III. DES DÉBATS PORTANT SUR DES THÉMATIQUES VARIÉES

A. LES RÉPONSES DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE AUX DEMANDES D'AVIS FORMULÉES PAR LE COMITÉ DES MINISTRES

1. La demande d'adhésion du Kosovo au Conseil de l'Europe

Le 16 avril s'est tenu le débat concernant l'avis sur la demande d'adhésion du Kosovo au Conseil de l'Europe. La commission des questions politiques et de la démocratie était saisie au fond. Mmes Azadeh Rojhan (Suède, SOC) et Béatrice Fresko-Rolfo (Monaco, ADLE) ont présenté un rapport pour avis respectivement au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme et de la commission sur l'égalité et la non-discrimination.

En commission sur l'égalité et la non-discrimination, Mme Béatrice Fresko-Rolfo a souligné que l'adoption du rapport de Mme Dora Bakoyannis marquerait le lancement du processus renforçant les droits des minorités et la lutte contre la discrimination au Kosovo. Elle a toutefois regretté le retard pris dans la constitution de l'association des communes à majorité serbe (ASMM). Concernant les questions d'égalité, elle a salué le soutien politique du gouvernement du Kosovo à la marche des fiertés ces dernières années. Les Parlementaires serbes ont été les seuls à exprimer leur opposition à l'avis mettant en parallèle la politique menée par M. Albin Kurti à celle de M. Slobodan Milosevic en son temps.

L'avis a été adopté modifié par un seul amendement encourageant le Kosovo, entre autres, à prévenir et combattre les discours de haine et les violences faites aux femmes ainsi qu'à introduire un cadre légal permettant la reconnaissance des couples de même sexe.

En commission des affaires juridiques et des droits de l'homme, Mme Azadeh Rojhan a encouragé la commission de suivi à surveiller, non seulement les engagements formels du Kosovo, notamment sur l'ASMM, mais aussi les autres recommandations formulées dans son rapport, à savoir la participation du Kosovo à la lutte anti-blanchiment (MONEYVAL) et le renvoi du projet de loi sur les expropriations à la commission de Venise. Plusieurs amendements sur l'efficacité de la justice, la proportionnalité de l'usage de l'usage de la force par la police ont été adoptés. L'avis a finalement été adopté à l'unanimité après le départ des représentants serbes qui avaient auparavant bruyamment contesté le rapport, estimant que le Kosovo était un territoire serbe et que le Conseil de l'Europe outrepassait ses prérogatives et récompensait les promesses non-tenues des autorités kosovares.

En commission des questions politiques, qui examinait le rapport au fond, 15 amendements ont été proposés dont 9 amendements provenant de la délégation serbe. Ces derniers ont tous été rejetés à la majorité des deux tiers. Un amendement présenté par la présidente de la délégation italienne, Mme Elisabetta Gardini (Italie, CE/AD), visant à préciser que la question de l'ASMM devrait être un point de vigilance du Comité des Ministres pour l'inscription à l'ordre du jour de l'adhésion du Kosovo, a également été rejeté dans les mêmes proportions. En revanche, la commission a intégré les amendements votés par les commissions pour avis.

En séance plénière, en plus des cinq orateurs de groupes politiques, 59 parlementaires se sont inscrits pour participer au débat.

Mme Dora Bakoyannis a repris les principaux points de son rapport. Elle a fait part de ses regrets à la suite des pressions qu'elle a subies et a souligné que la plupart des opposants aurait eu le même comportement, quel que soit le contenu du rapport, dès lors qu'ils s'opposent à l'idée même de Kosovo en tant qu'État.

Trois des cinq groupes politiques ont soutenu le rapport présenté par Mme Bakoyannis et souhaité une adhésion rapide du Kosovo. M. Iulian Bulai (Roumanie, ALDE), M. Frank Schwabe (Allemagne, SOC) et Mme Ingjerd Schou (Norvège, PPE) ont rappelé que l'adhésion ne signifiait pas la reconnaissance d'un État, qui restait une prérogative nationale, mais permettait de compléter l'espace géographique de respect des droits de l'homme et de l'État de droit. Ils se sont félicités de la perspective de placer deux millions de personnes en plus sous la protection de la Cour européenne des droits de l'homme. L'oratrice du groupe PPE/DC a toutefois relevé que son groupe n'avait pas de position uniforme et dit compter sur la procédure de suivi pour la mise en place de l'ASMM.

