Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Nicole Bonnefoy.

Procès-verbal

Salutations à des élus mahorais en tribune

Questions d'actualité au Gouvernement

scandale nestlé et influence privée dans les décisions de l'état

reconstruction durable à mayotte

position de la france et de l'union européenne face à la nouvelle présidence trump

microcrèches

avenir des métiers en tension

sans-abrisme et crise du logement

intelligence artificielle

inondations en ille-et-vilaine

remise en liberté d'étrangers sous oqtf interpellés lors d'opérations de police à nantes

budget de la france

classement de plaintes sans suite

position du gouvernement sur le « zéro artificialisation nette »

manifestations sur la ligne à grande vitesse bordeaux-toulouse

pacte vert et directive csrd sur la publication d'informations en matière de durabilité

travailleurs pauvres

humoriste islamiste sur une chaîne télévisée publique

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

Mises au point au sujet de votes

Candidatures à une commission mixte paritaire

Candidatures à une commission d'enquête

Souveraineté alimentaire et agricole

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Rappels au règlement

Article 1er (suite)

Organisation des travaux

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Souveraineté alimentaire et agricole

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Article 1er (suite)

Après l'article 1er

Article 1er bis A

Article 1er bis B

Après l'article 1er bis B

Article 1er bis

Article 1er ter

Après l'article 1er ter

Ordre du jour

nomination de membres d'une commission mixte paritaire

nomination de membres d'une commission d'enquête

Commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État (vingt-trois membres)

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Salutations à des élus mahorais en tribune

M. le président. Je salue, à titre exceptionnel, la présence en tribune d'une délégation d'élus des intercommunalités de Mayotte, qui est venue rencontrer plusieurs de nos collègues dans le cadre de l'examen du projet de loi d'urgence pour Mayotte, adopté à l'unanimité par notre assemblée, hier, en séance. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

Je souhaite leur témoigner, au nom du Sénat, toute notre sympathie. Nous savons combien ils ont été sollicités par la population qui était – et reste – en état de détresse après le passage du cyclone Chido. Je veux les assurer de notre pleine solidarité.

Le Sénat a veillé, au cours de ses travaux, à enrichir le projet de loi d'urgence qui lui était soumis en vue non seulement de reconstruire plus vite, mais aussi et surtout de reconstruire mieux. Il a également souhaité garantir l'association des élus mahorais à la reconstruction et adapter les dispositifs de ce texte à la réalité du territoire.

Que les Mahorais, dont chacun connaît ici le profond attachement à la France, en soient assurés : notre assemblée est unanime à considérer Mayotte comme un enjeu majeur pour notre pays. Je ne doute pas qu'ils le sachent déjà, notamment grâce à la mobilisation de nos deux collègues sénateurs de Mayotte, ici présents.

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

J'excuse l'absence de M. le Premier ministre, qui est retenu à l'Assemblée nationale pour la discussion et le vote de deux motions de censure. (Exclamations ironiques.)

M. Jacques Grosperrin. Rien que ça ! (Sourires.)

M. le président. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Mes chers collègues, au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer, au cours de nos échanges, l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

scandale nestlé et influence privée dans les décisions de l'état

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Antoinette Guhl. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Monsieur le ministre, qui gouverne réellement la France ? (« Pas vous ! » sur des travées du groupe Les Républicains.) L'État et ses élus ou les multinationales et leurs lobbys ? (Exclamations ironiques sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

L'affaire Nestlé est en train de devenir un terrible scandale d'État. Les révélations de l'enquête menée par Radio France et Le Monde sur Nestlé confirment en tout point ce que je dénonçais, en octobre 2024, dans mon rapport d'information sur les politiques publiques en matière de contrôle du traitement des eaux minérales et de source.

Premièrement, Nestlé a fraudé : une fraude avouée et avérée qui s'élève à plus de 3 milliards d'euros. Deuxièmement, Nestlé a fraudé au vu et au su des ministres. Troisièmement, Nestlé a agi contre l'intérêt des citoyens, puisque, je le rappelle, plus de 9 milliards de bouteilles d'eau sont consommées chaque année en France.

Hier, nous apprenions de surcroît que Nestlé a fraudé au vu et au su de l'Élysée ! Depuis 2017, Emmanuel Macron offre liberté et largesses aux multinationales. Je ne m'étendrai pas sur les Uber Files – vous savez parfaitement de quoi je parle… Je dénonce ici le rapport plus que problématique de la Macronie avec les intérêts privés.

Aujourd'hui, Nestlé Waters gagne quand les Français perdent : ils perdent leur santé, ils perdent leur confiance dans les institutions, et peut-être même perdent-ils leurs emplois.

Pourquoi l'Élysée et Matignon ont-ils autorisé Nestlé Waters à frauder au mépris de la sécurité sanitaire et de la réglementation européenne ? Comment pouvez-vous justifier que cette fraude perdure ? Comptez-vous enfin y mettre un terme ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Guhl, permettez-moi tout d'abord de préciser un certain nombre d'éléments extrêmement importants.

Vous savez que la qualité de l'eau est particulièrement contrôlée dans notre pays.

M. Yannick Neuder, ministre. Nous appliquons les règles européennes en suivant la doctrine définie par la direction générale de la santé, laquelle est mise en œuvre, pour le compte des préfets, par nos agences régionales de santé.

Nous effectuons bon nombre de contrôles. Ainsi a-t-il été procédé, en 2022, à plus de 4 000 contrôles ; dans plus de 99 % des cas, les résultats se sont révélés conformes aux réglementations en vigueur. (Mme Antoinette Guhl s'exclame.)

J'en viens plus précisément à votre question sur Nestlé. Oui, effectivement, il y a eu fraude sur l'étiquetage ; cette fraude, précisément, a donné lieu à un contrôle : il s'avère que Nestlé a utilisé des traitements ultraviolets et des filtres au charbon actif. Une commission d'enquête, dont les travaux sont en cours, a été lancée : toute la transparence sera donc faite, puisque, vous le savez, les personnes auditionnées répondent sous serment et que, par ailleurs, tous les documents qui ont été demandés ont été transmis. (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Sachez que mon ministère est pleinement engagé pour faire toute la transparence sur la qualité de l'eau embouteillée (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe GEST.), que nous répondrons à toutes les questions posées à ce sujet et, surtout, que nous attendons les conclusions de la commission d'enquête parlementaire pour prendre, en toute transparence, j'y insiste, les décisions qui s'imposent. (Mêmes mouvements.)

M. Guy Benarroche. Il n'y a pas de transparence !

reconstruction durable à mayotte

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Micheline Jacques. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Monsieur le ministre, à l'issue d'un débat constructif, le Sénat a adopté à l'unanimité le projet de loi d'urgence pour Mayotte.

Dès l'article 1er, nous avons inscrit dans le texte le rôle incontournable des collectivités territoriales – le président du conseil départemental, les communes et les intercommunalités – dans le pilotage de l'établissement chargé de la reconstruction de l'archipel.

Je salue à mon tour les présidents d'intercommunalité mahorais présents aujourd'hui dans les tribunes de notre assemblée, ainsi que le président d'Intercommunalités de France, présent lui aussi.

Pour que la reconstruction soit durable, l'adaptation à la réalité locale est un enjeu primordial, qui exige une coconstruction étroite avec les collectivités locales. Tant l'État que les collectivités y ont intérêt, car c'est cet ancrage dans les réalités locales qui garantira l'indispensable maîtrise de la dépense.

La régionalisation doit à cet égard être approfondie, pour ce qui est notamment de l'approvisionnement en matériaux. Il y a là une demande locale forte, mais aussi un gage de rationalisation des moyens et des délais. La délégation sénatoriale aux outre-mer, que j'ai l'honneur de présider, a insisté sur ce point dans le cadre de ses travaux sur la coopération régionale dans le bassin océan Indien.

Le projet de loi d'urgence pour Mayotte ayant été adopté, nous devons au plus vite nous tourner vers la reconstruction, via le projet de loi programme qu'a annoncé le Gouvernement.

Pourriez-vous d'ores et déjà nous indiquer quels seront le calendrier et, surtout, la méthode de travail retenus pour ce futur projet de loi ? Les élus, j'y insiste, devront y être étroitement associés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la présidente Micheline Jacques, vous évoquez, cela va de soi, la nécessité d'associer les élus mahorais à la reconstruction de Mayotte. Je tiens à saluer à mon tour la présence de quatre présidents d'intercommunalités mahoraises à Paris cette semaine. Je voudrais leur dire, au nom du ministre d'État, ministre des outre-mer, Manuel Valls, qu'ils seront reçus demain au ministère des outre-mer et que la porte de la rue Oudinot leur sera toujours ouverte.

La semaine dernière, le ministre d'État, ministre des outre-mer a signé avec le président du conseil départemental et le président de l'association des maires de Mayotte une convention d'intention posant les principes qui doivent guider la reconstruction et la refondation de Mayotte.

Je réaffirme devant vous un principe clair, qui vient d'être mentionné par le président du Sénat : il n'y aura pas de reconstruction et de refondation de Mayotte sans une coopération étroite, je tiens à le dire, entre l'État et les collectivités territoriales mahoraises. Que ce soit en matière de développement économique, d'environnement, de cohésion sociale ou d'urbanisme, le retour d'expérience des communes et des intercommunalités sera essentiel pour préparer la reconstruction et élaborer la loi programme.

Je veux également vous dire, sans préjuger des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'urgence, que l'article 1er dudit texte prévoit, dans sa rédaction actuelle, « une représentation équilibrée des représentants de l'État et des collectivités territoriales de Mayotte » au sein du conseil d'administration de l'établissement public chargé de coordonner la reconstruction de l'archipel.

Le travail de préfiguration mené par le général Pascal Facon – il rentrera cette semaine de Mayotte – est engagé.

Par ailleurs, pour répondre très directement à votre question, un projet de loi programme visant à soutenir la refondation de Mayotte sera présenté dans deux mois. Le Gouvernement maintiendra donc, autant que de besoin, un contact très étroit avec les élus mahorais.

Vous le voyez, madame la présidente, les communes et intercommunalités seront pleinement et étroitement associées au travail de l'exécutif. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour la réplique.

Mme Micheline Jacques. Une loi programme est attendue depuis au moins cinq ans…

Mme Micheline Jacques. … et, dans cette perspective, les élus mahorais ont formulé de nombreuses propositions.

Le caractère vital de la régulation de l'immigration fait l'objet d'un consensus. Les moyens d'action de l'État doivent de toute urgence être adaptés en ce sens. Aucune projection dans l'avenir, vous le savez, ne sera possible sans le rétablissement de la sécurité, qui passe par la régulation migratoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

position de la france et de l'union européenne face à la nouvelle présidence trump

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Samantha Cazebonne. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche depuis quelques semaines a marqué le début d'une ère d'instabilité et d'inquiétude pour la France et ses partenaires européens : retrait de l'accord de Paris sur le climat et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), annulation des politiques de diversité, d'inclusion et d'équité,…

Mme Samantha Cazebonne. … annonce de la transformation de la base américaine de Guantanamo, symbole de violation des droits humains, en centre de rétention pour migrants sans-papiers, traitements dégradants imposés à des personnes lors de leur expulsion vers leur pays d'origine, recul spectaculaire des droits des minorités,…

M. Stéphane Ravier. Encore bravo !

Mme Samantha Cazebonne. … guerre commerciale mettant en péril l'économie mondiale, menace d'imposer des droits de douane sur les produits européens, et j'en passe !

M. Stéphane Ravier. Il faut faire pareil !

Mme Samantha Cazebonne. Il se pourrait que cette liste à la Prévert continue longtemps de s'allonger, tant le président américain a été proactif dans la mise en œuvre de politiques consternantes depuis son retour aux affaires.

Dernière sortie en date, il a déclaré la nuit dernière sa volonté de prendre le contrôle de la bande de Gaza pour en faire la « Côte d'Azur du Moyen-Orient » (MM. Joshua Hochart et Stéphane Ravier s'esclaffent.), au mépris absolu du droit international et de la sécurité des otages.

On ne peut en effet appréhender qu'avec inquiétude les conséquences des politiques de Donald Trump, lequel entraîne dans son sillage les grands patrons américains qui contrôlent les principales sources privées d'influence aux États-Unis.

Je prendrai pour exemple les nouvelles « règles de la communauté » applicables sur les réseaux sociaux de Meta, qui autorisent désormais à tenir des propos haineux, ainsi que la suppression du programme de fact checking des contenus publiés sur lesdits réseaux, porte ouverte à la désinformation. Cette décision a été saluée par Elon Musk, qui utilise son propre réseau social, X, pour s'ingérer dans les processus électoraux et démocratiques européens.

Je rentre des États-Unis, où l'on m'a déjà fait part d'ingérences, y compris dans nos établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger, par l'instauration d'un climat délétère et la remise en question de certaines de nos valeurs fondamentales.

Ma question est simple, monsieur le ministre : comment la France compte-t-elle peser au sein de l'Union européenne afin de s'affirmer comme la puissance stratégique qu'elle doit être face à un allié qui se fait de plus en plus menaçant ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes RDSE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, face à la multiplication des annonces tous azimuts outre-Atlantique, il nous faut évidemment garder notre sang-froid et rappeler ce que nous sommes et ce que nous voulons.

Pour ce qui est de la situation au Proche-Orient, la France est fermement opposée à tout déplacement forcé de population qui constituerait, vous l'avez dit, une violation manifeste du droit international, qui serait une atteinte aux aspirations légitimes du peuple palestinien et qui entraverait la mise en œuvre d'une solution à deux États, seule susceptible d'apporter la paix et la stabilité dans la région.

Pour ce qui est du commerce, la France rappelle qu'il n'y a aucun déséquilibre à corriger dans la relation commerciale entre les États-Unis et l'Union européenne et que, la dernière fois que les États-Unis d'Amérique se sont lancés dans une guerre commerciale, avec la Chine et avec d'autres pays, cela leur a coûté cher : 200 euros environ par citoyen américain. J'ajoute que ce coût s'est avéré plus élevé dans les comtés républicains que dans les comtés démocrates.

En tout état de cause, si l'Europe est visée par la hausse de certains droits de douane américains, alors elle répliquera sans aucune espèce d'hésitation.

Pour ce qui concerne les géants du numérique, l'Europe s'est donné des règles. Elle refuse que le débat public soit délocalisé sur des plateformes de réseaux sociaux dont les règles seraient fixées par des milliardaires américains ou chinois. Là encore, si ces règles sont transgressées – des enquêtes sont en cours –, les plateformes doivent être sanctionnées lourdement par la Commission européenne, qui peut prononcer des amendes allant jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires annuel mondial de la société concernée et pousser les sanctions jusqu'à la restriction d'accès sur le territoire de l'Union européenne. (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Que fait la France pour peser dans ce débat ? Le Président de la République a participé lundi dernier à une retraite des chefs d'État et de gouvernement embrassant l'ensemble de ces sujets. Quant à moi, je réunirai le 12 février prochain les principaux pays européens afin que nous abordions la « suite des opérations », si je puis dire, autour d'un discours uni, ferme et serein face à ce qui peut arriver ou ce qui peut provenir des États-Unis d'Amérique dans un avenir prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP. – M. Olivier Cadic applaudit également.)

microcrèches

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Madame la ministre, ce lundi, les microcrèches étaient en grève. Le signal d'alarme est lancé !

En effet, un projet de décret, pris en application de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, risque de mettre en péril ces structures, qui jouent pourtant un rôle clé dans l'accueil de la petite enfance.

Depuis 2010, ces crèches, qu'elles soient privées ou publiques, se sont développées grâce à la souplesse d'encadrement dont elles bénéficient. Elles ont en partie comblé un manque, notamment en milieu rural, où l'offre d'accueil de la petite enfance reste insatisfaisante. Rappelons à cet égard qu'un enfant sur trois vit dans une commune rurale.

Aujourd'hui, les microcrèches représentent 13 % de l'offre totale : le soutien qu'elles apportent est donc essentiel. Leur succès est indéniable, mais leur avenir semble menacé. En imposant des contraintes trop abruptes, ce décret risque de provoquer une vague de fermetures.

Sachant qu'il manque déjà 10 000 professionnels dans le secteur de la petite enfance, peut-on vraiment se permettre de perdre un grand nombre de places d'accueil d'ici à 2026 ?

Soyons clairs : il ne s'agit pas de remettre en cause l'alignement des exigences en matière de diplôme. Un enfant est un enfant, quel que soit son mode d'accueil ou son lieu de vie. Il a, sans aucune ambiguïté, les mêmes droits et les mêmes besoins. Il est dès lors légitime d'harmoniser les conditions d'encadrement ; encore faut-il donner du temps aux professionnels pour qu'ils puissent s'adapter !

Dans cette perspective, des possibilités de validation des acquis de l'expérience pourraient-elles être introduites s'agissant d'obtenir le niveau de diplôme requis ? Quel est le calendrier envisagé pour l'entrée en vigueur du décret ?

Tout cela aura mécaniquement une incidence sur le financement de ces crèches, mais aussi un coût financier pour les familles. Qu'en sera-t-il exactement ?

Madame la ministre, les inquiétudes sont vives, pour les professionnels comme pour les familles et pour les élus. Autour de ce décret, les interrogations et les interprétations sont légion : pouvez-vous nous apporter des éléments de clarification ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Madame la sénatrice Marie-Claude Lermytte, nous avons eu l'occasion d'évoquer ce sujet ce matin même lors de mon audition devant votre commission des affaires sociales. Aussi, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de préciser ce qu'il en est, pour l'ensemble de la représentation nationale.

Vous le savez, les modes de garde sont pluriels dans notre pays. Et les crèches de petite taille ont, comme les autres structures, des obligations à respecter en matière de qualification de celles et ceux qu'elles emploient pour s'occuper des tout-petits, dans la mesure où, par définition, nous n'avons rien de plus précieux à confier que nos enfants.

Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est ici offerte pour rendre hommage à l'ensemble des personnels qui s'occupent de nos enfants au quotidien.

Quelle est la situation, madame la sénatrice ? Vous l'avez rappelé, des microcrèches se sont installées un peu partout sur les territoires. Or les conditions dérogatoires d'encadrement et de formation qui y avaient cours doivent désormais faire l'objet d'une normalisation. Tel est le sens du décret que le Gouvernement va publier.

Que dit le projet de décret ? Il pose une obligation de formation pour les nouveaux recrutements – j'insiste : pour les nouveaux recrutements –, et ce – j'insiste à nouveau – à compter du 1er septembre 2026.

Pourquoi insister sur ces deux points ? Parce que cette rédaction signifie, d'une part, qu'il n'y aura pas de licenciements dans les microcrèches, contrairement à ce que l'on a pu lire, et, d'autre part, qu'il est laissé beaucoup de temps pour les recrutements à venir – c'est le moins que l'on puisse dire, puisque nous sommes le 5 février 2025 et que l'échéance est fixée au 1er septembre 2026.

Il est important de rassurer les parents comme les élus.

Je m'adresse aux parents : nous faisons tout pour que vos enfants soient accueillis dans les meilleures conditions. J'en veux pour preuve que l'État joue son rôle d'accompagnement via, d'un côté, bien sûr, le complément de libre choix du mode de garde et, de l'autre, les crédits d'impôt accordés aux entreprises qui réservent des berceaux dans les crèches.

Et je m'adresse aux élus : il n'y a aucune précipitation. Il va s'écouler dix-huit mois avant que ne s'appliquent aux nouveaux recrutements les obligations de formation dont nous sommes en train de parler.

Voilà notre lecture du projet de décret sur lequel vous m'interrogez, madame la sénatrice. Quel que soit le mode de garde, ce qui importe, c'est la qualité d'accueil offerte à chacune et chacun de nos enfants. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – MM. Bernard Fialaire, Claude Malhuret et Bruno Sido applaudissent également.)

avenir des métiers en tension

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le ministre François-Noël Buffet, la circulaire sur l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière récemment publiée par M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur soulève de nombreuses préoccupations.

Bien que vous mettiez l'accent sur la priorité donnée aux métiers en tension, il est crucial de rappeler que certains secteurs essentiels pour le fonctionnement de nos entreprises font face à un manque de main-d'œuvre structurel.

En effet, la régularisation des travailleurs étrangers est un levier indispensable pour répondre aux besoins urgents de secteurs comme l'hôtellerie, la restauration, le bâtiment ou la santé.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Ahmed Laouedj. Le recours à des médecins étrangers nous permet par exemple de pallier le problème des déserts médicaux.

En durcissant les critères d'intégration, vous risquez de priver de nombreuses entreprises françaises de ressources humaines indispensables à leur activité, tout en mettant en difficulté les personnes étrangères qui, à défaut de régularisation, se trouvent dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins.

Voilà qui pourrait aggraver la précarisation de ces personnes et engendrer un risque accru de recours au travail dissimulé et de développement des trafics.

L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) s'inquiète de l'impact de cette circulaire sur les conditions de régularisation et d'accès à l'emploi, et demande expressément que les mesures prises ne durcissent pas les critères applicables aux ressortissants étrangers déjà présents sur notre sol et désireux de travailler dans des métiers en tension.

Ladite circulaire risque non seulement d'aggraver la pénurie de main-d'œuvre dans ces secteurs cruciaux, mais aussi de compromettre le respect de la dignité et des droits des travailleurs étrangers qui contribuent, souvent dans des conditions précaires, au bon fonctionnement de nos entreprises et à la croissance économique du pays.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, quelles solutions envisagez-vous pour éviter que cette circulaire ne vienne amplifier la pénurie de main-d'œuvre dans les secteurs cruciaux que j'ai évoqués et garantir un traitement humain digne pour les étrangers déjà intégrés et travaillant légalement sur notre territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes RDPI, UC, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, c'est une question pertinente que vous posez.

Autant nous devons être d'une fermeté exemplaire à l'égard des étrangers en situation irrégulière, qui doivent être reconduits dans leur pays d'origine, autant, en matière d'immigration, nous devons réorienter nos choix.

Je partage l'idée selon laquelle l'immigration économique qualifiée doit être une priorité : le Gouvernement y travaille.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. François-Noël Buffet, ministre. Entre 2023 et 2024, le nombre total d'admissions exceptionnelles au séjour (AES) pour motif économique a baissé de 10 %,…

M. François-Noël Buffet, ministre. … alors que le nombre d'AES délivrées à des scientifiques a augmenté de 20 %.

Abstraction faite de la réorganisation, depuis 2021, des services chargés du traitement de cette question – réorganisation interne entre ministère du travail et ministère de l'intérieur –, je tiens à rappeler l'importance du principe d'annualisation de la liste des métiers en tension.

Ces métiers, vous les avez cités en partie, monsieur le sénateur, mais il y en a d'autres, évidemment. Aujourd'hui, nous attendons cette liste, qui devrait en principe être publiée vers la fin du mois de février ou au début du mois de mars : nous sommes dans l'attente de la liste.

Pour ce qui est de l'application concrète de la nouvelle circulaire, les critères retenus permettent évidemment aux étrangers concernés, dès lors que les documents demandés et fournis ont été vérifiés – je pense en particulier aux fiches de paie, dont chacun sait qu'elles peuvent être très facilement falsifiées –, de se voir accorder par les préfets, qui auront toute liberté pour ce faire, les titres de séjour correspondants.

Mais, je le répète, nous n'avons pas changé d'état d'esprit, et notre volonté de faire avancer les choses reste intacte. Ce qui compte au premier chef, c'est la situation de l'étranger demandeur sur le territoire national : elle doit être la plus sérieuse possible et la plus conforme à nos critères, qui sont ceux d'une immigration de travail qualifiée – tel est bien l'objectif –, étant entendu que cette admission exceptionnelle au séjour équivaut en réalité à une régularisation.

Attendons néanmoins la publication de la liste des métiers en tension avant d'avancer très concrètement sur le sujet, y compris avec les organismes professionnels. (M. Loïc Hervé applaudit.)

sans-abrisme et crise du logement

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Madame la ministre chargée du logement, 735 personnes sont mortes dans la rue l'an dernier ; 350 000 sont sans domicile fixe, chiffre en hausse de 6 % en un an et de près de 17 % en deux ans ; plus de 4 millions de Français sont mal-logés et, parmi ceux qui ont un toit, 30 % indiquent avoir eu froid dans leur logement l'an passé.

Ces constats sont ceux de la Fondation pour le logement des défavorisés, qui présentait hier son trentième rapport sur l'état du mal-logement en France.

Oui, cela fait huit ans qu'année après année notre pays s'enfonce toujours un peu plus dans la crise du logement, les réponses des gouvernements successifs étant loin d'être à la hauteur. Pour nombre de nos compatriotes qui cherchent à se loger, particulièrement les plus modestes, c'est tout simplement un parcours du combattant qu'il faut emprunter.

La situation est inédite : durcissement de la crise de la construction, grippage du marché immobilier, effets de l'inflation, aggravation des inégalités…

Les files d'attente s'allongent pour obtenir un HLM. Fin juin, l'Union sociale pour l'habitat (USH) recensait 2,7 millions de ménages demandeurs. Là encore, les chiffres sont à la hausse, d'autant plus que la production de logements sociaux est au plus bas depuis vingt ans.

Comment pourrait-il en être autrement ? L'effort public en faveur du logement est tombé à 1,5 % du PIB, son plus bas niveau depuis trente ans. Faute d'être reconnu comme une priorité, le logement a été délaissé. De fait, 2024 aura été une nouvelle année de renoncement.

Madame la ministre, allez-vous enfin agir pour résorber le mal-logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE-K et GEST. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du logement. (Mme Évelyne Perrot applaudit.)

Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la sénatrice, vous avez évidemment raison de dire que le logement vit un moment de crise inédite ; les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Nous voyons arriver cette crise depuis plusieurs années : augmentation du coût des travaux, hausse des taux d'intérêt, contexte général peu propice à la création de logements. Pour ces raisons, sous l'autorité du Premier ministre et eu égard à nos ambitions pour l'avenir, nous avons intégré au budget pour 2025 des dispositions qui, vous le savez, ne sont pas négligeables.

Tout d'abord, en ce qui concerne le logement social et l'accès à la propriété des plus modestes, le prêt à taux zéro a été élargi à l'ensemble du territoire et y sont désormais éligibles les logements neufs individuels ou collectifs, mais aussi, en zone détendue, les acquisitions dans l'ancien.

