Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

M. Guy Benarroche.

Procès-verbal

Sortir la France du piège du narcotrafic et statut du procureur national anti-stupéfiants

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié et d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Vote sur l'ensemble

proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic

Mise au point au sujet d'un vote

proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la république national anti-criminalité organisée

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

Mises au point au sujet de votes

Candidatures à des commissions

Urgence pour Mayotte

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Article 13

Article 13 bis AA (nouveau)

Après l'article 13 bis AA (nouveau)

Article 13 bis A

Article 13 bis

Article 13 ter

Article 14

Article 14 bis

Article 15

Article 16

Après l'article 16

Avant l'article 17

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Article 17

Après l'article 17

Article 17 bis A

Article 17 bis

Article 17 ter (nouveau)

Article 18

Article 18 bis

Article 19

Après l'article 19

Article 20

Article 21

Article 22

Article 23

Après l'article 23

Articles 24 à 26

Article 27

Articles 28 à 31

Article 32

Vote sur l'ensemble

Mises au point au sujet de votes

Souveraineté alimentaire et agricole

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture

Intitulé du titre Ier

Article 1er

Ordre du jour

nomination de membres de commissions

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

M. Guy Benarroche.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Article unique (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic
Discussion générale (fin)

Sortir la France du piège du narcotrafic et statut du procureur national anti-stupéfiants

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié et d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutins publics solennels sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (proposition de loi n° 735, texte de la commission n° 254, rapport n° 253) et sur la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti stupéfiants (proposition de loi organique n° 197, texte de la commission n° 255, rapport n° 253).

La procédure accélérée a été engagée sur ces textes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que ces deux scrutins s'effectueront depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l'insérant dans votre terminal de vote. Vous pourrez vous rapprocher des huissiers pour toute difficulté.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Vote sur l'ensemble

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, mes chers collègues, comme dans la société tout entière, la lutte contre le trafic de stupéfiants a réuni un large consensus au sein de notre assemblée.

Nos concitoyens sont confrontés à toujours plus de violences à mesure que le trafic progresse sur l'ensemble du territoire de la République. Nos policiers, nos gendarmes, nos douaniers et nos magistrats combattent ce fléau depuis longtemps.

Notre pays se trouve désormais à un point de bascule. Si nous ne réagissons pas avec fermeté et célérité, nous pourrions bien être dépassés par ce défi.

Pour lutter efficacement, nous devons avant tout changer de regard sur les stupéfiants. Trop longtemps, les expressions « drogue douce » ou « usage récréatif » ont occulté la réalité tragique du terrain.

Alors que l'on compte plus de 1 million de consommateurs de cocaïne dans notre pays, les stupéfiants sont devenus un marché très juteux, qui pourrait représenter 6 milliards d'euros.

Avec de tels montants en jeu, les délinquants ne reculent devant aucune forme de violence. Dans certaines zones de la République, les contrôles d'identité et les fouilles sont menés non plus par les forces de l'ordre, mais par les trafiquants eux-mêmes.

Ces derniers s'entretuent et nos concitoyens sont parfois les victimes collatérales de ces violences. On déplorait ainsi, en 2023, plusieurs centaines de blessés et quatre-vingt-cinq morts.

La rentabilité des trafics permet aux délinquants d'investir dans du matériel et des technologies avancées, ce qui rend d'autant plus difficile le travail des forces de l'ordre.

Tout cet argent doit ensuite être blanchi, ce qui implique le développement de nombreuses ramifications au sein de notre économie. Les stupéfiants ne constituent bien souvent qu'un pan parmi d'autres de l'activité des réseaux de la criminalité organisée. Cela explique et justifie le choix de créer un parquet spécialisé dans ces affaires, qui peuvent se dérouler dans plusieurs juridictions à la fois.

Les grandes villes ne sont plus les seules à être concernées. Les trafics gangrènent à présent une large partie de notre pays, y compris en milieu rural. Ils minent le développement de nos territoires et empoisonnent la vie de nos concitoyens. Dans la droite ligne des récentes opérations « place nette », nous devons poursuivre nos efforts.

Lors de nos débats, nous avons enrichi le texte de nombreuses mesures.

Nous avons ainsi sécurisé les dispositifs de fermeture administrative des lieux participant aux trafics. Le Sénat a par ailleurs interdit le paiement en espèces des locations de voiture. Cette mesure permettra de lutter contre le blanchiment en favorisant l'identification des loueurs.

Plusieurs amendements ont assujetti de nouveaux acteurs économiques aux dispositions de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Grâce à l'adoption d'un amendement de notre collègue Pierre Jean Rochette, les confiscations de véhicules seront désormais automatiques, y compris lorsque ceux-ci sont immatriculés à l'étranger.

Le Sénat a également accepté de mieux protéger les interprètes, acteurs clefs de nombre de procédures, en adoptant un amendement de notre collègue Louis Vogel. Lorsque cela sera nécessaire, l'interprète pourra être autorisé par le magistrat à conserver l'anonymat.

Sortir la France du piège du narcotrafic est un objectif nécessaire et ambitieux. À cet égard, nous pouvons regretter que le présent texte soit une proposition de loi et non un projet de loi. Le droit pénal et la procédure pénale emportent de lourdes conséquences sur les libertés de nos concitoyens. Il va sans dire que le travail de la commission des lois du Sénat est de grande qualité. Cependant, disposer d'une étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État aurait sans doute permis de conforter la solidité juridique de plusieurs dispositions. La navette devra continuer d'améliorer le texte.

Renforcer notre arsenal ne suffit pas. Pour gagner ce combat, nous avons également besoin de l'engagement de la justice et de nos services d'enquête.

Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires tiennent à rendre hommage aux femmes et aux hommes qui luttent au quotidien contre ce fléau.

Le projet de regrouper les cent plus gros trafiquants dans une prison de haute sécurité paraît nécessaire pour priver effectivement les réseaux de leurs chefs. Il met cependant en lumière le manque de moyens de la pénitentiaire : il nous faut à la fois construire davantage de places de prison et moderniser nos établissements.

Pour mettre fin au développement des trafics et protéger efficacement nos concitoyens de ces réseaux, il sera nécessaire d'aborder le sujet de la consommation de drogue. Celui-ci ne faisant pas partie du périmètre de ce texte, nous ne pouvions en débattre.

Nous considérons cependant qu'il est aussi commode que fallacieux de prétendre, comme le font certains de nos collègues, que le trafic de stupéfiants est une conséquence de l'économie de marché. Les mêmes prônent la dépénalisation et l'augmentation des aides sociales pour lutter contre la criminalité : cela pourrait prêter à sourire si cet angélisme ne bénéficiait pas au développement des cartels.

Nous sommes bien évidemment convaincus que les addictions appellent une prise en charge médicale, mais cela ne doit pas occulter la lourde responsabilité qui pèse sur les consommateurs. Les centaines de victimes assassinées, parfois dans des conditions atroces, ont subi ce sort pour que la drogue parvienne au consommateur. Personne ne peut plus ignorer cette réalité.

Face à ce fléau, nous devons agir avec détermination et constance. Le Groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc à l'unanimité en faveur de l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe RDSE. – Mme Muriel Jourda applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, mes chers collègues, permettez-moi d'expliquer en quelques mots le vote du groupe Les Républicains sur cette proposition de loi visant à lutter contre le narcotrafic.

Il ne vous aura pas échappé que je suis corapporteur de ce texte, aussi je ne ferai pas durer plus longtemps le suspense : notre vote sera bien entendu favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Ah ! sur des travées du groupe SER.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. C'est une surprise !

Mme Muriel Jourda. Il semble que mes propos soulagent d'un grand poids plusieurs de nos collègues ! (Sourires.)

Ce vote sera favorable, car ce texte, si vous me permettez d'utiliser un terme quelque peu trivial, est satisfaisant, et ce à bien des égards.

Il est tout d'abord satisfaisant parce qu'il émane du Sénat. Cela est assez remarquable, s'agissant d'un sujet régalien sur lequel le gouvernement, quelle que soit sa sensibilité, se situe par nature en première ligne. Il faut donc souligner la qualité de ce travail : à partir du rapport rendu par Étienne Blanc dans le cadre de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, présidée par Jérôme Durain, nos deux collègues ont rédigé cette proposition de loi que nous allons, je l'espère, très largement approuver.

Ensuite, ce travail est satisfaisant, parce qu'il est collectif. Au-delà de l'unanimité qu'a recueillie le rapport de la commission d'enquête, nous avons su avancer avec l'ensemble des groupes en séance. Certes, certains points ont fait l'objet de désaccords, mais nous avons largement débattu, en particulier avec le Gouvernement. Nous avons ainsi poursuivi les négociations, depuis le début de nos débats avec M. le garde des sceaux, jusqu'à la fin de la séance avec M. le ministre de l'intérieur. Nous n'avons cessé de chercher un consensus. Au vu du caractère régalien de ce sujet, il me paraissait naturel que nous parvenions à trouver un accord pour sortir la France du narcotrafic.

Ce texte est également satisfaisant, parce que nous avons souhaité éviter les sujets de désaccord. Ce n'est pas que nous craignions de ne pas savoir les trancher : c'est précisément notre fonction. Dans cette chambre, la démocratie se traduit justement par le fait de régler les différends par la discussion puis par le vote. Nous y serions donc parvenus. Cependant, pour donner du poids à ce texte, il fallait exclure certains sujets. Nous savons desquels il s'agit, ne nous en cachons pas : je pense avant tout à la consommation et à la légalisation de certains produits stupéfiants. De telles discussions auraient pu nous éloigner les uns des autres. Nous avons su, dans la droite ligne du rapport de la commission d'enquête, circonscrire nos travaux de façon à travailler utilement sur le sujet, à savoir la lutte contre le narcotrafic.

Là aussi, le résultat a été satisfaisant. Encore une fois, dans le prolongement dudit rapport, nous avons su aborder l'intégralité des questions qui ne sont pas traitées dans toutes leurs dimensions par le droit positif. Or, sur ces sujets, la délinquance avance vite, très vite, parfois beaucoup plus vite que ne peuvent le faire les États.

Je ne rentrerai pas dans le détail des points dont nous avons discuté. Rappelons toutefois que nous avons commencé par mettre en ordre la chaîne pénale en dotant la France, à l'instar de ce que nous avions prévu pour le terrorisme, d'un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco). Au-delà du trafic de stupéfiants, c'est une criminalité totale qui est organisée.

Ce parquet coordonnera l'action sur l'ensemble du territoire. Du point de vue administratif, il sera aussi doté d'un état-major interministériel. C'est d'ailleurs sur ce point que portaient nos attentes envers le Gouvernement et nous avons heureusement trouvé un accord, grâce auquel l'ensemble des services concernés, au-delà de la justice et de l'intérieur, pourront lutter conjointement contre le narcotrafic.

Ensuite, nous avons doté nos enquêteurs de moyens. Je le dis souvent : le droit est un outil. Les enquêteurs pourront, par exemple, être anonymisés afin d'éviter de faire l'objet de menaces ou de pressions de la part des narcotrafiquants. Ils seront également dotés de techniques d'enquête : le procès-verbal distinct, qui a notamment agité nos débats la semaine dernière, permettra d'éviter de dévoiler les méthodes d'action employées.

Nous le savons, l'appât du gain est la principale motivation des narcotrafiquants. Le blanchiment est donc un sujet majeur.

Nous avons donc renforcé les freins au blanchiment, y compris en intervenant dans des domaines qui relèvent de la vie quotidienne des élus locaux que nous avons été ou que nous sommes encore. Je pense, par exemple, à ces magasins qui restent ouverts une bonne partie du jour et de la nuit sans proposer beaucoup de produits en rayon et sans être fréquentés par un grand nombre de clients… Là encore, nous avons doté l'administration d'outils pour fermer ces blanchisseuses.

Nous nous sommes aussi attaqués à d'autres sujets importants, comme le renseignement, sans lequel les enquêtes seraient difficiles.

Enfin, nous avons souhaité agir contre la corruption, qui est une réalité. Il ne s'agit pas toujours d'une question de probité : plutôt que l'appât du gain, c'est parfois la menace qui pousse des acteurs clefs à céder, dans les ports, par exemple. Or notre arsenal de mesures serait totalement inutile si ceux qui sont destinés à les appliquer n'étaient plus en mesure de le faire, ce qui est le cas lorsqu'ils sont corrompus.

Voilà pourquoi ce texte me semble satisfaisant. Nous ne prétendons pas avoir atteint la perfection ni épuisé le débat, que l'Assemblée nationale poursuivra.

Au cours de la commission d'enquête, l'une des personnes auditionnées, issue d'un pays voisin du nôtre, qui a été envahi par le narcotrafic, nous confiait : « Chez nous, il est minuit vingt. Chez vous, il est minuit moins cinq. » Grâce aux outils dont nous avons doté tous les acteurs de la lutte contre le narcotrafic, et grâce à votre volonté politique sans faille, messieurs les ministres d'État, nous pourrons empêcher que minuit ne sonne jamais chez nous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendant. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Olivia Richard et M. Jérôme Durain applaudissent également.)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, mes chers collègues, nous devons nous prononcer aujourd'hui sur une proposition de loi à l'intitulé ambitieux : « sortir la France du piège du narcotrafic ».

Ce texte s'est nourri des travaux de la commission d'enquête dont j'ai été vice-présidente. À cette occasion, nous avons dressé un état des lieux très préoccupant de ce phénomène, qui, d'année en année, gagne en ampleur et s'étend sur l'intégralité du territoire national, jusqu'à toucher nos petites villes et nos campagnes. Personne n'est épargné.

Face à l'urgence, Étienne Blanc et Jérôme Durain, respectivement rapporteur et président de cette commission d'enquête, ont décidé de déposer cette proposition de loi. Ce texte, j'y insiste, est très ambitieux, en ce qu'il vise à renforcer les moyens procéduraux dans la lutte contre le narcotrafic.

Les travaux de la commission d'enquête ont clairement démontré que nous accusions un retard considérable par rapport aux trafiquants. Ces derniers ne manquent ni de moyens ni d'imagination pour contourner les règles en vigueur et importer et vendre leur marchandise.

Sur ces travées, nous partageons tous la même ambition : mettre un coup d'arrêt à ce trafic qui gangrène le pays. La tenue des travaux en séance durant deux jours, la semaine dernière, en atteste. Sur les quelques éléments de blocage, à l'article 1er comme à l'article 16, nous avons su trouver des points d'atterrissage équilibrés.

Cette proposition de loi comporte un certain nombre de mesures que le groupe RDPI salue. Je pense notamment à la création d'un parquet national anticriminalité organisée, articulée à la montée en puissance de l'Office anti-stupéfiants (Ofast). Ces mesures ont été largement soutenues dans l'hémicycle tant par les sénateurs que par le Gouvernement. Pour moi, ce sont des avancées décisives dans la lutte contre le narcotrafic.

Il en va de même des dispositions qui visent à frapper les narcotrafiquants au portefeuille afin de lutter efficacement contre le blanchiment d'argent. C'était l'une des recommandations phares de la commission d'enquête.

Ainsi, je salue les mesures prévues aux articles 5 et 5 bis, qui permettront, au travers d'un mécanisme judiciaire ou administratif, de geler les avoirs des trafiquants.

Vous le savez, ces individus n'ont aucune limite. Nous connaissons la dangerosité de leurs méthodes et de leurs moyens. J'ai une pensée émue pour les familles des deux agents pénitentiaires tués au péage d'Incarville, en mai 2024. À l'aune de ce drame, notre droit doit s'adapter, notamment en autorisant nos forces de sécurité à utiliser de nouvelles techniques d'enquête.

À cet égard, je me félicite de l'adoption de la mesure que j'ai défendue, au nom du groupe RDPI, après l'article 15 bis. Elle permettra aux enquêteurs d'activer, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD), les appareils fixes pour les infractions relatives à la criminalité organisée. Notre collègue Étienne Blanc a d'ailleurs proposé un dispositif complémentaire pour les appareils mobiles. Ces méthodes constituent un ajout pertinent aux techniques d'enquête existantes.

Si nous pouvons nous féliciter d'avoir élaboré un texte très riche, nous devons admettre que des failles persistent. Je pense notamment à la prévention, volet pourtant primordial à mes yeux, qui n'a pas eu droit de cité dans cette proposition de loi. Je regrette que l'amendement que j'ai introduit à cet égard n'ait pas obtenu l'approbation de la commission des lois. Beaucoup d'entre vous m'ont affirmé que ce n'était ni le lieu ni le moment d'aborder cette problématique. Alors, dites-moi : quand allons-nous le faire ?

Je ne doute pas une seconde que ce texte permettra de lutter efficacement contre le narcotrafic. Mais, il faut l'admettre, ses effets se concentreront essentiellement sur le haut du spectre.

Cette avancée est significative, certes. Mais quid des petites mains ? Quid, en somme, de notre jeunesse, qui continuera de tenter l'aventure, le ventre tapissé d'ovules de cocaïne ? L'an passé, le voyage s'est interrompu aux portes de l'aéroport guyanais pour plus de 1 000 mules en quête d'argent facile.

Ce ne doit plus être une fatalité. Au-delà de cette proposition de loi, il est primordial de mettre en place des actions pour endiguer le phénomène des mules, qui frappe de plein fouet les territoires ultramarins. Je pense notamment à un scanner corporel capable de détecter les objets ingérés.

Messieurs les ministres, il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous. Monsieur le ministre de l'intérieur, votre prédécesseur, ici présent, s'était montré favorable, devant la commission d'enquête, à l'installation de scanners aux aéroports parisiens, points d'arrivée des vols en provenance de Guyane et des Antilles. J'espère que vous ferez toujours de ce dossier une priorité.

Le scanner a fait ses preuves à l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol aux Pays-Bas. Je reste convaincue, tout comme l'ensemble des parlementaires ultramarins, que cette mesure peut endiguer ce phénomène dans nos territoires. Elle permettra, par la même occasion, de redéployer les forces de police, qui concourent aujourd'hui intégralement aux contrôles dans nos aéroports.

Permettez-moi enfin de saluer l'excellent travail des rapporteurs de la commission des lois et d'Étienne Blanc, auteur de ce texte. Le groupe RDPI avait souscrit aux conclusions de la commission d'enquête ; il est donc tout à fait naturel qu'il soutienne aujourd'hui les objectifs de ce texte.

Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, mes chers collègues, « sortir la France du piège du narcotrafic » : l'intitulé de cette proposition de loi affiche d'emblée les ambitions de ses auteurs, qui correspondent à l'ampleur du problème sur lequel ont porté nos travaux, en particulier ceux de Jérôme Durain et d'Étienne Blanc, dans le cadre de la commission d'enquête créée il y a plus d'un an.

Ce travail de longue haleine, important, restera probablement comme une référence en la matière. Soulignons également son caractère transpartisan, les conclusions de cette commission ayant recueilli le soutien de l'ensemble des groupes politiques du Sénat.

Le rapport de la commission d'enquête a mis en lumière des phénomènes tels que l'ubérisation du trafic, l'extension du narcotrafic aux zones rurales ou encore la banalisation des drogues dures.

Le texte que nous allons voter est le résultat à la fois du travail de cette commission d'enquête, de celui réalisé ensuite par les rapporteurs de la commission des lois et, de manière plus originale, des apports nombreux du Gouvernement, qui a su se saisir de ce véhicule législatif pour en renforcer la pertinence.

Du point de vue de la méthode, mon groupe ne peut que souscrire à ce texte, même si nous regrettons de ne pas avoir eu connaissance de certains amendements clefs suffisamment en amont pour nous former un avis éclairé.

Sur le fond, cette proposition de loi n'est pas un petit texte. Elle est, au contraire, absolument majeure.

Voilà quelques années, notre procédure pénale était relativement uniforme. L'évolution de la lutte contre le terrorisme a modifié cet état de fait et nous avons commencé à voter des prérogatives exceptionnelles, car l'urgence et la matière le commandaient. Sur bien des aspects, nous nous apprêtons à élargir les exceptions conçues pour le terrorisme à la lutte contre le narcotrafic. C'est un fait. Tel est le choix, souverain, de cette assemblée.

À la lecture du rapport de la commission d'enquête, il s'agit même d'un choix nécessaire, tant le narcotrafic se répand de manière incontrôlée dans l'Hexagone et dans nos territoires d'outre-mer.

Un pourcentage à lui seul est tout à fait édifiant : 80 % à 90 % du nombre total des règlements de compte s'expliquent par des différends liés au trafic de stupéfiants.

Les conséquences en matière de santé publique sont également dramatiques. Les chiffres relatifs à la consommation de cocaïne ont été rappelés. L'Europe est inondée par ce produit, le marché américain se tournant de plus en plus vers les drogues de synthèse.

Qui plus est, ce texte est attendu,tant par les services de police que par les magistrats, qui ont besoin d'une plus grande coordination et des outils que nous allons leur offrir pour mener à bien leur travail avec plus d'efficacité.

À l'issue de son examen en séance, la présente proposition de loi comporte désormais cinquante articles. À l'origine, elle n'en comptait que vingt-quatre. Alors, qu'allons-nous voter ?

Sans prétendre à l'exhaustivité, les principales mesures consistent en la mise en place d'un service chef de file, la création d'un parquet spécifique, la possibilité de fermer administrativement les lieux soupçonnés de blanchiment d'argent, la systématisation des enquêtes patrimoniales ou encore la création d'une interdiction administrative de paraître et la facilitation de l'expulsion des logements sociaux. Ces dernières mesures ne figuraient pas dans les préconisations de la commission d'enquête.

Les services d'enquête apprécieront particulièrement l'amélioration de la coopération avec les services de renseignement et l'expérimentation du renseignement algorithmique, l'accès facilité aux messageries cryptées, le renforcement des outils à disposition des agents infiltrés, l'extension du régime des repentis et des mesures pour éviter que les trafiquants ne continuent de gérer leurs affaires depuis leur centre de détention.

La procédure pénale sera nettement modifiée avec la prolongation de la garde à vue des mules, la fin du plafonnement des peines applicables aux infractions réalisées concomitamment, la création d'un « dossier-coffre », permettant de ne pas soumettre des pièces de la procédure et des techniques d'investigation au contradictoire et enfin la refonte du régime des nullités, dont il ne semble pas inutile de rappeler qu'elles sont uniquement soulevées par les avocats et non provoquées.

Toutes ces mesures, nombreuses, sont substantielles.

Un grand radical, Clemenceau, a dit un jour à cette tribune : « Le Gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas. » De ce point de vue, nul doute que ce texte remplit cet objectif. Clemenceau avait tout de même ajouté : « […] et que les hésitants, que ceux qui ne savent pas, trouvent un point d'appui dans la loi ».

C'est précisément sur ce point que je veux insister. Nous nous apprêtons à confier des prérogatives très importantes à nos services de police et de justice. Cela témoigne de la grande confiance que leur accorde notre assemblée. Est-il besoin de rappeler qu'avec plus de pouvoir viennent plus de responsabilités ? Toutes ces techniques et dérogations n'ont qu'une seule fin : la lutte contre le narcotrafic. Aussi resterons-nous attentifs à leur utilisation.

De même, certaines mesures, à notre sens, demeurent perfectibles. Nous comptons sur la suite de la navette pour parvenir, notamment, à un « dossier-coffre » à la fois opérationnel – à ce stade, le dispositif nous paraît trop complexe – et équilibré, de manière à préserver les droits de la défense.

Par ailleurs, face à une problématique mondiale, nous ne pouvons ignorer que nous avons besoin de plus de coopération internationale. Ce champ mérite encore réflexion.

C'est tout l'intérêt de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis, qui vient de débuter ses travaux.

Quant aux « hésitants » de Clemenceau, ils existent. Ce texte, dont je comprends que ce n'est pas l'ambition, ne s'intéresse pas à eux.

En dehors d'une mesure visant à dissuader le recrutement des plus jeunes par les réseaux, aucun dispositif de prévention n'est prévu. Or il faut garder à l'esprit que le narcotrafic tend à structurer l'espace social.

Nous avons beaucoup parlé de l'Amérique latine au cours de l'examen de ce texte et du risque de « mexicanisation » auquel nous sommes vraisemblablement confrontés. Mais l'extension du narcotrafic sur ce continent n'est pas simplement liée aux outils qui existent ou non pour lutter contre ce phénomène ; si tel était le cas, la Drug Enforcement Administration (DEA) serait rapidement parvenue à ses fins.

En réalité, le narcotrafic s'épanouit partout où l'État central déserte. Par endroits, il a même pris le relais de l'État. Je vous invite à aller voir ce qui se passe actuellement en Argentine, où la dépense publique a véritablement été coupée à la tronçonneuse, ce qui semble en faire rêver plus d'un en France... Qui finance les cantines scolaires dans ce que l'on appelle les « villes misère » ? Ce sont les narcotrafiquants : ils ne se glissent pas seulement dans chaque faille juridique, mais également dans chaque faille sociale, créant une dépendance et une soumission économiques des populations avec lesquelles ils vivent et dont ils font partie. Les narcotrafiquants deviennent, de fait, pour les adolescents, le seul modèle de succès auquel ils aspirent, simplement parce qu'il est le seul auquel ils peuvent prétendre.

Nous pourrons difficilement nous donner les moyens de « sortir du piège du narcotrafic » sans renforcer l'ensemble des services publics permettant d'éviter qu'un gamin ne tombe dedans.

C'est parce que ce texte prévoit plus d'État dans un domaine qui en a cruellement besoin que le groupe RDSE votera pour son adoption. Il nous permet de commencer à rattraper un retard certain ; il devra s'accompagner des moyens humains indispensables pour mener à bien cette mission.

Toutefois, nous ne pourrons nous contenter de ce « plus d'État » sur le seul plan répressif. Mon groupe attend également, sur ce sujet sur lequel le Gouvernement a décidé de s'engager activement, davantage de République. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, et sur des travées des groupes GEST et SER. – M. Hervé Marseille applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, mes chers collègues, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a publié en juin 2024 son rapport annuel sur les drogues dans le monde. L'état des lieux est terrifiant : sur 300 millions de consommateurs, la majorité des usagers consomment du cannabis, 60 millions des opioïdes, 30 millions des amphétamines, etc., pour un chiffre d'affaires consolidé de 250 milliards de dollars. Dans ce contexte, la situation en Syrie, terre du Captagon, doit retenir toute notre vigilance.

Ces chiffres montrent combien il est impératif de prendre des mesures fortes contre le narcotrafic. C'est précisément l'objet du présent texte, qui prévoit des avancées significatives.

Nous nous félicitons que plusieurs amendements défendus par notre groupe aient pu être adoptés en séance.

Nous saluons notamment l'adoption de l'amendement de notre collègue Pascal Martin, visant à permettre le bannissement des ports français des navires impliqués dans le trafic de stupéfiants et, par extension, des compagnies qui les utilisent. Moins de drogue au Havre, c'est moins de drogue dans l'Orne, monsieur le président ! (Sourires.)

Je souhaite m'attarder sur les mesures qui concernent la lutte contre le blanchiment.

L'article 3 impose aux sociétés de vente et de location de véhicules de luxe de se conformer aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme (LCB-FT). Il autorise les maires à signaler aux préfets les commerces suspectés de blanchiment. Il élargit l'accès des forces de sécurité au fichier informatisé des données juridiques immobilières (Fidji) et au système d'immatriculation des véhicules (SIV). Il renforce également l'obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs.

L'article 3 bis, ajouté en séance, permet aux douanes d'accéder aux données des opérateurs de transport.

L'article 4 instaure une procédure d'injonction pour richesse inexpliquée.

La commission a par ailleurs interdit le recours aux « mixeurs » de cryptoactifs. Cette mesure est à mon sens un peu théorique, puisque les distributeurs, je le rappelle, demeurent autorisés.

Plusieurs amendements visant à renforcer le rôle des douanes, déposés par Sylvie Vermeillet, ont été adoptés.

Quant à l'article 5, il instaure une procédure de gel judiciaire des avoirs des narcotrafiquants.

Mes chers collègues, messieurs les ministres, le blanchiment d'argent est la mère de tous les vices. Le narcotrafic et la criminalité organisée utilisent les mêmes circuits que la grande délinquance financière. Je salue, à cet égard, la dream team aujourd'hui présente au banc du Gouvernement : je vous félicite, monsieur le garde des sceaux, pour votre engagement dans la lutte contre le blanchiment et vous, monsieur le ministre de l'intérieur, pour votre détermination sur le sujet. Pourtant, de ce point de vue, le compte n'y est pas pour l'instant.

Voici venu le moment de rendre hommage au nouveau et puissant maire de Marquillies, mon ami et complice Éric Bocquet, et de vous parler de lutte contre la fraude fiscale.

Comment expliquer que 1,5 million d'euros en espèces aient été retrouvés au Parlement européen – un dossier aujourd'hui totalement enterré ? Comment ne pas évoquer le rôle des banques, mis au jour au travers de l'enquête réalisée par le Consortium international des journalistes d'investigation (Icij), dans l'affaire des Panama Papers ?

En 2023, la Danske Bank a été impliquée dans un scandale de blanchiment d'argent via sa filiale estonienne qui blanchissait plus de 200 milliards d'euros.

La même année, le Crédit suisse, mis en cause dans une affaire de blanchiment d'argent liée à des fonds provenant du trafic de drogue, a accepté de payer une amende de 2,1 milliards d'euros. On imagine quel devait être le montant de la fraude !

Toujours en 2023, la plateforme d'échange de cryptomonnaies Binance a été condamnée à payer une amende de 4 milliards d'euros.

Enfin – à qui se fier ? –, le Vatican, lui aussi, (Exclamations amusées.) a été mêlé en 2023 à une affaire de blanchiment d'argent liée à l'achat d'une propriété d'une valeur de 200 millions de dollars, une transaction effectuée grâce au détournement de dons destinés à des œuvres de charité, notamment le Denier de Saint-Pierre. J'ai une bonne nouvelle à cet égard : le pape François a décidé de créer un petit « Tracfin » au sein du Vatican. Nous progressons...

M. Marc-Philippe Daubresse. Il aurait dû rester dans sa bulle ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ou publier une encyclique ! (Nouveaux sourires.)

Mme Nathalie Goulet. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Ces exemples montrent que le blanchiment est un sujet central.

Le monde du sport n'est pas en reste. Je vous ferai grâce des cas de blanchiment et de faux prix de transfert dans le football. (M. Stéphane Ravier s'exclame.) Nous avons bien fait, l'année dernière, de ne pas voter la niche « Fifa » (Fédération internationale de football association) !

Des initiatives ont été prises au niveau mondial, car les solutions ne pourront advenir que d'une meilleure coopération internationale.

L'Union européenne a récemment franchi une étape importante dans la lutte contre le blanchiment avec la création de l'Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d'argent (Amla), basée à Francfort et dont la présidente est italienne. Messieurs les ministres, comment l'influence de la France peut-elle s'exercer au sein de cette nouvelle agence dans laquelle aucun poste de direction n'est occupé par un Français ?

Le temps des voleurs n'est pas le temps du législateur et encore moins celui du législateur européen !

À la longue liste des failles qui existent, il faut ajouter : les ports francs, les paradis fiscaux et nos amis des monarchies du Golfe, qui ont leur propre modèle économique. À cet égard, monsieur le garde des sceaux, vous avez bien fait d'aller aux Émirats arabes unis constater les efforts de cet État pour rester hors de la liste grise du Groupe d'action financière (Gafi). Néanmoins, il reste des trous importants dans le dispositif.

J'y insiste, la solution à ce problème ne saurait provenir que de la coopération internationale, c'est-à-dire de la lutte au niveau mondial contre le blanchiment et contre la fraude et l'évasion fiscales.

Vous l'aurez compris, cette proposition de loi est un modèle d'excellence du travail sénatorial : excellent sujet de commission d'enquête, dream team au banc des rapporteurs, ministres à l'écoute, pour ne pas dire à l'affût, de nos très bonnes propositions. (Sourires.)

Ce travail parlementaire va se poursuivre. La commission d'enquête, menée par le groupe Union Centriste, aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis, viendra utilement compléter ce texte visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Je sais, messieurs les ministres, que vous y serez attentifs.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et Les Républicains. – M. Jérôme Durain applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord rendre hommage aux travailleurs confrontés quotidiennement aux mafias et aux trafics de stupéfiants. Je pense bien sûr aux dockers, aux salariés des ports, aux douaniers, aux agents pénitentiaires, aux avocats, aux magistrats, aux policiers, aux gendarmes et à tant d'autres. C'est notre devoir que de les protéger face aux risques qu'ils affrontent chaque jour.

Nous devons prendre garde à garantir leur sécurité, tout en proportionnant les contrôles dont ils font l'objet. Nous ne pouvons pas les présumer complices, et encore moins coupables ; au contraire, il nous faut tout mettre en œuvre pour les préserver contre les risques de corruption ou les menaces liés au trafic de drogue. Je regrette d'ailleurs ici que les amendements que nous avions déposés en ce sens n'aient pas été retenus. J'espère que le travail législatif qui suit son cours réparera ce manquement.

Je souhaite aussi rendre hommage aux travailleurs de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Je rappelle qu'aujourd'hui plus de 350 000 mineurs ou jeunes majeurs font l'objet d'une mesure de l'ASE, soit une hausse d'environ 20 % depuis 2011. Mais ni les moyens humains ni les moyens financiers ne sont à la hauteur. Or, à cause de ces carences, nous exposons des enfants aux réseaux mafieux et les poussons dans les bras des narcotrafiquants et des proxénètes.

Il devient urgent de soutenir financièrement nos départements pour mieux protéger ces enfants. Si nous ne renforçons pas le secteur de la protection de l'enfance, nos efforts seront vains.

Je souhaite enfin rendre hommage aux habitantes et aux habitants des quartiers, des villes et des villages touchés par ce fléau que nous combattons ici. Il nous faudra prendre garde, en cherchant à les protéger, à ne pas les enfermer dans un quotidien uniquement sécuritaire et marginalisant. J'ai grandi dans les quartiers nord de Marseille et je sais que nous ne pouvons pas être réduits à cela : nos quartiers sont beaux et peuvent nous rendre fiers. Mais, comme ailleurs, l'État doit nous accompagner vers une évolution positive pour toutes et tous, qui ne saurait se résumer à un renforcement de la présence policière, même si celle-ci est bien évidemment nécessaire.

Partout sur le territoire national, la présence de l'État doit être renforcée, notamment au travers du développement des services publics.

En tant que communiste, je sais que la lutte contre les mafias est une question de classe. Les premières victimes des réseaux mafieux sont les populations les plus fragilisées, les plus vulnérables et les plus précaires. Lorsque l'État les abandonne, les trafiquants se montrent bien présents, gangrenant notre pays et profitant des failles ouvertes. Et partout où l'État recule, les mafias progressent.

C'est pour cela, mes chers collègues, que nous devons accompagner l'élan contenu dans ce texte, nécessaire, d'un renforcement des moyens financiers et humains dans tous les services publics. À défaut, je le répète, nos efforts seront vains.

Notre justice, par exemple, ne saurait se contenter du budget qui lui est octroyé dans le projet de loi de finances pour 2025. Selon le rapport de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (Cepej), notre pays est toujours en queue de peloton. Quand la France dépense 77 euros par an et par habitant pour sa justice, l'Espagne dépense 96 euros, l'Italie 100 euros et l'Allemagne 136 euros.

Concrètement, la France ne compte que 11,3 magistrats professionnels pour 100 000 habitants, contre 24,17 en Allemagne, soit plus du double.

Les agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) nous ont aussi alertés sur le criant manque de moyens du secteur.

Je souhaite insister sur le sujet des services de la douane, lesquels réalisent 75 % des saisies de stupéfiants. Pourtant, si la douane s'est modernisée au gré des réformes, elle a aussi été privée, dramatiquement, de nombreux moyens tant humains que matériels. À titre d'exemple, la France compte aujourd'hui 16 500 douaniers, contre 48 000 en Allemagne. Les outils utilisés restent, eux aussi, bien en deçà des besoins, qui sont criants. Nous ne pouvons laisser, dans ce combat, les douaniers désarmés et en sous-effectifs.

Enfin, même si la question de la prévention et des usagers de drogue n'est pas l'objet de cette proposition de loi, il nous faudra mener une véritable campagne de santé publique pour soigner ces personnes de plus en plus nombreuses et de moins en moins accompagnées. Notre santé publique va mal et ce sont à nouveau les plus précaires qui paient le plus lourd tribut.

Dans l'émission matinale d'une chaîne radio, voilà quelques semaines, un journaliste m'interrogeait sur les nombreuses sollicitations dont je pouvais faire l'objet, en tant que sénateur, de la part des familles de plus en plus nombreuses qui doivent faire face à la pression des réseaux du narcotrafic. Je lui ai répondu que j'avais reçu au cours des six derniers mois trois familles qui avaient déménagé, fuyant le département pour des raisons de sécurité, parce que leur frère ou leur fils avait refusé de rejoindre l'un de ces réseaux et que la famille entière – parents, fratrie – était donc directement menacée.

Un brin gêné, le journaliste me demanda à la fin de l'interview si je n'avais pas peur de prendre la parole et d'agir contre ces réseaux. Je lui ai rétorqué, modestement, que même si nous, parlementaires, en avions peur, car c'est parfois légitime, cela ne devait pas nous empêcher d'agir. En effet, nous ne pouvons pas demander aux travailleurs, aux salariés, aux habitantes et aux habitants de ces quartiers et à nos jeunes de faire preuve de courage si nous-mêmes n'agissons pas ! (M. Michel Savin applaudit.)

Je suis heureux, mes chers collègues, que nous fassions aujourd'hui, collectivement, preuve de courage en envoyant un double signal : aux réseaux, nous disons que les choses ne se passeront pas demain comme ces dernières années ; à leurs victimes, nous disons que nous les entendons et qu'elles ne sont pas seules.

Nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K, SER, RDSE, et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, mes chers collègues, je tiens à commencer cette intervention en saluant la qualité de nos débats. À l'occasion de l'examen de cette proposition de loi, les échanges ont été sérieux, sereins et le plus souvent sincères. Cela doit nous conduire à transcender nos a priori tant ce sujet est important pour notre société.

La proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, dont nous avons débattu durant deux jours et deux nuits, est largement fondée sur les excellents travaux de la commission d'enquête sénatoriale sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, dont la création avait été demandée en premier lieu – je le rappelle – par trois sénateurs de gauche des Bouches-du-Rhône : Marie-Arlette Carlotti, Jérémy Bacchi et moi-même.

Le rapport de cette commission d'enquête comprenait de nombreuses recommandations, dont beaucoup ont été reprises, en vue de changer de doctrine en ne visant plus les consommateurs et les petites mains des réseaux. Je rappelle que ces derniers engrangent de gigantesques profits via la vente de stupéfiants, mais qu'ils opèrent aussi dans le trafic d'armes, le racket, la traite des êtres humains, le proxénétisme.

Le narcotrafic est le nec plus ultra du capitalisme libéral mondialisé.

Cette globalisation des groupes, organisés au-delà de la vente de drogues, a été prise en compte dans les deux premiers articles de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui visent à spécialiser nos moyens de justice au travers d'un parquet national, dont les compétences ne sont pas limitées aux seuls stupéfiants, mais étendues à l'ensemble de la criminalité organisée.

Notre groupe salue cette vision à la juste échelle de ces nouvelles mafias, auxquelles il est nécessaire d'accorder une attention particulière. Nous alertons cependant sur la dérive possible vers une centralisation excessive, car nous devons être conscients que ces criminalités se retrouvent sur l'ensemble du territoire, en zone urbaine comme en zone rurale, de Marseille à Morlaix en passant par la Corrèze et la région parisienne.

Notre groupe s'associe à la volonté nouvelle de s'attaquer enfin au haut du spectre : le blanchiment et la corruption. Le constat premier de la commission d'enquête est celui de l'échec des politiques de l'esbrouffe, et notamment des opérations « place nette XXL », qui donnent lieu à davantage de saisies et d'incarcérations, mais qui n'empêchent pas le trafic d'augmenter.

Concernant le blanchiment, permettez-moi de citer le député Jean-Luc Warsmann, lequel a ouvert l'exposé des motifs de la proposition de loi visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, qui a créé l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), par ces mots : « Pour être véritablement dissuasive, toute sanction pénale doit pouvoir s'accompagner de la privation des délinquants des profits qu'ils ont pu tirer de l'infraction. »

Taper au portefeuille, faire en sorte que le crime ne paie pas : les dispositions que nous avons examinées donnent de nouvelles possibilités pour ce faire.

Je salue l'adoption des amendements du groupe Écologiste – Solidarités et Territoires qui visent à renforcer ce volet en rendant obligatoire la confiscation des biens dont le propriétaire ne peut justifier l'origine, à éviter que la justice ne soit encombrée, à maintenir les droits de la défense.

Pour ce qui est de la focalisation sur le haut du spectre, nous nous félicitons de la refonte et de la sécurisation du statut de ceux que l'on nomme communément les repentis et de l'adoption de l'un de nos amendements tendant à mieux les protéger en sanctionnant ceux qui révèlent des informations sur les repentis et leurs proches.

La corruption, phénomène dont l'importance était minorée jusqu'aux travaux de notre commission d'enquête sénatoriale, est désormais légitimement prise en compte. Nous pensons toutefois que nous aurions pu aller plus loin, en prévoyant notamment une obligation de mise en place de politiques de prévention dans les grandes communes et les collectivités territoriales.

Ce texte, aussi ambitieux soit-il, laisse une question primordiale en suspens : quels moyens réels le Gouvernement est-il prêt à engager pour que ces avancées soient mises en œuvre rapidement et efficacement ?

Voilà quelques années, nous avions créé une juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), que le Pnaco supprime et remplace. Je ne pense offenser personne en disant que cette machine a trop peu fonctionné en raison d'un manque de soutien autant politique que matériel, financier et humain.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je l'ai dit !

M. Guy Benarroche. Je le déplore.

Ayant débattu non pas d'un projet de loi, mais d'une proposition de loi, nous ne disposons pas d'une étude d'impact du Conseil d'État ni d'une évaluation réelle des besoins matériels et financiers.

En votant ces textes, nous allons prendre des dispositions qui coûtent de l'argent et qui commandent de nouveaux moyens humains ; or il semble que nous n'en ayons pas la possibilité, au vu de l'état dans lequel vous avez mis nos finances publiques... Notre groupe est très inquiet, car ce projet ambitieux pourrait ne pas aboutir, faute de financements suffisants.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Vous votez le texte ou pas ?

M. Guy Benarroche. Par ailleurs, de nombreuses mesures ne figurent pas dans la proposition de loi, bien qu'elles soient tout aussi primordiales pour lutter contre l'économie florissante du narcotrafic.

Nous regrettons ainsi l'absence d'un volet prévention. Il est pourtant urgent d'en faire une grande cause nationale à l'attention, d'une part, des consommateurs, de l'autre, des personnes en grande précarité, cibles privilégiées des trafiquants dont ils deviennent les petites mains – le lumpenprolétariat de cette industrie.

Rien sur les mesures d'information permettant d'éviter l'entrée dans la consommation.

Rien sur les parcours de soins, sur la prise en charge des addictions, sur l'intérêt de légaliser ou de dépénaliser certains usages. Aucune mesure de politique de santé publique.

Rien sur le volet économique et social, qui a pourtant fait l'objet de discussions au sein de la commission d'enquête et qui constitue un levier majeur de la lutte contre le narcotrafic.

Rien sur la politique de la ville, sur la lutte contre la précarité, sur le logement, sur l'insertion par l'école et le travail.

Rien non plus sur l'accompagnement et le traitement social des victimes du narcotrafic et de leurs proches. Il s'agissait pourtant d'une demande forte des familles que mes collègues des Bouches-du-Rhône et moi-même avions souhaité auditionner. L'amendement relatif à ce sujet, que nous avions présenté et qui visait à introduire un nouvel article dans la proposition de loi, a été déclaré financièrement irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, faute d'engagement du Gouvernement.

Par ailleurs, quelques points de ce texte sont très problématiques. Nous sommes notamment stupéfaits d'avoir vu réapparaître les mesures d'activation à distance des appareils électroniques dans le but de capter les conversations.

Je rappelle que le Conseil constitutionnel avait censuré cette mesure, le 16 novembre 2023, en ces termes : « L'activation à distance d'appareils électroniques afin de capter des sons et des images sans même qu'il soit nécessaire pour les enquêteurs d'accéder physiquement à des lieux privés [...] est de nature à porter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée dans la mesure où elle permet l'enregistrement [...] concernant aussi bien les personnes visées par les investigations que des tiers. »

Nous restons également convaincus que les mesures dérogatoires permettant l'allongement des délais de détention provisoire ou de garde à vue sont disproportionnées.

Enfin, nous déplorons l'adoption de l'article 24, absolument absent des conclusions et préconisations de notre commission d'enquête, qui vise à mettre en place des mesures à la fois inopérantes et inefficaces.

Nous espérons que la navette parlementaire permettra de revenir sur ces articles au mieux inutiles, voire dangereux pour l'équilibre entre la lutte légitime contre le narcotrafic et la garantie, tout aussi légitime, des droits de la défense et des libertés individuelles.

Les nombreuses solutions prévues seront déterminantes sur les plans judiciaire, policier, administratif et financier et dans la lutte contre le blanchiment et la corruption. La plupart des mesures proposées vont dans la bonne direction et sont, je le répète, indispensables.

C'est pourquoi notre groupe votera ce texte, même s'il est incomplet. Si les moyens nécessaires sont octroyés, il permettra de diriger enfin la lutte contre le narcotrafic vers les criminels du haut du spectre et les entreprises qu'ils dirigent. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Muriel Jourda applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, mes chers collègues, ce texte est né de Marseille, j'irai par conséquent « droit au but » : notre groupe votera pour cette proposition de loi. (Bravo ! et applaudissements.)

Nous, sénateurs et sénatrices du groupe Socialiste, Écologistes et Républicain, voterons ce texte, parce que nous connaissons la menace que représente le narcotrafic. À Paris, Rennes, Nantes, Saint-Ouen, Clermont-Ferrand, Fort-de-France, Montpellier, Nancy, Vesoul, Lille, dans les centres des métropoles, dans les villes moyennes ou dans les campagnes, nos élus locaux font face à la violence, aux morts et à la déstabilisation opérée par le trafic de drogue. Un fléau dont on a trop longtemps cru qu'il était réservé à certains territoires.

Le terrorisme fracasse la société, nous savons désormais que le narcotrafic la ronge. Il est question de victimes humaines, de territoires sous emprise et d'une menace pour la démocratie.

Je veux remercier Marie-Arlette Carlotti (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) pour avoir, la première, avec ses collègues Jérémy Bacchi et Guy Benarroche, milité pour que le Sénat s'attaque avec pugnacité à ce phénomène. Valérie Boyer et Stéphane Le Rudulier ont ensuite obtenu la création de la commission d'enquête sur ce sujet.

Grâce à ces sénateurs de gauche et de droite investis dans la commission d'enquête, qui a rendu ses conclusions en mai dernier, une volonté s'est exprimée de faire front ensemble, partout, face au piège qui nous guette. Il nous fallait ensuite traduire dans la loi ces préconisations.

C'est une grande fierté d'avoir pu assumer la copaternité, avec mon collègue Étienne Blanc, de cette proposition de loi. Nous n'avons ni le même parcours ni les mêmes orientations politiques, mais ce travail transpartisan nous a semblé naturel et indispensable. Mieux, il incarne pour nous le meilleur de ce que peut apporter le travail parlementaire.

Nous avons partagé tout au long de ces travaux la conviction sincère qu'il fallait avancer vite et fort. Cela nous a conduits parfois à empiéter sur le pré carré de l'exécutif, dans une démarche d'autant plus inhabituelle qu'elle concerne le cœur des missions régaliennes.

Ce texte comprend deux volets : d'abord, une organisation repensée de la lutte contre le narcotrafic autour de deux chefs de file, l'un judiciaire, l'autre dans l'investigation ; ensuite, une exceptionnelle boîte à outils, qui donne à notre première ligne des moyens juridiques et techniques nouveaux.

Corruption, blanchiment, procédure pénale, renseignement, techniques d'enquêtes... Que ce soit la mise en place du procès-verbal distinct, la réforme du statut des repentis, l'injonction pour richesse inexpliquée, l'infiltration civile ou encore la nouvelle infraction d'appartenance à une organisation criminelle, les nouveaux outils ne manquent pas. Ils étaient réclamés massivement par les magistrats, les policiers, les gendarmes, les douaniers, tous les spécialistes que nous avons auditionnés pendant ces longs mois de travaux. Charge maintenant à l'Assemblée nationale de consolider leur inscription dans la loi.

Notre groupe a pris toute sa part dans cette construction. Je veux évoquer ici : un meilleur maillage contre le blanchiment, grâce à Hussein Bourgi ; une meilleure protection de l'identité des professionnels de la justice en cas de menace, ou encore la protection des informateurs, grâce à Marie-Pierre de La Gontrie ; une lutte renforcée contre la corruption, grâce à Marie-Arlette Carlotti ; une meilleure prise en compte des spécificités ultramarines, grâce à Catherine Conconne et Victorin Lurel ; l'amélioration de la lutte contre le trafic en prison, grâce à Laurence Harribey ; ou encore la lutte contre l'utilisation massive de cartes SIM prépayées par les trafiquants, grâce à Corinne Narassiguin.

S'agissant de lutte contre le crime, les sénatrices et sénateurs socialistes ont toujours recherché le nécessaire équilibre entre sécurité et liberté. Comme lorsque nous avons affronté la question du terrorisme, il a fallu procéder à des arbitrages difficiles.

L'alpiniste que je suis connaît la difficulté des parcours d'arête ; arpenter la ligne de crête est toujours périlleux. Dans ce tableau globalement positif, il me faut ici exprimer quelques frustrations, quelques agacements et une franche opposition.

Nos réserves se sont concentrées sur l'article 16, relatif au procès-verbal distinct, ou encore sur le régime des nullités de l'article 20. Nous estimions que le travail réalisé par la commission des lois et sa présidente permettait d'atteindre un équilibre satisfaisant, par une rédaction clarifiée et sécurisée.

D'une manière générale, trop d'amendements gouvernementaux sont arrivés bien trop tard et leur portée aurait mérité un débat plus approfondi. Nous avons cependant confiance en la navette parlementaire pour qu'un équilibre encore meilleur vienne concrétiser l'engagement sur ce texte des sénateurs de tous les groupes.

Je serai plus ferme à propos de l'amendement, qui a été adopté, relatif aux messageries cryptées.

Cette question est sensible. Chacun sait que le recours à ces techniques fait débat. Un dispositif à ce point intrusif mériterait une étude d'impact approfondie, une préparation minutieuse et un débat parlementaire nourri. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jérôme Durain. Nous n'avons rien eu de tout cela. Cet amendement aurait dû être défendu par le Gouvernement dans un texte consacré au renseignement.

Vous connaissez l'attachement de la gauche au service public. Il faut protéger nos concitoyens de la gangrène du narcotrafic et aider nos maires démunis. Mais il ne peut y avoir d'État protecteur avec des forces sous-dotées, une justice embolisée et des prisons cocottes-minute. Vous l'aurez compris : nous demandons des moyens.

Le parquet national anticriminalité organisée et le nouvel état-major annoncé par les ministres Retailleau et Darmanin, constituent des incarnations et des outils de coordination bienvenus et indispensables. Mais ils ne seront fonctionnels que s'ils sont dotés des moyens suffisants en termes humains et d'équipements.

La menace que fait peser le narcotrafic sur les intérêts fondamentaux de la Nation le justifie. L'investissement sans faille des enquêteurs et magistrats, partout sur le terrain, nous engage. Il appelle de notre part un soutien entier, y compris sur le plan budgétaire.

Dernier point : cette proposition de loi ne traite pas de la consommation. Certains en appellent à la légalisation, d'autres à une plus forte pénalisation. Nous avons donc eu raison de ne pas mélanger dans ce texte répression, d'une part, soin et prévention, de l'autre, afin de conserver un consensus transpartisan le plus large possible.

Comme l'a rappelé Audrey Linkenheld, notre groupe considère qu'il faut avancer sur deux jambes. La jambe répressive, nous l'assumons sans fard ; celle de la prévention et du soin, nous l'appelons de nos vœux.

La drogue concerne un nombre important de criminels et un nombre encore plus important de victimes. S'il nous faut combattre les criminels de toutes nos forces, il faut aussi soigner et accompagner les consommateurs, qui peuvent être dépendants et malades. C'est pour nous une priorité et nous formulerons bientôt des propositions en ce sens.

Pour l'heure, les socialistes sont à leur place en votant le soutien à tous ceux qui combattent en notre nom, au quotidien, la criminalité organisée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, et sur des travées des groupes CRCE-K, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

M. Aymeric Durox. Monsieur le président, messieurs les ministres d'État, mes chers collègues, l'examen de la proposition de loi transpartisane sur le sujet majeur que constitue notre combat contre le narcotrafic me fournit l'occasion de saluer le travail de nos collègues Étienne Blanc et Jérôme Durain ainsi que celui des membres de la commission d'enquête.

Leurs travaux ont révélé ce que nombre de nos compatriotes, élus et forces de l'ordre vivent malheureusement au quotidien : la constitution de fiefs criminels, où la loi du sang prévaut sur la loi de la République. On le constate même parfois en zone rurale, comme dans la commune de Seine-et-Marne dont je suis élu, Nangis, 8 700 âmes et deux morts par balle liées au trafic de drogue en 2023 et 2024.

Je salue l'esprit de responsabilité qui a dans l'ensemble animé nos débats sur un sujet depuis longtemps dénoncé par le Rassemblement national.

La proposition de loi devra s'appliquer et se traduire par des résultats concrets. Nous avons beaucoup d'espoir dans le renforcement de l'Office anti-stupéfiants, composé de quatre ministères régaliens – Beauvau, Bercy, place Vendôme, les armées. Nous souhaitons que leurs services sachent travailler et coopérer.

Avec ce texte, nous frapperons enfin les narcotrafiquants au portefeuille en systématisant les enquêtes patrimoniales et en créant une nouvelle procédure d'injonction pour richesse inexpliquée.

En outre, la confiscation des biens, dont un propriétaire condamné ne saurait justifier l'origine, sera rendue obligatoire. Il s'agit d'une bonne chose, tout comme l'interdiction du paiement en liquide des véhicules de location, point sur lequel, monsieur le ministre d'État, ministre de l'intérieur, vous avez eu raison d'insister.

Je tiens à souligner deux mesures fortes, qui seront, je l'espère, appliquées avec rigueur.

Je pense à la possibilité, d'une part, de prononcer des interdictions administratives de paraître sur les points de deal, de l'autre, à celle qui est accordée au préfet d'expulser une personne impliquée dans un trafic de stupéfiants de son logement si celui-ci est situé dans ladite zone d'interdiction de paraître.

Mes chers collègues, alors que France urbaine, dans sa diversité politique, avait appelé à un plan d'action national et européen contre le narcotrafic, au travers d'une tribune publiée dans le journal Le Monde, le 20 septembre 2023, cette proposition de loi vient répondre à ce fléau qu'il nous faut éradiquer.

Il faut en effet parler de fléau quand pas moins de 80 % des règlements de compte par armes à feu dans notre pays sont le fait du narcotrafic. Désormais, plus aucun territoire n'est désormais épargné.

Le Premier ministre évoquait voilà quelques jours la submersion migratoire dans notre pays, à juste titre.

M. Fabien Gay. Il s'est inspiré de l'extrême droite !

M. Aymeric Durox. Aujourd'hui, nous votons un texte qui combat la submersion de la France par le narcotrafic.

Ces deux phénomènes sont bien évidemment liés : lutter contre l'un, c'est lutter contre l'autre. Pour cette raison, les sénateurs du Rassemblement national voteront en faveur de la proposition de loi. (MM. Joshua Hochart et Stéphane Ravier applaudissent.)

proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic

M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l'article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l'ensemble de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic dans le texte de la commission, modifiée.

Mes chers collègues, je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l'y laisser jusqu'au vote.

Si vous disposez d'une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s'affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant puis en choisissant une position de vote.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite M. le secrétaire à constater le résultat du scrutin.

(M. le secrétaire constate le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 185 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 338
Contre 1

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et SER.)

Plusieurs sénateurs à droite de l'hémicycle. Qui a voté contre ? (Sourires.)

M. Stéphane Ravier. Le nom !

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour une mise au point au sujet d'un vote.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, j'ai l'honneur de vous annoncer que lors du scrutin précédent, le vote a été unanime. Alors que je disposais de sa délégation, Mme Brigitte Devésa souhaitait voter pour. (Sourires et applaudissements.)

M. le président. Acte est donné de cette mise au point.

Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin.

proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la république national anti-criminalité organisée

M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l'article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l'ensemble de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République national anti‑criminalité organisée dans le texte de la commission.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite M. le secrétaire à constater le résultat du scrutin.

(M. le secrétaire constate le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 186 :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 335

Le Sénat a adopté à l'unanimité. (Ah ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le ministre d'État, cher Bruno, en cette période si troublée pour notre pays, où les querelles peuvent l'emporter, où il est difficile pour le Gouvernement d'agir, le Sénat montre– j'en remercie particulièrement Mme la présidente de la commission des lois, MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain et l'ensemble des groupes politiques – une unanimité qui lui fait honneur.

Ce vote unanime touche le Gouvernement. Il nous donne la force, au ministre d'État comme à moi-même, d'aller à l'Assemblée nationale avec un « vote de confiance » pour améliorer très significativement la lutte contre le narcotrafic, qui constitue pour notre pays une véritable menace, au même rang que la menace terroriste.

Pour ce qui me concerne, je retiens quatre éléments de nos travaux.

Premièrement, la spécialisation du parquet national anti-criminalité organisée. Monsieur Durain, vous nous avez interpellés au sujet des moyens qui lui seront alloués : ils sont déjà là. J'ai débloqué le financement de cent postes de magistrats supplémentaires, dont la moitié seront créés dès cette année.

Au 1er janvier 2026, il faudra 130 millions d'euros supplémentaires pour appliquer le texte que le Sénat vient d'adopter. Nous devrons y veiller ensemble, cet effort me semble à la portée du budget du ministère de la justice et des arbitrages ministériels.

Deuxièmement, l'évolution du système de détention, même si le sujet est d'ordre moins législatif que réglementaire. Jérôme Durain, Étienne Blanc et Muriel Jourda l'ont signalé, j'ai déjà fait un certain nombre d'annonces. Le régime de la détention spécifique des narcotrafiquants sera modifié dès le mois de juillet prochain.

