion temporaire des auteurs de ces actes.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Nous avons cependant conscience des limites des commissions disciplinaires, historiquement construites pour régler les cas de fraude académique et dont le régime doit aujourd'hui être adapté aux actes de violence et de haine survenant dans les établissements - c'est l'objet de notre dixième et avant-dernière proposition.

Enfin, une coopération entre les établissements et les parquets reste à créer ; nous préconisons en ce sens la généralisation de conventions de partenariat entre les établissements et les parquets locaux, qui va dans le sens de l'autonomie des établissements.

Nous appelons en somme à une mobilisation plus ferme des responsables d'établissement, en lien avec les rectorats académiques, qui sont les relais de la politique de « tolérance zéro » portée par la ministre et qui peuvent intervenir en cas de carence des établissements.

Mes chers collègues, nous n'aurions jamais pensé devoir vous soumettre un tel rapport en 2024. Nous le disons avec force : la gravité de la situation appelle un sursaut de la part de tous les acteurs de l'enseignement supérieur. Certes, la ministre a su prendre la mesure de la situation et déployer quelques mesures d'urgence, mais il reste à ancrer durablement la lutte contre l'antisémitisme au coeur des règles et des pratiques des établissements. Face au risque de l'enracinement de l'antisémitisme dans les nouveaux clivages idéologiques qui se font jour à l'Université, un message de fermeté absolue doit être passé pour permettre à tous les étudiants d'apprendre dans de bonnes conditions, et plus généralement pour redonner des repères républicains à l'ensemble de la communauté universitaire.

M. Max Brisson. - Je tiens à féliciter et à remercier Bernard Fialaire et Pierre-Antoine Levi, qui ont très bien décrit, dans ce rapport détaillé et argumenté, réalisé dans des délais contraints, l'antisémitisme d'atmosphère qui gangrène notre Université.

J'ai assisté à de nombreuses auditions de la mission, au cours desquelles j'ai ressenti différentes émotions : de la honte d'abord, en constatant le sentiment de peur qui anime de nombreux étudiants juifs français ; de la gêne ensuite, face à l'impuissance des dirigeants universitaires à détecter et à sanctionner cet antisémitisme, ou à accompagner les victimes ; de la gêne, encore, en raison de l'attitude de retrait du ministère face à ce phénomène, au nom d'une bien arrangeante autonomie des universités ; de l'inquiétude enfin quant à la sous-estimation des actes antisémites, dont certains considèrent qu'ils sont très peu nombreux ou qu'ils constituent des signaux faibles - il est révélateur que quelques personnes auditionnées se soient offusquées de questions pourtant très pertinentes.

J'avoue que je ne sais comment réagir lorsque j'entends les explications douteuses de ceux qui invoquent l'excuse de juvénilité des auteurs ou herchent à inscrire ces actes dans une approche globalisante de lutte contre toutes les discriminations - comme si cela relevait de la même problématique, comme si l'antisémitisme ne revêtait pas un caractère singulier !

Je suis inquiet de voir s'affaiblir, là où elle devrait au contraire être enseignée et défendue, la spécificité française qui tient au lien charnel et historique entre la République universelle et le judaïsme français. Cette exception est aujourd'hui menacée. Certes, l'antisémitisme n'est pas nouveau, mais durant nos auditions, peu de personnes ont mis des mots clairs sur ses ressorts et sur ses motivations, comme s'il existait un malaise, sinon un refus de comprendre les nouveaux moteurs de l'antisémitisme. Les mots « wokisme » et « islamisme » n'ont été que très rarement prononcés.

Si le conflit israélo-palestinien a fait ressurgir les vieux stéréotypes latents sur le cosmopolitisme, la double allégeance, l'argent ou encore le pouvoir, force est de constater qu'il agit comme une caisse de résonance de nouveaux ressorts de l'antisémitisme dans notre pays. Je pense notamment au phénomène de l'essentialisation, qui assigne l'étudiant juif à ses seules origines réelles ou supposées. Le conflit est aussi la caisse de résonance d'un antisémitisme qui n'a rien de nouveau, celui qui est porté par l'islamisme et ses formes les plus totalitaires. Je regrette que le rapport demeure bien discret sur ce point ô combien important.

Le combat contre l'antisémitisme dépasse les seuls Juifs de France : il s'agit d'un combat politique pour préserver l'universalisme républicain.

Comment faire face à cette situation ? Tel est l'objet de ce rapport, qui permet d'ébaucher des éléments de réponse appréciables.