Ensuite, nous améliorons les fonds propres des bailleurs sociaux via une diminution de la réduction de loyer de solidarité, qui se conjugue à une baisse du taux du livret A permettant de mobiliser 850 millions d'euros. Vous le voyez, nos ambitions en matière de production et d'agrément de logements sociaux, mais aussi de rénovation, sont élevées et, en tout état de cause, largement à la hauteur des besoins ; nous les dévoilerons dans les jours qui viennent, en lien avec l'Union sociale pour l'habitat.

Désormais, il faut embarquer les bailleurs et les collectivités dans l'effort de construction. Comme vous le savez, nous allons travailler sur le statut du bailleur privé pour stimuler l'investissement locatif et inciter tous ceux qui le peuvent, dans la sphère privée, à mettre des moyens au service de cette relance de la construction.

Croyez-le, madame la sénatrice, le Gouvernement a bien compris la nécessité d'être au rendez-vous en ce domaine. Nous sommes mobilisés !

J'ajoute que, grâce au Parlement, le budget de la rénovation thermique des logements sera préservé en autorisations d'engagements. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDSE. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.

Mme Corinne Féret. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais la France s'enfonce dans la crise du mal-logement : il y a urgence à agir !

Vous nous dites que l'on voit cette crise arriver depuis de nombreuses années. Reconnaissez que les mesures qui ont été prises depuis 2018, envers les bailleurs sociaux notamment, n'ont pas été de bonnes mesures, voire qu'elles ont eu tendance à aggraver la situation et à mettre ces derniers en grande difficulté.

Les besoins sont d'une telle ampleur que votre réponse n'est guère rassurante.

M. Michel Savin. Très bien !

Mme Corinne Féret. Pourtant, vous le savez, le logement est déterminant dans la vie de chacun de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et sur des travées du groupe GEST.)

intelligence artificielle

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Fabien Gay. Alors que la France s'apprête à accueillir un sommet sur l'intelligence artificielle (IA), cette question s'avère plus que jamais politique. Les promoteurs de l'IA ambitionnent de révolutionner notre quotidien dans son ensemble. Cette technologie porte en elle autant de promesses d'émancipation que de risques d'aliénation.

Son développement est donc un enjeu majeur. Les États-Unis vont investir près de 500 milliards de dollars au titre du projet Stargate, porté par le géant OpenAI, quand la Chine rayonne avec DeepSeek ; et la France ? Le crash de l'application Lucie est le terrible exemple d'une industrie détricotée et d'une recherche affaiblie, une nouvelle fois amputée, dans votre budget, de 1,5 milliard d'euros.

La question est pourtant existentielle : la France sera-t-elle vassalisée par ces nouveaux impérialismes, ou sera-t-elle capable de bâtir une régulation plus ambitieuse que l'AI Act européen, bien trop timoré, face aux tyrans numériques ? L'IA doit être un bien commun de l'humanité, mis au service de progrès humains, écologiques et scientifiques, et non un outil détenu par quelques milliardaires et mis au service de leurs seuls profits.

À cet égard, votre politique du « en même temps » est intenable : on ne peut dénoncer – à raison – l'alliance internationale de tous les réactionnaires et en même temps dérouler le tapis rouge à Elon Musk, l'homme qui fait des saluts nazis (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) et s'invite au congrès de l'AfD (Alternative für Deutschland) après avoir participé à la victoire de Trump ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Cet homme met sa fortune au service de la désinformation – via X –, des guerres commerciales et des conquêtes coloniales, du Groenland à Gaza, contribuant à accélérer encore la destruction de l'ensemble du vivant !

Madame la ministre chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, nous demandons donc solennellement au Gouvernement de signifier clairement à Elon Musk qu'il n'est pas le bienvenu à ce sommet, car nous ne partageons pas son projet de société ; d'agir pour le développement d'une IA éthique, fiable et souveraine à l'échelle européenne ; et de proposer une COP mondiale sur l'IA sous l'égide des Nations unies. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST et sur des travées du groupe RDSE. – MM. Bernard Buis, Alain Duffourg et Loïc Hervé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.

L'IA transforme nos vies, je vous rejoins sur ce point. Nous étions hier à l'institut Gustave-Roussy, centre d'excellence internationale, où nous avons pu voir comment les chercheurs français utilisent l'intelligence artificielle pour accélérer la recherche contre le cancer. Nous sommes pleinement conscients de l'importance pour la France de disposer d'intelligences artificielles souveraines.

Depuis 2018, nous n'avons pas attendu les entreprises comme celle que vous avez mentionnée…

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. … pour nous saisir du sujet, nous doter d'une stratégie nationale pour l'intelligence artificielle et investir 2,5 milliards d'euros dans le développement de cette technologie.

M. Fabien Gay. Les États-Unis, c'est 500 milliards !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Vous me parlez des 500 milliards d'euros annoncés par M. Trump,…

M. Hussein Bourgi. Et Elon Musk ?

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. … mais aussi du modèle chinois DeepSeek, qui aurait été entraîné pour un coût très inférieur. Ce que cela nous dit, c'est que nous sommes au début de cette technologie et que la meilleure réponse est la nôtre : investir – investir dans nos talents,…

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. … les chercheurs français étant reconnus dans le monde entier, investir dans nos infrastructures et investir dans les entreprises. Je pense par exemple à l'entreprise Altametris, installée en Seine-Saint-Denis, qui utilise l'IA pour l'industrie. Nous sommes au rendez-vous !

La question de la vision est cruciale, car – vous avez raison – l'intelligence artificielle n'est pas seulement technologique, elle est absolument politique ; il suffit pour s'en convaincre de demander à DeepSeek ce qu'il pense des faits historiques.

L'enjeu – la réponse – est également diplomatique : il faut mettre tout le monde autour de la table ; nous y travaillons… (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Fabien Gay. Et inviter Musk ? Ne venez pas pleurer après !

M. le président. Laissez la ministre répondre !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Si, voilà vingt ans, nous nous étions assis tous ensemble pour développer les technologies du numérique, nous n'en serions pas là aujourd'hui. La meilleure réponse à ces menaces est d'innover ici en France, en Européens, de rester très fermes sur nos valeurs et de développer nos propres solutions. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

inondations en ille-et-vilaine

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Bernard Fialaire et Michel Masset applaudissent également.)

Mme Anne-Sophie Patru. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique. J'y associe les autres sénateurs d'Ille-et-Vilaine, Dominique de Legge, Sylvie Robert et Daniel Salmon.

Madame la ministre, notre département a été frappé par des crues historiques : Rennes, Guipry-Messac, Redon, Bruz, Guichen, Pacé, Noyal-Châtillon-sur-Seiche – et j'en passe –, voilà autant de communes dont les habitants ont affronté la montée des eaux de l'Ille, de la Vilaine et de la Seiche alors qu'à la dépression Herminia a succédé la tempête Éowyn.

Face à cette situation inédite pour notre territoire, M. le ministre de l'intérieur a annoncé que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle devrait être accélérée pour aider nos populations à se remettre sur pied, ce dont nous remercions le Gouvernement. Je pense notamment aux commerçants, aux agriculteurs et à tous les professionnels qui ont été touchés, mais également aux forces de sécurité et de secours – les pompiers, la sécurité civile, les services de la préfecture –, qui continuent en ce moment même d'œuvrer pour protéger les populations et répondre à l'urgence.

Quant aux élus locaux – et en particulier les maires, socles de la République et fantassins de nos territoires – et aux équipes d'agents municipaux, ils ont été une nouvelle fois au rendez-vous, premier maillon du lien d'urgence établi avec nos habitants.

Ces événements s'inscrivent dans le cadre du changement climatique, qui démultiplie et augmente l'intensité des épisodes extrêmes. Face à ces risques accrus, les communes sont de plus en plus confrontées à des refus d'assurance. Notre collègue Jean-François Husson a dénoncé ce phénomène dans son rapport d'information publié l'année dernière sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.) L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a fait de même, et notre collègue Jean-François Longeot a récemment posé, sur ce sujet, une question d'actualité au Gouvernement. (Ah ! sur des travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Excellent !

Mme Anne-Sophie Patru. Tous ont tiré la sonnette d'alarme sur les difficultés croissantes que rencontrent les collectivités pour obtenir une couverture d'assurance.

Madame la ministre, nos élus ont engagé leurs communes, leurs services et les budgets communaux pour pallier l'urgence. Quelles compensations envisagez-vous de mobiliser, au travers des fonds d'urgence, pour ces communes ? Quelles actions le Gouvernement compte-t-il déployer pour répondre à ce risque assurantiel croissant ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST et sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Patru, je veux commencer par apporter à mon tour, au nom du Gouvernement, tout mon soutien aux sinistrés de la longue série d'intempéries qui ont frappé l'ouest de notre pays.

Je vois que vous êtes assise à côté de la sénatrice Amel Gacquerre, qui elle aussi a dû faire face à pareil épisode sur notre territoire commun. Vous avez raison de dire que ces événements sont liés au dérèglement climatique et qu'ils sont appelés à se répéter.

Je tiens à saluer l'excellence des services de prévision – Météo-France et Vigicrues – et des forces de secours, dont la mobilisation a permis qu'il n'y ait aucune victime et que, en dépit du traumatisme, la situation soit traitée de la manière la plus apaisée possible.

La première réunion au cours de laquelle pourront être déclarés des états de catastrophe naturelle se tiendra le 6 février. Mes services de Vigicrues, qui doivent préparer les dossiers, ont reçu des consignes pour qu'ils soient instruits le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les mesures d'urgence, vous savez qu'il existe un dispositif de soutien, la DSECG, ou dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques, qui contribue à la réparation et à la reconstruction des infrastructures qui ne sont pas assurées. Je pense évidemment aux routes ou aux ponts – la question s'est notamment posée récemment dans la Loire. Nous mobiliserons cette enveloppe pour réparer les dégâts causés par les épisodes que vous évoquez, madame la sénatrice.

Quant aux travaux que nous pouvons faire pour rehausser notre résilience face à des événements climatiques, c'est tout l'enjeu du fonds vert que de les financer. Ce fonds a été renforcé dans la dernière ligne droite de la discussion budgétaire, et je remercie les nombreux sénateurs qui y ont contribué.

Enfin, vous avez raison de dire qu'il est inadmissible de ne pas pouvoir être assuré, que l'on soit, d'ailleurs, un particulier ou une collectivité locale. Avec mes collègues François Rebsamen et Éric Lombard, nous travaillons à régler ce problème.

M. Jean-François Husson. Et la solution ? Tout de suite, maintenant ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Comme vous le savez, l'une de mes missions est de rééquilibrer le régime des assurances et de trouver les voies et moyens d'une amélioration de la prévention. Je souhaite à cet égard inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi de votre collègue Christine Lavarde visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, qui a été adoptée à l'unanimité au Sénat (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre applaudit également.),…

M. Jean-François Husson. Voilà ! Très bien !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … parce qu'elle apporte de premières solutions. (M. François Patriat applaudit.)

remise en liberté d'étrangers sous oqtf interpellés lors d'opérations de police à nantes

M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Garnier. Monsieur le garde des sceaux, ce qui s'est passé à Nantes il y a quelques jours est absolument sidérant.

Le ministre de l'intérieur a lancé en Loire-Atlantique, à la fin du mois de janvier, seize opérations de police pour lutter contre le trafic de drogue et la délinquance, qui pourrissent la vie des habitants de nos villes et de nos quartiers. Ces opérations ont permis cinquante-trois interpellations et douze placements en centre de rétention administrative (CRA). Deux des douze individus placés en CRA ont été libérés avant-hier pour des vices de procédure.

Le premier est de nationalité algérienne et se trouve être depuis un an et demi sous OQTF (obligation de quitter le territoire français). Il a été libéré parce que la définition par le procureur de la zone de réquisition ne listait que les rues formant le périmètre et pas celles qui sont à l'intérieur de la zone. (Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Que fait Retailleau ?

Mme Laurence Garnier. Le second est de nationalité libyenne. Il a été libéré parce que l'agent qui a demandé la prolongation de sa détention a signé le document ad hoc un vendredi alors qu'il n'était habilité à le faire que le week-end. (Nouvelles huées sur les mêmes travées.)

En somme, pour ce qui est des horaires, le vendredi, c'est trop tôt : on n'est pas encore le week-end. Et pour ce qui est de la zone de réquisition, le périmètre, c'est trop flou : on ne sait pas ce qui est dedans et ce qui est dehors. Au bout du compte, ces deux individus sont dehors. Reconnaissez qu'on est chez les fous…

Monsieur le garde des sceaux, nous connaissons votre détermination et celle du ministre de l'intérieur à lutter contre le narcotrafic. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER.) Nous avons voté hier à l'unanimité un texte important pour nous donner les moyens de mener ce combat.

M. le président. Votre question !

Mme Laurence Garnier. Qu'allez-vous faire pour répondre à cette folie procédurière, qui décourage nos policiers et nourrit la colère et l'incompréhension de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice Garnier, le problème que vous soulevez traduit la complexité de la procédure en matière de droit des étrangers, et singulièrement lorsque ceux-ci sont placés en centre de rétention. Dans cette procédure, en effet, deux juridictions interviennent : la juridiction administrative, dans un premier temps, puis, dans un second temps, la juridiction judiciaire, qui contrôle le maintien en rétention.

Je veux rappeler les faits en me gardant de tout commentaire de fond sur les décisions de justice : les 21 et 22 janvier derniers, des opérations de sécurisation et de contrôle renforcé en centre-ville de Nantes ont conduit à l'interpellation de trente personnes, dont douze étrangers en situation irrégulière placés en centre de rétention administrative. Une personne a été placée en garde à vue, une autre en rétention judiciaire et huit ont fait l'objet d'une OQTF avec assignation à résidence.

Cette opération a d'ailleurs permis de saisir plus de 10 000 euros de stupéfiants.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quel est le rapport ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Il n'y a pas de rapport direct, mais il convient tout de même de situer le contexte : la pression est très importante dans la ville de Nantes. Aussi la réponse policière doit-elle être extrêmement ferme, nonobstant les difficultés que l'on peut rencontrer en matière de procédure.

Cela étant, cet événement nous invite à nous interroger sur la nécessité de revoir les procédures applicables dans ce genre de circonstances, de façon à éviter les problèmes que vous venez de soulever. Reste qu'il ne revient évidemment pas au Gouvernement de commenter une décision de justice, y compris lorsqu'elle est motivée par des problèmes de forme. Je dirai simplement que ces problèmes de forme sont principalement liés à la complexité même de la procédure et à la pression à laquelle sont soumis nos services de police. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie mime la brasse coulée.)

Nous avons manifestement besoin de simplifier les choses ; ce travail va être engagé. Il doit être mené conjointement par les ministères de l'intérieur et de la justice – je parle sous le contrôle du garde des sceaux –, la procédure relevant des deux ordres de juridiction. Peut-être conviendra-t-il de faire un choix entre ces deux ordres, dont l'un se chargera seul de la procédure.

En tout état de cause, la juridiction administrative et la juridiction civile sont toutes deux parfaitement capables de défendre les libertés individuelles et les libertés publiques et de tenir compte des règles qui seront fixées lorsque ce travail aura abouti. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

budget de la france

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. Yan Chantrel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Je souhaite interpeller le Gouvernement sur la première préoccupation des Français, celle qui devrait l'obnubiler, à savoir le pouvoir d'achat, ou la possibilité de vivre dignement de son travail.

Alors que, depuis trois ans, la hausse générale des prix et l'alourdissement de la facture énergétique n'en finissent plus d'amputer le portefeuille des Français, le pouvoir d'achat et la justice sociale sont les grands oubliés de votre budget pour 2025 : pas de coup de pouce sur le Smic ni de revalorisation de la prime d'activité en faveur des travailleurs modestes, aucune augmentation du point d'indice pour les fonctionnaires, quand 30 % de nos compatriotes n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois !

Pendant ce temps, les écarts de rémunération s'accroissent. À la fin de 2024, la famille Mulliez s'est versé 1 milliard d'euros de dividendes grâce aux profits de Décathlon, tout en supprimant 2 400 emplois chez Auchan… Le patron de Carrefour, qui gagne 426 fois plus que la moyenne de ses salariés, est le symbole de l'indécence des écarts de revenus qui perdurent dans notre pays.

Pourtant, vous refusez toujours de remettre en place un impôt de solidarité sur la fortune (ISF), d'augmenter le taux de la flat tax et de taxer les superdividendes !

Quand prendrez-vous la mesure de la crise sociale qui sévit dans notre pays ? Quand agirez-vous concrètement pour augmenter le pouvoir d'achat de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Chantrel, pour apporter une réponse au problème que vous évoquez, celui du pouvoir d'achat des Français, il importe avant tout d'avoir un budget ! (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Mickaël Vallet. Ce n'est pas aux socialistes qu'il faut dire cela !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je vous assure, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce budget va permettre une revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu.

M. Rachid Temal. Ce n'est pas la question !

M. Mickaël Vallet. Faut pas nous chauffer : nous pourrions censurer !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. À défaut de budget, il n'y aura pas de revalorisation du barème !

Je veux indiquer, en outre, que le prix de l'électricité a baissé à compter du 1er février ; les Français pourront très prochainement le constater. De même, si nous avons subi une inflation relativement importante ces dernières années, celle-ci ne devrait être que de 1,4 % en 2025, quand les salaires devraient augmenter de 2,8 %. Voilà quelques éléments en faveur du pouvoir d'achat !

Par ailleurs, pour soutenir le pouvoir d'achat, nous devons nous engager dans la réduction de notre déficit. (Mme Silvana Silvani s'exclame.) Le budget proposé par le Gouvernement y pourvoit : l'objectif que nous nous donnons consiste à ramener le déficit à 5,4 % du PIB en 2025. L'État prend toute sa part de l'effort : ses dépenses baisseront de 2 % en valeur en 2025 – un tel effort est inédit depuis vingt-cinq ans. Notre budget est un budget d'efficacité, et non un budget d'austérité qui raboterait à l'aveugle.

Je tiens également à souligner que ce budget est le fruit d'un compromis qui s'est noué entre les sénateurs et les députés. À cet égard, je salue le travail du rapporteur général Jean-François Husson. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce compromis va permettre à la France d'avoir un budget, ce qui est une urgence pour répondre à la question du pouvoir d'achat des Français.

Mme Émilienne Poumirol. Il ne fallait pas dissoudre !

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.

M. Yan Chantrel. Madame la ministre, le Gouvernement étant manifestement à court d'idées, je vais vous donner un exemple dont vous pourriez vous inspirer : en Espagne, près de chez nous, donc, le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez a augmenté le Smic de 61 % en sept ans ; et le taux de croissance y est trois fois plus élevé qu'en France ! (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Franck Dhersin. Et l'âge de départ à la retraite ?

M. Yan Chantrel. Quand il était directeur de la Caisse des dépôts et consignations, le ministre de l'économie lui-même déclarait que « le capitalisme est déréglé et la répartition des richesses […] trop divergente par rapport à ce qui revient au capital ».

M. le président. Il faut conclure !

M. Yan Chantrel. Il est temps d'agir pour résoudre la crise sociale dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

classement de plaintes sans suite

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le garde des sceaux, notre justice va mal. Elle est noyée sous un nombre effarant de plaintes, qu'elle ne peut plus examiner sereinement.

Je vous donne un cas très concret : lors de l'audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire de Melun, le procureur de la République a annoncé le classement sans suite et sans acte d'investigation d'un certain nombre de plaintes, et ce pour « désengorger » les tribunaux et « alléger le travail des policiers ». Les plaintes seront désormais « triées dès l'origine en fonction des priorités » et le procureur de la République a lui-même reconnu que cela était « choquant sur le principe ».

À l'heure où nombre de nos concitoyens n'osent pas porter plainte, y compris pour des faits très graves, le signal que la justice envoie est dévastateur. Celle-ci doit être au service des victimes, non des délinquants ! Tout cela induit une perte de sens pour les juges, pour les policiers, mais aussi pour les citoyens.

L'argument du manque de moyens humains et financiers est inaudible : comment est-il possible que la justice ne puisse pas faire son travail dans un pays, le nôtre, qui détient le record d'Europe des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ?

En outre, le signal ainsi envoyé entre en contradiction avec la politique de fermeté qu'applique Bruno Retailleau à la tête du ministère de l'intérieur, politique dont les premiers effets se font déjà sentir. (Marques d'ironie sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Monsieur le garde des sceaux, quelles actions comptez-vous entreprendre à court terme pour mettre fin à cette situation ? Allez-vous simplifier et rationaliser la procédure pénale ? Envisagez-vous qu'une sanction ferme puisse être prononcée dès le premier délit, afin de dissuader la récidive ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, si nous sommes le pays où les prélèvements obligatoires et la dépense publique sont les plus importants, ce n'est pas dans le domaine régalien, et encore moins dans celui de la justice, qu'il faut en chercher la cause : le budget de la justice représente moins de 2 % de celui de l'État, qui lui-même ne représente que 30 % de la dépense publique.

Si nous avons un problème en France, c'est celui de la dépense sociale ! On eût aimé entendre M. le sénateur rappeler, au moment d'évoquer les dépenses publiques, quel est l'âge légal de départ à la retraite en Espagne… (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Les commissariats et les brigades de gendarmerie ont 3 millions de plaintes à traiter au moment où je vous parle, dont 65 % ont été déposées il y a plus de six mois. La moitié de ces plaintes vieilles de plus de six mois n'ont fait l'objet d'aucun acte d'investigation.

Madame la sénatrice, si j'en crois mon expérience passée, le problème relève avant tout d'un manque d'officiers de police judiciaire (OPJ), c'est-à-dire de gendarmes et de policiers réalisant des actes d'enquête. Il existe depuis très longtemps une crise de la filière investigation dans notre pays.

L'une des réponses possibles est la réforme de la police nationale, en faveur de laquelle poussent le ministre de l'intérieur et le ministre placé auprès de lui, qui souhaitent qu'elle aille jusqu'au bout. Cette réforme vise à replacer l'investigation autour de son axe ; j'espère qu'elle produira ses premiers effets en permettant la hausse du nombre d'officiers de police judiciaire, conformément à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, que j'ai déposée et qui fut promulguée il y a plus de deux ans – ce texte prévoit l'apprentissage du bloc OPJ dès l'école de police. Pour traiter les plaintes dans les commissariats, il nous faut avant tout des OPJ !

C'est donc une question d'investigation, mais aussi de justice : il manque des parquetiers – notamment à Melun – et des magistrats. Nous devons également rendre plus efficace la réponse de la justice et de la police aux dépôts de plainte. Bien souvent, les plaintes qui parviennent jusqu'aux tribunaux aboutissent à des peines de quelques mois de prison, et ceux qui y sont condamnés ne vont pas réellement en prison. Cela fait plus de vingt ans – vous le savez, madame la sénatrice – que ceux qui sont condamnés à des peines de prison ferme inférieures ou égales à six mois ne vont pas en prison.

Il faut des amendes réellement payées. À cet effet, je proposerai au Premier ministre que les commissaires de justice, c'est-à-dire les huissiers, et non plus l'administration, recouvrent les amendes : voilà qui sera, me semble-t-il, beaucoup plus efficace.

Il faut aussi des peines alternatives – travaux d'intérêt général, non rémunérés – prononcées comme peines autonomes.

En somme, il faut un Grand Soir de la chaîne pénale,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … pour une réponse ferme et rapide, de la police comme de la justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Yves Bleunven et Mmes Pascale Gruny et Brigitte Hybert applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.

Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le garde des sceaux, nous savons que le ministère de la justice est le ministère du temps long. Nous comptons sur vous pour agir, car les Français ne peuvent plus se contenter d'une justice pour les délinquants ; ils ont besoin d'une justice pour les victimes ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

position du gouvernement sur le « zéro artificialisation nette »

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Guislain Cambier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Dans quelques semaines, nous examinerons, au Sénat, la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite proposition de loi Trace. (« Excellent ! » sur des travées du groupe UC.) Fruit d'un travail partagé et concerté, ce texte que j'ai déposé avec mon collègue Jean-Baptiste Blanc a été cosigné par de nombreux collègues. Il prévoit une réduction pragmatique, différenciée et concertée de l'artificialisation des sols.

Au-delà des auditions menées au Sénat par les rapporteurs Amel Gacquerre, Jean-Marc Boyer et Daniel Gueret, nous constatons que, sur le terrain, la machinerie administrative poursuit son travail de rouleau compresseur – c'est un peu l'État profond jouant la montre contre les territoires…

M. Laurent Burgoa. Ça, c'est sûr !

M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de loi Trace ? Pouvons-nous compter sur vous pour soutenir ce texte attendu ? Quand évoquera-t-on l'impact financier et fiscal du ZAN (« zéro artificialisation nette »), que pointent notamment les travaux de notre collègue Hervé Maurey, et qui nous empêche d'avancer ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Guislain Cambier, nous en revenons au débat sur le ZAN, principe dont je rappelle qu'il est issu de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, laquelle avait été inspirée par les travaux de la Convention citoyenne pour le climat. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour répondre à la nécessité de réduire l'artificialisation des sols, il ne suffit pas de se fixer des objectifs ambitieux – vous ne me contredirez pas –, il faut aussi se donner les moyens de les atteindre.

La proposition de loi Trace que vous avez déposée avec le sénateur Jean-Baptiste Blanc doit nous permettre de poursuivre cette dynamique de sobriété foncière dont personne ne conteste la légitimité, tout en y apportant les assouplissements nécessaires à une meilleure prise en compte des besoins exprimés par les territoires et par les élus locaux.

Pour autant, je le dis ici, la disparition de tout objectif chiffré conduirait à mettre en péril l'objectif du ZAN, et par là même notre agriculture, notre environnement et l'action résolue que nous menons face aux risques naturels.

Votre texte doit au contraire être un outil pour nous permettre d'atteindre trois objectifs que nous partageons : premièrement, réaffirmer notre confiance envers les élus locaux et les mettre au cœur du dispositif ; deuxièmement, rappeler l'objectif du ZAN à l'horizon de 2050 ; troisièmement, assouplir autant que possible le dispositif – vous savez que j'y suis favorable – afin de mieux répondre aux besoins exprimés.

