SOMMAIRE

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L'ESSENTIEL 5

I. UN DISPOSITIF DE VOTE PAR CORRESPONDANCE DONT LES CONSÉQUENCES ONT ÉTÉ MAL APPRÉCIÉES 5

A. UN DISPOSITIF PERMETTANT UNE PLUS FORTE PARTICIPATION DES PERSONNES DETENUES AUX ELECTIONS 5

B. UNE ATTEINTE À « LA TRADITION DE NOTRE DROIT ÉLECTORAL » 7

II. FAVORISER LA PARTICIPATION DES DÉTENUS AUX ÉLECTIONS SANS ROMPRE LE LIEN ENTRE ÉLECTEUR ET COMMUNE D'ÉTABLISSEMENT 9

A. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI 9

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : DISTINGUER ÉLECTIONS À CIRCONSCRIPTION LOCALE ET À CIRCONSCRIPTION NATIONALE 9

EXAMEN EN COMMISSION 11

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT 17

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET CONTRIBUTION ÉCRITE 19

LA LOI EN CONSTRUCTION 23

L'ESSENTIEL

57 000 personnes détenues disposent aujourd'hui du droit de vote. Afin de favoriser l'exercice de ce droit et la participation des détenus à la vie civique et leur réinsertion, la loi du n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique leur a ouvert la possibilité de voter par correspondance.

Les modalités de ce vote sont spécifiques et l'ensemble des votes est comptabilisé, en application de l'article L. 12-1 du code électoral, dans la commune chef-lieu du département ou de la collectivité d'implantation de l'établissement pénitentiaire.

Or ce choix a pour conséquence de peser de manière disproportionnée sur le résultat des élections locales et législatives dans les six communes où le nombre d'électeurs inscrits au titre du vote par correspondance représente plus de 5 % des autres électeurs inscrits.

En outre, cette concentration de votes conduit, selon les termes du Conseil d'État en 2019, « à rompre tout lien personnel entre l'électeur et la commune d'inscription, ce qui méconnaît la tradition de notre droit électoral ». Afin d'y remédier, la proposition de loi présentée par Laure Darcos tend à prévoir que le vote par correspondance des détenus s'effectue dans les communes au sein desquelles le vote par procuration leur est possible.

Partageant pleinement l'objectif de la proposition de loi, la commission des lois a cependant pris en compte les importantes difficultés logistiques susceptibles de rendre inapplicables, dans les délais contraints des élections, les dispositions initiales de la proposition de loi. Elle a donc adopté la proposition de loi le mercredi 12 mars 2025, en la modifiant, en accord avec l'auteur du texte, par un amendement de son rapporteur Louis Vogel, afin de réserver le recours au vote par correspondance aux élections qui s'exercent dans le cadre d'une circonscription unique et aux référendums. Pour les autres élections, les détenus exerceront ainsi leur droit de vote par procuration ou, le cas échéant, dans le cadre d'autorisations de sortie.

I. UN DISPOSITIF DE VOTE PAR CORRESPONDANCE DONT LES CONSÉQUENCES ONT ÉTÉ MAL APPRÉCIÉES

A. UN DISPOSITIF PERMETTANT UNE PLUS FORTE PARTICIPATION DES PERSONNES DETENUES AUX ELECTIONS

L'exercice du droit de vote est reconnu aux personnes détenues depuis l'entrée en vigueur de la réforme du code pénal le 1er mars 1994. Seule la déchéance des droits civiques entraine l'impossibilité de voter, les conditions pour participer au vote étant les mêmes que pour l'ensemble des citoyens.

Ce droit s'exerce historiquement au travers de deux modalités : l'autorisation de sortie, en pratique peu utilisée en raison du risque de fuite des détenus1(*), ou le vote par procuration, limité par l'isolement de certaines de personnes incarcérées. Face à la faiblesse du taux de participation des détenus aux élections2(*), aux alentours de 2 %, la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a ouvert la possibilité pour les personnes détenues de s'inscrire non seulement dans leur commune de rattachement initiale, dans les conditions du droit commun, mais également, « afin de faciliter l'exercice de leur droit de vote effectif », dans les communes énumérées à l'article L. 12 du code électoral : celles dans lesquelles les Français établis hors de France peuvent demander à être inscrits en raison de leur expatriation. Est ajoutée à cette liste la commune d'inscription du conjoint de la personne détenue, de son partenaire de PACS ou de son concubin.

Sur la base d'une expérimentation conduite en 2019 lors des élections européennes (expérimentation autorisée par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice), la loi a également inscrit à l'article L. 12-1 du code électoral la possibilité pour les détenus de recourir au vote par correspondance. Cette possibilité est toutefois limitée au cas où les personnes détenues « sont inscrites dans la commune chef-lieu du département ou de la collectivité d'implantation de l'établissement pénitentiaire, dans un bureau de vote correspondant à la circonscription ou au secteur qui comporte le plus d'électeurs inscrits sur les listes électorales ». Ce choix résulte de contraintes logistiques, car « l'organisation d'un vote par correspondance centralisé à la commune chef-lieu du département est, en termes de logistique, nettement plus simple [...] et permet de s'insérer dans le calendrier très serré d'organisation des élections. »

L'étude d'impact de la loi du 27 décembre 2019 a explicitement écarté la possibilité de « permettre à tout détenu quel que soit son lieu d'inscription, de voter par correspondance sous pli fermé » pour deux raisons :

« - Des problématiques logistiques en raison du nombre très important de communes concernées (potentiellement autant de communes que de détenus inscrits). Les délais contraints d'organisation des élections et le nombre de cas particuliers à gérer rendent matériellement impossible la garantie d'un circuit opérationnel d'acheminement de la propagande et du matériel électoral (vers et depuis les établissements pénitentiaires) dans un calendrier qui actuellement ne ménage pas de marge de manoeuvre pour des étapes nouvelles.

« - L'atteinte au secret du vote est certaine dans les bureaux équipés de machines à voter ne comptant qu'un seul détenu inscrit : le sens de son vote serait rendu de facto public ».

Le calendrier électoral depuis 2019 a permis la mise en oeuvre du dispositif de vote par correspondance pour les élections départementales et régionales de 2021. Des modalités spécifiques de vote par correspondance ont été mises en place pour l'élection présidentielle de 20223(*) avec un bureau de vote unique situé place Vendôme à Paris, au sein du ministère de la justice. Il a été mis en oeuvre à nouveau en 2024 pour les élections européennes puis législatives.

L'augmentation de la participation des personnes détenues aux élections européennes (22 %) et aux élections législatives en 2024 (19 %) est largement attribuable au vote par correspondance qui est la modalité de vote choisie par 90% des détenus.

Le vote par correspondance n'a, en revanche, pas été mis en place pour les municipales de 2020.


* 1 196 autorisations accordées lors du second tour de l'élection présidentielle de 2022, 92 accordées lors du second tour des élections législatives anticipées de 2024

* 2 Dans son discours du 6 mars 2018 à l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), le Président de la République avait annoncé souhaiter mettre fin à cette situation dans les termes suivants : « Le droit de vote doit pouvoir être exercé plus simplement. Je vous le dis très sincèrement, on a essayé de m'expliquer pourquoi des détenus ne pouvaient pas voter, je n'ai pas compris. Il semblerait que ce soit le seul endroit de la République où on ne sache pas organiser ni le vote par correspondance, ni l'organisation d'un bureau. La réalité, c'est que nous allons le faire et que, pour les prochaines élections européennes, je veux que tous les détenus en France puissent exercer le droit de vote. »

* 3 Loi organique n° 2021-335 du 29 mars 2021 portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République

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