Je m'y suis engagé auprès de la présidente de la commission des lois, je présenterai les changements réglementaires, inspirés du modèle italien, qui permettront de modifier profondément notre système de détention.

Troisièmement, pour ce qui concerne la simplification du partage d'informations avec les services du ministère de l'intérieur, qu'il s'agisse des nullités de procédure, du « dossier coffre » ou des remises en liberté, s'il faut bien évidemment respecter les droits de la défense, l'État ne doit pas non plus faire preuve de naïveté.

Nous travaillerons avec l'ensemble des professionnels du droit pour plus d'efficacité et un traitement plus rapide des dossiers. Votre texte, mesdames, messieurs les sénateurs, améliore déjà considérablement les choses.

Enfin, quatrièmement, nous ne sommes pas insensibles aux interventions des représentants des groupes communiste et écologiste sur la question de la prévention. Ce texte n'a pas pour objet de traiter l'ensemble des conduites addictives ni de s'intéresser à la prévention ou à la politique sociale à mener pour lutter contre les addictions.

Comme on le dit ailleurs, il faut tout un village pour élever un enfant : tout le Gouvernement est concerné. Les ministères de la santé, de l'éducation nationale, des sports, de la jeunesse et de la vie associative sont mobilisés pour travailler avec les ministères régaliens. S'il faut faire du curatif, il faut également faire du préventif ; la réponse ne peut être uniquement sécuritaire.

Le Sénat a fait une chose formidable aujourd'hui en s'attaquant au produit du produit, c'est-à-dire à l'argent, et non plus seulement au produit. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de cette action au service des magistrats et de l'état régalien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, INDEP et SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, cher Gérald, je remercie l'ensemble du Sénat de son vote unanime, qui donnera une impulsion décisive à l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de remercier tout particulièrement la présidente de la commission des lois et rapporteure du texte, Muriel Jourda, (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et SER.) son corapporteur Jérôme Durain (Applaudissements.) ainsi qu'Étienne Blanc, rapporteur de la commission d'enquête. (Mêmes mouvements.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis que vous siégez au sein de la Haute Assemblée, vous avez sûrement voté des dizaines, voire même des centaines de textes. Toutefois, votre vote aujourd'hui entrera dans l'histoire en ce qu'il marquera notre vie politique de façon décisive, pour plusieurs raisons.

Ce texte vient de loin. Comme cela a été souligné, son parcours est exemplaire : il est issu d'une commission d'enquête, dont les conclusions ont été adoptées à l'unanimité ; son adoption a, elle aussi, été unanime.

Ce texte est également un texte fondateur. Je n'en doute pas, il y aura un avant et un après, avec toute l'ambition que cette expression peut recouvrir.

Dans un combat vital, mais souvent par trop inégal, l'adoption de cette proposition de loi fournit des armes tant à la justice qu'aux forces de sécurité intérieure qui nous aideront à rééquilibrer l'affrontement.

Je pense bien évidemment à la spécialisation de la chaîne judiciaire, tout particulièrement à l'état-major, qui nous permettra d'organiser dans un même lieu les services d'enquête et de renseignement, afin de mieux coordonner leurs actions. Ainsi, en renforçant leur ambition et leur volonté, nous pourrons attaquer frontalement la criminalité organisée.

D'autres armes extrêmement importantes figurent également dans l'arsenal que vous nous confiez, notamment pour ce qui concerne le blanchiment et la corruption.

Ce texte est fondateur, car il est le produit d'une volonté anonyme. L'histoire de France nous donne cette grande leçon : lorsque la Nation est rassemblée, lorsqu'un vote est capable de dépasser et de transcender les clivages partisans, rien ne peut nous résister.

J'en suis persuadé, malgré la difficulté de ce combat, nous le gagnerons à moyen ou à long terme, parce qu'aujourd'hui même, le Sénat a donné une première grande victoire à la République française. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP et SER.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante,

est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic
 

3

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. J'étais absent la semaine dernière, au moment du scrutin n° 183 sur l'ensemble de la proposition de résolution, en application de l'article 34-1 de la Constitution, appelant à l'introduction de la proportionnelle pour les élections législatives. Ayant constamment marqué mon attachement au scrutin majoritaire, je souhaite, au nom de la cohérence, que soit inscrit mon vote contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. En raison d'un incident technique, je n'ai pas pris part au scrutin n° 186 sur l'ensemble de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants. Je souhaitais voter pour.

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. Je n'ai pas pu prendre part non plus au scrutin n° 186. Je souhaitais voter pour.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles figureront dans l'analyse politique du scrutin.

4

Candidatures à des commissions

M. le président. J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale ainsi qu'au sein de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

5

Article 12 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 13

Urgence pour Mayotte

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'urgence pour Mayotte (projet n° 260, texte de la commission n° 283, rapport n° 282, avis nos 275 et 277).

Chapitre V

Adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique

M. le président. Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre V, à l'article 13.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 13 bis AA (nouveau)

Article 13

I. – Les acheteurs peuvent confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l'aménagement des équipements publics et des bâtiments mentionnés au I de l'article 11, même si les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 2171-2 du code de la commande publique ne sont pas remplies.

Le second alinéa de l'article L. 2431-1 du même code n'est pas applicable aux contrats ainsi conclus.

II. – (Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Cet amendement vise à supprimer une disposition inutile et à clarifier l'article 13, relatif aux marchés globaux.

Inscrire dans le texte la non-applicabilité du second alinéa de l'article L. 2431-1 du code de la commande publique ne me semble pas nécessaire.

L'alinéa en question dispose : « La mission de maîtrise d'œuvre est distincte de celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux ». De fait, l'absence de distinction et d'identification de la mission de maîtrise d'œuvre dans le cadre d'un marché global conduirait à priver l'architecte de toute marge de manœuvre et d'expertise indépendante vis-à-vis de l'opérateur économique. Il est important de garantir le maintien d'une relation de cotraitance – nous l'évoquions hier – avec l'entreprise en charge des travaux.

Il convient – toujours dans la continuité de nos débats précédents – de sécuriser l'expertise des architectes mahorais. Ils sont une trentaine à être inscrits à l'ordre, dont vingt sont formés à la gestion de crise en collaboration avec la fondation Architectes de l'urgence. Une trentaine de leurs homologues installés à La Réunion sont également mobilisés pour intervenir à Mayotte.

Cet article s'appliquera bien aux marchés globaux conclus pour la reconstruction de l'île, conformément à l'article 13 de ce projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Après l'article 13 bis AA (nouveau)

Article 13 bis AA (nouveau)

I. – Les acheteurs peuvent réserver jusqu'à 30 % du montant estimé des marchés passés dans les conditions prévues à l'article 11 aux micro-entreprises et aux petites et moyennes entreprises au sens de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, ainsi qu'aux artisans répondant aux critères prévus aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l'artisanat, dont le siège social était établi dans le Département de Mayotte le 13 décembre 2024.

II. – Dans des conditions fixées par voie réglementaire, les soumissionnaires qui ne possèdent pas la qualité de micro-entreprise, de petite ou moyenne entreprise ou d'artisan au sens du I formalisent par un plan de sous-traitance le montant et les modalités de participation de ces entreprises à l'exécution du marché auquel ils postulent. Le plan de sous-traitance comporte, pour chacune des entreprises concernées, les informations figurant dans la déclaration de sous-traitance. Lorsque les soumissionnaires ne prévoient pas de sous-traiter à des micro-entreprises, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans locaux, le plan de sous-traitance se limite à en mentionner les motifs. Ces motifs peuvent tenir notamment à l'absence de micro-entreprises, de petites et moyennes entreprises ou d'artisans en activité dans le secteur concerné par les prestations du marché public ou en mesure de répondre aux exigences de ce dernier.

Si le titulaire d'un marché passé n'est pas lui-même une micro-entreprise, une petite ou moyenne entreprise ou un artisan, la part minimale qu'il s'engage à confier, directement ou indirectement, à des micro-entreprises, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans est fixée à 30 % du montant estimé du marché, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas.

Les deux premiers alinéas du présent II sont applicables aux marchés passés dans les conditions prévues aux articles 11 à 13 de la présente loi, dont le montant estimé est supérieur à 300 000 euros hors taxes.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 112 rectifié, présenté par M. Roiron, Mmes Bélim, Artigalas et Le Houerou, MM. Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

peuvent réserver jusqu'à

par le mot :

réservent

La parole est à M. Pierre-Alain Roiron.

M. Pierre-Alain Roiron. Cet amendement vise à obliger les pouvoirs adjudicateurs et autorités adjudicatrices à recourir à de petites entreprises et à des artisans locaux pour 30 % du montant estimé des marchés publics, afin d'assurer véritablement l'inclusion des structures de taille réduite à la reconstruction. Nous souhaitons que ce ratio ne soit pas une option.

L'activité des très petites entreprises (TPE) – nous l'évoquions hier soir – est dépendante des projets lancés par les organismes publics. La favoriser est essentiel pour retrouver un dynamisme économique et pour soutenir l'insertion sociale à Mayotte.

M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie, Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots : 

peuvent réserver jusqu'à 

par les mots :

doivent réserver 

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Au travers de cet amendement, nous souhaitons obliger les acheteurs à recourir aux petites entreprises et aux artisans locaux pour 30 % du montant des marchés publics. Un tel plancher permettrait de garantir que les structures de taille réduite soient associées à la reconstruction de Mayotte.

Leur connaissance du territoire, des spécificités et des besoins permettra à ces entreprises de s'adapter rapidement et efficacement à ce défi. Les soutenir revient à encourager une reprise économique durable, enracinée dans les ressources et les compétences locales.

En outre, depuis 2021, nous connaissons en outre-mer un taux élevé de défaillance des entreprises. Mayotte n'échappe pas à cette situation. En adoptant cet amendement, nous renverserions la vapeur et répondrions aux besoins du secteur des bâtiments et travaux publics (BTP), durement touché.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Ces deux amendements tendent à réserver une part des marchés publics aux TPE–PME et aux artisans mahorais. Or nous avons déjà intégré un Small Business Act à cet article.

En outre, conférer un caractère obligatoire à ce dispositif risquerait de soulever des difficultés si les entreprises mahoraises n'étaient pas en mesure de répondre aux besoins. Pour certains travaux, il n'est pas impossible qu'il n'y ait pas, voire qu'il n'y ait plus, en raison même du cyclone, suffisamment de PME ou d'artisans locaux capables de réaliser les prestations demandées.

Le caractère contraignant des dispositions de ces deux amendements risquerait donc d'empêcher la conclusion des marchés publics nécessaires à la reconstruction de Mayotte : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 148 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 3 

Remplacer le taux :

30 %

par le taux :

50 %

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Le présent amendement vise à augmenter, dans toutes les opérations de reconstruction qui suivront l'adoption de ce projet de loi, la part des marchés réservée aux petites entreprises mahoraises. Nous proposons de la porter de 30 % à 50 %.

Dans un territoire où le taux de chômage atteint 37 % et où la jeunesse désespère de trouver du travail, il serait inconcevable que les chantiers profitent uniquement aux grands groupes de BTP de l'Hexagone.

Mayotte dispose de toutes ses forces vives pour se reconstruire elle-même. Nous devons lui proposer de l'ingénierie juridique et technique, tenir à sa disposition les moyens financiers nécessaires et permettre les transferts de compétences. Nous connaissons les limites d'un aménagement du territoire par le haut.

M. le président. L'amendement n° 123, présenté par Mme Florennes, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

II. – Si le titulaire d'un marché public passé dans les conditions prévues aux articles 11 à 13 de la présente loi dont le montant estimé est supérieur à 300 000 euros hors taxes n'est pas lui-même une micro-entreprise, une petite ou moyenne entreprise ou un artisan, la part minimale qu'il s'engage à confier, directement ou indirectement, à des micro-entreprises, à des petites et des moyennes entreprises ou à des artisans est fixée à 30 % du montant estimé du marché, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas.

Les conditions de présentation d'un plan de sous-traitance par les soumissionnaires qui ne possèdent pas la qualité de micro-entreprise, de petite ou moyenne entreprise ou d'artisan, au sens du I du présent article, sont définies par voie réglementaire.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 119 rectifié est présenté par M. Roiron, Mmes Bélim, Artigalas et Le Houerou, MM. Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 128 est présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie, Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

un plan de sous-traitance

insérer les mots :

, limité à deux rangs,

II. – Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le titulaire du marché est limité à deux rangs de sous-traitance.

La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour présenter l'amendement n° 119 rectifié.

M. Saïd Omar Oili. Pour préserver les acteurs économiques locaux, particulièrement les entreprises artisanales mahoraises du bâtiment, cet amendement vise à limiter la sous-traitance à deux rangs pour les titulaires d'un marché.

L'objectif est de lutter contre la sous-traitance en cascade, qui fait courir un risque sur la qualité soit des travaux réalisés soit des matériaux utilisés, en raison souvent d'une extrême tension sur les prix d'un rang à l'autre. Les défauts de qualité affectent la conformité des ouvrages, donc les services rendus aux particuliers. Plus globalement, ils risquent de nuire à toute reconstruction durable et harmonieuse de Mayotte.

Par ailleurs, la sous-traitance en cascade grève la valeur ajoutée d'un rang à l'autre et entraîne une paupérisation de l'ensemble de la chaîne de valeur, ce qui fragilise fortement les entreprises artisanales du bâtiment.

Enfin, cette pratique induit de nombreuses dérives et fraudes en termes de respect du droit social et du droit de la construction.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l'amendement n° 128.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. J'insiste sur le fait que nous parlons d'un territoire ultramarin.

La délégation sénatoriale aux outre-mer travaille sur la crise de la vie chère, qui touche de plein fouet ces collectivités. C'est un sujet que nous abordons régulièrement dans cet hémicycle avec celui des monopoles et oligopoles.

Ne pas protéger nos petites entreprises c'est ouvrir grand la porte aux majors, qui n'ont que l'embarras du choix pour répondre aux marchés publics. Ce n'est pas le cas de ces TPE-PME, attachées à leur territoire. Cet amendement vise à les protéger, à garantir un travail digne à leurs salariés qui leur permettra de faire vivre leurs familles.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 120 rectifié est présenté par M. Roiron, Mmes Bélim, Artigalas et Le Houerou, MM. Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 129 est présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie, Gay et Lahellec et Mme Margaté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Une part minimale de 30 % du montant prévisionnel du marché est confiée à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des artisans mentionnés au I du présent article.

La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour présenter l'amendement n° 120 rectifié.

M. Pierre-Alain Roiron. Dans le même esprit, nous proposons de confier 30 % du montant prévisionnel des travaux à des petites et moyennes entreprises. Il s'agit toujours de soutenir le tissu économique et donc les emplois locaux dans cette reconstruction qui s'annonce. Nous favoriserons ainsi le versement de salaires et la formation de la main d'œuvre locale, ce qui me semble aller dans le bon sens.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l'amendement n° 129.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. La crise que traverse Mayotte a des conséquences sociales, écologiques et, bien évidemment, économiques. Nous devons être au rendez-vous de la détresse des Mahoraises et des Mahorais et témoigner concrètement de notre solidarité.

La question du développement, qui constituait déjà un enjeu avant le passage du cyclone, est plus que jamais d'actualité. Nous avons ici l'opportunité de soutenir les entreprises locales en les rendant sinon prioritaires, du moins en leur réservant une part significative dans l'attribution des marchés en lien avec la reconstruction.

Pour faire face aux défis qui s'annoncent, pouvoir compter sur la connaissance du territoire, sur le savoir-faire des artisans et sur leur mobilisation rapide grâce à leur proximité, y compris pour assurer le suivi des travaux, est un atout. À l'inverse, si des entreprises extérieures devaient être privilégiées pour répondre aux appels d'offres à venir, certains artisans locaux ne s'en relèveraient pas, alors que plusieurs d'entre eux connaissent déjà de grandes difficultés.

Nous relayons donc une demande des entreprises artisanales mahoraises, prêtes à s'engager dans la reconstruction, en proposant de confier une part minimale du montant prévisionnel des marchés à des TPE-PME, à des microentreprises et à des artisans déjà présents à Mayotte avant le cyclone. Pour ce faire, nous proposons d'intégrer ces entreprises au plan de sous-traitance en garantissant que 30 % des fonds leur seront réservés.

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Berthet, M. Belin, Mmes Belrhiti et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bruyen, Mmes F. Gerbaud, Josende, Joseph et Lassarade, MM. H. Leroy, Panunzi et Perrin, Mme Petrus, MM. Pointereau et Rapin, Mme Richer, M. Rietmann et Mme Ventalon, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2, troisième et dernière phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Seule l'absence de microentreprises, de petites et moyennes entreprises ou d'artisans en activité dans le secteur concerné par les prestations du marché public ou en mesure de répondre aux exigences de ce dernier au regard des informations obtenues auprès des chambres consulaires compétentes, peut justifier le non-recours à ces entreprises.

II. – Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

au regard des informations obtenues auprès des chambres consulaires compétentes

La parole est à Mme Martine Berthet.

Mme Martine Berthet. La rédaction de l'article 13 bis AA sur les motifs justifiant le non-recours aux structures de taille réduite pour la reconstruction de Mayotte est trop imprécise et ne garantit en aucun cas que ces acteurs, qui doivent être prioritaires, seront bien associés aux travaux.

Cet amendement vise donc à préciser les motifs que peuvent invoquer les soumissionnaires pour justifier l'absence de recours aux petites entreprises et aux artisans locaux dans les secteurs concernés par les marchés publics.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 124 est présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L'amendement n° 130 est présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie, Gay et Lahellec et Mme Margaté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 2, troisième et dernière phrase

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Seule l'absence de petites et moyennes entreprises ou d'artisans en activité dans le secteur concerné par les prestations du marché public ou en mesure de répondre aux exigences de ce dernier au regard des informations obtenues auprès des chambres consulaires compétentes, peut justifier le non-recours à ces entreprises.

II. – Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

au regard des informations obtenues auprès des chambres consulaires compétentes

La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l'amendement n° 124.

Mme Salama Ramia. Cet amendement vise à protéger les TPE-PME mahoraises, qui doivent être prioritaires dans la reconstruction du département.

Nous proposons d'objectiver auprès des chambres consulaires le critère d'absence de petites et moyennes entreprises et d'artisans locaux disponibles. Ce faisant, nous renforçons la justification par les soumissionnaires du non-recours à leurs services.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l'amendement n° 130.

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie, Gay et Lahellec et Mme Margaté, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. L'adoption de cet article dans sa rédaction actuelle permettrait aux entreprises capables de répondre à des marchés supérieurs à 300 000 euros de s'exonérer d'un plan de sous-traitance. De fait, il est plus simple pour elles de déléguer les missions du marché une fois que celui-ci leur a été attribué.

Cette disposition ne se justifie pas, d'autant moins si nous souhaitons nous assurer que les entreprises mahoraises seront bien sollicitées. Si des sociétés ont les moyens de prendre en charge des contrats d'un montant élevé, à savoir plusieurs centaines de milliers d'euros, elles doivent également disposer des compétences nécessaires pour établir un plan de sous-traitance efficace, y compris dans le contexte actuel.

Pour les petits marchés, il ne sera normalement pas nécessaire de recourir à la sous-traitance.

En la matière, il sera essentiel de faire appel à des entreprises mahoraises, qui auront besoin des marchés liés à la reconstruction pour survivre à la catastrophe qu'elles traversent et pour assurer le développement du tissu économique local.

Par conséquent, nous proposons de supprimer le seuil de 300 000 euros pour que le plan de sous-traitance soit également présenté en amont de l'obtention du marché. L'objectif est d'offrir des garanties supplémentaires aux artisans mahorais, notamment pour les plus petits ouvrages.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Les dispositions de l'amendement n° 148 rectifié, qui a pour objet d'augmenter la proportion de marchés publics réservés aux entreprises mahoraises, risqueraient d'être censurées par le Conseil constitutionnel. Celui-ci n'a enfin admis le principe d'un Small Business Act qu'à la condition qu'il soit proportionné et qu'il ne concerne qu'une part réduite des contrats. Si le seuil de 30 % de marchés réservés à des PME, qui figurait dans la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi Érom, paraît raisonnable, porter ce taux à 50 % entraînerait un réel risque de censure.

Les amendements identiques nos 119 rectifié et 128 visent à limiter la sous-traitance au second rang. Cette mesure risquerait d'évincer les petites et moyennes entreprises des marchés publics, à rebours de l'objectif du Small Business Act introduit à l'article 13 bis AA. En effet, pour les contrats de grande ampleur, les PME sont souvent des sous-traitants de troisième, voire de quatrième rang, faute d'avoir la capacité de conduire de tels chantiers. Limiter le recours à cette pratique pénaliserait donc ces entreprises locales.

En outre, ce dispositif pourrait être jugé contraire à la Constitution en ce qu'il porterait atteinte au principe de libre accès à la commande publique pour les PME.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Les amendements identiques nos 120 rectifié et 129 tendent à réserver une part des marchés publics à de petites entreprises mahoraises. Le caractère contraignant de ce dispositif risquerait de soulever des difficultés dans le cas où les sociétés locales ne seraient pas en mesure de répondre aux besoins. Pour certains travaux, il n'est pas impossible qu'il n'y ait pas, voire qu'il n'y ait plus suffisamment de PME ou d'artisans locaux capables de réaliser les prestations à l'heure actuelle. L'obligation induite par les dispositions de cet amendement risquerait donc d'empêcher la conclusion de marchés publics nécessaires à la reconstruction de Mayotte.

La commission est donc également défavorable à ces deux amendements identiques.

Si je partage l'objectif des auteurs des amendements nos 7 rectifié, 124 et 130, à savoir limiter le plus possible les cas où les entreprises titulaires d'un marché public peuvent décider de ne pas sous-traiter une part du contrat à de petites structures locales, il faut laisser de la souplesse aux acheteurs, car d'autres motifs peuvent justifier le non-recours à des TPE-PME mahoraises : avis défavorable.

L'amendement n° 131 est contraire à la position de la commission. Les sociétés qui postulent à des marchés publics de faible montant sont généralement des structures de taille réduite, qui n'ont pas recours à la sous-traitance et qui ont des moyens financiers limités. La suppression du seuil de 300 000 euros aurait donc pour effet, d'une part, d'obliger les petites entreprises à se doter d'un plan de sous-traitance, ce qui alourdirait leur charge administrative de manière excessive, et, d'autre part, de ralentir la passation des marchés publics de faible montant, en imposant la formalisation d'un tel plan.

Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Le Gouvernement est favorable à l'amendement de Mme la rapporteure et défavorable à l'ensemble des autres amendements en discussion commune, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis favorable à nombre de ces amendements. La volonté d'embarquer l'économie locale, à savoir le tissu des petites et moyennes entreprises, dans le plan de reconstruction me semble bien faible.

Il a été dit que les sociétés mahoraises ne disposaient pas forcément des compétences nécessaires, mais l'économie est un système. Mon groupe a voulu augmenter le nombre de parcours emploi compétences ou d'emplois aidés – France Travail était d'accord avec nous – pour développer sur place de nouvelles compétences tout en permettant aux 17 000 demandeurs d'emploi de Mayotte de trouver une activité. En somme, nous voulions renforcer les mesures qui permettent de se former et de travailler. Or l'on nous a opposé l'article 45 de la Constitution.

Rien de plus normal, parce que c'est un impensé du texte : le plan d'urgence, monsieur le ministre, ne contient pas notre mesure, parce que vous n'avez pas pensé au fait qu'il fallait mettre en place des dispositifs pour permettre aux entreprises locales, petites et moyennes, d'être embarquées dans la reconstruction !

J'irai même plus loin : rien n'a été fait pour aider les habitants à quitter l'économie informelle et à rejoindre l'économie « officielle ». Il s'y trouve pourtant des compétences, ce secteur s'appuyant sur une désincitation à la déclaration pour de nombreuses raisons que nous connaissons. Ce manque est un défaut de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. À l'écoute des avis de la commission et du Gouvernement, une question m'est venue : comment imaginez-vous, monsieur le ministre, mettre en œuvre le plan Mayotte debout sans relever le tissu économique local ni tendre la main aux différents partenaires sur le terrain pour leur donner l'opportunité de bâtir ensemble ?

Nous avons entendu, hier, les interventions des différents groupes lors de la discussion générale. Il y était question non pas de reconstruire à l'identique ni de plaquer un modèle venu de Paris, mais de travailler en concertation avec les acteurs locaux, c'est-à-dire les entreprises et les habitants de cet archipel qui ont les capacités et l'ingénierie sur place. Ils ont seulement besoin que Paris fasse enfin confiance à Mayotte.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.

M. Pierre-Alain Roiron. Je suis étonné par ce refus de prendre en compte ces amendements.

Ces propositions visent à permettre aux entreprises locales de travailler plus facilement. Je comprends que les appels d'offres puissent poser problème ; néanmoins, nous devons faire preuve d'une certaine souplesse. Ce n'est pas le cas en l'occurrence, je le regrette. Ces emplois sont l'occasion de fournir une formation professionnelle qui servira, à l'avenir, pour l'activité des Mahoraises et des Mahorais.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne pense pas que nos objectifs soient très différents, même si nous pouvons toujours débattre de la méthode.

D'abord, sachez que la pratique de la sous-traitance en cascade n'est pas répandue massivement.

Ensuite, la limitation de la sous-traitance risque de bloquer complètement l'accès à la commande publique des artisans et travailleurs indépendants, qui n'ont pas la capacité d'agir en tant qu'entreprise principale.

N'oublions pas que l'article 11, que nous avons examiné hier, a offert la possibilité de négocier de gré à gré dans le cadre des marchés de travaux, de fournitures et de services nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone, si la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros. Madame la sénatrice, cette mesure bénéficiera donc aux petites entreprises du tissu économique et social.

Comme Mme la rapporteure l'a rappelé voilà quelques instants, n'oublions pas le Small Business Act de l'article 13 bis AA qui sous-tend des mesures en faveur des sociétés locales. Les acheteurs publics pourront, par exemple, réserver à ces dernières jusqu'à 30 % du montant de chaque marché.

Puisque nous parlons de commande publique, faisons confiance aux collectivités, à l'État et à l'établissement public qui sera mis en place. Nous pourrons nous appuyer sur les petites entreprises locales, dès lors que l'offre sera cohérente avec la demande. En ce qui concerne le volet commande publique de ce texte, je vous demande de ne pas prendre individuellement chaque article : il faut les mettre en perspective avec l'article 13 bis AA.

Lors de ma rencontre, vendredi dernier, avec les acteurs économiques mahorais, même si la question des commandes publiques, susceptibles de favoriser les grandes sociétés, a été abordée, les entreprises ont essentiellement mis l'accent sur leurs difficultés : locaux détruits, entrepôts à terre, cherté des matériaux… Je tiens à souligner que le tissu économique local est fragile. Il a évidemment besoin de soutien. Faisons donc attention aux mesures dont les principes sont louables – je les partage –, mais qui peuvent être en décalage avec la réalité économique du terrain.

Nous examinons un texte d'urgence. Je souhaite sécuriser la participation des entreprises locales. Dans un second temps, une loi de programmation permettra de réfléchir collectivement au modèle économique que nous voulons mettre en place dans le cadre de la refondation : État, collectivités, acteurs économiques, partenaires sociaux…

N'opposons pas les deux textes, même si, malheureusement, du fait de la situation, il faudra du temps pour mettre en œuvre les mesures. J'espère que les investissements que nous fournirons à partir de l'adoption du projet de loi de finances aideront les collectivités et permettront de faire repartir l'économie, notamment via la construction.

Enfin, au travers de l'examen de la loi de programmation que je viens d'évoquer, nous devrons réfléchir plus largement – il nous faudra quelques semaines – à la manière dont Bpifrance, la Banque des territoires et la Caisse des dépôts et consignations notamment, pourront aider le tissu économique mahorais, qui a besoin de soutien, d'ingénierie et de financements, tout en gardant toujours en tête la réalité du terrain.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Hier soir, nous avons commencé à évoquer le sujet de la sous-traitance. J'avais souligné l'existence d'une piste concrète que s'appropriaient peu – malheureusement – les acteurs économiques et les acheteurs publics, à savoir les groupements momentanés d'entreprises (GME).

Madame la rapporteure, vous aviez fait le lien avec la sous-traitance. Or il s'agit non pas d'une solution de sous-traitance, mais plutôt de cotraitance pour permettre aux petits acteurs économiques de monter en compétence et de répondre à des marchés auxquels ils ne pourraient pas prétendre seuls. Grâce à leurs partenaires, ils sont en mesure de se positionner et d'envisager l'avenir.

Il existe différentes formes de groupements, avec des mandataires qui endossent plus de responsabilités, mais qui traitent aussi à égalité avec leurs partenaires. C'est très différent de la sous-traitance, à laquelle nous ne sommes pas opposés par principe ; simplement, nous avons pu observer de nombreux excès, aussi bien en métropole qu'en outre-mer.

Qu'il s'agisse donc des GME ou de ses variantes, il existe aujourd'hui des leviers. Il revient, monsieur le ministre, à l'État d'être exemplaire, car force est de constater qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire dans la relation avec les TPE-PME en matière de commandes publiques.

Avec mes collègues, nous souhaitons aller dans ce sens. C'est l'objet des amendements qui vous sont proposés. L'État, les organisations patronales et l'ensemble des corps intermédiaires doivent pouvoir accompagner la montée en compétence des TPE-PME mahoraises pour les aider à se relever de façon robuste après le cyclone Chido.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 119 rectifié, 128, 120 rectifié, 129, 7 rectifié, 124, 130 et 131 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 42 rectifié, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

artisanat

insérer les mots :

et aux entreprises de l'économie sociale et solidaire définies à l'article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Le secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS) est bien présent à Mayotte et se dit prêt à contribuer à la reconstruction du territoire. Dès lors que le code de la commande publique n'y fait pas obstacle, le présent amendement vise à garantir une intégration de l'ESS au sein de cette réserve.

L'ESS représente à Mayotte 14 % des entreprises, soit 281 structures, et 23 % de l'emploi privé.

À Mayotte, les associations de l'ESS sont actives, créatives et productives. Outre le fait qu'elles puissent aisément répondre aux appels d'offres en matière de nettoyage, par exemple, elles pourront, grâce à leur expertise, identifier ce qui est susceptible d'être valorisé afin de donner une nouvelle vie aux matériaux récupérables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l'amendement de notre collègue Salama Ramia, qui permettrait aux entreprises du secteur de l'économie sociale et solidaire, très actives à Mayotte, de se voir réserver une part des marchés publics passés pour reconstruire Mayotte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Vous avez raison, madame la sénatrice, de souligner l'importance du tissu de l'économie sociale et solidaire mahoraise. Ce secteur, dont vous avez rappelé les chiffres, aura un rôle important à jouer dans la reconstruction de Mayotte.

Cet amendement est en partie satisfait par l'article L. 2113-15 du code de la commande publique, qui dispose que « des marchés ou des lots d'un marché, qui portent exclusivement sur des services sociaux […] peuvent être réservés […] aux entreprises de l'économie sociale et solidaire […] lorsqu'elles ont pour objectif d'assumer une mission de service public liée à la prestation de services mentionnés sur cette liste ».

L'article L.213-12 va même plus loin puisqu'il prévoit de réserver une part de marché à des entreprises adaptées, à des établissements et services d'accompagnement par le travail lorsqu'ils emploient une proportion minimale, fixée par voie réglementaire, de travailleurs handicapés.

Quoi qu'il en soit, l'adoption de cet amendement, même si le texte serait un peu alourdi, constituerait un message clair en faveur d'un secteur qui en a bien besoin, notamment sur ce territoire. J'émets donc à mon tour un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces derniers s'engagent par ailleurs à la formation d'apprentis.

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Il s'agit d'un amendement d'appel et de sensibilisation en vue de la loi de programmation.

Les apprentis peinent à trouver des structures d'accueil pour assurer leur formation pratique. La réserve de 30 % pour ces entreprises vise à garantir un esprit de solidarité et de partage de la ressource.

M. Manuel Valls, ministre d'État. C'est vrai !

Mme Salama Ramia. Le présent amendement tend à les impliquer à leur tour dans cet effort de transmission et de formation, indispensable pour l'avenir de la jeunesse mahoraise, qui bénéficie d'une occasion d'être formée dès la rentrée prochaine. Il y a urgence à investir dans l'acquisition de compétences par la jeunesse, dans le secteur du BTP.

Nous avons évoqué, hier, la mission du régiment du service militaire adapté (RSMA), qui propose de nombreuses formations, mais il s'agit de préapprentissage. Il est donc important de remettre le sujet de l'apprentissage sur la table. Si le RSMA est une bonne structure, à l'issue de ces dix-huit mois de formation, il n'y a pas de diplôme qualifiant. Il importe donc de s'attaquer à cette question pour préparer l'avenir de des jeunes de Mayotte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Je souscris pleinement à l'objectif défendu au travers de cet amendement, ma chère collègue. J'y suis toutefois défavorable, pour trois raisons.

Tout d'abord, concernant les travaux urgents de reconstruction, il est indispensable de donner de la souplesse aux entreprises locales et de les laisser choisir librement leur mode d'organisation pour assurer la reconstruction de l'archipel.

Par ailleurs, il est très complexe, d'un point de vue administratif, de recruter des apprentis. Je parle en connaissance de cause, car j'ai moi-même recruté un apprenti dans mon équipe, ce qui m'a demandé du temps et de l'énergie. Je ne crois pas que cela soit compatible avec la situation d'urgence que connaît Mayotte.

Enfin, ajouter de telles contraintes risque de décourager certaines entreprises de postuler, compte tenu de la charge administrative future que représente le recrutement d'apprentis.

Je serai en revanche très attentive aux mesures qui seront mises en place dans le projet de loi de refondation pour Mayotte pour favoriser l'emploi et la formation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.

M. Pierre-Alain Roiron. Nous voterons en faveur de cet amendement, car l'apprentissage, comme le soutien aux petites entreprises que nous venons d'évoquer, permettra de créer un nouvel avenir à Mayotte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13 bis AA, modifié.

(L'article 13 bis AA est adopté.)

Article 13 bis AA (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 13 bis A

Après l'article 13 bis AA (nouveau)

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir, Paccaud, Brisson et Bacci, Mmes Belrhiti et Richer, MM. Mandelli, Bouchet et Henno, Mme Dumont, M. Savin, Mmes Lassarade, Borchio Fontimp, L. Darcos, Joseph, Guidez et Evren, M. Panunzi, Mmes Perrot, Josende, Imbert et F. Gerbaud, MM. Klinger, Belin et H. Leroy, Mme Ventalon, MM. Chasseing et Milon, Mme de La Provôté et M. Somon, est ainsi libellé :

Après l'article 13 bis AA

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de favoriser le développement d'opérateurs, utilisant des matériaux biosourcés ou bas-carbone, susceptibles d'exercer pleinement leur libre accès à la commande publique, les marchés de travaux soumis au code de la commande publique nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par la calamité naturelle exceptionnelle survenue à Mayotte les 13 et 14 décembre 2024 prévoient une part minimale d'exécution du contrat, fixée par décret, que le titulaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans dont le siège social est basé en France.

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Je reprends ici le fil de mon argumentaire d'hier soir. Il me semble important d'encourager un minimum l'utilisation de matériaux bas-carbone dans la reconstruction de Mayotte.

J'ai eu des échanges avec le ministère, car j'ai souhaité inscrire cet amendement dans un processus de coconstruction. Je comprends bien que l'instauration d'un quota minimum de 20 % ou de 25 % de matériaux biosourcés ou bas-carbone dans la commande publique soit une contrainte supplémentaire susceptible, in fine, de ralentir le processus de reconstruction. Cela ne servirait donc pas la cause que nous sommes censés défendre.

Néanmoins, il existe bel et bien un intérêt à prendre en considération les critères environnementaux. J'ai entendu les arguments du Gouvernement. Je vous propose donc de préciser par décret les opérations de reconstruction pouvant être comptabilisées pour atteindre cet objectif de promotion des matériaux biosourcés ou bas-carbone, en favorisant principalement les acteurs et le savoir-faire français, qu'il importe de défendre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Je salue la constance dont vous faites preuve, monsieur Piednoir, depuis le début de l'examen de ces dispositions.

En tout état de cause, je ne suis pas favorable à l'adoption de cet amendement.

En effet, le dispositif proposé risque de bloquer l'exécution des travaux de reconstruction de Mayotte et de ralentir la passation des marchés publics. En effet, dans le cas où aucune entreprise n'utiliserait des matériaux biosourcés ou bas-carbone, il ne serait pas possible d'exécuter les travaux puisque le titulaire du marché public ne pourrait sous-traiter une partie du marché à des entreprises respectant ces critères.

De plus, en l'état, la rédaction de l'amendement n'a pas l'effet annoncé dans l'objet : il se contente de prévoir une obligation de sous-traitance à des PME ou à des artisans dont le siège social est établi en France, ce qui est déjà satisfait par l'article 13 bis AA.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 149 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris, Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 13 bis AA

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les acheteurs peuvent imposer, pour la réalisation des marchés passés dans les conditions prévues à l'article 11 de la présente loi, que 50 % des matériaux nécessaires à la production proviennent de fournisseurs situés dans un périmètre géographique défini par décret du ministre en charge de l'environnement, respectant ou s'engageant à respecter des normes environnementales et sociales minimales de production, dans des conditions prévues par décret conjoint des ministres en charge de l'environnement et des affaires sociales.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Le 10 avril dernier, le Parlement européen a adopté une résolution visant à ouvrir le débat sur la question de l'isolement économique des régions ultrapériphériques.

Dans les circonstances particulières de l'après-Chido, nous proposons un dispositif permettant de réduire cette dépendance et de faire en sorte qu'une partie des matériaux soit de provenance régionale. Cela permettrait également de réduire l'impact carbone lié à l'importation de matériaux de construction.

Il existe, par exemple, des briques de terre comprimée fabriquées localement par de petites entreprises à Mayotte, qui présentent d'intéressantes caractéristiques d'isolation thermique. Par ailleurs, à proximité, les territoires de l'océan Indien sont riches en matériaux biosourcés. Les forêts de Madagascar ou du Mozambique pourraient fournir le bois nécessaire à la reconstruction.

Cela ne signifie pas que nous voulons réduire les exigences environnementales et sociales. En tant qu'écologistes, nous sommes très vigilants sur cette question. Nous connaissons la situation des défenseurs de la biodiversité dans certains États voisins, comme à Madagascar, où des militants ont été condamnés pour avoir dénoncé les agissements d'une société aurifère chinoise.

C'est pourquoi nous proposons également d'imposer par décret le respect de normes sociales et environnementales minimales de production.

Les territoires ultramarins peuvent devenir les ambassadeurs du droit de l'environnement européen, en engageant des dialogues avec des États voisins. Ce dispositif temporaire pourrait permettre d'évaluer si l'intensification des relations commerciales entre Mayotte et les États voisins favorisera dans le futur une intégration des normes européennes par ces États.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Cette mesure risque d'augmenter le prix des offres présentées et de décourager certaines entreprises, si leurs fournisseurs ne proviennent pas de la zone géographique définie par décret.

En définitive, cette condition risque de ralentir la conclusion des marchés indispensables à la reconstruction urgente de Mayotte, qui est notre priorité eu égard à l'intitulé de ce projet de loi.

Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 13 bis AA (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 13 bis

Article 13 bis A

(Supprimé)

Article 13 bis A
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 13 ter

Article 13 bis

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 132, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie, Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Pour l'exécution des contrats de travaux de bâtiment et des contrats de travaux publics nécessaires pour remédier aux conséquences de la calamité naturelle mentionnée au I et II de l'article 11 et au I de l'article 13, la sous-traitance est limitée au second rang. Le sous-traitant est considéré comme un entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. L'article 13 bis a été supprimé en commission au motif, notamment, qu'il fallait respecter le principe de libre recours à la sous-traitance.

Ce libre recours mène pourtant à des dérives, par exemple en éloignant les entreprises qui interviennent sur le terrain de l'entreprise lauréate. Cela conduit à s'interroger à la fois sur l'efficacité de ces marchés, sur leur rationalisation et sur leur mise en œuvre, mais aussi sur la marge dont bénéficieront les entreprises donneuses d'ordre par rapport à celles qui travailleront véritablement sur le terrain.

L'urgence que rencontre Mayotte ne doit pas être une aubaine pour les multinationales du BTP – nous en savons quelque chose, nous autres Ultramarins ! Au contraire, il importe de s'appuyer sur les entreprises mahoraises pour ne pas aggraver la crise économique déjà présente avant le cyclone et qui se trouve aujourd'hui renforcée.

C'est en ce sens que nous proposons de rétablir l'article 13 bis en limitant la sous-traitance à deux rangs afin d'éviter un éloignement trop important entre les entreprises lauréates donneuses d'ordre et les entreprises exécutantes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Avis défavorable, pour les raisons que j'ai déjà développées à l'article 13 bis AA.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 13 bis demeure supprimé.

Article 13 bis
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 14

Article 13 ter

(Supprimé)

Article 13 ter
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 14 bis

Article 14

Les articles 11 à 13 bis AA s'appliquent aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi et pendant un délai de deux ans à compter de cette date.

M. le président. L'amendement n° 133, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie, Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous souhaitons que les entreprises mahoraises puissent également être sollicitées dans le cadre de marchés qui ne seraient pas soumis à un avis de publicité ou à une consultation et que le bénéfice de ces dispositions soit étendu au-delà de deux ans.

Il paraît raisonnable de soutenir le tissu économique local de façon générale et pérenne si nous voulons permettre à Mayotte d'avoir le développement qu'elle mérite.

Les articles 11 et 13 bis AA visent à réserver une part minimum des marchés publics aux entreprises mahoraises lorsqu'elles sont en mesure d'y répondre et selon certains montants. L'article 11 vise les marchés de travaux et de fournitures qui permettent de reconstruire et de réparer Mayotte après le cyclone. Rien ne permet de s'assurer que cela sera fait dans les deux ans.

Dès lors, l'article 14, qui tend à limiter à deux ans l'applicabilité des dispositions de l'article 11, ne fait pas totalement sens. Il convient donc d'élargir le champ des articles 11 et 13 bis AA.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Supprimer cet article 14 reviendrait à prévoir une application des dérogations aux règles de la commande publique sans limitation de durée. Les dérogations prévues s'appliqueraient donc ad vitam æternam, ce qui serait disproportionné dans la mesure où ces dernières ne sont justifiées que par l'urgence de la situation et la nécessité de reconstruire Mayotte.

L'adoption de cet amendement risquerait donc de conduire à une censure du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs l'article 14 tend à prévoir que les dérogations aux règles de la commande publique s'appliqueront aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis envoyé à la publication à compter de l'entrée en vigueur du présent texte. Cette précision vise un objectif de sécurité juridique pour éviter que les règles ne changent subitement pour les marchés dont la procédure de passation est déjà engagée.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Madame Corbière Naminzo, l'amendement n° 133 est-il maintenu ?

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets donc aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14
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Article 15

Article 14 bis

(Supprimé)

Chapitre VI

Faciliter les dons à destination de Mayotte

Article 14 bis
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Article 16

Article 15

Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025, verser des subventions à toute association ou fondation reconnue d'utilité publique s'engageant à utiliser ces fonds pour financer les secours d'urgence au profit des victimes du cyclone Chido, pour fournir gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou pour contribuer à favoriser leur logement, y compris par la reconstruction des locaux d'habitation rendus inhabitables, à l'exclusion des locaux édifiés sans droit ni titre et constituant un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l'article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent également octroyer des financements à l'établissement public mentionné à l'article 1er de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les associations et fondations ayant bénéficié d'une subvention en application du premier alinéa du présent article établissent, au plus tard avant le 1er mars 2026, un rapport d'activité qui présente, selon des modalités déterminées par arrêté du ministre de l'intérieur, les actions d'intérêt général financées sur le fondement du même premier alinéa.

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Afin de veiller à la bonne utilisation des deniers publics, le présent amendement tend à prévoir que les associations et fondations reconnues d'utilité publique ayant bénéficié de subventions de la part des collectivités territoriales ou de leurs groupements devront établir un rapport d'activité, au plus tard le 1er mars 2026.

Ce rapport présentera les actions financées grâce aux subventions versées par les collectivités territoriales et précisera le nombre de bénéficiaires de chaque action, ainsi que la nature de la prestation fournie.

Ce rapport d'activité devra ensuite être rendu public, dans un objectif de transparence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Je suis favorable à cet amendement, qui permettra de contrôler, a posteriori, les actions conduites par les associations et les fondations ayant bénéficié d'une subvention de la part des collectivités territoriales mahoraises.

Cet amendement vise donc à garantir la bonne utilisation des deniers publics et à s'assurer que les associations ont bien financé des actions d'intérêt général, en faveur de la population mahoraise.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les associations remettent leur rapport d'activité au moment de leur assemblée générale, qui se tient généralement fin juin. Pourquoi imposer une telle contrainte en mars ? Cette date ne correspond à rien et ne respecte pas le rythme de travail des associations ou des fondations, que je connais bien.

J'ai longtemps organisé en juin l'assemblée générale de l'association que je dirigeais, comme c'est très souvent le cas pour beaucoup d'associations. Le rapport moral et financier ou rapport d'activité est d'ailleurs prévu dans les statuts, ce n'est pas une nouveauté. Pourquoi cette politique du soupçon ? On parle toujours d'alléger les procédures, de libérer les forces, etc. Pourquoi prévoir une contrainte supplémentaire en mars ? Je n'approuve pas du tout un tel calendrier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.

(L'article 15 est adopté.)

Article 15
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Après l'article 16

Article 16

I. – Le taux de la réduction d'impôt prévue au 1 de l'article 200 du code général des impôts est porté à 75 % pour les dons et les versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou de produits, effectués entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025 au profit des organismes d'intérêt général mentionnés au même article 200 qui, dans le cadre de leur action dans le Département de Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido et des évènements météorologiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024, fournissent gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou contribuent à favoriser leur logement, y compris par la reconstruction des locaux d'habitation rendus inhabitables, à l'exclusion des locaux édifiés sans droit ni titre et constituant un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l'article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée.

Ces versements sont retenus dans la limite de 1 000 euros par an. Il n'en est pas tenu compte pour l'application de la limite de 20 % du revenu imposable mentionnée au 1 de l'article 200 du code général des impôts.

II. – Les pertes de recettes pour l'État résultant de l'extension du bénéfice du I aux dons effectués à l'ensemble des organismes d'intérêt général et aux événements météorologiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024 sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – (Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 141, présenté par M. Mellouli, Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer la date :

17 mai 2025 

par la date : 

31 décembre 2025 

II. – Alinéa 3

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

douze

III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :…. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Akli Mellouli.

M. Akli Mellouli. Tout le monde veut de la simplification, en voilà !

Le cyclone Chido a laissé Mayotte exsangue. La reconstruction exigera des moyens importants sur le long terme. Les associations et les fondations engagées sur le terrain font face à un défi immense. Les dons collectés ne suffisent pas à couvrir l'ensemble des besoins recensés. Or, sans soutien prolongé, ces efforts risquent d'être entravés au détriment des sinistrés.

Cet amendement vise donc à prolonger jusqu'à la fin de l'année 2025 le dispositif fiscal exceptionnel, qui encourage la générosité des Français en faveur de Mayotte en portant la réduction d'impôt sur les dons de 66 % à 75 %.

Cette prolongation répond à un double impératif : un besoin opérationnel, pour garantir des ressources suffisantes pour la reconstruction ; un besoin de simplification administrative pour les associations, en évitant une modification au cours d'année qui complexifierait la gestion comptable des dons.

Les bilans comptables se font généralement une fois par an. Pourquoi contraindre les associations à réaliser un bilan intermédiaire ? Pourquoi avoir choisi la date du 17 mai ? Pourquoi pas celle du 18 ou du 18 et demi, alors que l'exercice comptable court sur toute l'année ? Que dirons-nous aux personnes qui se décident après cette date à participer aux actions de reconstruction de Mayotte et d'égalité territoriale ? Que c'est trop tard, qu'elles ont raté le coche ?

Faisons preuve d'un peu de sagesse et sachons raison garder. Ce n'est pas parce que l'on est dans l'urgence qu'il faut perdre tout bon sens. Comme vient de le rappeler ma collègue, il existe des règles élémentaires : respectons-les.

M. le président. L'amendement n° 114 rectifié, présenté par Mmes Brossel, Artigalas, Bélim et Le Houerou, MM. Roiron, Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer la date :

17 mai 2025

par la date :

31 décembre 2025

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Comme mon collègue l'a très bien expliqué, il s'agit de prolonger le dispositif fiscal exceptionnel.

La mobilisation et les manifestations de générosité ne s'arrêteront pas le 17 mai 2025. Il serait dommage de venir compliquer le travail des bénévoles et des associations en les obligeant à mettre en place une clôture comptable intermédiaire et à établir des reçus fiscaux spécifiques en cours d'année pour tenir compter des changements.

Nous appelons donc à davantage de cohérence.

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. L'élan de générosité pour Chido a été unique par rapport à d'autres catastrophes naturelles. Il a été deux ou trois fois plus important que pour Irma ou le tremblement de terre au Maroc. Les images ont créé un choc et ont énormément ému nos compatriotes, notamment pendant la période des fêtes.

Plus de 40 millions d'euros ont déjà été récoltés. Pierre Sellal, président de la Fondation de France, a d'ailleurs pris contact avec le président des maires de Mayotte pour le rassurer et lui donner des éléments sur le fléchage des dons via les associations sur place – car les financements ne passeront que par celles-ci. Quoi qu'il en soit, cette générosité sera très utile.

Afin de montrer le soutien du Gouvernement à la défiscalisation des dons, y compris pour les événements météorologiques survenus après Chido, notamment la tempête Dikeledi, cet amendement n° 77 vise à lever le gage correspondant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques. En ce qui concerne les amendements nos 141 et 114 rectifié, quoique sensible à l'argument de simplification avancé par leurs auteurs, j'émets un avis défavorable en raison, d'une part, du contexte budgétaire contraint et, d'autre part, du fait que la date du 17 mai a été annoncée par le Gouvernement en décembre dernier, avec une durée d'application délibérément courte pour renforcer son caractère incitatif et engendrer un surcroît de dons.

En outre, passé cette date, les dons bénéficient toujours du taux majoré pour les actions de fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté ou d'amélioration des conditions de logement et de fourniture gratuite de soins à des personnes en difficulté – c'est le dispositif dit Coluche de droit commun –, la seule différence étant que ces dons ne seront plus exclus du calcul total des dons effectués par un particulier à des associations pour l'application de la limite de 20 % du revenu imposable, qui s'applique à cette réduction d'impôt.

En revanche, la commission est favorable à l'amendement n° 77 du Gouvernement, qui vise à lever le gage.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 141 et 114 rectifié ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 150 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer les mots :

à l'exclusion des locaux édifiés sans droits ni titre et constituant un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l'article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Avec votre autorisation, monsieur le président, je présenterai également les amendements nos 151 rectifié et 152 rectifié.

M. le président.J'appelle donc en discussion les amendements nos 151 rectifié et 152 rectifié.

L'amendement n° 151 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette réduction d'impôt est ouverte dans les mêmes conditions aux associations œuvrant au reboisement pour la reconstruction de la biodiversité.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

L'amendement n° 152 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette réduction d'impôt est ouverte dans les mêmes conditions aux associations œuvrant à la protection du patrimoine culturel mahorais.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Veuillez poursuivre, chère collègue.

Mme Monique de Marco. Dès le lendemain du passage de Chido, les associations étaient à pied d'œuvre pour apporter de l'aide à la population mahoraise.

À juste titre, l'article 16 de ce projet de loi tend à augmenter la réduction d'impôt accordée aux dons à ces associations pour soutenir le travail sur le terrain.

Ces trois amendements visent à étendre le périmètre des associations éligibles à ces réductions d'impôt en permettant d'abord de soutenir les associations qui œuvrent à l'amélioration de l'habitat des personnes, y compris celles qui vivent dans des habitats informels. Il s'agit de pragmatisme. Nous savons tous que la reconstruction de Mayotte se fera non pas en deux ans, mais plutôt en dix ou quinze ans.

Entretemps, il faut pouvoir aider les associations qui travaillent à rendre ces habitations saines.

Ensuite, il convient de soutenir les associations qui œuvrent dans deux champs aujourd'hui ignorés par ce projet de loi : les associations qui participent au reboisement de l'île et celles qui travaillent à la conservation du patrimoine culturel mahorais.

L'habitabilité de Mayotte dépend de sa biodiversité, laquelle dépend à son tour de la reconstruction de ses forêts, dont 70 % ont été détruits. Reboiser est donc capital.

Le patrimoine culturel est aussi menacé. Des bâtiments, endommagés à la suite du passage de Chido, requièrent des opérations urgentes. La réduction d'impôt que nous proposons peut aider les associations mobilisées en ce sens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Pour ce qui concerne l'amendement n° 150 rectifié, il ne peut être question de soutenir la reconstruction d'habitats illégaux avec des fonds issus de la générosité publique.

Cela ne remet aucunement en cause le fait que les associations et autres organismes bénéficiaires de ces fonds puissent contribuer, par d'autres moyens, à l'amélioration des conditions de logement des personnes concernées : avis défavorable.

Pour ce qui est de l'amendement n° 151 rectifié, la réduction d'impôt majorée prévue à cet article vise à encourager les dons des particuliers pour la mise en œuvre de mesures d'urgence de soutien aux populations éprouvées par le passage du cyclone.

Les dons aux associations qui œuvrent au reboisement, au maintien ou au développement de la biodiversité ouvrent déjà droit, dans les conditions de droit commun, à une réduction d'impôt de 66 %, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Il n'y a pas lieu de créer une nouvelle niche fiscale bénéficiant spécifiquement à Mayotte : avis également défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Excellent argument !

Mme Micheline Jacques, rapporteur. J'en viens enfin à l'amendement n° 152 rectifié.

J'y insiste, la réduction d'impôt majorée vise à encourager les dons des particuliers pour la mise en œuvre de mesures d'urgence de soutien aux populations. Il ne s'agit pas de défiscaliser l'ensemble des dons à destination de Mayotte pour tous les sujets, aussi importants soient-ils.

Les dons aux œuvres et organismes d'intérêt général ayant un caractère culturel ouvrent déjà droit, dans les conditions de droit commun, à une réduction de 66 %, dans la limite de 20 % du revenu imposable. C'est le cas, par exemple, des dons à la Fondation du patrimoine, qui mène plusieurs projets à Mayotte, ou à d'autres fondations ou associations reconnues d'utilité publique agréées intervenant dans le domaine de la protection du patrimoine.

Il n'y a pas lieu de créer une nouvelle niche fiscale bénéficiant spécifiquement à Mayotte dans ce domaine. Là encore, l'avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 150 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer le nombre :

1 000

par le nombre :

3 000 

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à encourager les dons des particuliers destinés à la reconstruction de Mayotte.

Le plafond de la réduction d'impôt a été modifié à la baisse en commission, passant de 3 000 euros à 1 000 euros. Ce recul nous semble injustifié.

Nous voulons rétablir le plafond initial de 3 000 euros, qui figurait dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Le plafond de 1 000 euros est celui qui est habituellement retenu pour les majorations exceptionnelles de réduction d'impôt. C'est notamment celui du dispositif Coluche pour les dons à destination des associations fournissant gratuitement des repas aux personnes en difficulté.

Compte tenu de l'état des finances publiques, il ne m'apparaît pas opportun de relever ce plafond, d'autant qu'il bénéficierait surtout aux couches aisées de la population, créant une nouvelle niche fiscale.

La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Il nous a été dit hier, me semble-t-il, que le budget pour la reconstruction de Mayotte n'était pas tout à fait bouclé.

De fait, le budget prévoit 100 millions d'euros. Sachant que la reconstruction va coûter entre 1 milliard et 3 milliards d'euros, nous aurons besoin de fonds supplémentaires.

Je ne trouve pas très sérieux de se priver de la générosité des Françaises et des Français et de leur solidarité à l'égard de leurs compatriotes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article 16
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Avant l'article 17

Après l'article 16

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 18, présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Par dérogation à la première phrase du 2 de l'article 238 bis du code général des impôts, ouvrent droit à une réduction d'impôt au taux de 75 % de leur montant les dons et versements effectués par les entreprises entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025 au profit des organismes d'intérêt général visés à l'article précité qui, dans le cadre de leur action dans le département de Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido, fournissent gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou contribuent à favoriser leur logement, y compris par la reconstruction des locaux d'habitation rendus inhabitables.

Il n'est pas tenu compte des versements effectués au profit des organismes précédemment mentionnés dans l'application du seuil de 2 millions d'euros prévu au 2 de l'article précité. 

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement, qui procède de la même idée que le précédent, concerne les dons des entreprises et le mécénat d'entreprise.

Il s'agit de porter le taux de réduction d'impôt des entreprises réalisant du mécénat pour Mayotte à 75 %, soit le taux du fameux dispositif Coluche.

Au regard de la gravité de la situation, qui relève quasiment de l'humanitaire, nous pouvons faire bénéficier les entreprises – à l'instar de ce que nous avons demandé pour les particuliers – du taux le plus intéressant, à savoir 75 %, au lieu du taux habituel de 60 %.

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Berthet, M. Belin, Mme Belrhiti, M. Bouchet, Mmes F. Gerbaud, Josende et Lassarade, MM. H. Leroy et Panunzi, Mme Petrus, M. Rapin, Mmes Richer et Ventalon et M. P. Vidal, est ainsi libellé :

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Par dérogation à la première phrase du 2 de l'article 238 bis du code général des impôts, ouvrent droit à une réduction d'impôt au taux de 60 % de leur montant les dons et versements effectués par les entreprises entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025 au profit des organismes d'intérêt général visés à l'article précité qui, dans le cadre de leur action dans le département de Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido, fournissent gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou contribuent à favoriser leur logement, y compris par la reconstruction des locaux d'habitation rendus inhabitables.

Il n'est pas tenu compte des versements effectués au profit des organismes précédemment mentionnés dans l'application du seuil de 2 millions d'euros prévu au 2 de l'article précité.

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Lauriane Josende.