Qu'en est-il, enfin, du calendrier d'examen de votre proposition de loi ?

M. François Bonhomme. 2028 ! (Sourires.)

M. François Rebsamen, ministre. Les outils destinés à assurer la mise en œuvre du ZAN font actuellement l'objet de plusieurs travaux ; je pense notamment à la mission d'information lancée à l'Assemblée nationale. Il nous paraît judicieux de nous appuyer sur leurs conclusions pour enrichir, à l'Assemblée nationale, la rédaction qui aura été retenue par le Sénat.

Monsieur le sénateur, je suis convaincu que, grâce à vos travaux, nous parviendrons à faire de ce texte un véritable levier pour la réussite de notre ambition collective en matière de sobriété foncière. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. Laurent Burgoa. Ce n'est pas clair…

Mme Frédérique Puissat. Ça ne l'est pas du tout !

M. Laurent Somon. Un pas en avant, trois pas en arrière…

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Merci, monsieur le ministre, de ce début de réponse.

Il s'agit bel et bien d'une question de calendrier. Comme vous le soulignez, il est nécessaire de prendre le temps de la concertation si l'on veut réussir, dans les territoires, cet atterrissage que nous souhaitons tous.

C'est vrai, la proposition de loi Trace vient perturber la doxa. Un certain nombre de freins – administratifs, politiques et même intellectuels, dans certaines chapelles – ralentissent à l'évidence la machine, donc retardent l'atterrissage concerté que j'évoquais à l'instant. Or, dans nos territoires, nous avons besoin de cette souplesse très rapidement, tout simplement parce qu'elle va permettre l'émergence de projets.

C'est précisément pourquoi nous nous tournons vers vous, monsieur le ministre : dans certaines circonstances, il faut savoir précipiter le calendrier législatif. Certains jouent la montre pour mieux défendre leurs positions, mais de telles manœuvres vont à l'encontre des projets de nos territoires.

Comme vous le savez, l'aménagement du territoire se construit progressivement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)

manifestations sur la ligne à grande vitesse bordeaux-toulouse

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. François Bonhomme. J'associe à ma question mes collègues Pierre-Antoine Levi et Brigitte Micouleau.

Monsieur le ministre, vous le savez, le Sud-Ouest attend avec impatience la ligne à grande vitesse (LGV) entre Toulouse et Bordeaux.

La commission d'enquête publique a donné son feu vert très récemment, permettant ainsi d'engager les travaux d'aménagement de la ligne.

Ce projet, à la fois ancien et long, est tout d'abord essentiel à l'attractivité économique de notre territoire – je pense notamment aux villes d'Agen et de Toulouse, ainsi qu'à l'agglomération de Montauban, qui doit accueillir la future gare. Il entraînera, en outre, un rééquilibrage entre les transports aérien et ferroviaire. Il permettra, enfin, de libérer des créneaux pour le fret ferroviaire et les trains express régionaux (TER).

Malheureusement, un certain nombre d'opposants radicaux au projet, comme les activistes des Soulèvements de la Terre (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains.), s'efforcent de paralyser ces travaux en multipliant les actions – dégradations, actes de sabotage, incendies de matériel. Ils se rendent également coupables de violences envers les forces de l'ordre ; ce fut par exemple le cas à la fin du mois dernier, à Saint-Jory, dans le sud du Tarn-et-Garonne. On voit même apparaître un embryon de zone à défendre (ZAD) aux abords du chantier.

Monsieur le ministre, quelles instructions comptez-vous donner pour sécuriser durablement le chantier et mettre fin à ces troubles à l'ordre public, qui sont inacceptables dans un État de droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des transports. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur François Bonhomme, je vais être très clair : les actions violentes et les occupations illégales qui entravent le chantier de la LGV Toulouse-Bordeaux sont inacceptables et seront traitées avec la plus grande fermeté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Comme pour l'A69, nous ne céderons pas face aux actions violentes et illégales.

M. Philippe Tabarot, ministre. Vous l'avez dit, la LGV Toulouse-Bordeaux est un projet prioritaire, soutenu par l'État comme par les collectivités territoriales concernées. Il répond à plusieurs enjeux majeurs, parmi lesquels le désenclavement de Toulouse, quatrième ville de France ; un report modal effectif vers le train, conformément à nos objectifs climatiques ; ou encore le renforcement des liaisons ferroviaires européennes – cette ligne est un maillon essentiel pour relier la péninsule ibérique au reste de l'Europe.

Je rappelle que ce projet a fait l'objet de toutes les procédures de concertation nécessaires et qu'il bénéficie de toutes les autorisations légales.

Par ailleurs, les collectivités territoriales sont pleinement engagées au côté de l'État, le financement étant partagé.

Les opposants ne peuvent pas s'arroger le droit de bloquer un chantier d'utilité publique, attendu par la majorité de nos concitoyens. L'État prendra donc toutes les mesures nécessaires pour garantir la poursuite des travaux, dans le respect du calendrier prévu, tout en assurant, bien sûr, la sécurité de l'ensemble des professionnels intervenant sur le chantier. Je pense notamment aux ouvriers, qui sont trop souvent menacés avec des armes par destination. (M. François Bonhomme acquiesce.) Quelles que soient les motivations de ces opposants, c'est tout simplement intolérable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Hussein Bourgi, Jean-Marc Vayssouze-Faure et Bernard Buis applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, je me réjouis évidemment de la fermeté dont vous avez d'ores et déjà fait preuve, et dont a témoigné une première évacuation.

Votre détermination tranche avec les circonlocutions et les contorsions que l'État multiplie depuis une quinzaine d'années.

M. François Bonhomme. Elle tranche également avec les atermoiements constatés, par le passé, à propos de bien d'autres projets contestés – je pense à Sivens ou à Notre-Dame-des-Landes. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

M. François Bonhomme. Malheureusement, selon un scénario immuable, ces faux rebelles, qui montent aux arbres, au sens propre comme au sens figuré (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), pour contester tout projet, annoncent la sempiternelle « convergence des luttes » avec les opposants à l'A69, entre Castres et Toulouse. (M. Hussein Bourgi hoche la tête en signe d'approbation.)

Nous ne voulons plus de cette faiblesse chronique ni de ces faux-fuyants qui ont si souvent été l'antichambre du renoncement de l'État : renoncement face à ceux qui veulent, par la violence, imposer leurs vues à la majorité paisible et silencieuse et entraver la réalisation de projets majeurs pour notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Hussein Bourgi et Philippe Grosvalet applaudissent également.)

pacte vert et directive csrd sur la publication d'informations en matière de durabilité

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marion Canalès. Faut-il que tout change pour que rien ne change ? Sous couvert d'un choc de simplification censé renforcer la compétitivité, la Commission européenne travaille depuis aujourd'hui à faire reculer la lutte contre le réchauffement climatique et pour la défense des droits humains et sociaux. Ce n'est pas une mince affaire…

Bien sûr, il faut simplifier ; mais simplifier, ce n'est pas déréguler ; simplifier, ce n'est pas renoncer.

Les appels à démanteler le Pacte vert, ce coupable idéal, se multiplient en écho aux déclarations de Donald Trump : celui-ci veut voir les États-Unis sortir de l'accord de Paris, qu'il qualifie d'escroquerie – rien que cela !

Le Pacte vert n'est pourtant rien d'autre que notre stratégie européenne pour une croissance durable, laquelle est du reste la seule croissance possible. Comment pourrions-nous y renoncer ? Pourquoi le choc de simplification annoncé devient-il un acte de dérégulation en matière environnementale et de droits humains ? Le règlement européen sur la déforestation a ainsi été reporté, et je précise que notre pays a sa part de responsabilité dans ces renoncements.

Par la voix de son commissaire européen, Stéphane Séjourné, la France a en effet demandé la suspension de deux directives essentielles : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D, Corporate Sustainability Due Diligence Directive) et la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD, Corporate Sustainability Reporting Directive).

Certes, la mise en œuvre de ces textes a un coût, mais le coût de l'impréparation sera plus lourd encore.

En outre, ces règles sont les symboles d'une Europe puissante, capable de fixer des normes d'accès à son marché. Elles permettent d'appliquer nos standards à divers leaders étrangers, par exemple ceux de la fast fashion.

Des organisations patronales professionnelles, des ministres et même des multinationales défendent ces textes. À leur sujet, certains évoquent un moratoire ; mais le moratoire est l'antichambre du renoncement.

La France va-t-elle renoncer à tenir son rôle, en Europe, en faveur de la transition écologique ? Allons-nous faire comme si le défi climatique n'était pas un sujet, alors qu'il se rappelle à nous tous les jours ? À qui rendons-nous service en reculant ainsi ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Marion Canalès, votre question me permet de clarifier la position du Gouvernement sur les deux directives que vous avez citées, qui tiennent une part essentielle dans les efforts à conduire pour plus de durabilité et de justice dans notre société.

Ces textes – un tel rappel historique a son importance – sont le fruit de combats menés à Bruxelles par notre pays pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne, en 2022. Depuis, notre ambition reste inchangée. Reste qu'il existe une voie pour améliorer encore ces textes ; pour les rendre plus simples, sans renoncer – j'y insiste - à notre ambition, tout en proportionnant leurs dispositions à la taille des entreprises.

À mon sens, la notion de « proportion » est importante : chacun pourra nous l'accorder, on ne saurait demander la même chose à un groupe coté et à une PME.

M. Yannick Jadot. Les textes prévoient déjà de ne pas leur demander la même chose !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Pour ce qui est de la directive relative au devoir de vigilance, la CS3D, nous souhaitons la simplifier en prévision de sa mise en œuvre. L'objectif principal est de préserver les PME et les ETI, poumons de la croissance et de l'innovation en Europe.

M. Didier Marie. C'est déjà prévu…

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous proposons que ces obligations visent les entreprises à partir de 5 000 salariés, ce qui correspond au seuil retenu dans la loi française.

Au sujet de la CSRD, notre philosophie est la même : pour les ETI dont les effectifs sont compris entre 250 et 1 500 salariés, nous poussons pour un régime allégé, comptant moins d'indicateurs qu'il n'en est prévu aujourd'hui.

Pour les grandes entreprises, nous proposons un plafonnement du reporting dans la chaîne de sous-traitance et un alignement sur les obligations simplifiées applicables aux PME cotées.

Il ne s'agit aucunement de renier nos principes ou nos valeurs : l'objectif est bien plutôt d'assurer l'efficacité de ces textes, de préserver la compétitivité de nos entreprises et de garantir une juste proportion entre la nature des normes, d'une part, et, de l'autre, la dimension de nos entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.

Mme Marion Canalès. Qu'il semble loin le temps où Emmanuel Macron bombait le torse devant Donald Trump en déclarant : « Make our planet great again ! ». Nous sommes en train de céder, mais il n'est pas trop tard, madame la ministre, pour réagir.

Nous avions été les premiers à transposer ces directives, lesquelles contiennent déjà les mesures de proportionnalité que vous appelez de vos vœux pour les entreprises : celles-ci entrent dans le dispositif à raison de leur taille.

Ne cédons pas ! Un sursaut à l'échelle de l'Union européenne ne ferait pas de mal. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)

travailleurs pauvres

M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Bruno Rojouan. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.

Madame la ministre, le pouvoir d'achat reste de loin la principale préoccupation des Français.

Nous assistons à un phénomène dont on parle peu, mais qui prend de l'ampleur dans notre pays : beaucoup de Français ne font que survivre, alors même qu'ils travaillent.

Le nombre de ces travailleurs pauvres est en constante augmentation. Je parle bien de travailleurs, car il s'agit en grande partie de gens qui se lèvent tôt, à trois ou quatre heures du matin, pour exercer des tâches pénibles. Ce sont des courageux et de vrais productifs : principalement des ouvriers dans les usines et les ateliers, des agriculteurs, des salariés de la restauration et de l'entretien.

Disons-le clairement : pour une partie des Français modestes, le travail ne paie plus. Aussi, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour que tous nos concitoyens puissent vivre dignement de leur travail ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Rojouan, vous avez raison : le travail doit mieux payer en France. Le Smic peut être un salaire d'entrée dans la vie active, mais trop de travailleurs restent aujourd'hui piégés dans la trappe à bas salaires, malgré l'expérience acquise.

C'est pourquoi nous devons continuer à soutenir les négociations sur les salaires au niveau des branches et des entreprises.

La semaine dernière, j'ai réuni le comité de suivi des salaires, qui regroupe l'ensemble des partenaires sociaux à l'échelle nationale, pour faire le point sur l'état des minima de branche.

Les branches jouent le jeu, à l'exception de cinq d'entre elles, pour lesquelles les négociations sont durablement bloquées.

Mme Frédérique Puissat. Trois seulement !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. J'ajoute que plus de la moitié des branches n'ont pas actualisé leurs classifications depuis un certain nombre d'années. Les grilles étant obsolètes, les perspectives d'évolution professionnelle s'en trouvent limitées.

Ce sont là des sujets que le ministère du travail continue de suivre et auxquels je demeure personnellement attentive.

En outre, le Smic ne règle pas le problème du temps partiel subi, principal facteur de pauvreté laborieuse. Ce problème touche majoritairement les femmes, qui doivent souvent composer avec des horaires fractionnés et de grandes amplitudes horaires.

L'inspection générale des affaires sociales (Igas) a rendu un rapport sur ce sujet, en proposant des solutions. Celles-ci ont été présentées il y a quelques semaines aux partenaires sociaux : à eux, s'ils le souhaitent, de s'en saisir, notamment dans le cadre de la conférence sociale sur les salaires que j'animerai avec eux, de concert avec Catherine Vautrin.

Enfin, je me dois d'évoquer le coin socialo-fiscal, qui est en quelque sorte l'éléphant dans la pièce : le coût du travail est aujourd'hui trop élevé, quand le montant qui reste dans la poche du salarié est trop bas.

Une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) cite l'exemple d'une femme locataire, employée au Smic et élevant seule ses enfants : pour qu'elle voie son reste à vivre augmenter de 100 euros, il faudrait que son employeur l'augmente de 770 euros…

Là est le sujet ! Le Gouvernement va avancer en lançant le chantier de l'allocation sociale unique, conformément au souhait du Premier ministre.

Quant au financement de la protection sociale,…

M. le président. Il faut conclure.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. … il repose trop sur le travail. Nous devrons réfléchir ensemble, aussi sereinement que possible, à d'autres sources de financement.

M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour la réplique.

M. Bruno Rojouan. Merci de vos réponses, madame la ministre.

Nous sommes clairement allés trop loin dans les politiques sociales protégeant les allocataires,… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo. C'était donc ça ! (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)

M. Bruno Rojouan. … et nous ne sommes pas allés assez loin dans l'accompagnement des salariés modestes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que ceux qui travaillent aient souvent l'impression que, grâce aux prestations sociales, l'inactivité permet de mieux s'en sortir, ce qui est injuste. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

Mmes Antoinette Guhl et Raymonde Poncet Monge. C'est faux !

M. Bruno Rojouan. Il n'est pas étonnant non plus d'assister à la dévalorisation de tant d'emplois dont nous avons pourtant bien besoin pour réindustrialiser notre pays.

Il n'est pas étonnant que, dans les territoires à faibles revenus, le vote des classes populaires, qui souffrent, soit désormais massivement un vote radical.

Il n'est pas étonnant, enfin, que, pour les jeunes générations, le travail perde son sens et son attrait. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

Madame la ministre, bon courage ; continuez comme ça ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

humoriste islamiste sur une chaîne télévisée publique

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, last but not least ! (Sourires.)

« La place d'une femme est à la demeure auprès de son père. Crains ton Seigneur » : ce propos n'est pas une citation d'un théoricien d'Al-Qaïda ; il a été prononcé par la nouvelle recrue de l'émission star de France 5, C à vous, qui réunit un million de téléspectateurs en moyenne chaque soir. (M. Michel Savin applaudit.)

Cet humoriste – appelons-le ainsi –, Merwane Benlazar, pratique couramment l'exégèse de la charia sur son compte Twitter et multiplie les recommandations de sites ouvertement salafistes.

Je ne rappellerai pas ses nombreuses saillies contre les forces de l'ordre ou contre les femmes. La polémique suscitée par son intronisation sur France 5 l'a conduit à fermer ses réseaux au public et à les nettoyer… au kärcher. (M. Roger Karoutchi sourit.)

J'ajoute que cet « humoriste » annonce la couleur, avec son look salafiste. Si l'habit ne fait pas le moine, reconnaissons que le propos fait le salafiste. (Sourires.)

Comment peut-on participer, avec l'argent du contribuable, à normaliser les idées que véhicule ce personnage ? Est-ce bien ce que l'on attend du service public de l'audiovisuel et de ses maisons de production ? Est-ce une forme de provocation ou bien l'expression d'un projet politique ? À quoi rime le silence assourdissant de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom),…

Mme Nathalie Goulet. … pourtant si prompte à condamner d'autres animateurs ?

M. Laurent Burgoa. Tout à fait !

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, continuerons-nous longtemps à jouer les idiots utiles de l'islamisme ? Aux dernières nouvelles, cet individu serait renvoyé de la chaîne : pouvez-vous nous le confirmer ? Cette mesure, si elle a bien été prise, concerne-t-elle la station de radio et la chaîne de télévision où il sévit ? Enfin, à l'avenir, comment comptez-vous garantir que l'Arcom joue son rôle pour éviter de tels errements éditoriaux, dans le respect de l'indépendance des médias ? (Vifs applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Jean-Pierre Grand et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice Goulet, comme vous le savez, le recrutement des chroniqueurs et autres journalistes relève du libre choix de l'antenne et des producteurs.

La chronique que vous citez contenait-elle des propos répréhensibles ? Non. L'Arcom n'a donc pas lieu d'être saisie.

Ce chroniqueur a-t-il par ailleurs tenu des propos scandaleux ? (« Oui ! » sur des travées du groupe Les Républicains.) Oui.

France Télévisions en a tiré les conséquences : l'intéressé ne sera plus à l'écran.

M. Olivier Paccaud. Il n'aurait jamais dû y être !

Mme Rachida Dati, ministre. Pour conclure, permettez-moi de formuler un bref rappel.

Dans cette affaire, madame la sénatrice, vous déplorez un silence assourdissant ; mais, dans certains cas, le bruit mérite également d'être dénoncé.

Méfions-nous des dérives et des dérapages, quels qu'ils soient. On ne saurait disqualifier une personne sans fondement, sur la seule base de son apparence, qu'il s'agisse du physique ou de la tenue vestimentaire. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Olivier Paccaud. C'est trop facile !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je suis tout à fait d'accord avec vous. Reconnaissez toutefois qu'il est un peu difficile d'expliquer qu'il ne faut pas mettre d'abaya à l'école et de promouvoir en même temps sur le service public une tenue manifestement salafiste. (Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit.)

J'y insiste, nous parlons du service public : un tel incident est d'autant plus ennuyeux.

Il n'y a absolument rien d'innocent dans les propos que je dénonce ; et je me bats depuis trop longtemps en faveur de la laïcité et du respect de la République pour que l'on puisse me taxer de racisme. (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 12 février, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt,

est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour une mise au point au sujet d'un vote.

M. Lucien Stanzione. Lors du scrutin n° 185, sur l'ensemble de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, j'aurais souhaité voter pour.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour une mise au point au sujet d'un vote.

Mme Laurence Rossignol. Lors du scrutin n° 186 portant sur l'ensemble de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, je souhaitais voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles figureront dans l'analyse politique des scrutins concernés.

5

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'urgence pour Mayotte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

6

Candidatures à une commission d'enquête

M. le président. L'ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État.

En application de l'article 8 ter, alinéa 5 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

7

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Article 1er (suite) (début)

Souveraineté alimentaire et agricole

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (projet n° 639 [2023-2024], texte de la commission n° 251, rapport n° 250, avis nos 184 et 187).

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour un rappel au règlement.

M. Franck Montaugé. Je souhaite revenir sur le déroulement de la fin de la séance de la nuit dernière. Alors que le règlement du Sénat doit servir l'intelligibilité de nos débats, j'en retire une impression pour le moins confuse. Je crains que nombre de mes collègues, sur toutes les travées, soient également dans ce cas. En effet, je n'ai guère compris l'explication de M. le rapporteur Laurent Duplomb sur les dispositions qu'ils avaient intégrées ou retirées du texte.

Mme Frédérique Puissat. Moi, j'ai compris !

M. Franck Montaugé. Or nous avons besoin de clarté pour nous prononcer de la manière la plus éclairée. La façon de procéder du rapporteur n'est pas satisfaisante. Je tenais à le dire, et je demande donc de nouvelles explications, plus claires que celles qui nous ont été apportées hier soir.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Salmon. Je me joins aux interrogations, voire aux récriminations, de mon collègue Montaugé. Nous n'avons pas tout compris : nous avons besoin de nouvelles explications.

En effet, supprimer des alinéas d'un article du projet de loi pour les replacer plus loin dans le texte, avec le même résultat – insérer ces dispositions dans le code rural au même endroit –, me semble plus qu'étrange. Si ce n'est que cela conduit à rendre sans objet un bon nombre d'amendements, ce qui nuit à notre travail parlementaire.

Mon expérience de sénateur n'est, certes, pas très longue, mais je n'avais jamais été témoin d'une telle opération de suppression d'alinéas, replacés dans un article additionnel ultérieur. Je ne comprends pas le procédé utilisé.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour un rappel au règlement.

Mme Frédérique Puissat. Nous étions nombreux en séance hier soir. L'attitude de nos collègues me surprend. De nombreux amendements ont fait l'objet, à une heure tardive, d'une explication groupée, mais nous procédons régulièrement ainsi lorsque nous sommes rapporteurs.

De notre côté, nous avons trouvé cette explication très claire. Certes, le vote a été reporté au vu de l'heure avancée, mais le déroulement de la séance d'hier soir n'a rien d'anormal.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques. Je veux répondre aux questionnements de mes collègues.

Comme je l'ai dit hier, rien ne nous obligeait à procéder ainsi, c'est-à-dire à laisser se dérouler une discussion commune regroupant plus de trente amendements. Selon le Conseil constitutionnel, des dispositions programmatiques et des dispositions normatives ne peuvent coexister au sein du même article, comme c'était le cas à l'article 1er, car cela va à l'encontre du principe d'intelligibilité de la loi.

C'est pourquoi nous avons proposé la suppression de quatre alinéas de l'article 1er, pour les réinsérer dans un article additionnel après cet article. Ces dispositions normatives seront ainsi séparées de la partie programmatique du texte.

Je vous rappelle que nous aurions aussi pu faire l'inverse : proposer de créer un article additionnel avant l'article 1er, ce qui aurait rendu cette trentaine d'amendements sans objet, empêchant toute discussion. Nous avons entendu être ouverts et pédagogiques. Par une explication de trois pages, je me suis efforcé de vous répondre sur chaque amendement. J'avoue donc, franchement, me poser cette question : aurions-nous dû faire l'inverse ? (On renchérit sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Puisque nous n'avons pas procédé au vote hier soir, je souhaitais rappeler quelques éléments au sujet des amendements sur lesquels j'ai donné un avis défavorable. Je veux rappeler la position du Gouvernement, en particulier par rapport aux propositions du rapporteur. Cela permettra de répondre également aux sénateurs qui s'interrogeaient sur le transfert de dispositions d'un article à l'autre.

Votre amendement n° 905, monsieur le rapporteur, tend à supprimer, les alinéas relatifs à l'intérêt général majeur et à l'intérêt fondamental de la Nation, insérés à l'article 1er par la commission des affaires économiques, afin de les transférer vers un article additionnel après l'article 1er.

Je le rappelle, ces deux notions d'intérêt général majeur et d'intérêt fondamental de la Nation sont cruciales.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ainsi que la non-régression !

Mme Annie Genevard, ministre. Je reviendrai ultérieurement sur la question importante de la non-régression.

Vous justifiez ce transfert par la volonté d'éviter l'écueil que constituerait l'inclusion, au sein d'un article 1er largement programmatique, de dispositions qui pourraient avoir des conséquences normatives : selon votre interprétation, ce serait le cas des définitions contenues dans les alinéas concernés. Au-delà d'un débat juridique à la portée incertaine, je souhaite avancer trois arguments de fond.

Tout d'abord, si le juge constitutionnel estimait que la création d'un article L. 1 A au sein du code rural avait une portée normative, il en résulterait une insécurité juridique importante. Cela serait très grave, car nous voulons protéger les agriculteurs en sécurisant les nombreuses dispositions qui peuvent leur être opposées. D'où l'importance des notions que nous avons évoquées.

L'amendement n° 907 reprend le dispositif de l'article 1er bis de ce projet de loi, issu d'un amendement adopté par les députés qui fait consensus. Vous proposez ainsi que l'agriculture soit solennellement reconnue comme partie intégrante du potentiel économique de la Nation, constituant en cela l'un de ses intérêts fondamentaux. J'y suis très favorable. Cependant, ce serait redondant avec l'article 1er bis, qui sanctuarise déjà cette disposition !

L'article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, dont vous proposez l'insertion, mentionne non plus l'agriculture, mais la souveraineté alimentaire comme un intérêt fondamental de la Nation. Ce n'est pas exactement la même chose ! Ainsi, en créant une confusion entre ces termes, nous risquons d'accroître l'insécurité juridique. Or vous savez tout comme moi que, si le législateur n'est pas précis dans ses définitions ou laisse des incohérences entre les codes, cela peut entraîner de graves difficultés.

Je préfère donc que nous nous bornions à modifier l'article 410-1 du code pénal, quitte à en reprendre strictement les termes, par cohérence, au sein du code rural et de la pêche maritime. Ce n'est pas le cas ici, ce qui me pose problème.

Ensuite, vous proposez de définir l'agriculture, la pêche et l'aquaculture comme étant d'intérêt général majeur. Si je ne puis qu'acquiescer, je préfère le caractère dynamique de la rédaction retenue par les députés, qui mentionne la préservation et le développement. Car finalement, il s'agit bien du sujet de certains contentieux, qui s'appuient, entre autres, sur le code de l'environnement – mais pas uniquement, comme l'a rappelé M. Louault.

