Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit d’un amendement de repli sur mon amendement de repli…(Sourires.)

Nous proposons non plus un calendrier d’alignement total des prestations, mais un calendrier de rattrapage, pour augmenter les prestations sociales à Mayotte à hauteur des deux tiers des montants en vigueur dans l’Hexagone.

Comme je l’ai indiqué, le montant de l’AAH est deux fois moindre que dans les autres régions. Il en est de même pour la prime d’activité ou le RSA.

C’était également le cas pour l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), mais son régime a été modifié par le décret du 20 octobre 2023 – l’une des rares mesures positives découlant de la loi de réforme des retraites… – puisque le montant de l’allocation a été augmenté de 150 euros, ce qui correspond aux deux tiers du montant pratiqué dans l’Hexagone. C’est une bonne chose, mais il faut continuer dans cette voie : une première étape a été franchie, nous devons en franchir d’autres.

Cet amendement consiste ainsi en une autre demande de rapport, afin d’augmenter les prestations sociales à Mayotte à hauteur des deux tiers du montant pratiqué dans l’Hexagone et dans d’autres départements d’outre-mer, à l’instar de ce qui a été fait pour le minimum vieillesse. Ce ne serait, évidemment, qu’une première étape.

Mme la présidente. L’amendement n° 65 rectifié, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement remet au Parlement, dès la promulgation de la présente loi, un rapport sur les disparités persistantes entre les montants des prestations sociales versées à Mayotte et ceux versés dans l’Hexagone et les autres départements d’outre-mer. Ce rapport évalue l’impact de ces écarts sur le niveau de vie des Mahorais et propose un calendrier d’alignement sur deux années des prestations sociales sur celles de l’Hexagone.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. La catastrophe vécue par les Mahoraises et les Mahorais met en lumière des difficultés qui perdurent depuis des décennies. Les inégalités entre l’Hexagone et Mayotte concernent non seulement les conditions de vie ou le pouvoir d’achat, mais également les prestations sociales, dont l’objet est pourtant de réduire ces inégalités.

Nous savons que la catastrophe engendre déjà de l’inflation, voire, vous l’avez dit, monsieur le ministre, de la spéculation, qui risquent de durer longtemps.

Par cet amendement, nous souhaitons rétablir une demande de rapport, qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale, sur les disparités persistantes de montants entre les prestations sociales versées à Mayotte et celles qui sont versées dans l’Hexagone et les autres départements d’outre-mer. Ce rapport nous servirait de base pour pouvoir ajuster ensuite le niveau des prestations sociales de manière plus équitable.

Les chiffres fournis par les caisses d’allocations familiales d’outre-mer illustrent bien la situation.

Les allocations familiales s’élèvent à 223,8 euros pour une famille avec trois enfants à charge, contre 338 euros dans les autres DOM et dans l’Hexagone. Le montant versé à Mayotte ne représente ainsi que 66 % du montant versé dans l’Hexagone.

Ma collègue a déjà cité les chiffres concernant le RSA ; je n’y reviens pas.

Monsieur le ministre, vous êtes ministre d’État, ministre des outre-mer. Si vous rejetez nos amendements, engagez-vous au moins à rétablir l’égalité dans la République et donnez-nous une date à laquelle celle-ci sera effective partout en France.

Mme la présidente. L’amendement n° 115 rectifié bis, présenté par Mme Le Houerou, M. Omar Oili, Mme Artigalas, M. Roiron, Mme Bélim, M. Kanner, Mme Féret, M. Fagnen, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les disparités persistantes entre les montants des prestations sociales versées à Mayotte et ceux versés dans l’Hexagone et les autres départements d’outre-mer. Ce rapport évalue l’impact de ces écarts sur le niveau de vie des Mahorais et propose un calendrier concerté d’alignement des prestations sociales sur celles de l’Hexagone.

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. L’article 27 visait à demander, comme mes collègues viennent de le dire, un rapport au Gouvernement sur les disparités concernant le montant des prestations sociales.