Mme Lauriane Josende. L'amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 134, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie, Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le taux de réduction d'impôt prévue au 2 de l'article 238 bis du code général des impôts est porté à 70 %, pour la fraction inférieure ou égale à 2 millions d'euros, pour les versements effectués entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025 au profit des associations et fondations reconnues d'utilité publique qui, dans le cadre de leur action dans le département de Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido, fournissent gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou contribuent à favoriser leur logement, y compris par la reconstruction des locaux d'habitation rendus inhabitables.

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Toutes les interventions contribuant à la reconstruction de Mayotte doivent être facilitées, y compris en mettant à contribution les entreprises et en encourageant les donations les plus généreuses possible.

Les membres de mon groupe préfèrent bien évidemment l'intervention publique. Toutefois, au travers de cet amendement portant article additionnel, nous proposons de flécher des défiscalisations symétriques à celles des particuliers.

Et pour cause, le coût des dégâts est estimé à plus de 1 milliard d'euros ; trois quarts des bâtiments et trois quarts des forêts mahoraises sont touchés. Il est possible que l'ampleur de la catastrophe soit plus importante encore, les travaux n'ayant pas vraiment démarré.

Au demeurant, si nous pouvons chiffrer ces dégâts à plus de 1 milliard d'euros, combien d'argent faudra-t-il pour que la reconstruction soit ambitieuse ? Celle que nous appelons de nos vœux doit permettre de mieux faire face aux prochaines catastrophes qui risquent de se produire, compte tenu du dérèglement climatique et de ses effets destructeurs.

Aussi, pour favoriser les dons aux associations et aux fondations reconnues d'utilité publique qui, dans le cadre de leur action dans le département de Mayotte, à la suite du Cyclone Chido, fournissent déjà gratuitement des repas et des soins aux personnes en difficulté et contribuent à favoriser leur relogement, y compris en reconstruisant les locaux d'habitation rendus inhabitables, nous proposons de porter le taux des défiscalisations à 70 %.

Nous espérons, mes chers collègues, que vous voterez cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. L'amendement n° 134 vise à dupliquer la majoration exceptionnelle de réduction d'impôt pour les dons effectués par des entreprises.

Les amendements nos 8 rectifié et 18 ont le même objet, même si le périmètre des organismes bénéficiaires est un peu différent.

Je suis défavorable à ces trois amendements, pour trois raisons.

Premièrement, les dispositions en vigueur ouvrent déjà droit à réduction d'impôt pour les dons des entreprises au profit d'organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent à titre principal à la fourniture gratuite à des personnes en difficulté de soins ou de matériel nécessaire pour vivre décemment, ce qui permet de couvrir la majeure partie des besoins visés.

Deuxièmement, je rappelle que cette mesure, contrairement à celle qui concerne les particuliers, n'a pas été annoncée dès le mois de décembre 2024. Or mettre en place une telle mesure fiscale incitative à titre rétroactif est pour le moins contestable.

Troisièmement, enfin, les plafonds de déduction pour les entreprises sont très supérieurs à ceux qui sont prévus pour les dons des particuliers. Dans un contexte budgétaire contraint, cette mesure ne me paraît pas bienvenue.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Au début de nos débats, nous avons acté que les financements pour la reconstruction seraient dirigés massivement vers Mayotte, avec des dispositions dérogatoires permettant d'engager rapidement les travaux.

Nous savons, puisque nos amendements ont été rejetés, que beaucoup de cet argent ira droit aux majors du BTP. Alors que nous demandons, en contrepartie, une défiscalisation visant à capter la générosité nationale vers les associations qui, par leur travail, participent à la reconstruction, l'afflux des dons est limité. C'est fort dommage !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre VII

Mesures en faveur de la population à Mayotte

Après l'article 16
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 17

Avant l'article 17

M. le président. L'amendement n° 101 rectifié bis, présenté par MM. Omar Oili et Kanner, Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Roiron, Mme Bélim, M. Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un bilan exhaustif de la catastrophe, incluant le nombre de personnes décédées, disparues, blessées et amputées lors du passage du cyclone Chido survenu dans la nuit du 13 au 14 décembre 2024.

La parole est à M. Saïd Omar Oili.

M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, hier, à la suite d'une intervention sur le nombre de victimes, vous avez tenu des propos un peu vifs.

Sans chercher à susciter la polémique, je voudrais « remettre la mosquée au milieu du village », pour paraphraser l'expression hexagonale qui met l'église à cet endroit.

Je tiens à effectuer un rappel sur l'origine du flou persistant sur le nombre de victimes.

Quelques jours après Chido, le représentant de l'État, dans une intervention publique, a évoqué sa crainte de centaines, voire de milliers de victimes. De surcroît, il a évoqué notre rite musulman d'un enterrement des corps sous vingt-quatre heures, sous-entendant, fort justement d'ailleurs, que des victimes auraient pu échapper à la procédure normale d'une déclaration après un décès.

Le jour de l'arrivée du Président de la République à Mayotte, un journaliste, intervenant en direct sur une chaîne publique, a évoqué le chiffre de 60 000 morts avancé par des sauveteurs. Ce ne sont pas les Mahorais ou quelques élus qui sont à l'origine de cette suspicion.

Monsieur le ministre, ayant un profond respect pour les services de l'État, j'ai bien évidemment interrogé le préfet de Mayotte sur le nombre de disparus, dans la mesure où il avait lui-même évoqué une soixantaine d'opérations de recherche. Je n'ai pas obtenu de réponse précise à ma demande, sinon un tableau global des bilans, des « aller vers », mais rien sur le résultat des recherches des disparus. Vous comprendrez que ce culte du secret développe un sentiment de suspicion à l'égard de l'État.

Je sais que vous n'êtes pas indifférent à Mayotte, que vous connaissez notre archipel.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Saïd Omar Oili. En conclusion, monsieur le ministre, je demande à ce que l'on rétablisse l'article, voté à l'Assemblée nationale, qui prévoit la remise au Parlement d'un bilan officiel du nombre de victimes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission a estimé que cette demande de rapport serait redondante avec la mission interministérielle d'évaluation chargée de réaliser le bilan de la catastrophe, qui a rendu ses premiers travaux à la fin du mois de janvier.

La reconstruction exige de s'appuyer sur toutes les forces vives de l'administration. J'entends la préoccupation de nos collègues, notamment des parlementaires de Mayotte, sur la nécessité de confirmer le premier bilan de trente-neuf morts et de préciser le nombre de blessés, mais cela pourra, à mon sens, être fait dans un second temps : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Je répondrai chaque fois que l'on abordera ce sujet, lourd, grave, symbolique, du bilan humain, parce que c'est d'hommes, de femmes, d'enfants qu'il est question.

Tout d'abord, je répète qu'il faut bien avoir à l'esprit la situation dans laquelle l'île s'est trouvée juste après le passage de Chido : télécommunications perdues – il y a eu une vraie rupture entre l'île, d'une part, et La Réunion et l'Hexagone, d'autre part –, routes entravées, même si beaucoup ont très vite été rouvertes, accès aux bidonvilles empêché par des décombres, etc. Cela a évidemment complexifié l'évaluation de la situation sur le terrain.

Dans chacune des catastrophes du même type – je pense à l'ouragan Irma, à Saint-Martin, ou encore, en Europe, voilà seulement quelques mois, aux inondations dans la région de Valence, en Espagne –, l'intervention sur le terrain est très difficile. Pourtant, dès le samedi 14 décembre, soit dès après la fin de l'alerte violette, une mission était lancée pour rouvrir les routes et aller au contact des populations.

Une sous-préfète a été chargée de recenser les victimes, en lien avec les maires et les autorités religieuses – c'est la fameuse « mosquée au milieu du village » que vous avez évoquée, monsieur le sénateur.

Je répète que nous pouvons avoir des indications sur le bilan humain grâce à la démarche d'« aller vers » – 15 000 soins ont été prodigués – et aux passages à l'Élément de sécurité civile rapide d'intervention médicale (Escrim) – il y a eu 5 739 prises en charge.

Beaucoup ont dit que la rentrée scolaire serait le grand moment de vérité, puisque les enseignants seraient alors amenés à compter les chaises vides des enfants des familles mahoraises en situation régulière et, surtout, irrégulière.

Comme je l'ai déclaré hier, je veux rester prudent. Toutefois, à l'heure actuelle, le taux d'absence recensé par le rectorat est faible. Nous verrons si des informations remontent du terrain.

Je le redis, cette question du bilan humain demande humilité et respect – c'est d'ailleurs sur ce ton que vous l'avez abordée, monsieur le sénateur. Bien évidemment, ni vous ni moi ne voulons polémiquer sur le sujet. Les chiffres sont là : il y aurait quarante morts. Nous n'avons absolument rien à cacher.

Au fond, l'absence de transparence de l'État est un autre débat. Vous êtes déjà intervenu sur ce sujet, monsieur le sénateur, y compris dans les médias. Honnêtement, le préfet ne saurait être accusé d'installer une distance, surtout avec les élus locaux. Le travail du préfet est forcément difficile ; il l'est d'autant plus dans les circonstances que nous avons connues. Je répète que sa méthode, axée sur les revues de territoire, repose sur un lien avec les communes et une prise de pouls régulière de chacune d'entre elles. J'ai encore pu le constater sur place, avec les maires. Ces revues de territoire permettent également de rendre compte de l'action de l'État.

Je pense également aux conférences de sécurité, organisées régulièrement pour rendre compte de l'action de l'État en matière de lutte contre l'insécurité, contre l'économie souterraine, contre l'immigration clandestine, auxquelles les maires sont conviés.

Ces deux exemples parmi d'autres illustrent que l'État rend compte de son action.

Pour refonder Mayotte, il faut de la cohésion et de l'unité. Si la défiance existait avant Chido – non pas à l'égard du préfet, mais entre les Mahorais, les élus et l'État hexagonal –, essayons de ne pas jouer cette carte, qui serait mortifère en ce moment où il faut reconstruire.

Pour ce qui me concerne, ma confiance est pleine et entière. Lorsque j'étais ministre de l'intérieur, sauf dans certaines circonstances qui ont pu s'imposer, j'ai toujours soutenu les services de l'État et les préfets. En tout état de cause, à Mayotte, je leur fais confiance pour communiquer les informations que demande un élu de la Nation.

Bien évidemment, s'il y a un problème, nous en parlons. Mais sur le sujet des victimes, l'État n'a rien à cacher. La façon dont on nous interroge donne le sentiment que nous aurions quelque chose à cacher ou que nous serions gênés par le nombre de victimes. Monsieur le sénateur, s'il y avait beaucoup plus de victimes, je serais non pas « gêné », mais horrifié de ces pertes humaines ! Il serait évidemment inacceptable que nous ne donnions pas le véritable chiffre, mais je ne vois pas pourquoi nous agirions ainsi. Si, demain, nous nous apercevons qu'il y a des absences, que nous ne parvenons pas à repérer certaines personnes – Mme la sénatrice en a parlé hier –, nous en rendrons compte.

Je ne pense pas que mon ton soit particulièrement vif lorsque je réponds sur ce sujet : je dis tout simplement et très honnêtement que cette question ne mène à rien d'essentiel. Il est nécessaire que l'État soit transparent sur les chiffres relatifs aux victimes et il le sera. La transparence s'impose à tous, dans tous les domaines.

J'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre acharnement à refuser ce rapport.

Vous craignez la défiance, mais il faut plutôt rétablir la confiance ! C'est une autre démarche : si vous ne rétablissez pas la confiance, vous alimentez la défiance…

Après la valse des chiffres, y compris de la part des représentants de l'État et des secouristes, il n'est pas tout à fait irrationnel qu'un bilan de quelques dizaines de morts fasse naître un doute.

Il est nécessaire de dresser un bilan. De fait, il est bien normal qu'il soit difficile d'établir le chiffre exact des blessés ou des tués quand une grande partie de la population n'est pas recensée. Il faut rappeler que, par peur d'être piégés, contrôlés, expulsés, de nombreux habitants en situation irrégulière ne se sont pas rendus dans les abris. L'État, aux yeux d'un grand nombre de personnes sans papiers, n'a pas été protecteur. (M. le ministre d'État le conteste.)

L'Agence France-Presse (AFP) l'a souligné : beaucoup ont pensé que l'alerte était un piège qu'on leur tendait pour les ramasser et les reconduire à la frontière. Ces gens sont restés où ils étaient jusqu'à la dernière minute. C'est face à l'intensité du phénomène qu'ils ont commencé à paniquer, à chercher un endroit où se réfugier. Mais il était déjà trop tard : les tôles commençaient à s'envoler…

D'une certaine manière, l'État a manqué à son devoir de protection en ce qu'il a incarné le danger, l'insécurité, la menace et la violence.

Pour ma part, il ne me semble pas tout à fait étonnant que nous rencontrions des difficultés à établir un bilan. Or l'on avance un chiffre à l'unité près, comme si la situation à Mayotte était d'une rationalité totale !

(Mme Sylvie Robert remplace M. Didier Mandelli au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Madame la sénatrice, vous faites fausse route ; je vous le dis, vous êtes en dehors de la vérité et de la réalité. Du reste, le débat que vous ouvrez est très éloigné de ce qu'a dit M. Omar Oili.

Derrière vos propos, l'idée sous-jacente serait que l'État ne s'est pas montré protecteur – vous l'avez dit en passant – des populations issues de l'immigration irrégulière. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.) C'est bien ce que vous avez dit, madame la sénatrice !

Vous avez raison sur un point : oui, il y a de la méfiance. Mais faisons preuve d'un peu de bon sens : les personnes en situation irrégulière se méfient de l'État, mais pas de l'État protecteur ! Elles craignent effectivement d'être reconduites à la frontière si on leur demande leurs papiers, comme cela arrive à 30 000 personnes par an, mais pas au moment où passe un cyclone !

Il faut savoir de quoi l'on parle. Cela a été répété, les messages d'alerte ont été diffusés dans toutes les langues et pas seulement en français, notamment sur les radios et les différentes boucles des réseaux sociaux, et plus particulièrement Facebook, quand elles fonctionnaient encore.

Beaucoup de gens sont sortis des bidonvilles pour rejoindre les abris ou des abris de fortune, ainsi que de nombreuses images en attestent. Ils ont notamment rejoint les écoles, les collèges et les lycées, ce qui nous a d'ailleurs été reproché. Il faut être cohérent dans les arguments que l'on utilise, madame la sénatrice : vous pourriez ensuite vous plaindre que nous expulsions toute une série de personnes, notamment les migrants en situation irrégulière qui sont dans ces établissements.

Lors de la tempête tropicale, on a recensé 15 000 personnes dans les établissements scolaires ou dans des gymnases et 5 000 personnes dans les mosquées, puisque le cyclone est passé au lendemain de la prière. Nombre de personnes ont été mises à l'abri. Et c'est pour cela qu'il y a eu beaucoup moins de victimes qu'on ne le redoutait.

Bon sang, il faudrait s'en réjouir ! Pardon d'être un peu vif, mais j'ai l'impression que l'on regrette qu'il n'y ait pas eu plus de victimes, car cela aurait permis de démontrer que l'État a failli. Alors oui, le préfet, lui, a failli… être écrasé par l'effondrement du toit du centre de crise au cœur du passage du cyclone !

Mesdames, messieurs les sénateurs, remettons certaines déclarations dans leur contexte, notamment marqué par la fatigue.

J'en reviens aux chiffres qui ont été évoqués par M. le sénateur. Il est vrai que le préfet Bieuville a déclaré, face au silence qui s'était abattu sur l'île, que les victimes allaient peut-être se compter par dizaines, par centaines, voire par milliers. Et il est vrai qu'une chaîne d'information a avancé une fourchette de 50 000 à 60 000 victimes, qui s'est répandue du fait de cette impression de silence après que les bidonvilles ont été rasés, mais qui ne s'est pas vérifiée. Et c'est tant mieux !

Que pourrait-on faire de plus maintenant ? Où devrait-on aller ? Devrait-on creuser sous les bangas, dans la terre mahoraise, pour voir s'il y a des morts ? Que proposez-vous ? Je comprends la proposition d'une commission d'enquête, mais que cherche-t-on à savoir ? Que le préfet, le ministre, l'État ont caché quelque chose ? Ont caché quoi ? Les morts, les victimes ? Honnêtement, madame la sénatrice, le débat sur ce sujet manque d'une certaine décence !

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le ministre, il n'est pas du tout question de mettre en cause l'État. Je ne veux pas entrer dans la bataille des chiffres.

Notre collègue demande simplement que l'État fasse un bilan et nous communique des chiffres étayés ; je crois que c'est important.

Et, je suis d'accord avec vous, il serait souhaitable que ces chiffres correspondent au nombre de victimes annoncé de façon officieuse. Je relaie la demande de mon collègue, car je crois que ce bilan pourrait peut-être faire taire certaines rumeurs.

Cette demande n'est pas injustifiée. Elle ne vise pas du tout à mettre en cause qui que ce soit. Il s'agit simplement de rétablir un peu de confiance.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je demande la parole, madame la présidente !

Mme la présidente. Ma chère collègue, je ne peux vous redonner la parole, puisque vous êtes déjà intervenue en explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. C'est trop facile !

Mme la présidente. Ce n'est pas trop facile, madame la sénatrice, c'est le règlement.

Je mets aux voix l'amendement n° 101 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 17
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Après l'article 17

Article 17

I. – Pour les créances dont sont redevables les personnes physiques et les personnes morales fiscalement domiciliées ou dont le siège social est situé dans le Département de Mayotte et dont le recouvrement incombe aux comptables publics de la direction générale des finances publiques, les délais en cours à la date du 14 décembre 2024 ou commençant à courir à compter de cette date et prévus à peine de nullité, de caducité, de forclusion, de prescription, d'inopposabilité ou de déchéance d'un droit ou d'une action sont suspendus jusqu'au 31 mars 2025. Cette suspension peut être prolongée et étendue aux délais commençant à courir après le 31 mars 2025, par décret, jusqu'au 31 décembre 2025 pour tout ou partie des redevables, en considération de leur situation économique et financière et, pour les entreprises, de leur appartenance à une même catégorie en fonction de leur taille ou de leur activité.

Sont également suspendus, dans les mêmes conditions, les délais mentionnés aux articles 642 et 647 du code général des impôts.

II. – La perte de recettes pour l'État résultant de la première phrase du premier alinéa du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales résultant de la première phrase du premier alinéa du I est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de la première phrase du premier alinéa du I est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

V. – La perte de recettes pour l'État résultant du second alinéa du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L'amendement n° 82, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Supprimer les mots :

de la direction générale des finances publiques

La parole est à M. Manuel Valls, ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Nous proposons, par cet amendement, d'étendre la suspension du recouvrement aux créances détenues par l'ensemble des comptables publics.

Cette évolution permettrait d'inclure dans le champ de la suspension les créances détenues par les douanes, donc de faire bénéficier davantage de citoyens de cette mesure. Voilà qui devrait nous rassembler.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cette extension est bienvenue : avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 78, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. En séance publique, l'Assemblée nationale a précisé, à l'article 17, que la suspension des délais applicables en matière de recouvrement s'appliquait également aux questions de succession et de publicité foncière.

Comme je l'ai indiqué, cette mesure n'était pas stricto sensu indispensable. Toutefois, j'entends le désir de clarification exprimé par le Parlement et je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement, qui, pour montrer l'appui du Gouvernement, tend à lever les gages qui ont été ajoutés à cette occasion à l'article 17.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
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Article 17 bis A

Après l'article 17

Mme la présidente. L'amendement n° 158, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – 1. Les établissements de crédit et les sociétés de financement mentionnés à l'article L. 511-1 du code monétaire et financier ainsi que les sociétés de tiers-financement mentionnées au 8 de l'article L. 511-6 du même code, imposés d'après leurs bénéfices réels, ayant leur siège dans un État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre d'avances remboursables ne portant pas intérêt versées au cours de l'année d'imposition ou de l'exercice pour financer des travaux de reconstruction, de réhabilitation ou d'amélioration accessoires aux travaux de réhabilitation de logements situés dans le département de Mayotte, achevés avant le 14 décembre 2024 et utilisés ou destinés à être utilisés en tant que résidence principale.

Les travaux mentionnés au présent 1 sont réalisés par des entreprises ou par l'emprunteur sous condition de recours à une assistance d'un maître d'ouvrage délégué.

Lorsque les travaux sont réalisés par l'emprunteur sous condition de recours à l'assistance d'un maître d'ouvrage délégué, seules les dépenses relatives aux matériaux de construction et au recours à une assistance d'un maître d'ouvrage délégué sont retenues dans l'avance remboursable ne portant pas intérêt.

2. La nature des travaux mentionnés au 1 du présent I, leurs modalités de détermination, ainsi que les modalités de recours à une assistance d'un maître d'ouvrage délégué sont fixées par décret. Ce décret fixe également les critères d'éligibilité exigés des entreprises pour les travaux mentionnés au 1.

Ces travaux ne sont pas cumulables avec les travaux mentionnés au 2 du I de l'article 244 quater U du code général des impôts.

3. L'avance remboursable ne portant pas intérêt peut être consentie aux personnes mentionnées et dans les conditions prévues aux 1° et 2° du 3 du I de l'article 244 quater U du code général des impôts.

4. Le montant de l'avance remboursable ne portant pas intérêt ne peut excéder 50 000 € par logement.

5. Lorsque les travaux sont réalisés par une entreprise, l'emprunteur fournit à l'établissement de crédit, à la société de financement ou à la société de tiers-financement mentionné au 1 du présent I, à l'appui de sa demande d'avance remboursable ne portant pas intérêt, un descriptif et un devis détaillés des travaux envisagés. Lorsque les travaux sont réalisés par l'emprunteur, celui-ci fournit un descriptif des travaux envisagés et les factures correspondantes. Il transmet tous les éléments justifiant que les travaux ont été effectivement réalisés conformément aux documents précités et satisfont aux conditions du présent article, dans un délai de trois ans à compter de la date d'octroi de l'avance par l'établissement de crédit, la société de financement ou la société de tiers-financement, sauf en cas de décès de l'emprunteur, d'accident de santé de ce dernier entraînant une interruption temporaire de travail d'au moins trois mois, d'état de catastrophe naturelle ou technologique, de contestation contentieuse de l'opération ou de force majeure, dans des conditions fixées par décret.

6. Il ne peut être accordé qu'une seule avance remboursable ne portant pas intérêt par logement.

7. La durée de remboursement de l'avance remboursable ne portant pas intérêt ne peut excéder deux-cent-quarante mois.

Par dérogation à l'alinéa précédent, la société visée à l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation peut accorder une avance remboursable ne portant pas intérêt bénéficiant d'une première période avec différé de remboursement de soixante mois suivie d'une seconde période de remboursement d'une durée maximale de trois cents mois. Les mensualités sont nulles lors de la première période et constantes lors de la seconde période. La durée de la première période peut être réduite ou supprimée à la demande de l'emprunteur.

Les conditions de remboursement de l'avance remboursable ne portant pas intérêt sont déterminées à la date d'émission de l'offre de prêt.

II. – Les II à VI de l'article 244 quater U du code général des impôts s'appliquent au crédit d'impôt prévu au 1 du I du présent article dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités.

III. – 1. Le crédit d'impôt prévu par le présent article est imputé à hauteur d'un cinquième de son montant sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés dû par le contribuable au titre de l'année ou de l'exercice au cours de laquelle l'établissement de crédit, la société de financement ou la société de tiers-financement a versé des avances remboursables dans les conditions prévues par le présent article et par fractions égales sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés dû au titre des quatre années ou des quatre exercices suivants. Si la fraction du crédit d'impôt excède l'impôt dû au titre de chacune de ces années, l'excédent est restitué.

2. Si, pendant la durée de remboursement de l'avance, et tant que celle-ci n'est pas intégralement remboursée, il apparaît que les conditions mentionnées au I du présent article fixées pour l'octroi de l'avance remboursable n'ont pas été respectées, le crédit d'impôt est reversé par l'établissement de crédit, la société de financement ou la société de tiers-financement.

Par exception :

a) Si les travaux mentionnés au 1 du I du présent article sont réalisés par une entreprise, lorsque le devis ou la facture visant tout ou partie des travaux financés ne permettent pas de justifier les informations figurant dans le descriptif mentionné au premier alinéa du 5 du I du présent article, l'entreprise réalisant ces travaux est redevable d'une amende égale à 10 % du montant des travaux non justifié. Cette amende ne peut excéder le montant du crédit d'impôt. Un décret fixe les modalités d'application du présent a ;

b) Lorsque la justification de la réalisation ou de l'éligibilité des travaux n'est pas apportée par le bénéficiaire de l'avance remboursable ne portant pas intérêt dans le délai prévu au 5 du I du présent article, à l'exception des cas mentionnés au a du présent 2, l'État exige de ce bénéficiaire le remboursement de l'avantage indûment perçu. Celui-ci ne peut excéder le montant du crédit d'impôt majoré de 25 %. Un décret définit les modalités de restitution de l'avantage indu par le bénéficiaire de l'avance remboursable ne portant pas intérêt.

3. Si, pendant la durée de remboursement de l'avance, et tant que celle-ci n'est pas intégralement remboursée, la condition relative à l'affectation du logement mentionnées au 1 du I du présent article n'est plus respectée, les fractions de crédit d'impôt restant à imputer ne peuvent plus être utilisées par l'établissement de crédit, la société de financement ou la société de tiers-financement.

4. L'offre d'avance remboursable ne portant pas intérêt émise par l'établissement de crédit, la société de financement ou la société de tiers-financement peut prévoir de rendre exigible cette avance auprès des bénéficiaires dans les cas mentionnés au premier alinéa des 2 et 3 du présent III selon des modalités définies par décret.

5. En cas de remboursement anticipé de l'avance remboursable ne portant pas intérêt intervenant pendant la durée d'imputation du crédit d'impôt, les fractions de crédit d'impôt restant à imputer ne peuvent plus être utilisées par l'établissement de crédit, la société de financement ou la société de tiers-financement.

IV. – La société mère mentionnée à l'article 223 A du code général des impôts est substituée aux sociétés du groupe pour l'imputation sur le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable, au titre de chaque exercice, des crédits d'impôt dégagés par chaque société du groupe en application du présent article. Le III s'applique à la somme de ces crédits d'impôt.

V. – Les établissements de crédit, sociétés de financement et sociétés de tiers-financement qui octroient ou qui gèrent des avances remboursables ne portant pas intérêt prévues au 1 du I du présent article déclarent ces opérations à l'administration fiscale dans des conditions et délais déterminés par décret et sous peine des sanctions prévues au 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts.

VI. – Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les modalités de calcul du crédit d'impôt et de détermination du taux du crédit d'impôt ainsi que les caractéristiques financières et les conditions d'attribution de l'avance remboursable ne portant pas intérêt prévue au présent article.

VII. – Le présent article s'applique aux offres de prêts ne portant pas intérêt émises à compter d'une date fixée par décret et au plus tard du 1er avril 2025 et jusqu'au 31 décembre 2027.

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Cet amendement, que j'ai évoqué hier, vise à mettre en place un prêt sans intérêt pour les propriétaires dont la résidence principale, durement touchée par le cyclone Chido ou par la récente tempête tropicale, nécessite des travaux de réhabilitation.

Ce soutien financier concerne également les logements qui n'étaient pas assurés. Il fait suite à l'engagement qu'a pris le Gouvernement à l'occasion de la présentation par le Premier ministre du plan Mayotte debout.

Le montant du prêt ne pourra pas excéder 50 000 euros par logement et sa durée de remboursement pourra être de trente ans, avec un différé de remboursement de cinq ans maximum pour les publics les plus fragiles.

Afin de parfaire le dispositif et de soutenir les Mahorais dans la reconstruction de leur logement, le prêt sera garanti par l'État.

Enfin, ce dispositif rétroactif sera limité dans le temps et s'appliquera aux prêts demandés jusqu'au 31 décembre 2027.

En cas d'adoption de cette mesure, nous devrons veiller scrupuleusement à sa mise en œuvre concrète, notamment par l'opérateur Action Logement. L'objectif est qu'elle bénéficie pleinement aux familles mahoraises.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à introduire un dispositif bienvenu pour financer la reconstruction des logements des Mahorais. Nous devons faire en sorte qu'il bénéficie au plus grand nombre.

À cet égard, permettez-moi de saluer le rôle essentiel que joue Action Logement au service des publics les plus fragiles.

De manière générale, nous serons vigilants sur les modalités d'application qui seront prises par voie réglementaire, notamment les conditions d'attribution aux ménages de cette avance remboursable.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Le 19 décembre dernier, le Président de la République annonçait aux Mahorais qu'ils pourraient bénéficier d'une aide à la reconstruction de leur maison, quand bien même celle-ci n'était pas assurée. Il avait évoqué un fonds d'indemnisation.

Alors que 6 % seulement des ménages assurent leur logement à Mayotte, vous nous proposez aujourd'hui une avance remboursable ne portant pas intérêt.

Ce n'est pas ce qui est attendu et cela ne correspond pas aux pratiques des Mahorais. À Mayotte, nous n'avons pas la culture de l'emprunt immobilier.

Monsieur le ministre, cette mesure est vouée à l'échec et vous le savez très bien. Elle est l'exemple même d'une déconnexion totale par rapport aux réalités du terrain.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Absolument pas !

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. J'approuve ce que vient de dire mon collègue, mais je voterai tout de même cet amendement, qui me semble intéressant.

La longueur de ce dernier dénote la très grande complexité de ce dispositif. Aussi, comme nous y invitait à l'instant la rapporteure, nous devrons être extrêmement vigilants quant à sa mise en œuvre concrète. L'objectif est que l'ensemble des Mahorais qui ont une maison à reconstruire puissent en bénéficier, y compris les plus fragiles.

Ces derniers assumeront difficilement un emprunt sur trente ans. Il faudra donc particulièrement les rassurer et les y aider. Telle est la mission d'Action Logement et je ne doute pas que ses équipes s'y emploieront.

Je compte néanmoins sur votre vigilance, en particulier sur celle des parlementaires mahorais, pour faire en sorte que son déploiement soit le plus simple possible.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous voterons aussi cet amendement : c'est tout ce que nous avons finalement…

Il a été question, plus tôt dans ce débat, de la façon dont nous pouvions favoriser les entreprises mahoraises. Mais le tissu économique, ce sont les Mahorais ! Derrière les entreprises, il y a des familles, il y a des emplois !

Monsieur le ministre, pour sauver les entreprises tout comme pour rebâtir les logements, vous proposez des prêts, tout en sachant que l'argent sera capté par des multinationales.

Je ne vois pas bien à partir de quelles miettes Mayotte pourra se mettre « debout ».

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. J'aimerais qu'un jour les multinationales soient présentes à Mayotte ! (Sourires sur des travées du groupe INDEP.)

Il y en a bien une, sur le port, et elle s'appelle CMA CGM…

Nous avons adopté tout à l'heure des dispositifs permettant aux entreprises mahoraises d'accéder à 30 % des marchés publics.

Action Logement n'est pas une multinationale !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. En effet !

M. Manuel Valls, ministre d'État. Grâce à sa connaissance du terrain, cet établissement intervient déjà de manière très efficace.

Monsieur le sénateur, contrairement à vous, je pense que ce dispositif peut fonctionner. Nous l'adapterons si besoin.

Nous ne pouvons pas circonscrire notre action à des dons et des subventions publiques, qu'ils s'adressent aux entreprises ou aux particuliers.

Ce dispositif doit aider les Mahorais, y compris dans leurs pratiques, que je connais bien moins que vous.

Les Mahorais auront à construire ou reconstruire leur maison, au-delà des programmes de création de logements et d'habitat social, gérés par la Société immobilière de Mayotte (SIM).

Il s'agit là d'enjeux de moyen et de long terme et nous pouvons parfaitement nous mobiliser.

Je vous entends, madame la sénatrice : nous serons très attentifs à la façon dont nous irons vers les Mahorais pour leur proposer ce dispositif.

Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour explication de vote.

Mme Salama Ramia. Certains Mahorais pourront assumer ce prêt, mais d'autres – ils sont nombreux – risquent de cumuler les crédits.

Si le prêt à taux zéro est intéressant, n'oubliez pas que de futurs bénéficiaires ne touchent plus de salaire et devront assumer deux échéances.

Il faudra tout de même apporter une solution aux foyers qui ne sauraient souscrire cet emprunt sans aller au-devant de grandes difficultés.

Malheureusement, il ne pourra s'agir que d'une subvention visant à compenser le poids de ce double crédit.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Puisque nos débats sont suivis par les Mahorais et au-delà, je veux apporter quelques précisions.

Le Gouvernement aura sans doute l'occasion d'y revenir : nous devons mener une réflexion plus générale, pas seulement dans les outre-mer d'ailleurs, sur la question des assurances.

En l'espèce, nous parlons d'un territoire où le taux d'assurance est faible. C'est la raison pour laquelle le Fonds de secours pour l'outre-mer (FSOM) interviendra également en faveur des particuliers non assurés.

Ainsi, ce fonds pourra indemniser ces derniers à hauteur de 350 euros à 700 euros pour leurs biens mobiliers, jusqu'à 1 000 euros pour leurs biens immobiliers endommagés et jusqu'à 1 800 euros pour leurs biens immobiliers détruits.

Au-delà de ces aides d'urgence, le prêt à taux zéro peut être très bénéfique aux familles, puisqu'il permet d'emprunter sans intérêt jusqu'à 50 000 euros sur plusieurs dizaines d'années.

Il nous revient de réussir dans la mise en œuvre de ce dispositif, qui nous paraît plus efficace et plus responsable que ceux qui ont pu être proposés jusqu'ici. (Mme Evelyne Corbière Naminzo proteste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 158.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

Après l'article 17
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Article 17 bis

Article 17 bis A

Pour les créances dont sont redevables les personnes physiques et les personnes morales fiscalement domiciliées ou dont le siège social est situé dans le Département de Mayotte et dont le recouvrement incombe aux comptables publics de la direction générale des finances publiques, les délais des réclamations relatives aux impôts et aux taxes annexes à ces impôts en cours à la date du 14 décembre 2024 ou commençant à courir à compter de cette date et prévus à peine de nullité, de caducité, de forclusion, de prescription, d'inopposabilité ou de déchéance d'un droit ou d'une action sont suspendus jusqu'au 31 mars 2025. Cette suspension peut être prolongée et étendue aux délais commençant à courir après le 31 mars 2025 par décret jusqu'au 31 décembre 2025.

Mme la présidente. L'amendement n° 83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Supprimer les mots :

de la direction générale des finances publiques

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Dans le même esprit qu'à l'amendement n° 82, à l'article 17, qui visait à étendre la suspension du recouvrement aux créances douanières, le Gouvernement propose, au travers de cet amendement, que la suspension des délais de recouvrement s'applique à l'ensemble des comptables publics, y compris ceux des douanes.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Avis favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17 bis A.

(L'article 17 bis A est adopté.)

Article 17 bis A
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Article 17 ter (nouveau)

Article 17 bis

(Supprimé)

Article 17 bis
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Article 18

Article 17 ter (nouveau)

I. – Le i du A du I de l'article 266 nonies du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Par dérogation, une réfaction de 100 % est appliquée à Mayotte jusqu'au 31 décembre 2026.

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L'amendement n° 172, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Par dérogation au i du A du I de l'article 266 nonies du code des douanes, le tarif de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies du même code applicable aux réceptions de déchets générés dans le département de Mayotte est nul jusqu'au 31 décembre 2026.

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le champ de l'exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à tous les déchets présents à Mayotte, y compris s'ils sont traités en dehors du territoire mahorais.

La rédaction actuelle de l'article 17 ter permet en effet d'exonérer de TGAP les déchets qui ont vocation à être éliminés sur le territoire de Mayotte. Or, en pratique, certaines de ces opérations d'élimination, notamment pour ce qui concerne les déchets dangereux, ont lieu hors du territoire mahorais, d'où cette proposition d'extension.

Par ailleurs, la rédaction proposée supprime l'imputation de l'exonération dans le code des douanes au profit d'une disposition autonome hors code, ce qui est plus conforme à sa nature exceptionnelle. Cela offrirait également une plus grande sécurité juridique, car la loi de finances pour 2025 remanie l'article 266 nonies du code des douanes.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Sur ce sujet comme sur les questions d'environnement, nous aurons beaucoup à faire dans le cadre du deuxième projet de loi que nous présenterons pour Mayotte.

Je recevais ce matin Sea Shepherd et Paul Watson, que chacun connaît. Il y a, me semble-t-il, une action à mener dans ce domaine pour en faire un véritable projet mahorais.

Au-delà de la protection des tortues, des plages ou du lagon, c'est tout un écosystème dévasté, une forêt vieille de soixante-dix ans qui a été rasée, des coraux fragiles qui ont été abîmés qu'il faut restaurer. Cela peut être un projet pour les Mahorais.

De la même façon, nous devons être très attentifs à la question des déchets. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Je propose en outre – c'était l'objet de l'amendement suivant n° 79 – de supprimer l'alinéa 3 et, ainsi, de lever le gage.

Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 172 rectifié.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 79 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 17 ter, modifié.

(L'article 17 ter est adopté.)

Article 17 ter (nouveau)
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Article 18 bis

Article 18

I. – Les employeurs et les travailleurs indépendants, mentionnés au II de l'article 28-1 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte, ainsi que les travailleurs indépendants relevant des secteurs agricole et maritime bénéficient de droit, jusqu'au 31 mars 2025, d'une suspension des obligations de paiement des cotisations et contributions sociales restant dues à la date du 14 décembre 2024 ainsi que de celles dues à compter de cette même date aux organismes de recouvrement des cotisations sociales au titre de l'activité exercée sur le territoire de ce département. Cette échéance peut être reportée, pour tout ou partie de ces redevables, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2025, par un décret pris en considération de la situation économique et financière des redevables appartenant à une même catégorie, en fonction de leur taille ou de leur activité. Sur le fondement des données relatives à la situation économique locale transmises par l'organisme mentionné à l'article L. 225-1 du code de la sécurité sociale, le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2025, un rapport sur la situation économique et financière des principales catégories de redevables.

Pendant la période prévue au premier alinéa du présent I, il est sursis aux poursuites pour le règlement des cotisations et contributions sociales dues par ces employeurs et ces travailleurs indépendants. Le sursis suspend les délais s'appliquant à la réalisation des actes en matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux. Les pénalités et les majorations de retard ne sont pas applicables au titre de la même période.

Les employeurs et les travailleurs indépendants sont considérés à jour de leurs obligations de paiement des cotisations et contributions sociales pour la période concernée par la suspension, sous réserve du respect de leurs obligations de déclaration.

II. – Avant le terme du sursis à poursuite, un plan d'apurement est conclu entre l'employeur et l'organisme de recouvrement des cotisations sociales dont il relève. Ce plan entre en vigueur au plus tard le 1er janvier 2026. Cette date peut être reportée, dans des conditions fixées par décret en tenant compte de l'évolution de la situation économique locale, jusqu'au 1er janvier 2027.

Le plan d'apurement peut être conclu pour une durée maximale de cinq ans. Peuvent faire l'objet d'un plan d'apurement l'ensemble des cotisations et contributions sociales restant dues aux organismes de recouvrement à la date de conclusion du plan, à la charge des employeurs et des travailleurs indépendants mentionnés au I, ainsi que celles qui, étant à la charge des salariés, ont été constatées à la date de conclusion du plan et précomptées sans être reversées à ces mêmes organismes, à condition que ces plans prévoient en priorité leur règlement. Le plan peut prévoir l'abandon de la totalité des pénalités et majorations de retard pour les dettes apurées selon l'échéancier qu'il prévoit.

Le cas échéant, le plan d'apurement tient compte des exonérations et remises prévues en application du présent article. Les directeurs des organismes de recouvrement adressent, avant le 1er décembre 2025, des propositions de plan d'apurement à l'ensemble des travailleurs indépendants et aux entreprises de moins de deux cent cinquante salariés. À défaut d'opposition ou de demande d'aménagement par le cotisant dans un délai d'un mois, le plan est réputé accepté.

Les employeurs ou les travailleurs indépendants mentionnés au I peuvent également demander aux directeurs des organismes de recouvrement, avant le 1er décembre 2025, le bénéfice d'un plan d'apurement.

Les pénalités et les majorations de retard dont sont redevables, du fait de leurs dettes de cotisations et contributions sociales, les cotisants qui concluent avec l'organisme de recouvrement dont ils relèvent un plan d'apurement dans les conditions mentionnées au présent II sont remises d'office à l'issue du plan, sous réserve du respect de celui-ci.

III. – Pour les employeurs et les travailleurs indépendants du Département de Mayotte mentionnés au I qui justifient d'une baisse de leur chiffre d'affaires majeure et durable, directement imputable aux événements climatiques exceptionnels du 14 décembre 2024, au titre de leur activité réalisée sur le territoire, le plan d'apurement peut comporter un abandon, qui est total ou partiel selon l'ampleur de la baisse et sa durée, des cotisations et contributions sociales dues par les employeurs pour la période comprise entre le 14 décembre 2024 et le 31 décembre 2025 ou dues à titre personnel par les travailleurs indépendants ou les exploitants agricoles au titre des exercices 2024 et 2025. Cet abandon de créances est accordé sous réserve, le cas échéant :

1° Du paiement préalable de la part salariale des cotisations et contributions sociales restant dues ou, à défaut, de leur inclusion dans le plan d'apurement ;

2° Du respect des échéances du plan d'apurement.

Le bénéfice de l'abandon des créances de cotisations et contributions sociales est ouvert aux employeurs et aux travailleurs indépendants mentionnés au I qui adressent à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions, au plus tard le 31 décembre 2026, une demande et des pièces justificatives, conformément à un modèle fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Le cas échéant, en cas de demande de remise totale de dette, des pièces justificatives complémentaires peuvent être demandées. Les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale sont habilités à vérifier la réalité des déclarations lors des contrôles ou par des échanges avec l'administration fiscale.

Le bénéfice d'un abandon total ou partiel des créances est subordonné au fait, pour l'employeur, d'être à jour de ses obligations déclaratives et de ses obligations de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement pour les cotisations salariales dues au titre de la période comprise dans le champ de l'abandon prévu au premier alinéa dudit I ainsi que pour les cotisations dues au titre des périodes qui ne sont pas comprises dans ce champ.

La condition de paiement est considérée comme remplie dès lors que l'employeur, d'une part, souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations restant dues et, d'autre part, acquitte les cotisations en cours à leur date normale d'exigibilité.

IV. – L'entreprise ne peut bénéficier du présent article lorsque l'entreprise ou le chef d'entreprise a été condamné en application des articles L. 8211-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail au cours des cinq années précédant la demande mentionnée au I du présent article.

La condamnation de l'entreprise ou du chef d'entreprise pour les motifs mentionnés au premier alinéa du présent IV ou, après mise en demeure, le non-respect de l'échéancier du plan d'apurement ou le non-paiement des cotisations et contributions sociales dues après la signature de ce plan entraîne sa caducité.

V. – Les délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les employeurs et les travailleurs indépendants mentionnés au I, à l'égard des organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale dont ils relèvent, ainsi que le contrôle et le contentieux subséquent sont suspendus jusqu'au 31 décembre 2025.

VI. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L'amendement n° 159, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, première phrase 

après les mots :

de Mayotte

Insérer les mots :

et à l'article 23-5 de l'ordonnance n°2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte,

II. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. – Les cotisants mentionnés au I peuvent bénéficier de plans d'apurement conclus avec les organismes de recouvrement des cotisations sociales dont ils relèvent. Pour les employeurs, ces plans entrent en vigueur au plus tard le 1er avril 2026. Pour les travailleurs indépendants mentionnés au I, ces plans entrent en vigueur au plus tard le 1er août 2026. Ces dates peuvent être reportées jusqu'à douze mois, dans des conditions fixées par décret en tenant compte de l'évolution de la situation économique locale.

III. – Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

IV. – Alinéa 6, deuxième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les directeurs des organismes de recouvrement adressent des propositions de plan à l'ensemble des cotisants mentionnés au I. Ces propositions sont adressées avant le 1er mars 2026 pour les employeurs et avant le 1er juillet 2026 pour les travailleurs indépendants mentionnés au I.

V. – Alinéa 7

Remplacer la date :

le 1er décembre 2025

par les mots :

avant le 1er mars 2026 pour les employeurs et avant le 1er juillet 2026 pour les travailleurs indépendants mentionnés au I.

VI. – Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

Pour les employeurs et les travailleurs indépendants mentionnés au I actifs sur le territoire du département de Mayotte au 14 décembre 2024, le plan d'apurement prévu au II peut comporter un abandon total ou partiel des cotisations et contributions sociales dues par les employeurs pour la période comprise entre le 14 décembre 2024 et le 31 mars 2025 ou dues à titre personnel par les travailleurs indépendants ou les exploitants agricoles au titre des exercices 2024 et 2025. 

VII. – Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas.

VIII. – Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

Cet abandon est accordé aux employeurs et aux travailleurs indépendants mentionnés au I qui justifient d'une baisse de leur chiffre d'affaires au titre de leur activité réalisée sur le territoire et commensurable à l'abandon demandé, s'ils adressent une demande à l'organisme de recouvrement des cotisations dont ils relèvent, pour les employeurs au plus tard le 31 janvier 2026 et pour les travailleurs indépendants au plus tard le 31 mai 2026. Les modalités d'appréciation de la réduction d'activité et les conditions d'octroi de cet abandon sont définies par décret.

IX. – Alinéas 13 et 14

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

Le bénéfice de l'abandon de créances mentionné aux alinéas précédents est subordonné au fait :

1° Pour le cotisant, d'être à jour de ses obligations déclaratives ;

2° Pour l'employeur, de s'être au préalable acquitté de la part salariale des cotisations et contributions sociales restant dues ou, à défaut, de leur inclusion dans le plan d'apurement.

X. – Alinéa 15

Remplacer les mots :

lorsque l'entreprise

par les mots :

lorsqu'elle

et le mot :

demande

par les mots :

le début de la période de suspension

XI. – Alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Cet amendement a été construit avec les organismes locaux de recouvrement des cotisations sociales, afin d'aboutir à un dispositif opérationnel et réaliste au regard de l'ampleur des opérations attendues.

Il vise à préciser que la suspension du recouvrement des cotisations s'applique aux professionnels libéraux exerçant à Mayotte dans les mêmes conditions que pour les employeurs et artisans, commerçants et non-salariés agricoles et maritimes, y compris pour ce qui concerne les cotisations d'assurance vieillesse et invalidité-décès.

La Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et les sections professionnelles des professions libérales se sont déjà montrées favorables à un tel dispositif.

Il est par ailleurs proposé de décaler les dates d'octroi des plans, afin que les caisses de sécurité sociale aient le temps de rassembler les informations sur la situation des cotisants, notamment en ce qui concerne les travailleurs indépendants, dont la dette contractée en 2025 ne pourra être connue avant juin 2026, en raison des spécificités de leurs modalités déclaratives.

Des remises pourraient être accordées sur les dettes contractées entre le 14 décembre 2024 et le 31 décembre 2025 à l'ensemble des cotisants selon des modalités définies par décret.

Cette faculté, qui tire les leçons des expériences de l'ouragan Irma et de la crise sanitaire, permettra de s'adapter au plus près à la situation financière des entreprises locales.

Enfin, l'amendement vise à clarifier le dispositif sur les majorations et pénalités de retard : celles qui seront dues au titre de la période du 1er décembre 2024 au 31 décembre 2025 ne sont pas applicables ; celles qui le sont au titre des périodes antérieures au cyclone sont remises d'office à l'issue des plans, sous réserve du respect de ces derniers.

Cet amendement tend à apporter une réponse face à la situation du tissu économique que nous évoquions tout à l'heure.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. L'Assemblée nationale avait ajouté à l'article 18 des dispositions introduites à la suite du passage du cyclone Irma à Saint-Barthélemy. Elles prévoyaient la possibilité de conclure des plans d'apurement de cotisations entre les redevables et les organismes de recouvrement.

Cet amendement vise à réécrire ces dispositions, afin de les adapter à la période de suspension du recouvrement prévue à Mayotte. J'y suis donc favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 159.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 43 est présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L'amendement n° 96 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Omar Oili, Mme Artigalas, M. Roiron, Mme Bélim, M. Kanner, Mme Féret, M. Fagnen, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 1

1° Première phrase

Remplacer la date :

31 mars 2025

par la date :

31 décembre 2025

2° Deuxième phrase

Remplacer l'année :

2025

par l'année :

2026

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l'amendement n° 43.

Mme Salama Ramia. Sur l'initiative de l'Assemblée nationale, et avec le soutien du Gouvernement, la période de suspension de l'obligation de paiement des cotisations et contributions sociales avait été étendue jusqu'au 31 décembre 2025.

Eu égard à l'ampleur des destructions, au temps nécessaire à la reconstruction et aux importants besoins de trésorerie, une suspension d'un an nous semble en effet plus adaptée pour répondre aux urgences du redressement économique et social de l'archipel.

Je rappelle que, malgré la résilience des entreprises mahoraises, l'activité économique n'est toujours pas revenue à la normale.

Dans le texte de la commission, la suspension de droit a pourtant été ramenée à son terme initial, soit au 31 mars 2025.

Cette nouvelle échéance envoie un message délétère aux acteurs économiques, qu'elle abandonne à leur résilience. Elle complexifie et fragilise grandement la conclusion de plans d'apurement des dettes, qui permettraient d'assainir de manière pérenne la situation des entreprises locales.

Aussi, le présent amendement tend à étendre la période relative à la suspension de l'obligation de paiement des cotisations et contributions sociales jusqu'au 31 décembre 2025, avec possibilité de proroger cette mesure par décret jusqu'au 31 décembre 2026 si la situation économique et financière des cotisants le justifie.

Ce second point est essentiel pour sécuriser les entreprises et les emplois mahorais.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 96 rectifié.

Mme Annie Le Houerou. Je saisis l'occasion de ma première prise de parole sur le projet de loi d'urgence pour Mayotte, et plus particulièrement sur les mesures en faveur de sa population, pour témoigner ma solidarité et renouveler celle de mon groupe dans cette épreuve difficile.

Notre soutien social à la population doit être bienveillant ; il ne doit pas s'inscrire dans un cadre trop étriqué qui entraînerait des difficultés administratives supplémentaires là où elles n'ont pas lieu d'être.

Nous devons faciliter l'accès aux droits, qui, contrairement aux idées reçues, sont bien loin d'être une réalité, le taux de non-recours étant bien plus élevé à Mayotte que dans l'Hexagone.

Nous devons faire preuve de souplesse et d'humanité pour mieux accompagner nos compatriotes mahorais et mahoraises.

Cet amendement, identique au précédent, vient d'être défendu à l'instant : la date du 31 mars 2025 nous paraît beaucoup trop proche.

Nombre d'entreprises et de travailleurs mahorais n'auront pas retrouvé une activité normale ni renoué avec une trésorerie leur permettant de payer les cotisations et contributions sociales dont ils sont redevables.

Il convient donc de décaler l'échéance au 31 décembre 2025 et, si besoin, de proroger la période de suspension par décret jusqu'au 31 décembre 2026.

Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, première phrase

Remplacer la date :

31 mars 2025

par la date :

31 décembre 2025

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Salama Ramia.

Mme Salama Ramia. Cet amendement de repli vise à revenir à l'accord trouvé entre les députés et le Gouvernement à l'Assemblée nationale, afin d'étendre a minima la période de suspension de l'obligation de paiement des cotisations et contributions sociales jusqu'au 31 décembre 2025.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. L'article 18 prévoit de suspendre l'obligation de paiement des cotisations et contributions sociales des employeurs, travailleurs indépendants et microentrepreneurs mahorais, afin de leur octroyer un sursis nécessaire pour faire face aux dépenses induites par le cyclone Chido.

La commission a modifié cet article afin de revenir aux échéances initialement prévues dans ce texte : une suspension du recouvrement jusqu'au 31 mars 2025 pour l'ensemble des redevables, renouvelable jusqu'au 31 décembre 2025 au plus tard par décret.

Les amendements identiques nos 43 et 96 rectifié visent à revenir à la rédaction adoptée par nos collègues de l'Assemblée nationale : une période de suspension jusqu'au 31 décembre 2025 renouvelable par décret jusqu'au 31 décembre 2026.

J'y suis défavorable pour deux raisons.

Premièrement, ce dispositif manquerait de souplesse, l'article 18 prévoyant déjà la possibilité d'une suspension par décret jusqu'au 31 décembre 2025.

Deuxièmement, le report de cette échéance jusqu'au 31 décembre 2026 n'est pas compatible avec le caractère d'urgence de ce texte.

Lors des auditions que nous avons menées, il nous a été indiqué que 80 % des entreprises du bâtiment et travaux publics (BTP) et de l'hôtellerie se déclaraient en état de reprendre leur activité.

Le secteur bancaire fonctionne normalement et les collectivités vont pouvoir passer des commandes importantes pour la reconstruction des structures publiques.

Dans ces conditions, il ne me semble pas raisonnable de suspendre le recouvrement des cotisations pendant presque deux ans.

Je rappelle également que les dispositions de l'article 18 protègent déjà largement les acteurs économiques vulnérables, en permettant l'abandon pur et simple des cotisations dues au titre des exercices 2024 et 2025 pour les travailleurs indépendants qui rapporteront la preuve que leur activité a été durablement affectée par le cyclone.

L'amendement n° 49 vise quant à lui à étendre la période de suspension prévue par la loi jusqu'au 31 décembre 2025.

Cette modification ne serait pas cohérente avec les dispositions de l'article 18, qui prévoient la possibilité d'un report de l'échéance par décret jusqu'au 31 décembre 2025.

Le dispositif de l'amendement n° 49 est donc inopérant et j'y suis également défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour explication de vote.

Mme Salama Ramia. Le fait que les entreprises mahoraises aient repris leur activité ne signifie pas qu'elles ont pu reconstituer leur trésorerie.

Ces entreprises ont bien souvent perdu leur outil de travail, parfois leurs locaux. Elles doivent disposer d'une trésorerie nécessaire à leur fonctionnement.

Je maintiens qu'elles ont besoin de ce petit coup de pouce, pour au moins redémarrer leur activité en 2025, voire en 2026.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous soutiendrons l'extension de la période de suspension du paiement des cotisations.

Toutefois, je ne comprends pas pourquoi des amendements similaires, relatifs non pas aux cotisations, mais aux prestations sociales – ils visaient également à revenir à une date issue des débats à l'Assemblée nationale, celle du 30 juin, et à dispenser les bénéficiaires de fournir des documents administratifs – ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.

Pourquoi une telle modification serait-elle possible à l'Assemblée nationale et pas au Sénat ?...

Les arguments qui ont été invoqués pour les cotisations des entreprises valent également pour les prestations servies aux particuliers. Je regrette que nous n'ayons pas pu discuter dans cet hémicycle de la proposition de l'Assemblée nationale concernant les prestations sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Je soutiens bien évidemment l'amendement de Mme Salama Ramia.

Ce week-end, des intempéries incroyables ont de nouveau frappé Mayotte. Les entreprises qui avaient pu redémarrer leur activité se sont à nouveau effondrées.

Nous demandons non pas l'effacement des dettes, mais un simple report des délais de paiement, faute de quoi nos entreprises ne pourront pas faire face.

Nous sommes en pleine saison des pluies et les calamités se succèdent.

Dans ces conditions, le Sénat devrait faire preuve d'une certaine sagesse à l'égard de la demande de ma collègue.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 96 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 62, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

1° Première phrase

Remplacer le mot :

suspension

par le mot :

exonération

2° Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement nous donne l'occasion de rattraper le vote précédent en introduisant une mesure plus ambitieuse pour protéger les travailleurs indépendants mahorais.

L'article 18 prévoit en effet pour les employeurs et les travailleurs indépendants la suspension du recouvrement des cotisations sociales jusqu'au 31 mars 2025.

Cette suspension n'est pas de nature à sauvegarder le tissu économique mahorais, qui, comme vient de le souligner notre collègue Omar Oili, est particulièrement fragile.

Les petites entreprises locales sont confrontées à un manque de financement et à des difficultés d'accès au marché extérieur, ce qui limite leur capacité à se développer et à créer des emplois durables. Or le projet de loi d'urgence que nous examinons ne les favorisera pas forcément.

Les travailleurs indépendants dans les secteurs agricole et maritime font face à une situation économique fragile et à des difficultés structurelles.

Ainsi, la majorité des exploitants agricoles sont des producteurs de petite échelle, qui peinent à diversifier leurs cultures. Quant aux travailleurs et employeurs indépendants, ils évoluent dans un environnement économique instable.

Au travers de cet amendement, il vous est donc proposé non plus de suspendre le paiement de leurs cotisations, mais de les en exonérer, afin qu'ils retrouvent une meilleure stabilité économique.

Je précise que cette exonération temporaire porterait sur une durée d'un an quand les dispositions de l'ensemble du projet de loi courent sur deux ans. Notre demande entre donc parfaitement dans le champ de ce texte.

Mme la présidente. L'amendement n° 97 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Omar Oili, Mme Artigalas, M. Roiron, Mme Bélim, M. Kanner, Mme Féret, M. Fagnen, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer le mot :

suspension

par le mot :

exonération

II. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

la suspension

par les mots :

l'exonération

III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement a été très bien défendu à l'instant.

Ce dispositif exceptionnel de suspension de paiement va dans le bon sens, mais souffre de conditions d'application peu adaptées à la gravité de la crise provoquée localement par le cyclone Chido.

Par ailleurs, les intempéries se poursuivent.

Dans ce contexte, la suspension des cotisations pour l'ensemble des entreprises jusqu'au 31 mars 2025 ne sera pas suffisante, eu égard à l'ampleur des destructions et au temps nécessaire à la reconstruction.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Les amendements nos 62 et 97 rectifié ont tous deux pour objet d'exonérer les redevables mahorais des cotisations et contributions sociales jusqu'au 31 mars 2025.

L'amendement n° 97 rectifié tend de plus à prévoir que cette échéance puisse être reportée par décret au plus tard au 31 décembre 2025.

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Cette mesure d'exonération totale me semble en effet trop générale et dispendieuse.

Je le répète, si les secteurs sont inégalement touchés, certains indiquent déjà qu'ils pourront reprendre rapidement leur activité.

Certains commerces ont été épargnés par le cyclone et voient leur chiffre d'affaires augmenter. En raison de l'afflux de clientèle, le BTP sera quant à lui fortement mobilisé pour reconstruire ce qui a été détruit.

La mesure de suspension actuellement prévue me semble donc suffisante, car elle protège les plus vulnérables et leur offre déjà la possibilité de bénéficier d'un abandon de créances de cotisations, à la condition de démontrer l'impact durable du cyclone sur leur activité.