Enfin, vous proposez de reconnaître le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, toutefois sans définition précise ni assise constitutionnelle. Si je ne puis m'opposer à un tel principe, ces défauts limitent fortement sa portée juridique. Une réduction de la surface utile, du nombre d'agriculteurs ou des rendements induit-elle une régression de la souveraineté ?

Par exemple, la récente mesure favorisant l'arrachage des vignes est-elle compatible avec ce principe ? Elle est pourtant souhaitable et voulue par tous les agriculteurs. Ainsi, la notion est séduisante sur le papier, mais je ne suis pas convaincue à ce stade qu'elle ait été assez travaillée, ni qu'elle soit suffisamment précise d'un point de vue juridique.

Ne prenons pas de tels risques sans avoir mesuré les effets de bord. L'agriculture n'en subit que trop les conséquences juridiques chaque jour.

En revanche, je suis favorable à une existence opérationnelle claire du principe de non-régression, qui guiderait notre action. C'est tout le sens de l'amendement, essentiel, portant sur les conférences de la souveraineté alimentaire, dont j'espère l'adoption. Y figure, mot pour mot, ce principe de non-régression. Fixons-nous des objectifs pour, concrètement, éviter le décrochage, filière par filière. C'est ainsi que nous nous donnerons les moyens de préserver notre souveraineté. Nous passerions ainsi d'un principe juridique flou à une application concrète et opérationnelle d'un mantra politique que je veux faire mien.

Comme vous le voyez, à l'écoute de vos suggestions, le Gouvernement a travaillé à un compromis concret. Je vous propose ainsi de nous engager ensemble dans une logique de construction de la loi commune.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour un rappel au règlement.

M. Michel Canévet. Mon rappel au règlement s'appuie sur l'article 45 de notre règlement, relatif à la recevabilité financière des amendements.

Puisque l'article 1er du projet de loi mentionne la souveraineté alimentaire de la France en matière non seulement d'agriculture, mais également de pêche et d'aquaculture, nous avons déposé, avec plusieurs de mes collègues, des amendements permettant la création de sociétés portuaires. L'objectif était de mieux gérer les ports de pêche de notre pays, élément essentiel de notre souveraineté alimentaire.

Ces amendements n'engageaient aucune dépense publique, puisqu'ils avaient pour objet d'offrir un choix aux collectivités territoriales, en application du principe de leur libre administration. Or ils ont été considérés comme créant une charge pour les finances publiques. Cette interprétation me semble erronée, puisqu'ils n'entraînaient aucun engagement de l'État. Tout comme mes collègues à l'origine d'amendements similaires, je ne puis que le déplorer, monsieur le président.

M. le président. Mes chers collègues, acte est donné de vos rappels au règlement.

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus aux explications de vote sur les trente amendements faisant l'objet d'une discussion commune commençant par l'amendement n° 289 rectifié ter, au sein de l'article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Article 1er (suite) (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au début, sont ajoutés des articles L. 1 A à L. 1 C ainsi rédigés :

« Art. L. 1 A. – (Supprimé)

« Art. L. 1 B. – La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l'article 410-1 du code pénal. À ce titre, l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur.

« Art. L. 1 C. – Les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l'agriculture, la pêche et l'aquaculture respectent le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » ;

2° L'article L. 1 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) Au début, il est ajouté un I A ainsi rédigé :

« I A. – La politique en faveur de la souveraineté alimentaire mentionnée à l'article L. 1 A a pour priorités :

« 1° D'assurer la pérennité et l'attractivité de l'agriculture ainsi que le renouvellement de ses générations d'actifs ;

« 2° D'assurer un haut niveau de compétitivité de l'agriculture ;

« 3° De soutenir la recherche et l'innovation notamment pour permettre l'adaptation de l'agriculture au changement climatique ;

« 4° D'assurer la juste rémunération des actifs en agriculture.

« En matière d'agriculture, les normes règlementaires ne peuvent aller au-delà des exigences minimales des normes européennes, sauf lorsqu'elles sont motivées et évaluées avant leur adoption, et dès lors qu'elles ne sont pas susceptibles d'engendrer une situation de concurrence déloyale.

« La France tire le plein parti des règles européennes en matière d'agriculture, en particulier dans le cadre de la politique agricole commune.

« Six mois avant le début des négociations du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement transmet pour avis un rapport aux commissions compétentes du Parlement présentant une programmation pluriannuelle de l'agriculture française pour les sept années couvrant le prochain cadre financier.

« Ce rapport détermine notamment des objectifs de production par filière et la stratégie mise en œuvre pour atteindre ces objectifs.

« Le Gouvernement publie annuellement des données de production par filière permettant d'apprécier l'évolution de leur trajectoire de production.

« S'il est constaté pendant deux années consécutives un écart important entre la trajectoire de production observée de certaines filières et la trajectoire déterminée par la programmation pluriannuelle de l'agriculture, le Gouvernement transmet un rapport aux commissions compétentes du Parlement, exposant les raisons de l'écart et les mesures de correction envisagées. Ce rapport précise les mécanismes, notamment sous la forme d'aides, y compris européennes, mis en œuvre permettant de corriger les écarts observés. » ;

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. – Les priorités figurant aux 2° à 4° du I A du présent article se traduisent par des politiques ayant pour finalités :

« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France, en préservant et en développant ses systèmes de production et en protégeant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne ;

« 2° De maintenir et développer des filières nationales de production, de transformation et de distribution ainsi que leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale et environnementale, de manière à garantir une sécurité alimentaire permettant l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, tout au long de l'année, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire définie à l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles ;

« 3° D'améliorer la compétitivité et la coopération agricole sur le plan international, de soutenir les capacités exportatrices nécessaires à la sécurité alimentaire mondiale, de maitriser et réduire les dépendances aux importations dans les filières stratégiques pour la souveraineté alimentaire, de sécuriser les approvisionnements alimentaires du pays, en privilégiant l'approvisionnement national ;

« 4° De veiller, dans tout accord de libre-échange, au respect du principe de réciprocité et à une exigence de conditions de production comparables pour ce qui concerne l'accès au marché ainsi qu'à un degré élevé d'exigence dans la coopération en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien-être animal, en vue d'une protection toujours plus forte des consommateurs et d'une préservation des modèles et des filières agricoles européens ;

« 5° De répondre à l'accroissement démographique, en rééquilibrant les termes des échanges entre pays dans un cadre européen et de coopération internationale fondé sur le respect du principe de souveraineté alimentaire permettant un développement durable et équitable, en luttant contre la faim dans le monde et en soutenant l'émergence et la consolidation de l'autonomie alimentaire dans le monde ;

« 6° De rechercher des solutions techniques et scientifiques d'adaptation au changement climatique et d'accompagner les agriculteurs pour surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte aux capacités de production nationale et à son approvisionnement alimentaire ;

« 7° De reconnaître et mieux valoriser les externalités positives de l'agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d'aménagement du territoire ;

« 8° De favoriser l'installation économiquement viable d'exploitations agricoles en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, et un développement de la surface agricole utile cultivée en agriculture biologique en adéquation avec la demande de ces produits, en réduisant les importations de ces produits et en développant l'appareil industriel de transformation agroalimentaire pour diversifier l'offre et répondre au mieux à la demande ;

« 9° De préserver la surface agricole utile, d'atteindre une surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10 % d'ici au 1er janvier 2030 et de tendre à l'autonomie protéique en 2050 ;

« 10° De concourir à la transition énergétique et climatique, en contribuant aux économies d'énergie et au développement des matériaux décarbonés et des énergies renouvelables ainsi qu'à l'indépendance énergétique de la nation, notamment par la valorisation optimale et durable des sous-produits d'origine agricole et agroalimentaire dans une perspective d'économie circulaire et de retour de la valeur aux agriculteurs ;

« 11° De soutenir la recherche, l'innovation et le développement, notamment dans les domaines des semences, des nouvelles techniques génomiques, de la sélection variétale, des fertilisants agricoles, de la production de biomasse, y compris sylvicole, des solutions fondées sur la nature et la réduction des dépendances à l'égard des intrants de toute nature ;

« 12° De définir des dispositifs de prévention et de gestion des risques ;

« 13° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment des zones dites “intermédiaires” et des zones de montagne, d'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits par le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ;

« 14° De veiller à une juste rémunération des exploitants, salariés et non-salariés agricoles et de l'agroalimentaire ainsi que leurs conditions de travail, leur protection sociale et leur qualité de vie, de rechercher l'équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée, et de contribuer à l'organisation collective des acteurs ;

« 15° De valoriser le rôle essentiel des agricultrices par un accès facilité au statut de chef d'exploitation, à la formation continue et à une rémunération équitable ;

« 16° De contribuer à la protection de la santé publique ;

« 17° D'assurer le maintien de l'élevage et l'agropastoralisme en France et lutter contre la décapitalisation, par un plan stratégique dédié déterminant notamment les objectifs de production ;

« 18° De promouvoir la souveraineté en fruits et légumes, par un plan stratégique dédié ;

« 19° De favoriser l'acquisition pendant l'enfance et l'adolescence d'une culture générale de l'alimentation et de l'agriculture, en soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique des choix alimentaires ;

« 20° De promouvoir l'information des consommateurs quant aux lieux et aux modes de production et de transformation des produits agricoles et agroalimentaires ;

« 21° De veiller à mettre en œuvre une fiscalité compatible avec l'objectif d'amélioration du potentiel productif agricole, notamment en allégeant la fiscalité sur l'énergie, dont le carburant, en exonérant de taxes et impôts les indemnisations en cas de crises sanitaires en élevage, en allégeant de façon pérenne le coût du travail, notamment temporaire, et en ramenant la fiscalité du foncier agricole et de sa transmission dans la moyenne européenne afin de favoriser les installations.

« La politique d'aménagement rural définie à l'article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités. » ;

b et c) (Supprimés)

d) À la première phrase des V et VI et au VII, les mots : « l'agriculture et de l'alimentation » sont remplacés par les mots : « la souveraineté alimentaire ».

II. – (Supprimé)

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe qu'en cas d'adoption des amendements identiques nos 289 rectifié ter et 905, dix-huit amendements de cette discussion commune deviendraient sans objet.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Mes chers collègues, mon amendement n° 905, que je vous demande d'adopter, tend à supprimer quatre alinéas qui sont relatifs aux intérêts fondamentaux de la Nation, à l'intérêt général majeur et à la non-régression.

Pour répondre à Mme la ministre, la définition que nous proposons du principe de non-régression est strictement identique à celle du code de l'environnement. Qui peut dire, aujourd'hui, que cette disposition n'a pas de portée sur la protection de l'environnement, qu'elle n'a pas d'assise ? J'y insiste, nous l'avons reprise mot pour mot. Nous devrions avoir à l'avenir une réflexion objective et raisonnable sur l'égalité de traitement entre la souveraineté alimentaire et l'environnement.

Ainsi supprimés, ces éléments de l'article 1er seraient repris dans un article additionnel.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Je vous appelle, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter l'amendement n° 800 du Gouvernement. C'est pourquoi je confirme mon avis défavorable à l'amendement n° 905 de la commission.

Les notions que nous abordons sont capitales pour la défense de notre agriculture et de notre souveraineté alimentaire. À cet égard, nous ne pouvons prendre le risque d'une insécurité juridique, sujet sur lequel nos services ont soigneusement travaillé.

Plutôt qu'une hypothèse, je vous invite à choisir la voie de la sécurité et de la certitude. Je vous invite donc à conserver la formulation de l'amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous reprenons la discussion d'hier soir… (Murmures sur les travées du groupe SER.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je le répète : je ne suis pas favorable à l'amendement n° 800.

Premièrement, il est inutile de proposer une nouvelle définition de l'agriculture, puisqu'elle existe déjà, depuis des décennies, à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime.

Mme Annie Genevard, ministre. Ce n'est pas la même chose !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Deuxièmement, l'amendement du Gouvernement ne mentionne pas le principe de non-régression, inclus dans notre rédaction. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter l'amendement n° 905. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. En ce qui concerne la non-régression économique, vous devez choisir, mesdames, messieurs les sénateurs, entre un principe incertain à faible assise constitutionnelle, d'une part, et l'assurance d'une déclinaison opérationnelle, d'autre part.

En effet, la notion de non-régression économique figure dans l'amendement n° 908, qui porte sur les conférences de la souveraineté alimentaire. Par conséquent, la raison devrait l'emporter : la certitude opérationnelle devrait être préférée à l'hypothèse de principe.

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Monsieur le président, quels sont les dix-huit amendements qui seraient sans objet en cas d'adoption de l'amendement n° 905 ? En effet, faute de transparence, il est difficile de se déterminer.

Monsieur le rapporteur, au sujet de l'amendement n° 420 rectifié ter, que je défendais hier, vous disiez que la transition agroécologique était déjà mentionnée dans le projet de loi, m'invitant à un retrait. Cependant, au regard de la Constitution et vu l'orientation prise par le texte, je réaffirme l'importance du contexte général et européen, ainsi que de nos engagements en la matière. Je vous appelle donc à le voter.

M. le président. Mon cher collègue, si les amendements identiques nos 289 rectifié ter et 905 étaient votés, les amendements portant sur les alinéas 2 à 5 de l'article 1er deviendraient sans objet, c'est-à-dire l'ensemble des amendements suivants jusqu'à l'amendement n° 420 rectifié ter inclus. Le prochain amendement qui serait mis aux voix serait donc l'amendement n° 689 de M. Gontard.

La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. La notion de souveraineté alimentaire me semble juridiquement très précaire. Je me bornerai à prendre la parole sur la robustesse juridique des amendements que nous allons voter.

De ce seul point de vue donc, l'amendement gouvernemental est plus solide, en ce sens qu'il mentionne l'agriculture, la pêche et l'aquaculture, qu'il faut aussi développer. Ne prenons pas le risque de dresser un parallèle entre la souveraineté alimentaire et l'environnement, lequel est consacré au niveau constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.

M. Christian Redon-Sarrazy. Compte tenu de la confusion qui règne depuis hier soir, nous avons du mal à nous y retrouver… Les arguments que vient d'exposer Mme la ministre nous semblent plus pertinents que ceux du rapporteur.

Nous retirons donc l'amendement n° 289 rectifié ter, identique à l'amendement n° 905 de la commission.

M. le président. L'amendement n° 289 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Depuis hier soir, et l'arrêt un peu brutal de la séance – il faut se remettre dans le texte… –, le flou persiste : il est révélateur de l'article 1er et du flou juridique de ses dispositions que nous avons dénoncé. C'est le sens de l'amendement que j'ai déposé, lequel tendait à revenir à des notions juridiques plus claires.

Je m'étonne cependant du fait que la majorité gouvernementale, dont je pensais que M. Duplomb faisait partie, n'ait pas davantage débattu en amont. Nous avons l'impression de faire le texte d'une loi d'orientation agricole attendue depuis longtemps. Madame la ministre, vous êtes en poste depuis quatre mois : je pensais que ces discussions avaient eu lieu, et que les arbitrages avaient été faits. Cette méthode de travail m'inquiète quelque peu.

M. Michel Savin. C'est vrai.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Nous sommes tous d'accord pour dire que la discussion est difficile à suivre. Cependant, si j'ai bien compris les arguments des uns et des autres, je pencherai moi aussi en faveur des arguments de Mme la ministre. Mon groupe votera donc l'amendement n° 800 du Gouvernement.

Compte tenu des explications apportées par Mme la ministre, je retire mon amendement n° 88 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 88 rectifié est retiré.

La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Hier soir, Laurent Duplomb nous invitait à lui faire confiance : cela aurait plutôt l'effet inverse chez moi... (Sourires.)

En réalité, je constate que le rapporteur et Mme la ministre ont tous les deux raison.

Je propose de voter l'amendement n° 905 du rapporteur. Par la suite, madame la ministre, peut-être aboutirons-nous, en examinant l'amendement n° 907, à une réécriture satisfaisante pour tous, que ce soit au travers de mes sous-amendements à ce dernier amendement ou de ceux que vous pouvez encore déposer.

En vue de la commission mixte paritaire, il est important de trouver un accord et de sortir de l'ornière. Je vous invite, mes chers collègues, à regarder les amendements nos 905 et 907 : ils sont très liés.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Dans ce flou terrible, il nous reste quelques certitudes. En particulier, on ne mesure pas la portée exacte des notions juridiques d'intérêt général majeur ou d'intérêt fondamental de la Nation.

Nous voterons donc contre les amendements mentionnant ces notions, tout comme celle de la non-régression de la production, pour éviter d'être conduits vers de terribles problématiques, sur lesquelles nous pourrons revenir. Nous défendons, en revanche, la notion de souveraineté alimentaire définie par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.

J'espère que les conditions actuelles d'examen de ce texte ne présagent pas de la suite. Sinon, je crains que nous ne soyons pas au bout de nos peines…

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Menonville, rapporteur de la commission des affaires économiques. Au-delà des éléments sémantiques,…

Mme Annie Genevard, ministre. Juridiques !

M. Franck Menonville, rapporteur. … la non-régression de la souveraineté alimentaire est un principe fondamental qui doit être inscrit à l'article 1er. Cela permettra de consolider l'édifice que nous sommes en train de bâtir.

En conséquence, je vous invite à voter l'amendement n° 905, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. À quoi assiste-t-on ici, sinon à un clivage entre la droite et la gauche ? (Eh oui, une fois de plus ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

D'une part, la droite veut dire stop aux difficultés vécues par les agriculteurs. En érigeant l'agriculture en intérêt fondamental de la Nation, en reconnaissant que l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur et en consacrant le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, nous leur disons : « On vous a compris ! » (Nous aussi, nous les comprenons ! sur les travées du groupe SER.)

D'autre part, le groupe SER a déposé un amendement visant à supprimer ces trois axes,…

M. Franck Montaugé. Quid de Mme la ministre ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. … objet que reprend d'ailleurs le Gouvernement à l'amendement n° 800.

Le problème est simple, mes chers collègues : vous ne voulez pas de la non-régression ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.) Vous craignez que ce principe, qui a produit tellement d'effets d'un point de vue environnemental, entraîne des conséquences inverses dans le domaine de la souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Je ne fais pas tout à fait mienne l'analyse du rapporteur sur l'existence d'un clivage droite-gauche (Exclamations et applaudissements sur les travées du groupe SER.),…

M. Patrick Kanner. Bienvenue au club !

Mme Annie Genevard, ministre. … sauf à considérer que j'aurais changé d'appartenance politique sans le savoir. (Sourires.)

M. Michel Savin. On a eu peur !

Mme Annie Genevard, ministre. Je ne m'exprime pas au nom d'une quelconque appartenance politique, je suis là pour défendre un texte sur les agriculteurs et pour les agriculteurs. (Nous aussi ! sur les travées du groupe SER.)

La question de la non-régression de la souveraineté alimentaire est fondamentale, messieurs les rapporteurs. Sur le fond, il n'y a pas l'épaisseur d'un papier à cigarette entre nous.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Si, tout de même !

Mme Annie Genevard, ministre. Non, c'est une question de droit et nous sommes ici pour faire le droit.

J'ai déjà exposé la raison juridique pour laquelle il nous semblait peu solide d'introduire le principe de non-régression là où vous souhaitiez le faire figurer.

Je rappelle que cette notion sera très spécifiquement évoquée à l'alinéa 15, qui concerne les conférences de la souveraineté alimentaire, si l'amendement n° 908 du Gouvernement est adopté : « L'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer – FranceAgriMer –accompagne les interprofessions et les filières afin qu'elles définissent une stratégie assortie d'objectifs, notamment de production, à horizon de dix ans, en vue de l'amélioration de la souveraineté alimentaire de la Nation, ou tout du moins d'assurer sa non-régression. »

La notion de non-régression figurera bel et bien dans le texte, de façon opérationnelle, et non principielle, le principe étant mal assis juridiquement.

Je pense avoir été suffisamment claire et je ne reprendrai plus la parole sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est important de bien comprendre la situation.

Selon Mme la ministre, il est préférable de ne pas introduire des éléments dans un article qui présente des risques d'un point de vue juridique. En réalité, nous répondons à la question qu'elle a soulevée.

À nos yeux, inscrire le principe de non-régression à l'article 1er a du sens. Si, toutefois, nous avions tort et que nous compromettions la portée juridique des dispositions concernées, le principe de non-régression figurera bien dans le texte puisque celui-ci mentionne les conférences de la souveraineté alimentaire.

En d'autres termes, vous pouvez voter l'amendement de la commission sans hésiter, car, même si nous commettons une erreur, celle-ci n'aura aucune conséquence. Bref, c'est ceinture et bretelles !

Mme Annie Genevard, ministre. L'arrachage de vignes ne sera plus possible !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. On pourra toujours procéder à des ajustements en commission mixte paritaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 905.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 656 rectifié quater, 713 rectifié, 686, 800, 728 rectifié et 290 rectifié ter, les amendements identiques nos 253 rectifié bis et 793 rectifié, les amendements nos 291 rectifié ter et 228 rectifié ter, les amendements identiques nos 52 rectifié bis, 178 rectifié ter, 202 rectifié et 268 rectifié ter, ainsi que les amendements nos 292 rectifié ter, 293 rectifié ter et 420 rectifié ter n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 689.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois sous-amendements à l'amendement n° 908, présenté par le Gouvernement, dont je rappelle les termes :

Alinéas 15 à 18

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« Des “Conférences de la souveraineté alimentaire”, réunissant les représentants des filières siégeant dans les conseils spécialisés mentionnés à l'article L. 621-5 et des organisations interprofessionnelles reconnues mentionnées à l'article L. 632-1 sont organisées en 2026 sous l'égide de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) mentionné à l'article L. 621-1.

« L'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer accompagne les interprofessions et les filières afin qu'elles définissent une stratégie assortie d'objectifs, notamment de production, à horizon de dix ans, en vue de l'amélioration de la souveraineté alimentaire de la Nation, ou tout du moins d'assurer sa non-régression.

« Ces travaux font l'objet d'une synthèse présentée lors d'une “Conférence nationale de la souveraineté alimentaire”, présidée par le ministre chargé de l'agriculture. Cette synthèse est accessible au public. Elle est actualisée au moins une fois tous les dix ans.

« Chaque année, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer publie un rapport sur le niveau de réalisation des objectifs figurant dans la synthèse mentionnée au précédent alinéa. Ce rapport est public et remis au Parlement.

« Chaque stratégie par filière fait l'objet d'un rapport à mi-parcours. Ce rapport analyse les éventuelles raisons de l'écart aux objectifs déterminés dans la stratégie de la filière et formule des recommandations. Ces documents sont remis au ministre chargé de l'agriculture.

« Le ministre chargé de l'agriculture peut convoquer une nouvelle “Conférence nationale de la souveraineté alimentaire”, notamment s'il constate des écarts significatifs à la trajectoire dans plusieurs filières. » ;

Le sous-amendement n° 914 rectifié, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 908, alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle comporte une annexe spécifique relative aux filières des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi que de la Nouvelle-Calédonie.

Le sous-amendement n° 915 rectifié, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 908, alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une synthèse, produite par l'Établissement national de produits de l'agriculture et de la mer, est remise au Parlement.

Le sous-amendement n° 913, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 908

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

« En amont des négociations du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les priorités françaises compte tenu des stratégies de filières élaborées dans le cadre de la “Conférence nationale de la souveraineté alimentaire”. » ;

La parole est à M. le rapporteur, pour les présenter.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous sommes prêts à soutenir l'amendement n° 908, déposé par le Gouvernement, pourvu que nous puissions y apporter quelques corrections.

Conformément aux vœux de Mme la ministre, la commission a modifié les sous-amendements nos 914 et 915, désormais 914 rectifié et 915 rectifié. Je ne reviendrai pas sur le sous-amendement n° 913, qui reste inchangé et dont j'ai présenté l'objet hier soir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Je remercie la commission d'avoir rectifié les sous-amendements nos 914 et 915, à la demande du Gouvernement. Dans ces conditions, il émet un avis favorable.

Le sous-amendement n° 913, qui n'a pas été modifié, vise à informer le Parlement sur la manière dont le Gouvernement tiendra compte, dans le cadre de la PAC, des objectifs issus de la conférence nationale de la souveraineté alimentaire.

Ce dispositif n'est absolument pas réaliste à court terme, puisque la Commission européenne présentera très bientôt le prochain cadre financier pluriannuel. Les conférences de la souveraineté alimentaire ne seront mises en place qu'à partir de 2026, soit un an après cette présentation.

En outre, nous sommes déjà engagés dans la définition de la nouvelle PAC, qui prendra effet en 2027. Votre proposition n'est donc pas applicable.

Pour l'ensemble de ces raisons, comme il l'a fait hier, le Gouvernement demande le retrait du sous-amendement n° 913 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Franck Menonville, rapporteur. On ne va jamais avancer !

M. Vincent Louault. Les bras m'en tombent !

À l'heure où nous souhaitons remettre de l'ordre dans les agences et les offices de l'État, on renforce ces instances et on affaiblit les services centraux, notamment la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), qui fait pourtant la fierté du ministère de l'agriculture.

Ce n'est pas acceptable, d'autant que l'on n'a cessé de dévitaliser ce ministère au cours des douze dernières années – depuis l'entrée en fonction d'un certain ministre...

Dans des rapports restés secrets, certains responsables ont envisagé de découper le ministère en deux, une partie devant être confiée à la puissante direction générale des entreprises (DGE) de Bercy, une autre devant être cédée au ministère de l'environnement.

Par son amendement, le Gouvernement porte atteinte à la beauté de ce qu'était le ministère de l'agriculture en 1961, du temps d'Edgard Pisani. (Exclamations au banc des commissions.)

Je vous invite à lire les écrits d'Yves Tavernier sur l'histoire du ministère de l'agriculture. Edgard Pisani a entièrement configuré toutes les politiques dont nous sommes en train de parler. Les hauts fonctionnaires du ministère, qui étaient à l'époque les plus puissants, s'étaient d'ailleurs mis en grève pour protester, ce qui avait conduit à l'éviction du ministre.

Toutes ses politiques ont été mises en place ultérieurement par l'ensemble des ministres qui se sont succédé.

Pour ma part, je voterai contre cet amendement.

