LES ÉTAPES DE L'ÉLABORATION DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE? Le projet de la Commission en date du 11 septembre 2002 a fait l'objet d'un débat d'orientation du Conseil « Compétitivité » de l'Union européenne lors de sa réunion du 19 mai 2003 . Tout en étant favorable aux objectifs et aux grandes lignes du projet, le Conseil a soulevé les difficultés posées par la recherche d'une harmonisation totale, au regard des dispositions conférant une certaine latitude d'action aux Etats membres, par les formes de crédit relevant du champ d'application de la directive, notamment en ce qui concerne les prêts hypothécaires, et enfin par les modalités de couverture des prêteurs et des intermédiaires de crédit, telles que les exigences concernant l'immatriculation et les contrôles éventuels. ? Puis, après que le Parlement européen (PE) a, le 5 novembre 2003, renvoyé en commission l'examen de la proposition de la directive au motif qu'elle était insuffisamment préparée et inadaptée aux réalités actuelles du crédit à la consommation, les députés européens ont adopté son texte le 20 avril 2004 en l'assortissant de plus de 150 amendements qui en modifiaient profondément la teneur . Le PE a notamment souhaité exclure du champ d'application de la directive un grand nombre de types de prêts, renforcer l'information de base concernant l'offre de crédit et le contenu du contrat, introduire une obligation d'information relative à la solvabilité du consommateur avant la signature du contrat, faciliter l'accès des prêteurs aux bases de données des Etats membres dont ils ne sont pas ressortissants, autoriser le remboursement anticipé du crédit à tout moment avant l'échéance du terme convenu par le contrat, et assouplir les modalités de dénonciation des transactions liées (2 ( * )). ? Le 28 octobre 2004, la Commission a formulé une proposition révisée de directive tenant compte de certaines des demandes du PE. Le texte intègre ainsi, en totalité ou partiellement, plus d'une centaine d'amendements adoptés par les députés européens pour restreindre le champ d'application de la législation, établir des régimes allégés pour certains types de contrats de crédit, supprimer des dispositions déjà couvertes par le droit communautaire ou traitées de façon satisfaisante au niveau national, préciser les conditions d'exercice du crédit lié à un achat de bien ou de service, modifier la méthode de calcul du taux annuel effectif global (TAEG) et renforcer les exigences d'information précontractuelle et contractuelle. Mais l'installation, le 1 er novembre 2004, de la nouvelle Commission, présidée par M. José Manuel Barroso, a suspendu le processus d'examen de la proposition. ? Un an plus tard, le 7 octobre 2005, après avoir mené des consultations auprès des Etats membres et des parties intéressées, la Commission a adopté une nouvelle proposition révisée de directive. Celle-ci, outre qu'elle tient davantage compte de l'avis exprimé par le PE en première lecture, apporte de nouvelles modifications visant tout à la fois à éviter une pénalisation involontaire du secteur du crédit à la consommation et à faciliter un accord entre le Parlement et le Conseil. Ainsi, la question des « découverts » est clarifiée, la définition du coût total du crédit est adaptée conformément aux observations du PE, le champ d'application du texte est limité aux crédits à la consommation d'un montant inférieur ou égal à 50.000 euros et le crédit hypothécaire en est exclu, les contrats de crédit portant sur des montants inférieurs ou égaux à 300 euros font l'objet d'un régime spécifique d'information précontractuelle et contractuelle, les Etats membres disposent d'une marge de manoeuvre plus grande pour adapter les dispositions à leur situation nationale dans certains domaines clairement définis, mais un nombre limité de cas sont soumis à une clause de reconnaissance mutuelle (3 ( * )) afin de protéger le marché unique, une méthode harmonisée de calcul du coût du crédit est élaborée, les informations devant être fournies aux consommateurs sont énumérées et, enfin, ceux-ci jouissent d'un droit de rétractation pendant quatorze jours, du droit de rembourser leur emprunt de manière anticipée et de celui d'annuler un contrat de crédit s'ils renoncent à l'achat qui lui est lié. ? Réuni le 29 mai 2006, le Conseil « Compétitivité » a tenu un débat d'orientation portant sur les questions les plus importantes soulevées par la nouvelle proposition de la Commission . Ont été ainsi abordées la compatibilité de l'harmonisation avec l'objectif de garantir un haut niveau de protection du consommateur et, à cet égard, les effets potentiels de la clause de reconnaissance mutuelle, les conditions du remboursement anticipé du crédit et, enfin, la comparabilité transfrontière des contrats de crédit aux consommateurs. Quant aux autres points, le Conseil a considéré qu'ils devraient être examinés aux niveaux du groupe de travail et du Comité des représentants permanents (Coreper). ? Les travaux de ces instances se sont poursuivis tout au long des mois écoulés, la dernière réunion du Coreper s'étant tenue le 29 novembre . Source : Parlement européen |
*
En application de l'article 88-4 de la Constitution et dans le cadre de la procédure fixée par l'article 73 bis du Règlement du Sénat, M. Philippe Marini a déposé une proposition de résolution qui, tout en approuvant les grandes lignes de la proposition de directive présentée en octobre 2005 , dite « DCC », émet quelques réserves sur son contenu et recommande au Gouvernement de favoriser l'adoption de certaines améliorations .
