C. RENFORCER LA COOPÉRATION AVEC LES AUTORITÉS JUDICIAIRES

La plupart des établissements d'enseignement supérieur ayant déjà régulièrement recours à la procédure de signalement prévue par l'article 40 du code de procédure pénale pour signaler les actes antisémites aux procureurs de la République, la nécessité de renforcer, ou plutôt de créer la coopération entre les acteurs de l'enseignement supérieur et les autorités judiciaires a enfin été évoquée au cours de la plupart des auditions conduites par les rapporteurs.

1. Un défaut d'information aigu des établissements quant aux suites données à leurs signalements

L'article 40-2 du code de procédure pénale prévoit que « le procureur de la République avise [...] les personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 40 des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement » et que « lorsqu'il décide de classer sans suite la procédure, il les avise également de sa décision en indiquant les raisons juridiques ou d'opportunité qui la justifient ». Les présidents et directeurs d'établissement entendus par les rapporteurs ont pourtant unanimement regretté l'absence de suite donnée par les parquets aux signalements qu'ils leur adressent au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Cette absence de retour est d'autant plus dommageable que les signalements ainsi effectués visent bien souvent à obtenir des éclairages quant au traitement à réserver aux actes difficiles à qualifier. Ainsi que l'a exprimé la présidente de l'université de Toulouse-Jean Jaurès, « cette absence de communication maintient les universités dans une incertitude quant au bien-fondé du signalement et ne favorise donc pas l'amélioration de leur capacité d'analyse des agissements ».

Interrogée sur les raisons de cette pratique, la procureure près la Cour d'appel de Paris a souligné que « l'information des plaignants ou des signalants sur les suites données est un des enjeux majeurs du ministère public en toute matière », et que « les présidents d'université n'ont jusqu'à présent pas été des interlocuteurs privilégiés des parquets en raison du peu d'infractions commises au sein de l'Université ». Elle a également indiqué, en souhaitant que ces bonnes pratiques soient systématisées dans l'ensemble des parquets, que la section compétente du parquet de Paris pour le traitement des discours de haine s'astreignait à accuser réception de chacun des signalements reçus, et que des réunions trimestriellement organisées avec la Licra et l'UEJF permettaient d'informer ces associations de l'avancée des enquêtes et des poursuites qui les concernent.

Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a par ailleurs regretté que ses liens avec les ministères de l'intérieur et de la justice soient « minimes » et passent principalement par le dispositif de pilotage et de suivi du Prado, ce qui n'a pas permis de créer les conditions d'un partage d'informations.

2. Développer des partenariats locaux entre les établissements et les parquets

Cette situation est révélatrice d'un manque de coopération institutionnalisée entre les acteurs de l'enseignement supérieur et les parquets, ce qui subordonne la circulation des informations, lorsqu'elle existe, à la bonne volonté des personnes en poste dans chacune des deux institutions. Les besoins de coopération sont pourtant multiples, qu'il s'agisse de définir ou de préciser les bonnes pratiques à mettre en oeuvre par les établissements dans la rédaction et la transmission de leurs signalements, de développer une meilleure connaissance réciproque des contraintes et des besoins respectifs des établissements et des procureurs, ou tout simplement de tisser une relation pour faciliter la circulation des informations au bénéfice de chacun. D'une manière générale, la seule mise à disposition d'un interlocuteur dédié suffit à créer une dynamique positive dans les échanges entre les établissements et les parquets.

Les rapporteurs observent qu'un dispositif de coopération a été développé entre l'autorité judiciaire et les services de l'Éducation nationale afin de coordonner leurs actions face aux infractions survenant dans le cadre scolaire29(*). Cette coopération passe notamment par la conduite d'un travail interministériel entre la DACG du ministère de la justice et le ministère de l'éducation nationale afin de formaliser les signalements émanant de ce dernier ; des magistrats référents pour l'Éducation nationale ont également été désignés au sein de chaque parquet. Aucun dispositif général de ce type n'a cependant encore été déployé dans le champ de l'enseignement supérieur.

Il apparaît dès lors indispensable de développer une coopération formalisée entre les présidents d'établissements et les procureurs, qui pourrait passer par la signature de conventions entre les établissements et le parquet dont ils dépendent. Cette évolution, qui va dans le sens d'un renforcement de l'autonomie des universités, a déjà été mise en place ou est en cours de développement dans certains établissements, sans que le ministère de la justice n'ait pu fournir « d'information exhaustive » sur le nombre de protocoles passés à ce jour.

Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui encourage la signature de telles conventions, indique par ailleurs qu'elles peuvent également être portées « à l'échelle du rectorat de la région académique au bénéfice de tous les établissements d'enseignement supérieur de la région ». L'université de Toulouse-Capitole a ainsi précisé qu'une convention-type de partenariat associant la région académique Occitanie, les établissements d'enseignement supérieur de la région et les parquets était en cours d'élaboration par les instances de l'établissement chargées de la lutte contre les VSS, et pourrait être ensuite élargie à tous les crimes et délits pouvant faire l'objet d'un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Recommandation n° 11 : Afin d'améliorer le suivi des signalements effectués au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, généraliser les conventions de partenariat entre les établissements d'enseignement supérieur et les parquets locaux.


* 29 Les bénéfices tirés de la coopération mise en place entre la section AC2-PNLH du parquet de Paris et la Licra et l'UEJF témoignent également de l'intérêt d'étendre ce type de relations de travail au champ de l'enseignement supérieur ; la mise en place de réunions d'échange et d'information trimestrielle a notamment permis, selon la procureure générale près la Cour d'appel de Paris, d'améliorer la qualité des signalements transmis.

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