Comme nos rapporteurs, je suis convaincu qu'il est nécessaire d'harmoniser les systèmes de détection et d'en finir avec la sous-estimation : il convient de définir des procédures nationales pour recenser les actes antisémites, les traiter et accompagner les victimes. C'est l'objet des recommandations de l'axe n° 1, qui me semblent indispensables, quitte à remettre en question parfois une autonomie universitaire dans laquelle se drapent facilement ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas agir, préférant le « pas de vagues ».

Je suis en revanche plus circonspect sur les recommandations de la deuxième partie. Certes, il est nécessaire de sensibiliser les étudiants, de former les cadres et les référents ; les recommandations vont à cet égard dans le bon sens. Mais nos rapporteurs butent - je les comprends - sur la question sensible de l'autonomie des universités. Celle-ci n'a pas toujours existé ; ceux qui la défendent aujourd'hui l'ont parfois combattue hier ! Cette autonomie pose la question des missions que la nation est en droit d'assigner à son Université, comme elle le fit dans le passé pour diffuser l'universalisme de la Révolution française, puis les principes de la République. Oui, l'université doit réarmer les esprits, sans rechigner au nom du relativisme !

Enfin, je soutiens les préconisations sur la refonte des procédures disciplinaires dans l'enseignement supérieur. Le renvoi aux instances judiciaires sans mesures disciplinaires internes sonne souvent comme une manière de se défausser. Comme nos rapporteurs, je crois qu'il est indispensable de conforter les sanctions et d'assurer leur mise en oeuvre rapide. De même, la justice doit informer les instances académiques. L'heure n'est plus au débat, mais à l'action !

Je terminerai sur une note d'espoir. La table ronde qui a réuni les représentants du judaïsme français nous a permis de rencontrer des responsables d'une grande dignité, conscients de leur rôle dans l'histoire dont ils sont les héritiers, et convaincus que leur combat n'est pas uniquement celui de la communauté cultuelle et culturelle qu'ils administrent, mais celui de la seule communauté qu'ils reconnaissent, comme nous l'a rappelé le grand rabbin de France : la communauté nationale. Voilà des propos rassurants pour la pérennité des principes et des valeurs de notre République.

Les élus du groupe Les Républicains partagent la plupart des recommandations formulées et forment le voeu qu'elles puissent se matérialiser au plus vite dans une action globale et concrète. Nous voterons pour l'adoption de ce rapport.

M. Pierre Ouzoulias. - Je salue le travail des rapporteurs. L'antijudaïsme n'est pas un racisme comme les autres. Il dure depuis deux mille ans. Sa résurgence aujourd'hui me fait éprouver la même honte que celle qu'a ressentie Max Brisson. Il est insupportable d'imaginer que, quatre-vingts ans après la Shoah, nous devons encore lutter contre l'antisémitisme. Certaines choses dépassent l'entendement. Même si un seul étudiant juif était victime d'antisémitisme, cela serait déjà insupportable. Malheureusement, ce n'est pas le cas...

Je tiens à témoigner ma totale solidarité avec mes frères et mes soeurs en humanité qui sont soumis à une nouvelle forme de persécution. La résurgence de l'antisémitisme est évidente, à l'extrême droite comme à l'extrême gauche, ou même à gauche. Ce n'est malheureusement pas une nouveauté : souvenez-vous des réactions politiques dans une certaine gauche lors des attentats de Munich de 1973 !

Le travail des rapporteurs était complexe : il est difficile de fournir des chiffres et des faits sur des phénomènes parfois difficilement perceptibles. Je tiens à les remercier pour la qualité de leur travail, par lequel ils ont essayé d'objectiver au maximum ces éléments, et je soutiens l'essentiel de leurs préconisations.

L'universitaire que j'ai été ne comprend pas comment, dans l'Université, le temple de la raison et de l'humanisme, on peut encore entendre des réactions si fortement antisémites. J'ai d'ailleurs eu du mal à l'admettre : c'est en participant à des débats avec des institutions juives que j'ai saisi l'ampleur du phénomène.

L'école n'a pas joué tout son rôle. Certes, elle doit apprendre à lire, à écrire et à compter, mais elle doit aussi transmettre une morale républicaine, sensibiliser à l'antijudaïsme tel qu'il existe depuis deux mille ans. Cette dimension manque actuellement ; elle est pourtant fondamentale. Il faut repasser par la voie de la connaissance.

