III. LES RÉPONSES APPORTÉES EN URGENCE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE À LA CRISE ÉNERGÉTIQUE

Afin de tenter de maîtriser la flambée des prix des énergies, en particulier du gaz et de l'électricité, la Commission européenne a proposé un certain nombre de mesures d'urgence, dès le début de la crise, qui ont été adoptées par le Conseil. La réforme du marché de l'électricité n'a finalement été mise en chantier qu'à partir du printemps 2023, après avoir été précédée d'une consultation publique de quelques semaines.

Le plan REPowerUE, présenté le 18 mai 2022, en réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, vise « à réduire la dépendance de l'UE au gaz russe de deux tiers avant la fin de l'année » et à « rendre l'Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030 »23(*). Trois axes ont ainsi été définis : économiser l'énergie, produire de l'énergie propre et diversifier les approvisionnements énergétiques. Les investissements supplémentaires sont évalués à 210 milliards d'euros d'ici 2027, mais le plan tend également à permettre d'économiser « 80 milliards d'euros de dépenses d'importation de gaz, 12 milliards d'euros de dépenses d'importation de pétrole et 1,7 milliard d'euros de dépenses d'importation de charbon par an d'ici à 2030 ».

Dans ce nouveau contexte économique et géopolitique, plusieurs règlementations ont été adoptées selon la procédure d'urgence, prévue par l'article 289, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

A. DES MESURES DE COURT TERME POUR LIMITER L'IMPACT DE LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET ASSURER LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE DE L'UNION

La Commission européenne a proposé des mesures d'urgence et de nouveaux mécanismes de solidarité pour maîtriser, à très court terme, la flambée des prix de l'énergie dans l'Union européenne.

Le 24 juin 2022, l'Union européenne a ainsi décidé d'objectifs de remplissage des installations de stockage souterrain de gaz dans les États membres : au moins 80 % des capacités avant le début de l'hiver 2022/2023 et 90 % avant le début des hivers suivants24(*). La campagne de remplissage des installations de stockage de gaz, en prévision de l'hiver 2022/2023, s'est achevée, en novembre, avec un niveau de stockage supérieur à 95 %25(*) à l'échelle de l'Union. Ce taux n'était que de 87,43 % en 2017. Sur les dix-huit pays de l'UE qui disposent de capacités de stockage de gaz, seul un pays n'avait pas atteint l'objectif de 80 % fixé par le règlement européen ; il s'agit de la Lettonie (60,06 % au 14 novembre 2022). Sept États membres ont même atteint des niveaux proches de 100 % dont la France (99,19 %) et l'Allemagne (99,95 %). En France, les fournisseurs ont constitué plus de 132 TWh de réserves de gaz, ce qui représente de l'ordre des deux tiers de la consommation hivernale des petites et moyenne entreprises et des particuliers. Il faut souligner que cette mesure a, d'abord, bénéficié aux pays qui étaient les plus dépendants du gaz russe. Au 2 juillet 2023, le niveau de remplissage des stocks de gaz dans l'UE atteint près de 78 % des capacités de stockage et est d'environ 60 % pour la France. Ce niveau est plus élevé que la moyenne de ces dernières années (59 % au 2 juillet 2022 ; 48 % au 2 juillet 2021 et 73 % au 2 juillet 2019).

Le 4 août 2022, les États membres se sont engagés à réduire de 15 % leur demande de gaz, par rapport à leur consommation moyenne au cours des cinq dernières années, du 1er août 2022 au 31 mars 202326(*). Il s'agissait de réaliser des économies pour l'hiver 2022/2023 afin de faire face à d'éventuelles perturbations de l'approvisionnement en gaz en provenance de Russie. Cet objectif a été reconduit pour la période comprise entre le 1er avril 2023 et le 31 mars 2024. Il est également prévu qu'en cas de risque important de pénurie et après avoir consulté les États membres, la Commission puisse déclencher une « alerte de l'Union », qui rendrait obligatoire la réduction de la demande de gaz. La consommation de gaz a ainsi baissé de près de 18 % au cours de la période août 2022-mars 2023, par rapport à la moyenne des cinq dernières années27(*). La France a enregistré une baisse de 17 % sur cette même période. Seuls quelques pays n'ont pas atteint l'objectif fixé par l'UE, à savoir l'Irlande, l'Espagne, la Slovénie, la Slovaquie, la Pologne, la Belgique ainsi que Malte qui a, pour sa part, connu une progression de sa consommation de gaz.

Le 6 octobre 2022, le Conseil a adopté un ensemble de mesures pour faire face aux prix élevés de l'énergie28(*). Les États membres se sont engagés à réduire la consommation générale d'électricité de 10 % et de 5 % aux heures de pointe. Deux mécanismes de prélèvement ont aussi été instaurés par le règlement du 6 octobre 2022 : le plafonnement des recettes issues du marché pour les producteurs inframarginaux29(*) et une contribution de solidarité sur les excédents de bénéfices générés par les activités des secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et du raffinage. Selon les estimations de la Commission européenne, la première mesure devait permettre aux États membres de collecter jusqu'à 117 milliards d'euros sur une base annuelle tandis que la seconde permettait de lever 25 milliards d'euros par an dans l'ensemble de l'Union européenne.

Le 24 novembre 2022, le Conseil a trouvé un accord sur le règlement établissant un cadre temporaire en vue d'accélérer la procédure d'octroi de permis et le déploiement de projets dans le domaine des énergies renouvelables30(*). Ce règlement introduit des mesures urgentes et ciblées portant sur des technologies spécifiques et sur des types de projets présentant le plus grand potentiel de déploiement rapide et ayant le moins d'incidences sur l'environnement.

A la même date, le Conseil est également parvenu à un accord31(*) sur de nouvelles mesures permettant d'améliorer la coordination des achats communs de gaz et de renforcer la solidarité en cas de véritable urgence et de réelle pénurie d'approvisionnement en gaz. Il a aussi confié à l'Agence pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) l'élaboration d'un nouvel indice de référence complémentaire afin d'assurer des prix stables et prévisibles pour les transactions de GNL.


* 23 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur le Plan REPowerEU du 18 mai 2022, COM(2022) 230 final.

* 24 Règlement (UE) 2022/1032 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2022 modifiant les règlements (UE) 2017/1938 et (CE) nº 715/2009 en ce qui concerne le stockage de gaz

* 25 Données agrégées de Gas Infrastructure Europe (GIE).

* 26 Règlement (UE) 2022/1369 du Conseil du 5 août 2022 relatif à des mesures coordonnées de réduction de la demande de gaz.

* 27 Données Eurostat.

* 28 Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie.

* 29 Producteurs d'électricité dont les coûts d'exploitation sont inférieurs aux prix d'équilibre du marché.

* 30 Règlement (UE) 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables.

* 31 Règlement (UE) 2022/2576 du Conseil du 19 décembre 2022 renforçant la solidarité grâce à une meilleure coordination des achats de gaz, à des prix de référence fiables et à des échanges transfrontières de gaz.

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