On a bousillé la DGPE au point qu'elle finira par devenir un bureau de la performance : elle n'aura plus aucune dimension économique et assurera seulement des missions environnementales. Elle ne sera même plus une direction, en dépit de la place qui lui a été faite dans l'histoire du ministère. Celui-ci était tout de même appelé le « petit Matignon », compte tenu de son importance et des compétences régaliennes qu'il exerçait.

Les agriculteurs nous observent. Étant donné le passif du ministère, notamment les 1,2 milliard d'euros d'amendes du service juridique qui ont été cachés aux ministres au fil des ans, il est temps d'y mettre de l'ordre !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 908, qui vise à réécrire les alinéas 15 et 18. Encore une fois, à la demande du Gouvernement, nous avons trouvé une écriture de compromis et avons rectifié nos deux premiers sous-amendements.

Nous prenons acte de l'avis défavorable du Gouvernement sur le sous-amendement n° 913 et c'est pourquoi nous le retirons.

Mme Annie Genevard, ministre. Merci.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. En conséquence, mes chers collègues, nous vous appelons à voter l'amendement du Gouvernement, modifié par les sous-amendements nos 914 rectifié et 915 rectifié.

M. le président. Le sous-amendement n° 913 est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Je vous remercie de cette position de bon sens, monsieur le rapporteur.

Monsieur Louault, l'établissement FranceAgriMer est composé de conseils spécialisés. Les conférences de la souveraineté alimentaire, que nous n'avions pas songé à introduire dans le texte lors de son examen à l'Assemblée nationale, ont ceci d'original qu'elles partent de la base, c'est-à-dire des producteurs et des professionnels.

Ce sont eux qui, via la DGPE, elle-même membre de FranceAgriMer, travailleront à définir une stratégie pour améliorer la souveraineté alimentaire des filières.

Je précise que l'établissement FranceAgriMer est présidé par un producteur de betteraves sucrières. Ce n'est donc pas un outil technocratique ou hors-sol : au contraire, il a été conçu par des professionnels, pour des professionnels ! Interrogez-les !

C'est à eux que nous demandons d'animer les conférences de la souveraineté alimentaire. Plus encore, nous leur demandons de les nourrir, de se les approprier et de proposer eux-mêmes une définition de la souveraineté alimentaire.

On ne procède à aucun démantèlement, monsieur le sénateur. Quant à la DGPE, qui constitue l'un des grands services du ministère, elle est entièrement associée aux travaux conduits par les professionnels.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. L'amendement du Gouvernement est intéressant, car il semble s'inspirer de l'esprit initial des États généraux de l'alimentation. C'est une bonne chose.

À l'origine, il était prévu de négocier les plans de restructuration et de production filière par filière. Cela s'est révélé trop lourd. Le dispositif devant être modifié, nous voterons cet amendement.

Lors de l'examen de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », j'ai alerté la ministre sur la nécessité d'accompagner financièrement les filières qui font l'objet d'une restructuration profonde, notamment celles qui sont organisées en coopératives – la viticulture, par exemple.

Bien que cette question soit sans lien avec l'objet du texte que nous examinons, je renouvelle mon appel, en particulier pour la viticulture organisée en coopératives, qui a besoin d'un accompagnement financier et dont le plan de restructuration s'inscrit parfaitement dans le dispositif proposé par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Les explications de la ministre n'ont fait que renforcer mes inquiétudes !

Nous allons confier aux filières la politique agricole de la France. C'est assez symptomatique de la façon dont se déroulent nos débats depuis le début de l'examen de ce texte : on formule des grands principes – notamment celui d'une non-régression de la souveraineté alimentaire –, qui, pour une bonne partie d'entre eux, sont erronés et ne s'appuient que sur des réalités partielles.

Plutôt que de confier l'orientation de l'agriculture aux filières, ce qui est très dangereux, il faut renforcer le rôle du Parlement, comme le texte le prévoyait dans sa première mouture.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Trop de filières ici, trop d'intervention de l'État là… Il va être difficile de réconcilier vos points de vue ! (M. Vincent Louault s'exclame.)

Les parlementaires sont-ils plus légitimes à parler de production que les producteurs ? (Marques de désapprobation sur plusieurs travées. – Rires au banc des commissions.) Sans doute, à moins qu'ils ne soient eux-mêmes producteurs – je sais qu'il y en a dans cet hémicycle.

Sachez que l'État ne sera pas absent du dispositif, puisque la DGPE intervient aux côtés de FranceAgriMer, laquelle est chargée, en lien avec les filières, de synthétiser divers travaux.

En ce qui me concerne, je suivrai les travaux conduits dans le cadre des conférences de la souveraineté alimentaire et y participerai. Ceux qui me connaissent le savent. N'ayez donc aucune crainte, monsieur Salmon.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 914 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Aux termes de l'amendement n° 908, « l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer accompagne les interprofessions et les filières afin qu'elles définissent une stratégie assortie d'objectifs, notamment de production, à horizon de dix ans, en vue de l'amélioration de la souveraineté alimentaire de la Nation ».

En clair, on confie notre stratégie en matière de souveraineté alimentaire à FranceAgriMer, alors qu'elle devrait être prise en charge par la DGPE : on marche sur la tête !

J'ignore d'où sort cet amendement du Gouvernement. Que cela vous plaise ou non, il n'est pas normal de retirer au ministère de l'agriculture la mise en œuvre de cette stratégie.

Je vous invite à méditer un seul exemple, madame la ministre. Il y a quinze ans, la filière du blé dur était exemplaire. Pourtant, les agriculteurs ont créé un oligopole dénommé Durum, qui assure désormais 99 % de la production de blé dur français. Ils ont fini par bousiller 60 % de cette production, parce qu'ils ont préféré importer le blé du Canada, vendu 30 % moins cher.

Bref, si nous laissons faire les filières, nous ne sommes pas sortis de l'ornière !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 915 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 908, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 740 rectifié, les amendements identiques nos 111 rectifié ter, 405 rectifié ter et 717, ainsi que l'amendement n° 298 rectifié ter n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 801, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

, et, pour cela, en facilitant l'installation, la transmission et la reprise d'exploitations

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Je l'ai dit lors de la discussion générale, je partage la position des sénateurs sur l'architecture globale de l'article 1er. En particulier, j'approuve leur volonté de compiler les éléments relatifs à l'installation et à la transmission au sein du titre III qui leur est spécifiquement consacré.

Je suis également favorable à l'idée de condenser l'écriture des priorités concernant les politiques en faveur de la souveraineté alimentaire.

Néanmoins, il me semble essentiel de compléter la première priorité. Ainsi, cet amendement vise à repositionner l'installation, la transmission et la reprise d'exploitations parmi les priorités des politiques en faveur de la souveraineté alimentaire, en lien avec le renouvellement des générations d'actifs.

Aux termes de l'article 1er, la souveraineté alimentaire a pour priorités « d'assurer la pérennité et l'attractivité de l'agriculture ainsi que le renouvellement de ses générations d'actifs ». C'est la raison pour laquelle nous proposons de faciliter et d'encourager l'installation et la transmission des exploitations agricoles, conformément à l'objectif à dix ans que nous nous sommes fixé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La ministre semble approuver la logique qui a prévalu à l'élaboration du texte de la commission. Nous souhaitons en effet clarifier un texte qui contenait, lorsqu'il nous est parvenu, beaucoup d'éléments et d'explications.

Nous avons initialement souhaité définir quatre grandes priorités, notamment le renouvellement des générations d'agriculteurs. Il s'agit bien d'une politique d'orientation, puisque l'article 1er a un caractère programmatique.

Le dispositif est redondant avec l'article 8, qui a trait aux politiques publiques liées à l'installation et à la transmission des exploitations.

L'Assemblée nationale a voté un texte, tout comme nous serons amenés à le faire d'ici quelques jours. Nous aurons l'occasion, lors de la commission mixte paritaire, d'améliorer certaines dispositions. En attendant, je vous propose de nous en tenir à la rédaction qui a été adoptée en commission pour rendre ce texte lisible.

Afin que nous puissions conserver un texte sobre, je vous demanderai de voter l'amendement n° 880 que j'ai déposé au nom de la commission, mes chers collègues.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 801.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 801.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 294 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …D'assurer une nourriture saine et diversifiée dont la qualité et la quantité respectent les recommandations du Programme national de l'alimentation et de la nutrition ; »

La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à compléter les grands objectifs de notre politique en faveur de la souveraineté alimentaire. L'article1er, dans la rédaction issue des travaux de la commission, ne mentionne à aucun moment la qualité et la diversité de notre alimentation. Cela a de quoi nous interroger, car il s'agit bien de priorités auxquelles nos agriculteurs travaillent au quotidien.

Selon nous, il est impératif que la recherche de la souveraineté alimentaire s'accompagne d'une alimentation de qualité, « saine et diversifiée ». Aussi, nous proposons d'inscrire cet objectif dans la loi et de le mettre en lien avec les recommandations du programme national de l'alimentation et de la nutrition (Pnan).

M. le président. L'amendement n° 802, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° bis D'assurer à l'ensemble de la population, dans le cadre de la politique de l'alimentation, l'accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée et produite de manière durable ; »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à réintroduire de manière concise les enjeux d'alimentation de la population dans les priorités de notre politique en faveur de la souveraineté alimentaire.

« Assurer à l'ensemble de la population, dans le cadre de la politique de l'alimentation, l'accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée et produite de manière durable » est, par essence, une pierre angulaire de notre souveraineté alimentaire. Un tel impératif ne saurait être négligé.

C'est la raison pour laquelle nous voulons réintroduire la notion de politique alimentaire. On ne peut pas laisser au seul secteur privé le soin de définir une politique alimentaire. Ce n'est pas sa vocation ; en revanche, c'est celle de l'État.

Le Gouvernement est pleinement légitime à bâtir une véritable politique de l'alimentation pour inciter les établissements scolaires à améliorer la qualité et la diversité de l'alimentation et à veiller, dans ce cadre, à ce que 20 % de produits proposés aux élèves soient issus de l'agriculture biologique.

Étant donné les effets d'une alimentation néfaste sur la santé, en particulier celles des jeunes, des personnes vulnérables, des très jeunes enfants et des personnes âgées, l'État se doit de conduire une politique de l'alimentation digne de ce nom.

L'alinéa 22 est la seule disposition du texte qui mentionne l'alimentation. Toutefois, il supprime la notion même de politique de l'alimentation et réduit le périmètre des actions à mener, dans un rôle unique de maintien et de développement des filières.

Cela n'est pas suffisant. Qui plus est, cela traduit une vision trop étroite. La politique de l'alimentation est bien plus riche du point de vue de son périmètre et de ses objectifs. Il est donc impératif de réintroduire les éléments précités.

Vous en conviendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement a le mérite de ne pas être bavard. Il vise à corriger une lacune et à réaffirmer l'importance d'une politique de l'alimentation complète et intégrée. Il est essentiel pour garantir une alimentation sûre, saine, diversifiée et produite de manière durable à tous nos concitoyens. Voilà pourquoi le Gouvernement vous invite à le voter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission vous a entendue, madame la ministre, puisqu'elle reprend votre proposition à l'amendement n° 880, qui sera bientôt examiné. Elle entend ainsi ériger « la sécurité alimentaire et sanitaire de la Nation » en cinquième priorité de la politique conduite en faveur de la souveraineté alimentaire, conformément aux demandes formulées en ce sens.

Toutefois, comme nous l'avons fait depuis le début de l'examen de ce texte, nous avons opté pour une rédaction plus concentrée que celle qui a été proposée par le Gouvernement.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission demande le retrait de ces amendements, au profit du sien.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Je salue ce bel effort, monsieur le rapporteur, mais, tel qu'il est rédigé, l'amendement n° 880 fait, au passage, disparaître plusieurs notions, à commencer par la diversité des produits. Celle-ci est pourtant l'une des caractéristiques et des grandes richesses de l'agriculture française.

Si, dans la politique que je conduis à la tête du ministère de l'agriculture, je m'intéresse tant aux petites filières de production – endives, chicorée, riz, etc. –, c'est parce que l'agriculture française a la particularité de ne pas être une monoculture.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Vous avez raison !

Mme Annie Genevard, ministre. Au contraire, elle est d'une extrême diversité et celle-ci doit se retrouver dans nos assiettes.

Nous tenons à cette diversité de la même façon que nous tenons à la production durable. Le respect de la qualité de la production et de l'alimentation est une autre caractéristique de l'agriculture française, qui est l'une des plus durables et vertueuses du monde – je ne le dirai jamais assez.

Voilà en quoi se résume la différence de vue entre le Gouvernement et la commission sur la politique de l'alimentation. Il n'empêche que c'est au Sénat de prendre une décision.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je répète que l'amendement du Gouvernement nous semble redondant. Sa première partie est satisfaite par l'alinéa 22, qui vise à « garantir une sécurité alimentaire permettant l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, tout au long de l'année, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire ».

Par essence, nous aurons une alimentation durable si nous parvenons à rétablir la souveraineté alimentaire dans notre pays. C'est bien l'objet de la cinquième priorité que nous souhaitons définir au travers de ce texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 802.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 687, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° D'assurer l'adéquation entre la production agricole nationale et les besoins alimentaires de la population ; »

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à corriger la principale contradiction dans la pensée des tenants de l'agriculture productiviste, qui tentent de nous faire croire que la compétitivité de l'agriculture française, donc sa capacité à exporter, est nécessaire à notre souveraineté alimentaire.

Ce postulat est tout à fait contestable : la France importe 20 % de ses produits alimentaires, selon le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat (HCC) ; dans le même temps, les exportations ont connu une augmentation de 70 %, un chiffre révélé par le rapport du Haut-Commissariat au plan.

Vous connaissez les données comme moi, Daniel Salmon a eu l'occasion de les rappeler hier : nous importons 71 % de nos fruits et 28 % de nos légumes. Si l'on met de côté les fruits tropicaux et les agrumes, nous produisons 82 % de nos besoins en fruits tempérés, mais ne consommons que 63 % de fruits tempérés produits en France.

Nous exportons donc le quart de notre production de fruits tempérés, pour importer 37 % de ceux que nous consommons. La proportion est la même pour les légumes frais, ce qui est évidemment insensé.

La situation est pire encore concernant le blé dur : nous produisons 150 % de nos besoins, mais importons 75 % de notre consommation. On pourrait ajouter le poulet, le beurre, les produits laitiers et j'en passe : les exemples aberrants ne manquent pas.

Le sujet n'est donc pas la compétitivité, au risque de nous engager dans une course permanente au moins-disant social et environnemental, c'est bien plutôt l'adéquation entre nos productions et nos besoins.

La souveraineté alimentaire consiste fondamentalement à produire en France ce que l'on consomme en France. Si des filières ne sont pas rentables, il revient à la puissance publique de les accompagner pour garantir notre souveraineté, et non aux marchés mondiaux d'imposer leurs règles.

Le secteur agricole est mis à mal par l'ouverture croissante au libre-échange, bafouant, de surcroît, les problématiques sociales et environnementales.

Préciser la nécessaire corrélation entre la production nationale et les besoins alimentaires de la population ne ferait donc pas de mal, dès lors que la compétition économique mondiale affaiblit et appauvrit l'immense majorité des agriculteurs.

M. le président. L'amendement n° 755 rectifié, présenté par MM. Lahellec et Gay, Mmes Margaté, Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° D'assurer un haut niveau de performance qualitatif, sanitaire, environnementale, social, de l'ensemble du système agroalimentaire.

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. La compétitivité ne saurait se limiter à la simple comparaison des coûts de production et des coûts de vente ou des volumes et des prix des produits.

C'est pourquoi il nous semble opportun d'intégrer la notion de qualité pour renforcer la compétitivité de notre agriculture.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Nous mesurons à quel point la question de la compétitivité de l'agriculture française emporte de lourdes conséquences, en termes tant d'emploi que de rayonnement de la France, lorsqu'elle se dégrade.

Notre pays est une nation exportatrice et cette dimension revêt une importance capitale pour l'économie, la richesse et le dynamisme de notre territoire. Lorsque les produits français s'exportent, c'est la France qui s'exporte. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait faire disparaître la notion de compétitivité. À mon sens, ce serait une mauvaise solution.

L'amendement n° 755 rectifié tend à remplacer la notion de compétitivité par l'objectif d'un haut niveau de performance qualitatif, sanitaire, environnementale et sociale. Je partage tous ces objectifs. Pour autant, pourquoi éliminer, singulièrement, la dimension économique des exploitations ?

Lors de ma visite des industries agroalimentaires, j'ai mesuré à quel point ce secteur était indissociable de la production. Sans transformation, plus de production, plus de richesse sur les territoires ruraux, plus de paysages entretenus : à terme, nous risquerions l'attrition de toute la filière production-transformation.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Mme la ministre me fait dire des choses que je n'ai pas dites.

Je n'ai nullement affirmé qu'il ne fallait pas exporter, mais bien qu'il fallait mettre en adéquation la production de notre pays avec sa consommation. Il s'agit d'abord d'être capables de fournir ce que nous consommons ici, avant d'exporter. À cet égard, nous constatons un dérèglement très important.

L'autre aspect, qui a été également évoqué, concerne la transformation.

Prenons l'exemple du blé dur. Nous produisons plus de 150 % de notre consommation, ce qui nous permettrait de subvenir largement à nos besoins ; pourtant, nous importons 80 % à 90 % de nos pâtes, parce que nous ne sommes pas en mesure de disposer d'une filière raisonnée, appuyée sur une production et sur une transformation locales. C'est précisément sur ce point qu'il faut agir, et non en nous engageant dans une course effrénée à l'exportation.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il se passe exactement le contraire : on exporte de moins en moins !

M. Guillaume Gontard. Cette dérive, illustrée par les chiffres de FranceAgriMer, dessert l'agriculture française.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. On parle beaucoup de souveraineté et de compétitivité ; or ces deux notions sont antinomiques. La compétitivité signifie aller gagner des parts de marché à l'étranger, ce qui revient souvent à combattre la souveraineté d'autres pays.

C'est pourquoi nous nous en tenons à la définition de la souveraineté fournie par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), qui vise à respecter les paysans du monde entier.

M. Franck Menonville, rapporteur. C'est la définition de la Chine !

M. Daniel Salmon. Par ailleurs, nous parlons beaucoup de production, mais il faudrait également aborder la question de la consommation.

Si nous recherchons l'auto-approvisionnement, notre objectif est de mettre en adéquation production et consommation.

Nous devons dès lors nous interroger sur le fait que les Français consomment de plus en plus de fruits tropicaux, que nous aurons beaucoup de mal à produire sur notre territoire, en particulier dans l'Hexagone.

Les politiques publiques devraient donc peut-être également agir sur la consommation.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Pour obliger les gens à manger ce qu'ils n'ont pas envie de manger ?

M. Daniel Salmon. Prenons l'exemple des poulets. Pour satisfaire la consommation des Français, il nous faudrait des poulets dotés de trois ou quatre filets, car les Français en consomment énormément et délaissent le reste de l'animal.

Il nous faut donc nous interroger sur ces modes de consommation. Je pourrais décliner ce constat pour le porc ou pour les fruits et légumes.

Nous importons beaucoup de fruits et légumes issus des zones tempérées, car nous nous sommes affranchis de la saisonnalité et nous entendons manger les mêmes fruits et légumes tous les mois de l'année. Cela pose un sérieux problème, parce que de tels comportements ne sont pas compatibles avec un développement durable et ont un poids environnemental colossal.

Parler sans cesse de production sans nous interroger sur la consommation me semble constituer une grave erreur si nous voulons tendre vers l'auto-approvisionnement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 687.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 755 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les sept premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 53 rectifié bis est présenté par MM. Levi, Brisson et Henno, Mme de La Provôté, MM. Khalifé, Dhersin, Laugier, Burgoa, Médevielle et L. Vogel, Mmes Sollogoub et Patru, MM. Reynaud, Courtial, Canévet, S. Demilly et V. Louault, Mme Saint-Pé, MM. Laménie et H. Leroy, Mme Romagny, M. Bonhomme, Mmes Billon et Gacquerre, M. Klinger, Mmes M. Mercier, Canayer et Paoli-Gagin et M. Ravier.

L'amendement n° 179 rectifié ter est présenté par MM. Genet et Pernot, Mmes Belrhiti et Micouleau, MM. D. Laurent, Saury, Bouchet et Paul, Mmes P. Martin, Borchio Fontimp, Joseph et Bellurot, MM. Rietmann, Perrin, Longeot et Sido et Mme Josende.

L'amendement n° 203 rectifié est présenté par MM. Roux, Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset et Mme Pantel.

L'amendement n° 229 rectifié quater est présenté par Mme Devésa, M. Le Rudulier, Mme Doineau et M. Chasseing.

L'amendement n° 269 rectifié ter est présenté par M. Bleunven, Mmes Jacquemet et Perrot et MM. de Nicolaÿ et Kern.

L'amendement n° 631 rectifié bis est présenté par MM. Rochette, Capus et A. Marc, Mme Bourcier, MM. Brault, Grand, Wattebled et Chevalier, Mme Herzog et M. Lemoyne.

L'amendement n° 729 rectifié est présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces sept amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° De permettre l'adaptation de l'agriculture au changement climatique, d'anticiper les conséquences et d'atténuer les effets de celui-ci sur les systèmes agricoles, d'accompagner les agriculteurs y compris en soutenant la recherche et l'innovation, et de surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte aux capacités de production nationale et à l'approvisionnement alimentaire ;

La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présente l'amendement n° 53 rectifié bis.

Mme Nadia Sollogoub. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour présenter l'amendement n° 179 rectifié ter.

Mme Pauline Martin. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l'amendement n° 203 rectifié.

M. Henri Cabanel. L'agriculture est l'un des secteurs d'activité les plus sensibles à l'évolution du climat et les plus dépendants du fonctionnement des écosystèmes.

L'objectif d'une agriculture économiquement et écologiquement viable, rémunératrice, diversifiée, durable, répartie sur l'ensemble du territoire et capable de produire une alimentation saine, sûre, nutritive et accessible à tous, conformément au principe de souveraineté alimentaire, doit prédominer et servir de mise en garde contre l'opposition stérile entre agriculteurs et environnement.

C'est pourquoi cet amendement tend à rappeler que la recherche et l'innovation ne peuvent, à elles seules, répondre aux défis engendrés par le changement climatique. Il vise ainsi à consacrer l'adaptation de l'agriculture au changement climatique comme une priorité majeure de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire.

L'accompagnement du monde agricole face à ce défi climatique sera essentiel pour continuer à produire sur notre territoire dans les années à venir.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour présenter l'amendement n° 229 rectifié quater.

Mme Brigitte Devésa. Considérant que la recherche et l'innovation ne peuvent à elles seules répondre aux défis engendrés par le changement climatique, les auteurs de cet amendement entendent définir une nouvelle priorité pour la politique de la France en faveur de la souveraineté alimentaire : permettre l'adaptation de notre agriculture au changement climatique.

Il faut donc accorder une véritable priorité à cet enjeu, anticiper ses conséquences et atténuer ses effets sur le système agricole.

Il est ainsi nécessaire d'accompagner les agriculteurs, y compris en soutenant la recherche et l'innovation, et de surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte aux capacités de production nationale et à l'approvisionnement alimentaire.

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l'amendement n° 269 rectifié ter.

M. Yves Bleunven. Considérant que la recherche et l'innovation ne peuvent pas à elles seules répondre aux défis engendrés par le changement climatique, il s'agit de consacrer l'adaptation de l'agriculture à cet enjeu comme une priorité majeure de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire.

L'accompagnement du monde agricole face au défi climatique sera essentiel pour continuer à produire sur notre territoire dans les années à venir.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour présenter l'amendement n° 631 rectifié bis.

M. Pierre Jean Rochette. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 729 rectifié.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement de Marie-Claude Varaillas est motivé par le souci de veiller à ce que la pollinisation, facteur déterminant pour le développement de toutes les espèces végétales, ne soit pas altérée.

M. le président. L'amendement n° 587 rectifié ter, présenté par MM. M. Weber et Ros, Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme S. Robert, MM. Mérillou, Bourgi, Fichet et Lurel, Mme Linkenheld, MM. Devinaz et Pla, Mme Poumirol, M. Chantrel et Mme Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

, développer les connaissances sur les solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques en renforçant le réseau DEPHY et soutenir les travaux scientifiques visant à améliorer le stockage du carbone dans les sols

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Cet amendement vise à inscrire, parmi les priorités de la recherche et du développement agricole, le développement des connaissances sur les solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques et l'amélioration du stockage de carbone dans les sols. Je ne vois pas comment l'on pourrait s'y opposer.

Ces deux objectifs sont complémentaires.

Les pesticides menacent la santé des agriculteurs, dégradent la qualité du sol, détruisent la biodiversité et contaminent la ressource en eau. La réduction de notre dépendance aux produits phytosanitaires est donc vitale, bien au-delà des enjeux strictement agricoles.

Mes chers collègues, je compte sur votre soutien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ces amendements sont tous satisfaits.

Depuis le début, notre objectif est d'établir des priorités aussi courtes et claires que possible. Rien n'empêche ensuite d'élargir le champ de ces priorités dans les différents alinéas du projet de loi.

Mes chers collègues, ce que vous demandez via ces amendements identiques figure déjà à l'alinéa 26 du texte de la commission, dont je rappelle les termes : « … De rechercher des solutions techniques et scientifiques d'adaptation au changement climatique et d'accompagner les agriculteurs pour surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte aux capacités de production nationale et à son approvisionnement alimentaire ».

Il s'agit donc exactement de la même rédaction, à quelques détails près, mais elle n'est pas placée au même endroit, afin de clarifier nos quatre priorités. Si vous adoptez l'amendement de la commission, comme je le souhaite, une cinquième priorité concernant la sécurité alimentaire sera ajoutée.

L'adoption de ces amendements identiques serait redondante et allongerait inutilement nos priorités.

L'amendement n° 587 rectifié ter est lui aussi satisfait. La commission va même plus loin que la précision qu'il tend à insérer, car elle introduit la stratégie de diminution des phytosanitaires dans le diagnostic proposé à l'article 9.