J'approuve les recommandations de nos rapporteurs relatives à la rénovation du régime des sanctions ainsi que leurs préconisations pour sauver les études juives, qui sont malheureusement de moins en moins enseignées à l'université. Il est nécessaire de se doter d'un plan national pour relancer ces études et celles sur l'antisémitisme.

Vous avez utilisé deux fois le mot « déconstruction ». Je ne l'aurais pas utilisé, car une certaine philosophie de la déconstruction réduit les individus à leur identité supposée.

Je reste attaché à l'Université et à son universalisme. Nous devons continuer à combattre toutes les formes d'arbitraire, en utilisant toutes les libertés académiques et d'expression. Il est essentiel que les universités puissent organiser en leur sein des débats rationnels et respectueux de toutes les idées, sans ostracisme ni exclusion.

Enfin, en ce qui concerne la définition de l'antisémitisme, je pense qu'il serait plus utile de s'appuyer sur la déclaration de Jérusalem de 2020, qui a complété et amplifié la première définition de l'IHRA sur la question du sionisme.

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K) soutiendra l'adoption de ce rapport.

M. David Ros. - Je remercie nos deux rapporteurs, qui ont réalisé un travail remarquable dans un contexte difficile, marqué par des tensions permanentes dans la société. Leur tâche n'était pas facile, car la ligne de crête était étroite : ils ont su dire les choses clairement, sans tomber dans une politisation excessive.

Je voudrais d'abord répondre à Max Brisson. L'antisémitisme ne gangrène pas uniquement l'Université : il concerne toute la société. L'Université, qui accueille de nombreux jeunes adultes, est un révélateur. Les faits ignobles survenus à Courbevoie montrent que l'antisémitisme peut se manifester avant même l'âge de la majorité, sous des formes odieuses. Ce rapport sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur doit ainsi être mis en perspective avec ce qui se passe dans toute la société.

J'ai apprécié ce qu'ont dit les rapporteurs, avec une réserve sur un point : Pierre-Antoine Levi a évoqué la nécessité de réarmer les esprits, mais, dans une société où la violence est déjà souvent encouragée par les uns comme par les autres, y compris d'ailleurs par le Président de la République, il me semble préférable de parler de la nécessité d'éclairer les esprits.

La déconstruction, comme le wokisme, n'est pas forcément négative d'un point de vue philosophique. Lorsqu'il joue avec ses briques de Lego, un enfant apprend en déconstruisant, puis en reconstruisant. La question est donc plutôt de savoir comment on peut reconstruire. C'est bien ce qu'ont fait nos rapporteurs, et leur rapport est appréciable de ce point de vue.

Ils évoquent le dépôt d'une proposition de loi à l'automne : il serait dommage que son contenu se limite à ce qui figure dans la recommandation n° 1, car d'autres éléments mériteraient d'y être intégrés.

Je n'ai pas de remarque sur la recommandation n° 2.

Dans la recommandation n° 3, qui vise à actualiser les ressources juridiques face aux nouvelles formes de l'antisémitisme, l'accent devrait être mis sur le rôle des réseaux sociaux, où la violence antisémite est particulièrement virulente. Les jeunes les utilisent beaucoup, et les chefs d'établissement sont désarmés face à ce phénomène. La recommandation mériterait donc d'être développée. Il faudrait en revanche supprimer l'expression « notamment lors des récentes mobilisations propalestiniennes » : si des actes antisémites ont pu se produire à ces occasions, il ne semble pas opportun de conserver cette rédaction si l'on veut préparer la suite et, comme l'on dit couramment, « servir la cause ».

La recommandation n° 4, sur la définition de l'antisémitisme, ne va pas assez loin. Il serait dommage de se contenter d'une diffusion « à titre pédagogique » : on ne sait pas trop ce que cela signifie. Il faudrait des actes plus forts.

J'en viens à l'axe n° 2 sur la prévention des dérives. Instaurer une sensibilisation à l'antisémitisme dès l'entrée à l'université est une excellente idée. Ne faudrait-il pas d'ailleurs prévoir, au moment du baccalauréat, une épreuve sur les valeurs républicaines, parmi lesquelles figurerait la lutte contre l'antisémitisme ? C'est un élément important dans la formation des citoyens.

Je suis cependant choqué par l'idée, formulée à la recommandation n° 8, d'un « bonus étudiant » pour la lutte contre l'antisémitisme. Certes, dans une démarche d'éducation positive, il est préférable de parler de bonus que de malus, mais un bonus est une récompense pour un effort. La lutte contre l'antisémitisme doit être naturelle.

