ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
Depuis
quelques années, les autorités britanniques mènent de
nombreuses campagnes d'information sur la violence familiale, au niveau
national et au niveau local. Elles appuient également toutes les
initiatives privées dans ce domaine et encouragent la coopération
entre les administrations concernées (justice, police, système
national de santé, services pénitentiaires...).
|
1) Les dispositions pénales
a) La qualification pénale des violences conjugales
Les
actes de violence dans le couple ne constituent pas des infractions
spécifiques. Ils sont donc le plus souvent qualifiés
d'intimidation ou de voies de fait. Le droit commun s'applique, mais
le
juge,
qui dispose d'une grande faculté d'appréciation,
peut tenir compte des liens entre l'agresseur et la victime pour
déterminer la peine
.
En outre, les violences conjugales peuvent tomber sous le coup de
la loi de
1997 sur la protection contre le harcèlement
, lequel constitue une
infraction spécifique, définie comme le fait d'effrayer ou
d'angoisser autrui, dans la mesure où une telle action s'est produite au
moins deux fois.
b) Le viol à l'intérieur du couple
Il est sanctionné par les juges depuis le début des années 90, mais les tribunaux ont traité fort peu d'affaires. En outre, certains prennent en compte la durée du mariage pour atténuer la peine. Ainsi, en octobre 1999, un homme qui avait violé son épouse s'est vu infligé une peine de prison de seulement deux ans, au motif qu'il était marié depuis dix-sept ans.
2) Le déclenchement de la procédure pénale
La plainte de la victime n'est pas nécessaire à l'engagement des poursuites contre l'auteur des violences. En effet, toute personne au courant de faits lui laissant supposer l'existence d'une infraction peut les dénoncer.
3) Les dispositions du droit civil
Le
titre IV du
Family Law Act
de 1996
, entré en vigueur le
1
er
octobre 1997, permet aux victimes de demander aux tribunaux
civils de prendre deux sortes d'ordonnances :
- des ordonnances de protection ;
- des ordonnances relatives à l'occupation du domicile familial.
Lorsque la victime se trouve réellement en danger ou qu'elle risque de
renoncer à poursuivre la procédure, le tribunal peut rendre ce
type d'ordonnances sans même prévenir l'agresseur.
Le
Family Law Act
de 1996 s'applique quel que soit le lien qui existe
entre l'agresseur et la victime. Cependant, il prévoit des dispositions
un peu différentes selon qu'il s'agit d'époux, d'ex-époux,
de concubins, d'ex-concubins, de fiancés, d'ex-fiancés, de
parents des mêmes enfants, voire de personnes qui vivent sous le
même toit sans que l'un soit l'employé ou le locataire de
l'autre.
a) Les ordonnances de protection
La
victime peut demander au tribunal une
ordonnance interdisant à
l'agresseur
de continuer à se livrer à des voies de
fait
sur sa personne. Il peut s'agir d'une interdiction
générale ou d'une mesure très limitée, comme
l'interdiction de téléphoner à la victime. De plus, le
tribunal décide librement de la durée de validité de
l'ordonnance.
Depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, le ministère de
la Justice procède à leur évaluation. Pendant la
première année, les tribunaux ont rendu 19 000 ordonnances
de protection.
b) Les ordonnances relatives à l'occupation du domicile familial
La
victime peut demander au juge la jouissance exclusive du domicile familial,
quels que soient les droits qu'elle détient sur le logement.
Le juge prend sa décision au cas par cas en tenant compte de tous les
éléments du dossier (besoins et ressources financières des
deux parties, conduite mutuelle, durée de la vie commune,
conséquence d'une éventuelle ordonnance sur chacun et sur les
enfants...).
Le juge dispose d'une grande latitude : il peut par exemple instaurer la
partition du logement, en attribuer la jouissance exclusive à la
victime, exiger que l'agresseur quitte le logement. Il peut même
l'empêcher de fréquenter un secteur géographique incluant
ce logement.
L'ordonnance s'applique pendant six mois. Elle peut être
renouvelée pour des périodes de six mois. Cependant, elle ne peut
être prolongée qu'une seule fois lorsque aucun des époux ou
des concubins ne dispose de droits sur le logement.