Ainsi, tous les jeunes qui bénéficieront d'un diagnostic ou le agriculteurs qui céderont leur exploitation – trois ans avant la cessation de leur activité agricole – auront accès à cinq modules, dont un sera spécifique à la stratégie phytosanitaire et à la réduction des volumes de produits phytosanitaires.

La proposition de la commission va même plus loin, car l'article 1er est programmatique, alors que l'article 9 touche à la réalité des outils, outils qui serviront à la réflexion des jeunes agriculteurs lors de leur installation.

Par conséquent, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l'ensemble de ces amendements, qui sont satisfaits pour les raisons énoncées par le rapporteur ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Monsieur le rapporteur, je suis disposé à vous entendre sur le fait que notre amendement serait satisfait.

Pour autant, je tiens à rappeler qu'il y a quelques jours nous avons discuté d'un texte qui ne trouvait rien à redire aux néonicotinoïdes.

J'émets donc quelques doutes quant à vos affirmations sur le sujet aujourd'hui. Par conséquent, je maintiens cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Monsieur le rapporteur, vous affirmez que tous ces amendements sont satisfaits. Pour ma part, je ne le suis pas pleinement.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. À l'impossible, nul n'est tenu ! (Sourires.)

M. Daniel Salmon. En effet, à l'alinéa 26 que vous évoquez, il est question de rechercher des solutions techniques et scientifiques d'adaptation au changement climatique, mais il n'est pas fait mention des pratiques agricoles, pas plus que des atteintes potentielles à la biodiversité.

Il me semble bien nécessaire de compléter cet alinéa, comme tendent à le faire ces amendements, afin d'envisager une adaptation beaucoup plus large que celle que la science et les techniques apporteraient, qui ne suffira pas à répondre aux immenses changements auxquels nous allons être confrontés.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. L'amendement n° 587 rectifié ter concerne l'ensemble des agriculteurs, et pas seulement les jeunes qui s'installent ou les anciens qui sont sur le point de céder leur exploitation ou qui tentent de le faire.

L'alinéa 26, tel qu'il est rédigé, et la proposition de M. Weber ne concernent donc pas tout à fait le même périmètre.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Au vu donc des explications qu'ont avancées M. le rapporteur et M. la ministre, je retire l'amendement n° 203 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 203 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 rectifié bis, 179 rectifié ter, 229 rectifié quater, 269 rectifié ter, 631 rectifié bis et 729 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 587 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 880, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

5° D'assurer, dans le cadre de la politique de l'alimentation, la sécurité alimentaire et sanitaire de la Nation.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous en arrivons à l'ajout d'une cinquième priorité, comme le souhaitait le Gouvernement, en inscrivant à l'article 1er, qui est programmatique, l'objectif « d'assurer, dans le cadre de la politique de l'alimentation, la sécurité alimentaire et sanitaire de la Nation ».

Nous retombons donc sur nos pieds.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Comme je l'ai déjà indiqué, sans m'appesantir sur le sujet, je considère bien qu'il s'agit d'une priorité, mais je préfère la rédaction de l'amendement du Gouvernement.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 880.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 295 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé

« ...° De protéger la surface agricole utile par une régulation du foncier et un contrôle des phénomènes d'agrandissement et d'accaparement des terres.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à préciser la rédaction du nouvel article L. 1 A, lequel fixe les priorités de nos politiques publiques en faveur de la souveraineté alimentaire de notre pays, en faisant de la préservation et de la valorisation du foncier agricole l'une de nos priorités. Sans une politique volontariste en la matière, notre agriculture n'aura pas d'avenir.

À ce titre, le contrôle accru des phénomènes d'agrandissement et d'accaparement des terres agricoles, que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défend depuis longtemps, doit figurer parmi nos priorités absolues.

Nous avons bien conscience que les rapporteurs ont pour objectif de ne pas dresser une liste à la Prévert à l'article 1er. Si elle peut s'entendre, cette volonté ne saurait justifier que l'on fasse l'impasse sur des enjeux aussi importants.

Nous nous étonnons ainsi de ne voir figurer le terme « foncier » qu'une seule fois à l'article 1er, en vingt et unième position des finalités de nos politiques agricoles, et encore, sous le seul angle de la fiscalité.

Pourtant, sans foncier agricole accessible et disponible, sans une lutte accrue contre la spéculation foncière, la France ne pourra pas relever le défi du renouvellement des générations. Sans ce renouvellement des générations, nous ne préserverons pas ce à quoi nous tenons et aspirons : notre souveraineté alimentaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Une fois encore, cet amendement est satisfait, dans le sens même de ce que vous venez d'indiquer, mon cher collègue, c'est-à-dire dans la perspective de faciliter et de favoriser l'accessibilité et la disponibilité du foncier en vue de l'installation.

L'alinéa 14 de l'article 8 est en effet ainsi rédigé : « Pour atteindre cette cible, l'État se fixe pour objectif de contrôler les phénomènes d'agrandissement par la régulation de l'ensemble des marchés fonciers afin de permettre le renouvellement des générations en agriculture. La réalisation de cet objectif suppose de préserver les terres agricoles, de rendre le foncier accessible aux candidats à l'installation et de faciliter la transmission des exploitations agricoles. À cette fin, une réforme de l'ensemble des instruments juridiques et financiers doit permettre à la politique foncière de s'adapter aux enjeux contemporains. »

Pourrait-on imaginer rédaction plus claire ?

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. La question du foncier agricole revêt une extrême complexité et ses enjeux diffèrent selon que l'on est fermier, propriétaire ou aménageur de l'espace public.

Pour autant, je vous rejoins sur un point : l'agriculture ne saurait exister sans accès à la terre. Nous devons protéger la terre agricole et la surface agricole utile comme la prunelle de nos yeux, faute de quoi toute production serait impossible.

Vous vous étonnez que le terme « foncier » n'apparaisse qu'une fois dans la version sénatoriale, ce qui n'est pas le cas de celle qui est issue des travaux de l'Assemblée nationale. M. le rapporteur a rappelé la modification introduite par la commission des affaires économiques du Sénat, que j'approuve, à l'exception de son dernier terme.

En effet, on ne saurait enjoindre l'État à mettre en place des dispositifs fiscaux sans étude d'impact préalable ; on ne saurait lui donner un blanc-seing pour un engagement fiscal qui n'aurait pas fait l'objet d'une évaluation. Je serais donc défavorable, le moment venu, à toute mesure imposant à l'État une dépense dont le périmètre ne serait pas mesuré.

Je m'étonne d'ailleurs de la générosité dont a fait preuve le Sénat dans l'application de l'article 40 de la Constitution, quand l'Assemblée nationale aurait immanquablement retoqué une telle disposition. Après tout, chaque assemblée est souveraine dans l'appréciation de l'application de cet article...

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les notions d'agrandissement et d'accaparement. Ces deux notions recouvrent des réalités différentes.

Concernant l'accaparement, le texte initial mentionnait les groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI), auxquels il a été fait allusion lors de la discussion générale. L'Assemblée nationale a rejeté cette disposition de manière assez unanime, précisément par crainte d'un accaparement des terres.

Quant à l'agrandissement, il est difficile de se prononcer par principe pour ou contre. Une telle mesure permet parfois de pérenniser une exploitation en situation de fragilité économique, mais peut aussi, lorsque l'agrandissement est déraisonnable, faire obstacle à l'installation d'un jeune agriculteur.

Ces questions sont donc, vous en conviendrez, d'une effroyable complexité.

C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à inscrire dans le texte : « protéger la surface agricole utile par une régulation du foncier et un contrôle des phénomènes d'agrandissement et d'accaparement des terres ».

Mis à part la mention du terme « accaparement », cette rédaction me semble aller dans le sens de ce que vient d'indiquer Mme la ministre. Par conséquent, cet amendement mérite d'être maintenu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 295 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 688, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 13 et 14

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Je compte notamment sur mes collègues farouches partisans du projet européen pour soutenir cet amendement.

La proposition de M. le rapporteur invite la France à se placer en queue de peloton de l'Union européenne en matière de normes sociales et environnementales. Loin de moi l'idée de faire injure à certains de nos voisins européens, mais il n'est dans l'intérêt ni de nos agriculteurs, ni des travailleurs agricoles, ni de notre environnement, ni même de nos paysages, d'abaisser nos exigences au niveau des plus mauvais élèves de l'UE.

Nous ne pouvons croire que cette vision capitaliste sans vergogne soit celle de M. le rapporteur, attaché, nous en sommes persuadés, à l'excellence de notre agriculture.

Nous regrettons également cette vision souverainiste qui considère que la France doit tirer plus de profit du projet européen qu'elle n'y contribue. Elle n'est pas à la hauteur du rôle historique de notre pays, fondateur de l'Union européenne.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à faire preuve de sérieux et à supprimer ces alinéas qui ne respectent pas l'idée que nous nous faisons de la France.

M. le président. L'amendement n° 411 rectifié ter, présenté par MM. Montaugé et Tissot, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 13 et 14 :

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« La France se fixe comme objectif de réformer la politique agricole commune, à la fois au niveau européen et au niveau national, au moyen du plan stratégique national, en vue d'engager la sortie du système actuel d'aides à l'hectare au profit d'un système de contrats de transition agroécologique rémunérés et de paiements pour services environnementaux et spécifiques versés par actif agricole.

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Comme je l'ai évoqué lors de la discussion générale, la politique agricole commune (PAC) est un élément structurant de notre modèle agricole, au-delà de sa dimension de revenu direct.

Pourtant, son fonctionnement actuel ne répond ni au défi de l'installation des jeunes, ni à l'exigence de souveraineté alimentaire, ni à l'urgence de la transition écologique, qui sont trois défis majeurs auxquels notre modèle agricole est confronté.

Nos agriculteurs font face à une PAC mal répartie, au détriment des plus petites exploitations, notamment de polyculture et d'élevage, qui sont pourtant essentielles à la vitalité de nombreux territoires.

Via cet amendement, nous proposons une réforme de fond : une meilleure redistribution des aides, un basculement des subventions vers des contrats de transition écologique et une régulation des marchés agricoles pour garantir des prix plus justes.

Dans l'immédiat, nous demandons un renforcement massif des moyens alloués aux mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), aux paiements redistributifs et aux aides à l'installation.

Nous considérons que le temps est venu d'une PAC plus juste, plus durable et plus cohérente avec l'avenir auquel nous aspirons pour notre agriculture et notre société.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 296 rectifié ter est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 705 rectifié est présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l'amendement n° 296 rectifié ter.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 13, lequel prévoit qu'aucune norme réglementaire ne peut « aller au-delà des exigences minimales européennes » ou « engendrer une situation de concurrence déloyale ». Cette rédaction ouvre la voie à des interprétations beaucoup trop larges et pourrait tirer notre agriculture vers le bas plutôt que vers le haut.

Nous avons pourtant, à plusieurs reprises dans le passé, partagé avec la droite sénatoriale la volonté de lutter contre la concurrence déloyale et l'importation de produits ne respectant pas les mêmes normes que les nôtres. Nous sommes favorables à l'instauration de véritables clauses miroirs et les débats qui ont entouré la question de la signature de certains accords de libre-échange démontrent que nous pouvons tomber d'accord sur certaines approches en la matière.

Toutefois, nous jugeons contre-productif, voire dangereux, d'imposer ainsi à notre pays par la loi, comme le prévoit l'alinéa 13, une contrainte que celui-ci sera cette fois le seul à s'imposer.

Cet alinéa remet en effet clairement en cause la possibilité pour la France d'être mieux-disante que la réglementation européenne ou d'être plus en avance que ses partenaires européens sur certains sujets, particulièrement environnementaux ou sociaux.

Nous entendons souvent dans cet hémicycle que la lourdeur administrative est l'ennemie de nos politiques publiques et, en l'occurrence, de notre agriculture. Or vous nous proposez ici que chaque décision, dès lors qu'elle ne serait pas minimale, soit obligatoirement accompagnée et motivée par une évaluation. Vous entendez donc créer la lourdeur administrative que vous dénoncez par ailleurs.

En conséquence, nous proposons la suppression de l'alinéa 13.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 705 rectifié.

M. Gérard Lahellec. Nous aussi, nous estimons que l'alinéa 13 est stigmatisant. En outre, il risque d'exacerber un débat, à nos yeux inutile, sur les transpositions.

En France, nous avons des organes d'excellence : l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), les agences régionales de la biodiversité, etc. Ces instances très utiles ont permis à notre pays d'être précurseur, par exemple sur l'interdiction de produits jugés trop dangereux, inspirant ensuite un certain nombre de règles à l'échelon européen.

M. le président. L'amendement n° 876, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après la première occurrence du mot :

sont

insérer le mot :

spécialement

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 594 rectifié ter, présenté par MM. M. Weber, Lurel, Bourgi, Ros et Fichet, Mmes Linkenheld, Bonnefoy et Poumirol et MM. Gillé, Mérillou et Chantrel, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après les mots :

leur adoption,

insérer les mots :

notamment pour des motifs de santé publique ou de préservation de l'environnement,

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Cet amendement vise à préciser que les motifs de « santé publique » et de « préservation de l'environnement » peuvent justifier une réglementation nationale anticipatrice plus exigeante que les normes européennes.

En l'état, le texte risque d'empêcher la prise de décisions d'intérêt général.

Par exemple, la France a choisi d'appliquer dès 2020 le principe de précaution en suspendant l'utilisation du dioxyde de titane comme additif alimentaire, une étude de l'Inrae ayant mis en évidence certains effets toxiques de ce produit. Puis, l'Union européenne l'a à son tour interdit en 2022. Par sa décision courageuse, notre pays a permis de faire bouger les lignes.

C'est la preuve que les législations les plus ambitieuses sont bien souvent le fait des États, avant d'être reprises à l'échelon européen, et non l'inverse. Ainsi, la France a commencé à interdire les néonicotinoïdes dès 1999, bien avant la décision de la Commission européenne, qui est intervenue en 2013. Nous aurions d'ailleurs espéré le même courage de la part du Gouvernement sur le glyphosate ; malheureusement, cela n'a pas été le cas.

Rappelons que l'Union européenne est avant tout une union commerciale et douanière ; ses compétences en matière de politique agricole, de santé et d'environnement sont limitées. Ce sont les États membres qui fixent les grandes trajectoires politiques de l'UE, non l'inverse.

L'agriculture est un enjeu de santé publique, les milieux agricoles sont des écosystèmes à part entière menacés par des pratiques intensives. Ne prenons pas le risque de ne plus agir par peur de surtransposer le droit européen !

M. le président. L'amendement n° 297 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer les mots :

, et dès lors qu'elles ne sont pas susceptibles d'engendrer une situation de concurrence déloyale

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Il s'agit d'un amendement de repli.

Ainsi que nous l'avons souligné, nous nous interrogeons sur la portée de l'alinéa 13, qui semble avoir pour objet de remettre en cause certains engagements courageux de la France vis-à-vis de ses partenaires européens, en particulier en matière sociale et environnementale.

Toutefois, dans l'hypothèse où cet alinéa devrait malheureusement être maintenu – nous restons bien dans l'opposition ! –, nous proposons à tout le moins de supprimer la mention selon laquelle les normes concernées ne doivent pas être « susceptibles d'engendrer une situation de concurrence déloyale ».

En effet, une telle disposition ouvrirait la voie à des interprétations bien trop larges, ce dont certains pourraient profiter pour contester toute décision, au risque de paralyser totalement nos politiques publiques.

M. le président. L'amendement n° 412 rectifié ter, présenté par MM. M. Weber, Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

et de son évolution pour atteindre les objectifs du "Pacte vert" pour l'Europe

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Au cours de la discussion générale, Franck Montaugé a souligné que la politique agricole commune (PAC) n'était pas adaptée aux services écosystémiques et qu'une évolution était nécessaire à cet égard.

Cet amendement vise à préciser que la politique agricole commune et les plans nationaux en découlant doivent revoir leurs ambitions écologiques à la hausse.

La dernière réforme de la PAC, qui a été réalisée dans l'urgence, n'est pas alignée sur les objectifs du Pacte vert. Il est crucial de renouer avec une ambition politique forte et de trouver le moyen d'encourager des pratiques plus écologiques : mise en jachère d'une partie des terres, rotation des cultures, maintien de prairies permanentes, couverture des sols, etc.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 688, qui vise à supprimer l'interdiction de surtransposer. Nous avons, me semble-t-il, clairement indiqué quelles étaient nos positions en la matière au cours des débats.

La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 411 rectifié ter. Nous sommes pour une agriculture productive qui permette aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail ; nous n'avons jamais dit le contraire !

La commission émet également un avis défavorable sur les amendements identiques nos 296 rectifié ter et 705 rectifié, qui tendent à supprimer l'alinéa 13, relatif à l'interdiction des surtranspositions, ainsi que sur l'amendement n° 594 rectifié ter.

La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 297 rectifié ter, qui a pour objet de supprimer la référence à la concurrence déloyale. Comment peut-on être pour la concurrence déloyale ?

Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 412 rectifié ter, qui vise à atteindre les objectifs du Pacte vert, alors que celui-ci est très fortement décrié en France et à peu près partout ailleurs en Europe.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 876 et un avis défavorable sur l'ensemble des autres amendements en discussion commune.

Permettez-moi de revenir sur un certain nombre d'arguments qui ont été mis en avant.

D'une part, les surtranspositions témoigneraient, dit-on, d'une vigilance particulière de la France – ce qui reviendrait à considérer que les autres pays de l'Union européenne seraient indifférents à la santé de leurs populations et que notre pays serait le seul à y être attentif – et démontreraient que notre pays est souvent précurseur. Être précurseur, ce n'est pas un problème en soi, mais cela en devient un quand on est le seul à s'imposer un certain nombre de contraintes. La réglementation européenne mettant des années à évoluer, nos agriculteurs se retrouvent ainsi en situation de concurrence déloyale pendant tout ce temps. C'est la raison pour laquelle il est bien précisé dans la version issue des travaux de l'Assemblée nationale que l'adoption de nouvelles normes ne doit pas être susceptible « d'engendrer une situation de concurrence déloyale ».

D'autre part, il est totalement faux de dire que l'Union européenne s'occuperait seulement de commerce et n'aurait aucune action en matière de santé. Qu'est-ce que l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), sinon une Anses européenne ? Je le rappelle, l'Efsa définit une position européenne sur les substances, et l'Anses et ses équivalents dans les autres États membres en assurent la déclinaison à l'échelon national. On ne peut donc pas dire que l'Union européenne ne s'occupe pas de ces sujets.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 688.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 411 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 296 rectifié ter et 705 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 876.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 594 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 297 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 412 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements et d'un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 151 rectifié, présenté par Mmes L. Darcos et Bourcier, MM. Brault, Capus, Chasseing, Chevalier et V. Louault, Mme Paoli-Gagin et M. Wattebled, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 19

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Les priorités figurant au 1° du I A du présent article se traduisent par des politiques ayant pour finalités :

« 1° D'assurer le renouvellement des générations d'actifs en agissant sur les conditions d'installation, de transmission et de reprise d'exploitation agricole ;

« 2° De faire connaître les métiers d'exploitant et de salarié agricole et de susciter des vocations agricoles dans le public scolaire et parmi les personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d'emploi ;

« 3° De favoriser la diversification des profils des porteurs de projets à l'installation et d'encourager les formes d'installation collective et les formes d'installation progressive, y compris le droit à l'essai ;

« 4° De proposer un accueil, une orientation et un accompagnement personnalisés, pluralistes et coordonnés à l'ensemble des candidats à l'installation en agriculture et des personnes projetant de cesser et de transmettre leur activité ;

« 5° D'orienter en priorité l'installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et les transitions écologique et climatique, adaptés aux enjeux de chaque territoire, et vers des systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement ;

« 6° De faciliter l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à favoriser l'autonomie des exploitations agricoles, notamment là où il y a des pâturages – il y en a beaucoup en Corrèze ! (Sourires.) Cela correspond, je le crois, aux souhaits des jeunes agriculteurs.

M. le président. Le sous-amendement n° 798, présenté par Mme de Marco, est ainsi libellé :

Amendement n° 151

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

« 7° D'assurer la formation de chaque candidat à l'entrée en agriculture et de chaque élève, étudiant, apprenti et stagiaire en formation agricole au sens de l'article L. 811-1 par un financement pérenne de l'enseignement agricole public ; »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Ce sous-amendement vise à compléter la liste des politiques permettant de garantir la pérennité et l'attractivité de l'agriculture, ainsi que le renouvellement de ses générations d'actifs.

Afin d'atteindre les objectifs fixés par ce projet de loi, nous devons garantir l'accès à une formation publique gratuite de qualité pour toutes et tous et partout sur le territoire. Il n'y aura pas de renouvellement de générations d'actifs sans formation, pas plus que de transition de l'agriculture ou de maintien de la compétitivité sans enseignement agricole de qualité.

Pourtant, la situation de l'enseignement agricole public est critique. Les fermetures des classes et les suppressions de postes se multiplient dans nos territoires.

Chez moi, en Nouvelle-Aquitaine, ce sont 5 500 heures d'enseignement agricole public qui vont être supprimées. Permettez-moi d'évoquer les lycées de Bourcefranc-le-Chapus, de Niort, de Surgères et de Blanquefort en Gironde, qui seront particulièrement touchés par la baisse de moyens. À l'échelle nationale, les suppressions concernent 29 000 heures.

Nous ne pouvons plus tolérer le double discours qui prône la formation et le renouvellement de générations tout à sabrant dans les budgets. L'État se doit de garantir un financement pérenne de l'enseignement agricole public.

M. le président. Les six amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 180 rectifié bis est présenté par MM. Genet et Pernot, Mmes Belrhiti et Micouleau, MM. D. Laurent, Saury, Bouchet et Paul, Mmes Borchio Fontimp et P. Martin, M. Khalifé, Mme Joseph, M. H. Leroy, Mmes Canayer, Bellurot et Goy-Chavent, MM. Rietmann, Perrin, Gremillet et Sido et Mme Josende.

L'amendement n° 204 rectifié est présenté par Mme Pantel, MM. Cabanel, Roux et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve et M. Laouedj.

L'amendement n° 230 rectifié ter est présenté par Mme Devésa, MM. Le Rudulier et Courtial, Mmes Doineau et M. Mercier et MM. Chasseing, Longeot et Levi.

L'amendement n° 270 rectifié quater est présenté par M. Bleunven, Mmes Billon, Gacquerre, Jacquemet, Perrot et Saint-Pé et MM. de Nicolaÿ et Kern.

L'amendement n° 632 rectifié bis est présenté par MM. Rochette, V. Louault, Capus et A. Marc, Mme Bourcier, MM. Brault, Grand, Wattebled et Chevalier, Mme Herzog et M. Lemoyne.

L'amendement n° 663 est présenté par M. Bonneau.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« .... - Les priorités figurant au 1° du I A du présent article se traduisent par des politiques ayant pour finalités :

« 1° De faciliter le renouvellement des générations en agriculture et pour cela l'installation, la transmission et la reprise d'exploitation ;

« 2° De faire connaître les métiers d'exploitant agricole et de salarié agricole,

de susciter des vocations agricoles dans le public scolaire et parmi les personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d'emploi ;

« 3° De favoriser la diversification des profils des porteurs de projets à l'installation ; d'encourager les formes d'installations collectives et les formes d'installations progressives, y compris le droit à l'essai ;

« 4° De proposer un accueil, une orientation et un accompagnement qui soient à la fois personnalisés, pluralistes et coordonnés, à l'ensemble des candidats à l'entrée en agriculture et des personnes envisageant de cesser et de transmettre leur activité ;

« 5° D'orienter en priorité l'installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et les transitions écologique et climatique, adaptés aux enjeux de chaque territoire, et vers des systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement ;

« 6° De faciliter l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables ;

La parole est à Mme Pauline Martin, pour présenter l'amendement n° 180 rectifié bis.

Mme Pauline Martin. Mon petit doigt me dit qu'on va me répondre que cet amendement est satisfait ! (Sourires.)

Il s'agit de compléter les priorités mentionnées après l'article 19, en insistant notamment sur les objectifs de « susciter des vocations agricoles dans le public scolaire et parmi les personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d'emploi », de « favoriser la diversification des profils des porteurs de projets à l'installation », d'« orienter en priorité l'installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire et les transitions écologique et climatique » et de « faciliter l'accès au foncier agricole ».

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l'amendement n° 204 rectifié.

Mme Maryse Carrère. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour présenter l'amendement n° 230 rectifié ter.

Mme Brigitte Devésa. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l'amendement n° 270 rectifié quater.

M. Yves Bleunven. Par cet amendement, il est proposé de traduire la priorité visant à assurer la pérennité et l'attractivité de l'agriculture, ainsi que le renouvellement de ses générations d'actifs par des politiques publiques concrètes englobant l'orientation, l'information, la transmission et l'installation.

Il convient en effet de mobiliser tous les leviers possibles permettant de relever avec succès ces deux défis majeurs et urgents pour notre souveraineté alimentaire que sont le défi démographique et le défi climatique.

Nous voulons également traduire l'engagement de l'État de préserver l'agriculture française en soutenant les jeunes générations, qui en sont l'avenir. Le renouvellement des générations est également menacé par des facteurs structurels, comme les difficultés d'accès au foncier, le niveau d'investissements financiers à consentir ou le manque d'attractivité du métier. À terme, tout cela met en péril non seulement la viabilité de nos exploitations agricoles, mais aussi la sécurité alimentaire, la transition écologique et le maintien de la vitalité de nos territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour présenter l'amendement n° 632 rectifié bis.

M. Pierre Jean Rochette. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 663 n'est pas soutenu.

L'amendement n° 561, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 20

Ajouter un alinéa ainsi rédigé :

« …° De faciliter le renouvellement des générations en agriculture et pour cela l'installation, la transmission et la reprise d'exploitations, notamment par la mise en œuvre de la politique mentionnée au IV de l'article L. 1 ;

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Il est vraiment indispensable d'intégrer le renouvellement des générations en agriculture dans les priorités programmatiques établies à l'article 1er.

Le renouvellement des générations est vital pour assurer la sécurité et la qualité de notre alimentation, produire de la valeur ajoutée économique et environnementale dans l'agriculture et aménager l'ensemble du territoire. Il est à l'origine même de ce projet de loi. Il doit donc être inscrit au sein de cet article programmatique, comme c'était le cas dans la version initiale. Nous ne comprenons pas bien pourquoi une telle mention a disparu.