La recommandation n° 10 sur les procédures disciplinaires et les pouvoirs d'investigation mériterait d'être précisée. Les chefs d'établissement ont de plus en plus de responsabilités. Seront-ils assistés par des référents externes pour effectuer ce travail ? Celui-ci est nécessaire, mais il n'est pas facile à réaliser avec les moyens dont disposent les universités.

Enfin, la recommandation n° 11, relative à l'instauration de conventions de partenariat entre les universités et les parquets, correspond à une demande de France Universités et me semble excellente.

Malgré quelques réserves sur le vocabulaire, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ce rapport.

Mme Monique de Marco. - Je tiens à saluer la création de cette mission d'information sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. L'exercice était difficile : les délais étaient contraints et le contexte tendu.

La recrudescence du nombre d'actes antisémites mise en évidence par ce rapport doit être fermement condamnée. Dans les établissements d'enseignement supérieur, ces actes pourraient s'avérer trois ou quatre fois plus nombreux que l'année précédente, sachant qu'il est difficile d'obtenir des chiffres précis, car tous les faits ne sont pas recensés. Nous regrettons que les établissements de l'enseignement supérieur n'aient pas été épargnés par ce mouvement, que l'on observe aujourd'hui dans toute la société, y compris hors de France.

Cette situation appelle une réponse ferme et claire. Les travaux de la mission ont permis de mesurer la réaction des présidents d'université face à ces tendances inquiétantes. Je tiens à saluer leur engagement contre l'antisémitisme et en faveur de la pacification de la vie étudiante et du respect des libertés académiques.

Pour sécuriser l'ensemble des usagers de l'enseignement supérieur, il faut que la liberté d'expression soit garantie, que des moyens spécifiques soient alloués au recrutement de référents antisémitisme et racisme, et que des actions de sensibilisation et de formation à la prévention de l'antisémitisme soient menées auprès de l'ensemble des parties prenantes de la vie étudiante. Cette sensibilisation doit être généralisée au sein de l'Université ; il conviendrait même de la développer au sein des lycées ou des collèges.

Durant les auditions, les chefs d'établissement ont souligné les limites de leurs prérogatives en matière de transmission pénale et de sanctions disciplinaires dans le cas des dégradations antisémites anonymes, telles que des tags, qui ne donnent lieu à aucune poursuite, ou dans le cas d'insultes et d'incitations à la haine proférées lors d'événements, lorsque les enquêtes administratives n'ont pas permis d'identifier les auteurs des faits. Les auditions ont également permis de souligner les limites des moyens dont disposent les présidents d'université, dans le contexte actuel de forte politisation.

Je tiens à souligner la qualité des travaux des rapporteurs. J'insiste sur l'accompagnement des victimes d'antisémitisme. Il conviendrait de s'inspirer des avancées faites en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles par l'institutionnalisation, au sein des établissements, d'associations extérieures spécialisées dans l'accueil et l'accompagnement des victimes. Il importe également de renforcer la formation des équipes universitaires aux enjeux de la lutte contre l'antisémitisme et le racisme.

En ce qui concerne la recommandation n° 4 et la tentation d'étendre la définition de l'antisémitisme à l'antisionisme, on peut exprimer quelques réserves sur le fait que l'on s'appuie sur la définition de l'IHRA.

Un autre point de vigilance concerne les recommandations nos 1 et 5 sur le recensement des faits d'antisémitisme dans les établissements : si chaque établissement doit produire des statistiques, le risque est de dévaloriser ceux qui feront correctement ce travail de recueil et de transmission des actes antisémites. C'est un biais bien connu en matière de statistiques.

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires approuvera, bien sûr, l'ensemble des recommandations.

Mme Annick Billon. - Je félicite à mon tour les rapporteurs pour ce travail nécessaire. Il faut combattre l'antisémitisme sous toutes ses formes et avec tous les outils à notre disposition.

Pour revenir sur l'intervention de David Ros, je rappelle que l'objet du rapport est l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, et non l'antisémitisme dans la sphère publique ! Les rapporteurs ont suivi la feuille de route de la mission d'information.

Il n'est pas possible de rédiger un rapport sur l'enseignement supérieur sans prendre en compte l'actualité. Je remercie les rapporteurs d'avoir mis en lumière certains événements, car, à force d'ignorer les choses, en refusant par exemple les statistiques par établissement, les problèmes ne sont pas nommés. Regardons le sujet en face ! Il nous faut disposer de remontées précises pour nous attaquer efficacement au problème. Je vous sais gré, messieurs les rapporteurs, d'avoir parlé d'un antisémitisme d'atmosphère.

