B. LES CONSÉQUENCES DE LA RADICALISATION ANTI-DÉMOCRATIQUE DU RÉGIME DE VLADIMIR POUTINE, UNE PRÉOCCUPATION CROISSANTE DE L'APCE

1. Débat conjoint sur la répression politique au sein de la Fédération de Russie

Lors de sa séance du 17 avril 2024, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a tenu un débat conjoint rassemblant deux débats d'urgence, l'un sur la mort de M. Alexei Navalny, l'autre sur la détention de M. Vladimir Kara-Mourza, et un débat sur les sanctions contre les personnes de la « liste Kara-Mourza ».

a) La mort d'Alexei Navalny et la nécessité de contrer le régime autoritaire de Vladimir Poutine et sa guerre contre la démocratie

L'APCE a rendu hommage à M. Alexei Navalny, déclarant que l'État russe porte l'entière responsabilité de sa mort, et a préconisé une série de mesures radicales pour contrer le « régime totalitaire » de Vladimir Poutine.

Adoptant à l'unanimité une résolution basée sur un rapport de M. Emanuelis Zingeris (Lituanie, PPE/DC), l'Assemblée a déclaré que sous la présidence de M. Vladimir Poutine, la Russie est devenue de facto une dictature qui mène « une guerre contre la démocratie ».

Un appareil de sécurité omniprésent, une surveillance de masse de la société et une répression brutale des manifestations pacifiques ont « transformé la Fédération de Russie en ce que l'Assemblée considère comme un État totalitaire, dont le mode de fonctionnement ressemble à celui d'une organisation criminelle ».

L'APCE a appelé l'Union européenne et les États à sanctionner les personnes directement responsables de la persécution, des mauvais traitements et de la mort de M. Alexei Navalny, figurant sur la « liste Navalny ». Elle a exhorté tous les États à tenir la Russie pour responsable de son recours systématique à la torture, conformément à la Convention des Nations unies contre la torture. Elle a réitéré son refus de reconnaître M. Vladimir Poutine comme le Président légitime de la Russie et a, de nouveau exhorté, la communauté internationale à cesser tout contact avec lui, sauf à des fins humanitaires ou pour la recherche de la paix. Elle a, de nouveau, exigé le transfert rapide de plus de 300 milliards de dollars d'avoirs russes gelés vers un fonds destiné à indemniser les victimes de l'agression russe contre l'Ukraine, ainsi que la création d'un tribunal chargé de juger les dirigeants politiques et militaires de la Russie pour le crime d'agression. Elle a appelé l'Union européenne et le G7 à renforcer les sanctions contre la Russie, notamment en imposant des sanctions secondaires, en sanctionnant la Bourse de Moscou et Rosatom, et en abaissant le plafond des prix du pétrole afin de réduire les revenus pétroliers qui constituent une source de revenus pour la Russie. Elle a encouragé les États membres et observateurs à poursuivre les échanges de prisonniers pour obtenir la libération des prisonniers politiques en Russie et au Bélarus, en donnant la priorité à M. Vladimir Kara-Mourza et à d'autres personnes dont l'état de santé est grave. L'Assemblée a également indiqué qu'elle mettait en place une plate-forme de contact pour le dialogue avec les forces démocratiques russes et a appelé à la création d'un rapporteur général sur ce sujet.

b) La détention arbitraire de M. Vladimir Kara-Mourza et la persécution systématique des manifestants anti-guerre en Fédération de Russie et en Biélorussie

Au cours de sa séance du 17 avril 2024, l'APCE a tenu un débat d'urgence sur la situation de l'opposant politique Vladimir Kara-Mourza.

L'APCE a condamné la « persécution brutale » et la répression de la dissidence en Russie et en Biélorussie dans le cadre de la guerre d'agression illégale à grande échelle contre l'Ukraine.

En adoptant une résolution basée sur le rapport de Mme Thórhildur Sunna Ævarsdóttir (Islande, SOC), l'APCE a souligné que « le nombre de prisonniers politiques avait augmenté de manière importante » et mis en exergue la suppression des libertés fondamentales en Russie et en Biélorussie.

Parmi les personnes visées figure l'historien et homme politique Vladimir Kara-Mourza, qui a été condamné à 25 ans de prison par les autorités russes. Son mauvais état de santé s'aggrave en raison des « conditions inhumaines » qui lui sont imposées dans la colonie pénitentiaire sibérienne où il est incarcéré.

L'APCE a donc demandé à la Fédération de Russie et à la Biélorussie de « mettre fin aux menaces, aux intimidations et aux poursuites contre les personnes qui ont été ciblées en raison de leur position anti-guerre » et de procéder à leur libération immédiate. Soulignant les préoccupations concernant les violations des droits humains, les parlementaires ont exigé le respect des normes internationales, y compris l'accès aux soins médicaux et à une représentation juridique pour les détenus.

L'APCE a noté la poursuite de l'activité des mouvements anti-guerre en Russie et en Biélorussie, malgré leur « persécution systématique ». L'Assemblée parlementaire a appelé les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe à mettre en lumière publiquement la poursuite et le travail des mouvements anti-guerre, et à leur apporter un soutien accru. L'APCE a appelé les États membres et observateurs à explorer de nouvelles mesures pour fournir des informations à la population russe en brisant le blocus de l'information du Kremlin, y compris en facilitant le travail des organisations de médias russes en exil.

Reconnaissant les « conséquences désastreuses » auxquelles sont confrontés les opposants à la guerre, l'Assemblée a appelé les États membres et observateurs à « déployer des efforts diplomatiques pour obtenir la libération des prisonniers politiques en Fédération de Russie et au Belarus », notamment par le biais d'échanges de prisonniers.

En outre, l'APCE a appelé à soutenir les personnes fuyant les persécutions, notamment en facilitant l'entrée légale sur le territoire, en fournissant une assistance socio-économique et en refusant les demandes d'extradition motivées par des considérations politiques.

c) Les sanctions contre les personnes de la « liste Kara-Mourza »

L'APCE a également tenu le 17 avril 2024 un débat sur les sanctions à appliquer à l'égard des personnes responsables des persécutions infligées à M. Vladimir Kara-Mourza, homme politique de l'opposition, journaliste, cinéaste documentariste, historien et écrivain russe.

L'Assemblée a déclaré que toutes les personnes directement responsables des persécutions et mauvais traitements infligés à M. Vladimir Kara-Mourza, et qui y ont participé devraient figurer sur des listes de sanctions ciblées.

Un lien vers une liste de ces personnes, incluant des membres du personnel pénitentiaire, des fonctionnaires de police, des procureurs et des juges - impliqués chacun à leur niveau dans le détournement du système judiciaire russe dans le but de réduire M. Kara-Mourza au silence - figure dans la résolution adoptée par l'APCE, sur la base du rapport de M. Eerik-Niils Kross (Estonie, ADLE).

L'APCE a rappelé que les « lois Magnitski », telles que celles adoptées par les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, de nombreux pays d'Europe centrale et orientale, ainsi que par l'Union européenne, permettent d'infliger des sanctions ciblées aux auteurs de graves violations des droits humains qui bénéficient de l'impunité dans leur propre pays.

La résolution adoptée indique également que les partisans de M. Kara-Mourza considèrent que la peine particulièrement lourde qui lui a été infligée (25 ans d'emprisonnement) « est une mesure de représailles pour le soutien actif qu'il apporte depuis longtemps aux lois Magnitski ».

Dans ce contexte, l'APCE a appelé l'Union européenne et tous les États dotés de lois sur les sanctions ciblées à « inscrire sur leurs listes de sanctions les personnes directement responsables des persécutions et des mauvais traitements infligés à M. Kara-Mourza ». Elle a également invité tous les États qui n'ont pas encore adopté de « lois Magnitski » à le faire sans plus tarder.