Enfin, je rappelle que les cotisations sociales recouvrées à Mayotte s'élèvent à 250 millions d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous ne soutiendrons pas ces amendements, car nous tenons – je le répète – à ce que les exonérations de cotisations soient ciblées.

Afin de tenir compte de la situation spécifique des entreprises qui auraient bénéficié d'une suspension pour reconstituer leur trésorerie, mais qui, malgré tout, seraient dans l'incapacité de faire face à leurs échéances, nous pouvons tout à fait envisager – c'est le cas, semble-t-il – un plan d'apurement, voire d'effacement des dettes.

En règle générale – c'est l'un des enseignements de la covid –, il est tout de même préférable de cibler tant soit peu ce type de mesures.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 80, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. C'est une levée de gage, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18, modifié.

(L'article 18 est adopté.)

Article 18
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 19

Article 18 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Omar Oili, Mme Artigalas, M. Roiron, Mme Bélim, M. Kanner, Mme Féret, M. Fagnen, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – A. – Les établissements situés à Mayotte bénéficient, dans les conditions prévues au présent article, d'une exonération totale des cotisations et contributions sociales mentionnées au I de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, à l'exception des cotisations affectées aux régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires, dues au titre des rémunérations des salariés mentionnés au II du même article L. 241-13, déterminées en application de l'article L. 242-1 du même code ou de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, pour leurs salariés domiciliés à Mayotte.

B. – L'exonération prévue au présent article est applicable aux cotisations et contributions dues par les établissements mentionnés au A au titre de la période d'emploi courant du 1er au 31 décembre 2024.

C. – L'exonération est appliquée sur les cotisations et les contributions sociales mentionnées au présent I restant dues après application de toute exonération totale ou partielle de cotisations sociales, de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations. Elle est cumulable avec l'ensemble de ces dispositifs.

II. – Les travailleurs indépendants mentionnés au II de l'article 28-1 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte ainsi que les travailleurs indépendants relevant des secteurs agricole et maritime bénéficient de l'exonération totale mentionnée au I du présent article.

III. – Dans les mêmes conditions, et lorsque l'entreprise dont ils sont mandataires satisfait aux conditions d'effectif mentionnées au I du présent article, les mandataires sociaux mentionnés aux 11° , 12° , 13° , 22° et 23° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ou aux 8° et 9° de l'article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime bénéficient de l'exonération totale mentionnée au I du présent article.

IV. – Les artistes-auteurs mentionnés à l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale bénéficient de l'exonération totale mentionnée au I du présent article.

V. – Le cotisant ne peut bénéficier des I à IV du présent article en cas de condamnation en application des articles L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail au cours des cinq années précédentes.

VI. – Un décret peut prolonger la période d'emploi mentionnée au B du I.

VII. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à rétablir l'article 18 bis, qui avait été adopté par l'Assemblée nationale, mais qui a été supprimé par la commission des affaires sociales, sur l'initiative de la rapporteure.

Il s'agit d'exonérer totalement l'ensemble des acteurs économiques de Mayotte des cotisations et des contributions sociales dues au titre du mois de décembre 2024.

Bien que l'article 18 du projet de loi suspende déjà le paiement de ces cotisations, la situation exceptionnelle dans l'archipel nécessite de prendre des mesures d'urgence renforcées, telles qu'une exonération complète.

Ce type de dispositif avait déjà été mis en place durant la crise sanitaire liée à la covid pour les secteurs fortement touchés par les confinements, comme le tourisme et la restauration.

Compte tenu de la quasi-paralysie de l'activité économique à Mayotte en décembre 2024, l'adoption de cette mesure permettrait de soutenir de manière immédiate et automatique les entreprises, les travailleurs indépendants, les artistes-auteurs et les autres acteurs économiques, sans qu'ils aient à effectuer la moindre démarche auprès de la caisse de sécurité sociale de Mayotte, qui a d'ailleurs, elle-même, des difficultés à évaluer les montants en jeu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à réintroduire l'article 18 bis, qu'elle avait supprimé.

Les auteurs de cet amendement proposent d'exonérer les redevables mahorais de cotisations et de contributions sociales pour le seul mois de décembre 2024.

Cette mesure ne me semble pas nécessaire au regard de sa très courte durée.

De plus, l'article 18 permet déjà aux employeurs et aux travailleurs indépendants de ne pas avoir à payer leurs cotisations et leurs contributions sociales jusqu'en mars 2025, au plus tôt, et jusqu'au 31 décembre 2025, au plus tard.

S'ils démontrent que le cyclone a durablement affecté leur activité, les employeurs pourront bénéficier d'un abandon des créances de cotisations dues entre le 14 décembre 2024 et le 31 décembre 2025. Les travailleurs indépendants bénéficieront, quant à eux, d'un abandon des créances dues au titre des exercices 2024 et 2025. Ce dispositif est plus favorable que ce qui est proposé dans cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 18 bis demeure supprimé.

Article 18 bis
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Après l'article 19

Article 19

(Non modifié)

I. – L'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte est ainsi modifiée :

1° Après le 8° du II de l'article 22, il est inséré un 8° bis ainsi rédigé :

« 8° bis De mettre en œuvre, pour les travailleurs indépendants mentionnés au II de l'article 28-1 de la présente ordonnance, les décisions prises par l'instance du conseil mentionné à l'article L. 612-1 du code de la sécurité sociale compétente en matière d'action sanitaire et sociale ; »

2° Le chapitre VI du titre II est complété par un article 28-13-1 ainsi rédigé :

« Art. 28-13-1. – Les travailleurs indépendants mentionnés au II de l'article 28-1 sont éligibles à l'action sanitaire et sociale mentionnée au 2° de l'article L. 612-1 du code de la sécurité sociale. Les demandes sont déposées auprès de la caisse de sécurité sociale de Mayotte et mises en paiement par cette caisse. Les décisions d'attribution sont prises par l'instance régionale de la protection sociale des travailleurs indépendants désignée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. »

II. – Par dérogation à l'article 28-13-1 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte et jusqu'au 31 décembre 2025, les décisions d'attribution prises par l'instance du conseil mentionné à l'article L. 612-1 du code de la sécurité sociale compétente en matière d'action sanitaire et sociale peuvent être prises sans demande préalable et être traitées et mises en paiement par un organisme désigné par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

III. – Le présent article est applicable à compter du 14 décembre 2024 – (Adopté.)

Article 19
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Article 20

Après l'article 19

Mme la présidente. L'amendement n° 28, présenté par Mmes Poncet Monge et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'accès à des conditions dignes d'existence, y compris l'eau et les produits de première nécessité, est assuré à Mayotte, y compris dans les lieux et quartiers de vie informels.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis plusieurs mois, on observe la même scène à Mamoudzou, la capitale de l'île : le jour à peine levé, des dizaines d'habitants se précipitent pour faire la queue devant des conteneurs. Dans ces caissons métalliques se trouve une ressource vitale qui se fait de plus en plus rare : des packs d'eau potable.

« Avoir de l'eau potable à Mayotte est vraiment compliqué. On essaye de trouver des packs d'eau dans les supermarchés, mais il n'y en a pas toujours et ça coûte cher. » Ces mots d'un habitant ne datent pas du passage du cyclone : ils émanent de l'Unicef et remontent à mars 2024.

Je rappelle qu'un dispositif de chômage partiel avait déjà été mis en place à l'époque à Mayotte, dans certains secteurs, à cause du manque d'eau. Ainsi, cette question a toujours été une problématique de premier plan pour les habitants de l'archipel. Le passage du cyclone n'a fait qu'empirer une situation déjà critique.

Aujourd'hui, l'accès à l'eau et à des produits de première nécessité est restreint dans l'archipel. Les distributions d'eau sont insuffisantes.

Cet amendement vise à garantir l'accès à l'eau et aux produits de première nécessité durant ces semaines d'urgence, dans le respect de l'égalité et de la dignité des Mahorais.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Votre amendement, ma chère collègue, est purement incantatoire.

Il va de soi que l'accès à des conditions dignes d'existence doit être garanti sur tout le territoire français. Mais vous ne proposez rien d'opérationnel. Or les Mahorais ont besoin de mesures concrètes, qui leur permettent de retrouver un toit sur leur tête, d'être soutenus financièrement et de voir les services publics fonctionner à nouveau.

Je ne vois donc pas l'intérêt d'adopter votre amendement. Concentrons-nous sur des mesures concrètes en faveur des Mahorais.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Cet amendement vise à énoncer un principe d'accès à l'eau à Mayotte. Je partage l'avis de Mme le rapporteur.

L'examen de cet amendement nous donne néanmoins l'occasion de traiter cette question importante. J'en profite ainsi pour indiquer que beaucoup d'efforts ont été faits pour améliorer la production et la distribution de l'eau à Mayotte. Cependant, la situation est loin d'être satisfaisante ; et même un retour à la normale, à l'état qui prévalait avant le passage du cyclone Chido, serait très insatisfaisant, compte tenu de ce que ressentent et de ce que vivent nos compatriotes sur place.

Une Mayotte refondée doit être une Mayotte dans laquelle il n'existe pas de tours d'eau ni de gestion de la pénurie.

La question de l'accès à l'eau constitue une préoccupation majeure. C'est une question vitale. Nous savons qu'elle peut déclencher des crises sociales et politiques, comme cela a déjà été le cas par le passé.

La situation n'est pas satisfaisante, je l'ai dit, et je crains que les conditions d'accès à l'eau ne se dégradent encore davantage, au cas où de nouvelles intempéries ou catastrophes naturelles interviendraient, ce que nous ne souhaitons évidemment pas.

Le concours du génie militaire, je tiens à le rappeler, a été déterminant pour repérer les avaries sur le réseau de distribution et procéder aux réparations nécessaires, en lien avec la Société mahoraise des eaux. On rencontre toutefois toujours des difficultés, tant dans la production que dans la distribution de l'eau.

L'État est à pied d'œuvre dans le cadre du plan Eau Mayotte, qui a été mis en place avant le passage de Chido et qui repose sur une approche globale en matière d'investissements, d'ingénierie et d'adaptation au changement climatique.

En matière d'investissements, l'État a notamment mobilisé 210 millions d'euros de crédits supplémentaires qui s'ajoutent aux 10 millions d'euros annuels prévus dans le contrat de convergence et de transformation sur quatre ans.

Je précise également que le syndicat des eaux bénéficie d'un soutien à hauteur de 12 millions d'euros sur la période 2024-2027, dans le cadre d'un contrat d'accompagnement renforcé. Celui-ci vise notamment à renforcer les capacités techniques du syndicat. Une mission d'assistance technique du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) doit y contribuer.

Très honnêtement, mesdames, messieurs les sénateurs, j'attends que les services de l'État, mais aussi les élus, les parlementaires, comme vous, madame la sénatrice Salama Ramia, au travers de la mission que nous allons vous confier, m'aident à y voir un petit peu plus clair sur ce qui marche ou ce qui ne marche pas dans ce domaine sur l'île.

Les objectifs sont clairs. Ils ont été indiqués. L'usine de dessalement d'Ironi Bé et la troisième retenue collinaire doivent être réalisées. Je n'ai d'ailleurs toujours pas compris pourquoi elles ne l'ont pas déjà été... Il faudrait pourtant qu'on le comprenne – en fait, chacun connaît les raisons, mais nous n'allons pas en parler aujourd'hui.

Il faut avancer. Je n'aimerais pas, si je suis encore ministre dans deux ans, être obligé de dire à nouveau ce qu'il faut faire – même si je ne sais pas si je serai encore au Gouvernement à cette date… (Sourires.)

M. Grégory Blanc. Peut-être, mais à quelle place ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Je ne sais pas ! Qui sait, je serai peut-être parmi vous… (Mêmes mouvements.)

En tout cas, il y a là un vrai sujet. Tout ne relève pas uniquement de la responsabilité de l'État.

En janvier 2025, un expert de haut niveau a été nommé auprès du préfet de Mayotte. Il sera chargé de l'animation du plan Eau de Mayotte. Cet ingénieur en chef, spécialisé dans les métiers de l'eau, aura comme objectif le rétablissement d'un service d'eau potable de qualité dans le département.

Le général Facon, qui était encore sur place aujourd'hui, aura à traiter cette question de l'eau, dans le cadre de la mission de préfiguration de l'établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte qu'il va diriger, et dans la perspective de la préparation du projet de loi programme de refondation de Mayotte.

S'il est bien un sujet sur lequel nous devons avancer en 2025, c'est celui-là. Sinon, nous ne serons pas crédibles sur le reste !

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Mon amendement n'était pas du tout incantatoire ! Il a donné l'occasion au ministre de nous fournir les explications que l'on vient d'entendre.

Il est un petit peu facile de nous dire que nos amendements ne contiennent pas de proposition concrète : quand ils en comportent une, ils sont frappés d'irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution ! Nous sommes prêts à formuler des propositions concrètes, mais il faudrait dans ce cas qu'elles puissent être examinées.

Non, cet amendement n'est pas superfétatoire ! Il vise à rappeler un principe. Nous sommes en République : quand l'égalité d'accès à un bien essentiel, voire vital, comme c'est le cas de l'eau, n'est pas assurée dans un territoire de la République française, pour des raisons x ou y – le ministre les a évoquées –, il revient aux parlementaires de rappeler ce droit. (Mme Antoinette Guhl applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Je veux intervenir à mon tour sur la problématique de l'eau.

Le retour à une vie normale est difficile depuis le passage de Chido. Il est très difficile de trouver de l'eau. Trois quarts des Mahorais n'y ont pas accès. On manque de bouteilles d'eau. Voilà ce que l'on pouvait lire aujourd'hui dans le Journal de Mayotte.

Le Gouvernement a pris un décret pour bloquer le prix des bouteilles d'eau. Or il faut débourser presque 19 euros pour acheter un pack de six bouteilles ! Allons-nous enfin contrôler dans les magasins si ce décret est appliqué ?

Certaines personnes spéculent sur la misère des Mahorais. (M. le ministre d'État acquiesce.) C'est un vrai problème, monsieur le ministre.

Aujourd'hui, à Mayotte, on n'arrive pas à se procurer ne serait-ce qu'une simple bouteille d'eau sur les trois quarts du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Monsieur le sénateur, vous mettez le doigt sur un point que j'évoquais hier : lorsque l'on anticipe une crise de l'eau, ou que l'on en subit une, on gère d'abord la pénurie, puis on distribue des bouteilles d'eau.

Certaines pompes sont en panne depuis très longtemps. Elles seront remplacées, mais, dans l'immédiat, nous ne sommes pas en mesure de produire assez d'eau ni de la distribuer dans de bonnes conditions. Même si le réseau de distribution a été globalement rétabli, sur les hauteurs, l'eau n'arrive toujours pas – c'était déjà le cas avant Chido.

Lors de mon déplacement dans l'archipel, jeudi et vendredi derniers, j'ai parlé avec les habitants et je les ai interrogés, loin des caméras. Ils ont de l'eau, mais n'y ont accès que dans des conditions très insatisfaisantes.

Face à ce constat, nous avons décidé – j'étais accompagné du préfet – de lancer une opération de contrôle – mais je n'en dirai pas plus. Des personnes, voire, peut-être, des groupes ou des entités, achètent les bouteilles d'eau en gros dans les magasins, en empêchant ainsi les Mahorais de le faire, pour spéculer. En effet, le prix d'un pack de bouteilles d'eau peut monter jusqu'à 12 euros, voire parfois jusqu'à 19 euros. Nous allons donc mener une action extrêmement déterminée contre ceux qui profitent de la crise.

Cela ne nous libère toutefois en rien de notre obligation, que je rappelais tout à l'heure, d'essayer de résoudre les problèmes de fond.

Nous sommes en train d'étudier plusieurs dispositifs. J'espère qu'on pourra les mettre en place, parce que l'archipel ne pas continuer ainsi, sans posséder une seconde usine de dessalement, sans être doté d'une capacité de production et de distribution d'eau efficace : le système est loin des standards, si vous me permettez d'employer cette expression, que les Mahorais méritent.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 19
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Article 21

Article 20

Les demandeurs d'emploi résidant à Mayotte qui épuisent leurs droits à l'une des allocations mentionnées aux articles L. 5422-1, L. 5423-1, L. 5424-1 et L. 5424-25 du code du travail à compter du 1er décembre 2024 bénéficient, qu'ils remplissent ou non les conditions de l'ouverture d'une nouvelle période d'indemnisation, d'une prolongation de la durée pendant laquelle cette allocation leur est versée jusqu'au 31 mars 2025. Cette durée peut être prolongée par décret, pris après avis du conseil d'administration de l'organisme mentionné au premier alinéa de l'article L. 5427-1 du même code s'agissant des allocations prévues aux articles L. 5422-1 et L. 5424-25 dudit code, en fonction de l'évolution de la situation sociale et des conditions matérielles locales, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2025.

Pour les travailleurs privés d'emploi entre le 1er décembre 2024 et le terme de la période de prolongation mentionnée au premier alinéa du présent article, la période de référence au cours de laquelle est recherchée la durée d'affiliation à l'assurance chômage requise pour l'ouverture d'une nouvelle période d'indemnisation au terme de cette prolongation est prolongée du nombre de jours compris entre le 1er décembre 2024 et le terme de cette période de prolongation. Est également prolongé, selon les mêmes modalités, le délai de douze mois courant à compter de la fin d'un contrat de travail et avant l'expiration duquel doit intervenir l'inscription comme demandeur d'emploi ou le dépôt de la demande d'allocation auprès de l'opérateur mentionné à l'article L. 5312-1 du code du travail ou de l'un des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1 du même code – (Adopté.)

Article 20
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Article 22

Article 21

I. – Sans préjudice du II, le bénéfice des droits et des prestations sociales versés aux assurés résidant à Mayotte et à leurs ayants droit est maintenu jusqu'au 31 mars 2025 lorsqu'il vient à expiration à compter du 14 décembre 2024, même en l'absence de demande de renouvellement, de souscription des déclarations requises ou de production des pièces justificatives nécessaires par son bénéficiaire. Cette période peut être prolongée par décret, pour tout ou partie des droits ou des prestations dus, en fonction de l'évolution de la situation sociale et des conditions matérielles locales, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2025.

Le bénéfice de ces droits et de ces prestations sociales ainsi que les remboursements et les prises en charge des frais de santé peuvent être accordés au titre de la période mentionnée au premier alinéa du présent I même en l'absence de demande ou de production par leur potentiel bénéficiaire de certaines pièces nécessaires pour apprécier son éligibilité, lorsqu'il est dans l'impossibilité de les fournir ou que la caisse est dans l'incapacité de les traiter, à l'exception des pièces nécessaires pour justifier de son identité et des conditions relatives à la nationalité, à la régularité ou à l'ancienneté de son séjour. Le présent alinéa est applicable au titre de la période antérieure au 14 décembre 2024 lorsqu'une demande était en cours à cette date.

Pendant la période mentionnée au premier alinéa du présent I, par dérogation au premier alinéa de l'article L. 822-4 du code de la construction et de l'habitation, les aides personnelles au logement versées par la caisse de sécurité sociale de Mayotte peuvent être accordés ou maintenus même si le local est loué ou sous-loué en partie à des tiers. L'aide personnelle au logement peut exceptionnellement être versée même en l'absence du respect des exigences mentionnées à l'article L. 822-9 et au 3° de l'article L. 861-5 du même code.

Les actions en recouvrement des prestations sociales indues sont suspendues jusqu'au 31 mars 2025. Cette échéance peut être reportée par décret dans les conditions prévues à la seconde phrase du premier alinéa du présent I.

II. – A. – 1. Par dérogation aux articles L. 232-2, L. 232-12, L. 241-3, L. 241-6 et L. 245-2 du code de l'action sociale et des familles, les bénéficiaires des droits et prestations énumérés au 2 du présent A pour lesquels l'accord sur ces droits et prestations expire entre le 14 décembre 2024 et le 31 décembre 2025 ou a expiré avant le 14 décembre 2024, sans que la demande de renouvellement de ce droit ou de cette prestation ait pu faire l'objet, à cette date, d'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées prévue à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles, bénéficient d'une prolongation de douze mois au maximum de la durée de cet accord à compter de la date de son expiration ou à compter du 14 décembre 2024 s'il a expiré avant cette date, sauf en cas de décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ou, le cas échéant, du président du conseil départemental rejetant la demande de renouvellement ou modifiant le droit au cours de cette période.

Cette période peut être renouvelée par décret, pour tout ou partie des droits ou prestations dus, en fonction de l'évolution de la situation sociale et des conditions matérielles locales.

2. Sont concernés les droits et prestations suivants :

a) L'allocation personnalisée d'autonomie prévue à l'article L. 232-1 du code de l'action sociale et des familles ;

b) La carte « mobilité inclusion » prévue à l'article L. 241-3 du même code ;

c) La prestation de compensation du handicap prévue à l'article L. 245-1 dudit code affectée aux charges mentionnées aux 1°, 4° et 5° de l'article L. 245-3 du même code ;

d) Les allocations prévues aux articles 35 et 35-1 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;

e) L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et ses compléments prévus à l'article 10-1 de l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans le Département de Mayotte ;

f) Tous les autres droits ou prestations mentionnés à l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles relevant de la compétence de la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du même code.

3. En l'absence de décision de la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles au 31 juillet 2025, les décisions fixant pour l'année scolaire 2024-2025 les orientations et les mesures propres à assurer l'insertion scolaire mentionnées au 1° du I de l'article L. 241-6 du même code sont reconduites pour l'année scolaire 2025-2026.

B. – Le bénéfice des droits et prestations mentionnés au A du présent II peut être accordé même en l'absence de demande ou de production par leur potentiel bénéficiaire des pièces nécessaires pour apprécier son éligibilité, lorsque celui-ci est dans l'impossibilité de les fournir ou que la maison départementale des personnes handicapées ou l'équipe médico-sociale est dans l'incapacité de les traiter, à l'exception du certificat médical. Le présent B est également applicable au titre de la période antérieure au 14 décembre 2024 lorsque l'examen d'une demande était en cours à cette date et que les pièces fournies à l'appui de cette demande étaient incomplètes.

Le présent article est applicable sans préjudice de l'exercice par les organismes de leurs prérogatives en matière de contrôle et de lutte contre les fraudes ainsi que de poursuite du recouvrement des indus portant sur des prestations obtenues frauduleusement.

Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par Mmes Poncet Monge et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer la date :

31 mars

par la date :

30 juin

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement d'appel vise à prolonger la période de maintien des droits et des prestations sociales des résidents mahorais jusqu'au 30 juin 2025, et non pas jusqu'au 31 mars 2025.

Il s'agit en fait de rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale sur ce point. Cette dernière avait augmenté de quatre mois la période initialement prévue dans le projet de loi, pour la prolonger jusqu'au 30 juin 2025. Celle-ci a été de nouveau raccourcie lors de l'examen du texte par la commission des affaires sociales.

Le cyclone – faut-il le rappeler ? – a eu des impacts sur l'ensemble des activités de l'archipel, sur les systèmes de communication et, surtout, sur les logements des habitants. Cette situation rend aujourd'hui presque impossible l'accomplissement des formalités nécessaires par les allocataires, d'autant qu'ils doivent résoudre par ailleurs, et en priorité, de nombreux problèmes du quotidien.

En effet, les habitants ont de grandes difficultés matérielles pour fournir les pièces justificatives ; celles-ci ont été parfois détruites ou sont inaccessibles, tandis que la caisse de sécurité sociale continue de fonctionner en mode dégradé.

N'oublions pas non plus qu'une nouvelle tempête a frappé Mayotte le 11 janvier. L'accès aux bâtiments administratifs qui restent est au mieux restreint.

Il s'agit donc de soulager les victimes du cyclone en leur permettant de différer l'accomplissement des démarches administratives nécessaires pour obtenir le renouvellement de leurs droits et de leurs prestations sociales, tout en les soulageant de certaines de leurs préoccupations financières immédiates.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à allonger la durée de renouvellement automatique des prestations sociales jusqu'au 30 juin 2025, au lieu du 31 mars 2025.

L'article 21 prévoit déjà que l'échéance du 31 mars 2025 pourra être reportée, par décret, jusqu'au 31 décembre 2025 au plus tard.

Ce dispositif offre bien plus de souplesse ; c'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 68 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

applicable

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

aux demandes en cours d'instruction au 14 décembre 2024 lorsque les pièces fournies à l'appui de ces demandes étaient incomplètes

II. - Alinéa 3

Remplacer le mot :

les 

par les mots :

le bénéfice des 

et les mots :

peuvent être accordés ou maintenus 

par les mots :

peut être accordé ou maintenu 

III. - Alinéa 15, seconde phrase 

Après le mot :

applicable

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

aux demandes en cours d'instruction au 14 décembre 2024 lorsque les pièces fournies à l'appui de ces demandes étaient incomplètes

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 68 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21, modifié.

(L'article 21 est adopté.)

Article 21
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Article 23

Article 22

(Non modifié)

Par dérogation à l'article L. 5122-1 du code du travail, les taux horaires de l'allocation et de l'indemnité d'activité partielle peuvent être majorés, par décret, pour les établissements situés à Mayotte.

Le présent article s'applique aux demandes d'indemnisation adressées à l'Agence de services et de paiement au titre du placement en position d'activité partielle de salariés du 14 décembre 2024 au 31 mars 2025. Cette période peut être prolongée par décret en fonction de l'évolution de la situation sociale et des conditions matérielles locales, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2025 – (Adopté.)

Article 22
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Après l'article 23

Article 23

(Non modifié)

Les demandes de logement social à Mayotte non renouvelées et arrivant à échéance à compter du 14 décembre 2024 sont prolongées de plein droit jusqu'au 31 mars 2025. Cette échéance peut être reportée par décret au plus tard jusqu'au 1er juillet 2025 en fonction de l'évolution de la situation sociale et des conditions matérielles locales – (Adopté.)

Article 23
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Articles 24 à 26

Après l'article 23

Mme la présidente. L'amendement n° 142, présenté par M. G. Blanc, Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la gestion des interventions ministérielles lors des crises affectant Mayotte et aux mesures nécessaires pour assurer une meilleure coordination et efficacité des secours. Ce rapport étudie les réponses des relais sur le terrain, les faiblesses de l'anticipation et du prépositionnement des secours, l'insuffisance des effectifs et la problématique de l'engagement des sapeurs-pompiers.

La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. Nous savons bien que les suites données aux demandes de rapport, même si elles sont acceptées, sont très incertaines…

Toutefois, cet amendement, qui vise à demander un rapport sur le fonctionnement du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de Mayotte et sur la manière dont la crise a été gérée, constitue un appel à la réflexion et à l'action.

En fait, deux questions se posent.

Il s'agit tout d'abord de faire un bilan de la situation réelle des Sdis et de la départementalisation des moyens de secours civils dans les départements insulaires. À Mayotte, le Sdis existe depuis dix ans. Il n'a toujours ni directeur ni directeur adjoint. (M. le ministre d'État le conteste.)

Il convient donc de savoir comment on doit outiller les territoires, en lien avec l'État, pour les aider à faire face aux différents aléas auxquels ils peuvent être confrontés.

La seconde question concerne notre doctrine et nos moyens de secours en cas d'aléas cycloniques. Une clarification s'impose à cet égard.

Le réchauffement climatique s'élève à 1,5 degré. On va droit vers une hausse de plus de 2 degrés. L'État a mis en place un pacte capacitaire pour lutter contre les feux de forêt, mais nous ne parvenons pas à mettre en place un tel pacte pour faire face aux inondations. Nous ne sommes pas capables de financer, y compris en métropole, des pompes de grande capacité. Aucune réflexion n'est engagée non plus pour faire face aux aléas cycloniques, qui, malheureusement, ne feront qu'augmenter.

Dans ce contexte, cet amendement consiste seulement en une demande de rapport. Quand bien même il serait adopté, je doute fort qu'il soit suivi d'effets, car chacun connaît les suites données en réalité à ce type de demandes. Néanmoins, je pense, monsieur le ministre des outre-mer, qu'il est vraiment temps que l'on puisse avancer, de manière interministérielle, sur la question des secours civils.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, vous avez presque donné l'avis de la commission en rappelant, dans votre propos, le sort réservé aux demandes de rapport…

Sans nier l'importance des sujets évoqués, la commission n'a pas dérogé à sa position sur de telles demandes : l'avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Monsieur le sénateur, j'ai déjà connu plus d'enthousiasme pour défendre un amendement !

Plus sérieusement, je veux d'abord rendre hommage à l'action de l'ensemble des hommes et des femmes des services de Mayotte, de La Réunion ou de l'Hexagone qui ont été mobilisés dans la gestion de cette crise, pour porter secours et assistance aux populations et pour permettre la reprise des services essentiels de l'État sur ce territoire.

Je pense en particulier aux agents des services de la sécurité civile qui participent à la reconstruction ou à la rénovation des collèges, des lycées et des écoles ou d'un certain nombre de bâtiments publics.

Vendredi dernier, j'ai tenu à rencontrer les agents du Sdis de Mayotte. Une cérémonie avait été organisée pour récompenser l'un des leurs. Un directeur adjoint est en poste, et la procédure de nomination du directeur est en cours. J'ai rencontré les partenaires sociaux sur place. Cela fait partie des sujets que j'ai abordés avec eux.

Je partage vos préoccupations, monsieur le sénateur : les risques auxquels nous sommes exposés sont nombreux. Lorsque j'étais dans l'archipel, il y a eu de petits incendies ; ils ont été éteints par un hélicoptère. Le territoire est soumis à des risques cycloniques et sismiques. La culture de la gestion des risques existe dans d'autres territoires, à La Réunion, à la Guadeloupe ou à la Martinique, par exemple. Nous devons intégrer cette culture à Mayotte.

J'émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement. Mon explication m'aura permis, en tout cas, d'évoquer ma rencontre, très importante, avec les agents du Sdis de Mayotte.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 142.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 23
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Article 27

Articles 24 à 26

(Supprimés)

Articles 24 à 26
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Articles 28 à 31

Article 27

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 23, présenté par Mmes Poncet Monge et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à partir de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les disparités persistantes entre les montants des prestations sociales versées à Mayotte et celles versées dans l'Hexagone et dans les autres départements d'outre-mer. Ce rapport évalue l'impact de ces écarts sur le niveau de vie des Mahorais et propose un calendrier d'alignement des prestations sociales sur celles de l'Hexagone.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L'objet de cet amendement est de rétablir l'article 27.

Alors qu'une convergence sociale a été annoncée par le Gouvernement, nous demandons l'instauration d'un calendrier d'alignement des prestations sociales sur celles de l'Hexagone.

Les disparités entre les prestations sociales versées à Mayotte et celles qui sont versées ailleurs en France ne sont pas acceptables. Les conséquences de cet écart se manifestent de manière exacerbée lors des situations d'urgence, telles que celle que nous connaissons actuellement.

Notre collègue Pascal Savoldelli a dressé hier la liste de ces disparités, mais je vais revenir sur certaines d'entre elles.

Le montant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du revenu de solidarité active (RSA) est ainsi inférieur de 50 % dans l'archipel à celui qui prévaut dans les autres régions. Par ailleurs, les habitants de Mayotte n'ont pas droit au revenu de solidarité outre-mer, à la différence des habitants des autres départements d'outre-mer.

Nous relevons également l'existence d'écarts notables en ce qui concerne les allocations familiales destinées à soutenir les familles avec des enfants à charge. Je citerai un exemple parmi tant d'autres : le montant du complément familial, qui permet de soutenir les familles nombreuses, ne représente que 57 % de celui qui est versé dans les autres départements d'outre-mer et dans l'Hexagone.

De même, selon l'Insee, le système redistributif public ne réduit que très marginalement la pauvreté à Mayotte. Les prestations sociales ne font baisser le taux de pauvreté que de 2 points, contre 7 points dans l'Hexagone et 10 points en moyenne dans les autres départements d'outre-mer. À Mayotte, 94 % des mères isolées avec leurs enfants sont pauvres.

Cette situation est incompatible avec le principe d'égalité proclamé par la République française et nécessite une action immédiate pour accélérer la convergence des droits sociaux et pour offrir des perspectives aux populations, alors que le cyclone a mis en lumière le retard de Mayotte sur les plans économique et social, ainsi que l'iniquité qui y règne.

M. le président. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à partir de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les disparités persistantes entre les montants des prestations sociales versées à Mayotte et celles versées dans l'Hexagone et dans les autres départements d'outre-mer. Ce rapport évalue l'impact de ces écarts sur le niveau de vie des Mahorais et propose un calendrier d'augmentation des prestations sociales à Mayotte à hauteur dans un premier temps de deux tiers par rapport à celles de l'Hexagone.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il s'agit d'un amendement de repli sur mon amendement de repli…(Sourires.)

Nous proposons non plus un calendrier d'alignement total des prestations, mais un calendrier de rattrapage, pour augmenter les prestations sociales à Mayotte à hauteur des deux tiers des montants en vigueur dans l'Hexagone.

Comme je l'ai indiqué, le montant de l'AAH est deux fois moindre que dans les autres régions. Il en est de même pour la prime d'activité ou le RSA.

C'était également le cas pour l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), mais son régime a été modifié par le décret du 20 octobre 2023 – l'une des rares mesures positives découlant de la loi de réforme des retraites… – puisque le montant de l'allocation a été augmenté de 150 euros, ce qui correspond aux deux tiers du montant pratiqué dans l'Hexagone. C'est une bonne chose, mais il faut continuer dans cette voie : une première étape a été franchie, nous devons en franchir d'autres.

Cet amendement consiste ainsi en une autre demande de rapport, afin d'augmenter les prestations sociales à Mayotte à hauteur des deux tiers du montant pratiqué dans l'Hexagone et dans d'autres départements d'outre-mer, à l'instar de ce qui a été fait pour le minimum vieillesse. Ce ne serait, évidemment, qu'une première étape.

Mme la présidente. L'amendement n° 65 rectifié, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement remet au Parlement, dès la promulgation de la présente loi, un rapport sur les disparités persistantes entre les montants des prestations sociales versées à Mayotte et ceux versés dans l'Hexagone et les autres départements d'outre-mer. Ce rapport évalue l'impact de ces écarts sur le niveau de vie des Mahorais et propose un calendrier d'alignement sur deux années des prestations sociales sur celles de l'Hexagone.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. La catastrophe vécue par les Mahoraises et les Mahorais met en lumière des difficultés qui perdurent depuis des décennies. Les inégalités entre l'Hexagone et Mayotte concernent non seulement les conditions de vie ou le pouvoir d'achat, mais également les prestations sociales, dont l'objet est pourtant de réduire ces inégalités.

Nous savons que la catastrophe engendre déjà de l'inflation, voire, vous l'avez dit, monsieur le ministre, de la spéculation, qui risquent de durer longtemps.

Par cet amendement, nous souhaitons rétablir une demande de rapport, qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale, sur les disparités persistantes de montants entre les prestations sociales versées à Mayotte et celles qui sont versées dans l'Hexagone et les autres départements d'outre-mer. Ce rapport nous servirait de base pour pouvoir ajuster ensuite le niveau des prestations sociales de manière plus équitable.

Les chiffres fournis par les caisses d'allocations familiales d'outre-mer illustrent bien la situation.

Les allocations familiales s'élèvent à 223 ,8 euros pour une famille avec trois enfants à charge, contre 338 euros dans les autres DOM et dans l'Hexagone. Le montant versé à Mayotte ne représente ainsi que 66 % du montant versé dans l'Hexagone.

Ma collègue a déjà cité les chiffres concernant le RSA ; je n'y reviens pas.

Monsieur le ministre, vous êtes ministre d'État, ministre des outre-mer. Si vous rejetez nos amendements, engagez-vous au moins à rétablir l'égalité dans la République et donnez-nous une date à laquelle celle-ci sera effective partout en France.

Mme la présidente. L'amendement n° 115 rectifié bis, présenté par Mme Le Houerou, M. Omar Oili, Mme Artigalas, M. Roiron, Mme Bélim, M. Kanner, Mme Féret, M. Fagnen, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les disparités persistantes entre les montants des prestations sociales versées à Mayotte et ceux versés dans l'Hexagone et les autres départements d'outre-mer. Ce rapport évalue l'impact de ces écarts sur le niveau de vie des Mahorais et propose un calendrier concerté d'alignement des prestations sociales sur celles de l'Hexagone.

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. L'article 27 visait à demander, comme mes collègues viennent de le dire, un rapport au Gouvernement sur les disparités concernant le montant des prestations sociales.

Je sais que notre assemblée est réfractaire aux demandes de rapport. Je tiens néanmoins à souligner l'importance du sujet.

La situation actuelle correspond ni plus ni moins à une différence de traitement entre des citoyens français.

Parmi les éléments qui illustrent cette disparité inacceptable, on peut noter que les aides personnelles au logement (APL) ne sont toujours pas versées à Mayotte ; des écarts existent en ce qui concerne le montant des allocations de logement familiales (ALF) et celui des allocations de logement sociales (ALS).

De même, alors que le montant du RSA à Mayotte ne s'élevait qu'à 25 % de celui qui est en vigueur dans l'Hexagone, il demeure néanmoins actuellement toujours inférieur de moitié. C'est le cas également de l'AAH et de la prime d'activité.

Je dois pourtant rappeler le coût prohibitif des soins et des produits de santé dans l'archipel : on estime qu'ils sont plus élevés de 17 %. Le manque d'infrastructures est criant : le taux d'équipement en lits d'hôpital est de 1,6 pour 1 000 habitants, contre 3,5 dans l'Hexagone. Seuls 63 % des Mahorais sont affiliés à la sécurité sociale, et 70 000 assurés seulement, sur un total de 211 000, possèdent une carte vitale.

Nous pourrions multiplier les exemples. Le montant des allocations familiales n'est pas encore aligné sur celui qui est pratiqué dans l'Hexagone. En moyenne, les allocations perçues par une famille mahoraise sont trois à quatre fois moindres que celles qui sont perçues par une famille de La Réunion ou de l'Hexagone.

Je pense qu'il était important de rappeler ces éléments, qui sont souvent méconnus en métropole ; ils ont toutefois des conséquences très concrètes dans la vie des familles mahoraises.

Il conviendrait donc, dans le contexte actuel, de rédiger très rapidement un rapport, afin d'avancer vers une convergence des droits entre les Hexagonaux et les Mahorais.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Ces amendements visent tous à rétablir l'article 27, afin de demander un rapport au Gouvernement sur la convergence sociale. Les modalités d'alignement proposées sont toutefois un petit peu différentes.

L'avis de la commission est avis défavorable, pour deux raisons.

D'abord, parce qu'il s'agit de demandes de rapport, lesquelles n'ont pas leur place dans une loi, à plus forte raison quand elle est d'urgence.

Ensuite, parce que le Gouvernement a annoncé une reprise de la convergence sociale dans le projet de loi programme de refondation qu'il prévoit de déposer – M. le ministre pourra sans doute nous le confirmer. En effet, la poursuite de l'harmonisation de nos régimes de protection sociale est l'un des grands enjeux de la reconstruction de Mayotte. Les travaux à venir du Parlement sur cette question devront nécessairement être éclairés par des éléments étayés, et notamment par une étude d'impact fournie. Il n'est donc pas nécessaire de rétablir cet article.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Ces amendements visent à demander au Gouvernement de remettre un rapport pour éclairer le Parlement sur les prestations sociales à Mayotte.

J'avais, lors de l'examen du texte à l'Assemblée, exprimé un avis favorable à un amendement identique à l'amendement n° 23. Ce dernier avait été adopté.

Il sera, dans tous les cas, nécessaire, comme l'a indiqué Mme le rapporteur pour avis, de nous appuyer sur un diagnostic solide pour procéder à l'examen du projet de loi de refondation de Mayotte, qui vous sera prochainement soumis. Nous devrons aborder la question lors du prochain comité interministériel des outre-mer (Ciom), sans nous limiter d'ailleurs à la situation criante de Mayotte.

Ce diagnostic sera donc bien réalisé. Il devra non seulement mettre en lumière les écarts de niveau de vie entre Mayotte et le reste du territoire national, y compris La Réunion, mais aussi mettre en perspective les niveaux de salaire et de cotisation et évaluer les impacts socio-économiques de la convergence. Il est temps de le faire !

J'ai d'ailleurs signé vendredi avec le président du conseil départemental un contrat d'objectifs, qui évoque cette convergence – d'ici à 2031 pour le Smic. Nous devons être capables de mener ce travail.

S'agissant de ces demandes de rapport, la commission s'oppose à leur inscription dans la loi au titre de sa doctrine générale sur ce type de demande et parce que le Gouvernement sera amené à documenter la question dans l'étude d'impact du prochain texte.

Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat sur ces amendements.

Je voudrais enfin dire à Mme la sénatrice Corbière Naminzo que c'est lorsque j'étais Premier ministre que le projet de loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer a été déposé par George Pau-Langevin et Éricka Bareigts, puis adopté en première lecture à l'Assemblée nationale sur le rapport de Victorin Lurel. C'est, selon moi, l'un des textes les plus importants concernant les outre-mer.

Malgré les années qui passent, je reste très fidèle à cette action et j'espère retrouver cet esprit – je le dis au moment où le président Kanner, qui faisait partie de ce même gouvernement, arrive dans l'hémicycle… – à l'occasion du prochain Ciom : nous devons nous donner comme objectif d'atteindre l'égalité réelle. Ce n'est que justice !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 115 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 27 demeure supprimé.

Article 27
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 32 (début)

Articles 28 à 31

(Supprimés)

Articles 28 à 31
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
Article 32 (fin)

Article 32

(Supprimé)

Mme la présidente. L'amendement n° 95 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Omar Oili, Mme Artigalas, M. Roiron, Mme Bélim, M. Kanner, Mme Féret, M. Fagnen, Mmes Canalès et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans les six mois à compter de la fin de la période de prolongation des droits mentionnée au premier alinéa de l'article 21 de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant les impacts de ladite période. Ce rapport évalue plus largement la nécessité de suspendre pour les demandeurs d'emploi domiciliés à Mayotte l'application du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage et l'article 1er de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Le présent amendement tend également à demander un rapport au Gouvernement – j'imagine donc quel sera son sort… Il concerne les réformes de l'assurance chômage et du RSA. Le contexte de Mayotte est très différent de celui de l'Hexagone : par exemple, le taux de chômage s'y élève à 37 %.

Cet amendement vise à alerter sur les conséquences pour les Mahorais des deux réformes de l'assurance chômage et du RSA. Un rapport serait bienvenu pour évaluer cette question.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement, d'une part, sur le bilan de la prolongation des droits versés par la caisse de sécurité sociale de Mayotte, d'autre part, sur la nécessité de suspendre à Mayotte les dernières réformes de l'assurance chômage.

L'avis est défavorable, car cet amendement vise à rétablir un article supprimé en commission.

En outre, et au-delà de la position constante de la commission sur les demandes de rapport, les réformes récentes de l'indemnisation du chômage se trouvent de fait suspendues le temps de la prolongation automatique de l'allocation de retour à l'emploi.

Si des mesures s'avéraient nécessaires pour le retour au régime de droit commun, il incomberait alors aux partenaires sociaux de déterminer les ajustements utiles aux règles d'assurance chômage. Ce rapport n'est donc pas souhaitable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 95 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ce texte pose le cadre de la reconstruction de Mayotte, un cadre qui tient compte des spécificités de ce territoire et prévoit des dérogations réduisant certains délais administratifs.

Au cours de nos débats, le groupe CRCE-K a pointé du doigt les risques de certaines dispositions et nous serons vigilants à ce que rapidité ne rime pas avec précipitation. Les solutions trouvées doivent être non seulement rapides, mais également durables.

Sur le long terme, ces solutions ne devront pas coûter plus à Mayotte, que ce soit à ses habitants ou à ses collectivités, qu'il s'agisse de l'approvisionnement en énergie ou de la gestion des déchets.

Nous suivrons également de près la replantation de la forêt mahoraise et le soutien apporté à l'agriculture de Mayotte, durement touchée.

Nous espérons que l'article 13 bis AA, qui permet aux TPE de répondre aux marchés publics, sera maintenu. Il protège la liberté d'entreprendre, mais, surtout, il garantit à ces entreprises le droit d'exister. Nous le savons, le tissu économique d'outre-mer est fragile et souvent à la merci des monopoles et des majors.

Pour nous, il faut permettre aux forces vives mahoraises de piloter la reconstruction.

Nous regrettons que les débats soient encore trop orientés sur la problématique migratoire, comme si l'on cherchait à rejeter la responsabilité de la gravité des dégâts causés par Chido sur les personnes en situation irrégulière.

C'est oublier que Mayotte est le département de l'injustice sociale et des promesses non tenues, avec des droits sociaux bafoués, que ce soit pour les allocations familiales, pour les personnes porteuses de handicap ou le RSA, alors que nous sommes dans le département le plus pauvre de France. La pauvreté y touche 77 % de la population. Vous venez de nous parler, monsieur le ministre, d'un horizon 2030 ; cela veut-il dire que la justice sociale peut attendre ?

Ce texte sanctionne les sans-papiers, mais il valide aussi le fait que des citoyens français ne puissent pas faire autrement que de s'abriter dans des bidonvilles, en achetant des tôles grâce à leur carte d'identité française…

Nous voulions tous que ce texte remette Mayotte debout, mais, déjà, les fondations de cette reconstruction valident une société qui discrimine, que ce soit entre citoyens français – ceux de Mayotte et ceux d'ailleurs –, entre Mahorais – les plus précaires et les autres –, et même entre étrangers – ceux en situation régulière et ceux en situation irrégulière. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Concluez, s'il vous plaît !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Enfin, en ce qui concerne les fondations, je m'inquiète du déni avec lequel on balaie le risque de découvrir des sépultures sur la terre mahoraise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe GEST votera ce texte, même s'il reste en deçà des attentes. Cette catastrophe a mis en exergue l'effondrement qui touchait déjà le département le plus pauvre de France.

Les propos d'Emmanuel Macron après le passage du cyclone résonnent encore tant ils relèvent inconsciemment d'un regard colonial brutal. Il aurait fallu que les Mahoraises et les Mahorais, habitants d'une ancienne colonie départementalisée en 2011, soient contents d'être Français… Mais est-on sûr que la dette est de leur côté ?

Malgré une République prétendument égalitaire, Mayotte n'est pas le territoire de l'égalité des droits. Comme pour M. Macron, la mise en scène d'une colère, monsieur le ministre – je reviens sur l'épisode de tout à l'heure –, n'est pas un argument pour répondre à une question posée par la population ou par un élu de la République.

Il nous faut urgemment prendre en compte ce que le chercheur Malcolm Ferdinand appelle une double fracture environnementale et coloniale qui résonne encore, les inégalités se perpétuant entre l'Hexagone et les territoires ultramarins.

Bernard Kalaora, socioanthropologue, explique de son côté que les Mahorais, exclus de l'élaboration du projet de protection de l'écosystème marin du parc naturel de Mayotte – en tant qu'écologistes, nous sommes très attachés à ce parc –, perçoivent cette conservation comme une « colonisation bleue », où la priorité est donnée à la nature administrée par l'État français au détriment des habitants.

Oui, ce qui est fait sans les Mahoraises et les Mahorais se fait contre eux. Pour le chercheur, la situation actuelle peut être qualifiée d'« hypercriticité », « un état où les tensions sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément peut précipiter un effondrement global ».

Il y a aussi l'impossibilité de penser au-delà de l'urgence.

La moitié de nos amendements ont été empêchés par l'article 45 de la Constitution. Nous espérons que, dans le texte à venir, le périmètre ne sera pas aussi restrictif, car cela empêcherait tout débat structurel sur Mayotte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte malgré ses insuffisances. Nous devons avoir conscience qu'il y a encore beaucoup de travail à faire et nous comptons sur le futur projet de loi qui est annoncé pour travailler sur les points fondamentaux que nous n'avons pas pu aborder ici à cause d'une application très stricte de l'article 45.

Tout reste à faire ! Les difficultés étaient là avant le cyclone Chido, et elles se sont aggravées. Maintenant, il faut travailler sur le long terme et il faut le faire avec les Mahorais, élus et habitants, et à leur façon : nous devons respecter leur culture, leur mode de vie et, plus globalement, la manière dont ils envisagent le devenir de leur territoire, notamment du point de vue économique.

Nous devons être particulièrement vigilants sur la question agricole – nous en avons parlé. La nourriture locale est très importante, si bien qu'il faut replanter très vite. Monsieur le ministre, assurer des ressources locales pérennes demande de la planification sur le long terme et cela ne peut s'envisager, je le redis, qu'avec les Mahorais eux-mêmes.

Nous voterons ce projet de loi et nous comptons être très actifs sur le prochain texte pour que Mayotte retrouve enfin une place dans la République à égalité avec tous les autres départements français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Monsieur le ministre, à l'issue de l'examen de ce texte, pouvons-nous dire en toute honnêteté que nous avons trouvé toutes les solutions concrètes pour un archipel ravagé ?

Que nous avons répondu aux besoins d'une population soumise à toutes les vulnérabilités ?

Que nous avons pris en compte la réalité inacceptable de ces enfants qui ne sont scolarisés que lorsqu'ils le peuvent, et non lorsqu'ils le doivent ?

Que nous avons soutenu les forces vives mahoraises, les entreprises, les artisans, qui eux aussi sont capables de reconstruire leur territoire ?

Que nous avons anticipé les prochaines fureurs climatiques, préservé une faune et une flore d'une richesse incroyable ?

Que nous avons garanti un accès à l'eau aux 28 % de logements qui en étaient déjà privés ?

Que nous avons traité avec égalité toutes les victimes de ce cyclone ?

Que le montant alloué à cette reconstruction est suffisant ?

Bien sûr que non ! Nous avons fait du chemin, certes, mais nous n'avons pas répondu complètement à ces questions.

Je reconnais, monsieur le ministre, que vous avez parfois cherché des points d'équilibre, que nos débats ne vous ont pas laissé indifférent. Mais en réalité, cela ne change pas la réponse à toutes ces questions.

Alors oui, nous concernant, nous allons voter ce texte et vous donner les moyens de répondre en partie à l'urgence.

Non pas parce que nous partageons votre méthode : nous refusons de sanctionner les sans-papiers, qui sont des victimes de ce cyclone tout autant que les autres.

Nous le voterons, parce que nous refusons de laisser les Mahoraises et les Mahorais s'enfoncer encore plus dans la détresse.

Nous le voterons et nous serons là, alertes et vigilants. Et nous attendons avec exigence un véritable plan d'accompagnement, de reconstruction et de dignité qui soit à la hauteur des valeurs fondamentales de la France – liberté, égalité, fraternité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour explication de vote.

Mme Salama Ramia. Le Sénat, assemblée des territoires, va s'exprimer en faveur de la reconstruction de Mayotte, en donnant notamment une place à ses collectivités et à ses élus locaux. J'espère que l'adoption définitive de ce texte débouchera rapidement sur une application concrète – les Mahorais en ont besoin.

Le cadre de ce texte d'urgence nous a invités à nous tourner vers l'avenir et à d'ores et déjà réfléchir à son articulation avec la loi programme, qui, comme l'ont mis en exergue les débats, est très attendue pour traiter les sujets de fond de manière globale et à la racine : la régulation foncière, l'éducation, l'eau – et j'en passe...

Mes chers collègues, Mayotte ne mérite pas une vision hors sol pour se reconstruire. Les délégations successives en visite sur place ne peuvent que constater, sur le terrain, ce à quoi font face les Mahorais au quotidien : Mayotte arrive à une situation de saturation ; sa population, qui est accueillante, est à bout de souffle.

Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Nous allons voter cette loi d'urgence pour Mayotte, mais comme je vous l'ai déjà dit, monsieur le ministre, nous ne traitons ici que des questions matérielles.

Je n'ai pas vu, dans cette loi d'urgence, de prise en charge psychologique, de prise en charge de nos âmes. Aujourd'hui, beaucoup d'enfants n'osent pas aller à l'école, nombre d'entre nous sont dans la douleur. Nous n'avons pas de toit. Or il n'y a pas de prise en charge psychologique, je le redis. Vous ne pouvez pas imaginer ce que nous vivons.

Nos enfants ne peuvent pas aller à l'école dès qu'il pleut – nous sommes dans la saison des pluies. Dès qu'ils voient la pluie, ils pleurent, ils tremblent. Est-ce que ce n'était pas l'occasion, dans cette loi d'urgence, d'apporter des réponses à cette population qui souffre psychologiquement, mais qui ne le montre pas ?

Beaucoup d'enfants ne vont pas à l'école tout simplement parce qu'il pleut : ils se demandent si ce n'est pas le cyclone qui revient… Que propose-t-on à ces gens-là ? Tous, même les adultes, nous vivons dans la peur.

C'est pour cela, monsieur le ministre, que je vous ai dit hier, et je vous le redis aujourd'hui, qu'on ne pourra pas reconstruire ce territoire sans nous ! Il faut tenir compte de nos réalités. (Applaudissements sur toutes les travées.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Avant de passer au vote, je voudrais en tout premier lieu remercier très sincèrement nos trois rapporteurs : les deux rapporteurs pour avis, Isabelle Florennes pour la commission des lois et Christine Bonfanti-Dossat pour la commission des affaires sociales, et le rapporteur au fond pour la commission des affaires économiques, Micheline Jacques, qui est également présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Assistées par les secrétariats des trois commissions, elles ont fait un excellent travail et je pense qu'elles ont été à même de vous proposer un texte équilibré qui vise à répondre à l'urgence et à entamer la reconstruction de Mayotte. Comme l'a dit Micheline Jacques dans la discussion générale, elles ont eu la volonté de tout mettre en œuvre pour adapter au mieux les dispositifs à la réalité du territoire mahorais et associer le plus possible les élus.

Je tiens à rendre un hommage tout particulier à nos deux collègues mahorais, Salama Ramia et Saïd Omar Oili, que nos rapporteurs ont associés à leurs travaux et auditions, en particulier celle du ministre d'État. Vous avez pu, mes chers collègues, apporter votre contribution, ô combien précieuse, et nous vous en remercions vivement. Soyez assurés de notre empathie et de notre soutien. Nous resterons mobilisés à vos côtés.

Je veux également remercier M. le ministre de son engagement et des réponses, très claires, qu'il nous a apportées. Vous avez notamment été interrogé à plusieurs reprises sur la question du nombre de victimes et vous avez été transparent : vous avez toujours donné les mêmes chiffres et vous avez bien dit à l'ensemble de nos collègues que vous n'aviez aucune raison de masquer la vérité, en tout cas celle qui est connue aujourd'hui. Je veux aussi vous remercier, parce que vous vous êtes déjà rendu plusieurs fois à Mayotte et que vous continuerez à vous y rendre.

Le Sénat restera bien évidemment mobilisé pour les Mahoraises et les Mahorais et pour Mayotte. Une délégation de la commission des affaires économiques s'y rendra d'ailleurs à la fin du mois de mars.

Nous attendons maintenant la loi programme de refondation de Mayotte, qui traitera de sujets de fond. Ces sujets ont naturellement été évoqués lors de l'examen de ce texte, mais ils ne relèvent pas d'une loi d'urgence. Salama Ramia en a cité quelques-uns ; j'y ajouterai les inégalités sociales, l'habitat illégal, mais aussi l'immigration clandestine. Je sais que le Sénat sera à la hauteur de la situation pour débattre de cette loi programme pour Mayotte. (Applaudissements sur toutes les travées.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble du projet de loi d'urgence pour Mayotte.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°187 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 344

Le Sénat a adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur toutes les travées.)

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Je voudrais à mon tour remercier la présidente de la commission des affaires économiques et les trois rapporteurs pour le travail tout à fait exceptionnel qui a été réalisé, mais aussi l'ensemble des sénateurs qui sont intervenus.

L'Assemblée nationale a travaillé, puis le Sénat, et le texte a été incontestablement amélioré grâce à votre expertise, en particulier celle de vos deux collègues mahorais. Après les réponses à l'urgence vitale que nous avons mises en œuvre, ce texte est une nouvelle étape.

Nous préparons maintenant le prochain comité interministériel des outre-mer, qui évoquera les dossiers de Mayotte, en particulier la loi programme, qui est si importante – cela a été dit – pour la refondation de Mayotte.

J'ai, à ce moment de nos débats, deux choses en tête.

Je pense d'abord à tout ce que nous devons à ce territoire profondément français, profondément attaché à la France. Ses habitants attendent le soutien de l'État et le développement de relations de confiance avec l'Hexagone. Nous devons être à la hauteur de la promesse d'égalité que vous avez, les uns et les autres, évoquée.

Je pense ensuite au fait que nous sommes tous des êtres humains. L'une des choses qui m'ont le plus frappé lors de mon déplacement en fin de semaine dernière à Mayotte, c'étaient ces enfants avec leurs cartables qui se rendaient à l'école. J'y ai vu un signe de renaissance, même si cela ne fait pas oublier tous les problèmes. Certains enfants ne vont pas à l'école, d'autres peuvent s'y rendre. C'est en tout cas vers cette jeunesse que nous devons nous tourner : elle représente l'espoir de Mayotte, mais aussi l'espoir de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Article 32 (début)
Dossier législatif : projet de loi d'urgence pour Mayotte
 

6

Mises au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Lors du scrutin public n° 186 sur l'ensemble de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, Louis Vogel a été considéré comme n'ayant pas pris part au vote, alors qu'il souhaitait voter pour.

Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende.

Mme Lauriane Josende. Lors des scrutins publics n° 185 sur l'ensemble de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et n° 186 susmentionné, Jean Bacci, Michel Bonnus, Alexandra Borchio Fontimp, Laurent Duplomb et Jean Pierre Vogel souhaitaient voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point. Elles figureront dans l'analyse politique des scrutins concernés.

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Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Article 1er (début)

Souveraineté alimentaire et agricole

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (projet n° 639 [2023-2024], texte de la commission n° 251, rapport n° 250, avis nos 184 et 187).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Bernard Buis et Vincent Louault applaudissent également.)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous y sommes enfin ! Plus d'un an après avoir été promis à nos agriculteurs, plus de onze mois après son dépôt en conseil des ministres, près de neuf mois après son vote en première lecture à l'Assemblée nationale, le projet de loi d'orientation agricole voit enfin s'engager son examen par le Sénat.

Il s'agit maintenant d'aller vite afin de permettre l'entrée en vigueur rapide de ce texte très attendu par le monde agricole. Il est très attendu, parce qu'il est absolument essentiel.