Nous sommes tous pleinement conscients que la ruralité se dévitalise du fait de l'agrandissement sans fin des exploitations agricoles. Tout cela a des répercussions, notamment sur le moral des agriculteurs, qui se trouvent complètement isolés, les voisins disparaissant les uns après les autres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission a fait le choix de consacrer l'article 1er à la souveraineté alimentaire française et de traiter les questions relatives à l'installation des agriculteurs à l'article 8. L'adoption des amendements qui nous sont proposés aurait pour conséquence d'introduire de la confusion.

Par conséquent, la commission demande le retrait des amendements et du sous-amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Restons-en au principe que nous avons acté et que vous avez d'ailleurs majoritairement approuvé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble des amendements et le sous-amendement, pour les raisons que M. le rapporteur vient d'exposer.

Nous considérons que le choix de la commission de traiter les questions relatives à l'installation à l'article 8 renforce la lisibilité du texte et apporte de la clarté. Nous sommes donc favorables à cette réorganisation. Pour éviter d'errer d'un titre à l'autre ou d'un article à l'autre, il est préférable d'opter une fois pour toutes pour une ossature du texte qui soit définitive.

Au demeurant, j'observe que les auteurs de certains amendements voudraient modifier une nouvelle fois la définition des priorités de la politique de souveraineté alimentaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que l'article 1er a déjà fait l'objet de deux réécritures intégrales ! À un moment, il faut savoir s'arrêter ; sinon, ce sera sans fin.

Nous souhaitons stabiliser le texte, dans un esprit de compromis et d'équilibre, en ciblant un certain nombre de points précis.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 798.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 180 rectifié bis, 204 rectifié, 230 rectifié ter, 270 rectifié quater et 632 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 561.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 884, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Remplacer la référence :

Par la référence :

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 884.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 888, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Rédiger ainsi cet alinéa

1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France, en maintenant et développant ses systèmes de production et ses filières nationales de production, de transformation et de distribution, ainsi que leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale, sanitaire et environnementale et en protégeant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

La modification, à la demande du Gouvernement, de l'alinéa 22 pour y introduire une cinquième priorité, en l'occurrence la sécurité alimentaire et sanitaire, nécessite de déplacer certaines dispositions qui y figurent en les insérant à l'alinéa 21.

M. le président. L'amendement n° 658 rectifié, présenté par MM. Daubet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Après la première occurrence du mot :

production

insérer les mots :

 , en assurant un traitement équitable aux soutiens de la polyculture élevage

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement a pour objet de souligner l'importance de ne pas exclure de facto les exploitations dont le choix stratégique s'est porté sur la diversification des activités, afin de soutenir des filières spécifiques qui rencontrent des difficultés sévères.

De telles orientations, fondées sur une analyse en silo, favorisent la monoculture, qui est inadaptée à de nombreux terroirs en France.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 658 rectifié ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 888 et un avis défavorable sur l'amendement n° 658 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 888.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 658 rectifié n'a plus d'objet.

L'amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° De porter l'agriculture française comme grande cause nationale ;

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Il s'agit d'ériger l'agriculture française en « grande cause nationale ». Cette disposition tient particulièrement à cœur à notre collègue Henri Cabanel. C'était d'ailleurs l'une des recommandations du rapport d'information Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse, qu'il a remis en 2021 avec notre ancienne collègue Françoise Férat.

Un véritable travail est à faire pour recréer le lien entre l'urbain et le rural, entre le citoyen et l'agriculteur, entre le travailleur de la terre et le jardinier du dimanche, ainsi qu'entre l'entrepreneur du vivant et l'admirateur de la diversité animale. Un tel travail passe par une communication d'ampleur, menée par des professionnels appuyés par l'État, afin de recréer ces liens essentiels entre la société française et son agriculture.

Il paraît donc essentiel de faire de l'avenir de l'agriculture française une grande cause nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Certes, sur le fond, nous pouvons approuver les intentions des auteurs de l'amendement, mais nous n'en sommes plus au stade des incantations. La priorité aujourd'hui n'est plus de parler de « grande cause nationale », c'est d'apporter des solutions concrètes pour redresser notre agriculture ! Nous préférons donc inscrire des mesures concrètes dans la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Sur le fond, l'idée est évidemment généreuse. Reste qu'un tel amendement est dénué de portée juridique.

Vous connaissez comme moi les agriculteurs, madame la sénatrice : ils attendent moins des mots que des actes. Et la qualification de « grande cause nationale » sera toujours moins séduisante à leurs yeux que des mesures précises et opérationnelles.

C'est pourquoi j'émets, à regret, un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 883, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Supprimer les mots :

maintenir et développer des filières nationales de production, de transformation et de distribution ainsi que leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale et environnementale, de manière à

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination. Le principe est simple : le Sénat ayant inséré à l'alinéa 21 des dispositions figurant à l'alinéa 22, nous proposons de les retirer de ce dernier, afin d'éviter toute redondance.

M. le président. L'amendement n° 108 rectifié, présenté par MM. Daubet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Après les mots :

de production,

insérer les mots :

d'abattage, 

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Cet amendement vise à compléter les moyens permettant d'assurer la souveraineté alimentaire agricole de la France.

Il est proposé de mentionner explicitement l'objectif de préservation des outils d'abattage, chaînons intermédiaires incontournables entre la production et la transformation des outils indispensables à la valorisation des produits de l'élevage et au fonctionnement de la chaîne alimentaire.

Je rappelle que les abattoirs se trouvent régulièrement au cœur des rapports de force, à l'image de l'agriculture dans son acception large. Le rééquilibrage des priorités nationales visées par le projet de loi doit aussi concerner ces outils.

En soixante-dix ans, la France a perdu 90 % de ses outils d'abattage. La préservation de l'élevage, matérialisée par l'attention portée au maintien du cheptel et l'annonce d'un plan Abattoirs, justifie également la préservation explicite des moyens et outils d'abattage.

M. le président. L'amendement n° 299 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Après la première occurrence du mot :

sociale

insérer le mot :

, sanitaire

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. L'alinéa 22 indique, de manière très générique, que nos politiques publiques agricoles doivent « maintenir et développer des filières nationales de production, de transformation et de distribution […], en alliant performance économique, sociale et environnementale ».

Par cet amendement, nous proposons de préciser que la performance doit également être sanitaire. En effet, le phénomène des crises sanitaires de ces dernières années, dans leur intensité comme dans leur récurrence, nécessite une vigilance collective accrue. La recherche de la performance en la matière doit donc faire partie des objectifs de nos politiques publiques.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 562 est présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 616 rectifié ter est présenté par M. M. Weber, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Mérillou et Pla, Mme S. Robert, MM. Bourgi, Fichet, Ros, Chaillou et Lurel, Mmes Linkenheld et Poumirol, M. Chantrel et Mmes Monier et Canalès.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 22

Après le mot :

année, 

insérer les mots :

issue d'aliments produits de manière durable,

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 562.

M. Daniel Salmon. Nous proposons de rétablir la rédaction de l'Assemblée nationale relative à la durabilité de l'alimentation dans l'article 1er.

L'alimentation durable est indissociable de la sécurité alimentaire, car elle renvoie à l'ensemble des pratiques alimentaires qui visent à nourrir les êtres humains en qualité et en quantité suffisantes.

Nous nous basons sur la notion de durabilité de l'alimentation telle qu'elle figure à l'article L. 230-5-6 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim).

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour présenter l'amendement n° 616 rectifié ter.

M. Michaël Weber. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. L'amendement n° 108 rectifié étant satisfait par la rédaction de la commission, j'émets un avis défavorable.

Nous pourrions être favorables à l'amendement n° 299 rectifié ter, mais celui-ci n'aurait plus d'objet en cas d'adoption de l'amendement n° 883.

La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 562 et 616 rectifié ter, dont la rédaction induit que les productions agricoles françaises ne sont pas durables. Je rappelle que l'alinéa 22 mentionne le fait de garantir une « alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive » ; on peut donc légitimement penser que cela implique des aliments produits de manière durable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 883, qui vise à recentrer l'alinéa 22 autour du seul objectif de sécurité alimentaire.

L'amendement n° 108 rectifié tend à faire figurer l'abattage parmi les outils de transformation. Je partage évidemment la préoccupation d'assurer un maillage d'abattoirs sur l'ensemble du territoire. Je rappelle d'ailleurs qu'un plan d'action global a été décliné territoire par territoire. L'alinéa 22 a une portée générale et l'abattage est déjà couvert par le terme plus large de « transformation ». C'est pourquoi le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Les auteurs de l'amendement n° 299 rectifié ter proposent de mentionner la performance « sanitaire » dans les priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire. Je suis évidemment sensible à ce sujet. Je viens d'ailleurs de lancer les Assises du sanitaire animal en présence de toutes les parties prenantes des filières d'élevage. Celles-ci aboutiront à des contrats sanitaires de filière pour une meilleure performance. Par conséquent, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Enfin, le Gouvernement demande le retrait des amendements identiques nos 562 et 616 rectifié ter au profit de l'amendement de la commission. En effet, la demande des auteurs de ces deux amendements – introduire dans le texte la mention selon laquelle les aliments sont produits de manière durable – est déjà satisfaite par un amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Je voterai l'amendement n° 108 rectifié – et je ne serai pas la seule.

Il est tout à fait essentiel d'associer le principe de l'abattage au principe de la production et de graver dans la loi que les outils de l'un sont intimement liés aux outils de l'autre.

J'estime que cette démarche est parfaitement fondée.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je m'associe à cette défense des abattoirs de proximité.

Je pense que l'on ne va pas dans le sens de l'amélioration du bien-être animal, dont il est tant question aujourd'hui, lorsque l'on fait faire des dizaines, voire des centaines de kilomètres à des bestiaux, dans des conditions assez insoutenables.

Les abattoirs de proximité sont vraiment nécessaires. C'est un élément de l'aménagement du territoire.

Je soutiendrai donc pleinement cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 883.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 108 rectifié et 299 rectifié ter n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 562 et 616 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 714 rectifié, présenté par MM. Lahellec et Xowie, Mme Corbière Naminzo, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De réduire la dépendance aux exportations et aux importations notamment d'engrais et de pesticides de synthèse, d'alimentation animale et d'énergie ;

II Alinéa 23

Supprimer les mots :

de maîtriser et

III. – Après l'alinéa 23

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Une attention particulière est portée à la nécessaire diminution de la dépendance aux importations des collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution, afin de répondre aux objectifs d'amélioration de la sécurité alimentaire des territoires concernés ;

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement vise à inclure dans les objectifs des politiques publiques en faveur de l'agriculture la nécessité de réduire nos dépendances aux exportations et aux importations.

M. le président. L'amendement n° 690, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° D'améliorer la coopération agricole sur le plan international, en soutenant les capacités exportatrices nécessaires à la sécurité alimentaire mondiale dans le respect de la souveraineté alimentaire des pays tiers, en maîtrisant les dépendances aux importations dans les filières stratégiques pour la souveraineté agricole et alimentaire, en sécurisant les approvisionnements alimentaires du pays, en privilégiant l'approvisionnement national dans le respect des règles du marché intérieur de l'Union européenne et des engagements internationaux, sans engendrer de concurrence déloyale ;

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement porte lui aussi sur la souveraineté alimentaire.

Notre souveraineté alimentaire se construit non pas contre celle des pays tiers, mais évidemment avec elle.

Du fait de leurs engagements régionaux et internationaux, la France et l'ensemble des États membres de l'Union européenne sont soumis à des obligations extraterritoriales et doivent s'assurer à la fois de respecter les droits humains et de ne pas porter atteinte aux droits humains dans d'autres pays ; de protéger les populations des violations des droits humains, notamment en s'assurant que les acteurs économiques de la chaîne alimentaire qui opèrent sur le marché international ou à l'étranger ne portent pas atteinte aux droits humains, en particulier les droits des paysans, le droit à l'alimentation des populations et les droits environnementaux ; de participer à la réalisation des droits humains à l'échelon international en mettant en œuvre des politiques de développement et une coopération internationale conformes et adaptées.

Par ailleurs, nous ne comprenons absolument pas la vision de notre rapporteur, qui, de manière antithétique, propose d'améliorer tout à la fois la compétitivité et la coopération agricole.

Cette référence à la compétitivité est parfaitement incongrue dans un alinéa relatif à la coopération internationale en matière alimentaire.

M. le président. L'amendement n° 300 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Supprimer les mots :

nécessaires à la sécurité alimentaire mondiale

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. L'alinéa 23 précise que l'une des finalités de nos politiques publiques doit être la recherche de l'amélioration de notre compétitivité agricole pour soutenir les capacités exportatrices de la France nécessaires à la sécurité alimentaire mondiale.

Si nous souscrivons à la nécessité que la France reste une puissance exportatrice forte sur la scène mondiale, avec des filières de renom et d'exception participant clairement à notre rayonnement à l'international et, surtout, à l'équilibrage de notre balance commerciale extérieure, nous nous interrogeons toutefois sur le fait que notre pays ait vocation à assurer la sécurité alimentaire mondiale et, surtout, qu'il en ait la capacité.

Je crains que nous ne nous trompions ici d'objectif.

Si la France doit apporter sa pierre à cet édifice de recherche de sécurité alimentaire mondiale, nous n'estimons pas pour autant qu'il faille l'inscrire en l'état dans la loi, au risque de vouloir produire toujours plus, quelles qu'en soient les conditions.

Par cet amendement, nous appelons à en rester à une rédaction plus sobre et réaliste, en précisant que nos politiques publiques visent à préserver nos capacités exportatrices et à maîtriser et réduire notre dépendance aux exportations.

M. le président. L'amendement n° 804, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 23

1° Remplacer le mot :

nécessaires 

par le mot :

contribuant

2° Compléter cet alinéa par les mots :

dans le respect des règles du marché intérieur de l'Union européenne et des engagements internationaux 

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à sécuriser l'alinéa 23 en rappelant le cadre fixé par les règles du marché intérieur européen.

On l'a dit, la France, à elle seule, ne peut pas garantir la sécurité alimentaire mondiale. Afin de mieux refléter le rôle de notre pays dans cet enjeu global, nous proposons de remplacer le terme « nécessaires » par celui de « contribuant ».

J'en profite pour donner l'avis du Gouvernement sur les autres amendements en discussion commune.

Je tiens à préciser que je suis attachée au maintien de la référence à la nécessaire compétitivité de notre agriculture à l'international.

Messieurs les sénateurs, vous avez considéré, tout à l'heure, que ce qui importait était de satisfaire aux besoins en alimentation de la population nationale et que la dimension exportatrice était, au fond, secondaire.

Pour ce qui me concerne, je considère que l'exportation, c'est de l'activité en France, de la production de richesse en France, du rayonnement de la France à l'étranger.

Par conséquent, cette notion de compétitivité n'est pas indécente ; elle n'est pas infondée. Au contraire, il faut l'assumer !

Pour notre part, nous assumons la dimension de compétitivité de l'agriculture française et estimons qu'il faut se réjouir qu'elle se traduise par des exportations.

C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de ces amendements, au profit de celui du Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 301 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 23

après les mots :

sécurité alimentaire mondiale

insérer les mots :

sans nuire à notre souveraineté alimentaire et en priorisant l'autonomie alimentaire des territoires

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Il s'agit d'un amendement de repli à l'amendement n° 300 rectifié ter.

Si l'on inscrit dans la loi qu'il faut soutenir les capacités exportatrices de la France, dans l'objectif de contribuer à la sécurité alimentaire mondiale, nous ne voulons pas que cet objectif soit entendu comme une course au productivisme à tout crin.

Notre amendement tend ainsi à préciser que l'objectif de soutien des capacités exportatrices de notre pays ne doit en aucun cas nuire à notre souveraineté alimentaire nationale et à l'autonomie alimentaire de nos territoires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur tous ces amendements, qui soit vont à l'encontre de la rédaction prévue par la commission, soit ajoutent des éléments qui existent déjà ou qui n'ont pas lieu d'être.

Ainsi, l'amendement du Gouvernement vise à rappeler la nécessité de respecter le marché intérieur et nos engagements internationaux. Ce n'est pas nécessaire ! Cette obligation s'impose systématiquement.

De même, l'amendement n° 301 rectifié ter tend à rappeler que la France ne doit pas nuire à la sécurité alimentaire et à ses partenaires commerciaux. Cet objectif va de soi !

M. le président. Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable à l'ensemble des amendements en discussion commune.

Je mets aux voix l'amendement n° 714 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 690.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 300 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 804.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 301 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° En orientant les politiques alimentaires, dans le respect de la programmation pluriannuelle de l'agriculture française, de la stratégie nationale pour la biodiversité et de la stratégie nationale bas carbone définie à l'article L. 222-1 B du code de l'environnement ;

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement de Henri Cabanel a pour objet de remédier à une omission dans les différentes finalités des politiques traduisant les priorités en matière de souveraineté alimentaire, en y ajoutant le respect de la stratégie nationale bas-carbone, aux côtés de la stratégie nationale pour la biodiversité.

M. le président. L'amendement n° 565, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 30

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° D'orienter les politiques alimentaires, dans le respect de la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat définie au III de l'article L. 1, de la stratégie nationale bas carbone définie à l'article L. 222-1 B du code de l'environnement et de la stratégie nationale pour la biodiversité ;

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à préciser que les politiques alimentaires doivent être orientées de manière à atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (Snanc), comme dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, mais aussi la stratégie nationale bas-carbone, ainsi que la stratégie nationale pour la biodiversité, largement absente, afin de reconnaître le rôle essentiel de ces dernières dans l'engagement de l'indispensable transition environnementale.

À l'heure où la filière bio connaît une crise sans précédent, plusieurs engagements ont été pris par les pouvoirs publics, dont le déploiement de la stratégie nationale biodiversité 2030, qui en constitue un pan essentiel, puisqu'elle prévoit que la part de la surface agricole utile de la France sera portée à 21 % à l'horizon 2030, contre 10 % actuellement.

Il nous paraît nécessaire d'intégrer ces politiques publiques à l'article 1er pour refléter l'importance de ces piliers fondamentaux de la politique environnementale.

Il s'agit là, bien entendu, d'un élément central pour notre souveraineté alimentaire. En effet, lorsque nous aurons perdu l'ensemble des pollinisateurs, c'est 30 % de notre production qui disparaîtra également !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 99 rectifié, qui est satisfait par l'article L. 4 du code rural et de la pêche maritime que nous n'avons pas modifié.

Elle est également défavorable à l'amendement n° 565, la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat étant l'objet du III de l'article L. 1 du même code, que nous n'avons pas modifié non plus.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Les dispositions de l'amendement n° 99 rectifié recoupent celles de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et Résilience. Par définition, la Snanc tient compte des objectifs climatiques. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Monsieur Salmon, l'amendement du Gouvernement prenait en compte votre proposition, puisqu'il avait pour objet d'intégrer l'ensemble des actions à conduire dans le cadre de la politique de l'alimentation tout en contribuant à un objectif plus global de souveraineté alimentaire. Cette politique a notamment pour finalité d'assurer à la population l'accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, produite de façon durable. Hélas, le rapporteur et la majorité de cette assemblée se sont prononcés défavorablement sur notre amendement.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 565.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. La France est tout de même assez cynique : l'alinéa 24 mentionne le principe de réciprocité, alors que nous continuons à exporter, à hauteur d'à peu près 7 000 tonnes par an, des pesticides interdits dans le monde entier, produits dans des usines bien françaises et provoquant des rejets très importants dans nos eaux – des articles sont parus sur le sujet.

On envoie des pesticides interdits à l'autre bout du monde, notamment au Brésil, et, quand on importe des produits issus de ces pays, on se dit surpris de récupérer des résidus… Et que dire des populations que l'on empoisonne !

Avant de parler de principe de réciprocité, il faudrait déjà commencer par être un peu plus exigeant sur nos exportations ! Ce qui est interdit en Europe ne devrait pas être exporté à l'autre bout du monde. C'est une question de responsabilité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 565.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 727 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mme Margaté, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° De protéger les filières agricoles des concurrences déloyales en utilisant les clauses de sauvegarde activables dans l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ainsi que dans  les accords bilatéraux dont la France ou l'Union européenne sont parties, sans exclusion d'autres dispositifs dérogatoires au droit de la concurrence,

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Par cet amendement, nous proposons d'utiliser tous les instruments disponibles pour protéger les filières agricoles des concurrences déloyales.

M. le président. L'amendement n° 563, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° De veiller à garantir que les produits alimentaires issus d'importations respectent les normes sociales, sanitaires, environnementales et relatives au bien-être animal en vigueur dans l'Union européenne ;

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à renforcer la rédaction de l'alinéa 24, qui reste insuffisamment ambitieuse au regard des enjeux de protection des agriculteurs contre la concurrence déloyale des produits importés moins-disants d'un point de vue social, environnemental et sanitaire.

Alors que les normes de production dans les pays tiers autorisent des produits interdits dans l'Union européenne – pesticides, hormones de croissance, etc. –, dans un contexte de hausse des importations et alors que la protection des consommateurs est essentielle, la mise en place de mesures miroirs à l'échelle européenne est plus que nécessaire.

Je sais que cette nécessité fait consensus sur l'ensemble de nos travées, à la réserve près de nos exportations de pesticides interdits, que je viens d'évoquer.

Cet amendement vise à ce que la politique agricole se dote d'outils permettant de garantir que les produits alimentaires issus d'importations respectent les normes sociales, sanitaires, environnementales et relatives au bien-être animal en vigueur dans l'Union européenne.

Alors que la nécessaire mise en place des mesures miroirs à l'échelle européenne annoncée par le Gouvernement ne semble pas se concrétiser, il est essentiel de réaffirmer l'importance de cet objectif.

M. le président. L'amendement n° 718, présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 24

1° Au début

Insérer une phrase ainsi rédigée :

De promouvoir la reconnaissance d'une exception agricole dans les négociations commerciales internationales, fondée sur l'importance essentielle de l'agriculture pour les sociétés humaines et la nécessité de préserver la diversité alimentaire et agricole ainsi que celle des écosystèmes, notamment avec l'arrêt de la conclusion d'accords de libre-échange et

2° Après les mots :

libre-échange

Insérer les mots :

au rétablissement de mécanismes de régulation publics des marchés agricoles au niveau européen et international,

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Les biens alimentaires ne sont pas des biens comme les autres.

Dans le terme « agriculture », il y a « culture », et, comme la culture, l'agriculture ne doit pas être une simple marchandise ! C'est l'un des piliers de notre souveraineté.

Néanmoins, je ne veux pas refaire maintenant le débat que nous avons eu hier soir, notamment à propos du poulet brésilien. C'est la raison pour laquelle je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 718 est retiré.

L'amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Remplacer le mot :

comparables

par les mots :

n'allant pas au-delà des exigences minimales des normes européennes

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement a pour objet de préciser que des accords de libre-échange ne peuvent être conclus s'ils ne respectent pas les exigences minimales des normes européennes et françaises, notamment en matière environnementale, sociale et sanitaire, afin qu'ils n'apportent pas une concurrence déloyale à nos agriculteurs en permettant l'écoulement de denrées qui ne respectent pas les méthodes de production européennes et françaises.

Cette précision apportée aux dispositions prévues à l'article 1er sur les accords de libre-échange semble essentielle dès lors que la Commission européenne s'apprête à faire ratifier par le Parlement son accord sur le Mercosur.

Je rappelle, d'ailleurs, que le RDSE a déposé, au mois d'octobre 2024, une proposition de résolution visant à réaffirmer et à clarifier son opposition ferme à la conclusion de cet accord, négocié dans la plus grande opacité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. L'alinéa 24 affirme déjà tout ce que réclament les auteurs de ces amendements. Je ne vois donc pas l'intérêt d'en rajouter.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. À l'alinéa 24, il est déjà question d'un degré élevé d'exigence en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires, relatives au bien-être animal, toujours plus protectrices envers les consommateurs et préservant des modèles et des filières agricoles.

Je crois, comme M. le rapporteur, que tout est dit.

La rédaction issue de la commission des affaires économiques me semble à la fois opérationnelle et lisible.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. Vincent Louault. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 727 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 563.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 805, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Remplacer les mots :

en luttant

par les mots :

en contribuant à la lutte

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Je propose une légère modification afin de rendre le texte conventionnel.

Il s'agit de remplacer « en luttant contre la faim dans le monde » par « en contribuant à la lutte contre la faim dans le monde », considérant que la France ne peut à elle seule garantir la sécurité alimentaire mondiale et lutter contre la faim dans le monde.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 805.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 417 rectifié ter, présenté par MM. Montaugé et Tissot, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° D'organiser un maillage territorial d'abattoirs de proximité sur le territoire national pour chaque filière d'élevage concernée, en soutenant notamment le développement de structures multi-espèces ;

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Cet amendement vise à préciser les finalités de nos politiques publiques agricoles, en abordant la question de la présence des abattoirs dans nos territoires.

Face à l'évolution des besoins, il est essentiel d'investir dans la rénovation et la restructuration de ces infrastructures pour qu'elles restent viables, fonctionnelles et adaptées aux défis de demain.

Des démarches de ce type sont en cours, comme dans mon département, à Auch. Elles devraient être soutenues dans l'ensemble du territoire national, en particulier dans les territoires de polyculture-élevage.

Je précise que les abattoirs doivent être mono-espèce ou multi-espèces en fonction des élevages que l'on trouve sur les territoires.

Leur rénovation est une condition sine qua non de la poursuite du développement des filières animales, qui concourent également à notre souveraineté nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, votre demande est légitime, mais satisfaite.

En effet, un plan d'action global pour consolider le maillage en abattoirs de boucherie a été lancé en 2023. Il est actuellement décliné territoire par territoire.