Je sais que notre assemblée est réfractaire aux demandes de rapport. Je tiens néanmoins à souligner l’importance du sujet.

La situation actuelle correspond ni plus ni moins à une différence de traitement entre des citoyens français.

Parmi les éléments qui illustrent cette disparité inacceptable, on peut noter que les aides personnelles au logement (APL) ne sont toujours pas versées à Mayotte ; des écarts existent en ce qui concerne le montant des allocations de logement familiales (ALF) et celui des allocations de logement sociales (ALS).

De même, alors que le montant du RSA à Mayotte ne s’élevait qu’à 25 % de celui qui est en vigueur dans l’Hexagone, il demeure néanmoins actuellement toujours inférieur de moitié. C’est le cas également de l’AAH et de la prime d’activité.

Je dois pourtant rappeler le coût prohibitif des soins et des produits de santé dans l’archipel : on estime qu’ils sont plus élevés de 17 %. Le manque d’infrastructures est criant : le taux d’équipement en lits d’hôpital est de 1,6 pour 1 000 habitants, contre 3,5 dans l’Hexagone. Seuls 63 % des Mahorais sont affiliés à la sécurité sociale, et 70 000 assurés seulement, sur un total de 211 000, possèdent une carte Vitale.

Nous pourrions multiplier les exemples. Le montant des allocations familiales n’est pas encore aligné sur celui qui est pratiqué dans l’Hexagone. En moyenne, les allocations perçues par une famille mahoraise sont trois à quatre fois moindres que celles qui sont perçues par une famille de La Réunion ou de l’Hexagone.

Je pense qu’il était important de rappeler ces éléments, qui sont souvent méconnus en métropole ; ils ont toutefois des conséquences très concrètes dans la vie des familles mahoraises.

Il conviendrait donc, dans le contexte actuel, de rédiger très rapidement un rapport, afin d’avancer vers une convergence des droits entre les Hexagonaux et les Mahorais.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Ces amendements visent tous à rétablir l’article 27, afin de demander un rapport au Gouvernement sur la convergence sociale. Les modalités d’alignement proposées sont toutefois un petit peu différentes.

L’avis de la commission est avis défavorable, pour deux raisons.

D’abord, parce qu’il s’agit de demandes de rapport, lesquelles n’ont pas leur place dans une loi, à plus forte raison quand elle est d’urgence.

Ensuite, parce que le Gouvernement a annoncé une reprise de la convergence sociale dans le projet de loi programme de refondation qu’il prévoit de déposer – M. le ministre pourra sans doute nous le confirmer. En effet, la poursuite de l’harmonisation de nos régimes de protection sociale est l’un des grands enjeux de la reconstruction de Mayotte. Les travaux à venir du Parlement sur cette question devront nécessairement être éclairés par des éléments étayés, et notamment par une étude d’impact fournie. Il n’est donc pas nécessaire de rétablir cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Ces amendements visent à demander au Gouvernement de remettre un rapport pour éclairer le Parlement sur les prestations sociales à Mayotte.

J’avais, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, exprimé un avis favorable à un amendement identique à l’amendement n° 23. Ce dernier avait été adopté.

Il sera, dans tous les cas, nécessaire, comme l’a indiqué Mme le rapporteur pour avis, de nous appuyer sur un diagnostic solide pour procéder à l’examen du projet de loi de refondation de Mayotte, qui vous sera prochainement soumis. Nous devrons aborder la question lors du prochain comité interministériel des outre-mer (Ciom), sans nous limiter d’ailleurs à la situation criante de Mayotte.

Ce diagnostic sera donc bien réalisé. Il devra non seulement mettre en lumière les écarts de niveau de vie entre Mayotte et le reste du territoire national, y compris La Réunion, mais aussi mettre en perspective les niveaux de salaire et de cotisation et évaluer les impacts socio-économiques de la convergence. Il est temps de le faire !