J'envisage ce rapport comme une première pierre dans l'optique de la proposition de loi que vous suggérez de déposer à l'automne prochain. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette réponse législative ?

À partir de vos auditions, pouvez-vous préciser le rôle qu'ont joué les associations dans la montée de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, elles qui reçoivent des aides financières ? Je pense à leur statut et à l'occupation de locaux. Quels dispositifs avez-vous imaginés pour les sanctionner ?

Certaines de vos propositions paraissent évidentes, mais il vaut mieux les formuler ! Il faut bien sûr travailler à la prévention et donner un cadre législatif et réglementaire afin que les réponses apportées soient identiques dans l'ensemble des établissements.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de l'adoption des propositions.

Mme Sabine Drexler. - Je remercie également les rapporteurs pour ce travail aussi essentiel que difficile.

Voilà encore un an, j'aurais qualifié le sujet de « préoccupant ». Désormais, la simple préoccupation est dépassée, même si mon inquiétude est sûrement bien moindre que celle des nombreuses familles juives enracinées dans ma région depuis des siècles, qui craignent pour leurs enfants. Cette inquiétude m'oblige à affirmer ce matin qu'il est impératif de ne tolérer aucune manifestation à caractère antisémite, dans l'enseignement supérieur comme ailleurs.

Les universités jouent un rôle essentiel dans la promotion de la cohésion sociale au sein de notre pays, contribuant à ce que chaque communauté vive en France et y étudie en sécurité, avec dignité. Dans ces lieux dédiés à la recherche de la vérité, à la promotion de la justice et au respect des droits humains, tous les étudiants, indépendamment de leur origine ethnique, religieuse ou culturelle, doivent se sentir respectés.

Alors que l'enseignement supérieur et ses valeurs devraient jouer un rôle clé pour la France et pour des jeunes qui, dès la fin de leur cursus, auront à s'insérer dans des sociétés pluralistes et mondialisées, mais aussi à relever et à porter notre pays, l'antisémitisme est malheureusement redevenu un sujet. Celui-ci crée un climat de peur et d'exclusion, qui affecte le bien-être psychologique déjà mal en point de ces étudiants, donc leur réussite. Comme nous le voyons avec l'exportation et l'instrumentalisation du conflit qui oppose Israël au Hamas, toutes les formes de haine conduisent à la violence et à la radicalisation de notre société tout entière.

Les rapporteurs de la mission d'information proposent ni plus ni moins que de mettre la France au niveau. Dans de nombreux pays déjà, la discrimination et les discours de haine, antisémitisme compris, sont illégaux. En Allemagne, au Canada ou en Belgique, les institutions d'enseignement supérieur ont la responsabilité légale de protéger leurs membres contre de tels comportements. Le non-respect de ces obligations entraîne des sanctions juridiques et des pertes de financements publics et privés. Ne rien laisser passer est une condition indispensable à la crédibilité des institutions éducatives françaises !

Pour ces raisons, il est impératif que les universités adoptent des politiques claires, éducatives et éventuellement punitives, pour prévenir et pour combattre toute forme d'antisémitisme sur leur campus. Les onze préconisations qui viennent d'être présentées vont dans ce sens. J'espère qu'elles pourront être mises en oeuvre rapidement.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Ce rapport a été difficile à rédiger dans le contexte actuel. Malgré la dissolution de l'Assemblée nationale, nous avons tenu à le présenter, car l'objectif est que nos préconisations soient mises en oeuvre dès la rentrée universitaire.

Pour répondre à M. Brisson, le lien entre République et judaïsme a été pris en compte : nous proposons de le préserver en sanctuarisant les départements d'études hébraïques, présents dans de nombreuses universités, mais à l'abandon, les étudiants étant de moins en moins nombreux à s'y rendre - quand ils ne craignent pas de le faire. Quant à étudier les liens entre l'antisémitisme et le wokisme, cela supposerait de travailler d'abord cette dernière notion dans un nouveau rapport, mais il ne s'agirait vraisemblablement pas d'une mission flash...