Dans la gigantesque tectonique des plaques qui s'est engagée dans l'ordre international, le vieux monde se meurt et emporte avec lui toutes nos certitudes : la paix, que d'aucuns croyaient perpétuellement installée en Europe, s'est fracassée sur le mur de la guerre et, tandis que la menace rampe jusqu'à nous, nos alliances d'hier paraissent plus fragiles que jamais.

Pourtant, le nouveau monde tarde à apparaître et, dans ce clair-obscur où surgissent les monstres, les Français demandent les moyens de parer au vent mauvais qui souffle sur le continent.

Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, face à cette instabilité qui croît, notre priorité doit être de réancrer la France dans ce qui a été et continuera d'être le socle le plus solide et le plus fidèle de toutes les civilisations humaines : l'agriculture.

Pour qu'elle soit tout à la fois notre rempart et notre force face aux menaces qui perlent à l'horizon, il nous la faut souveraine.

Aussi, le projet de loi que vous avez désormais la responsabilité de consolider et de voter se doit d'ériger en intérêt général majeur la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture française, de la pêche et de la forêt. Il reconnaît, en outre, l'agriculture comme participant au potentiel économique de la France, constituant ainsi un intérêt fondamental de la Nation.

Il ne s'agit pas là de se payer de mots, car ce sont bien les intérêts fondamentaux – oserais-je même dire vitaux – de la Nation qui sont en cause lorsqu'il s'agit de garantir la souveraineté alimentaire et agricole.

Ces deux avancées majeures permettront, dans tous les débats à venir, que les autorités administratives ainsi que les juges prennent en compte la place particulière de notre agriculture.

Aussi est-il crucial, au titre 1er, de doter la politique en faveur de la souveraineté alimentaire de priorités et de finalités solides, ambitieuses et précises. Les débats sur ce point ont été nombreux, les propositions parfois trop bavardes. Nous devons collectivement faire preuve de pragmatisme pour que la politique de souveraineté alimentaire se concrétise avec efficacité.

L'État doit apporter un soutien ferme à nos filières, notamment les plus exposées, pour les accompagner sur le chemin de la croissance, du progrès et de la vitalité, sur le chemin de l'accroissement du potentiel agricole de notre pays pour nourrir l'ensemble de notre population et pour accroître le rayonnement de nos filières au-delà de nos frontières.

L'efficacité commande toutefois d'organiser cet effort. La programmation pluriannuelle qui avait été envisagée par l'Assemblée nationale, aussi louable soit-elle dans son principe, aurait marché sur les plates-bandes du plan national stratégique élaboré dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Elle aurait par ailleurs conduit le Gouvernement à imposer aux filières une direction trop verticale.

C'est une ligne rouge. L'avenir de nos filières se construit avant tout par et avec elles. Elles doivent déterminer souverainement leur ambition, car ce sont elles qui connaissent le mieux la réalité du terrain, ses contraintes comme ses opportunités.

C'est pourquoi je souhaite que nous fassions le pari de la confiance donnée à la profession à travers l'instauration de conférences de la souveraineté alimentaire. Celles-ci confieront aux filières le soin de définir collégialement, avec l'accompagnement de l'État, des objectifs à dix ans pour améliorer de façon substantielle le potentiel agricole de notre nation.

Des rapports d'avancement permettront aux pouvoirs publics de suivre l'état de réalisation de ces objectifs et, si nécessaire, de mettre en œuvre des mesures pour les atteindre afin d'assurer la progression de notre souveraineté alimentaire et agricole. C'est toute la portée de ces conférences.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, face aux périls de l'époque, il faut un changement de cap. C'est désormais l'autonomie stratégique que nous visons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, une fois jetées les fondations de cette ambition nouvelle, il faut nous saisir à bras-le-corps de ce qui constitue la clé de voûte de la reconquête de notre souveraineté alimentaire : le renouvellement des générations.

La tendance au vieillissement de la population agricole est profondément préoccupante, l'âge moyen des agriculteurs ayant augmenté de quatre ans et demi en vingt ans.

C'est pourquoi une action massive à destination de la jeunesse doit être entreprise en renforçant significativement la formation et la découverte des métiers du vivant. Il faut, là aussi, faire preuve d'ambition. Les objectifs que nous nous fixons dans le présent projet de loi sont clairs : il s'agit notamment d'augmenter de 30 % le nombre d'apprenants dans les filières agricoles et agroalimentaires d'ici à 2030. Le défi est grand, mais pleinement atteignable.

Avant d'en venir au contenu du projet de loi proprement dit, je tiens à souligner dans cet hémicycle que l'atteinte de ces objectifs dépend aussi de nous et du discours que nous véhiculons sur le monde agricole.

L'agriculture française fait face à de nombreux défis, existentiels pour certains d'entre eux, personne ne le niera, mais elle n'est pas un champ de ruines pavé de larmes et de misère comme je l'entends dire parfois.

Les problèmes existent, il n'est pas question de les nier, mais ce pessimisme effraie et décourage jusqu'à la plus solide des vocations. Pourtant, dans une période où la jeunesse est en demande de sens, les métiers du vivant en sont une source infinie, puisqu'ils répondent aux besoins vitaux de l'humanité. En outre, ils jouent un rôle central pour relever les grands défis du siècle, celui des transitions climatique et environnementale, notamment.

Aussi, chacun d'entre nous doit être en mesure de tenir un discours positif sur l'avenir de l'agriculture, pour susciter l'envie, l'engagement. Pour ce faire, deux leviers doivent être actionnés : il faut à la fois sensibiliser les jeunes et les attirer vers les métiers agricoles.

Il nous faut tout d'abord sensibiliser les jeunes, et ce dès le plus jeune âge. Tel est l'un des objets de ce projet de loi, qui prévoit la mise en place d'un programme national d'orientation et de découverte des métiers dès l'école primaire et jusqu'au lycée.

J'attire votre attention sur un point : il est nécessaire que les filles s'engagent encore davantage dans les métiers agricoles et agroalimentaires. C'est en les sensibilisant au plus tôt qu'elles parviendront à prendre leur place dans le monde agricole.

Il faut ensuite attirer les jeunes vers les métiers agricoles.

Vous avez permis, mesdames, messieurs les sénateurs, de franchir une nouvelle étape dans le renforcement de l'attractivité de l'agriculture : un volontariat agricole est désormais créé et je m'en réjouis. Il permettra aux personnes extérieures au milieu agricole de découvrir les métiers du vivant et, nous l'espérons, de susciter des vocations.

Cette politique d'attractivité s'accompagnera d'un enrichissement des formations disponibles au sein de l'enseignement agricole. Je pense bien sûr à la création du « Bachelor Agro », dont nous ambitionnons de faire un niveau de formation de référence dans les métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire, entre le brevet de technicien supérieur (BTS) agricole et le diplôme d'ingénieur.

Il était par ailleurs indispensable de compléter les missions assignées à l'enseignement agricole afin de l'adapter aux défis de notre temps. Aux cinq missions fondamentales de l'enseignement agricole, définies dans la loi du 31 décembre 1984 portant réforme des relations entre l'État et les établissements d'enseignement agricole privés, dite loi Rocard, et dans la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, s'ajoute désormais une sixième mission : le renouvellement des générations.

À cet égard, si je comprends l'orientation que vous souhaitez donner à l'enseignement agricole, pour qu'il soit encore plus agronomique et forme davantage de chefs d'entreprise – je partage totalement cet objectif –, je regrette vivement que le volet lié aux transitions climatique et environnementale ait été supprimé du texte par la commission.

Les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique ; il est donc primordial que nos établissements agricoles puissent organiser des formations visant plus largement les transitions climatique et environnementale. Le texte que nous avons la responsabilité de voter doit nécessairement les intégrer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce lot de mesures en faveur de notre enseignement agricole permettra, je le pense, de renforcer l'attractivité des formations et de répondre au besoin d'adaptation aux réalités territoriales.

Si, comme je le pense, cette politique de formation nous permet d'augmenter substantiellement le nombre d'agriculteurs en devenir, il nous faut en parallèle renforcer notre politique d'installation et de transmission.

De nouveau, plutôt que de faire de grandes phrases, il faut nous fixer des objectifs chiffrés : en 2035, notre pays devra compter 400 000 exploitations et 500 000 exploitants agricoles. Vous le voyez, dans ce domaine également, notre ambition est grande.

L'atteinte de ces objectifs dépend beaucoup de la force de l'accompagnement que l'État sera en mesure d'apporter lors de l'installation ou lors de la transmission des exploitations. C'est tout le sens du diagnostic modulaire, qui, je l'espère, sera préservé. La commission des affaires économiques l'a en effet rebaptisé « diagnostic de viabilité économique et de vivabilité des projets agricoles ». Je ne vous cache pas que je m'interroge sur le mot « vivabilité » – c'est la littéraire qui s'exprime –, qui ne me semble pas suffisamment parlant pour nos agriculteurs. En outre, cette nouvelle appellation ne fait plus apparaître la notion de modularité.

Ce diagnostic va, j'en suis persuadée, devenir un outil incontournable pour les exploitants, notamment dans les périodes clés, au moment de l'installation ou de la transmission. J'ajoute que l'Assemblée nationale a beaucoup enrichi le diagnostic modulaire.

Grâce à ces diagnostics, les exploitants pourront prendre des décisions éclairées sur le pilotage de leur exploitation et asseoir leur performance économique, sociale et environnementale.

L'État continuera par ailleurs d'accompagner au mieux les agriculteurs en créant le réseau « France services agriculture », que vous avez renommé « France installations-transmissions ». Je regrette là aussi cette nouvelle terminologie, dont nous débattrons. France services agriculture, je le rappelle, est un intitulé qui parle désormais à nos concitoyens et qui permettra d'attirer réellement de nouvelles personnes vers les métiers agricoles. Ce guichet unique sera le lieu de maturation des projets, que ce soit pour lancer une activité ou pour la cesser et trouver un repreneur.

Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ensemble de ces mesures ne seront pas efficaces si nous ne renforçons pas l'attractivité des professions agricoles en sécurisant et en libérant leur exercice. Aussi, je souhaite mettre un terme à toutes les formes de stigmatisation, voire de criminalisation, de la profession, qui minent terriblement le moral de nos agriculteurs.

Les hommes et les femmes pour qui le sens d'une vie est précisément d'être connecté à la nature et à ses cycles ne peuvent décemment pas risquer des poursuites pénales pour des atteintes involontaires à l'environnement, les peines encourues allant jusqu'à l'emprisonnement.

Aussi la dépénalisation de ces actes est-elle un impératif majeur. Grâce à ce texte, nous substituerons à des sanctions pénales lourdes, résultant d'une surtransposition du droit européen, une obligation de remise en l'état, bien plus cohérente d'un point de vue humain et environnemental. Celle-ci sera assortie d'une contrepartie, un stage ou une amende, que nous déterminerons durant nos débats.

Nous devons également poursuivre le travail que j'ai entamé en matière de simplification de la vie des paysans. Car la simplification doit être le maître mot de notre politique agricole à court terme. Il s'agit de faire en sorte que les agriculteurs passent plus de temps dans leur exploitation que devant leur ordinateur.

C'est pourquoi nous créerons un régime unique de la haie. La prolifération et la complexité des réglementations en vigueur nuisent à l'objectif de protection de la biodiversité. Cette simplification suscite, je pense, un consensus transpartisan. Je compte désormais sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la graver dans le marbre.

Poursuivre l'entreprise de simplification, c'est aussi réduire les délais des recours contentieux contre les projets agricoles ou les ouvrages hydrauliques, dont les durées de traitement, de plus de cinq ans aujourd'hui, sont une source d'insécurité majeure pour nos agriculteurs. Aussi le délai contentieux sera-t-il ramené à vingt-quatre mois au maximum. La procédure, quant à elle, sera simplifiée.

Telles les principales mesures prévues dans ce texte afin de simplifier le quotidien des agriculteurs.

Enfin, la sécurisation du statut jurisprudentiel du patou est une avancée essentielle pour nos éleveurs, qui doivent lutter au quotidien face à la prédation du loup.

Vous avez souhaité enrichir les dispositions sur la protection des troupeaux en y intégrant la reconnaissance de la non-protégeabilité de certains troupeaux, notamment bovins et équins. Pour venir d'une région agricole bovine, je sais très précisément ce que recouvre la notion de non-protégeabilité.

Nous avions déjà travaillé sur ce point au niveau réglementaire et votre proposition, sur laquelle je reviendrai, car elle suppose des explications juridiques complexes, permettra de sécuriser les arrêtés en préparation. J'y suis donc favorable. Le Gouvernement avait pris des engagements à cet égard, ainsi que sur la réparation des dommages indirects liés à la prédation, dans le nouveau plan national d'actions 2024-2029 sur le loup et les activités d'élevage.

Sur la réparation, nous avançons aussi : le principe d'indemnisation est acté et les services des ministères de l'écologie et de l'agriculture travaillent à établir les grilles financières d'indemnisation. Le Gouvernement tient donc ses engagements pour accompagner nos éleveurs face à la prédation.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de conclure, je ne peux pas m'abstenir d'évoquer devant vous un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l'accroissement de la place des femmes en agriculture. Leur engagement dans le monde agricole, aujourd'hui substantiel, n'est pas suffisamment reconnu, alors même que leur place est et sera centrale dans le renouvellement des générations.

L'amélioration du statut de nos agricultrices lui paraissant essentielle, le Gouvernement proposera d'amender l'article 1er du projet de loi afin d'y inscrire que l'objectif de notre politique agricole est, d'une part, de favoriser l'accès des femmes au statut de chef d'exploitation, ce statut étant plus protecteur, et, d'autre part, d'améliorer les modalités de calcul de leurs droits à la retraite afin que leur engagement soit pleinement reconnu.

Au-delà de ces grands principes, qui devront se concrétiser, cette ambition suppose d'agir dès le plus jeune âge, dans le cadre du programme national d'orientation et de découverte des métiers, et de sensibiliser les petites filles de notre pays afin qu'aucune d'entre elles ne puisse se dire : « Ça n'est pas pour moi ! »

Le bonheur que procurent les métiers du vivant et le sens qu'ils donnent doivent être accessibles à tous, sans distinction de sexe. Cette conception de l'agriculture doit pénétrer tous les esprits. C'est la raison pour laquelle les maîtres de stage et d'apprentissage seront eux aussi sensibilisés à la nécessité de recruter des filles.

L'accroissement de la place des femmes en agriculture passe non seulement par la formation, mais également par la promotion des installations féminines : il n'est pas normal que les femmes ne représentent aujourd'hui que 34 % des chefs d'exploitation.

Je propose ainsi que l'accès au statut de chef d'exploitation soit facilité, que l'État se dote d'une stratégie pour lever les obstacles de toute nature aux projets d'installation des agricultrices et que le futur réseau France services agriculture veille particulièrement à ce que les femmes, qui s'installent plus tard que les hommes, puissent bénéficier dans les faits de programmes d'accompagnement, lesquels facilitent grandement l'installation.

Une reconnaissance explicite de leur rôle dans la loi, couplée à une action forte en matière de formation et d'installation : tels sont les outils qui nous permettront d'accroître concrètement la place des femmes en agriculture, mesdames, messieurs les sénateurs.

Avec ce texte, nous semons les premières graines de la reconquête de notre souveraineté alimentaire. Elles germeront, j'en suis convaincue.

Cette entreprise immense est une nécessité pour notre pays, elle est tout autant une nécessité humaine. Car en redonnant à notre agriculture la place qui lui est due, ce sont nos agriculteurs qui retrouvent leur rang, leur dignité. Il s'agit là de la seule voie possible pour substituer au vent de colère qui s'est engouffré dans leur cœur un vent d'espoir et de foi retrouvée en l'avenir.

Alors que nous entamons plusieurs jours de débats, qui s'annoncent passionnants en votre compagnie, mesdames, messieurs les sénateurs, je forme le vœu que de notre travail commun puisse ressortir une agriculture plus forte, plus résiliente et plus souveraine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après des années de tergiversations, le projet de loi d'orientation agricole nous est enfin soumis. Alors qu'il ne portait initialement que sur l'installation, il a été complété sous la pression des manifestations. On a toutefois pris bien soin de ne pas y aborder les sujets qui fâchent, ce qui nous a conduits, pour y remédier, à voter la semaine dernière la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. À cet égard, permettez-moi de vous remercier, madame la ministre, de votre soutien.

Ce texte ne sera pas le Grand Soir de l'agriculture, tant il traite de sujets divers et variés, mais, après plus de huit mois de mise en pause et une nouvelle rédaction issue des travaux de la commission, nous espérons qu'il permettra un sursaut et qu'une nouvelle orientation sera donnée à l'agriculture française.

L'article 1er, qui prévoit que la souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l'article 410-1 du code pénal, peut, je le pense, contribuer à inverser une tendance décroissante qui mine année après année notre souveraineté, à condition d'avoir une portée juridique. Nous y reviendrons.

La logique est la même lorsque nous déclarons que l'agriculture est d'intérêt général majeur et que nous inscrivons dans le code rural un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, assorti d'un principe de non-surtransposition des règles européennes.

Le but est de freiner la folie normative qui tue notre compétitivité et entraîne une hausse de nos importations, qu'elles proviennent de nos voisins européens – ils n'ont pas choisi comme nous de se tirer des balles dans le pied – ou d'autres continents, dont les méthodes de production sont aux antipodes des nôtres, ce que nous refusons de voir par naïveté coupable.

Concernant l'installation, je laisserai Franck Menonville vous présenter nos grandes orientations. Je tiens d'ailleurs à le remercier publiquement pour son travail de long terme.

Pour ma part, je me concentrerai sur quelques-uns des autres articles que j'ai traités.

Avec l'article 9, madame la ministre, qui prévoit la réalisation de diagnostics des exploitations, nous passons de la politique du bâton à la politique de la carotte, comme l'ont d'ailleurs souhaité les députés. Nous avons rendu gratuit ce diagnostic destiné aux cédants ainsi qu'aux jeunes qui s'installent. Il vise à fournir une image fidèle de l'exploitation au jeune agriculteur, qui pourra ensuite bénéficier de conseils stratégiques, d'un accompagnement dans ses décisions et ainsi réussir son installation.

À l'article 12, nous avons suivi les députés et choisi de ne pas ouvrir le dossier du foncier. Nous avons craint que le lobby de gauche n'érige le foncier en bien commun (M. Jean-Claude Tissot proteste.) et qu'il ne contraigne encore un peu plus l'agriculteur à l'assolement.

L'article 13 prévoit de dépénaliser certaines infractions environnementales. Nous l'avons réécrit pour éviter, comme l'a déclaré pertinemment la ministre de la transition écologique, « cette dimension qui est extraordinairement intrusive d'une procédure pénale » qui donne « l'impression d'être un grand délinquant ».

J'en viens aux haies. Je ne vous cache pas que la tâche a été ardue sur ce sujet, tant nous avons affaire à un bijou de technocratie. Le but était pourtant tout simplement de simplifier. Nous avons essayé – je dis bien : essayé – de rendre cet article plus lisible et moins stigmatisant, et de concrétiser l'objectif de simplification des réglementations applicables aux haies.

En la matière, la seule politique qui vaille est celle de la territorialisation : dans certains départements, dont le mien, il n'y a jamais eu autant de haies depuis 1950, que cela plaise ou non. Il suffit de regarder les photos aériennes sur Géoportail, ce que nous pouvons tous faire. Je vous invite d'ailleurs à le faire ! (M. Jean-Claude Tissot s'exclame.) Je ne nie pas que, dans d'autres départements, le linéaire a eu tendance à décliner. Veillons donc à protéger les haies quand elles disparaissent, bien sûr, et à laisser les agriculteurs vivre quand ils en sont entourés !

Avec l'article 17, nous offrons à l'aquaculture française la possibilité de bénéficier des mêmes règles que ses concurrents européens, ni plus ni moins. Je rappelle que nous importons déjà 70 % du poisson que nous consommons. Peut-on s'en satisfaire ?

Pour finir, je dirai un mot sur l'article 18, qui nous a étonnés, car il est totalement hors sujet. Il aborde en effet le petit cycle de l'eau et les compétences des collectivités locales. Quitte à parler compétences en matière d'eau, profitons de l'occasion et « injectons » dans le texte la proposition de loi de notre collègue Jean-Michel Arnaud, que le Gouvernement semble d'ailleurs soutenir ! Il s'agit, dans ce domaine également, de rendre de la liberté aux élus locaux, comme aux agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Très bien !

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ce texte doit rendre de la liberté : liberté d'entreprendre, liberté d'agir, liberté de ne plus subir une concurrence déloyale à l'échelle de l'Union européenne.

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Soyons fiers de nos agriculteurs et de notre agriculture ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Franck Menonville, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici enfin réunis pour examiner le projet de loi d'orientation agricole tant attendu par nos agriculteurs, après de multiples imprévus, détours et reports. Que de chemin parcouru depuis le dépôt du texte !

Je ne doute pas que, au-delà de nos différends politiques, nous saurons au cours des deux prochaines semaines nous montrer à la hauteur de ce texte important pour nos agriculteurs, développer une vision sur l'agriculture de demain et faire preuve d'anticipation.

Dans le temps qui m'est imparti, je centrerai mon propos sur deux volets fondamentaux de ce projet de loi d'orientation. J'évoquerai premièrement l'enseignement agricole, la sixième mission qui lui sera assignée et la place de l'enseignement privé ; deuxièmement l'installation et la transmission, notamment la création d'un guichet unique.

Je me suis efforcé en commission de consolider l'enseignement agricole en veillant à placer l'acquisition des compétences au centre des priorités. Sans jeunes formés, compétents et motivés, nous ne pourrons ni assurer le renouvellement des générations ni faire face aux défis économiques et environnementaux de demain.

L'Assemblée nationale a déjà renforcé et amélioré plusieurs points clés. Madame la ministre, vous y avez pris part lorsque vous étiez députée. Je pense par exemple à l'article 5 concernant le « Bachelor Agro « , dont je soutiens pleinement à la fois le principe et la dénomination. En effet, il faut reconnaître les réalités internationales du marché du travail et l'attrait que peut exercer un tel intitulé. Il faut aussi différencier cette formation des nombreuses licences professionnelles qui existent dans notre pays.

Cette formation, que doivent pouvoir également assurer les structures de l'enseignement privé, doit permettre non seulement de répondre aux enjeux techniques de production, de gestion, mais également de valoriser et de renforcer la compétence entrepreneuriale. À l'avenir, un agriculteur devra plus que jamais maîtriser la gestion, la stratégie commerciale, les outils numériques, tous ces éléments étant indispensables pour diriger une exploitation agricole viable, vivable et résiliente.

Par ailleurs, je reste très attaché à la diversité de l'enseignement agricole français, qui a toujours comporté une part non négligeable de structures privées non lucratives, majoritaires d'ailleurs en effectifs. Je souhaite que l'on consolide l'équilibre trouvé dans ce domaine.

En matière d'installation et de transmission, mon ambition première était de rendre le parcours plus simple, plus clair, de favoriser toutes les incitations et toutes les dynamiques positives, notamment la qualité de l'accompagnement, plutôt que les contraintes.

Le guichet unique prévu à l'article 10 est une mesure phare destinée à simplifier le parcours administratif de tous ceux qui souhaitent s'installer, à mieux les accompagner, à mieux les orienter et plus efficacement. Nous avons proposé de le renommer France installations-transmissions. Cette appellation fait débat, madame la ministre. Il s'agit pour nous d'éviter toute confusion avec les maisons France Services et de concentrer les missions de ce guichet sur l'accompagnement des cédants et des repreneurs plutôt que de l'ensemble des agriculteurs.

Nous proposons donc un accueil en deux étapes : une information pour toutes les personnes intéressées par l'agriculture et un accompagnement uniquement pour celles qui ont un projet formalisé d'installation ou de reprise. Quoi qu'il en soit, il me semble que la priorité doit être de donner envie aux jeunes de s'installer et de rester.

Enfin, permettez-moi de rappeler que la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, adoptée la semaine dernière par notre assemblée, constitue à mes yeux un complément logique du présent projet de loi d'orientation. Installer des jeunes ne suffira pas si les normes les découragent ou si la rentabilité n'est pas au rendez-vous.

Je pense fermement que l'attractivité du métier repose avant tout sur des conditions d'exercice équitables, par rapport à nos partenaires européens en particulier, et des conditions d'exercice vivables. C'est pourquoi il nous faut aussi réfléchir à d'autres organisations, notamment à des formes d'installation en commun, plus progressives, auxquelles je tiens beaucoup.

Ce texte ne réglera pas tout, madame la ministre, mais il fixe assurément un cap : il s'agit de permettre à une nouvelle génération de femmes et d'hommes de vivre et de réussir en agriculture et d'assurer ainsi la continuité et la souveraineté alimentaires de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Christian Bruyen, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quarante ans après la loi Rocard, fondatrice de l'enseignement agricole, ce texte ouvre un nouveau chapitre. C'est là une nécessité urgente, tant les chiffres sont vertigineux s'agissant du besoin de renouveler les générations. Laurent Duplomb et Franck Menonville, dont je veux saluer l'excellent travail, l'ont fort justement souligné.

Notons-le d'abord positivement : ce projet de loi assigne à l'enseignement agricole une nouvelle mission, celle d'assurer la souveraineté alimentaire et d'adapter notre agriculture au changement climatique.

Ce qui frappe également dans ce texte, ce sont les objectifs très ambitieux d'augmentation des effectifs d'apprenants, atteignables, selon le ministère, par la mise en œuvre d'un « choc d'attractivité ». Le texte prévoit pour cela d'abord une meilleure articulation entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole, car les familles comme le corps enseignant ont trop souvent des connaissances assez lacunaires sur les perspectives offertes.

Le texte prévoit également une autre innovation : la création d'une cartographie régionale des besoins de consolidation et d'ouverture de sections de formation. Ce dispositif donnera une visibilité pluriannuelle aux classes à faible effectif et devrait leur garantir des moyens supplémentaires en cas d'augmentation significative du nombre d'élèves.

Enfin, le texte crée un nouveau diplôme de l'enseignement supérieur court, afin de répondre à un double objectif : offrir une formation plus lisible que les 176 licences professionnelles actuelles et un niveau bac+3, relevant du ministère de l'agriculture, plus en phase avec les attentes de la profession.

Les dispositions relatives à ce projet ont suscité, et c'est normal, des remarques ou des inquiétudes plus ou moins vives chez les acteurs que nous avons reçus en audition, mais aussi quelques divergences d'analyse au sein de la commission de la culture. Beaucoup de points font toutefois aussi l'objet d'un réel consensus, il faut le dire.

Quatre amendements déposés par la commission de la culture ont été intégrés au texte de la commission des affaires économiques.

Premièrement, toute référence au service national universel (SNU) a été supprimée dans le texte.

Deuxièmement, l'expérimentation de conventions entre les lycées de l'éducation nationale et ceux de l'enseignement agricole a été supprimée afin de ne pas risquer un affaiblissement très préjudiciable de ces derniers. Concrètement, l'éloignement géographique entre ces établissements rend difficile la mise en œuvre de ce projet.

Troisièmement, nous avons modifié les dispositions relatives au correspondant départemental de l'enseignement agricole, en allant plus loin que l'Assemblée nationale.

Il ne saurait en effet y avoir de hiérarchie entre le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) et son équivalent agricole. Il est donc essentiel d'étendre le champ de compétences de ce dernier à l'enseignement privé sous contrat, très présent dans l'enseignement agricole.

Enfin, la commission de la culture souhaite que soit modernisée une procédure disciplinaire devenue obsolète dans l'enseignement supérieur. C'est une demande forte des établissements concernés.

En commission, nous avons aussi évoqué plusieurs points de vigilance.

D'abord, si ce texte se concentre sur la formation dans les domaines agricole et agroalimentaire, n'oublions pas que l'enseignement agricole forme au-delà des métiers de l'agriculture. Je pense aux métiers des services à la personne et d'animation des territoires par exemple.

Alors, veillons à ce que l'augmentation des moyens alloués aux formations agricoles et agroalimentaires ne se fasse pas au détriment de ceux qui sont octroyés aux filières des services à la personne et de l'animation des territoires. Les besoins sont très nombreux, particulièrement dans les départements ruraux.

Ensuite, nous souhaitons alerter sur les dérives potentielles de l'appellation « Bachelor Agro ». Aujourd'hui, dans l'enseignement supérieur, certaines officines privées lucratives jouent sur la confusion entre diplômes et titres. Elles proposent des formations souvent dénommées « Bachelor », sur la base de titres loués au répertoire national des compétences, mais qui ne débouchent sur aucune qualification et ne bénéficient d'aucune reconnaissance.

J'entends dire que ces officines sont absentes du secteur de l'enseignement agricole et que ce risque est écarté. Je ne partage pas du tout cet optimisme et je crains, au contraire, d'éventuelles dérives préjudiciables.

Par ailleurs, nous tenons à vous alerter sur la formation vétérinaire, pas seulement quantitativement. La problématique est aussi ailleurs : il s'agit de répondre aux besoins des exploitations agricoles.

Enfin, les efforts en faveur de l'enseignement agricole seront vains sans amélioration des revenus et des conditions de travail des agriculteurs. À cet égard, la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur a toute sa pertinence : elle est même, disons-le, intrinsèquement liée à ce choc d'attractivité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte dont nous commençons l'examen a connu un destin contrarié. Mais nous sommes enfin à la dernière étape du marathon législatif, avec la première lecture de ce projet de loi.

La raison de ces retards est simple : ce texte, attendu par le monde agricole, a été une victime collatérale des soubresauts politiques de l'année 2024, qui ont conduit au report de son examen et à des délais inhabituellement longs – qui nous ont fait relativiser l'efficacité de la procédure accélérée. Ces retards successifs ont désespéré une partie du monde agricole. Ils ont d'ailleurs conduit à une mobilisation inédite des syndicats agricoles pour sortir ce texte de son enlisement législatif.

Depuis plus d'un an, ce projet de loi fait en effet miroiter aux agriculteurs et aux paysans des solutions pour les accompagner face aux défis multiformes qu'ils doivent relever : déprise rurale, concurrence extérieure, changement climatique, stress hydriques à répétition, évolution des attentes et des préférences des consommateurs, mais également instabilité réglementaire en matière sanitaire et environnementale. Il était temps que le supplice législatif prenne fin et que notre assemblée puisse travailler avec un exécutif prêt à prendre des engagements pérennes, pour donner un cap et des orientations à ce que sera l'agriculture de demain.

À l'aune de cette exigence, ce projet de loi est-il à la hauteur des défis ? Ses objectifs sont nobles : préparer l'avenir de l'agriculture, assurer le renouvellement des générations et former suffisamment d'actifs agricoles, tout en amorçant une trajectoire d'adaptation pour sortir de l'impasse climatique. Mais il faut se rendre à l'évidence, ce projet de loi ne deviendra aucunement la grande loi d'orientation que nous espérions. Il fut un temps où le législateur était capable de synthétiser les préférences collectives en matière agricole, mais cette époque est manifestement révolue, peut-être parce que les représentations sociales de l'agriculture ont changé.

Mais ce projet de loi ne doit pas pour autant être jeté aux orties. L'État doit accompagner des modèles agricoles à la croisée des chemins et innover dans son soutien pour faciliter la vie de l'agriculteur et lui faire confiance. La forte demande de simplification répond à une impérieuse nécessité pour ne pas désespérer des acteurs qui font preuve de bon sens et qui ont déjà bien assez à faire, au champ ou à l'étable.

Offrir un cadre simplifié d'action, pour libérer l'activité agricole de normes excessivement lourdes ou contradictoires, sans diminuer l'ambition environnementale : voilà le mandat que le monde rural nous confie. La voie est étroite, nous le savons. L'objectif, à mes yeux, est de garantir notre souveraineté agricole et de promouvoir une agriculture compétitive, et économiquement viable.

L'agriculture doit être érigée au rang d'intérêt fondamental de la Nation. La souveraineté alimentaire ne se décrète pas : elle se construit en sécurisant nos filières de production, en soutenant nos agriculteurs et en investissant dans une agriculture durable, capable de produire une alimentation saine, sûre et accessible à tous, conformément au principe de souveraineté alimentaire. C'est ce que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est efforcée de promouvoir.

Ce texte est loin d'être parfait. Il a quelque chose d'un fourre-tout, reflète de nombreux impensés, comporte des incohérences et des orientations brouillées, à force d'empiler des dispositifs, parfois à la limite du bavardage législatif. Il manque aussi d'ambition pour renforcer la durabilité des productions alimentaires. Aucun mécanisme n'est élaboré pour protéger les agriculteurs de la concurrence déloyale et des défaillances de marché.

N'attendons donc pas de ce projet de loi qu'il résolve tous les problèmes ou qu'il fixe de façon intangible le cadre optimal pour accompagner les agriculteurs face aux défis. Il ne fera certainement pas date et il ne pourra que décevoir ceux qui placent de trop grandes attentes dans un texte finalement plus de circonstance que d'orientation. Cependant, malgré ses défauts et ses lacunes, ce projet de loi apporte des évolutions bienvenues et nécessaires, tout en ayant le mérite de traiter de sujets qui concernent l'activité quotidienne des agriculteurs. Il pose les bonnes questions, même s'il apporte rarement les bonnes réponses.

En l'état, il est cependant de notre devoir d'apporter une partie des évolutions attendues par la profession agricole et d'imaginer des dispositifs pour limiter l'insécurité juridique qui entoure certains projets agricoles. Sur ce point, je me félicite de l'ajout proposé par notre commission à l'article 18, qui étend les compétences des départements en matière de production, de transport et de stockage de l'eau potable, et qui devrait permettre des assouplissements dans la gestion des compétences « eau » et « assainissement ».

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur pour avis. Au total, notre commission s'est prononcée en faveur de ce projet de loi, quoiqu'il soit perfectible. Mais elle veillera à ce que les amendements que nous adopterons répondent aux défis et ne retardent pas l'adaptation des pratiques aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Guylène Pantel applaudit également.)

Mme la présidente. J'invite chacune et chacun à respecter le temps de parole qui lui est imparti.

M. Jean-Raymond Hugonet. Il y a une tolérance pour les Aveyronnais ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël.

Mme Sylviane Noël. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est au nom de mon collègue Jean-Marc Boyer, retenu par un impératif, que je m'exprime devant vous.

Le renouvellement des générations en agriculture impose de répondre à la question suivante : quel avenir souhaitons-nous pour l'enseignement agricole, qui forme nos agriculteurs de demain, et qui est fondamental dans la transmission des exploitations ? La mission d'information sur l'enseignement agricole, que Jean-Marc Boyer avait menée avec la sénatrice Nathalie Delattre en 2021, avait conclu à l'urgence d'une transition agropolitique afin de donner une stratégie et des objectifs clairs à l'enseignement agricole.

Or la mobilisation des agriculteurs – et en particulier des jeunes agriculteurs – ces derniers mois a bousculé quelques fondamentaux. Certes, les missions essentielles confiées à l'enseignement agricole restent la base d'un enseignement innovant et performant avec une formation générale, technologique et professionnelle, initiale et continue, une animation de développement des territoires, une insertion sociale, scolaire et professionnelle, le développement, l'expérimentation et l'innovation, des actions de coopération internationale.

Mais il s'avère aujourd'hui nécessaire de traiter deux enjeux majeurs de développement des filières de production : la transformation agricole, qui allie performance économique, sociale, environnementale et sanitaire, et le développement de modèles économiques agricoles adaptés à chaque région, prenant en compte les conditions géographiques et climatiques, notamment en zone de montagne.

Le réseau de l'enseignement agricole, avec ses 825 établissements, est indispensable pour répondre au défi d'une transition agropolitique et du renouvellement des générations d'agriculteurs. L'enseignement agricole doit regagner ses lettres de noblesse. Il s'est trouvé modifié et dogmatisé vers les filières environnementalistes, et en décalage avec une partie de la profession agricole. Il doit rester ouvert à tous et à tous les types d'agriculture. Il y a vingt ou trente ans, 80 % des élèves étaient d'origine rurale et agricole. Aujourd'hui ils ne sont plus que 30 %, et les 70 % restants sont sensibilisés aux notions agricoles, mais pas aux milieux agricoles et à leur environnement naturel.

Nos élèves agricoles sont formés pour être des jardiniers de la nature, ce qui ne leur offre pas de réels débouchés. Beaucoup s'orientent donc vers des filières vertes et non plus vers l'élevage ou l'agriculture qualifiée de conventionnelle, qui, pourtant, reste très présente sur notre territoire.

Il est vrai que notre société est désormais téléguidée par une image de l'agriculteur qui serait un criminel, un pollueur, relayée par des réseaux sociaux où le bien-être animal passe avant celui de l'agriculteur. Cet agri-bashing porte un vrai préjudice à la profession agricole, ainsi stigmatisée.

L'enseignement agricole a su montrer ses facultés d'adaptation à l'évolution de l'agriculture et à sa modernisation tout au long du XXe siècle. Il a su évoluer avec la révolution technique et la mécanisation.

Aussi, tous les moyens de communication, d'information et d'orientation doivent-ils être mis en œuvre pour sensibiliser les parents, les enseignants, les collégiens, les lycéens. Pour cela, j'approuve la proposition de la nomination dans chaque département d'un correspondant pour l'enseignement agricole.

L'enseignement agricole doit retrouver son essence et permettre l'installation de jeunes agriculteurs pour toutes les agricultures, de la viticulture à la production laitière, fromagère, bovine, ovine.

La lutte contre les stéréotypes de genre doit permettre de donner aux filles et aux femmes toute leur place et favoriser un accès diversifié à l'enseignement supérieur agricole.

Dès lors que la souveraineté alimentaire redevient une priorité politique, l'enseignement agricole doit permettre aux nouveaux agriculteurs qui s'installent de bâtir un projet économique et entrepreneurial viable, en s'adaptant aux nécessités de la transition agronomique et climatique, aux attentes du citoyen et du consommateur. Il doit aussi intégrer une ruralité vivante, dynamique et porteuse de projets.

Il importe enfin de lutter contre la désertification vétérinaire dans les territoires ruraux et de mobiliser l'enseignement agricole sur l'enjeu du bien-être de l'agriculteur, ses conditions de travail et sa rémunération, qui constitue des problématiques majeures. Nous devons aussi renforcer l'attractivité de l'enseignement, avec une attention accrue aux enjeux de desserte et de conditions d'accueil des apprenants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Bleunven applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « en France, on parle quelquefois de l'agriculture, mais on n'y pense jamais ». Cette phrase date du milieu du XIXe siècle, et est une citation d'Alphonse Karr, journaliste, ami de Victor Hugo – un ancien sénateur ! Elle trouverait sûrement encore un écho auprès de nos agriculteurs. En tous cas, depuis un an, dans cet hémicycle, comme dans notre société, on parle de nos agriculteurs, peut-être plus qu'auparavant. Mais pensons-nous suffisamment à eux ?

Mes chers collègues, plutôt que de faire des déclarations, nous avons deux semaines pour leur prouver que oui ! Nous devons leur montrer qu'ici, au Sénat, nous avons conscience des enjeux colossaux de l'agriculture du XXIe siècle.

Avec ce projet de loi, dont la fermentation a été exceptionnellement longue, nous voulons voter du concret pour changer leur vie ; voter pour affirmer le caractère d'intérêt général majeur de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture ; voter pour créer des outils qui formeront les nouvelles générations d'agriculteurs ; voter pour faciliter les transmissions et les installations, notamment d'un point de vue financier ; voter pour leur simplifier la vie ; voter, enfin, pour renforcer la préservation de notre environnement, car c'est en agissant ainsi que nous protégerons nos agriculteurs des conséquences déjà dramatiques du dérèglement climatique.

Mes chers collègues, tous ces enjeux sont cruciaux et j'espère que nos débats permettront d'enrichir, une fois de plus, les mesures contenues dans ce texte.

En premier lieu, garantir notre souveraineté alimentaire dans les années à venir exige de notre part, en tant que législateur, d'affirmer juridiquement le caractère d'intérêt général majeur de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture. Affirmer cela, c'est influencer pour l'avenir les politiques publiques qui seront menées par le Gouvernement et envoyer un signal clair pour les prochains contentieux concernant ces activités. Évidemment, il ne s'agit pas de placer l'agriculture au-dessus de l'environnement, mais de mieux équilibrer la balance.

Le deuxième sujet majeur, c'est la formation. Comment pourrons-nous être souverains demain si nous ne formons pas davantage d'agricultrices et d'agriculteurs ? Selon les statistiques de l'Agreste, le service de la statistique et de la prospective du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, en 1988, on dénombrait 1 million d'exploitations agricoles en France. En 2022, leur nombre n'est plus que de 380 000. Ce phénomène touche particulièrement l'élevage. En dix ans, la Drôme, mon département, a perdu 18 % de ses exploitations, notamment dans les secteurs bovin, porcin et caprin. Dans mon canton du Diois, en dix ans, la population de bovins a diminué de 30 %.

Face au défi du renouvellement des générations, ce projet de loi apporte des réponses concrètes et utiles. Je pense à la création du « Bachelor Agro », qui sera reconnu comme un diplôme de niveau bac+3. Le groupe RDPI proposera d'ailleurs, au cours des débats, de préciser le contenu des enseignements de cette formation, afin qu'elle prenne en compte les enjeux agricoles des territoires ultramarins.

Je pense aussi à la création du contrat territorial de consolidation ou de création de formations, qui permettra d'augmenter le nombre de jeunes formés par la voie initiale scolaire dans les établissements de l'enseignement agricole technique.

Mais, si nous voulons attirer davantage de jeunes agriculteurs, nous devons également penser à l'attractivité financière. De ce point de vue, l'aide au démarrage prévue dans le texte pour les nouveaux professionnels sera la bienvenue.

Il en est de même de l'expérimentation, pendant trois ans, d'une option intitulée « Écologie, agronomie, territoires et développement durable » pour quelques élèves de seconde dans notre pays. Je ne doute pas que cette option suscitera la curiosité, et peut-être même des vocations.

Toutes ces solutions seront utiles pour sensibiliser les jeunes générations et former les nombreux professionnels dont nous aurons besoin pour être souverains.

Il y a une troisième urgence, mes chers collègues, que nous ne cessons de rappeler : simplifier le quotidien des professions agricoles. Ce projet de loi doit y répondre. Qu'il s'agisse de la création du réseau France services agriculture, qui peut être un véritable levier pour aider nos agriculteurs à transmettre leurs exploitations et à préparer la suite, ou de la mise en place d'un droit à l'erreur pour les agriculteurs, nous avons l'occasion, neuf mois après la présentation de ce texte en Conseil des ministres, de débattre et de voter des mesures pour simplifier la vie des professions agricoles.

Lorsqu'on parle de simplification, je pense aussi aux chiens de protection de troupeaux et à la responsabilité pénale de leurs propriétaires, que nous aborderons également dans nos débats. Notre groupe proposera d'élargir la non-protégeabilité aux troupeaux caprins face aux attaques de prédateurs comme les loups ou les jaguars dans les outre-mer.

En matière de simplification, je me réjouis également des mesures que nous avons votées dans le projet de loi de finances, et en particulier des allégements du coût du travail pour l'agriculture, avec la reconduction du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) et les engagements pris s'agissant du gazole non routier.

Enfin, mes chers collègues, j'ai l'intime conviction qu'opposer agriculture et environnement est très dangereux. Au contraire, en agissant pour l'un, nous pouvons renforcer l'autre. C'était l'un des objectifs de la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie, présentée par notre collègue Daniel Salmon et que nous avons adoptée la semaine dernière à l'unanimité, à l'issue d'un travail transpartisan.

Je proposerai donc un amendement ayant pour objet d'inclure le texte de cette proposition de loi après l'article 14 du projet de loi. Cela permettra de clarifier les choses pour nos agriculteurs, avec une définition claire et une stratégie nationale.

Mes chers collègues, à nous de saisir cette opportunité pour répondre aux agriculteurs, pour les rassurer et voter une loi d'orientation pour l'avenir de notre agriculture, véritable symbole d'un message de confiance et de soutien envers celles et ceux qui travaillent pour nous nourrir.

Pour conclure, je citerai, à l'orée de nos débats, un bel extrait de Nourrir sans dévaster, un livre de Julien Denormandie – l'un de vos prédécesseurs, madame la ministre – et Erik Orsenna : « Entre les paysans et notre pays, le lien s'est déchiré. Remplacé, trop souvent, par un nauséabond mélange de nostalgie, de mépris et d'accusations. Il est temps, plus que temps, de retisser. » Ensemble, retissons ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un jour, peut-être, nous examinerons un texte sur l'avenir de notre agriculture qui pense vraiment l'avenir de cette profession dans sa globalité. Un jour, peut-être, mais pas aujourd'hui !

Les textes se suivent, et toujours aussi peu de transversalité… Pourtant, dans nos exploitations, dans nos fermes, les enjeux pour l'avenir de nos entreprises, nous les connaissons. Il y a le revenu, avec l'analyse des coûts de production, le marketing, les marchés, la vente, le foncier, etc. Il y a la diversification des modes de production, avec le choix d'un modèle, la gestion des crises économiques, climatiques, sanitaires, et la transmission de l'outil.

Mais, à l'échelon supérieur, on ne sait que travailler en silo, sans transversalité. Ne nous contentons pas de traiter l'urgence : interrogeons-nous sur le fond. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, portée par Stéphane Le Foll en 2014, avait ouvert la voie, confortée par les lois Égalim.

Initialement conçu pour relever les défis liés à la préservation de notre souveraineté alimentaire, ébranlée par le dérèglement climatique et la crise des vocations, ce projet de loi incarne désormais la réponse de l'exécutif à la colère de nos agriculteurs, en attente de mesures concrètes simplifiant, valorisant et sécurisant l'exercice de leur activité.

Il faudrait par exemple changer de paradigme, et faire en sorte que les services de l'État mettent fin à la suspicion, qu'ils soient davantage dans leur rôle d'accompagnement et de conseil. La confiance, j'en suis sûr, peut régler beaucoup de maux.

Ce texte s'est éloigné d'un de ses objectifs initiaux, à savoir rebâtir notre souveraineté alimentaire en répondant notamment aux défis du changement climatique. Mais répond-il à la colère de nos agriculteurs ? J'en doute, mes chers collègues.  Quid du revenu ? Quid du foncier ? Quid de la sensibilisation des Français à l'importance de notre agriculture dans leur quotidien ? Je pense notamment à ce que l'on appelle les aménités environnementales.

Il faut développer les paiements pour services environnementaux territoriaux, qui peuvent apporter des revenus pour les services induits, comme la lutte contre les incendies ou les inondations. Les agriculteurs maintiennent les milieux ouverts, ils entretiennent nos paysages, que les urbains savent apprécier le week-end sans avoir conscience du travail que font ceux-ci sur leur environnement.

L'agriculture est l'un des secteurs d'activité les plus sensibles à l'évolution du climat et les plus dépendants du fonctionnement des écosystèmes. L'objectif d'une agriculture économiquement et écologiquement viable, rémunératrice, diversifiée, durable, répartie sur l'ensemble du territoire, doit prédominer et servir de mise en garde contre la stérilité de l'opposition entre modèles agricoles.

Je l'ai encore dit la semaine dernière : nous avons tout à perdre à faire de la politique sur le dos de nos paysans. Nous sommes confortablement installés dans nos fauteuils quand de nombreux agriculteurs agonisent sous les lourdeurs administratives, les surtranspositions, sans parler des crises qui se succèdent et qui les affaiblissent régulièrement. Certains préfèrent se donner la mort… Et nous, nous clivons nos propos, nous cherchons le buzz ! D'un côté, certains collègues attisent les flammes, en diffusant de fausses informations dans les médias. Non, par exemple, les néonicotinoïdes n'ont pas été réautorisés !

M. Henri Cabanel. Ils sont toujours interdits, sauf dérogation pour certaines filières menacées de disparaître en l'absence de traitements de substitution.

Ces mêmes collègues savent hurler contre les surtranspositions, mais composent en en acceptant certaines pour aller dans le sens du vent.

Il y a un parti pris en faveur de la compétitivité, au détriment de l'environnement et de nos ressources. C'est dommage ! Face au déclin de notre agriculture, l'urgence d'un sursaut est nécessaire, dans un équilibre constructif.

Que faire, donc ? Le RDSE a voulu, une fois encore, que l'agriculture soit cause nationale. C'était la première proposition du rapport intitulé Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse, que j'ai rédigé avec notre ancienne collègue Françoise Férat en 2021. Plus qu'un symbole…

Ce projet de loi reflète la consécration d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture. Celle-ci devra être établie avant le 1er juillet 2025, puis tous les dix ans, et définir les modalités d'action des pouvoirs publics, en complément des politiques déterminées par l'Union européenne. Elle précisera en outre, par filière, des objectifs nationaux de production compatibles avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la stratégie bas-carbone et la stratégie nationale pour la biodiversité.

Je m'en réjouis. Mais ces objectifs de production par filière, à quels revenus correspondront-ils ? Avec quelle politique foncière ? Et quelle résilience face aux changements climatiques ? Pour les sols, par exemple, si l'on fait preuve d'honnêteté, on sait que tous les agriculteurs n'auront pas l'irrigation. Mais la reconstitution des sols de manière durable donne de meilleurs rendements, tout autant qu'une rétention d'eau et une capture de carbone. Il faut le dire.

Avec quels moyens, enfin ? Une programmation sans budget, c'est une parole sans actes. Et les coupes sombres de dernière minute au projet de loi de finances ne nous ont pas rassurés. Madame la ministre, même en étant le plus optimiste possible, on voit mal le budget s'améliorer l'année prochaine, ou les années suivantes, au regard du contexte contraint. J'espère sincèrement me tromper.

En ce qui concerne la transmission, nous pouvons nous réjouir du guichet unique : c'est un grand pas vers la simplification. Mais pensez-vous honnêtement qu'il faille privilégier la formation et la transmission alors qu'aucun levier pour l'attractivité n'est actionné ? Qu'est-ce qui va motiver un agriculteur à transmettre son outil à ses enfants ? Il s'agit de son objectif premier et de sa plus grande fierté. Mais s'il sait que cela va être la galère, il ne fera pas le choix de transmettre. Qu'est-ce qui va motiver un jeune à devenir agriculteur ? C'est à ces questions qu'il fallait répondre.

Ce projet de loi donne un sentiment d'inachevé. Madame la ministre, je souhaite cependant rester positif. Nous verrons si l'essai peut être transformé… Je souhaite que nos débats soient aussi constructifs que possible, car, dehors, les paysans attendent beaucoup de ce texte, tout comme moi – trop, sans doute. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guislain Cambier. (Mme la présidente de la commission et M. Franck Menonville, rapporteur, applaudissent.)

M. Guislain Cambier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je viens de l'Avesnois, territoire rural au sud du département du Nord. Le nombre d'exploitations agricoles y a été divisé par deux en quarante ans. Je mesure donc les enjeux de ce projet de loi et je connais les attentes fortes qu'expriment nos agriculteurs à propos de ce texte – comme partout en France.

Le travail législatif et les orientations du ministère de l'agriculture doivent apporter des réponses concrètes à leurs inquiétudes. Nous avons ensemble, tous ensemble, l'ambition de répondre au malaise agricole, alors que près de 40 % d'entre eux évoquent un sentiment d'abandon et un système à bout.

Pour cela, le bon sens paysan, fait de sens pratique et de la capacité à résoudre les problèmes de manière simple, pratique et efficace, peut inspirer un Discours de la méthode.

Les mots ont un sens. Le bon sens paysan doit nous guider et soulager les maux de nos agriculteurs. Une exploitation agricole n'est pas une entreprise comme les autres, en effet. Le rideau de fer n'est pas baissé à dix-huit heures pour être rouvert le lendemain à sept heures. Ce sont des entreprises familiales, qui vivent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, où femmes, hommes, conjoints, enfants vivent l'exploitation au quotidien.

La main-d'œuvre familiale ne doit donc pas être considérée comme du travail dissimulé. L'entraide rurale n'est pas du travail au noir. Il faut plus de souplesse dans la gestion de la main-d'œuvre.

Dans les régions transfrontalières comme la mienne, la distorsion de concurrence est aussi une réalité vécue au quotidien. Alors, revenons au bon sens paysan, encore lui, et appliquons tout simplement les mêmes règles à tous ceux qui vendent les produits agricoles sur notre territoire. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Au nom de quel paradoxe peut-on exiger de nos producteurs l'exemplarité sanitaire et environnementale, tout en nous montrant laxistes pour les produits que nous importons ?

Dans ma région, on produit notamment de la betterave à sucre. Comment expliquer à mes agriculteurs – et aux agriculteurs français en général – que les producteurs ukrainiens ont toujours accès à vingt-huit matières actives interdites chez nous, mais qui sont transformées sans contrainte et qui continuent à être distribuées par les industries agroalimentaires ? Il faut donc poursuivre et intensifier le travail sur les clauses miroirs.

Le foncier est aussi un enjeu déterminant. Trop souvent, dans ma région, la spéculation foncière pénalise nos exploitants, qui doivent faire face à la pression des agriculteurs belges. Il faut à nouveau remettre l'ouvrage sur le métier, notamment avec les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer).

La simplification administrative sera au cœur de nos débats. Là encore, le bon sens paysan, toujours lui, doit nous animer plus que jamais. Soyons pragmatiques et travaillons en confiance. Hélas ! hélas ! trois fois hélas ! la complexité administrative alourdit notre quotidien et nuit à la rentabilité de nos exploitations.

Je prendrai pour exemple l'irrigation. On impose à nos agriculteurs de noter jour par jour l'eau consommée, alors que nos dispositifs de pompage sont équipés de compteurs. Pourquoi ne pas simplement relever ces compteurs avant et après la saison, pour connaître précisément la consommation ? Ces contrôles excessifs sont inutiles et doivent être simplifiés.

Même remarque sur la PAC : les aides sont devenues un labyrinthe bureaucratique. Par exemple, la valeur des points d'écorégime est totalement déconnectée du terrain. La betterave et la pomme de terre, particulièrement cultivées dans mon département, sont considérées comme une seule et même culture. Pourtant, je mets au défi quiconque de faire des frites avec des betteraves ou du sucre avec des pommes de terre ! (Sourires.) Il est urgent d'adapter les critères aux réalités agricoles.

Ce projet de loi d'orientation agricole arrive enfin au bout de son parcours. En l'adoptant, comme nous l'espérons, le Sénat enverra un signal positif à nos agriculteurs. Ils l'attendent depuis huit mois. Ce n'est pas encore une loi-cadre, mais, même s'il reste beaucoup à faire pour en faire une vraie orientation, une ambition, elle est nécessaire. Vous pourrez compter sur les élus du groupe Union Centriste pour faciliter la vie de celles et de ceux qui nous nourrissent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures,

est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Lahellec. (M. Jacques Fernique applaudit.)

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les lois d'orientation sont élaborées pour répondre aux défis et aux enjeux spécifiques rencontrés par tel ou tel secteur.

Or la première question que nous devons nous poser est de savoir si ce texte contribuera à ce que nos territoires puissent répondre aux demandes alimentaires des populations de demain. La décarbonation de notre agriculture, qui est la condition pour pérenniser le développement d'une agriculture nourricière tout en répondant aux défis climatiques, sera-t-elle suffisamment encouragée ? Le renouvellement des générations sera-t-il suffisamment soutenu ? La question du renouvellement des générations et de l'installation de jeunes en agriculture peut-elle s'envisager sérieusement sans traiter la question du foncier ?

C'est vraisemblablement pour éviter des querelles sur ce sujet que la question du foncier est très peu abordée dans ce texte. Elle est pourtant centrale pour favoriser le renouvellement des générations, et la Safer pourrait ici jouer un rôle déterminant.

Ce n'est pas une question secondaire. Comme le titrait récemment dans son éditorial un grand hebdomadaire national de l'agriculture, un montage sociétaire assez connu en France « a franchi le Rubicon » en installant dans une exploitation agricole un « régisseur » dont le métier ne sera pas celui de paysan. Il n'y a pas si longtemps, près de chez nous, en Bretagne, il n'y avait de régisseur que celui qui régissait le domaine du château auquel était adossée une grande ferme.

En outre, toujours en matière de répartition des terres, il y aurait lieu de faciliter les échanges fonciers et de lever les obstacles aux échanges quand ceux-ci résultent de qualifications différentes de l'usage des terres.

Nous sommes en droit de douter, car ces questions sont centrales, plus encore dans une région comme la nôtre, la Bretagne, qui est d'abord une région d'élevage. Or nos élevages laitiers et bovins sont en souffrance et les filières du porc et de la volaille enregistrent des reculs sensibles de production.

Certes, cette loi d'orientation agricole (LOA) comporte, je n'en doute pas, des dispositions très spécifiques pour répondre ponctuellement à un certain nombre de situations. Les amendements que nous avons adoptés en commission et qui ont été travaillés par nos rapporteurs y ont beaucoup contribué. Mais la principale faiblesse de ce texte réside dans le fait que nous n'abordons pas le sujet de fond : l'activité agricole est une activité humaine de production nourricière vitale pour le devenir de l'humanité.

En second lieu, le fait d'avoir versé l'activité agricole dans la mondialisation des échanges et des prix conduit à des pertes de souveraineté dans le domaine alimentaire, car, quoi que l'on fasse, le poulet brésilien sera toujours moins cher à produire que le poulet de chez nous. Cela devrait donc nous inciter à rechercher de nouveaux dispositifs.

S'il est vrai que les normes et autres contrôles tatillons ont de quoi exacerber les mécontentements, la chute de nos productions et les départs non compensés dans de nombreuses filières ont pour cause la rémunération insuffisante du travail paysan et son manque de lisibilité dans le temps. Ce n'est pas en renonçant à des ambitions agroécologiques visant à protéger la santé que nous garantirons l'avenir de notre agriculture. (M. Daniel Salmon applaudit.)

Après les lois Égalim, cette LOA n'infléchit pas la tendance lourde qu'impose la loi de modernisation de l'économie (LME) de 2008, qui privilégie l'aval plutôt que l'amont, c'est-à-dire la distribution plutôt que la production. Et pourtant, la question de fond devrait être celle du retour de la valeur ajoutée à la production, c'est-à-dire à la ferme.