J’ai d’ailleurs signé vendredi avec le président du conseil départemental un contrat d’objectifs, qui évoque cette convergence – d’ici à 2031 pour le Smic. Nous devons être capables de mener ce travail.

S’agissant de ces demandes de rapport, la commission s’oppose à leur inscription dans la loi au titre de sa doctrine générale sur ce type de demande et parce que le Gouvernement sera amené à documenter la question dans l’étude d’impact du prochain texte.

Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur ces amendements.

Je voudrais enfin dire à Mme la sénatrice Corbière Naminzo que c’est lorsque j’étais Premier ministre que le projet de loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a été déposé par George Pau-Langevin et Éricka Bareigts, puis adopté en première lecture à l’Assemblée nationale sur le rapport de Victorin Lurel. C’est, selon moi, l’un des textes les plus importants concernant les outre-mer.

Malgré les années qui passent, je reste très fidèle à cette action et j’espère retrouver cet esprit – je le dis au moment où le président Kanner, qui faisait partie de ce même gouvernement, arrive dans l’hémicycle… – à l’occasion du prochain Ciom : nous devons nous donner comme objectif d’atteindre l’égalité réelle. Ce n’est que justice !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 65 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 115 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 27 demeure supprimé.

Article 27 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 32 (supprimé)

Articles 28 à 31

(Supprimés)

Articles 28 à 31
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Articles 33

Article 32

(Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 95 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Omar Oili, Mme Artigalas, M. Roiron, Mme Bélim, M. Kanner, Mme Féret, M. Fagnen, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans les six mois à compter de la fin de la période de prolongation des droits mentionnée au premier alinéa de l’article 21 de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant les impacts de ladite période. Ce rapport évalue plus largement la nécessité de suspendre pour les demandeurs d’emploi domiciliés à Mayotte l’application du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage et l’article 1er de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Le présent amendement tend également à demander un rapport au Gouvernement – j’imagine donc quel sera son sort… Il concerne les réformes de l’assurance chômage et du RSA. Le contexte de Mayotte est très différent de celui de l’Hexagone : par exemple, le taux de chômage s’y élève à 37 %.

Cet amendement vise à alerter sur les conséquences pour les Mahorais des deux réformes de l’assurance chômage et du RSA. Un rapport serait bienvenu pour évaluer cette question.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement, d’une part, sur le bilan de la prolongation des droits versés par la caisse de sécurité sociale de Mayotte, d’autre part, sur la nécessité de suspendre à Mayotte les dernières réformes de l’assurance chômage.

L’avis est défavorable, car cet amendement vise à rétablir un article supprimé en commission.

En outre, et au-delà de la position constante de la commission sur les demandes de rapport, les réformes récentes de l’indemnisation du chômage se trouvent de fait suspendues le temps de la prolongation automatique de l’allocation de retour à l’emploi.

Si des mesures s’avéraient nécessaires pour le retour au régime de droit commun, il incomberait alors aux partenaires sociaux de déterminer les ajustements utiles aux règles d’assurance chômage. Ce rapport n’est donc pas souhaitable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 95 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 32 demeure supprimé.

Article 32 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles 33

(Supprimé)

Vote sur l’ensemble

Articles 33
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ce texte pose le cadre de la reconstruction de Mayotte, un cadre qui tient compte des spécificités de ce territoire et prévoit des dérogations réduisant certains délais administratifs.

Au cours de nos débats, le groupe CRCE-K a pointé du doigt les risques de certaines dispositions et nous serons vigilants à ce que rapidité ne rime pas avec précipitation. Les solutions trouvées doivent être non seulement rapides, mais également durables.

Sur le long terme, ces solutions ne devront pas coûter plus à Mayotte, que ce soit à ses habitants ou à ses collectivités, qu’il s’agisse de l’approvisionnement en énergie ou de la gestion des déchets.

Nous suivrons également de près la replantation de la forêt mahoraise et le soutien apporté à l’agriculture de Mayotte, durement touchée.