Bien que d'importantes divergences semblaient encore opposer les représentants des Etats membres, la présidence finlandaise de l'Union a néanmoins décidé de l'inscrire à l'ordre du jour de la réunion du Conseil « Compétitivité (marché intérieur, industrie et recherche) » convoquée les 4 et 5 décembre prochain, dans la perspective d'obtenir un accord politique sur une position commune en première lecture .
C'est au regard de ce rendez-vous que votre commission des affaires économiques a, le mercredi 29 novembre, examiné la proposition de résolution de M. Philippe Marini et adopté une proposition de résolution qui, tout en en modifiant le texte pour tenir compte du dernier état des discussions, en conserve très largement l'esprit .
I. L'OBJET ET LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 2
L'initiative de notre collègue M. Philippe Marini résulte du constat que la France est aujourd'hui l'un des Etats membres de l'Union dans lesquels la protection du consommateur en matière d'accès au crédit est assurée de manière satisfaisante à un niveau élevé . Sa proposition de résolution est ainsi tout entière consacrée à s'assurer que l'élaboration d'un nouveau droit communautaire en matière de crédit à la consommation ne vienne pas fragiliser l'équilibre juridique français et, ce faisant, porter atteinte aux intérêts des consommateurs dans notre pays .
A. VEILLER À MAINTENIR LE HAUT NIVEAU DE PROTECTION DONT BÉNÉFICIE ACTUELLEMENT LE CONSOMMATEUR FRANÇAIS
En effet, le titre I er du livre III du code de la consommation , consacré au crédit, outre qu'il distingue précisément le crédit à la consommation du crédit immobilier et du prêt viager hypothécaire, détaille les règles essentielles applicables à l'offre de ces différents produits .
Ainsi, les articles L. 311-1 à L. 311-37 du code relatifs au crédit à la consommation définissent sa nature, les règles de publicité qui lui sont applicables, la notion de crédit gratuit, celle des crédits affectés, les conditions et conséquences du remboursement anticipé, les effets de la défaillance de l'emprunteur ou encore le régime des sanctions. Par ailleurs, les articles L. 131-1 à L. 131-6 définissent tant le taux effectif global que le taux d'usure (4 ( * )), lequel est prohibé pour les personnes physiques n'agissant pas pour leurs besoins professionnels (5 ( * )). Cette législation est par ailleurs complétée, toujours dans le code de la consommation, par des dispositions encadrant les activités d'intermédiaire et un volet spécifique destiné à traiter les situations de surendettement , et, dans le code monétaire et financier, par des règles applicables aux établissements de crédit , seuls habilités à exercer une activité en la matière .
Notre pays dispose donc d'une législation globalement efficace qui , depuis la « loi Scrivener » (6 ( * )), assure un haut niveau de protection du consommateur , même si elle peut sans doute toujours faire l'objet d'améliorations. Du reste, elle a été récemment renforcée en ce qui concerne l' encadrement du crédit renouvelable , dit aussi crédit « revolving » , par la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur (dite « loi Chatel » ).
Dans ce contexte général, si la volonté de la Commission européenne d'harmoniser davantage les législations européennes pour favoriser le développement transfrontalier des activités de crédit ne saurait être contestée, il est indispensable de veiller à ce que les instruments et obligations qu'elle propose ne viennent pas amoindrir la protection dont bénéficient les consommateurs en France . D'ailleurs, cet objectif légitime poursuivi par M. Philippe Marini avec sa proposition de résolution n° 2 (2006-2007) a également justifié l'adoption :
- par la délégation pour l'Union européenne du Sénat (DUE), dès le 13 novembre 2002, d'une proposition de résolution (7 ( * )) portant sur la première version du texte communautaire proposée par la Commission européenne en septembre 2002 ;
- par l' Assemblée nationale , le 25 mai 2006 , d'une résolution (8 ( * )) concernant quant à elle la proposition modifiée de directive que la Commission européenne a formulée le 7 octobre 2005 (9 ( * )) et qui fait l'objet de l'analyse et des recommandations de notre collègue Philippe Marini.
Il n'est dès lors guère surprenant que ces dernières soient très largement similaires à celles tant de M. Aymeri de Montesquiou que, surtout, de l'Assemblée nationale , dont la résolution de mai 2006 vise le même texte communautaire de référence .
Comme celle-ci, la proposition de résolution n° 2 considère que l'objectif d'un achèvement du marché intérieur, en ce qui concerne le crédit à la consommation, par l'harmonisation de règles essentielles garantissant un haut niveau de protection des consommateurs, doit être atteint, dès lors que sa réalisation permettra aux établissements prêteurs d'exercer leur activité sur un marché plus large et, aux consommateurs, de bénéficier d'une gamme plus étendue de produits, qu'ils pourront comparer. Elle observe également que, par rapport à la version initiale de la Commission, la proposition modifiée de directive clarifie et simplifie un dispositif adapté, dans l'ensemble, aux exigences de protection des consommateurs, en particulier quant aux règles de publicité et d'information obligatoire, précontractuelle comme contractuelle, et notamment en ce qui concerne le taux débiteur et le taux annuel effectif global.
Pour autant, M. Philippe Marini considère que certains aspects de la proposition de directive révisée, malgré les progrès accomplis, peuvent encore faire l'objet d'amélioration dans quatre directions : la méthode d'harmonisation, le champ d'application, le régime des contrats de crédit à la consommation et les règles générales du crédit.
* (2) Contrat de crédit lié à la fourniture d'un bien ou d'un service.
* (3) En application de ce principe, destiné à assurer la libre circulation des biens et services dans le marché intérieur sans qu'il soit nécessaire d'harmoniser les législations nationales des Etats membres, un instrument de crédit légalement élaboré dans un État membre ne pourrait pas être interdit à la vente dans un autre État membre même si ses prescriptions techniques ou qualitatives différeraient de celles imposées aux opérateurs financiers dudit Etat pour l'élaboration de leurs propres offres.
* (4) Selon l'article L. 313-3 du code de la consommation, qui reprend in extenso l'article L. 313-5 du code monétaire et financier : « Constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l'autorité administrative après avis du Conseil national du crédit » .
* (5) Longtemps applicable à l'ensemble des activités de crédit, quelle que soit la qualité de l'emprunteur, la définition de l'usure ne l'est plus, depuis août 1983, aux prêts accordés aux personnes morales se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale (article 32 de la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique, dite « loi Dutreil » ), ni, depuis août 2005, aux personnes physiques agissant pour leurs besoins professionnels, c'est-à-dire aux entrepreneurs individuels (article 7 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dite « loi PME » ).
* (6) Loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services, treize fois modifiée et complétée depuis lors.
* (7) Proposition de résolution n° 60 (2002-2003) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs ( E-2103 ), présentée, au nom de la délégation pour l'Union européenne, par M. Aymeri de Montesquiou.
* (8) Résolution n° TA 578 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs - Rapport n° 3076 déposé, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, par M. Robert Lecou.
* (9) Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux contrats de crédit aux consommateurs modifiant la directive 93/13/CE ( COM [2005] 483 final ).