C'est cette course effrénée, consistant à tirer toujours les prix vers le niveau le plus bas, qu'il faut, d'une manière ou d'une autre, remettre en cause. Et cela est sans doute d'autant plus nécessaire dans le contexte de cet univers mondialisé que vous avez comparé, madame la ministre, à la tectonique des plaques. Belle comparaison selon moi et qui me convient même si tout le monde n'est pas forcément avisé de ce qu'est la tectonique des plaques.

Les éléments sur la transition agroécologique et l'adaptation au changement climatique ont disparu du texte, alors que ces défis sont déterminants. La place accordée aux enjeux de revenus et de juste rémunération des agriculteurs, déjà faible initialement, a encore été réduite. L'ambition de renouvellement des générations, pourtant à l'origine de ce projet de loi, est considérablement amoindrie. Enfin, du point de vue de la souveraineté alimentaire, le texte aurait sans doute gagné à faire tant soit peu référence aux activités de pêche, qui participent aussi de la souveraineté alimentaire. C'est une filière importante, forte de 12 458 marins pêcheurs, dont 9 300 exercent leur activité en métropole et un peu plus de 3 000 outre-mer. Vous comprendrez que, venant de Bretagne, il fallait que je la mentionne.

Mme Annie Genevard, ministre. Ce n'était hélas ! pas dans le périmètre…

M. Gérard Lahellec. Ainsi, selon nous, en l'état, ce texte ne permettra ni d'installer massivement de nouvelles exploitations demain, ni de lutter contre l'effondrement du nombre de celles qui existent, ni d'accompagner et de préparer correctement les futurs agriculteurs à leur métier. Il aura au contraire des conséquences en cascade, souvent irréversibles, qui accroîtront la vulnérabilité du secteur. Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à souhaiter un infléchissement sérieux de celui-ci et, par conséquent, à ne pas l'adopter en l'état. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en dix ans, 100 000 fermes ont disparu, soit 20 % d'entre elles. Un gigantesque plan social se déroule à bas bruit dans nos campagnes. Et si l'on ne fait rien, un tiers des fermes rescapées auront disparu d'ici à 2030. Cette alerte devrait à elle seule nous conduire à renverser la table. Le mal-être est général.

Qu'en est-il donc de cette loi ? Après un parcours contrarié, la LOA arrive enfin jusqu'à nous, avec pour orientation très claire – hélas ! – la fuite en avant.

Ce texte aurait pu être l'occasion de s'engager avec détermination dans les changements systémiques qui s'imposent et d'entrevoir la possibilité d'un avenir meilleur. Mais il se complaît dans l'inaction coupable et risque même d'accélérer le processus de destruction du tissu agricole et rural.

Une poursuite de la course mortifère, telle est la trajectoire choisie par les rapporteurs, avec comme seule boussole la compétitivité de l'agriculture et le triptyque « robotique, génétique, numérique » pour produire toujours plus ou, en réalité, pour limiter la baisse des rendements d'une agriculture qui altère les fertilités.

La conception de la souveraineté envisagée dans cette loi est très éloignée des droits individuels et collectifs au cœur des principes définis par le mouvement altermondialiste Via Campesina, en 1996, à Rome.

En réalité, mes chers collègues, vous défendez une souveraineté stratégique qui se moque des droits individuels et collectifs, ici, comme à l'autre bout de la planète. De quelle souveraineté s'agit-il donc ? Nous y reviendrons au cours des débats.

S'il est essentiel de produire, encore faut-il savoir comment, quoi et pour qui. Devons-nous produire en lâchant sur les normes et sur les droits, pour répondre à cette compétitivité internationale qui alimente le moins-disant social et environnemental, ce modèle agricole qui détruit les conditions mêmes de sa survie, au profit de quelques gagnants temporaires à la tête des plus grosses industries agroalimentaires et au détriment de la majorité de nos agriculteurs ?

Nous sommes également loin de l'ambition initiale du texte, qui devait apporter des solutions au défi du renouvellement des générations. Largement aggravé par le travail en commission, le résultat est caricatural. En vous acharnant contre toutes les solutions qui permettraient aux agriculteurs de devenir plus autonomes et de se passer des intrants chimiques, c'est notre souveraineté que vous attaquez.

Quasiment toutes les références et les objectifs relatifs à l'agroécologie et à l'agriculture biologique ont été supprimés.

C'est particulièrement le cas dans le volet du texte portant sur la formation et l'enseignement agricole, qui passe complètement à côté des besoins et de la demande alors qu'entre 30 % et 50 % de futurs agriculteurs veulent s'installer en bio. L'enseignement supérieur agricole devrait être un véritable outil stratégique de notre politique agricole. Vous préférez promouvoir un « Bachelor » que la plupart des établissements n'ont pas les moyens de mettre en place.

Nous passons d'une crise à l'autre, mais il n'y a toujours rien sur le revenu ! À peine cité dans l'article 1er, le revenu digne est pourtant la demande principale du monde agricole – vous en avez parlé, monsieur le rapporteur. Le sujet sera-t-il traité un jour ?

Concernant les défis environnementaux, aucun levier structurant n'est prévu pour y faire face en favorisant l'adaptation au changement climatique et la transition vers l'agroécologie.

La question de la biodiversité est totalement absente du texte. Si la puissance publique n'agit pas pour renforcer la résilience de nos exploitations, le surcoût annuel lié à l'augmentation des aléas climatiques s'élèvera à 1 milliard d'euros, selon le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).

En ce qui concerne le diagnostic modulaire, seul outil prévu pour la transition, vous en avez restreint l'aspect environnemental pour l'orienter uniquement vers la recherche du développement économique de l'exploitation, adoptant ainsi une focale étroite et révélatrice.

Limité dans son périmètre par l'application de l'article 45 de la Constitution, le projet de loi ne permet pas de traiter la question essentielle du foncier. Les rapporteurs s'opposent même à l'idée d'imposer au Gouvernement de s'emparer du sujet. Aucun renforcement de contrôle n'est prévu, non plus qu'aucune mesure contre les montages sociétaires, l'accaparement, la spéculation et la financiarisation. Existe-t-il vraiment une volonté de mettre fin à ce grand plan social en cours ? La question se pose légitimement.

Sur l'agriculture bio, alors que la filière subit la pire crise de son histoire, vous avez supprimé les objectifs chiffrés du texte initial : laissons faire le marché, notre santé passera après ! Nous sommes encore une fois dans une vision très aboutie des demandes de l'agrobusiness.

Quelques mots sur l'installation de nouvelles exploitations. Si un cap est enfin donné, avec un objectif de 400 000 exploitations et de 500 000 exploitants agricoles d'ici à 2035, comme vous l'avez souligné, madame la ministre, cette promesse restera vaine si les politiques publiques mises en œuvre sont totalement inadaptées à la cible visée.

Enfin, nous souhaitons dénoncer les reculs en matière de droit de l'environnement, encore aggravés par le passage du texte en commission, notamment à l'article 13. En portant atteinte au droit de recours ou en ajoutant un critère d'intentionnalité presque impossible à prouver, dans les faits, vous dépénalisez la destruction d'espèces protégées. Cela constitue des régressions inédites.

Désormais, c'est open bar : des promoteurs immobiliers, énergéticiens et chasseurs malintentionnés – je n'inclus pas tout le monde – pourront détruire des espèces menacées et plaider la non-intentionnalité, le tout sous couvert de « simplification administrative », bien évidemment.

À ce projet déshumanisé, nous en opposons un autre : protéger et nourrir. Car telle est notre vision, celle d'une agriculture qui nourrit les humains et qui protège la terre et le vivant, soit l'assurance vie des agriculteurs. La prise en compte de l'ensemble des enjeux cités suppose une transition systémique. Cette transition agroécologique est non seulement un rêve, mais aussi une réalité efficiente, vécue par de très nombreux agriculteurs qui sont productifs et fiers de leur indépendance, qui donnent envie et qui méritent d'être soutenus.

Tel est bien l'horizon vers lequel il faut tendre, un horizon égayé par de nombreuses haies – nous y reviendrons, comme l'a indiqué l'un de nos collègues, précédemment.

Ceux qui voulaient que rien ne change sont satisfaits de cette loi. Mais nous ne lâcherons rien. Nous continuerons à relayer la voix des scientifiques et à accompagner les innovations des agriculteurs pour engager la nécessaire transition. Partout, nous les encouragerons à partager la terre, à s'installer dans des projets agroécologiques, à se former, à transmettre, à coopérer.

Avec les élus du groupe GEST, nous nous opposerons avec force à ce texte indigent, voire dangereux dans certains de ses articles. Nous continuerons à nous battre pour des agriculteurs nombreux et heureux dans des campagnes vivantes. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j'évoquais il y a quelques jours, lors de l'examen de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur – qui vise, en réalité, à réintroduire l'usage des produits phytosanitaires – une fusée à deux étages sur les textes agricoles. Le deuxième étage de la fusée est là. Il s'est fait attendre, c'est le moins que l'on puisse dire.

Nous allons donc examiner aujourd'hui la grande loi de programmation agricole, d'abord promesse de campagne du candidat Macron en 2022, puis promesse en réponse à la crise agricole du printemps 2024.

Ce projet de loi d'orientation agricole se fonde sur trois constats implacables, dont tout d'abord celui d'une crise à la fois sanitaire et environnementale, ce qui va souvent de pair. Sur le plan sanitaire, la résurgence des épidémies d'influenza aviaire, de peste porcine africaine, de fièvre catarrhale ovine nous oblige à réfléchir à un meilleur accompagnement des filières en amont. Au niveau environnemental, le changement climatique met les facteurs de production sous pression : on le répète depuis longtemps déjà, et les conséquences sont de plus en plus visibles.

Les rendements sont soumis aux aléas climatiques de manière croissante, que ce soit le gel, la grêle, le vent, la sécheresse ou encore les inondations. Je citerai en exemple l'année 2022, représentative du climat futur, selon Météo-France, qui a vu les rendements des cultures d'été diminuer entre 4 % et 20 %. Toutes les projections scientifiques indiquent que la situation va encore se dégrader dans les prochaines années. Plusieurs filières de production sont menacées et nous n'en sommes qu'au début. Or ce n'est pas en proposant de supprimer l'Agence française pour la biodiversité et en revoyant à la baisse les objectifs de planification agroécologique que l'on résoudra cette crise.

Autre constat, celui d'une crise économique et commerciale. Hausse des coûts de production, concurrence étrangère, relations commerciales tendues et, surtout, revenus insuffisants sont autant de raisons qui expliquent le mécontentement de tout un secteur. Si, d'un point de vue global, la France demeure encore largement souveraine en matière alimentaire et agricole, la situation est souvent contrastée selon les filières. Ainsi, le Haut Conseil pour le climat indique dans un rapport de janvier 2024 que « la France importe 20 % de son alimentation » et que ses importations alimentaires ont été multipliées par deux en valeur depuis 2000. Je pense au blé, au riz, aux viandes de volaille, aux fruits et légumes. Certaines limites se font jour et il convient d'assurer une réelle souveraineté alimentaire.

Le troisième constat qui est aux prémices du projet de loi – il n'est pas de moindre importance – concerne la crise de renouvellement des générations. Le défi est de taille. Si nous regardons derrière nous, un tiers des fermes ont déjà disparu en vingt ans. Si nous regardons devant nous, la moitié des agriculteurs d'aujourd'hui partiront à la retraite d'ici à 2030 et seulement deux départs sur trois seront compensés par un remplacement. Or l'installation de paysans partout sur le territoire est un préalable indispensable à la souveraineté alimentaire, ce que résume bien le slogan : « Pas de pays sans paysans. »

L'étude d'impact associée au projet de loi indique que « pour maintenir notre capacité à produire et à se nourrir, il serait nécessaire d'installer 20 000 agriculteurs par an, contre 15 000 actuellement ». Elle indique également que le déficit en actifs agricoles est d'ores et déjà très marqué, avec 70 000 postes à pouvoir.

Ces trois constants sont alarmants. Nous ne pouvons qu'y souscrire. Ils expliquent en grande partie la colère légitime du monde agricole. Nous devons les garder en tête tout au long de nos débats, comme fil conducteur, et nous poser sans cesse cette question : comment y répondre ?

L'idée d'une grande loi programmatique, censée pallier ces difficultés, est une idée louable. Je dis « censée », car les réponses proposées sont loin d'être à la hauteur, et en tant qu'ancien agriculteur, j'en suis le premier déçu.

Telle qu'elle est rédigée, cette loi d'orientation agricole n'est que la prolongation de la politique libérale menée depuis de trop nombreuses années.

Le texte est particulièrement imparfait pour deux raisons principales. Il l'est tout d'abord par son contenu. Nous aurons largement l'occasion d'en discuter, mais je souhaite aborder quelques points qui me paraissent essentiels.

La portée de l'article 1er est par exemple difficile à saisir. Les notions de « potentiel agricole », d'« intérêt général majeur » et de « non-régression de la souveraineté alimentaire » sont floues et sujettes à interprétation. Elles sous-entendent en réalité une logique productiviste et elles pourraient à terme, notamment pour le principe de « non-régression », participer à la remise en cause des réglementations environnementales. Ces formules incantatoires doivent être revues.

Sur la notion de souveraineté alimentaire, je crois que nous passons complètement à côté de l'essentiel, à savoir qu'il s'agit d'assurer en premier lieu l'accès à une nourriture saine et diversifiée pour l'ensemble de la population. Le sens de cette notion est déformé, car le texte adopte un prisme assurément économique, laissant entrevoir en réalité un blanc-seing donné à l'agro-industrie, qui pourra continuer à produire toujours plus sans considération pour les plus petites structures agricoles ou pour l'environnement.

L'introduction, à l'article 13, du principe de « présomption de non-intentionnalité » face à la destruction illicite d'habitats naturels ou de sites protégés me semble problématique et ressemble, à s'y méprendre, à un « permis de détruire la nature ».

La Défenseure des droits s'est elle-même montrée très critique vis-à-vis de l'article 15, qui vise à accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d'ouvrage hydraulique agricole. Cela conduirait à une restriction disproportionnée du droit au recours.

Ces articles 13 et 15, auxquels j'ajouterai l'article 17, constituent des régressions marquées en matière environnementale et nous proposerons de les supprimer en quasi-totalité.

Je précise, à titre d'exemple, pour éclairer encore davantage cette tendance à la régression, que, entre le texte voté à l'Assemblée nationale et celui qui nous est proposé aujourd'hui, nous sommes passés de dix-sept occurrences du terme « agroécologie » à trois occurrences. Je ne fais là qu'un constat…

Mais, surtout, le projet de loi est imparfait au regard de toutes ses lacunes, de tous les manques et de toutes les thématiques restées sans réponse. Nombre de propositions cruciales qui constitueraient des réponses viables, concrètes et directes aux attentes des paysans ne sont pas évoquées dans le texte et seront considérées comme irrecevables durant nos discussions.

Ainsi, le texte ne prévoit aucune mesure sur le revenu agricole alors que, en trente ans, le revenu net de la branche agricole a baissé de près de 40 % en France en euros constants, avec une forte hétérogénéité en fonction des catégories d'exploitation. Les agriculteurs ne demandent qu'à vivre dignement de leur travail !

Aucune mesure non plus sur la construction des prix, reportée à une éventuelle cinquième loi Égalim, puisque nous avons cru comprendre qu'il en serait ainsi, madame la ministre. Toutefois, je ne sais pas quand ce texte nous sera soumis.

Aucune mesure sur le foncier pour lutter contre l'accaparement des terres. Il s'agit pourtant d'un élément indispensable à l'installation de nouvelles exploitations. Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une grande loi foncière.

Aucune mesure de réorientation de la PAC, alors que nous savons très bien que 25 % des agriculteurs captent les deux tiers des aides à l'échelle française. Nous avons pourtant des leviers à travers le plan stratégique national (PSN), qui est à votre main, madame la ministre.

Aucune mesure non plus d'accompagnement à la transition agroécologique. Pis encore, nous constatons même une forme de régression dans le cadre des articles du titre IV ! Pourtant, nous ne sommes pas des fanatiques ni des « obscurantistes verts », comme certains d'entre vous aiment à nous qualifier, mes chers collègues : nous souhaitons simplement installer de jeunes agriculteurs sur des sols qui fonctionnent ; nous souhaitons simplement que l'exercice de leur métier ne les rende pas malades ; nous souhaitons simplement que les agriculteurs puissent produire une alimentation saine et accessible à tous ; nous souhaitons simplement permettre aux paysans de vivre de leur métier.

Comment peut-on concevoir une loi programmatique, qui s'appliquera à tout un secteur pendant les dix prochaines années sans aborder toutes ces questions ?

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'opposeront à ce projet de loi, qui n'est pas à la hauteur des attentes du monde agricole. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi d'orientation agricole n'est rien d'autre que la botte de paille de Gabriel Attal, il y a un an, ce jeune « bobo » parisien en costume-cravate et chaussures Weston qui joue au paysan devant un parterre de journalistes sans apporter de réponses à la hauteur des enjeux. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Depuis les manifestations de colère historiques de nos paysans en février 2024, aucune des trois grandes promesses n'a été tenue. Les importations d'Ukraine continuent d'inonder notre marché national. Des accords internationaux autres que le Mercosur, comme l'Accord économique et commercial global (Ceta), sont toujours sur la table. Le pacte vert, pacte de décroissance et de corruption, avec ses 10 % de jachères et sa folie normative, est toujours là. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Le moment de clarté imposé par Donald Trump doit nous conduire à sortir du moment de confusion macronien dans lequel tous les partis politiques qui ont soutenu la construction européenne et l'idéologie décroissante se retrouvent aujourd'hui. Toute promesse à l'égard de la ruralité et du travail paysan sera vaine si vous ne décidez pas de sortir de vos ambiguïtés structurelles.

En effet, madame la ministre, vous ne pouvez pas parler de « souveraineté alimentaire et agricole » sans sortir des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). J'ai d'ailleurs déposé une proposition de loi constitutionnelle pour reconnaître cette exception agriculturelle. Il faut donc que vous préfériez nos paysans à l'OMC.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas encourager la concurrence libre et non faussée à l'intérieur de l'Union européenne tout en poursuivant le harcèlement bureaucratique et la surtransposition des directives européennes en matière agricole qui aggravent la concurrence déloyale. Pour réussir, il faut préférer nos paysans à la fausse morale décroissante.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas soutenir les agents de l'Office français de la biodiversité (OFB), ou plutôt de l'organisation des fanatiques de la biodiversité, qui traitent nos paysans comme des dealers, ni supporter que des ONG fassent la loi à Bruxelles avec notre argent dilapidé par la Commission européenne. Il faut donc préférer nos paysans à l'OFB, aux ONG et à l'Union européenne.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas participer à un exécutif qui soutient Ursula von der Leyen, la fédéraliste européenne, « en même temps » qu'il inscrit la souveraineté alimentaire et agricole dans la loi française. Vous devez définitivement préférer les paysans français à la Mère Fouettarde allemande !

Sans volonté d'avoir une action claire pour sortir de ces impasses, vous réduisez ce texte à un feu de paille porté par des hommes de paille et condamnant le reste de nos agriculteurs à finir… sur la paille !

L'agriculture française sera souveraine si les paysans vivent souverainement de leur travail et ont la capacité d'en transmettre le fruit sans être étouffés par la fiscalité, la souveraineté agricole et la dignité paysanne allant de pair.

Madame la ministre, nous savons que, depuis le mois de juillet dernier, l'agenda du président Macron s'est considérablement allégé, au point de lui permettre de s'occuper des prix du billet d'entrée au Louvre ou du paiement du péage autoroutier avec un smartphone. Aussi, conseillez-lui, je vous en prie, de s'intéresser enfin aux tarifs douaniers sur les importations alimentaires que souhaitent nos agriculteurs et dont ils ont tant besoin. Un peu de « trumpisme » ne fera pas de mal et cela permettra peut-être au Président de la République de visiter le salon de l'agriculture qui débutera le 22 février prochain entouré de paysans et non plus de CRS.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui dans une séquence intense de textes portant sur l'agriculture. Ils se bousculent enfin et c'est tant mieux, car il est plus qu'urgent de transformer notre modèle agricole.

Ces débats traînent depuis juin dernier, ce qui nous aura au moins permis d'avoir un peu plus de temps pour analyser la situation et choisir les combats prioritaires à mener. Nous sommes prêts aujourd'hui à en discuter et à faire de ce texte un nouveau moteur pour l'agriculture française. Cette réussite passe par des décisions claires, efficaces et, surtout, en adéquation avec les réalités auxquelles font face nos agriculteurs.

Le regard des Français sur l'agriculture doit changer. Il est temps de stopper le bashing des détracteurs de la ferme France. Nos agriculteurs souffrent, le métier n'attire plus, faute de rémunération suffisante. Les précédentes crises, notamment l'invasion de l'Ukraine, nous ont rappelé à quel point notre indépendance énergétique et alimentaire est aujourd'hui indispensable.

Stop à la surréglementation, à l'inflation normative et à la surtransposition ! Notre agriculture doit retrouver son rang de premier exportateur européen.

Je tiens à saluer la réactivité du gouvernement Attal, qui avait su apporter des réponses concrètes lors de la crise agricole de janvier 2024, notamment face à la maladie hémorragique épizootique (MHE), monsieur Ravier. C'était il y a un an. Depuis lors, les tensions se sont à nouveau exacerbées lors des négociations entre l'Europe et le Mercosur.

Alors oui, des solutions conjoncturelles et rapides sont indispensables. C'est pourquoi je nous félicite d'avoir adopté la semaine dernière la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. C'est une réponse directe à certaines difficultés rencontrées par la profession.

Cependant, à quelques semaines du salon de l'agriculture, nous savons que les attentes sont aussi fortes que justifiées.

Au-delà des crises ponctuelles, la multiplicité des enjeux auxquels nous sommes collectivement confrontés appelle des solutions structurelles. Tel est l'objet de ce projet de loi.

Il ne s'agit ni d'une loi d'urgence ni d'une loi de circonstance, mais d'un texte d'orientation, qui déterminera la direction que nous entendons donner à notre agriculture à l'avenir. Celle-ci doit assurer notre souveraineté alimentaire, la transmission et le renouvellement des générations.

Ce projet de loi doit s'inscrire dans la durée comme une première étape de planification.

Dans le contexte international actuel, nous devons nous demander si une nation incapable de produire ce qu'elle consomme peut encore espérer rester indépendante.

Je tiens à saluer le travail réalisé sur ce texte par plusieurs de nos collègues députés pour enrichir certaines définitions et préciser des dispositions. Le projet de loi initial était déjà issu d'un long travail de contributions et de réflexion.

Néanmoins, toutes les évolutions ne sont pas au niveau des enjeux, et le texte reste insatisfaisant en l'état.

Je salue le premier travail effectué par mes collègues issus des différentes commissions saisies, notamment au sein de la commission des affaires économiques. Nos échanges nous permettront de simplifier certaines dispositions et d'en préciser d'autres.

À l'article 1er, les précisions apportées à l'Assemblée nationale, sous la houlette du groupe Horizons & Indépendants, étaient les plus susceptibles de répondre à ces défis.

Largement réécrit en commission, cet article doit consacrer la souveraineté alimentaire, sans complexification supplémentaire. C'est pourquoi plusieurs sénateurs de mon groupe ont déposé des amendements visant à le reformuler.

Si nous n'arrivons pas à faciliter l'installation et la transmission, le futur de la profession risque de s'assombrir de manière dramatique. N'oublions pas que, derrière ces questions, se pose un important enjeu d'aménagement du territoire.

Nous savons depuis longtemps que les trop nombreuses cessations d'activité ne sont pas compensées. Malheureusement, le temps perdu ne se rattrape pas. Aussi, je vous propose d'employer celui qui nous reste avec une efficacité redoublée.

En matière de communication, il sera donc indispensable de faire connaître les métiers de l'agriculture, de moderniser l'enseignement et de faire suffisamment de pédagogie pour changer le regard des Français.

Innovations techniques et scientifiques, New Breeding Techniques : il faudra faire preuve de flexibilité pour inclure les nouvelles pratiques qui ont fait la preuve de leur efficacité le plus rapidement possible, tout en s'adaptant au changement climatique et à la baisse de la ressource en eau. Nous ne devons pas avoir peur des avancées technologiques, car elles sont indispensables.

J'en viens à la transmission. Les jeunes qui s'installent ne sont plus enfants, ni même petits-enfants, d'agriculteurs. Les nouveaux exploitants ne veulent pas forcément être propriétaires de leurs terres, ou ne le peuvent simplement pas. Nous devons donc réfléchir à de nouveaux outils, et leur en proposer.

C'est en cela que le mécanisme des groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI) présenté par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, dont la proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises a été adoptée par le Sénat en 2023, se révèle intéressant. Le Gouvernement l'avait inscrit dans le projet de loi initial. Nous vous proposons de l'y réintroduire.

Nous aurons également l'occasion de revenir sur la haie, le défrichement et les installations d'assainissement.

Le groupe Les Indépendants est, et restera, très investi et attentif durant nos échanges, qui s'annoncent longs et passionnés, en se plaçant toujours aux côtés de nos agriculteurs et de nos concitoyens. Il y va de l'état de la France et de sa souveraineté.

Ainsi, nous réservons notre position quant au vote final en fonction de l'évolution du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Guislain Cambier et Jean-François Longeot applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le monde agricole traverse depuis de trop longues années une succession de crises graves et persistantes au point d'en devenir existentielles.

Les origines de ces crises sont bien connues. Entre les surtranspositions pénalisantes, une bureaucratie tatillonne, des règles de négociations commerciales trop peu respectées et mal sanctionnées, des accords de libre-échange mortifères et un climat politico-médiatique qui alimente l'agri-bashing, comment s'étonner de l'effondrement de notre compétitivité et du découragement du monde paysan ?

Notre agriculture est confrontée à des défis immenses, et je veux souligner ici le soutien inconditionnel et constant de la majorité sénatoriale au monde agricole. Le travail mené par les deux rapporteurs du texte que nous examinons aujourd'hui en est une nouvelle illustration.

Comme l'a rappelé Laurent Duplomb, ce projet de loi d'orientation agricole porte assez mal son nom, tant il se montre trop bavard sur certains sujets et étonnamment muet sur d'autres. Les amendements adoptés en commission ont heureusement permis d'en corriger de nombreux aspects, d'en renforcer la normativité et d'en simplifier le contenu.

Le Sénat a par exemple enrichi les dispositions en matière d'installation et de transmission des exploitations agricoles. Il y a urgence à agir quand on sait que, d'ici à 2030, la France pourrait perdre encore 47 000 exploitations et qu'un tiers des agriculteurs seront partis à la retraite.

Je pourrais aussi citer toutes les dispositions permettant d'alléger les contraintes et la pression psychologique pesant sur les agriculteurs en cas de contrôle et de sanction, ou encore la réécriture complète de l'article sur le statut et le régime juridique des haies.

Je salue également la réécriture des dispositions relatives à l'enseignement agricole, lesquelles reprennent d'ailleurs certaines propositions que nous avions formulées en 2021 dans le rapport de la mission d'information sénatoriale portant sur le sujet.

Chacun le sait, si ce projet de loi contient des avancées importantes, il ne produira pas non plus de miracle. Ce texte ne doit être que l'un des maillons d'une séquence agricole plus vaste, composée de textes parlementaires et de mesures budgétaires.

Je pense en particulier à la réforme des retraites agricoles sur les vingt-cinq meilleures années que nous défendons depuis longtemps au Sénat. Un nouveau mode de calcul est rendu nécessaire par l'aggravation des aléas climatiques et l'instabilité croissante des revenus des agriculteurs.

Cette réforme entrera en vigueur dès le 1er janvier 2026, si et seulement si le projet de loi de financement de la sécurité sociale est adopté. Elle permettra d'augmenter la pension des polypensionnés et de rendre les travailleurs non salariés agricoles exerçant leur activité à titre secondaire éligibles aux minima de pension.

J'en profite pour rappeler, madame la ministre, qu'il est indispensable que la rétroactivité, prévue à partir de mars 2028, ne soit appliquée que pour des cas très exceptionnels.

La réponse à la crise agricole passe aussi par l'Union européenne, et l'on ne peut que regretter ici la perte d'influence de la France à Bruxelles, où notre voix ne porte plus. La résolution européenne sur la politique agricole commune (PAC) adoptée par notre assemblée en décembre dernier montre que le chemin est encore long. Les solutions futures de la PAC seront cruciales pour la sécurité alimentaire et la stabilisation des revenus des agriculteurs.

Pour conclure, mes chers collègues, l'agriculture est à un tournant de son histoire. Si nous ne réagissons pas maintenant, il sera bientôt trop tard. Défendre notre agriculture, ce n'est pas seulement défendre nos agriculteurs : c'est aussi défendre les Français et leur droit à une alimentation saine et sûre. Il s'agit aussi d'un enjeu de santé publique.

Madame la ministre, nous vous attendons donc ici comme à Bruxelles !

Pour cette raison, et parce que les attentes sur le terrain n'ont jamais été aussi fortes, nous voterons en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Jacquemet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Jacquemet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après plusieurs mois d'attente et de reports, l'examen de ce texte, quelques jours après l'adoption de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, est une excellente nouvelle.

La vocation de ce texte, tant attendu par les acteurs du monde agricole, est double.

D'une part, il s'agit de traiter les problématiques liées à l'orientation, à la formation, à la transmission et à l'installation.

D'autre part, ce texte doit apporter des réponses concrètes à la mobilisation des agriculteurs qui a eu lieu au début de l'année 2024.

Alors qu'un agriculteur sur deux aura atteint l'âge de la retraite d'ici à 2030, l'immense défi du renouvellement des générations est devant nous. Si ce projet de loi entérine la création d'un guichet unique d'accueil, d'orientation et d'accompagnement, dénommé France installations-transmissions, chacun sait que cette seule mesure ne suffira pas.

La crise démographique à l'œuvre dans le monde agricole n'est pas une fatalité. J'en veux pour exemple mon département, le Doubs, où l'agriculture est principalement orientée vers l'élevage bovin laitier. En raison des débouchés offerts par la production de fromages d'appellation d'origine contrôlée (AOC), la population d'exploitants y est la plus jeune de France, avec un âge moyen avoisinant les 47 ans. Le taux de remplacement y est proche de 95 %, grâce à une bonne dynamique d'installation : on dénombre ainsi 80 à 100 installations par an.

Mon territoire en est la preuve : le sujet de l'attractivité des métiers agricoles auprès des jeunes est intimement lié à celui de la viabilité du modèle économique des exploitations.

Tout en s'adaptant aux multiples transitions qu'ils observent en première ligne, celles et ceux qui nous nourrissent doivent continuer d'assurer leur mission première. Nous soutenons l'initiative des rapporteurs d'introduire à l'article 1er un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire de la Nation.

L'ambition de ce texte en matière de formation est louable tant l'enseignement agricole constitue un puissant levier pour transmettre aux jeunes générations les compétences d'aujourd'hui et de demain. La formation à l'agriculture biologique, financée à hauteur de 180 millions d'euros chaque année, ne doit pas être oubliée. Il serait contre-productif et incohérent d'opposer les modèles.

Plus largement, nous devons retisser des liens entre l'agriculture et notre société. J'ai la conviction que l'établissement du programme national d'orientation et de découverte des métiers agricoles, prévu par ce texte, y contribuera.

J'en viens au volet consacré à la simplification normative. Il est urgent de faciliter la vie de nos agriculteurs, victimes de la complexité du cadre réglementaire et législatif qui leur est imposé. Si ce texte comporte bien quelques réponses en matière de gestion des haies ou d'approvisionnement en eau, il nous faudra aller beaucoup plus loin.

Je veux dire un mot du devenir de la profession vétérinaire, dont chacun sait le rôle essentiel qu'elle joue dans le monde agricole. L'article 7 du projet de loi, travaillé avec les organisations professionnelles concernées, vise à autoriser les auxiliaires vétérinaires justifiant de compétences certifiées à réaliser certains actes de médecine et de chirurgie vétérinaires. Madame la ministre, afin de préserver le fruit d'un large compromis, nous comptons sur votre extrême vigilance pour que le décret d'application demeure fidèle au contenu de cet article.

Enfin, sénatrice d'un territoire dont les éleveurs subissent la présence du loup, force est de constater que les dispositions prévues par l'article 16 n'auront qu'une portée limitée. Cette question devrait continuer à être traitée dans les prochaines années, car c'est bien l'avenir de l'élevage français qui est en jeu.

Le projet de loi, sans résoudre tous les problèmes, contient des avancées réelles pour les acteurs du monde agricole. Le groupe Union Centriste votera ce texte qui apporte des solutions concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, mes chers collègues, « vieux monde qui se meurt », « clair-obscur d'où surgissent les monstres » : vous vous êtes inspirée, madame la ministre, de la pensée d'Antonio Gramsci, communiste italien, penseur marxiste-léniniste, pour introduire votre discours. Excellente référence ! (Sourires.)

Nous devons comprendre le moment présent et dire « le nouveau monde » que nous voulons pour demain. Tel sera l'objet de mon intervention.

En 2014, prenant acte de la nécessité et de l'urgence d'une action publique en faveur du climat et de l'environnement, la France se dotait d'une loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Cette loi portait sur les fonts baptismaux l'agroécologie, en lui fixant un triple objectif de performance économique, sociale et environnementale.

Dix ans plus tard, une évaluation, ou du moins un point de situation au regard de ces objectifs, aurait été utile pour répondre aux difficultés identifiées et prolonger la démarche avec une efficacité accrue.

En effet, sauf à considérer qu'il n'y a rien à faire et que les tendances observées doivent se poursuivre, certains sujets conditionnent fortement le devenir de l'agriculture française à l'ère des transitions écologique et énergétique.

La diminution très forte du nombre d'exploitations et d'emplois, les difficultés à recruter du personnel, les pertes de surface utile ou encore le niveau des rémunérations illustrent le caractère darwinien des évolutions à l'œuvre. La sélection économique naturelle se poursuit inéluctablement !

Dans ce contexte, les expressions récentes et diverses de la profession agricole auraient mérité d'être mieux entendues et prises en compte pour répondre aux difficultés.

Je pense en premier lieu à celles qui sont relatives au revenu.

À partir d'une très bonne idée, celle des États généraux de l'alimentation, les lois Égalim se sont succédé sans apporter de solutions satisfaisantes ou pérennes aux agriculteurs les plus en difficulté.

Tant que cette question ne sera pas résolue, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les agriculteurs manifesteront, à juste titre, et on trouvera de moins en moins de candidats à l'installation ou à la reprise… Rien, hélas, dans le texte dont nous allons débattre ne nous permettra de leur apporter des solutions sur ce point.

La formation, le conseil et le diagnostic des exploitations, au demeurant nécessaires et même développés à haut niveau, ne répondront pas à la question du revenu pour le plus grand nombre.

Dans un contexte de concurrence souvent exacerbée où le marché fait loi, le développement de l'agroécologie nécessite aussi la définition et la mise en œuvre d'outils de régulation des marchés et des prix.

Pourtant, des outils disponibles pourraient être mis en œuvre, comme le fonds de stabilisation du revenu agricole que le groupe socialiste avait fait adopter ici même en 2016 ; Henri Cabanel s'en souvient.

La PAC actuelle contribue au revenu des agriculteurs, mais de façon uniforme et rigide. Sans pouvoir de marché – et c'est le cœur du problème –, les producteurs subissent d'autant plus la volatilité des prix que tous les mécanismes de régulation qui existaient ont disparu.

Le dernier en date était celui des quotas laitiers. Sa suppression a entraîné la quasi-disparation du cheptel productif et a ouvert la voie à une nouvelle étape de réduction de la polyculture-élevage sur certains territoires, comme dans mon département du Gers.

Dans l'Union européenne, peu de pays ont mis en place des dispositifs de gestion des risques de marché, alors que le règlement n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 le permet toujours.

Il serait également utile de réfléchir à la régulation de certains marchés à partir de corridors de prix, entre prix plancher et prix plafond, comme c'est le cas dans d'autres secteurs économiques.

Des évolutions structurelles de la PAC doivent donc être envisagées. Alors que le budget qui lui est consacré est le premier de l'Union européenne, la légitimité de la PAC est de plus en plus remise en cause par le grand public.

Plus fondamentalement, la question des modèles agricoles que les États membres entendent soutenir se pose.

Dans l'objectif d'un approfondissement du modèle agroécologique et d'une meilleure prise en compte du travail des agriculteurs, la PAC devrait progressivement passer de primes surfaciques à des paiements pour services environnementaux.

L'application de l'article 45 du règlement du Sénat nous empêche d'aborder ces sujets dans le cadre du texte que nous allons examiner cette semaine. Pour autant, il serait intéressant, madame la ministre, que vous nous exposiez votre vision des évolutions souhaitables de la PAC pour soutenir le revenu du plus grand nombre d'agriculteurs dans un contexte de transition écologique qui reste à approfondir.

Je pense tout particulièrement à la qualité biologique et sanitaire des sols et au maintien de la polyculture-élevage, absolument vitale pour le devenir de pans entiers de notre territoire national.

Il n'est pas trop tôt pour engager ce débat à propos de la prochaine PAC et du plan stratégique national de la France qui en résultera.

Nous regrettons aussi que ce projet de loi ne contienne pas de mesures concrètes sur le foncier. De même, nous déplorons l'abandon du projet de grande loi foncière dont nous avons besoin pour infléchir les tendances constatées, qui, en l'état, semblent inéluctables.

Quels sont vos objectifs en matière d'emplois agricoles, de nombre d'exploitations et de surface agricole utilisée (SAU) moyenne ?

Je rencontre de nombreux agriculteurs, dans le Gers et ailleurs, qui sont inquiets et n'arrivent plus à se projeter dans un avenir souhaitable pour eux. Ils dissuadent souvent leurs enfants de prendre leur suite… Cela, hélas, en dit long.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ce n'est pas étonnant, avec tout ce qu'on leur raconte !

M. Franck Montaugé. Ces attitudes et ces questionnements masquent un désespoir, qui – on le sait – conduit parfois au pire.

Se pose aussi la question du modèle agricole que l'on veut se donner. Souhaitons-nous aller vers une agriculture d'industrie, faite de sociétés d'investissements et d'exécutants ? Préférons-nous une agriculture qui laisse sa place à un modèle agroécologique pleinement inséré dans des territoires ruraux socialement et économiquement vivants ? Devrions-nous plutôt chercher une coexistence de ces deux modèles au profit d'un développement territorial assumé ?

Telle est, au fond, la véritable question politique qui se pose.

Il faut d'abord répondre à cette interrogation centrale pour ensuite débattre de la reconnaissance de l'agriculture comme « d'intérêt général majeur » que vous proposez d'introduire dans ce texte.

Dans le même esprit, la notion de souveraineté alimentaire doit être débattue pour que soient prises en compte les composantes sociale, environnementale et économique du concept en même temps que le rapport du global au local. C'est ainsi que nous pourrons appréhender la question territoriale dans une perspective humaniste, voire universaliste.

En définitive, et sans préjuger des apports de ce débat, nos attentes relatives à l'approfondissement nécessaire de la transition agroécologique ne sont que très peu, voire pas du tout, prises en compte dans ce texte, pas davantage que les revendications légitimes d'une grande partie du monde agricole en difficulté.

Puisse notre débat éclairer les choix de société que reflètent les modèles agricoles en présence ! Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain y contribuera. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Laurent Somon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « le paysan meurt de faim et son maître de gourmandise », mais aussi de suradministration ou d'idéologie, pour reprendre, en le paraphrasant, un proverbe polonais !

« L'écologie ne pourra pas se faire contre les gens ni sans eux », disait Michel Barnier, qui, avant d'être Premier ministre, fut également ministre de l'agriculture et ministre de l'environnement. Le projet de loi d'orientation agricole qui nous réunit aujourd'hui démontre le besoin de relever ensemble le défi d'entreprendre ensemble en agriculture.

Les Français seront les grands gagnants de cette réussite, tant pour la qualité des productions que la protection de notre biodiversité. La véritable question est donc celle de la compétitivité des agriculteurs français, de la confiance que leur accorde la société et des orientations que notre pays souhaite pour le développement et la pérennisation de son agriculture.

« Le monde agricole ne peut pas être géré par des théories, il est régi par la réalité », comme le disait Olivier de Kersauson, un laboureur des mers amoureux des grands espaces.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Très bien !

M. Laurent Somon. Ce défi d'entreprendre est aujourd'hui un casse-tête, en agriculture également. Les agriculteurs expriment leur lassitude face à l'avalanche de normes, aux interdictions – responsabilité juridique, installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) –, aux impératifs, dont l'application est parfois complexe – rotation des cultures, jachères, entretien des haies –, et aux accords commerciaux déséquilibrés.

La crise agricole de 2023 nous conduit à prendre des mesures qui seront votées définitivement avant le salon de l'agriculture, étape annuelle importante pour les agriculteurs, mais aussi pour les pouvoirs publics, et plébiscité par les Français.

Il n'y a pas, d'un côté, le monde agricole et, de l'autre, les défenseurs de l'environnement. L'agriculture, c'est de l'intérêt général, et le Sénat y veille.

Nous faisons face à deux enjeux à cet égard : le vieillissement inédit de la population agricole et le déficit d'attractivité des métiers en agriculture, eu égard au manque de perspectives et aux incertitudes de revenus.

Le projet de loi d'orientation agricole a été voté en mai 2024 par les députés, à la suite d'une promesse faite par Emmanuel Macron en 2022. Le travail des rapporteurs a permis de clarifier le texte et d'améliorer les outils prévus afin qu'ils soient vraiment au service des agriculteurs. Les rapporteurs ont souhaité inscrire en ouverture du code rural et de la pêche maritime que « la souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation » et que « l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur ».

Les travaux en commission ont conduit à proposer à notre assemblée un principe de non-régression agricole, afin que notre souveraineté alimentaire soit protégée au même titre que l'environnement, ainsi qu'un principe de non-surtransposition, de manière à ce que la France cesse de pénaliser la compétitivité de son agriculture par un suractivisme normatif.

Les rapporteurs rappellent que la future loi d'orientation agricole est le maillon d'une vaste séquence agricole, dans laquelle figurent également les mesures budgétaires contenues dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, l'excellente proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie ou encore la proposition de loi relative à l'exercice de la démocratie agricole. Nous sommes donc loin, très loin, de la loi d'orientation de 1962.

La commission des affaires économiques a examiné 644 amendements. Le Sénat a donc réalisé un excellent travail de réécriture et de simplification pour améliorer le texte. Je remercie nos deux corapporteurs, Laurent Duplomb, du groupe Les Républicains, et Franck Menonville, du groupe Union Centriste.

Ce projet de loi ne réglera pas tous les problèmes de l'agriculture. Il fixe principalement des objectifs louables, mais encore insuffisants pour faire face aux défis de la transmission des exploitations.

On peut souligner l'importance du dispositif de l'article 10. L'article 9, quant à lui, permettra aux repreneurs d'appuyer leurs projets sur un diagnostic.

Sans dresser une liste exhaustive de toutes les mesures, mentionnons aussi la volonté d'anticiper la fin d'activité et de promouvoir la formation, la suppression des GFAI, la création d'un guichet unique, la réécriture des dispositions sur les diagnostics modulaires des exploitations, la cartographie des opportunités et risques de marché à vingt ans pour aider les candidats à l'installation, la dépénalisation de certaines infractions environnementales non intentionnelles ou résultant d'un conflit de normes, ou encore la simplification du dispositif relatif aux haies.

Mme la présidente. Mon cher collègue, il faut conclure.

M. Laurent Somon. Depuis près d'un an, les agriculteurs de presque tous les départements attendent des mesures d'ordre législatif, conformément aux promesses qui leur ont été faites.

Le groupe Les Républicains votera donc ce texte, et appelle à ce qu'il produise au plus vite ses effets sur notre compétitivité agricole. Redonnons confiance aux paysans dans leur pays et affirmons l'attention de notre pays à l'égard de ses paysans ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Bleunven applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bleunven. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Yves Bleunven. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, enfin, nous y voilà !

Malgré l'enlisement qu'a connu ce projet de loi, je tiens à saluer le travail remarquable des rapporteurs, qui ont su transformer un texte initialement peu engageant en une véritable promesse d'avenir pour nos agriculteurs.

M. Yves Bleunven. Tous nos débats dans cet hémicycle devront s'articuler autour de deux notions fondamentales : la compétitivité et la souveraineté. Ce n'est qu'en renforçant ces deux piliers de notre agriculture que nous pourrons répondre aux défis de l'attractivité et de l'adaptation au changement climatique.

L'agriculture française est belle, et bénéficie d'une reconnaissance dans le monde entier. Pourtant, le constat est sans appel : notre agriculture décline. Nous marchons bel et bien sur la tête.

La ferme France perd des parts de marché à l'international, tandis que sa production, que l'on a cherché à faire monter en gamme, devient de plus en plus l'apanage d'une minorité de Français aisés.

Parallèlement, l'inquiétude grandit face à une agriculture où les fermes familiales laisseraient place à des exploitations industrielles. L'image d'Épinal du paysan de village reste chère au cœur des Français, mais la réalité a évolué : la mécanisation a réduit le nombre d'agriculteurs, agrandi les exploitations, et fait de la productivité et de la compétitivité des enjeux incontournables, tout en offrant des conditions de travail bien meilleures.

Trop longtemps, ces sujets ont été éludés, comme si l'agriculture ne pouvait être qu'une vocation détachée des réalités économiques et sociétales. Or nos paysans sont avant tout des entrepreneurs, dont l'activité repose sur une logique de coûts et de bénéfices. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille sacrifier tout à la rentabilité.

Notre responsabilité est de garantir à nos agriculteurs un revenu digne et d'engager une véritable simplification des normes et des obligations. J'en veux comme exemple les contraintes administratives liées aux seuils d'ICPE pour nos élevages qui, comme d'habitude, vont au-delà de ce que nous impose la législation européenne.

Le texte qui nous est proposé est une belle promesse pour nos paysans, mais nous devons rester vigilants.

Le titre Ier érige l'agriculture « au rang d'intérêt fondamental de la Nation » et la consacre, à l'article 1er, comme étant d'« intérêt général majeur ». Néanmoins, cet article n'est que bavardage s'il ne vient pas concrètement renforcer la protection des agriculteurs face aux trop nombreuses attaques qu'ils subissent. Ces affirmations doivent nous permettre de créer du droit et de défendre concrètement nos agriculteurs.

Les mesures du titre II laissent, quant à elles, transparaître une lueur d'espoir en matière d'éducation et de formation des futures générations. Le texte apporte quelques réponses au défi de l'attractivité du métier. En revanche, face au bouleversement démographique à venir, nous allons devoir mieux anticiper la transmission. Le sujet du foncier, véritable marronnier, devra, à cet effet, être au cœur des discussions à venir.

Nous avons besoin d'un cap clair pour relancer notre innovation, alléger nos coûts de production et redonner des perspectives à notre agriculture – une véritable loi d'orientation en somme.

Madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous attendions avec impatience ce texte,…

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Yves Bleunven. … nous pouvons, sur la base du travail de fond mené en commission, apporter ensemble en séance de premières réponses en faveur de la ferme France, afin que notre agriculture renoue avec l'optimisme. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Béatrice Gosselin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'agriculture française est à un tournant. Vieillissement des exploitants, difficultés d'installation et de transmission, poids administratif écrasant : nos agriculteurs demandent des réponses fortes.

Ce projet de loi consacre enfin la souveraineté alimentaire comme un intérêt fondamental de la Nation. C'est une avancée nécessaire, mais elle doit s'accompagner d'une programmation pluriannuelle ambitieuse, avec des objectifs précis et des moyens adaptés. Proclamer ne suffit pas, nous devons agir !

L'un des enjeux majeurs de ce texte concerne l'installation et la transmission des exploitations. Dans mon département de la Manche, nous avons recensé 108 installations aidées en 2023 et 96 en 2024. Ces chiffres demeurent cependant insuffisants face aux objectifs affichés par la région Normandie de 450 installations par an, dont 150 dans la Manche.

Par ailleurs, l'évolution des modèles d'exploitation doit être prise en compte. En Normandie, terre d'élevage, seulement 38 % des installations concernent l'élevage bovin laitier.

Ce constat impose d'adapter nos dispositifs d'accompagnement. Le guichet unique France Services agriculture, désormais rebaptisé France installations-transmissions, doit être pleinement opérationnel pour accompagner efficacement ces transitions. Son rôle doit être clair : mettre en relation cédants et repreneurs, et faciliter chaque étape, de l'installation à la transmission.

Dans la Manche, entre 2019 et 2024, nous avons perdu 1 100 exploitants agricoles. Certes, cette baisse a été partiellement compensée par une hausse de 1 000 emplois salariés agricoles, mais cela ne suffit pas. Il est impératif d'assurer un renouvellement dynamique et durable des générations agricoles, dont la formation est un élément important.

L'article 4 du projet de loi encadre la contractualisation avec l'État, notamment au travers des contrats de plan régionaux de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP) dans l'enseignement agricole.

Je le regrette mais, malheureusement, depuis 2022, les établissements privés de l'enseignement agricole se retrouvent lésés. L'État a modifié la base de calcul des aides, excluant les financements régionaux qui bénéficient pourtant aux lycées agricoles publics. Résultat, le manque à gagner est estimé entre 35 millions et 40 millions d'euros, soit 25 % des subventions actuelles. Ce déséquilibre fragilise directement ces établissements et compromet leur capacité à former la prochaine génération d'agriculteurs. Il est impératif de rétablir une égalité de traitement en prenant en compte l'ensemble des financements nécessaires à leur bon fonctionnement.

Concernant l'article 13, qui allège la pénalisation de certaines infractions environnementales, nous allons dans la bonne direction. Mais nous devons consacrer un véritable principe de présomption de bonne foi pour nos agriculteurs. Ils ne doivent plus être traités comme des suspects face à des réglementations toujours plus complexes.

L'article 14 introduit une nouvelle réglementation des haies, un enjeu fondamental pour nos exploitants.

En Normandie, le bocage est un élément structurant de notre paysage agricole. Il est donc essentiel d'accompagner cette transition en prévoyant des dispositifs de soutien technique et financier pour les agriculteurs. La gestion des haies doit être territorialisée afin d'être un atout à la fois pour l'environnement et pour la rentabilité des exploitations.

Pour les professionnels de l'agriculture, nous devons veiller à une mise en œuvre équilibrée qui prenne en compte à la fois les exigences environnementales et la réalité du travail des agriculteurs.

Enfin, nous devons mieux anticiper les effets des infrastructures électriques et de télécommunications sur les exploitations agricoles. L'amendement que j'ai déposé après l'article 15 vise à imposer un diagnostic préalable obligatoire avant toute installation d'éolienne, de panneaux solaires ou d'antenne-relais à proximité d'un élevage. En effet, trop d'exploitants découvrent tardivement les effets des courants parasites sur leurs animaux, ce qui met en péril leur activité.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Béatrice Gosselin. Ce projet de loi constitue une première étape, mais il est encore perfectible. Nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard.

M. Pascal Allizard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d'abord nos collègues rapporteurs des commissions concernées pour leur travail éclairant et pragmatique sur ce sujet important.

Ce texte tombe à point nommé car l'agriculture française, qui fut un fleuron et une fierté nationale, va mal. La profession, dont le travail est dur et souvent peu rémunérateur, n'attire plus les jeunes. La population agricole vieillit. Les mouvements de colère des derniers mois, qui sont toujours latents, nous rappellent cette situation à quelques semaines de l'ouverture du salon de l'agriculture.

Sur ces travées, nous savons que l'attention portée à la préservation de l'agriculture et à la souveraineté alimentaire est une constante du Sénat. Je salue ainsi l'initiative prise par notre collègue Laurent Duplomb de déposer une proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, qui a été récemment adoptée.

Les nombreux territoires agricoles, et notamment le Calvados, ne veulent plus être les variables d'ajustement des politiques publiques.

En agriculture, comme pour d'autres sujets, le mot « souveraineté », jadis sacrifié à la loi du marché, s'est imposé à la faveur de la crise du covid et de la guerre en Ukraine. Il est l'un des mots-clés de ce texte. Pour autant, la prise de conscience est-elle à la hauteur des enjeux et cette loi suffisante pour inverser la tendance ? Les difficultés sont en effet nombreuses.

Les accords commerciaux européens présentés par Bruxelles comme étant exclusivement « gagnant-gagnant » posent problème au monde agricole. J'avais eu l'occasion de le souligner, en tant que rapporteur, lors du débat sur l'Accord économique et commercial global (Ceta).

Il ne faut pas se voiler la face. Comment défendre notre agriculture quand nos 3 300 milliards d'euros de dette entament notre poids politique et notre crédibilité à Bruxelles ? Quelles marges budgétaires aurons-nous dans les prochaines années pour défendre et moderniser ce secteur ?

La place importante de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans notre économie est une spécificité partagée par peu d'États européens, d'où notre difficulté à trouver des soutiens. C'est actuellement le cas concernant l'accord avec le Mercosur, que la Commission européenne tente, par divers artifices, de faire avaliser.

L'agriculture doit redevenir une priorité. Sinon, nous continuerons à importer toujours plus de produits agricoles, dont certains – on le sait – sont obtenus dans des conditions sociales et environnementales moins bonnes aux nôtres, y compris chez nos voisins européens.

La France a été le deuxième exportateur mondial de produits agricoles ; depuis lors, nous régressons. Ira-t-on vraiment vers plus de souveraineté si les jeunes continuent de s'éloigner des filières agricoles, faute d'avenir dans un système de concurrence faussée ?

Par solidarité, les Européens ont favorisé les importations ukrainiennes. Résultat, plusieurs filières agricoles ont été déstabilisées. De ce point de vue, la perspective de l'entrée dans l'Union européenne de l'Ukraine, pays qui fut durant des décennies la puissance agricole de l'URSS, est un autre sujet d'inquiétude auquel il faudra bien – il ne faut pas se le cacher – apporter une réponse.

La restauration d'une agriculture française compétitive doit être un chantier d'urgence nationale au service de notre souveraineté. Ne commettons pas avec l'agriculture la même erreur funeste qu'avec l'industrie ! C'est une vision de long terme qu'il nous faut, et pas une « politique du chéquier », au coup par coup. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Jeanne Bellamy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise agricole anime la France et la parole publique depuis de nombreuses années. Le sujet est complexe et la crise profonde.

Entre 2018 et 2023, le Parlement a examiné pas moins de trois lois Égalim, qui n'ont pas mis fin à la crise et témoignent de l'impuissance politique. Dès 2019, le Sénat alertait pourtant sur l'état de notre agriculture. En 2022, le rapport d'information Compétitivité de la ferme France dénonçait de nouveau la politique anti-compétitivité menée par le Gouvernement et appelait à un choc d'ici à 2028.

Initialement, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui visait uniquement à répondre à l'urgence du renouvellement des générations. L'urgence est là : la moitié des agriculteurs atteindra l'âge de la retraite entre 2025 et 2026. Or seuls deux départs à la retraite d'agriculteurs sur trois sont remplacés.

En septembre 2022, le Président de la République s'engageait à adopter dans les six mois un pacte d'orientation et d'avenir pour notre agriculture portant sur les sujets de l'orientation, de la formation, de la transmission et de la transition. La concertation a été lancée en décembre 2022 et les rapports ont été déposés six mois plus tard. Entretemps, le mouvement agricole de l'hiver 2023 appelait une réponse du Gouvernement. C'est ainsi que le texte issu de la concertation s'est trouvé enrichi de deux titres, l'un relatif à la souveraineté alimentaire, l'autre à la simplification normative en matière environnementale.

Ce texte, initialement conçu comme une loi de programmation agricole, a donc été présenté comme une réponse à la crise agricole. Déposé à l'Assemblée nationale en avril 2024, il a été voté le mois suivant, mais il faudra encore attendre neuf mois pour que nous puissions l'examiner. L'instabilité politique a un prix, et ce sont nos concitoyens qui le paient.

Devant nos collègues de l'Assemblée nationale, Marc Fesneau, alors ministre de l'agriculture, avait affiché une double ambition : premièrement, « fixer un cap clair et lisible aux agriculteurs » ; deuxièmement, adapter nos politiques publiques agricoles afin de relever deux défis immenses et émergents pour notre souveraineté alimentaire.

Nous partageons ces ambitions, mais le projet de loi proposé n'est malheureusement pas à la hauteur. Il ne correspond pas à une loi de programmation et ne dresse aucune perspective en matière de revenu, de fiscalité, de foncier et d'innovation. Or la question du revenu est essentielle. Comment penser la transmission si les nouvelles générations ne peuvent vivre de leur travail ? Rappelez-vous qu'en 2017 l'une des promesses du candidat Emmanuel Macron était de « permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail ».

Cela fait sept ans que le sujet anime le débat public et que les agriculteurs survivent. Il est temps de répondre à leurs attentes !

Je tiens ici à saluer le travail des rapporteurs et de nos collègues de la commission des affaires économiques, qui ont considérablement enrichi le texte afin de mieux répondre aux ambitions affichées et aux attentes légitimes du monde agricole. Ainsi que l'ont rappelé les rapporteurs, ce projet de loi doit être considéré comme un maillon d'une séquence agricole plus large.

En agriculture, comme dans de nombreux autres domaines, la France souffre des effets d'annonce, de l'absence de cohérence des politiques publiques, et encore et surtout de l'absence d'une vision à long et moyen termes. Plus que des belles paroles, les agriculteurs attendent et méritent des avancées concrètes.

Dans nos départements, et notamment le mien, la Vienne, les agriculteurs sont en grande souffrance financière et psychologique.

Derrière l'agriculture, il y a des femmes, des hommes, des familles qui méritent que nous trouvions enfin les réponses aux difficultés rencontrées, lesquelles durent depuis trop longtemps. Agissons rapidement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite ajouter quelques mots avant que nous n'entamions ensemble un long périple, ainsi que l'examen de multiples amendements, afin de vous donner mon sentiment sur vos interventions.

Vous avez rappelé, madame Bellamy, que ce texte était le fruit d'une volonté ministérielle autre que la mienne. Son auteur, Marc Fesneau – à tout seigneur, tout honneur ! –, a souhaité présenter ce texte à la suite des mouvements agricoles que vous connaissez, avec deux ambitions : donner un cap clair et adapter nos politiques agricoles, en particulier pour renforcer notre souveraineté alimentaire – ce sujet sera souvent évoqué au cours du débat. Je souscris à vos propos et vous en remercie, car il est bon de rappeler l'origine de ce projet de loi très attendu.