Nous espérons que l’article 13 bis AA, qui permet aux TPE de répondre aux marchés publics, sera maintenu. Il protège la liberté d’entreprendre, mais, surtout, il garantit à ces entreprises le droit d’exister. Nous le savons, le tissu économique d’outre-mer est fragile et souvent à la merci des monopoles et des majors.

Pour nous, il faut permettre aux forces vives mahoraises de piloter la reconstruction.

Nous regrettons que les débats soient encore trop orientés sur la problématique migratoire, comme si l’on cherchait à rejeter la responsabilité de la gravité des dégâts causés par Chido sur les personnes en situation irrégulière.

C’est oublier que Mayotte est le département de l’injustice sociale et des promesses non tenues, avec des droits sociaux bafoués, que ce soit pour les allocations familiales, pour les personnes porteuses de handicap ou le RSA, alors que nous sommes dans le département le plus pauvre de France. La pauvreté y touche 77 % de la population. Vous venez de nous parler, monsieur le ministre, d’un horizon 2030 ; cela veut-il dire que la justice sociale peut attendre ?

Ce texte sanctionne les sans-papiers, mais il valide aussi le fait que des citoyens français ne puissent pas faire autrement que de s’abriter dans des bidonvilles, en achetant des tôles grâce à leur carte d’identité française…

Nous voulions tous que ce texte remette Mayotte debout, mais, déjà, les fondations de cette reconstruction valident une société qui discrimine, que ce soit entre citoyens français – ceux de Mayotte et ceux d’ailleurs –, entre Mahorais – les plus précaires et les autres –, et même entre étrangers – ceux en situation régulière et ceux en situation irrégulière. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Concluez, s’il vous plaît !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Enfin, en ce qui concerne les fondations, je m’inquiète du déni avec lequel on balaie le risque de découvrir des sépultures sur la terre mahoraise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe GEST votera ce texte, même s’il reste en deçà des attentes. Cette catastrophe a mis en exergue l’effondrement qui touchait déjà le département le plus pauvre de France.

Les propos d’Emmanuel Macron après le passage du cyclone résonnent encore tant ils relèvent inconsciemment d’un regard colonial brutal. Il aurait fallu que les Mahoraises et les Mahorais, habitants d’une ancienne colonie départementalisée en 2011, soient contents d’être Français… Mais est-on sûr que la dette est de leur côté ?

Malgré une République prétendument égalitaire, Mayotte n’est pas le territoire de l’égalité des droits. Comme pour M. Macron, la mise en scène d’une colère, monsieur le ministre – je reviens sur l’épisode de tout à l’heure –, n’est pas un argument pour répondre à une question posée par la population ou par un élu de la République.

Il nous faut urgemment prendre en compte ce que le chercheur Malcolm Ferdinand appelle une double fracture environnementale et coloniale qui résonne encore, les inégalités se perpétuant entre l’Hexagone et les territoires ultramarins.

Bernard Kalaora, socioanthropologue, explique de son côté que les Mahorais, exclus de l’élaboration du projet de protection de l’écosystème marin du parc naturel de Mayotte – en tant qu’écologistes, nous sommes très attachés à ce parc –, perçoivent cette conservation comme une « colonisation bleue », où la priorité est donnée à la nature administrée par l’État français au détriment des habitants.

Oui, ce qui est fait sans les Mahoraises et les Mahorais se fait contre eux. Pour le chercheur, la situation actuelle peut être qualifiée d’« hypercriticité », « un état où les tensions sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément peut précipiter un effondrement global ».

Il y a aussi l’impossibilité de penser au-delà de l’urgence.

La moitié de nos amendements ont été empêchés par l’article 45 de la Constitution. Nous espérons que, dans le texte à venir, le périmètre ne sera pas aussi restrictif, car cela empêcherait tout débat structurel sur Mayotte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte malgré ses insuffisances. Nous devons avoir conscience qu’il y a encore beaucoup de travail à faire et nous comptons sur le futur projet de loi qui est annoncé pour travailler sur les points fondamentaux que nous n’avons pas pu aborder ici à cause d’une application très stricte de l’article 45.