Quand l'un des membres du couple a des droits sur le logement, le tribunal peut
associer à son ordonnance sur l'occupation du logement certaines
clauses, telles que le paiement par celui qui jouit du logement d'un loyer au
titulaire des droits, ou l'obligation faite à l'un ou l'autre de
réparer et d'entretenir le logement ou le mobilier.
Au cours de la première année, les tribunaux ont rendu
9 000 ordonnances relatives à l'occupation du domicile.
* *
*
Si l'agresseur a effectivement utilisé la violence ou menacé de le faire et si une telle mesure paraît nécessaire pour assurer la sécurité de la victime, le tribunal peut préciser que tout refus d'obtempérer à ses ordonnances justifie une arrestation immédiate par la police, sans mandat d'arrêt.
4) L'aide aux victimes
a) L'aide financière
Depuis 1979, les victimes de violences conjugales ne sont
plus
exclues du bénéfice de l'aide allouée aux victimes d'actes
violents
, laquelle est actuellement régie par la loi de 1995 sur la
compensation des blessures résultant d'infractions.
Cependant, comme le protocole applicable écarte la possibilité
pour l'agresseur de détourner l'aide à son profit, la victime ne
peut recevoir une aide financière que si l'auteur des violences a
été poursuivi en justice et si elle a cessé de vivre de
façon permanente avec lui.
Gérée par un organisme
ad hoc
indépendant, la
Criminal Injuries Compensation Authority
, l'aide consiste en un montant
forfaitaire déterminé par application d'un barème. Selon
la gravité de la blessure ou du handicap, l'aide varie entre
1 000 £ et 250 000 £ (soit entre 10 000 FRF
et 2,5 millions FRF).
L'aide peut également permettre de couvrir des dépenses
exceptionnelles (travaux d'aménagement du logement, traitement dans un
établissement de santé privé...).
En outre, si l'agression provoque un arrêt de travail de plus de
vingt-huit semaines, la victime peut prétendre à une
indemnisation du manque à gagner à partir de la
vingt-neuvième semaine.
b) L'assistance
Le
ministère de l'Intérieur a édicté en 1990 une
circulaire incitant à la
création, au sein des commissariats
de police, d'unités spécialisées
dans l'accueil et
l'assistance aux victimes de violences conjugales. Entre août 1997 et
mars 1998, la direction des études et des recherches du ministère
de l'Intérieur a effectué une enquête auprès de
quarante-deux des quarante-trois forces de police
(1(
*
))
qui existent en Angleterre et au Pays de
Galles. Les résultats publiés en décembre 1998, montrent
que trente-six forces de police (86 %) disposaient de personnel
spécialisé dans ces questions et que, sur ces trente-six,
dix-huit avaient créé une unité
ad hoc
. En outre,
les femmes peuvent demander à être reçues par un officier
de police de sexe féminin.
La
loi de 1996 sur le logement
, entrée en vigueur le
1
er
janvier 1997, oblige les collectivités locales
à fournir un logement aux personnes sans abri ou qui risquent de le
devenir, dans la mesure où elles ont réellement besoin
d'assistance. C'est notamment le cas des femmes victimes de violences
lorsqu'elles décident de quitter le domicile familial. La
collectivité locale a l'obligation d'héberger la personne pendant
deux ans
(2(
*
))
. En
général, elle installe l'intéressée dans un
hôtel ou dans un foyer pendant quelques jours, délai qui lui
permet d'instruire le dossier et de trouver un logement.
De façon générale, le ministère de
l'Intérieur s'efforce de promouvoir toutes les initiatives,
privées ou publiques, tendant à lutter contre les violences
conjugales. Ainsi, il existe plus de 400 foyers en Angleterre et une
cinquantaine au Pays de Galles ; plusieurs lignes
téléphoniques spécialisées fonctionnent
vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; environ 200 groupes
multidisciplinaires réunissent des représentants des principales
administrations et des associations concernées ; des campagnes
d'information expliquent en quoi ces violences constituent des
infractions ; les médecins généralistes du Service
national de santé ont été formés pour identifier le
phénomène.