Vous avez souligné, monsieur Médevielle, que nous aurions davantage de temps pour en débattre que si nous avions procédé à son examen au mois de juin. Je vous remercie pour ce commentaire positif !

Ce texte, je le répète, est attendu par les agriculteurs. En effet, il est toujours bon de prendre son gain. Or il y a justement dans ce projet de loi des gains pour les agriculteurs ; eux-mêmes le disent !

Vous avez dit, madame Jacquemet, que des solutions concrètes étaient attendues. Il est vrai que l'article 1er pose des orientations qui n'ont pas de déclinaisons programmatiques opérationnelles. Mais il s'agit d'un projet de loi d'orientation, et il nous faut bien définir les axes de la politique que nous allons mettre en œuvre dans les années qui viennent.

Lorsque nous disons que l'agriculture est d'« intérêt général majeur » en tant qu'elle garantit « la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux », ce ne sont pas seulement des mots ! Ces termes vont en effet trouver une traduction juridique. Or, vous le savez, le monde agricole est extrêmement judiciarisé.

M. Vincent Louault. Exactement !

Mme Annie Genevard, ministre. L'introduction de ces éléments sera donc fondamentale dans les débats administratifs et juridiques qui ne manqueront pas – n'en doutons pas ! – de survenir. Vous ne devez donc pas sous-estimer la portée de cet article.

La question de l'enseignement me paraît également très importante.

L'enseignement agricole est une pépite française. Tous les pays européens ne disposent pas d'un enseignement d'une telle qualité. Ceux d'être vous qui sont des spécialistes du sujet et se penchent sur les indicateurs pourront constater que, en matière d'insertion professionnelle, l'enseignement agricole est une école de la réussite. Il faut le dire et le répéter !

Toutes les dispositions du projet de loi relatives à l'enseignement, en particulier celle relative à la création du bachelor agro, sont de nature à répondre en partie au problème de la déprise de l'emploi agricole.

Concernant l'installation et la transmission – des questions absolument fondamentales –, si le présent texte n'apporte pas de réponses à tous les enjeux, il y répond pour partie, notamment au travers de la simplification que représente l'instauration du guichet unique France Services agriculture, que vous avez renommé France installations-transmissions. Nous y reviendrons pour débattre de ce point majeur.

Lorsque j'étais députée, j'ai beaucoup travaillé sur ce projet de loi. Je tiens donc à saluer, à mon tour, le travail de la commission que vous présidez, chère Dominique Estrosi Sassone, et en particulier celui des deux rapporteurs, comme de nombreux orateurs l'ont fait, à juste titre, lors de la discussion générale.

Vos homologues députés ont également beaucoup travaillé. Pendant près de quinze jours, en séance, et, me semble-t-il, tout aussi longtemps en commission, le texte a été largement réécrit.

Il s'agit, un peu comme en archéologie, d'extraire des strates successives la substantifique moelle. Ce travail de simplification, vous l'avez fait, et je l'accomplirai aussi avec vous durant ce débat.

Le guichet unique, qu'on le nomme France Services agriculture ou France installations-transmissions, vise, au fond, une seule et même ambition : la simplification.

D'autres dispositions, elles aussi tout à fait importantes, concernent la dépénalisation des atteintes involontaires à l'environnement. Je tiens à battre en brèche une idée reçue : ce n'est pas l'agroécologie que l'on assassine, contrairement à ce que certains d'entre vous avez affirmé ! Il ne s'agit ici que d'une surtransposition du droit européen. (On opine sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annie Genevard, ministre. En droit européen, je le rappelle, les atteintes involontaires à l'environnement ne sont pas pénalisées. Quant à la dépénalisation prévue dans le projet de loi, elle est bornée : seules les atteintes circonstanciées sont concernées, et non les atteintes définitives, les préjudices graves et les préjudices irréparables. Il faut donc ramener les choses à leurs justes proportions. Ce point du texte n'est pas négligeable.

Sans détailler entièrement le projet de loi, je souhaite citer quelques exemples pour vous montrer qu'il a de la substance, même s'il ne contient pas tout ce que l'on peut en attendre. Vous avez en effet été nombreux à insister sur ce qui manquait dans le texte.

Pour ce qui concerne le foncier agricole, je puis vous dire, pour l'avoir souvent évoqué lorsque j'étais députée, qu'il s'agit d'un sujet en soi. L'introduire dans une loi d'orientation telle que celle-ci aurait donc été, selon moi, une erreur stratégique puisque la question essentielle du foncier aurait alors probablement été rabotée – c'est un mot de circonstance ! –, du fait de sa spécificité et de la multiplicité des thèmes que nous allons aborder.

Cette question mérite aussi d'être revisitée à l'aune d'un certain nombre d'études qui ont été faites, notamment dans mon ministère par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), sur le poids du foncier dans la reprise agricole.

J'étais ainsi persuadée, avant de lire ce rapport, que le foncier constituait une part essentielle dans le coût d'une reprise agricole. Vous seriez surpris, mesdames, messieurs les sénateurs, par les chiffres figurant dans l'analyse du CGAAER ! Nous pourrons y revenir si vous le souhaitez.

Vous avez identifié un autre manque : la question du revenu agricole, laquelle englobe trois sujets.

Le premier sujet recouvre les charges qui pèsent sur l'exploitation agricole. Mes chers amis sénateurs – j'allais dire, par réflexe « mes chers collègues »... (Sourires.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Lapsus révélateur !

Mme Annie Genevard, ministre. Quand on est parlementaire, on le demeure !

M. Cabanel a insisté sur la question du budget de l'agriculture et des moyens que l'on y consacre. Ce budget prévoit presque un demi-milliard d'euros d'allègements de charges pour les agriculteurs. Nous sommes loin de l'épaisseur du trait, vous en conviendrez !

Je puis vous dire que j'ai jalousement protégé ce demi-milliard depuis le premier jour qui a suivi la censure, car je savais ce qu'il en coûterait aux agriculteurs. Aujourd'hui encore, j'ai défendu des allègements menacés par une éventuelle censure, notamment la mesure de défiscalisation en faveur des éleveurs bovins. Et je veux remercier mes collègues de Bercy, Éric Lombard et Amélie de Montchalin, qui ont, eux aussi, protégé ces crédits, ce qui fut tout à fait déterminant.

Je veux répondre à tous ceux qui considèrent, comme M. Ravier, que la politique agricole commune et l'Union européenne sont mauvaises pour les agriculteurs, que pas un seul agriculteur ne pense comme eux !

Les agriculteurs savent ce qu'ils doivent à l'Union européenne en termes de revenus. Le premier pilier de la PAC, je le rappelle, porte notamment les mesures de soutien aux revenus des exploitants agricoles. Et il s'agit de revenus directs ! Il faut donc faire attention à ce que l'on dit.

Le deuxième sujet relatif au revenu est celui de la production.

Il faut pouvoir produire si l'on veut tirer un revenu de son exploitation, ce qui pose la question des moyens de la production agricole, c'est-à-dire la terre, l'eau et la protection des productions, qu'elles soient animales ou végétales. Ce sujet, énorme, est en partie couvert par celui de la souveraineté alimentaire.

Le troisième sujet est celui des prix.

Ne demandez pas à ce texte ce qu'il ne peut vous donner ! Tout ce qui concerne les prix agricoles relève en effet des lois Égalim. Deux textes vous seront prochainement présentés : une proposition de loi relative à la prolongation de l'application du dispositif de seuil de revente à perte de 10 % (SRP + 10) ; et un projet de loi que vous aurez à examiner, en vous référant aux excellents rapports sur les lois Égalim de vos collègues Mme Loisier et M. Gremillet, et des anciens députés Anne-Laure Babault et Alexis Izard.

Nous allons donc travailler, sur la base de ces travaux parlementaires, à ce projet de loi, qui aura un impact direct sur les prix.

Il n'est pas possible d'introduire dans le présent projet de loi un chapitre consacré au revenu des agriculteurs parce que ce sujet est traité, à la fois, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le projet de loi de finances, les dispositifs de la PAC, la loi Égalim, une future loi foncière et une future loi sur l'eau dans l'agriculture – autre grande question.

Ne sous-estimez donc pas l'importance que nous attachons aux thèmes, nombreux, que vous avez évoqués.

Je vous remercie d'avoir abordé, au travers de vos diverses interventions, à peu près toutes les questions agricoles. Les discussions générales sont très intéressantes car elles permettent de couvrir l'ensemble du champ d'un sujet. Je reviendrai sur vos différents propos dans la suite du débat.

Pour autant, je souhaite répondre dès à présent à votre intervention relative aux retraites agricoles, chère Pascale Gruny. Vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet, et je tiens à vous en remercier publiquement.

Nous avons été très attentifs à ce que la loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses soit applicable dès le 1er janvier 2026, et nous serons vigilants sur la question des polypensionnés.

Je souhaite, pour ma part, porter une attention particulière à la question de la retraite des femmes agricultrices. Si le dossier des retraites devait être ouvert de nouveau, j'aimerais que ce point soit pris en compte et je vous invite à y apporter votre expertise, madame la sénatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Jacquemet et M. Yves Bleunven applaudissent également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture

Intitulé du titre Ier

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 799, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Titre Ier : Reconquérir la souveraineté alimentaire de la France pour la défense de ses intérêts fondamentaux

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à prévoir une nouvelle formulation de l'intitulé du titre Ier, afin qu'il corresponde mieux au contenu de l'article 1er du projet de loi.

L'article 1er, dans sa rédaction actuelle, traite essentiellement de la souveraineté alimentaire, puisque les éléments relatifs au renouvellement des générations en ont été retirés lors de l'examen du texte par la commission des affaires économiques du Sénat.

Vous avez considéré, en rédigeant l'intitulé du titre Ier, que l'agriculture devait être érigée au rang d'intérêt fondamental de la Nation.

Or ce qui est mentionné comme étant un intérêt fondamental de la Nation à l'article 1er, c'est bien la souveraineté alimentaire. C'est pourquoi il est, selon nous, nécessaire de redonner un intitulé clair et porteur de sens au titre Ier. Il s'agit d'aller à l'essentiel, c'est-à-dire la reconquête de notre souveraineté alimentaire, qui est un impératif.

Mme la présidente. L'amendement n° 288 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Reconquérir notre souveraineté alimentaire

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à renommer l'intitulé du titre Ier du projet de loi, en cohérence avec les amendements que nous défendrons ultérieurement, notamment à l'article 1er.

Nous sommes en effet très réservés, pour ne pas dire critiques, quant au fait d'ériger l'agriculture au rang d'intérêt fondamental de la Nation, au même titre que l'indépendance de notre pays, l'intégrité de son territoire, sa sécurité ou la préservation de son environnement. Le Conseil d'État a d'ailleurs émis les mêmes réserves concernant la portée réelle de cette disposition.

J'espère que personne ne fera de procès d'intention à quiconque dans cet hémicycle ! Nous sommes tous des ardents défenseurs de nos agriculteurs et de notre agriculture. Il est d'ailleurs arrivé de nombreuses fois que nous nous retrouvions, de façon transpartisane, sur cette ligne de défense, particulièrement au moment de la crise du covid-19 ou lors de la négociation de certains traités de libre-échange.

Toutefois, l'article 1er de ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, définit une orientation beaucoup trop économique et libérale pour que les sénateurs du groupe socialiste puissent en soutenir le principe.

En commission, les rapporteurs ont modifié l'intitulé du titre Ier afin que celui-ci reflète leurs ambitions, ce qui semble d'ailleurs logique. À notre tour, donc, de le faire !

Nous sommes favorables à la reconquête de notre souveraineté alimentaire – c'est une évidence –, mais nous pensons que celle-ci ne saurait advenir à n'importe quel prix, notamment au regard de la préservation de notre environnement et de la sécurité de nos concitoyens.

C'est pourquoi, et même si cet objectif reste de taille, nous vous proposons de renommer plus sobrement le titre Ier : « Reconquérir notre souveraineté alimentaire ». En effet, si nous y parvenons, ce sera déjà une grande victoire !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la ministre, vous avez raison : la commission n'a pas supprimé la partie relative à l'installation de l'article 1er, mais elle l'a déplacée. Pour la clarté du texte, nous avons réécrit l'article 1er afin qu'il ne traite que de la souveraineté alimentaire. Il est donc intéressant de renommer le titre Ier, et la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 799 du Gouvernement.

Les dispositions relatives à l'installation prévues dans la version initiale de l'article 1er ont été replacées dans l'article 8, afin de faire de ce dernier un véritable article programmatique sur l'installation, la transmission et la formation.

La commission est attachée à la notion d'intérêts fondamentaux de la France. Elle émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 288 rectifié ter, qui vise à la supprimer du titre Ier.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de vous en remettre à la sagesse du Sénat sur mon amendement : cela ressemble presque à un avis favorable. (Sourires.)

M. Jean-Claude Tissot. Ce serait trop beau !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la ministre, pour moi, la sagesse du Sénat vaut mieux qu'un avis favorable !

Mme Annie Genevard, ministre. Vous auriez presque pu aller jusque-là, mais je ne veux pas empiéter sur la liberté des parlementaires. (Nouveaux sourires.)

Monsieur Tissot, vous conservez notre expression de « reconquête de la souveraineté alimentaire », ce dont je vous remercie, mais la mention de « défense de ses intérêts fondamentaux » est précisément tout à fait fondamentale. Je suis donc défavorable à votre amendement, à moins que vous le retiriez.

M. Jean-Claude Tissot. Et l'avis du Conseil d'État ?

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Il est vrai que nous parlons beaucoup de souveraineté, un terme qui est apparu depuis quelque temps dans le débat : interrogeons-nous donc sur ce que ce mot recouvre.

Pour comprendre ce qu'est la souveraineté alimentaire, je me suis inspiré du rapport sur le sujet de FranceAgriMer (L'orateur brandit un document.), qui semble faire foi sur toutes les travées de cette assemblée.

À la lecture de ce rapport, les conclusions sont tout autres que celles que l'on entend très souvent. J'invite tout un chacun à regarder par exemple le tableau qui figure page 14. Si l'on ne regarde que la colonne « importations », tout est dans le rouge, et on semble en plein déclin.

Cette impression est pourtant totalement faussée : les importations ne sont pas totalement significatives, car la France, du fait de sa situation géographique en Europe, constitue une plaque de transit pour nombre des produits agricoles, importés dans notre pays uniquement pour être ensuite réexportés. La colonne sur laquelle il faut se concentrer, c'est celle de l'autoapprovisionnement. Et là, miracle, pratiquement tous les produits sont dans le vert !

Notre vision de l'agriculture française est souvent complètement décliniste, alors que cela ne correspond pas à la réalité. À la page 26 du rapport, on lit : « En évolution (depuis 10 ans), on n'identifie pas de tendance généralisée, notamment pas dans le sens d'une dégradation même si certaines productions connaissent des évolutions importantes. »

Il y a des plus, il y a des moins. Il faut vraiment bien regarder les chiffres, et ne pas en avoir une lecture biaisée. (MM. Guillaume Gontard et Jean-Claude Tissot applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous n'aborderons pas ce sujet mille fois, et je tiens donc à prendre la parole. Winston Churchill disait qu'il ne croyait que les statistiques qu'il avait lui-même trafiquées. Quand on prend des chiffres, on peut leur faire dire ce qu'on veut, dans un sens ou dans un autre.

Mon rapport de 2019 sur la souveraineté alimentaire indiquait que les Français mangeaient intégralement des produits importés pendant 1,5 jour par semaine.

M. Jean-Claude Tissot. Ce ne sont pas des statistiques !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Si l'on fait le même calcul aujourd'hui, six ans plus tard, ce chiffre est passé à 2,2 jours !

M. Guillaume Gontard. Quelles sont vos sources ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Comme je l'ai dit à de nombreux journalistes, la semaine compte non pas trente jours, mais seulement sept. Alors lorsqu'on atteint 2,2 jours sur sept, on peut s'interroger sur notre souveraineté alimentaire et notre capacité à nous nourrir…

En voulant éviter de regarder la réalité, on se jette encore un peu plus dans les importations, et on refuse de comprendre que nous devons véritablement travailler à améliorer notre souveraineté.

Je le sais, mes chers collègues, les exportations vous gênent. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Jean-Claude Tissot. Pas du tout !

M. Laurent Duplomb. Dans mon département, on produit 400 millions de litres de lait pour 220 000 habitants. Si ceux-ci devaient tout consommer, il faudrait leur faire boire du lait nuit et jour, sans arrêt !

Des territoires sont faits pour certaines productions, qui sont ensuite transportées vers d'autres territoires afin d'être consommées. C'est aussi cela, l'autonomie et la souveraineté alimentaire !

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Nous soutiendrons l'amendement du Gouvernement, même si la notion d'intérêt fondamental, dont nous ne serons jamais convaincus, est d'une portée « pas claire » et d'une utilité « douteuse », comme l'indique le Conseil d'État à la page 4 de son avis sur le texte.

Juridiquement, nous sommes là pour établir du droit dur et non du droit mou. La notion d'intérêt fondamental relève de cette deuxième catégorie ; elle posera des difficultés aux juristes, c'est certain ! (M. Jean-Claude Tissot acquiesce.)

En revanche, la notion d'intérêt général majeur n'est pas du tout déclaratoire ; elle est porteuse de droits.

M. Pierre Cuypers. Le message n'est pas le même.

M. Vincent Louault. Oui, mais nous ne faisons pas qu'envoyer des messages. Ainsi que Mme la ministre l'a rappelé, les pratiques des agriculteurs entrent souvent en conflit avec le code de l'environnement, qui est fondé sur la notion d'intérêt général. Amener du droit dur dans le code rural est important ; à cet égard, la notion d'intérêt général majeur est bien plus solide que celle d'intérêt fondamental.

Mes chers collègues, je vous invite à comparer les deux codes. Le code rural est très mal écrit, et son côté programmatique ne sert en réalité à rien. Nous ne sommes même pas capables de définir des notions claires !

En revanche, le code de l'environnement définit très clairement la biodiversité. Tout y est parfaitement écrit.

Nous serons bientôt embourbés dans l'examen de la rédaction d'un article L. 1 où rien n'est défini. Les modifications proposées complètent un millefeuille écrit depuis 1960, de nouveaux pans de texte ne cessant d'être ajoutés par des lois de programmation, pour en arriver à un article de dix pages qui parfois se contredit.

M. Henri Cabanel. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.

M. Pierre Cuypers. Nous évoquons des données chiffrées. Il faut savoir que, pour sa consommation alimentaire, notre pays importe autant que ce qu'il produit. Je veux bien que l'on parle de souveraineté alimentaire, mais nous ne devons pas oublier l'autonomie. (Marques d'approbation sur les travées des groupes SER et GEST.) car nous sommes justement à la veille d'une rupture forte. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des écarts si nous voulons satisfaire notre autonomie, avant d'acquérir la souveraineté.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 799.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'intitulé du titre Ier est ainsi rédigé et l'amendement n° 288 rectifié ter n'a plus d'objet.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au début, sont ajoutés des articles L. 1 A à L. 1 C ainsi rédigés :

« Art. L. 1 A. – (Supprimé)

« Art. L. 1 B. – La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l'article 410-1 du code pénal. À ce titre, l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur.

« Art. L. 1 C. – Les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l'agriculture, la pêche et l'aquaculture respectent le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » ;

2° L'article L. 1 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) Au début, il est ajouté un I A ainsi rédigé :

« I A. – La politique en faveur de la souveraineté alimentaire mentionnée à l'article L. 1 A a pour priorités :

« 1° D'assurer la pérennité et l'attractivité de l'agriculture ainsi que le renouvellement de ses générations d'actifs ;

« 2° D'assurer un haut niveau de compétitivité de l'agriculture ;

« 3° De soutenir la recherche et l'innovation notamment pour permettre l'adaptation de l'agriculture au changement climatique ;

« 4° D'assurer la juste rémunération des actifs en agriculture.

« En matière d'agriculture, les normes réglementaires ne peuvent aller au-delà des exigences minimales des normes européennes, sauf lorsqu'elles sont motivées et évaluées avant leur adoption, et dès lors qu'elles ne sont pas susceptibles d'engendrer une situation de concurrence déloyale.

« La France tire le plein parti des règles européennes en matière d'agriculture, en particulier dans le cadre de la politique agricole commune.

« Six mois avant le début des négociations du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement transmet pour avis un rapport aux commissions compétentes du Parlement présentant une programmation pluriannuelle de l'agriculture française pour les sept années couvrant le prochain cadre financier.

« Ce rapport détermine notamment des objectifs de production par filière et la stratégie mise en œuvre pour atteindre ces objectifs.

« Le Gouvernement publie annuellement des données de production par filière permettant d'apprécier l'évolution de leur trajectoire de production.

« S'il est constaté pendant deux années consécutives un écart important entre la trajectoire de production observée de certaines filières et la trajectoire déterminée par la programmation pluriannuelle de l'agriculture, le Gouvernement transmet un rapport aux commissions compétentes du Parlement, exposant les raisons de l'écart et les mesures de correction envisagées. Ce rapport précise les mécanismes, notamment sous la forme d'aides, y compris européennes, mis en œuvre permettant de corriger les écarts observés. » ;

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. – Les priorités figurant aux 2° à 4° du I A du présent article se traduisent par des politiques ayant pour finalités :

« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France, en préservant et en développant ses systèmes de production et en protégeant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne ;

« 2° De maintenir et développer des filières nationales de production, de transformation et de distribution ainsi que leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale et environnementale, de manière à garantir une sécurité alimentaire permettant l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, tout au long de l'année, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire définie à l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles ;

« 3° D'améliorer la compétitivité et la coopération agricole sur le plan international, de soutenir les capacités exportatrices nécessaires à la sécurité alimentaire mondiale, de maîtriser et réduire les dépendances aux importations dans les filières stratégiques pour la souveraineté alimentaire, de sécuriser les approvisionnements alimentaires du pays, en privilégiant l'approvisionnement national ;

« 4° De veiller, dans tout accord de libre-échange, au respect du principe de réciprocité et à une exigence de conditions de production comparables pour ce qui concerne l'accès au marché ainsi qu'à un degré élevé d'exigence dans la coopération en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien-être animal, en vue d'une protection toujours plus forte des consommateurs et d'une préservation des modèles et des filières agricoles européens ;

« 5° De répondre à l'accroissement démographique, en rééquilibrant les termes des échanges entre pays dans un cadre européen et de coopération internationale fondé sur le respect du principe de souveraineté alimentaire permettant un développement durable et équitable, en luttant contre la faim dans le monde et en soutenant l'émergence et la consolidation de l'autonomie alimentaire dans le monde ;

« 6° De rechercher des solutions techniques et scientifiques d'adaptation au changement climatique et d'accompagner les agriculteurs pour surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte aux capacités de production nationale et à son approvisionnement alimentaire ;

« 7° De reconnaître et mieux valoriser les externalités positives de l'agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d'aménagement du territoire ;

« 8° De favoriser l'installation économiquement viable d'exploitations agricoles en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, et un développement de la surface agricole utile cultivée en agriculture biologique en adéquation avec la demande de ces produits, en réduisant les importations de ces produits et en développant l'appareil industriel de transformation agroalimentaire pour diversifier l'offre et répondre au mieux à la demande ;

« 9° De préserver la surface agricole utile, d'atteindre une surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10 % d'ici au 1er janvier 2030 et de tendre à l'autonomie protéique en 2050 ;

« 10° De concourir à la transition énergétique et climatique, en contribuant aux économies d'énergie et au développement des matériaux décarbonés et des énergies renouvelables ainsi qu'à l'indépendance énergétique de la nation, notamment par la valorisation optimale et durable des sous-produits d'origine agricole et agroalimentaire dans une perspective d'économie circulaire et de retour de la valeur aux agriculteurs ;

« 11° De soutenir la recherche, l'innovation et le développement, notamment dans les domaines des semences, des nouvelles techniques génomiques, de la sélection variétale, des fertilisants agricoles, de la production de biomasse, y compris sylvicole, des solutions fondées sur la nature et la réduction des dépendances à l'égard des intrants de toute nature ;

« 12° De définir des dispositifs de prévention et de gestion des risques ;

« 13° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment des zones dites “intermédiaires” et des zones de montagne, d'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits par le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ;

« 14° De veiller à une juste rémunération des exploitants, salariés et non-salariés agricoles et de l'agroalimentaire ainsi que leurs conditions de travail, leur protection sociale et leur qualité de vie, de rechercher l'équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée, et de contribuer à l'organisation collective des acteurs ;

« 15° De valoriser le rôle essentiel des agricultrices par un accès facilité au statut de chef d'exploitation, à la formation continue et à une rémunération équitable ;

« 16° De contribuer à la protection de la santé publique ;

« 17° D'assurer le maintien de l'élevage et l'agropastoralisme en France et lutter contre la décapitalisation, par un plan stratégique dédié déterminant notamment les objectifs de production ;

« 18° De promouvoir la souveraineté en fruits et légumes, par un plan stratégique dédié ;

« 19° De favoriser l'acquisition pendant l'enfance et l'adolescence d'une culture générale de l'alimentation et de l'agriculture, en soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique des choix alimentaires ;

« 20° De promouvoir l'information des consommateurs quant aux lieux et aux modes de production et de transformation des produits agricoles et agroalimentaires ;

« 21° De veiller à mettre en œuvre une fiscalité compatible avec l'objectif d'amélioration du potentiel productif agricole, notamment en allégeant la fiscalité sur l'énergie, dont le carburant, en exonérant de taxes et impôts les indemnisations en cas de crises sanitaires en élevage, en allégeant de façon pérenne le coût du travail, notamment temporaire, et en ramenant la fiscalité du foncier agricole et de sa transmission dans la moyenne européenne afin de favoriser les installations.

« La politique d'aménagement rural définie à l'article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités. » ;

b et c) (Supprimés)

d) À la première phrase des V et VI et au VII, les mots : « l'agriculture et de l'alimentation » sont remplacés par les mots : « la souveraineté alimentaire ».

II. – (Supprimé)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, sur l'article.

M. Vincent Louault. Je vous prie de m'excuser de revenir un peu lourdement sur la notion d'intérêt fondamental, mais lorsque le champ est mal semé, il est impossible de faire de bonnes récoltes !

Juridiquement, l'article 1er, qui date de 1960 et a été très largement modifié, a fini par devenir illisible. Je vous proposerai donc une réécriture totale de l'article, issue de l'examen de presque 3 000 amendements à l'Assemblée nationale, après plusieurs dizaines d'heures de négociations et de débats.

J'étais autour du berceau, près de l'équipe de Marc Fesneau. Le travail n'était pas aisé : les définitions de certains termes étaient difficiles, car il fallait les comparer avec celles de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ou de FranceAgriMer, qui définit la souveraineté alimentaire bien plus clairement que notre propre code rural.

L'amendement de réécriture globale de l'article 1er que je défendrai s'appuie sur l'intégralité des travaux de l'Assemblée nationale : il n'est pas seulement celui de Vincent Louault, mais aussi celui de Julien Dive, de Marc Fesneau, de l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale, et même du groupe écologiste ! (M. Guillaume Gontard opine.)

Je le sais, il est peut-être difficile d'accepter une réécriture aussi globale, mais je vous demande, mes chers collègues, de bien regarder ma proposition, qui est d'importance. Je n'ai pas réussi à « vendre » mon amendement en commission, car l'adoption d'un amendement du rapporteur a fait tomber tous les autres.

Puisque nous n'avons pas eu ce débat en commission, nous l'aurons dans l'hémicycle, durant les huit heures ou plus que nous passerons probablement sur l'article 1er. Mes chers collègues, je ne vous lâcherai pas : quand vous me sortirez par la porte, je reviendrai par la fenêtre pour défendre une rédaction permettant une jurisprudence plus stable face à un code de l'environnement beaucoup plus puissant.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l'article.

M. Olivier Jacquin. Nous sommes à un rendez-vous très important pour notre agriculture et nos agriculteurs. J'en suis d'ailleurs un : j'ai terminé ma quarantième moisson cette année, et je suis en train de transmettre mon exploitation de grande culture bio de 150 hectares à un jeune de 23 ans.

Au début de l'examen de l'article 1er, j'appelle votre attention sur un raté important : le lien entre agriculture et environnement nécessiterait un véritable approfondissement, similaire à celui que nous avons connu il y a quelques années avec l'avènement de l'agroécologie.

Madame la ministre, je veux souligner les hésitations du Gouvernement au sujet de l'agriculture biologique. Des objectifs de surface à atteindre avaient d'abord été écartés, avant d'être rajoutés à l'article 8 bis. Ces hésitations font écho aux attaques sur l'agriculture bio, notamment à l'adoption d'un amendement félon de suppression de l'Agence Bio, laquelle a été ensuite rétablie.

Cessons ces régressions, regardons l'avenir avec plus de confiance et de sérénité : notre agriculture le mérite.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, sur l'article.

M. Daniel Salmon. Dans un monde où la désinformation fait rage, il faut faire confiance à certains chiffres. Je l'ai dit, je me suis appuyé sur le rapport de FranceAgriMer, une institution régulièrement citée sur toutes les travées de cet hémicycle et qui semble faire foi.

Dans la colonne du tableau que je mentionnais plus tôt, celle qui mesure le taux d'autoapprovisionnement – c'est-à-dire, mon cher Pierre Cuypers, le rapport entre la production et la consommation –, sur trente produits agricoles, vingt-cinq sont en vert et cinq sont en rouge. Lesquels ? Les fruits tropicaux et les agrumes, ce qui semble assez logique ; le riz ; le soja ; l'huile de palme.

En effet, pour ces quatre produits, il sera difficile d'arriver à l'autonomie si l'on ne change pas notre consommation. Le dernier produit concerné pose davantage de difficultés : ce sont les ovins.

Regardons les chiffres et analysons-les. Un certain nombre de productions sont effectivement déficitaires et le resteront. En revanche, on oublie souvent de dire que nous atteignons des taux de 265 % pour ce qui concerne la poudre de lait écrémé, de 113 % pour les pommes de terre ou de 195 % pour le blé tendre !

Dans l'ensemble, nous n'arrivons pas à 100 % partout, mais nous sommes encore souvent en très bonne position. Même si quelques dynamiques peuvent être négatives, il faut rapporter notre production à notre consommation plutôt que de se morfondre en disant que tout part à vau-l'eau ! Car cela ne correspond pas à la réalité des chiffres.

Mme la présidente. L'amendement n° 710 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. La notion d'intérêt fondamental va faire couler beaucoup d'encre. Dans son principe, mon amendement ne s'oppose pas à cette ambition de conquête de la souveraineté alimentaire.

Toutefois, il ne suffit pas d'affirmer cet objectif de manière péremptoire, au risque de cliver, ce qui nous ferait perdre de vue que l'article 1er part du principe que la compétitivité et la conquête des marchés sont les moyens d'atteindre la souveraineté. À tout le moins, nous voyons là une contradiction. Il faut des mécanismes de régulation, que je ne développerai pas davantage.

Du point de vue du droit pur, cet article ne me semble pas efficient. Pour être clair, soyons plus modestes, pour être plus justes.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car supprimer l'article 1er reviendrait à abandonner l'objectif d'atteindre la souveraineté alimentaire, qui nous semble fondamental.

Le rapport de 2019 sur la souveraineté alimentaire démontrait clairement que 70 % de nos pertes en la matière étaient liées à une perte de compétitivité, laquelle s'explique par plusieurs facteurs : des charges plus élevées, un État insuffisamment protecteur, une guerre des prix entre la grande distribution et l'industrie agroalimentaire, ainsi qu'une capacité à vilipender sans cesse le modèle agricole français.

Cela ne fait peut-être pas plaisir à entendre, mais c'est malheureusement la réalité.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement. Nous reviendrons à plusieurs reprises sur la notion de souveraineté alimentaire.

Monsieur Salmon, il y a les rapports de FranceAgriMer, et puis il y a la réalité que nous connaissons.

Mme Annie Genevard, ministre. Permettez-moi de vous donner un exemple, celui de la filière noisette.

M. Guillaume Gontard. Comme par hasard !

Mme Annie Genevard, ministre. La France produit 10 % de sa consommation de noisettes, tandis que nous en sommes les quatrièmes mangeurs au monde. C'est un fait : les Français aiment manger des noisettes !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Eh oui !

Mme Annie Genevard, ministre. Malheureusement, les rendements de la filière noisette, magnifique coopérative de 300 producteurs, ont baissé de 70 %. Alors que l'on importe 90 % des noisettes consommées, il faudra m'expliquer comment on reste souverain pour cet aliment ! L'exemple que je choisis est, hélas ! très triste – et vous en connaissez les raisons.

On me fait des retours de ce qui se passe au marché de Rungis. Ce matin, il n'y avait pas d'agneau. Pourquoi ? Parce que, alors que nous étions autosuffisants dans cette filière il y a quelques années, depuis l'accord avec la Nouvelle-Zélande nous importons la moitié de nos ovins !

M. Jean-Claude Tissot. Nous n'avons jamais été autosuffisants pour les ovins : nous ne produisons que 37 % de ce que nous consommons !

M. Guillaume Gontard. C'est le Rainbow Warrior !

Mme Annie Genevard, ministre. Et ainsi de suite… Il y a les chiffres, et la réalité des choses.

Je vais vous livrer une confidence que m'a faite Christiane Lambert, que chacun d'entre vous connaît. (Marques d'ironie sur les travées du groupe GEST.) Elle me disait que lorsqu'elle avait commencé à évoquer la notion de souveraineté alimentaire dans des réunions européennes, on la regardait avec beaucoup de méfiance, voire de réprobation. En effet, à l'époque, l'Union européenne avait la religion de la libre concurrence. Or – je ne vous l'apprendrai pas, monsieur Salmon – une concurrence complètement dérégulée entraîne du désordre.

Nous parlons non pas seulement de libre concurrence, mais aussi de souveraineté alimentaire, ce qui ne revient pas non plus à parler de nationalisme alimentaire. En matière de souveraineté, chaque perte de terrain se rappellera toujours à nous. L'alimentation comme le médicament peuvent en effet devenir des armes stratégiques.

Mme Annie Genevard, ministre. Regardez le conflit russo-ukrainien : l'alimentation n'est-elle pas devenue une arme stratégique, une arme de guerre ? C'est aussi de cela qu'il faut se prémunir.

Nous voulons encourager la production de nos agriculteurs, mais cela ne revient pas à dire que nous encourageons le productivisme : nous ne sommes ni en l'Ukraine, ni en Pologne, ni aux États-Unis ! Nous connaissons parfaitement le caractère raisonnable du modèle français.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la souveraineté alimentaire est une notion régalienne : je n'hésite pas à utiliser ce mot.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Tout à fait !

Mme Annie Genevard, ministre. Nous parlerons beaucoup de souveraineté alimentaire. Le Gouvernement vous fera des propositions car il s'agit d'un intérêt fondamental majeur de la Nation.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous pouvons parler de souveraineté, mais également de dépendance. Certaines dépendances ne se trouvent pas là où on le pense : nous sommes également très dépendants de nos exportations.

Madame la ministre, regardons notre dépendance aux exportations en direction des marchés américain et chinois. Des régions entières de notre territoire ne vivent que grâce à ces exportations.

Mais, quand on exporte du vin, nous sommes à la merci d'un Trump qui, à tout moment, peut décider d'augmenter les droits de douane. Que deviendrait alors notre production ? Il s'agit d'une vraie question !

Souvent, nous entrons dans un jeu de tractations. On parle de libre-échange, mais, on l'a vu, le conflit entre Boeing et Airbus a affecté notre agriculture ! Il faut prendre tout cela en compte.

Si l'on produit 265 % de notre consommation de poudre de lait, cela signifie qu'on est dépendant des marchés extérieurs. Il faut prendre ces dépendances en compte, car elles mettent également notre agriculture en péril.

Il faut tendre vers un autoapprovisionnement pour tous les produits agricoles. J'y insiste, que certains domaines, en lien avec une hyperspécialisation de notre agriculture, soient très fortement dépendants des exportations ne va pas sans poser problème.

Par exemple, nous produisons également presque 300 % de l'orge que l'on consomme. Là encore, il y a une dépendance.

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Au début du débat sur ce texte qui nous occupera de longues journées, il ne faudrait pas laisser croire qu'au sein de cet hémicycle certains seraient favorables à la souveraineté alimentaire et d'autres non.

Le vrai débat, c'est de savoir quels moyens nous nous donnons et quelles méthodes nous souhaitons appliquer pour atteindre l'objectif de souveraineté alimentaire.

J'observe que, dans les discours, il y a ceux qui, comme moi, souhaitent d'abord traiter la question de la souveraineté alimentaire, même si nous ne partageons pas toujours les mêmes orientations et les mêmes stratégies, et ceux qui veulent profiter de l'examen de ce projet de loi pour favoriser le productivisme et les exportations. Je n'ai rien contre celles-ci, mais – nous aurons l'occasion d'y revenir – elles ne doivent se faire au détriment ni des territoires ni de la santé des agriculteurs ou des sols.

Nous devons essayer de construire un équilibre. Madame la ministre, ne croyez pas que deux visions totalement contraires de la souveraineté alimentaire s'opposent.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Il est certain que nous n'avons pas tous la même vision de la souveraineté alimentaire. Certains veulent la plomber, en faisant à la limite tout reposer sur les importations brésiliennes et ukrainiennes ! Une souveraineté alimentaire entièrement importée, c'est possible !

Pour ma part, je défends une souveraineté agricole. Au bout du compte, on défend nos agriculteurs, et pas seulement le fait d'avoir à manger en France, quitte à tout importer des quatre coins du monde, comme on le fait déjà pour les fruits et les légumes !

Oui, nous voulons participer à une économie que certains considèrent peut-être comme productiviste. Notre système économique repose en partie sur nos exportations, mais nous sommes fiers d'exporter nos produits, issus de l'excellence de nos filières. Nous avons les meilleures terres du monde, et nous n'avons pas à avoir honte de nos réussites !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Nous sommes confrontés à la difficulté qui tient à la contradiction entre compétitivité, souveraineté et libre-échange.

Permettez-moi de prendre l'exemple du poulet. La mondialisation des prix de cette denrée n'a aucun sens, parce que, quoi qu'il se passe, il sera toujours possible de faire deux récoltes d'oléoprotéagineux par an au Brésil, alors qu'il sera impossible de faire deux récoltes de maïs en France. En conséquence, la production de poulet coûte par nature moins cher au Brésil qu'en France.

Si les poulets brésiliens ne servaient qu'à nourrir les Brésiliens, l'affaire ne regarderait qu'eux ; mais lorsqu'ils entrent en concurrence avec nos propres volailles, cela porte atteinte à notre commerce, mais également à nos productions et à nos prix. Ce sont ces mécanismes qui ne conviennent pas.

Intégrer l'agriculture dans le Gatt (General Agreement on Tariffs and Trade) fut une décision terrible.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 710 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 657 rectifié quater, présenté par MM. V. Louault, Capus et Médevielle, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Chevalier, Rochette et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Avant l'article L. 1, sont insérés deux articles L. 1 A et L. 1 B ainsi rédigés :

« Art. L. 1 A – La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux tels que définis à l'article 410-1 du code pénal.

« L'agriculture au sens du présent livre, qui s'entend par des activités réputées agricoles en application de l'article L. 311-1, comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture.

« On entend par souveraineté agricole et alimentaire, le droit de chaque pays de maintenir et de développer ses systèmes d'exploitation agricoles afin de garantir sa propre capacité à produire son alimentation et aux fins de fournir à l'ensemble de la population une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l'année et issue d'aliments produits de manière durable. À ce titre, elle garantit aux exploitants agricoles la liberté de gérer leur capacité et leur mode de production dans le but d'atteindre les objectifs nationaux fixés par la loi.

« On entend par sécurité alimentaire la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin.

« On entend par sécurité sanitaire alimentaire, la capacité à assurer la sécurité et la qualité sanitaires de notre alimentation, par l'évaluation des risques sanitaires dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement et du travail, avec une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes, en reconnaissant que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l'environnement en général est étroitement liée et interdépendante.

« Art. L. 1 B – I. Six mois avant le début des négociations de chaque cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement transmet (pour avis aux commissions compétentes) au Parlement une programmation pluriannuelle de l'agriculture pour les sept années couvrant le prochain cadre financier (ou fixée par décret) qui définit les modalités d'action des pouvoirs publics pour atteindre les objectifs définis aux L1-A, L1, L2, L3 et L4 du code rural et de la pêche maritime ainsi que par la présente loi.

« Cette programmation pluriannuelle de l'agriculture détermine notamment des objectifs de production par filière et la stratégie mise en œuvre pour atteindre ces objectifs. Ces objectifs doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur celles-ci.

« Le Gouvernement publie annuellement des données de production par filière permettant d'apprécier l'évolution de leur trajectoire de production.

« S'il est constaté pendant deux années consécutives un écart important entre la trajectoire de production observée de certaines filières et la trajectoire déterminée par la programmation pluriannuelle de l'agriculture, le Gouvernement transmet un rapport aux commissions compétentes du Parlement, exposant les raisons de l'écart et les mesures de correction envisagées. Ce rapport précise les mécanismes, notamment sous la forme d'aides, y compris européennes, mis en œuvre permettant de corriger les écarts observés.

« Elle est compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans le budget carbone mentionné à l'article L. 222-1 A du code de l'environnement, ainsi qu'avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l'article L. 222-1 B, ainsi qu'avec le plan national d'adaptation au changement climatique et la stratégie nationale biodiversité mentionnée à l'article L. 110-3 du même code.

« La programmation pluriannuelle de l'agriculture fait l'objet d'une synthèse pédagogique accessible au public.

« Le décret prévu au présent article précise les objectifs et les priorités d'action de la politique agricole nationale.

« II. – Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l'état de la souveraineté agricole et alimentaire de la France, détaillant l'atteinte des objectifs par filière mentionnés au II du présent article et comportant une annexe spécifique sur l'état de la souveraineté alimentaire de chacune des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi que de la Nouvelle-Calédonie. ».

2° L'article L. 1 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. – La politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités :

« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté agricole et alimentaire de la France, en préservant et en développant ses systèmes de production et en préservant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne, tout en veillant à préserver les écosystèmes et les ressources naturelles sur l'ensemble du territoire national et en promouvant les systèmes de production agroécologiques, d'agriculture raisonnée et d'agriculture de conservation des sols ;

« 2° De développer des filières de production et de transformation ainsi que leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale, notamment par un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, afin qu'elles soient capables de relever le double défi de la compétitivité et de la transition écologique, dans un contexte de compétition internationale, et de veiller, dans tout nouvel accord de libre-échange, au respect du principe de réciprocité et à une exigence de conditions de production comparables pour ce qui concerne l'accès au marché ainsi qu'à un degré élevé d'exigence dans la coopération en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien- être animal, en vue d'une protection toujours plus forte des consommateurs et d'une préservation des modèles et des filières agricoles européens ;

« 3° De préserver la souveraineté de l'élevage et de l'agropastoralisme en France par un plan stratégique déterminant notamment les objectifs de potentiel de production, d'assurer le maintien de l'élevage, en préservant le pâturage et en luttant contre la décapitalisation dans l'élevage, en cohérence avec les besoins alimentaires, d'assurer l'approvisionnement en protéines animales des Français et de maintenir et de restaurer l'ensemble de ses fonctionnalités environnementales, sociales, économiques et territoriales ainsi que ses complémentarités agronomiques avec les productions végétales ;

« 4° De favoriser l'installation économiquement viable d'exploitations agricoles et de soutenir le revenu, en assurant une juste rémunération, de développer l'emploi et d'améliorer la qualité de vie et les conditions de travail des agriculteurs et des salariés agricoles et de l'agroalimentaire, de préserver un modèle d'exploitation agricole familial ainsi que la possibilité pour les agriculteurs de choisir leurs systèmes de production dans un cadre clair et loyal et dans le respect de la liberté d'entreprendre, de rechercher l'équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée, et de contribuer à l'organisation collective des acteurs et de valoriser le rôle essentiel des agricultrices par un accès facilité au statut de chef d'exploitation, à la formation continue et à une rémunération équitable ;

« 5° D'anticiper et de s'adapter aux conséquences du changement climatique, en atténuant ses effets, en accompagnant les agriculteurs et en surmontant de façon résiliente, efficiente et efficace les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte à ses capacités de production nationale et à son approvisionnement alimentaire, notamment par l'établissement de toutes mesures de sauvegarde, dérogatoires si nécessaire, permettant le respect des objectifs et priorités d'action visée par le présent article ;

« 6° De reconnaître et de mieux valoriser les externalités positives de l'agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d'aménagement du territoire ;

« 7° De concourir à la transition énergétique et climatique, en contribuant aux économies d'énergie et au développement des matériaux décarbonés et des énergies renouvelables ainsi qu'à l'indépendance énergétique de la Nation, notamment par la valorisation optimale et durable des sous-produits d'origine agricole et agroalimentaire dans une perspective d'économie circulaire et de retour de la valeur aux agriculteurs ;

« 8° De soutenir la recherche, l'innovation et le développement, notamment des technologies et des filières de production de fertilisants agricoles sur le sol national pour limiter la dépendance aux importations en engrais, de produits biosourcés, de la chimie végétale, de nouvelles techniques génomiques et de solutions fondées sur la nature ; et d'assurer la décarbonation de l'économie par la production durable de biomasse, y compris sylvicole, la captation et le stockage du carbone, l'efficience et l'efficacité de l'eau ;

« 9° De contribuer à la protection de la santé publique et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, en assurant le développement de la prévention sanitaire des actifs agricoles, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses en prenant en compte l'approche “une seule santé” ;

« 10° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment celles des zones dites “intermédiaires” et des zones de montagne mentionnées au VI du présent article ;

« 11° D'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits par le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine et de promouvoir l'information des consommateurs quant aux lieux et aux modes de production et de transformation des produits agricoles et agroalimentaires ;

« 12° De promouvoir la préservation, la conversion, le développement et le maintien de l'agriculture et des filières biologiques, au sens de l'article L. 641-13, en veillant à l'adéquation entre l'offre et la demande sur le marché national pour atteindre les objectifs inscrits dans le programme national sur l'ambition en agriculture biologique et dans l'objectif d'atteindre une surface agricole utile cultivée de 21 % avant le 1er janvier 2030 ;

« 13° De promouvoir l'autonomie de la France et de l'Union européenne en protéines, en tendant vers une autonomie protéique nationale avant 2050, en augmentant la surface agricole utile cultivée en légumineuses à 10 % avant le 1er janvier 2030 ;

« 14° De promouvoir la souveraineté en fruits et légumes, par un plan stratégique dédié ;

« 15° De répondre à l'accroissement démographique, en assurant la sécurité alimentaire de la population en rééquilibrant les termes des échanges entre pays dans un cadre européen et de coopération internationale fondé sur le respect du principe de souveraineté agricole et alimentaire et permettant un développement durable et équitable, pour lutter contre la précarité alimentaire définie à l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles, et en luttant contre la faim dans le monde en soutenant l'émergence et la consolidation de l'autonomie alimentaire dans le monde.

« 16° De favoriser l'acquisition pendant l'enfance et l'adolescence d'une culture générale de l'alimentation et de l'agriculture, en soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique des choix alimentaires.

« La politique d'aménagement rural définie à l'article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités. » ;

b) À la première phrase du II, après le mot : « biologique, » sont insérés les mots : « d'agriculture raisonnée et de conservation des sols, » ;

c) Le IV est ainsi rédigé :

« IV. – La politique d'installation et de transmission en agriculture a pour objectif de contribuer à la souveraineté agricole définie à l'article L. 1 A et aux transitions agroécologique, énergétique et climatique en agriculture, en favorisant le renouvellement des générations d'actifs en agriculture. Elle contribue à relever le défi démographique posé notamment par le vieillissement de la population active agricole, en accompagnant les reprises d'exploitation et en favorisant la diversification des profils des porteurs de projets à l'installation. Elle affirme le caractère stratégique de ce renouvellement pour, d'une part, renforcer la création de richesse et la compétitivité de l'économie française et, d'autre part, répondre aux enjeux environnementaux et climatiques grâce aux services écosystémiques et énergétiques rendus par l'agriculture. Elle participe à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental.

« À ce titre, elle oriente en priorité l'installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté agricole et alimentaire et les transitions écologique et climatique, adaptés aux enjeux de chaque territoire, et vers des systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement, au moyen de mesures visant à :

« 1° Faire connaître les métiers d'exploitant agricole et de salarié agricole et communiquer sur l'enjeu stratégique du renouvellement des générations pour assurer la souveraineté alimentaire de la France ;

« 2° Susciter des vocations agricoles dans le public scolaire et parmi les personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d'emploi ;

« 3° Proposer un accueil, une orientation et un accompagnement qui soient à la fois personnalisés, pluralistes et coordonnés, à l'ensemble des candidats à l'entrée en agriculture et des personnes envisageant de cesser et de transmettre leur activité ;

« 4° Mettre en relation les porteurs de projets en agriculture et les personnes en activité agricole ou en fin de carrière agricole et favoriser la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial comme hors de ce cadre ;

« 5° Encourager les formes d'installation collective et les formes d'installation progressive, y compris le droit à l'essai, permettant d'accéder aux responsabilités de chef d'exploitation tout en développant un projet d'exploitation ainsi que l'individualisation des parcours professionnels ;

« 6° Favoriser la fourniture d'informations claires et objectives sur l'état des exploitations à transmettre, afin de garantir leur viabilité d'un point de vue économique, humain et environnemental ;

« 7° Soutenir l'installation en agriculture, en facilitant la possibilité de construire un nouveau bâtiment à usage d'habitation, attenant au bâtiment technique, sur le terrain agricole ;

« 8° Prévoir les leviers fiscaux et bancaires permettant la reprise d'exploitation.

« Dans le cadre de cette politique, l'État facilite l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Il assure la formation aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de l'aquaculture et de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles ainsi qu'aux métiers qui leur sont liés. Cette formation est adaptée aux transitions écologique et climatique, aux enjeux de la souveraineté alimentaire, aux évolutions économiques, sociales et sanitaires affectant l'activité agricole ainsi qu'au développement des territoires.

« La mise en œuvre de cette politique d'aide à l'installation et à la transmission s'appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation réunissant l'État, les régions et les autres partenaires concernés. » ;

d) La seconde phrase du V est ainsi modifiée :

– après le mot : « marchés, », sont insérés les mots : « le revenu des agriculteurs, » ;

– après le mot : « durable, », sont insérés les mots : « l'adaptation des exploitations au changement climatique, » ;

– le mot : « locale » est supprimé ;

– après le mot : « l'emploi, », sont insérés les mots : « la formation, le renouvellement des générations, » ;

– après le mot : « locales, », sont insérés les mots : « notamment en s'appuyant sur les filières de diversification, la préservation et la pleine mobilisation de la surface agricole utile, ».

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Pour être parfaitement clair, cet amendement de rédaction globale est le fruit de concertations de fond conjointement menées par les députés rapporteurs du texte, les groupes politiques et le gouvernement de l'époque, lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale.

Nous définissons clairement l'agriculture au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Nous y intégrons l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, ainsi que la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture, qui avaient été oubliés dans la rédaction initiale du projet de loi.

Nous proposons ensuite trois définitions.

D'abord, celle de la souveraineté agricole et alimentaire.

Ensuite, celle de la sécurité alimentaire, qui est « la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin ». Cette définition est reprise, je le signale au passage, de celle de la FAO ; ce n'est pas une invention de ma part, et je ne veux plus qu'on présente cet amendement comme le mien, car il s'agit de celui de l'Assemblée nationale .

Enfin, celle de la sécurité sanitaire alimentaire, très importante dans le contexte mondial du One Health.

Pour faire plaisir au rapporteur, j'ai ajouté une référence à la défense des « intérêts fondamentaux tels que définis à l'article 410-1 du code pénal ». J'ai tout donné, et tout y est !

En outre, avec mon amendement, nous sommes en avance de phase. En effet, nous anticipons la suppression des alinéas prévue par l'amendement n° 905, que nous examinerons dans quelques minutes, avant que leur réintroduction ne soit prévue par l'amendement n° 907 examiné après l'article 1er, probablement dans deux jours. Avec mon amendement, nous parvenons au même résultat que cette carambouille, qui nécessitera dix heures de débat pour en arriver exactement à la même rédaction que la mienne !

Mme la présidente. L'amendement n° 452, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

« I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

« 1° Au début, il est ajouté un article L. 1 A ainsi rédigé :

« Art L. 1 A. – I. – La souveraineté alimentaire se définit comme la capacité de la nation à définir elle-même une stratégie agricole qui lui permette de déterminer son degré d'autonomie alimentaire pour fournir une alimentation de qualité à sa population, tout en garantissant sa sécurité alimentaire. Consolider, renforcer ou sécuriser au maximum la production atteignable localement est le premier levier de souveraineté alimentaire. La protection, la valorisation, le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur : ce sont les garants de la souveraineté alimentaire.

« La sécurité alimentaire est définie comme la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin, en en garantissant la qualité sanitaire.

« II. – À compter de la promulgation de la loi n° du  d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, puis tous les dix ans, la loi d'orientation de l'agriculture française a pour objectif, dans le cadre de la politique économique, sociale et environnementale, de contribuer au développement du secteur agricole et à l'innovation à parité avec les autres activités économiques :

« 1° En accroissant la contribution de la production agricole, en équilibrant la balance commerciale agricole globale du territoire national, compte tenu de la défense de la souveraineté alimentaire, de la sécurité alimentaire et de l'évolution des besoins ;

« 2° En garantissant un revenu et des prix rémunérateurs pour les agriculteurs, et en encadrant les marges abusives des multinationales de l'industrie agroalimentaire et de la grande distribution.

« 3° En préservant et en développant la résilience et le potentiel des facteurs de production agricole sur l'ensemble du territoire national ainsi que les facteurs de transformation et de distribution de ces productions par la lutte contre la concurrence déloyale et par l'établissement de toutes mesures de sauvegarde en cas de crise, dérogatoires si nécessaire, permettant le respect des objectifs et priorités d'action mentionnée au présent article ;

« 4° En assurant la souveraineté alimentaire du pays aux fins de fournir à l'ensemble de la population une alimentation garantissant la sécurité alimentaire tout au long de l'année ;

« 5° En priorisant les produits alimentaires français dans la commande publique pour la restauration collective des différentes administrations et la restauration scolaire et universitaire ;

« 6 En promouvant l'innovation agricole et l'investissement dans toute technologie contribuant à la souveraineté alimentaire tout en diminuant l'impact sur l'environnement ;

« 7° En promouvant les produits protégés par les différents labels agricoles et en priorité les Indications Géographiques Protégées ;

« 8° En développant une politique d'installation et de transmission en agriculture permettant de lutter contre la chute du nombre d'installations, en favorisant le renouvellement des générations d'actifs en agriculture par l'accompagnement des reprises d'exploitation en prenant en compte les services écosystémiques qu'elles rendent. Dans le cadre de cette politique, l'État facilite aux agriculteurs l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables, tout en protégeant l'exploitation familiale pour compenser les désavantages naturels et économiques auxquels elle reste soumise comparativement aux autres secteurs de l'économie ;

« 9° En assurant une formation diversifiée et de qualité aux métiers de l'agriculture et de la pêche, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, par la création de pôles d'excellences, en assurant la résilience de l'écosystème.

« III. – Tous les dix ans, la programmation pluriannuelle de l'agriculture, fixée par décret, définit les modalités d'action des pouvoirs publics pour la gestion de l'ensemble des formes d'agriculture sur le territoire métropolitain continental, afin d'atteindre les objectifs définis aux articles L. 1 A, L. 1, L. 2, L. 3 et L. 4 ainsi que par la loi n° du d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Les objectifs de productions nationaux par filière doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur celles- ci.

« Elle contribue autant que possible sans porter atteinte à la souveraineté alimentaire, aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans le budget carbone mentionné à l'article L. 222-1 A du code de l'environnement, ainsi qu'avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l'article L. 222-1 B du même code. La programmation pluriannuelle de l'agriculture fait l'objet d'une synthèse pédagogique accessible au public.

« Le décret prévu au premier alinéa du présent III précise les objectifs et les priorités d'action de la politique agricole nationale tel que mentionnés au II.

« IV. – Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport portant sur l'état de la souveraineté agricole et alimentaire de la France détaillant les indicateurs de suivi de la politique agricole nationale telle que mentionnée au III. » ;

« 2° L'article L. 1 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. – La politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités :

« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France et de promouvoir l'indépendance alimentaire de la France à l'international, en préservant son modèle agricole, ses systèmes d'exploitation, la qualité et la sécurité de son alimentation et en préservant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation française et européenne ; de garantir la sécurité sanitaire des importations par un niveau de contrôle efficace aux frontières ;

« 2° De développer la valeur ajoutée dans chacune des filières agricoles et alimentaires et de renforcer la capacité exportatrice de la France ; de développer des filières de production et de transformation en alliant performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, capables de relever le double défi de la compétitivité et de la transition écologique, dans un contexte de compétition internationale ;

« 3° De garantir le revenu, de développer l'emploi et d'améliorer la qualité de vie des agriculteurs et des salariés ainsi que de préserver le caractère familial de l'agriculture et l'autonomie et la responsabilité individuelle de l'exploitant et de rechercher l'équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée ;

« 4° De s'interdire les surtranspositions et les surrèglementations françaises par rapport aux normes européenne car elles accroissent les distorsions de concurrence et pénalisent la compétitivité de l'agriculture française ;

« 5° Dans le cadre de la politique de l'alimentation définie par le Gouvernement, d'assurer la sécurité alimentaire de la population en favorisant l'accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire telle que définie à l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles. La sécurité sanitaire des importations est garantie par un niveau de contrôle efficace aux frontières ;

« 6° De contribuer à la protection de la santé publique et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses, en veillant à l'intégration du principe d'une seule santé ;

« 7° De reconnaître et mieux valoriser les vertus de l'agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d'aménagement du territoire ;

« 8° De soutenir la recherche, l'innovation et le développement, en particulier des technologies et filières de production de fertilisants agricoles sur le sol national, des filières de produits biosourcés et de la chimie végétale, ou encore de nouvelles techniques génomiques ;

« 9° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région et les difficultés relatives aux zones intermédiaires ;

« 10° D'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la valorisation et la diversité des produits par le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ;

« 11° De promouvoir l'information des consommateurs quant aux lieux et modes de production, notamment d'abattage des animaux, et de transformation des produits agricoles et agro- alimentaires par une amélioration de la répression de la fraude ;

« 12° De promouvoir en accord avec les besoins du marché, le maintien et le développement de l'agriculture et des filières biologiques, au sens de l'article L. 641-13 ;

« 13° De veiller à l'exclusion des secteurs agricoles volontaires des traités de libre-échange ;

« 14° De favoriser l'acquisition dès l'enfance et l'adolescence d'une culture générale de l'alimentation soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique liés aux choix alimentaires ;

« 15° De protéger et de valoriser les terres agricoles ; 

« La politique d'aménagement rural définie à l'article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités. » ;

b) Le IV est ainsi rédigé : 

« IV. – La politique d'installation et de transmission en agriculture a pour objectif de contribuer à la souveraineté alimentaire de la France, en favorisant le renouvellement des générations d'actifs en agriculture par l'accompagnement des reprises d'exploitation. Elle prend en compte le caractère stratégique de ce renouvellement pour, d'une part, renforcer la création de richesse et la compétitivité de l'économie française et, d'autre part, répondre aux enjeux environnementaux et climatiques grâce aux services écosystémiques rendus par l'agriculture. Elle participe à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental et favorise la diversification des profils des porteurs de projets d'installation.