Tout reste à faire ! Les difficultés étaient là avant le cyclone Chido, et elles se sont aggravées. Maintenant, il faut travailler sur le long terme et il faut le faire avec les Mahorais, élus et habitants, et à leur façon : nous devons respecter leur culture, leur mode de vie et, plus globalement, la manière dont ils envisagent le devenir de leur territoire, notamment du point de vue économique.

Nous devons être particulièrement vigilants sur la question agricole – nous en avons parlé. La nourriture locale est très importante, si bien qu’il faut replanter très vite. Monsieur le ministre, assurer des ressources locales pérennes demande de la planification sur le long terme et cela ne peut s’envisager, je le redis, qu’avec les Mahorais eux-mêmes.

Nous voterons ce projet de loi et nous comptons être très actifs sur le prochain texte pour que Mayotte retrouve enfin une place dans la République à égalité avec tous les autres départements français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Monsieur le ministre, à l’issue de l’examen de ce texte, pouvons-nous dire en toute honnêteté que nous avons trouvé toutes les solutions concrètes pour un archipel ravagé ?

Que nous avons répondu aux besoins d’une population soumise à toutes les vulnérabilités ?

Que nous avons pris en compte la réalité inacceptable de ces enfants qui ne sont scolarisés que lorsqu’ils le peuvent, et non lorsqu’ils le doivent ?

Que nous avons soutenu les forces vives mahoraises, les entreprises, les artisans, qui eux aussi sont capables de reconstruire leur territoire ?

Que nous avons anticipé les prochaines fureurs climatiques, préservé une faune et une flore d’une richesse incroyable ?

Que nous avons garanti un accès à l’eau aux 28 % de logements qui en étaient déjà privés ?

Que nous avons traité avec égalité toutes les victimes de ce cyclone ?

Que le montant alloué à cette reconstruction est suffisant ?

Bien sûr que non ! Nous avons fait du chemin, certes, mais nous n’avons pas répondu complètement à ces questions.

Je reconnais, monsieur le ministre, que vous avez parfois cherché des points d’équilibre, que nos débats ne vous ont pas laissé indifférent. Mais en réalité, cela ne change pas la réponse à toutes ces questions.

Alors oui, nous concernant, nous allons voter ce texte et vous donner les moyens de répondre en partie à l’urgence.

Non pas parce que nous partageons votre méthode : nous refusons de sanctionner les sans-papiers, qui sont des victimes de ce cyclone tout autant que les autres.

Nous le voterons, parce que nous refusons de laisser les Mahoraises et les Mahorais s’enfoncer encore plus dans la détresse.

Nous le voterons et nous serons là, alertes et vigilants. Et nous attendons avec exigence un véritable plan d’accompagnement, de reconstruction et de dignité qui soit à la hauteur des valeurs fondamentales de la France – liberté, égalité, fraternité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour explication de vote.

Mme Salama Ramia. Le Sénat, assemblée des territoires, va s’exprimer en faveur de la reconstruction de Mayotte, en donnant notamment une place à ses collectivités et à ses élus locaux. J’espère que l’adoption définitive de ce texte débouchera rapidement sur une application concrète – les Mahorais en ont besoin.

Le cadre de ce texte d’urgence nous a invités à nous tourner vers l’avenir et à réfléchir d’ores et déjà à son articulation avec la loi programme, qui, comme l’ont mis en exergue les débats, est très attendue pour traiter les sujets de fond de manière globale et à la racine : la régulation foncière, l’éducation, l’eau – et j’en passe…

Mes chers collègues, Mayotte ne mérite pas une vision hors sol pour se reconstruire. Les délégations successives en visite sur place ne peuvent que constater, sur le terrain, ce à quoi font face les Mahorais au quotidien : Mayotte arrive à une situation de saturation ; sa population, qui est accueillante, est à bout de souffle.

Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Nous allons voter cette loi d’urgence pour Mayotte, mais comme je vous l’ai déjà dit, monsieur le ministre, nous ne traitons ici que des questions matérielles.

Je n’ai pas vu, dans cette loi d’urgence, de prise en charge psychologique, de prise en charge de nos âmes. Aujourd’hui, beaucoup d’enfants n’osent pas aller à l’école, nombre d’entre nous sont dans la douleur. Nous n’avons pas de toit. Or il n’y a pas de prise en charge psychologique, je le redis. Vous ne pouvez pas imaginer ce que nous vivons.

Nos enfants ne peuvent pas aller à l’école dès qu’il pleut – nous sommes dans la saison des pluies. Dès qu’ils voient la pluie, ils pleurent, ils tremblent. Est-ce que ce n’était pas l’occasion, dans cette loi d’urgence, d’apporter des réponses à cette population qui souffre psychologiquement, mais qui ne le montre pas ?

Beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école tout simplement parce qu’il pleut : ils se demandent si ce n’est pas le cyclone qui revient… Que propose-t-on à ces gens-là ? Tous, même les adultes, nous vivons dans la peur.

C’est pour cela, monsieur le ministre, que je vous ai dit hier, et je vous le redis aujourd’hui, qu’on ne pourra pas reconstruire ce territoire sans nous ! Il faut tenir compte de nos réalités. (Applaudissements sur toutes les travées.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Avant de passer au vote, je voudrais en tout premier lieu remercier très sincèrement nos trois rapporteurs : les deux rapporteurs pour avis, Isabelle Florennes pour la commission des lois et Christine Bonfanti-Dossat pour la commission des affaires sociales, et le rapporteur au fond pour la commission des affaires économiques, Micheline Jacques, qui est également présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Assistées par les secrétariats des trois commissions, elles ont fait un excellent travail et je pense qu’elles ont été à même de vous proposer un texte équilibré qui vise à répondre à l’urgence et à entamer la reconstruction de Mayotte. Comme l’a dit Micheline Jacques dans la discussion générale, elles ont eu la volonté de tout mettre en œuvre pour adapter au mieux les dispositifs à la réalité du territoire mahorais et associer le plus possible les élus.

Je tiens à rendre un hommage tout particulier à nos deux collègues mahorais, Salama Ramia et Saïd Omar Oili, que nos rapporteurs ont associés à leurs travaux et auditions, en particulier celle du ministre d’État. Vous avez pu, mes chers collègues, apporter votre contribution, ô combien précieuse, et nous vous en remercions vivement. Soyez assurés de notre empathie et de notre soutien. Nous resterons mobilisés à vos côtés.

Je veux également remercier M. le ministre de son engagement et des réponses, très claires, qu’il nous a apportées. Vous avez notamment été interrogé à plusieurs reprises sur la question du nombre de victimes et vous avez été transparent : vous avez toujours donné les mêmes chiffres et vous avez bien dit à l’ensemble de nos collègues que vous n’aviez aucune raison de masquer la vérité, en tout cas celle qui est connue aujourd’hui. Je veux aussi vous remercier, parce que vous vous êtes déjà rendu plusieurs fois à Mayotte et que vous continuerez à vous y rendre.

Le Sénat restera bien évidemment mobilisé pour les Mahoraises et les Mahorais et pour Mayotte. Une délégation de la commission des affaires économiques s’y rendra d’ailleurs à la fin du mois de mars.

Nous attendons maintenant la loi programme de refondation de Mayotte, qui traitera de sujets de fond. Ces sujets ont naturellement été évoqués lors de l’examen de ce texte, mais ils ne relèvent pas d’une loi d’urgence. Salama Ramia en a cité quelques-uns ; j’y ajouterai les inégalités sociales, l’habitat illégal, mais aussi l’immigration clandestine. Je sais que le Sénat sera à la hauteur de la situation pour débattre de cette loi programme pour Mayotte. (Applaudissements sur toutes les travées.)