Nous avons en effet buté sur l'autonomie des universités, qui peuvent mettre en oeuvre nos incitations sans que nous puissions le leur imposer. C'est pourquoi nous proposons de traduire plusieurs de nos préconisations dans une proposition de loi à construire avec les présidents d'université et les services ministériels. Les universités sont autonomes mais font partie de la République ; elles doivent à ce titre prendre des dispositions à la mesure de la situation, à commencer par le signalement de toutes les dérives. L'augmentation du nombre des signalements reflètera la meilleure prise en compte du phénomène par les présidents d'université et par les autorités.

En ce qui concerne la définition de l'antisémitisme, nous avons travaillé à partir de celle de l'IHRA parce qu'elle est mieux identifiée par les acteurs ; mais il est tout à fait possible de recourir également à la déclaration de Jérusalem.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Pour revenir sur le contexte de la mission d'information, le RDSE souhaitait une large réflexion sur la laïcité dans l'enseignement supérieur. Je vais citer Camus : notre groupe, comme « chaque génération », s'est cru « voué à refaire le monde », mais il a compris, à la suite des événements du 7 octobre dernier, qu'il fallait plutôt « empêcher que le monde ne se défasse ». Cette date a été l'occasion de prises de conscience. Le ministère a déjà réagi, au travers de deux circulaires et d'un recensement d'actes donnant lieu à poursuite.

Nous avons découvert l'existence d'un antisémitisme d'atmosphère, contre lequel il est très difficile de lutter en l'absence d'auteurs et d'actes bien identifiés. Si l'antisémitisme est déjà interdit par la loi en France, cet antisémitisme d'atmosphère est par définition impalpable.

Les propositions de notre mission flash visent à rappeler la nécessité pour les présidents d'université de recourir aux nombreux outils existants. La liberté académique n'est pas la liberté de faire n'importe quoi ! Il faut préserver la liberté d'expression dans l'enseignement supérieur, mais également l'encadrer. Certains propos sont des délits, même au sein de l'Université, qui devrait être exemplaire.

Au-delà des mesures à prendre, nous voudrions créer un choc. Pour lutter contre un climat antisémite, il faut créer un autre climat, fondé sur la réaffirmation des valeurs de la République. Ce combat concerne l'ensemble de la société. J'observe qu'un renouvellement du programme de l'enseignement moral et civique, de la maternelle à la terminale, a été publié le 12 juin dernier au Journal officiel ; et en effet, le bagage scolaire des étudiants à venir doit être plus important.

Madame de Marco, qu'un établissement signale de nombreux actes antisémites ne me semble pas un problème, malgré l'exploitation qui pourrait en être faite ; il faut au contraire l'encourager et le féliciter, car cela témoignera d'une prise de conscience.

Nous sommes tous des militants de la lutte à l'antisémitisme ; il me semble que ceux qui le sont au travers d'un engagement associatif concret méritent, dans le contexte actuel, un bonus étudiant.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Nous nous sommes également interrogés sur ce bonus étudiant. Il s'agit du terme qui figure dans la circulaire relative aux enseignements facultatifs donnant lieu à une bonification de la moyenne ; nous proposons donc de le retenir dans nos recommandations, car il est bien identifié par les acteurs.

Le rapport précise les missions allouées aux référents racisme et antisémitisme, qui ne sont pas bien identifiés partout ; nous recommandons d'homogénéiser leur déploiement dans les établissements.

Au travers de la recommandation n° 6, nous invitons à « associer les associations » étudiantes à la lutte contre l'antisémitisme. Nous en avons entendu plusieurs au cours de nos auditions ; certaines se sentent concernées par l'enjeu, d'autres absolument pas !

Les universités de sciences sociales sont très politisées, et il semble que les phénomènes d'antisémitisme y sont plus marqués ; il faudrait à l'inverse acculturer davantage les élèves ingénieurs aux enjeux politiques.

Nous commencerons à travailler sur la proposition de loi après les élections. Ce texte ne concernera pas uniquement la première proposition, mais pourra également porter sur la recommandation n° 10, ainsi que sur plusieurs éléments aujourd'hui traités au niveau réglementaire.

Mme Annick Billon. - Je me demandais si le rôle des associations était suffisamment identifié face aux phénomènes d'antisémitisme, et quels dispositifs vous aviez imaginé pour les sanctionner. J'imagine que les réponses à ces questions dépendront du travail préparatoire à la proposition de loi.

M. Laurent Lafon, président. - Je vais à présent mettre aux voix l'ensemble des recommandations.

Les recommandations sont adoptées.

La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'information, ainsi que les annexes, et en autorise la publication.

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