« À ce titre, elle oriente en priorité l'installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire, adaptés aux enjeux de chaque territoire, et vers des systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement, à travers des mesures visant à :

« 1° Faire connaître le métier d'exploitant agricole et communiquer sur l'enjeu stratégique du renouvellement des générations pour assurer la souveraineté alimentaire de la France ;

« 2° Susciter des vocations agricoles au sein du public scolaire, mais aussi parmi des personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d'emploi ;

« 3° Proposer un accueil, une orientation et un accompagnement personnalisés et coordonnés de l'ensemble des candidats à l'entrée en agriculture, comme des personnes envisageant de cesser et de transmettre leur activité ;

« 4° Mettre en relation les porteurs de projets en agriculture et les personnes en activité agricole ou en fin de carrière agricole et favoriser ainsi la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial comme hors de ce cadre ;

« 5° Encourager les formes d'installation collective et d'installation progressive, y compris le droit à l'essai, permettant d'accéder aux responsabilités de chef d'exploitation tout en développant un projet d'exploitation ainsi que l'individualisation des parcours professionnels ;

« 6° Favoriser la fourniture d'informations claires et objectives sur l'état des exploitations à transmettre afin de garantir leur viabilité d'un point de vue économique, humain et environnemental avec les actions à mener pour préserver les capacités de production compte tenu des contraintes climatiques.

« Dans le cadre de cette politique, l'État facilite pour les agriculteurs, l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Il assure la formation aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, de façon adaptée aux transitions écologique et climatique, à l'enjeu de souveraineté alimentaire et aux autres évolutions économiques, sociales et sanitaires ainsi qu'au développement des territoires.

« La mise en œuvre de cette politique d'aide à l'installation et à la transmission s'appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation réunissant l'État, les régions et les autres partenaires concernés. »

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Permettez-moi une rapide digression : Mme la ministre a dénoncé les accords de libre-échange, ce que nous faisons, pour notre part, depuis des années, ce qui était assez savoureux à entendre quand on sait que son propre parti, ses amis et ses alliés mettent méticuleusement en place ces accords avec l'Union européenne…

Je reviens à l'objet de cet amendement, essentiel pour garantir la souveraineté alimentaire de la France. Nous affirmons qu'il est nécessaire que la France maîtrise son autonomie agricole et alimentaire.

L'amendement vise à inscrire dans le code rural la définition de la notion de souveraineté alimentaire, et à préciser que la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur.

En renforçant nos capacités de production nationales et en protégeant nos agriculteurs de la concurrence déloyale, nous nous assurons que chaque Français ait accès à une alimentation de qualité, tout en consolidant notre indépendance face aux aléas des marchés internationaux.

De plus, cet amendement met en avant des mesures concrètes pour atteindre nos objectifs, c'est-à-dire garantir un revenu décent aux agriculteurs, encadrer les marges abusives des multinationales, renforcer la formation agricole et assurer une politique foncière équitable.

Il vise également à corriger un biais réglementaire, en mettant fin aux surtranspositions excessives des règles européennes qui pénalisent notre compétitivité.

Enfin, en faisant de la commande publique un levier stratégique, nous privilégions les produits français dans la restauration collective, soutenant ainsi nos filières nationales.

Par cet amendement, nous fournissons donc un outil clé pour protéger notre agriculture et assurer un avenir durable à notre souveraineté alimentaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. L'avis est défavorable sur les deux amendements.

Pardon de le dire ainsi, monsieur Louault, mais nous sommes au Sénat. Nous ne critiquons pas le travail des députés, mais nous aussi avons notre mot à dire et notre travail à mener. Adopter une réécriture de l'article 1er presque identique à la rédaction de l'Assemblée nationale reviendrait à faire fi de toutes les heures que Franck Menonville et moi-même avons consacrées à nous faire une opinion objective afin de proposer une rédaction qui corresponde au Sénat.

En outre, l'adoption de l'amendement n° 657 rectifié quater reviendrait sur notre proposition de réserver l'article 1er à la souveraineté alimentaire, et de déplacer les mesures relatives à l'installation à l'article 8. En effet, dans la rédaction de votre amendement, ces deux domaines sont de nouveau mélangés.

De plus, dans une sorte de liste à la Prévert, l'amendement vise à établir trente priorités en faveur de la souveraineté alimentaire, tandis que nous essayons de les regrouper en quatre grandes priorités, même si nous accepterons la proposition d'en faire figurer une cinquième, à savoir la sécurité sanitaire et alimentaire.

Je ne dis pas que tout est parfait et que notre travail ne peut pas être amélioré, mais nous n'avons pas du tout suivi la même logique.

J'y insiste, votre amendement reprend exactement la rédaction de l'Assemblée nationale, alors que nous avons voulu séparer la question de souveraineté alimentaire, d'une part, de celle de l'installation et de la transmission, d'autre part. Nous avons également cherché à clarifier l'ensemble.

Comme vous le verrez à l'occasion de l'examen d'un des amendements suivants, en retirant les grands principes de l'article 1er, nous avons cherché à sortir du programmatique pour faire du normatif, afin de leur donner une portée plus importante. Avec la réécriture totale que vous proposez, votre amendement relève, au contraire, du début jusqu'à la fin du programmatique.

Je reconnais qu'il est difficile de comprendre notre démarche alors que nous nous apprêtons à débattre en discussion commune de trente-trois amendements qui n'ont pas tous trait au même sujet. Je vous demande simplement de nous faire confiance.

Nous avons essayé de réécrire l'article pour faciliter la compréhension du sens de cette loi, qui, malheureusement, lorsqu'elle nous est arrivée de l'Assemblée nationale, s'est avérée être quelque peu décousue ou, tout du moins, n'avait pas l'architecture que nous souhaitions lui donner.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. D'abord, je tiens à vous remercier, messieurs Louault et Hochart, pour l'important travail conduit, lequel mérite objectivement d'être salué.

Le Gouvernement a rédigé un texte que les députés ont longuement examiné et largement amendé, de façon démocratique, chacun ayant soumis ses idées, puis le Sénat y a apporté sa contribution légitime, en choisissant de changer l'ordre d'ensemble. Messieurs les sénateurs, vous proposez chacun d'y substituer encore un nouvel ordre… Cette histoire est sans fin !

Lorsque j'ai découvert les propositions de votre assemblée, je me suis demandé s'il fallait me battre pour réinstaurer la structure de l'Assemblée nationale ou accepter, même si nous n'étions pas tout à fait d'accord, la proposition des rapporteurs. J'ai choisi de me concentrer sur les points les plus importants pour le Gouvernement.

Nous souhaitons « challenger » le Sénat que sur quelques propositions, et nous en resterons là. Il faut savoir arrêter de réécrire sans cesse cet article, qui est d'une densité exceptionnelle. Il contient de nombreuses notions fondamentales, étant, comme l'est tout article 1er, le socle principiel du texte.

Aussi, concentrons-nous sur l'essentiel, d'autant que je suis certaine, messieurs les sénateurs, que vous contribuerez avec richesse au débat étant donné l'ampleur de votre travail.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. J'ai perdu cet arbitrage, d'accord, mais il fallait reconnaître le travail de l'Assemblée nationale parce que nous nous retrouverons après en commission mixte paritaire (CMP) et qu'il faudra qu'elle soit conclusive. Je vous souhaite bon courage pour y parvenir si nous passons au forceps une rédaction totalement nouvelle de l'article en faisant fi des rédactions précédentes !

Monsieur le rapporteur, il faut lire correctement ma proposition : « 1° Avant l'article L. 1, sont insérés deux articles L. 1 A et L. 1 B ». Ces articles forment un chapeau, exactement comme dans votre amendement n° 907 : ils se situent avant l'article L. 1 et sont de portée normative. Je veux bien que vous me racontiez des histoires, mais, pour l'affirmer de manière un peu sèche, nos amendements sont exactement les mêmes !

Puisque notre amendement ne sera pas adopté, je tenterai de réintroduire en partie ses dispositions, même si j'entends l'argument des apports du Sénat. Je ne suis pas borné au point de réclamer du rapporteur de prendre la copie de l'Assemblée nationale ! J'ai la fierté de siéger dans notre assemblée, et je fais miennes les spécificités de l'institution. Je n'envie pas du tout les députés, surtout en ce moment…

Mes chers collègues, je vous demande donc de garder en tête mon amendement, car il reviendra par morceaux tout au long de nos débats. Je trouve important de me battre sur quelques points comme je viens de le faire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 657 rectifié quater.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 452.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trente-trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 289 rectifié ter est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 905 est présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 2 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l'amendement n° 289 rectifié ter.

M. Olivier Jacquin. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 à 5 introduits par les rapporteurs en commission. L'inscription des notions de « potentiel agricole » dans le champ de protection des intérêts fondamentaux de la Nation et de « non-régression de la souveraineté alimentaire » soulève de trop nombreuses questions pour voter le texte en l'état.

D'une part, nous nous interrogeons sur l'adéquation de ces concepts avec nos engagements environnementaux et avec la nécessité de réaliser un véritable virage agroécologique, que nous appelons de nos vœux. En effet, l'orientation très productiviste que sous-tendent ces notions, particulièrement celle d'une « amélioration constante » du « potentiel agricole », rendrait impossible toute décision politique qui n'irait pas uniquement dans le sens d'un accroissement du volume produit.

D'autre part, nous considérons comme disproportionné de mettre au même niveau le potentiel agricole, l'indépendance de la Nation, la sûreté nucléaire ou encore la sécurité militaire. À ce titre, nous tenons à rappeler qu'une telle opinion ne constitue pas une posture dogmatique de notre part : le Conseil d'État avait également émis dans son avis de fortes réserves concernant cette notion, proposant de la supprimer au motif que la portée d'une telle mention n'était « pas claire » et que son utilité était « douteuse ».

Dans ces conditions, les alinéas 2 à 5 nous semblent au mieux totalement incantatoires et inutiles, donc sources de promesses vides à destination de nos agriculteurs. Au pire, ils risquent d'entraîner une paralysie de nos politiques publiques, particulièrement celles qui n'iraient pas uniquement dans le sens du productivisme.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 905.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la présidente, je le présenterai au moment de mon avis sur l'ensemble des amendements en discussion commune.

Mme la présidente. L'amendement n° 656 rectifié quater, présenté par MM. V. Louault, Capus et Médevielle, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Chevalier, Rochette et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 5

Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :

1° Au début sont ajoutés deux articles L. 1 A et L. 1 B ainsi rédigés : 

« Art. L. 1 A. – I. – La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture, l'élevage, le pastoralisme, la pêche, l'aquaculture et l'apiculture, en tant qu'elles garantissent la souveraineté et la sécurité alimentaire de la Nation, en ce qu'elles participent à la décarbonation, à la protection des écosystèmes, et à l'adaptation au changement climatique, sont d'intérêt général majeur, et contribuent à la défense des intérêts fondamentaux tels que définis à l'article 410-1 du code pénal.

« On entend par souveraineté́ agricole et alimentaire, le droit de chaque pays de maintenir et de développer ses systèmes d'exploitation agricoles afin de garantir sa propre capacité à produire son alimentation et aux fins de fournir à l'ensemble de la population une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l'année et issue d'aliments produits de manière durable. À ce titre, elle garantit aux exploitants agricoles la liberté́ de gérer leur capacité et leur mode de production. Les productions nationales par filière doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur ces mêmes filières

« On entend par sécurité alimentaire la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin.

« On entend par sécurité sanitaire alimentaire, la capacité à assurer la sécurité et la qualité sanitaires de notre alimentation, par l'évaluation des risques sanitaires dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement et du travail, avec une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes, en reconnaissant que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l'environnement en général, y compris des écosystèmes, est étroitement liée et interdépendante.

« Les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l'agriculture, la pêche et l'aquaculture respectent le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte-tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. 

« Art. L. 1 B. – I. Six mois avant le début des négociations de chaque cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement transmet (pour avis aux commissions compétentes) au Parlement une programmation pluriannuelle de l'agriculture pour les sept années couvrant le prochain cadre financier (ou fixée par décret) qui définit les modalités d'action des pouvoirs publics pour atteindre les objectifs définis aux L1-A, L1, L2, L3 et L4 du code rural et de la pêche maritime ainsi que par la présente loi.

« Cette programmation pluriannuelle de l'agriculture détermine notamment des objectifs de production par filière et la stratégie mise en œuvre pour atteindre ces objectifs. Ces objectifs doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur celles-ci.

« Le Gouvernement publie annuellement des données de production par filière permettant d'apprécier l'évolution de leur trajectoire de production.

« S'il est constaté pendant deux années consécutives un écart important entre la trajectoire de production observée de certaines filières et la trajectoire déterminée par la programmation pluriannuelle de l'agriculture, le Gouvernement transmet un rapport aux commissions compétentes du Parlement, exposant les raisons de l'écart et les mesures de correction envisagées. Ce rapport précise les mécanismes, notamment sous la forme d'aides, y compris européennes, mis en œuvre permettant de corriger les écarts observés.

« La programmation pluriannuelle de l'agriculture fait l'objet d'une synthèse pédagogique accessible au public.

« Le décret prévu au X alinéa du présent X précise les objectifs et les priorités d'action de la politique agricole nationale tel que mentionné au présent X. » ;

II. – Alinéas 15 à 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Monsieur le rapporteur, je réintroduis une partie de mon amendement précédent, à savoir la partie qui ne contient pas les trente priorités. En effet, j'ai bien conscience qu'il faut de la simplification et de la lisibilité, et je reconnais l'effort qui a été mené en ce sens.

Nos débats étant placés sous le regard des juges et des avocats, je précise que la notion d'« intérêt général majeur » est juridiquement stable, car elle a fait l'objet d'une jurisprudence claire dans le cadre du droit de l'environnement. Par parallélisme, une équivalence pourrait être créée pour l'agriculture, même si les juges utilisent différents critères lorsque plusieurs intérêts se télescopent. D'ailleurs, le droit de l'environnement primera toujours, la Charte de l'environnement ayant valeur constitutionnelle : sur ce point, rien ne change.

Je remercie le rapporteur d'avoir intégré l'« intérêt général majeur » dans le texte, après l'« intérêt fondamental de la Nation ». Cette inscription est d'une importance primordiale pour nos futurs débats.

Mme la présidente. L'amendement n° 713 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés : 

1° Au début, il est ajouté un article L. 1 A ainsi rédigé :

« Art L. 1 A. - La souveraineté alimentaire, principe reconnu dans le droit international par la déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales du 18 décembre 2018, se définit comme le droit des populations de définir leurs systèmes alimentaires et agricoles sans nuire à la souveraineté alimentaire et au droit à l'alimentation des pays tiers. Ceci inclut le droit de participer à l'élaboration des politiques alimentaires et agricoles qui les concernent, et le droit à une nourriture saine et suffisante produite par des méthodes écologiques et durables.

« Elle permet à l'ensemble des agriculteurs comme à l'ensemble des salariés des filières agroalimentaires de vivre dignement de leur métier notamment par l'organisation des marchés et un juste  partage de valeur. Elle assure le renouvellement des générations d'actifs en garantissant la régulation du marché foncier, la préservation et la juste distribution des terres et une allocation équitable des aides publiques.

« Elle induit le développement d'une agriculture destinée à répondre en premier lieu aux besoins alimentaires nationaux et européen en recherchant la proximité et en soutenant les filières déficitaires, sans porter préjudice à la souveraineté alimentaire des pays tiers et dans le respect des orientations de sa politique de développement et de solidarité internationale telles que définies à l'article 1er de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales et de ses engagements internationaux relatifs aux droits humains et à l'environnement

« La souveraineté alimentaire, par les systèmes de production qu'elle met en œuvre, est respectueuse de la Charte de l'environnement de 2004 en contribuant notamment à l'atténuation du dérèglement climatique, la préservation de la biodiversité et de la ressource en eau. Elle valorise le potentiel agroécologique sur l'ensemble du territoire. »

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement prévoit une réécriture des alinéas 2 à 5 conforme au droit européen et, plus généralement, international. Il vise à réaffirmer le droit qu'ont les paysans de produire et les peuples de choisir leur alimentation

Mme la présidente. L'amendement n° 686, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

1° Au début, il est ajouté un article L. 1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 1 A. – I. – La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux.

« L'agriculture, au sens du présent livre, qui s'entend des activités réputées agricoles en application de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture.

« II. – Les politiques économiques, sociales et environnementales concourent à assurer la souveraineté alimentaire et agricole de la France, définie, conformément à la résolution 73/165 de l'Assemblée générale des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales adoptée le 17 décembre 2018, comme le droit des peuples de définir leurs systèmes alimentaires et agricoles et le droit à une alimentation saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes écologiques et durables respectueuses des droits de l'homme. » ;

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Sous l'impulsion du Gouvernement, le projet de loi d'orientation agricole reprend des notions extrêmement floues d'un point de vue juridique, comme la « non-régression de la souveraineté alimentaire », la nécessité d'une « amélioration constante du potentiel productif agricole » français ou l'« intérêt général majeur ».

Dans un premier temps, cet amendement a pour objet de supprimer ces termes ambigus, problématiques en matière de conflits d'usages et de préservation de l'environnement, comme le rappelait Vincent Louault.

De fait, votre rédaction, madame la ministre, nous paraît juridiquement contestable : elle porte en elle un flou qui mènera à des contentieux. L'évolution de notre agriculture nécessite de la concertation et non de la conflictualisation, comme vous le souligniez. Or ces concepts créeront des difficultés.

Dans un second temps, cet amendement tend à établir une définition incontestable de la souveraineté agricole en reprenant celle de la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, adoptée en 2018 par l'Assemblée générale des Nations unies. Nous prenons en compte, avec cette définition, les implications commerciales de nos politiques agricoles et le respect de la souveraineté des pays tiers.

L'objectif est de mettre en place de politiques publiques agricoles cohérentes et adaptées, sans confondre, comme souvent, la souveraineté avec la sécurité alimentaire.

Mme la présidente. L'amendement n° 800, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

1° Au début, il est ajouté un article L. 1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 1 A. – La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux.

« L'agriculture au sens du présent livre, qui s'entend des activités réputées agricoles en application de l'article L. 311-1, comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture, l'apiculture et la sylviculture. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à rétablir la formulation de l'Assemblée nationale, plus satisfaisante. En effet, cette rédaction, qui traduit une ambition inédite défendue par le Gouvernement dans son projet de loi, était très attendue par les agriculteurs.

Notre agriculture est confrontée à un défi majeur. La démographie mondiale poursuit sa croissance dynamique, alors que le changement climatique réduit la surface de terres arables. De grandes puissances ont bien compris qu'il existe une géopolitique de l'agriculture : la guerre en Ukraine nous le rappelle tous les jours. La Russie, les États-Unis, le Brésil, la Chine et, moins loin de nous, des États en Europe comme la Pologne, l'Italie, l'Allemagne ou les Pays-Bas ont repensé leurs politiques agricoles pour relever ce défi.

Qu'en est-il de la France ? Nos facteurs de production s'étiolent : moins d'hommes et de femmes, en raison du vieillissement de la population ; moins de terres, en raison de l'artificialisation des sols ; moins d'élevage, en raison de la décapitalisation des cheptels ; moins de moyens de production, en raison de la raréfaction de l'eau dans certaines zones et des solutions culturales pour lutter contre les maladies végétales. Et c'est sans compter sur le fait que nos dépendances stratégiques sont de plus en plus grandes en matière d'engrais, de protéines végétales, de machinisme, d'énergie, etc.

Alors que le monde a sonné la mobilisation générale pour son agriculture, en France, nous continuons à tergiverser. Dans nombre de décisions récentes, les intérêts de la filière n'ont pas été retenus ou, pire encore, ont été totalement ignorés au profit d'autres politiques tout aussi primordiales. À chaque fois, nos résultats agricoles reculent, faute d'être considérés comme une priorité majeure de nos politiques publiques.

C'est tout l'enjeu de cette loi : faire de la souveraineté alimentaire une priorité majeure. Je l'affirme haut et fort : la défense de l'agriculture pour renforcer notre souveraineté alimentaire est un intérêt général majeur. Il s'agit d'un intérêt fondamental de la Nation car elle contribue au potentiel économique du pays.

Tel est le sens de cet article 1er, qui est selon moi essentiel. Je vous confirme que ces dispositions permettront une meilleure prise en compte des intérêts agricoles dans la balance des différents intérêts à défendre, tant par l'administration que par le juge, dans une approche au cas par cas. Elles sont la clé pour mieux protéger les moyens de notre souveraineté alimentaire.

Comme je l'indiquais, l'idée du Gouvernement n'est pas de tout réécrire. Nous devons capitaliser sur les travaux qui ont déjà été effectués et souhaitons revenir à une formulation plus programmatique de la souveraineté alimentaire. Notre rédaction vise à affirmer le caractère d'« intérêt général majeur » de l'agriculture, sans oublier non plus, monsieur Lahellec, la pêche et les autres domaines, notamment la sylviculture. Ainsi, nous précisons explicitement que la souveraineté alimentaire « contribue à la défense [des] intérêts fondamentaux » de la Nation.

Par ailleurs, cet amendement vise à reprendre la définition de l'agriculture qui figurait non pas dans la rédaction de la commission au Sénat, mais dans la vôtre, monsieur Louault. Elle a toute sa place en introduction du code rural et de la pêche maritime.

M. Vincent Louault. Excellent !

Mme la présidente. L'amendement n° 728 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mmes Cukierman et Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1B. – La souveraineté alimentaire de la France se traduit par sa capacité à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et alimentaires nécessaires à l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous, tout au long de l'année, et issue d'aliments produits de manière durable.

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Rédigé en concertation avec les Jeunes agriculteurs, cet amendement de repli vise à définir dans le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime la notion de souveraineté alimentaire, mobilisée à plusieurs reprises dans les articles de ce projet de loi.

Mme la présidente. L'amendement n° 290 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1 B. – La souveraineté alimentaire vise à assurer pour l'ensemble de la Nation l'accès à une nourriture saine et diversifiée dont la qualité et la quantité respectent les recommandations du programme national de l'alimentation et de la nutrition.

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. En cas de non-adoption de l'amendement n° 289 rectifié ter, cette proposition de repli prévoit une nouvelle rédaction de l'alinéa 4. Comme nous venons de l'indiquer, le fait de reconnaître la souveraineté alimentaire comme un « intérêt fondamental de la Nation », au sens de l'article 410-1 du code pénal, nous laisse dubitatifs.

Aussi, cet amendement tend à reformuler l'article L. 1 B du code rural afin de préciser que « la souveraineté alimentaire vise à assurer pour l'ensemble de la Nation l'accès à une nourriture saine et diversifiée ».

De plus, nous souhaitons que cet objectif s'intègre dans une recherche de « qualité » et de « quantité respect[a]nt les recommandations du Programme national de l'alimentation et de la nutrition ». En effet, il nous semble indispensable de lier ces deux finalités, de quantité et de qualité, pour accompagner la transition de notre modèle agricole vers davantage de durabilité et d'agroécologie, tout en répondant à des attentes sociétales fortes dans ce domaine.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 253 rectifié bis est présenté par M. Bleunven, Mmes Billon, Gacquerre, Jacquemet et Perrot et MM. de Nicolaÿ, Levi et Kern.

L'amendement n° 793 rectifié est présenté par MM. Gremillet et Rietmann, Mme Belrhiti, MM. Panunzi, Khalifé, Sol et Brisson, Mme Berthet, MM. Burgoa, Klinger et de Legge, Mme Malet, M. H. Leroy, Mmes Micouleau, Demas et Ventalon, MM. Chatillon, Belin, Genet, Somon et Bacci, Mme Dumont, M. Pointereau, Mmes Bellurot, Drexler et Josende, M. Sido, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Imbert, MM. Reynaud et Cuypers, Mme Richer et MM. Lefèvre, D. Laurent et Milon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1 B. – La protection, la valorisation, le développement de l'agriculture sont d'intérêt général majeur et défendus au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation au sens de l'article 410-1 du code pénal.

La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l'amendement n° 253 rectifié bis.

M. Yves Bleunven. Cet amendement vise à traduire juridiquement l'exigence transversale de protection de l'agriculture.

Nous proposons que la protection de l'agriculture soit un sujet d'intérêt, au même titre que l'urbanisme, l'aménagement du territoire, l'environnement, le climat, etc.

Ce nécessaire rééquilibrage des intérêts en présence est une condition indispensable au maintien et au déploiement à l'avenir de l'agriculture en France. Toutes les atteintes portées au secteur devront désormais être appréciées au regard de cet intérêt général. L'objectif est d'éviter que la filière ne soit assimilée à un service public et de produire les effets juridiques attendus par cette caractérisation.

Ce sont bien les notions de protection, de valorisation et de développement appliquées à l'agriculture qui doivent être qualifiées d'intérêt général majeur.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l'amendement n° 793 rectifié.

M. Daniel Gremillet. Il a été très bien défendu par mon collègue.

Mme la présidente. L'amendement n° 291 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Nous proposons, une nouvelle fois, un amendement de repli, si les amendements de mes collègues Jacquin et Stanzione devaient n'être pas retenus. Voyez comme nous nous inscrivons dans une démarche de coconstruction !

Cet amendement a pour objet de supprimer la partie de l'article la plus problématique à nos yeux, c'est-à-dire la phrase de l'alinéa 4 relative à l'« intérêt général majeur » de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture. Par notre proposition, nous ne suggérons pas – vous l'aurez compris – que ces secteurs n'ont pas de valeur, mais nous réitérons nos mises en garde contre cette notion juridiquement floue, et donc source d'incertitudes. Vous savez ce que l'on dit chez moi, dans le Nord, des choses qui sont floues… (Sourires.)

Il serait préférable de renoncer à la notion d'intérêt général majeur, qui nous est présentée comme incertaine et symbolique. Elle pourrait même, selon le rapport de la commission, faire « contrepoids aux exigences constitutionnelles s'attachant notamment à la protection de l'environnement ».

Aussi, face au vague juridique de la formule et aux inquiétudes qu'elle fait peser en matière d'environnement, il nous semble plus sage de supprimer cette phrase de l'alinéa 4.

Mme la présidente. L'amendement n° 228 rectifié ter, présenté par Mme Devésa, MM. Le Rudulier et Courtial, Mme Doineau, M. Chasseing, Mme Saint-Pé et MM. Longeot et Levi, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La souveraineté alimentaire de la France se traduit par sa capacité à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et alimentaires nécessaires à l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous, tout au long de l'année, et issue d'aliments produits de manière durable. 

La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.

Mme la présidente. L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les politiques économiques, sociales et environnementales concourent à assurer la souveraineté alimentaire et agricole de la France. Conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales adoptée le 17 décembre 2018 par l'Assemblée générale des Nations unies, la souveraineté alimentaire s'entend comme le droit des peuples de définir leurs systèmes alimentaires et agricoles et le droit à une alimentation saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes écologiques et durables respectueuses des droits de l'homme. Elle maintient et développe les capacités de la France à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et alimentaires nécessaires à l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous, tout au long de l'année, et issue d'aliments produits de manière durable de la manière suivante ;

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à compléter la définition de la souveraineté alimentaire contenue dans le nouvel article relatif aux orientations des politiques publiques associées à la protection de la souveraineté alimentaire, texte introduit par ce projet de loi dans le code rural.

Nous nous appuyons sur le cadre international de la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, adoptée en 2018 par l'Assemblée générale des Nations unies, dans laquelle le concept de souveraineté alimentaire est précisé.

Mme la présidente. Les cinq amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 52 rectifié bis est présenté par MM. Levi, Brisson et Henno, Mme de La Provôté, MM. Khalifé, Dhersin, Laugier, Burgoa, Médevielle et L. Vogel, Mmes Sollogoub et Patru, MM. Reynaud, Courtial, Canévet, S. Demilly et V. Louault, Mme Saint-Pé, MM. Laménie et H. Leroy, Mmes Romagny et Jacquemet, MM. Folliot et Bonhomme, Mmes Billon et Gacquerre, M. Klinger, Mmes M. Mercier et Canayer, M. Somon, Mme Paoli-Gagin et M. Ravier.

L'amendement n° 178 rectifié ter est présenté par MM. Genet et Pernot, Mmes Belrhiti et Micouleau, MM. D. Laurent, Saury, Bouchet et de Legge, Mme Joseph, MM. C. Vial et Paul, Mmes P. Martin et Bellurot, MM. J. B. Blanc, Rietmann, Perrin, Longeot et Sido et Mme Josende.

L'amendement n° 202 rectifié est présenté par MM. Roux, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset et Mme Pantel.

L'amendement n° 268 rectifié ter est présenté par MM. Bleunven, de Nicolaÿ et Kern.

L'amendement n° 630 rectifié bis est présenté par MM. Rochette, A. Marc et Capus, Mme Bourcier, MM. Brault, Grand, Wattebled et Chasseing, Mme Herzog et M. Lemoyne.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 1.... – La souveraineté alimentaire de la France se traduit par sa capacité à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et alimentaires nécessaires à l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous, tout au long de l'année, et issue d'aliments produits de manière durable. »

La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour présenter l'amendement n° 52 rectifié bis.

M. Pierre-Antoine Levi. Cet amendement vise à inscrire dans le code rural et de la pêche maritime une définition claire et complète de la souveraineté alimentaire. Elle repose sur trois piliers essentiels : la production, la transformation et la distribution.

Cette formulation vise à garantir que la souveraineté s'exerce au bénéfice de l'ensemble de la population en assurant une « alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous ». J'insiste particulièrement sur les exigences d'accessibilité et de durabilité de la production.

Dans le contexte actuel de tensions sur les prix alimentaires et de défis environnementaux, il est crucial que la définition intègre ces paramètres. Elle permettra de donner un cadre clair à l'ensemble des dispositions de ce texte et d'en renforcer la cohérence globale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pauline Martin, pour présenter l'amendement n° 178 rectifié ter.

Mme la présidente. La parole est à M. André Guiol, pour présenter l'amendement n° 202 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l'amendement n° 268 rectifié ter.

Mme la présidente. L'amendement n° 630 rectifié bis n'est pas soutenu.

L'amendement n° 292 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Ce nouvel amendement de repli vise à supprimer uniquement l'alinéa 5, relatif au principe, introduit lors de l'examen du texte par la commission, de non-régression de la souveraineté alimentaire.

Cette expression nous pose un problème de fond en raison des sous-entendus qu'elle emporte. De fait, nous l'interprétons dans le sens d'une progression constante des volumes et des rendements, d'autant qu'il est écrit dans le texte que sont concernées toutes « les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l'agriculture, la pêche et l'aquaculture ». Les répercussions sont donc majeures.

Nous y voyons également un problème en matière d'attractivité des métiers. Je peux témoigner pour la région Bretagne, où nous menons, aux côtés de l'ensemble des acteurs, une politique d'installation ambitieuse, que de nombreux jeunes ne s'inscrivent pas du tout dans une démarche de course aux rendements. C'est même l'inverse ! Ils ont le souci de produire toujours de manière respectueuse de l'environnement, sans que leur activité relève forcément de l'agriculture biologique, et s'inquiètent de la décarbonation des pratiques.

Au-delà d'une portée juridique qui semble tout à fait limitée, l'alinéa 5, dans sa rédaction actuelle, induit une course vers toujours plus de rendements sans prendre en compte les préoccupations qui sont désormais des facteurs clés pour favoriser l'installation de nouveaux producteurs. Nous appelons donc à le supprimer.

Mme la présidente. L'amendement n° 293 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Remplacer les mots : 

respectent le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du

par les mots : 

tendent à protéger le

2° Supprimer les mots : 

ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Comme vous le constatez, nous aurons tout tenté pour trouver un compromis sur l'alinéa 4 et à présent sur l'alinéa 5 ! En effet, nous proposons par cet amendement de repli une nouvelle formulation de ce dernier. Nous souhaitons opter pour une rédaction bien plus réaliste, en raison des effets que le concept de non-régression de la souveraineté alimentaire pourrait produire.

Nous sommes favorables à ce que nos politiques publiques et nos règlements ayant des répercussions sur l'agriculture « tendent à protéger » le potentiel agricole de la Nation. Même si elle a perdu de son leadership, la France reste une puissance mondiale dans ce secteur ; aussi, certaines de nos filières doivent continuer à produire et à être performantes à l'exportation.

Nous, sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ne sommes pas des adeptes de la décroissance agricole. Nous désirons simplement une croissance durable et adaptée tant aux enjeux climatiques qu'aux attentes de nos concitoyens. Dans ces conditions, il faut être clair dans nos objectifs et dans la manière de les formuler.

Mme la présidente. L'amendement n° 420 rectifié ter, présenté par MM. M. Weber, Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et des engagements nationaux et européens de transition agroécologique dans le cadre du pacte vert pour l'Europe

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Toujours pour améliorer l'article, nous vous proposons, si d'aventure la suppression de l'alinéa 5 n'était pas retenue, de compléter celui-ci.

Vous évoquiez tout à l'heure, madame la ministre, des tergiversations. Je veux affirmer que l'agriculture n'est pas opposée aux autres intérêts du vivre-ensemble. Aussi, cet amendement de repli est commandé par les engagements qui ont été pris en faveur de la transition agroécologique dans le cadre de dispositifs bien connus : stratégie nationale biodiversité 2030, plan Écophyto, « zéro artificialisation nette » (ZAN), etc.

Nous souhaitons inscrire le principe d'amélioration constante du potentiel agricole dans ce contexte en replaçant l'agronomie au cœur des pratiques. La rotation des cultures, les couverts permanents et la protection et le renforcement de la biodiversité sont autant de leviers permettant un gain de productivité, ainsi que le maintien et la régénération de la ressource.

La biodiversité est un moteur de production. Sans pollinisateurs et autres auxiliaires de cultures, sans matière organique dans les sols et sans diversité des cultures, nous savons qu'aucune productivité n'est possible. L'agriculture joue un rôle crucial dans la préservation de la biodiversité, tout comme, en parallèle, la biodiversité est essentielle aux activités des agriculteurs.

Renouer avec des pratiques plus durables est l'ambition même de la transition agroécologique et du Pacte vert européen, que je soutiens. Cet amendement vise donc à replacer l'objectif de transition au centre de l'amélioration du potentiel agricole.

Mme la présidente. L'amendement n° 689, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 15 à 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement a pour objet de supprimer les alinéas 15 à 18, lesquels posent des problèmes à la fois de forme et de fond.

Sur la forme, le Sénat souhaite inscrire la transmission d'un rapport dans l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Ce document porterait sur les objectifs généraux de notre politique agricole. Selon nous, il n'a strictement rien à faire dans ce texte, d'autant qu'il n'est pas dans l'habitude de notre assemblée de demander des rapports ou de mal codifier le droit !

Sur le fond, ce document aurait pour objet de planifier de manière absurdement productiviste les rendements de chaque filière agricole, sans aucune corrélation avec les besoins réels du pays ou avec les équilibres de marché, dont dépend la rémunération des agriculteurs. En effet, la majorité de nos filières produisent déjà de 100 % à plus de 200 % des besoins du pays !

Je ne reprends pas l'argumentaire de mon collègue Daniel Salmon sur l'adéquation entre production et besoins. L'important est d'accompagner les filières dont le rendement est déficitaire, si elles peuvent augmenter leurs capacités, et non de pousser tous les curseurs dans le sens d'une fuite en avant !

Mme la présidente. L'amendement n° 908, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 15 à 18

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« Des "Conférences de la souveraineté alimentaire", réunissant les représentants des filières siégeant dans les conseils spécialisés mentionnés à l'article L. 621-5 et des organisations interprofessionnelles reconnues mentionnées à l'article L. 632-1 sont organisées en 2026 sous l'égide de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) mentionné à l'article L. 621-1.

« L'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer accompagne les interprofessions et les filières afin qu'elles définissent une stratégie assortie d'objectifs, notamment de production, à horizon de dix ans, en vue de l'amélioration de la souveraineté alimentaire de la Nation, ou tout du moins d'assurer sa non-régression.

« Ces travaux font l'objet d'une synthèse présentée lors d'une "Conférence nationale de la souveraineté alimentaire", présidée par le ministre chargé de l'agriculture. Cette synthèse est accessible au public. Elle est actualisée au moins une fois tous les dix ans.

« Chaque année, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer publie un rapport sur le niveau de réalisation des objectifs figurant dans la synthèse mentionnée au précédent alinéa. Ce rapport est public et remis au Parlement.

« Chaque stratégie par filière fait l'objet d'un rapport à mi-parcours. Ce rapport analyse les éventuelles raisons de l'écart aux objectifs déterminés dans la stratégie de la filière et formule des recommandations. Ces documents sont remis au ministre chargé de l'agriculture.

« Le ministre chargé de l'agriculture peut convoquer une nouvelle "Conférence nationale de la souveraineté alimentaire", notamment s'il constate des écarts significatifs à la trajectoire dans plusieurs filières. » ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Bien que l'heure soit tardive, je me permets d'attirer votre attention sur les conférences de la souveraineté alimentaire, un élément nouveau introduit dans le projet de loi après l'examen du texte par l'Assemblée nationale et la commission des affaires économiques du Sénat.

Il s'agit de donner une déclinaison opérationnelle, concrète et collective à la progression de la souveraineté alimentaire de la Nation.

Vous avez tous eu pour ambition de fixer des cibles de production. Ces conférences visent à confier aux filières agricoles, dans leurs différentes composantes, la responsabilité d'établir une stratégie de filière, assortie d'objectifs à horizon de dix ans.

Autrement dit, ce n'est pas l'État qui déterminera les objectifs par filière, mais ce sont les filières elles-mêmes qui fixeront les modalités, les objectifs et la temporalité de leur progression en matière de souveraineté. Pour ce faire, elles bénéficieront de l'appui et de l'expertise de FranceAgriMer, afin d'assurer une vision plus globale de la souveraineté alimentaire nationale.

Chaque année, FranceAgriMer, qui est – comme cela a été rappelé – un organisme de référence et un opérateur de l'État, fournira un rapport sur l'atteinte de ces objectifs.

Pourquoi fixer un horizon de dix ans ? Tout simplement parce que la reconquête de notre souveraineté alimentaire ne se fera pas en un claquement de doigts, en deux ou trois ans ; elle nécessitera un temps relativement long.

Néanmoins, des rendez-vous d'étape sont prévus afin de s'assurer que les objectifs soient véritablement remplis. Si tel n'était pas le cas, la puissance publique interviendrait pour remédier à cette défaillance dans la façon d'honorer les objectifs que les filières se seront fixés.

Les premières conférences de la souveraineté alimentaire seraient organisées en 2026, ce qui nous laisse l'année 2025 pour mettre en œuvre ce processus avec les filières.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces conférences constituent une grande avancée pour notre pays. J'aurai l'occasion d'y revenir si vous le souhaitez, mais je me permets d'insister dès à présent sur l'importance de ce dispositif relativement innovant.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 914, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 908, alinéa 7, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Il comporte une annexe spécifique relative aux filières des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi que de la Nouvelle-Calédonie.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la présidente, je présenterai ce sous-amendement et les suivants en donnant l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements sn discussion commune.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 915, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 908, alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et transmis au Parlement

Le sous-amendement n° 913, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 908

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

« En amont des négociations du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les priorités françaises compte tenu des stratégies de filières élaborées dans le cadre de la « Conférence nationale de la souveraineté alimentaire. » ;

Ces deux sous-amendements seront présentés ultérieurement, lors de l'avis de la commission.

L'amendement n° 740 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par les mots :

permettent de répondre aux besoins en termes de consommation nationale, et aux enjeux de territorialisation de l'alimentation, en anticipant les évolutions de la demande et en lien avec des politiques de structuration de débouchés pour les produits issus de l'agriculture biologique et de modes de production durables

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Il s'agit de compléter l'alinéa 15 pour renforcer les liens entre producteurs et consommateurs. La territorialisation de l'alimentation favorise une agriculture locale, durable et résiliente.

Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 111 rectifié ter est présenté par MM. Gold et Cabanel, Mme Jouve, M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Grosvalet, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

L'amendement n° 405 rectifié ter est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 529 rectifié bis est présenté par M. Masset.

L'amendement n° 717 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Après le mot :

filière

insérer les mots :

et par mode de production

La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l'amendement n° 111 rectifié ter.

M. Henri Cabanel. Dans un souci de mise en cohérence des politiques publiques agricoles, et donc d'efficacité de l'action publique, cet amendement vise à préciser que le rapport remis par le Gouvernement au Parlement, présentant une programmation pluriannuelle de l'agriculture française pour les sept années couvrant le prochain cadre financier, doit aussi traiter de l'atteinte des objectifs par mode de production, quand il en existe, comme c'est le cas pour l'agriculture biologique.

Cette approche offre l'opportunité de mieux suivre la production alimentaire française et de contrôler l'atteinte des objectifs fixés par le Gouvernement, notamment en matière de développement de l'agriculture biologique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l'amendement n° 405 rectifié ter.

M. Jean-Claude Tissot. Il est défendu.

Mme la présidente. L'amendement n° 529 rectifié bis n'est pas soutenu.

La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 717.

M. Gérard Lahellec. Il est défendu.

Mme la présidente. L'amendement n° 298 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Après le mot :

filière

insérer les mots :

et le nombre minimum d'actifs en agriculture nécessaires pour les atteindre,

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à préciser le contenu du rapport du Gouvernement qui présentera une programmation pluriannuelle de l'agriculture française pour les sept années à venir. À ce stade, ce rapport tend à déterminer les objectifs de production par filière et la stratégie à mettre en œuvre pour les atteindre.

Comme nous l'avons souligné à différentes reprises ce soir – c'est d'ailleurs un souci partagé sur l'ensemble des travées –, nos politiques publiques agricoles doivent se fixer l'objectif majeur d'assurer le renouvellement des générations en agriculture. Elles doivent donc ouvrir des perspectives pour les jeunes afin de leur donner envie de s'installer.

Il pourrait donc être pertinent que ce rapport, outre le fait de fixer des objectifs de production par filière, se penche également sur le nombre prévisionnel d'actifs agricoles nécessaires pour les atteindre. Nous pourrions alors déterminer plus facilement les besoins d'installation et de formation à venir, y compris de façon territorialisée.

Notre objectif rejoindrait ainsi celui de l'article 2, qui vise une augmentation du nombre d'apprenants d'ici à 2030.

Mme la présidente. L'amendement n° 283 rectifié n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la présidente, comme il s'agit d'une longue discussion commune, je vous demande de faire preuve de bienveillance : j'essaye de faire au plus vite, mais je dois à notre assemblée quelques explications sur la stratégie d'ensemble que nous voulons inclure dans cet article.

Avant d'examiner les amendements, qui portent essentiellement sur les articles L. 1 A et L. 1 B du code rural, j'apporterai quelques explications sur la démarche que nous avons suivie.

L'article 1er contient essentiellement des mesures programmatiques, destinées à orienter nos politiques agricoles. Cependant, il contient aussi des mesures que nous jugeons non programmatiques et qui doivent produire des effets juridiques.

Or le Conseil constitutionnel nous dit que des dispositions programmatiques et des dispositions normatives ne peuvent pas coexister au sein d'un même article, car cela irait à l'encontre du principe d'intelligibilité de la loi.

Cela nous oblige donc à les « séparer » les deux types de dispositions : nous proposons de supprimer les alinéas normatifs de l'article 1er pour les replacer dans un article additionnel après l'article 1er. Nous satisferions ainsi à cette problématique d'intelligibilité de la loi.

Pour rappel, les alinéas concernés comportent trois avancées majeures, toutes issues du Sénat.

La première est la reconnaissance de l'intérêt général majeur s'attachant aux activités agricoles, qui est l'héritage de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, que j'avais présentée avec Serge Mérillou et Pierre Louault, votée ici même en 2023.

La deuxième avancée est la reconnaissance de la souveraineté alimentaire comme intérêt fondamental de la Nation au sens du code pénal, qui est issue d'un amendement de mon collègue Franck Menonville également adopté dans le cadre de la proposition de loi que je viens de mentionner.

La troisième avancée est l'inscription dans le code rural d'un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire induisant le fait que le potentiel agricole de la Nation ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante. Cet apport est issu des travaux de notre commission, et il est majeur.

En résumé, en votant l'amendement n° 905 de la commission, nous supprimerions les alinéas 2 à 5, qui seront replacés dans un article additionnel après l'article 1er.

Nous aurions aussi pu faire l'inverse, à savoir déposer un amendement visant à mettre ces alinéas dans un article additionnel avant l'article 1er. Cependant, l'adoption d'un tel amendement aurait fait tomber l'ensemble des amendements en discussion commune, sans aucune discussion. Nous avons préféré que le débat ait lieu.

Par ailleurs, il convient de noter que le Gouvernement fait la même chose au titre II en proposant de supprimer un article du chapitre Ier pour le déplacer au chapitre II, dans le même objectif d'intelligibilité de la loi.

J'en viens à présent aux amendements.

Le premier groupe d'amendements vise soit à supprimer les alinéas 2 à 5 – c'est le cas des amendements identiques n° 289 rectifié ter du groupe socialiste et n° 905 de la commission, même si nos buts sont différents –, soit à entièrement les réécrire pour en revenir à une rédaction plus proche de celle des députés : c'est le cas des amendements n° 800 du Gouvernement et n° 656 rectifié quater de notre collègue Vincent Louault, que je tiens à saluer pour son engagement sur les questions agricoles.

Je vous inviterai, mes chers collègues, à voter notre amendement de suppression de ces alinéas pour les raisons que je viens de vous exposer. J'émets donc un avis défavorable sur les amendements de réécriture du Gouvernement et de M. Louault. L'amendement n° 800 du Gouvernement vise à supprimer le principe de non-régression, ce qui n'est pas acceptable au vu du texte voté par la commission. L'amendement n° 656 rectifié quater de M. Louault tend notamment à proposer toute une série de définitions. Or l'avis du Conseil d'État précise bien que ce n'est pas nécessaire, et que la souveraineté alimentaire n'est définie que par les politiques publiques qu'elle inspire.

Les amendements nos 713 rectifié, du groupe CRCE-K, et 686, de nos collègues du groupe GEST, visent, eux aussi, à réécrire lesdits alinéas en supprimant tout ou partie des trois ajouts cruciaux que je viens d'évoquer. J'y suis donc défavorable.

Les amendements nos 728 rectifié et 290 rectifié ter ainsi que les amendements identiques nos 253 rectifié bis et 793 rectifié visent à réécrire l'alinéa 4 relatif à la souveraineté alimentaire et l'intérêt général majeur. J'y suis défavorable en ce que certains, comme l'amendement n° 728 rectifié de nos collègues du groupe CRCE-K, ont pour objet de supprimer ces deux apports majeurs. D'autres, comme les amendements identiques nos 253 rectifié bis et 793 rectifié de nos collègues Bleunven et Gremillet, visent à introduire une rédaction plus proche de celle issue des travaux de l'Assemblée nationale.

La problématique que nous avons identifiée lors de nos auditions est que la rédaction de l'Assemblée nationale tend à proclamer des politiques publiques d'intérêt général majeur, en l'espèce la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture. Or une politique publique est, par définition, déjà d'intérêt général. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé plus opérant et direct de déclarer l'agriculture d'intérêt général majeur, en tant qu'activité de production. Les syndicats agricoles ne l'ont pas forcément compris, mais je tiens à insister sur ce point. Des évolutions pourront avoir lieu en commission mixte paritaire si nous trouvons une meilleure rédaction.

L'amendement n° 291 rectifié ter de nos collègues socialistes a plus prosaïquement pour objet de supprimer la notion d'intérêt général majeur ; j'y suis naturellement défavorable.

L'amendement n° 228 rectifié ter tend à définir la souveraineté alimentaire. C'est intéressant, mais je viens d'indiquer pourquoi ce n'est, à notre sens, pas utile. Il en va de même de l'amendement n° 88 rectifié, de notre collègue Henri Cabanel, et des quatre amendements identiques nos 52 rectifié bis, 178 rectifié ter, 202 rectifié et 268 rectifié ter.

L'amendement n° 292 rectifié ter, de notre collègue Tissot, vise à supprimer l'alinéa 5, c'est-à-dire le principe de non-régression. J'y suis là aussi défavorable.

Enfin, l'amendement n° 420 rectifié ter, toujours de nos collègues socialistes, a pour objet de préciser que l'amélioration de notre potentiel agricole se fait dans le respect de nos engagements internationaux de transition agroécologique. Il est déjà satisfait par l'état du droit.

En résumé, je vous invite à voter l'amendement n° 800 de la commission, dont l'adoption fera tomber l'ensemble des amendements que je viens d'évoquer.

Une dizaine d'amendements relatifs aux alinéas 15 à 18 figurent également dans cette discussion commune en raison de leur incompatibilité avec l'amendement n° 656 rectifié quater de M. Louault. Comme l'adoption de notre amendement n° 800 de suppression des alinéas 2 à 5 ne les fera pas tomber, j'en dirai donc un mot.

La commission est favorable, sous réserve de modifications, à l'amendement n° 908 du Gouvernement visant à réécrire les alinéas 15 à 18. Nous avons travaillé le week-end dernier en étroite collaboration avec vous, madame la ministre, pour aboutir à cette rédaction mettant en place une Conférence nationale de la souveraineté alimentaire.

La discussion n'a pas été simple ; nous sommes favorables à votre amendement, sous réserve de l'adoption de trois sous-amendements, que je présente maintenant, madame la présidente, comme je l'avais annoncé.

Le sous-amendement n° 913 vise à préciser que, en amont des négociations du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement remet au Parlement un rapport – à seule portée d'information – présentant les priorités françaises compte tenu des objectifs stratégiques issus de la Conférence nationale de la souveraineté alimentaire. Il s'agit de tenir compte des objectifs fixés par cette conférence et de voir comment nous les mettons en pratique.

Le sous-amendement n° 914 tend à reprendre la proposition de l'amendement n° 283 rectifié de Mme Conconne relative aux outre-mer, afin de les prendre en compte dans une annexe spécifique du rapport de FranceAgriMer. Même si cet amendement n'a pas été soutenu, nous y étions favorables. En en reprenant le texte au travers de ce sous-amendement, la demande de Mme Conconne se trouve ainsi satisfaite.

Le sous-amendement n° 915 a pour objet de prévoir que le Parlement sera destinataire du rapport à mi-parcours que FranceAgriMer sera chargé de produire. En l'état, ce rapport n'est adressé qu'au ministre chargé de l'agriculture.

Par ailleurs, nous sommes défavorables à l'amendement n° 689 du groupe écologiste, qui vise purement et simplement à supprimer les alinéas 15 à 18.

Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 740 rectifié du groupe CRCE-K, qui tend à orienter la programmation exclusivement vers l'écologie, et aux amendements identiques nos 111 rectifié ter, 405 rectifié ter et 717, dont l'objet est d'introduire des objectifs par mode de production.

J'émets aussi un avis défavorable sur l'amendement n° 298 rectifié ter visant à préciser le nombre minimum d'actifs nécessaires pour atteindre les objectifs fixés, cette disposition n'ayant pas vraiment de sens.

En résumé, je vous invite à voter notre amendement n° 905 de suppression des alinéas 2 à 5 et l'amendement n°908 du Gouvernement visant à créer la Conférence nationale de la souveraine alimentaire, sous réserve de l'adoption de nos trois sous-amendements nos 914, 915 et 913. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Je reviendrai sur quelques points qui me paraissent fondamentaux.

Nos discussions ont beaucoup tourné autour du caractère pertinent de la reconnaissance de l'intérêt général majeur par rapport à la notion d'intérêt fondamental de la Nation. Il faut bien comprendre que ces deux notions sont, l'une et l'autre, absolument nécessaires.

Vous avez défendu le caractère opérationnel de la première, monsieur Louault, dans le cadre de votre proposition de loi. Mais la défense des intérêts fondamentaux est également capitale s'il l'on veut renforcer l'agriculture par rapport à d'autres intérêts fondamentaux comme la défense de l'environnement. J'y insiste, ces deux notions, qui figurent à la fois dans la formulation de l'amendement du Gouvernement et dans celle proposée par la commission des affaires économiques, sont également importantes.

L'amendement n° 800 du Gouvernement présente l'avantage, par rapport à la proposition de la commission, de donner une définition de l'agriculture incluant également la pêche ou le pastoralisme, dont certains d'entre vous avaient déploré l'absence dans le texte : « L'agriculture […] qui s'entend des activités réputées agricoles […] comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture, l'apiculture et la sylviculture. »

M. Vincent Louault. Excellent !

Mme Annie Genevard, ministre. C'est un point important : l'amendement du Gouvernement reprend à la fois les notions d'intérêt général majeur et d'intérêt fondamental, mais apporte également une définition de l'agriculture.

Je comprends, monsieur le rapporteur, le sens des sous-amendements de la commission sur notre amendement, mais il existe une confusion.

L'exposé des motifs du sous-amendement n° 915 évoque le rapport à mi-parcours. Or celui-ci est produit non pas par FranceAgriMer, mais par les filières. Ce sous-amendement n'est pas opérationnel : comment imaginer qu'il faille présenter au Parlement tous les rapports remis par les filières ? En revanche, si vous acceptiez de le rectifier pour indiquer que FranceAgriMer fera une synthèse des travaux réalisés par chaque filière, le Gouvernement pourrait y être favorable.

Le sous-amendement n° 913 vise, lui, à préciser que, « en amont des négociations du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les priorités françaises compte tenu des stratégies de filières élaborées dans le cadre de la "Conférence nationale de la souveraineté alimentaire" ». Soyons réalistes, cette proposition n'est absolument pas opérationnelle en termes de délai. La Commission nous soumettra sa proposition prochainement. Comment cette disposition pourrait-elle s'appliquer lors de nos prochaines conférences ? Nous sommes en train de travailler à la future PAC. Les conférences de la souveraineté alimentaire seront opérationnelles en 2026, alors que la nouvelle PAC sera fixée en 2027 : ce sous-amendement est inopérant. J'émets donc un avis défavorable.

De manière synthétique, je suis défavorable aux amendements qui ne tiennent pas compte des acquis de l'Assemblée nationale ou de la commission des affaires économiques du Sénat et qui visent à ajouter aux alinéas 1 à 5 des formulations complexes, parfois bavardes, ou des définitions multiples : sécurité sanitaire des aliments, sécurité alimentaire, etc. Tous ces termes sont par ailleurs définis dans d'autres textes ou à l'article 1er. Ces amendements sont donc déjà satisfaits.

Le Gouvernement veut replacer la priorité de l'alimentation au cœur de nos politiques en faveur de la souveraineté alimentaire.

Par ailleurs, je suis en particulier défavorable, monsieur Cabanel, à toute proposition d'une définition de la souveraineté alimentaire qui s'appuierait sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales. Comme vous le savez, la France s'est abstenue sur cette déclaration. Nous sommes attachés à une vision universelle des droits de l'homme, applicables à tous les individus.

Enfin, je suis défavorable aux amendements prévoyant que le rapport mentionné à l'article 16 suive spécifiquement les indicateurs de production en matière d'agriculture biologique. Ce suivi existe déjà, en particulier dans le cadre du programme Ambition Bio, qui repose sur la surveillance de plusieurs indicateurs pour mesurer les progrès et évaluer l'atteinte de ses objectifs. Il ne semble donc pas utile de prévoir dans la loi le suivi d'indicateurs qui sont déjà surveillés annuellement.

En définitive, je suis défavorable à l'ensemble des amendements. Je suis favorable aux sous-amendements nos 914 et 915, sous réserve de la rectification que j'ai demandée, et défavorable au sous-amendement n° 913 relatif à la PAC, car la temporalité n'est absolument pas adaptée.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Permettez-moi d'apporter quelques précisions.

Madame la ministre, le code rural définit déjà l'agriculture au sein de son article L. 311-1. Il s'agit de surcroît d'une définition canonique. Qu'avons-nous besoin de refaire la litanie des saints alors que nous nous sommes contentés pendant des décennies de cette définition ?

Certes, votre amendement n° 800 ressemble beaucoup à ce que nous pourrions vouloir, excepté qu'il ne comporte pas un point essentiel pour nous : la non-régression, votée en commission. Or nous tenons à conserver ce point jusqu'au bout et à le défendre en commission mixte paritaire.

Il en va de même concernant les trois sous-amendements de la commission. Nous avons longuement attendu que l'on nous propose des corrections, et nous ne les avons que maintenant. Quoi qu'il en soit, je vous demande, mes chers collègues, de les voter tels quels, quitte à essayer de trouver ensuite des solutions en commission mixte paritaire pour satisfaire le Gouvernement, dans la limite de ce que nous souhaitons faire.

Je vous invite donc à voter l'amendement n° 905 de la commission, ainsi que l'amendement n° 908 du Gouvernement et nos trois sous-amendements.

Mme la présidente. Mes chers collègues, avec l'accord de la commission, et compte tenu du nombre de demandes d'explications de vote, je vais lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Discussion générale

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 5 février 2025 :

À quinze heures :

Questions d'actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Désignation des vingt-trois membres de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État (droit de tirage du groupe Les Républicains) ;

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte de la commission n° 251, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 5 février 2025, à zéro heure vingt-cinq.)

nomination de membres de commissions

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Agnès Canayer est proclamée membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Georges Naturel, démissionnaire.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Georges Naturel est proclamé membre de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, en remplacement de Mme Agnès Canayer, démissionnaire.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER