B. UN PLAFONNEMENT DES PRIX DU GAZ DANS L'ATTENTE D'UNE RÉFORME DU MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ
Le 20 octobre 2022, lors du Conseil européen, les chefs d'État ou de Gouvernement ont demandé à la Commission de présenter des mesures supplémentaires d'amélioration du fonctionnement des marchés de l'énergie, notamment « un corridor de prix dynamique temporaire », pour limiter immédiatement les épisodes de prix du gaz excessifs, et « un cadre temporaire de l'UE visant à plafonner le prix du gaz utilisé dans la production d'électricité »32(*).
Le 22 novembre 2022, la Commission européenne a donc proposé un mécanisme de correction du marché visant à protéger les consommateurs finaux, ménages et entreprises, des épisodes d'augmentation excessive des prix du gaz33(*). Entré en vigueur le 15 février 2023, ce mécanisme, intitulé « mécanisme de correction du marché », permet d'appliquer un plafond aux prix de règlement des dérivés liés à l'énergie négociés sur la principale bourse européenne de gaz, aux Pays-Bas (Dutch TTF), qui sert de référence sur le marché de gros européen du gaz. Son déclenchement automatique est prévu dès lors que les prix atteignent des niveaux exceptionnels par rapport aux cours mondiaux, sous certaines conditions (le prix TTF « Title Transfer Facility » à un mois dépasse 180 euros/MWh pendant trois jours ouvrables et le prix TTF à un mois est supérieur de 35 euros au prix de référence du GNL sur les marchés mondiaux pendant les trois mêmes jours ouvrables). Les transactions au-delà d'un certain plafond (« limite d'offre dynamique ») ne sont alors plus autorisées. Seuls les produits à terme mensuel (« month ahead ») sont concernés ; les contrats de gré à gré ne seraient pas soumis à ce mécanisme. Ce mécanisme n'a, pour l'instant, jamais été mis en oeuvre. Il offre une solution de crise mais laisse inchangé le mode de fonctionnement du marché européen de l'énergie.
C. UNE RÉFORME STRUCTURELLE DU MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ DÉFENDUE PAR LA FRANCE DEPUIS LE DÉBUT DE LA CRISE
Dès l'automne 2021, la France a défendu une réforme plus ambitieuse du marché européen de l'électricité, conduisant notamment à un découplage des prix de l'électricité et du gaz. La position française est, cependant, apparue relativement isolée au début de la crise énergétique. En effet, neuf États membres (le Luxembourg, l'Autriche, l'Allemagne, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, l'Irlande, la Lettonie et les Pays-Bas) ont ainsi appelé à « être très prudents avant d'interférer dans la conception des marchés intérieurs de l'énergie »34(*). À la demande de certains États membres, la Commission européenne a alors chargé l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) d'évaluer les avantages et les inconvénients du fonctionnement du marché de gros de l'électricité, laquelle a rendu son rapport, en avril 2022, considérant que « même si des améliorations sont possibles, la conception actuelle du marché de gros de l'électricité de l'Union européenne mérite d'être conservée et n'est pas à blâmer pour la crise de l'énergie qui frappe l'Europe »35(*).
Or le 8 juin 2022, lors d'une séance plénière devant les eurodéputés, à Strasbourg, la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, ne reprend pas les conclusions très modérées de l'Agence européenne, ni les propos prudents de la commissaire à l'énergie, Mme Kadri Simson, et affirme alors nécessaire une modernisation du marché de l'électricité. Cette nécessité d'une réforme du marché de l'électricité est réaffirmée lors d'une conférence du Forum stratégique de Bled des 29 et 30 août 2022, en Slovénie, donnant ainsi des gages aux pays européens qui réclament de longue date une évolution du système actuel. À cette occasion, elle déclare que « la flambée des prix de l'électricité met aujourd'hui en évidence, pour différentes raisons, les limites de notre organisation actuelle du marché de l'électricité. Cette organisation avait été conçue dans des circonstances complètement différentes et à des fins complètement différentes. Elle n'est plus adaptée. C'est la raison pour laquelle nous, la Commission, travaillons actuellement à une intervention d'urgence et à une réforme structurelle du marché de l'électricité. Nous avons besoin d'un nouveau modèle de marché pour l'électricité qui fonctionne réellement et nous ramène à l'équilibre ».
Cette ambition d'une « réforme complète et en profondeur » du marché européen de l'électricité est expressément proclamée lors du discours sur l'état de l'Union devant le Parlement européen, prononcé le 14 septembre 2022, par la présidente de la Commission européenne.
* 32 Conclusions du Conseil européen des 20 et 21 octobre 2022.
* 33 Règlement (UE) 2022/2578 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un mécanisme de correction du marché afin de protéger les citoyens de l'Union et l'économie contre des prix excessivement élevés.
* 34 Déclaration faite le 25 octobre 2021, à la veille de la réunion des ministres de l'énergie à Luxembourg.
* 35 Évaluation finale de l'ACER sur la conception du marché de gros de l'électricité dans l'UE - avril 2022.