En outre, l'APCE a appelé les autorités russes à libérer M. Kara-Mourza sans délai et, d'ici là, à améliorer ses conditions de détention. Elle a demandé instamment à tous les États qui négocient des échanges de prisonniers avec la Fédération de Russie d'inclure M. Kara-Mourza dans leurs négociations.

Mme Marie-Christine Dalloz, MM. Claude Kern, Christophe Chaillou, Bertrand Bouyx, président de la délégation française, et Alain Cadec ont participé à ce débat conjoint.

2. Soutien à la reconstruction de l'Ukraine

L'APCE a recommandé, lors de sa séance du 16 avril 2024, « la saisie des avoirs de l'État russe et leur utilisation » pour soutenir la reconstruction de l'Ukraine. Cette démarche permettrait de « renforcer l'Ukraine, garantir que la Fédération de Russie rende des comptes et empêcher, par la dissuasion, toute autre agression future ».

En adoptant à l'unanimité une résolution, basée sur le rapport de M. Lulzim Basha (Albanie, PPE/DC), l'Assemblée a déclaré que « l'État agresseur, la Fédération de Russie, avait l'obligation d'indemniser pleinement les dommages, pertes et préjudices causés par ses actes illicites, notamment la destruction d'infrastructures, la perte de vies humaines, les difficultés économiques », conformément aux principes du droit international.

S'exprimant devant l'Assemblée au cours du débat, le Président de la Verkhovna Rada d'Ukraine, M. Ruslan Stefanchuk, a déclaré : « Le fossé civilisationnel qui nous sépare de la Russie est gigantesque. Et dans sa profondeur, toute illusion sur cette créature agressive, haineuse et illégale disparaît. La bête qui terrorise et intimide le monde entier, qui ne se soucie pas des normes et des règles internationales, qui n'accorde aucune valeur à la vie d'autrui ou à celle de ses propres citoyens. C'est pourquoi, chers amis, nous devons agir immédiatement. Le temps de la grande inquiétude et de la condamnation ferme est révolu. [...] L'heure est venue de procéder à des évaluations franches et sincères. Il est temps d'agir et de prendre des décisions rapidement. Il est temps d'avoir des dirigeants responsables. Il est temps de choisir une résistance résolue et unie à la terreur russe ».

La résolution adoptée par l'APCE indique que les avoirs financiers de l'État russe déjà gelés par plusieurs pays - environ 300 milliards de dollars américains - doivent servir à la reconstruction de l'Ukraine, soulignant que les dommages documentés causés aux infrastructures et à l'économie de l'Ukraine par l'agression de la Fédération de Russie avaient atteint 416 milliards de dollars en juin 2023.

Dans ce contexte, l'APCE a appelé à créer, sous les auspices du Conseil de l'Europe, « un mécanisme international d'indemnisation », qui permette de traiter de manière complète la question des dommages subis par les personnes physiques et morales touchées, dont l'État ukrainien. Elle a également recommandé la mise en place d'un « fonds fiduciaire international », où seront déposés tous les avoirs de l'État russe détenus par des États membres ou non-membres du Conseil de l'Europe, ainsi qu'une « commission internationale impartiale et efficace », chargée de statuer sur les demandes présentées par l'Ukraine et les entités touchées par l'agression russe.

Dans sa résolution, l'APCE a demandé instamment aux États membres et non-membres du Conseil de l'Europe détenant des avoirs de l'État russe de « coopérer activement » au transfert rapide de ces avoirs au mécanisme international d'indemnisation mis en place.

Enfin, l'APCE a rappelé que le Conseil de l'Europe avait montré la voie en exprimant sa solidarité avec l'Ukraine et sa population et en excluant la Russie de l'Organisation, et avait créé le Registre des dommages pour l'enregistrement des dommages, pertes ou préjudices subis par l'Ukraine, première étape pour faire en sorte que la Russie rende des comptes pour ses actes illicites.

Mme Marietta Karamanli, MM. Christophe Chaillou, Alain Milon, premier vice-président de la délégation française, et Claude Kern ont participé au débat.

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