M. Alexis Tsipras (Grèce, GUE) a exprimé une position prudente, reflétant la forte division de son groupe sur le sujet de l'adhésion mais aussi la position traditionnelle grecque de non-reconnaissance. Il s'est dit pour le fait de trancher les questions essentielles, quitte à sacrifier son capital politique. Cette position semblait plus faire écho à sa propre expérience gouvernementale qu'à la situation du Kosovo. Il a néanmoins appelé à « ne rien lâcher sur la constitution de l'ASMM et sur les conditions d'expropriation ».

En définitive, seul le groupe des conservateurs européens (CE/AD) a exprimé son hostilité au rapport présenté par Mme Bakoyannis, par la voix de M. Zsolt Nemeth (Hongrie). Selon lui, le Kosovo n'a rempli aucun de ses engagements et ne le fera pas si on l'admet au Conseil de l'Europe sans condition. Il a dit également ne pas vouloir aller à l'encontre des intérêts de la Serbie.

Outre M. Bertrand Bouyx, en tant que président de la commission des questions politiques, MM. Alain Milon, premier vice-président de la délégation française, et François Bonneau ont pris la parole dans discussion générale. Ils ont soutenu l'adoption du rapport tout en soulignant la nécessité de faire un premier pas dans le sens de la constitution de l'ASMM dans la perspective de l'inscription à l'ordre du jour de l'adhésion en Comité des ministres. Les discours sont retranscrits intégralement en annexe.

Tous les amendements rejetés en commission ont, à nouveau, été examinés, à la suite de l'opposition d'une vingtaine de parlementaires. Ils ont été présentés par deux parlementaires serbes, Mmes Elvira Kovacs (PPE/DC) et Dunja Simonovic Bratic (SOC). Cette dernière a menacé le Conseil de l'Europe d'une sortie de la Serbie. Les amendements ont tous été rejetés.

In fine, la résolution a été adoptée par 131 voix pour, 29 contre et 11 absentions. La majorité des deux tiers requise pour une transmission au Comité des ministres a ainsi été atteinte.

2. Le projet de convention-cadre sur l'intelligence artificielle, les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit

Lors de sa séance du 18 avril 2024, l'APCE a tenu un débat selon la procédure d'urgence sur le projet de Convention-cadre sur l'intelligence artificielle, les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est félicitée de la finalisation de ce projet de convention-cadre rédigé au sein du Conseil de l'Europe, tout en regrettant qu'il « ne couvre pas de manière égale les acteurs publics et privés ».

Selon la procédure d'élaboration d'un traité du Conseil de l'Europe, l'Assemblée doit donner son avis avant qu'il soit adopté par l'organe exécutif de l'organisation, le Comité des ministres. Il s'agira du tout premier traité international sur l'intelligence artificielle, ouvert à tous les États du monde, sur lequel les États qui le ratifieront devront fonder leur législation nationale.

L'Assemblée parlementaire a approuvé à l'unanimité son avis, basé sur un rapport de Mme Thórhildur Sunna Ævarsdóttir (Islande, SOC). Notant que « de nombreux systèmes d'intelligence artificielle sont développés et déployés par des entités privées, et l'introduction d'une approche différenciée pour le secteur privé crée une lacune importante », l'Assemblée a appelé tous les États membres du Conseil de l'Europe, lors de la ratification de la convention, à choisir d'appliquer pleinement ses dispositions aux activités des acteurs privés, tout en espérant qu'une interprétation dynamique de la convention par la Conférence des Parties, son mécanisme de contrôle, « favorisera les progrès au fil du temps, par le biais des exigences en matière de rapports et de la pression des pairs ».

L'APCE a proposé plusieurs amendements au projet de convention. La limitation de son application aux activités d'intelligence artificielle nécessaires à la protection des « intérêts en matière de sécurité nationale ou de défense nationale » ne devrait être possible que si ces activités sont conformes au droit international des droits de l'homme. Les États devraient également mettre en place des limitations, voire des interdictions, pour certaines utilisations de l'intelligence artificielle jugées incompatibles avec les droits humains. Les parlementaires ont également proposé d'insérer une disposition spécifique sur la santé et l'environnement.

La convention, qui doit être adoptée par le Comité des Ministres avant d'être ouverte à la signature et à la ratification, a été négociée par des représentants des États membres du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne et d'États non-européens tels que les États-Unis, le Japon, le Canada, le Mexique, Israël, l'Argentine, l'Australie, le Costa Rica, le Pérou et l'Uruguay.

M. Frédéric Mathieu et Mme Mireille Clapot ont participé à ce débat d'urgence.

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