En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Les boucheries ne sont pas seules concernées. Pensons aussi aux filières ovine, caprine et porcine. Nous avons intérêt à développer sur le territoire des abattoirs multi-espèces pour répondre aux attentes. Derrière, il y a des emplois.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 417 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 691, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Supprimer les mots :

techniques et scientifiques

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Comme chacun le sait, notre modèle de développement se trouve à la croisée des chemins : l'évolution économique ne suit plus de manière linéaire le progrès technologique. Je ne vous apprends pas que la croissance est un outil limité…

Face au retard important que nous avons accumulé en matière de protection de l'environnement, il n'est pas viable de limiter nos actions d'adaptation au changement climatique, qui reste le plus grand défi du siècle, à des solutions « techniques et scientifiques », puisque c'est bien à cela que vous le réduisez à l'alinéa 26. Il est totalement illusoire d'envisager une réponse à partir de ces seuls outils !

Par conséquent, nous tenons à supprimer ces deux termes. Évidemment, la technique participera de la solution, mais ne pas prendre en considération l'agroécologie est une vision quelque peu obtuse ! Nous devons adapter nos cultures à la pluviométrie et à l'état de nos sols, ainsi qu'adopter une certaine sobriété. En somme, le technosolutionnisme ne pourra pas suffire. Placer une telle restriction dans notre droit est donc dangereux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. C'est justement grâce à la recherche et à l'innovation que nous pourrons réduire l'usage de certains produits phytosanitaires. Nier cette évidence témoigne d'une vision inexacte de l'avenir de notre agriculture.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Je partage l'idée selon laquelle l'adaptation de l'agriculture au changement climatique doit s'appuyer sur un panel diversifié d'outils. Toutefois, la terminologie retenue par la commission des affaires économiques, à savoir la « recherche de solutions techniques et scientifiques », paraît suffisamment large pour couvrir la diversité des réponses envisagées.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous parlons beaucoup de souveraineté. Je pense pourtant que nous sommes en train de l'hypothéquer en embrassant la technologie, d'autant que celle-ci est de plus en plus importée. Imaginez tous ces drones qui fonctionneront à partir de logiciels venus d'autres pays !

Même si, heureusement, nous avons évité les plants génétiquement modifiés, les nouvelles technologies génomiques accroîtront elles aussi la dépendance de notre agriculture. Auparavant, nous réutilisions les semences, à présent, il faut les racheter systématiquement. Nous nous tournons toujours vers des solutions qui nous rendent prisonniers et qui altèrent notre souveraineté !

Nous ne nous opposons pas à la technologie.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ce n'est pas ce que nous avons dit !

M. Daniel Salmon. Certes, celle-ci peut jouer un rôle important, mais nous nous reposons uniquement sur elle et oublions que ce sont les pratiques agronomiques qui nous aideront à surmonter nos handicaps.

Attention à l'abandon de souveraineté en nous jetant dans les bras de la technologie ! (M. le rapporteur fait non de la tête.)

Monsieur le rapporteur, je vois que vous secouez la tête.

Vous souvenez-vous du début de l'invasion de l'Ukraine ? Des tracteurs ont été volés par les Russes avant d'être bloqués peu de temps après parce que le constructeur américain en avait la possibilité.

En outre, nous connaissons des vols de GPS sur les tracteurs. Bientôt, l'agriculture sera dépendante des satellites.

Eu égard au contexte géopolitique, je peux vous assurer que ce constat ne me rassure guère.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Dans mon exploitation, j'utilise la traite robotisée depuis quinze ans. Monsieur Salmon, il faudrait que vous veniez, mon épouse vous en expliquerait le fonctionnement. Elle vous ferait comprendre que lever les bras deux fois par jour pour brancher environ cent vaches aux trayons n'est pas forcément ce que le métier offre de plus passionnant.

Disposer de la technologie de la traite robotisée lui permet de redoubler d'attention envers ses animaux. En effet, elle consacre à ses vaches le temps qu'elle aurait passé au fond de la fosse à brancher les trayons. Ainsi, elle observe leur manière de se comporter et leur apporte tous les soins nécessaires.

La technologie et l'innovation ne doivent pas être niées. Au contraire, elles permettent d'accompagner les éleveurs dans le cœur même de leur métier en diminuant les pratiques répétitives et usantes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Nous sommes totalement d'accord avec vos propos, monsieur le rapporteur : la technologie doit servir à travailler mieux en réalisant moins d'efforts. En effet, comme vous le reconnaissez vous-même, le problème est que nos agriculteurs travaillent 70 heures par semaine. Une telle situation n'est pas acceptable !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ils ne s'en plaignent pas !

M. Guillaume Gontard. Il faut donc œuvrer à mieux répartir les tâches. Nous pointons précisément du doigt cet état de fait : la technologie doit être accompagnée de changements de pratique.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. De toute manière, sur ce sujet, nous ne nous entendrons pas. Comme M. le rapporteur vient de bien l'expliquer en prenant l'exemple de la traite des vaches laitières, la technologie apporte des réponses et c'est valable pour de nombreuses productions.

Les écologistes veulent enlever le mot « scientifiques ». Je les retrouve bien là ! Ils pourront ainsi raconter tout ce qu'ils veulent et faire passer les légendes urbaines pour des vérités. (M. Guillaume Gontard s'exclame.) Au bout du compte, ils porteront atteinte à notre agriculture, qui souffre énormément de ces discours répétés en permanence.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Mon intervention n'aura pas la saveur de celle de M. le rapporteur, qui parlait d'expérience. Je tiens toutefois à mettre en avant à quel point la technique a facilité le travail de nos éleveurs et de nos agriculteurs.

M. Guillaume Gontard. On vient de le dire ! Je vous remercie d'appuyer nos propos, madame la ministre !

Mme Annie Genevard, ministre. Il ne faut pas adopter une vision antitechniciste, qui serait selon moi inappropriée.

Je crois énormément aux apports que représenteront à l'avenir les technologies.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Bien sûr !

Mme Annie Genevard, ministre. De fait, il existe déjà des dispositifs qui permettent par leur précision de réaliser des économies de consommation d'intrants phytopharmaceutiques, sur lesquels vous exprimez souvent votre préoccupation, messieurs Gontard et Salmon. Ces outils répandent le produit de manière parcimonieuse aux endroits qu'il faut. L'arrachage mécanique est également une technique d'avenir.

En revanche, si vous demandez l'origine des technologies agricoles dans quelque exploitation que ce soit, vous découvrirez – je le concède – qu'elle est souvent étrangère. Nous avons perdu de la souveraineté en la matière (M. Guillaume Gontard acquiesce.) et pouvons d'autant plus le déplorer que je suis convaincue que la technique sera amenée à se développer plus encore.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je vais me faire un peu plaisir... (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Laissez-moi vous expliquer pourquoi l'association de la technologie, de la robotisation et de l'innovation à l'expérience de l'éleveur permet à tout le monde d'y gagner.

Dans une salle de traite traditionnelle, lorsqu'une vache est atteinte de mammite, c'est-à-dire d'une infection de la mamelle, la maladie est constatée lors de l'apparition des signes cliniques de l'infection, à savoir au moment où l'on tire le lait et que l'on y trouve des caillots. Il faut alors se débarrasser de ce liquide impropre à la consommation humaine, et ce tant que la vache lutte contre la maladie.

La traite robotisée permet d'intervenir bien avant l'apparition des signes cliniques, et pour une raison simple : la traite robotisée a ceci de particulier que la vache se rend d'elle-même à la machine. Comme nous, lorsque nous commençons à souffrir d'un rhume ou d'une grippe, si elle est malade, la vache limite ses déplacements ou reste couchée. Le matin, en voyant sur son ordinateur que telle vache n'est pas passée dans le robot, mon épouse lui portera une attention toute particulière. Dans une salle de traite traditionnelle, elle ne s'en rendrait compte que le lendemain ou le surlendemain, une fois que seraient apparus les signes cliniques.

Voilà donc les avantages de l'expérience, de la robotisation et de l'innovation. Il faut non pas les opposer, mais trouver, au contraire, tous les moyens de les exploiter au maximum. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Vincent Louault et Bernard Buis applaudissent.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. Jean-François Husson. On sent le vécu !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je n'aurais jamais pensé parler de mes vaches dans l'hémicycle…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 691.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 302 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Après les mots :

techniques et scientifiques

insérer les mots :

de lutte et

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à compléter l'alinéa 26, en indiquant que la recherche de « solutions techniques et scientifiques » doit participer tout autant à l'« adaptation au changement climatique » qu'à la lutte contre ce phénomène.

Ce faisant, il s'agit de préciser que notre agriculture doit contribuer, au même titre que d'autres pans de notre économie, à la lutte contre le changement climatique et à l'atténuation de ses effets.

Selon nous, cette précision, qui peut apparaître à la marge, reflète l'attitude que nous devons adopter face au changement climatique actuel : soit nous adoptons une attitude passive, qui aurait l'adaptation pour seul objectif, soit nous choisissons une attitude plus active, en recherchant des solutions pour lutter contre ce changement et en atténuer les conséquences.

À titre d'illustration, le virage agroécologique de notre agriculture, que nous appelons de nos vœux, serait une solution active.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. (Marques de surprise feinte sur les travées du groupe SER.)

L'agriculture s'est toujours adaptée aux évolutions du climat, quelle qu'ait été leur nature.

Lutter, c'est résister à un phénomène négatif. Or le changement climatique ne va pas s'opérer de manière identique sur l'ensemble du territoire.

Chez moi, à 850 mètres d'altitude, le changement climatique élargit les périodes de culture et améliore les stocks fourragers, apportant ainsi une solution à un problème qui s'est posé pendant des siècles. Rappelez-vous qu'au début du XIXe siècle il arrivait que des agriculteurs perdent leurs vaches en pleine sécheresse, car ils n'avaient plus les moyens de les nourrir !

Je suis issu d'un territoire où, il fut un temps, il fallait couper les branches des frênes et récupérer leurs feuilles pour éviter que les vaches ne meurent de faim ! Aujourd'hui, plus personne ne grimpe aux arbres pour nourrir ses troupeaux !

M. Laurent Burgoa. Si, dans le Tarn, le long de l'A69 !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. C'est en tout cas rarement le cas !

Pourtant, selon vous, il faudrait « lutter ». Je ne nie pas l'évolution du climat, mais il faut mettre un terme à cette stigmatisation !

Appuyons-nous sur les forces de l'agriculture, qui, pendant des siècles, a toujours évolué face au changement. Au lieu de leur imposer une méthode, laissons faire les agriculteurs : ils se sont toujours adaptés. L'agriculture est performante en la matière.

D'ailleurs, s'ils n'avaient pas su faire preuve de cette qualité, les agriculteurs ne travailleraient pas 70 heures par semaine quand le reste de la société n'en travaille que 35… (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Et sans avoir à grimper aux arbres !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. La lecture de cet amendement donne le sentiment que les agriculteurs seraient les acteurs du changement climatique,...

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Vous avez tout à fait raison.

Mme Annie Genevard, ministre. ... le terme de « lutte » que vous souhaitez introduire donnant l'impression qu'ils devraient lutter contre eux-mêmes pour empêcher le changement climatique. Tout cela me dérange.

Je ne veux pas laisser prospérer cette ambiguïté. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Le précédent débat m'avait laissé l'impression que nous étions tous d'accord pour sortir de l'obscurantisme et de la négation des tabous et que nous étions prêts à regarder les réalités en face, en faisant montre d'un esprit un tant soit peu scientifique.

Quelle absurdité que de considérer que l'agriculture serait finalement la seule activité économique dans notre société qui n'émettrait pas de gaz à effet de serre et qui ne participerait pas au changement climatique !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Nous n'avons pas dit cela !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cela n'a rien à voir !

M. Jean-François Husson. C'est une déformation des propos tenus !

M. Ronan Dantec. Nous retombons dans l'obscurantisme.

J'aurais cru que tout le monde était prêt à faire preuve de sérieux dans nos débats. Je pourrais moi aussi m'exprimer longuement sur la mammite. Au fond, c'est un peu ma jeunesse !

Comment ne pas reconnaître que l'agriculture représente une part significative des émissions de gaz à effet de serre de notre pays ? Ce n'est pas stigmatiser les agriculteurs que de le dire. Au contraire, c'est en refusant de le reconnaître que nous ouvrons la voie à la stigmatisation.

Nous touchons là au cœur de ce débat : soit l'agriculture assume la totalité de ses externalités, comme le reste de la société française, et alors nous pouvons chercher des améliorations, soit nous refusons de mettre les mots sur cette réalité. Je citerais bien Camus, mais, à force de répéter ses phrases justes, on finit par en éteindre la portée.

Refuser d'inscrire la lutte contre le changement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture française dans le texte, c'est refuser l'approche scientifique dans laquelle vous souhaitiez nous engager collectivement il y a un instant.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Du dogmatisme scientifique !

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Passons au vote !

M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, cela vaut le coup de poursuivre la discussion.

M. Jean-François Husson. Il n'y a que vous qui le dites !

M. Daniel Salmon. L'agriculture n'est pas en dehors de la société. Ce secteur doit assumer sa part dans la lutte contre le réchauffement climatique, à moins de considérer que cet enjeu n'a pas d'importance…

L'agriculture produit des gaz à effet de serre : on ne peut pas dire le contraire.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Personne ne le prétend !

M. Daniel Salmon. C'est une affirmation que je lis partout et qui me paraît tout à fait scientifiquement fondée !

Quand on plante des haies – je prends bien sûr cet exemple au hasard ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.) –, on stocke du carbone et, ce faisant, on lutte contre le réchauffement climatique.

Quand on maintient des prairies, on stocke également du carbone et, ce faisant, on lutte contre le réchauffement climatique.

Quand on fait évoluer la ration alimentaire de ses animaux, en promouvant la polyculture-élevage et en renforçant l'élevage herbager, on importe moins de soja brésilien, et, là encore, on lutte contre le réchauffement climatique.

Exclure l'agriculture de cette lutte me paraît donc préjudiciable, à la fois pour la société dans son ensemble et pour les agriculteurs. En effet, nombre d'entre eux sont totalement conscients que cela fait partie de leur travail, en tant qu'agriculteurs, mais aussi en tant que citoyens.

Ce débat me paraît donc complètement hors-sol, ce qui est bien dommage s'agissant d'un projet de loi sur l'agriculture…

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je veux nuancer ce qui vient d'être dit.

Si je partage l'esprit qui préside aux propos qui viennent d'être tenus, il me semble que nous avons trop souvent tendance à prêter attention davantage aux émissions de gaz à effet de serre qu'au bilan global.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Et surtout aux besoins !

M. Franck Montaugé. Certes, l'agriculture émet des gaz à effet de serre, mais elle recourt aussi à des techniques qui permettent, à l'inverse, de capter du carbone.

Plutôt que de rentrer dans une logique d'affrontement, regardons les études et raisonnons en termes de bilan net. Cela apportera à ce débat davantage de sérénité. Ainsi pourrons-nous ouvrir la voie à des techniques appropriées pour réduire le bilan net de la contribution au réchauffement climatique. Voilà comment nous devrions aborder le sujet.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je veux revenir sur les gaz à effet de serre. Ces dernières années, la Commission européenne a poussé les États membres à diminuer leur cheptel.

Dans le même temps, les membres du Mercosur ont augmenté leur cheptel, qui est en quelques années devenu, dans chacun de ces pays, comparable à celui de la France !

De fait, les gaz à effet de serre qui ne sont plus émis en Europe le sont sur le continent sud-américain.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Eh oui, c'est le problème !

M. Daniel Chasseing. Au lieu de cela, nous devrions renforcer notre cheptel pour garantir notre souveraineté. Dans tous les cas, ces gaz à effet de serre sont bien émis, même si c'est en Amérique du Sud !

Plutôt que d'importer du cheptel de ces pays, augmentons notre production, en France comme en Europe.

M. Franck Menonville, rapporteur. Bravo !

M. Vincent Louault. Enfin la bonne parole !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sans chercher à alimenter le débat, je tiens à rappeler, notamment à ceux qui nous regardent, que l'amendement dont il est question ne contient pas un seul mot sur les gaz à effet de serre !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Son objet se réduit aux trois mois suivants : « de lutte et ». Il s'agit donc seulement de lutter contre le changement climatique. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. C'est exactement la même chose !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ces réactions sont en réalité symptomatiques : dès lors que vous manquez d'arguments (Protestations sur les travées du groupe GEST.), par effet cocktail, vous déplacez le sujet du débat pour tenter de culpabiliser toute une profession.

Certes, les agriculteurs émettent des gaz à effet de serre et certains consomment peut-être du gazole non routier (GNR). À quoi voulez-vous revenir ?

M. Ronan Dantec. À la bougie !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je le répète, cet amendement ne fait aucune mention des gaz à effet de serre.

M. Roger Karoutchi. Eh voilà !

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Ces propos sont excessifs, donc assez insignifiants.

Personne ne considère que le monde agricole est seul responsable du réchauffement climatique. Ce n'est absolument pas ce que nous avons dit, …

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ce n'est pas ce que j'ai dit non plus.

M. Michaël Weber. … et personne non plus ne souhaite revenir aux chevaux de trait ou à la bougie, contrairement à ce que vous vous plaisez à laisser croire.

Le constat est partagé par tous, y compris par le monde agricole. Les agriculteurs contribuent au réchauffement et au dérèglement climatiques, ainsi qu'aux émissions de gaz à effet de serre. Non seulement ils en sont conscients, mais ils souhaitent avoir les moyens d'inverser la situation en contribuant à la transition.

C'est le sens de nos amendements.

Monsieur le rapporteur, vous vous honoreriez à soutenir notre démarche, car, là encore, c'est de l'avenir de l'agriculture qu'il est question, un avenir que nous souhaitons tous meilleur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 302 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 303 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Après les mots :

changement climatique

insérer les mots :

et à la raréfaction des ressources naturelles

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise également à préciser l'alinéa 26, en ajoutant que la recherche de « solutions techniques et scientifiques » doit non seulement concerner l'« adaptation au changement climatique », mais également porter sur l'anticipation et l'adaptation « à la raréfaction des ressources naturelles ». En effet, celle-ci aura dès demain un impact sur tous les pans de notre économie, notamment sur l'agriculture.

Nous pensons bien entendu particulièrement à la question de l'eau et à la nécessité de trouver des modes de production plus sobres et plus résilients face à la récurrence de la sécheresse dans nos territoires. Nous avons notamment en tête la viticulture qui, dans certains territoires, pourrait disparaître purement et simplement du fait du manque de précipitations.

Nous n'oublions pas non plus l'appauvrissement de nos sols, victimes d'une agriculture trop intensive qui entraîne une chute de la biodiversité, une perte de rendement, mais également une diminution de la valeur nutritionnelle des aliments.

L'ensemble de ces facteurs doit nous pousser à des efforts accrus en matière de recherche pour rendre notre agriculture plus résiliente.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. La rédaction actuelle des alinéas 26 et 31 répond déjà à cet objectif, sans qu'il soit nécessaire d'en alourdir la rédaction.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 303 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 877, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Remplacer les mots :

nationale et à son approvisionnement alimentaire

par les mots :

et à l'approvisionnement alimentaire nationaux ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 877.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 692, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …°D'adapter les pratiques agricoles à la raréfaction de la ressource en eau ;

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. L'esprit de cet amendement rejoint le précédent. Il s'agit d'ajouter aux priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire, à la suite de l'alinéa 26, l'adaptation des « pratiques agricoles à la raréfaction de la ressource en eau ».

Cette précision me semble indispensable. Cela va d'ailleurs dans le sens des propos de M. le rapporteur, qui a très bien expliqué les problématiques liées à la raréfaction de la ressource en eau pour le monde agricole. Nous en avons notamment observé les effets dans les Pyrénées-Orientales.

Il est donc nécessaire d'adapter les pratiques, notamment au travers du choix des cultures. Aussi est-il essentiel de faire figurer cette précision dans un nouvel alinéa.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Sur mon exploitation, je dispose d'une retenue collinaire de 40 000 mètres cubes, que je remplis assez aisément et qui permet de soutenir les cultures l'été, pendant environ un mois et demi.

Le 17 octobre, à Brives-Charensac, juste en dessous de chez moi, le débit de la Loire a atteint 2 000 mètres cubes par seconde. Le calcul est facile : ma retenue collinaire aurait été remplie en vingt secondes.

S'adapter au changement climatique, c'est aussi s'intéresser à notre capacité de stockage en cas d'excès d'eau, de façon à pouvoir la réutiliser ultérieurement.

Ni la rédaction de cet amendement ni sa présentation ne me donnent le sentiment que ses auteurs partagent ma vision sur ce sujet. C'est bien cela qui me gêne ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait.

Au-delà des propos du rapporteur, les agriculteurs ont compris l'enjeu de l'adaptation à la raréfaction de la ressource en eau. Le choix de cultures moins gourmandes en eau est bien entendu une voie vers laquelle nous devrons nous diriger.

Cependant, monsieur le sénateur, dans les Pyrénées-Orientales, le problème n'est pas l'adaptation à la raréfaction de la ressource en eau. De l'eau, il n'y en a tout simplement pas !

Je me suis trouvée aux côtés d'un arboriculteur, face à son champ : ses arbres étaient morts de soif.

La question n'est pas celle du choix de cultures moins gourmandes en eau, mais c'est bien celle de l'accès à l'eau !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Bien sûr !

Mme Annie Genevard, ministre. Nous aurons d'ailleurs une nouvelle fois ce débat lors de l'examen d'un autre amendement.

L'accès à l'eau est le principal problème. Je le répète : sans eau, il n'y a pas d'agriculture, il n'y a pas de vie !

Nous devons sortir de ce débat idéologique infernal qui ne fait que condamner les agriculteurs. C'est un drame absolu.

Lors de ce déplacement dans les Pyrénées-Orientales, j'ai été particulièrement marquée par la dignité de cet arboriculteur, face à la destruction totale de son outil de travail, simplement parce que l'accès à l'eau lui est interdit.

M. Akli Mellouli. Alors, comment fait-on ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il faut construire le canal qui est prévu depuis si longtemps !

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. La loi Climat et Résilience a opposé un grand nombre de difficultés à l'installation de retenues collinaires. (M. Vincent Louault acquiesce.)

Dans les Pyrénées-Orientales comme dans le reste de nos territoires, les retenues collinaires sont nécessaires pour diversifier les cultures, dans nos champs et dans nos vergers. C'est essentiel.

Ces retenues collinaires ne posent aucun problème vis-à-vis de la ressource en eau. Seule l'eau qui est tombée du ciel est retenue. Il ne s'agit pas de bassines !

Il est indispensable que nous sortions de ce débat, tant pour la diversification que pour l'avenir de l'agriculture. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Nous discutons d'un projet de loi d'orientation agricole, c'est-à-dire d'un texte qui nous donne l'occasion de décider collectivement, en toute lucidité, des défis qui sont devant nous et de la façon d'y répondre. L'alinéa 26 a précisément trait au renforcement de la recherche et de la réflexion collective pour faire face à ces enjeux.

On constate aujourd'hui une augmentation des températures en France d'environ 2 degrés Celsius, ce qui correspond à une augmentation de 1,5 degré Celsius à l'échelon mondial. À l'unanimité, le Conseil national de la transition écologique (CNTE), qui compte en son sein des représentants de la FNSEA, a émis un avis favorable sur l'élaboration d'une trajectoire d'adaptation à +4° C en 2100 pour la France métropolitaine, c'est-à-dire demain... – +4° , cela va taper très fort, et ce sont les scientifiques qui nous le disent !

Dès lors, se retrouver tétanisé au moment de réfléchir aux solutions techniques envisageables face à la raréfaction inéluctable de la ressource en eau est bien loin l'approche lucide que, compte tenu de la gravité de la situation, l'on est en droit d'attendre de la représentation nationale et du Gouvernement.

Si l'on veut sauver l'agriculture française, la gravité et la rapidité du réchauffement ne sauraient être taboues. Ce que nous devons faire désormais n'a rien à voir avec les lentes adaptations de l'agriculture française au cours des siècles, puisque nous sommes face à une situation inédite !

Refuser de mobiliser la recherche et la capacité collective à trouver des solutions face à des événements pourtant parfaitement identifiés et qui ne manqueront pas de survenir, comme vous le faites à chaque fois que nous proposons un amendement en ce sens, revient à envoyer un signal extrêmement négatif, d'abord aux agriculteurs eux-mêmes, sur la connaissance des problèmes à venir.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Le rapporteur a raison : oui, l'agriculture s'est constamment adaptée aux changements climatiques.

C'est bien ce que nous demandons : accompagner les agriculteurs pour qu'ils puissent s'adapter à un changement climatique sans précédent – une augmentation de 2, 3, voire 4 degrés Celsius, comme vient de le rappeler Ronan Dantec –, qui entraînera une raréfaction de la ressource en eau.

Cet amendement ne vise absolument pas à empêcher un travail de recherche sur les retenues collinaires ou les questions d'irrigation. En revanche, il convient de réfléchir aussi à l'adaptation des cultures à la raréfaction de l'eau. Mme la ministre a d'ailleurs donné un très bon exemple de cette situation et elle a posé la bonne question : comment faire quand il n'y a pas d'eau ? Même si l'on peut envisager des pompages çà ou là, l'absence d'eau pose de véritables problèmes !

Je note, par ailleurs, que la réflexion sur l'adaptation de l'agriculture à la raréfaction de la ressource en eau avance très rapidement dans un certain nombre de pays. Je ne comprends donc pas cette opposition stérile à cet amendement, qui ne vise qu'à ajouter ces quelques mots.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. La situation dans les Pyrénées-Orientales que vous avez décrite est en effet effroyable, madame la ministre. C'est justement pour cela que nous voulions ajouter la lutte contre le réchauffement climatique dans le texte. S'il y a bien une urgence, c'est bien cette lutte !

Tout en luttant, il faut aussi s'adapter. Ce que nous vivons aujourd'hui et ce que nous vivrons dans les prochaines décennies n'a rien à voir avec ce qui s'est passé lors des siècles précédents. Il faut se rendre à cette évidence : nous devrons faire le deuil du climat que nous avons connu.

Il est vrai qu'en ce moment il pleut beaucoup ; la Bretagne, notamment l'Ille-et-Vilaine, n'a pas manqué d'eau ces derniers jours... Pour autant, cela ne veut pas dire qu'il y aura suffisamment d'eau l'été prochain.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Vous disiez la même chose en 2022, quand le climat était sec !

M. Daniel Salmon. La hausse des températures entraîne en effet une augmentation de l'évaporation. Il faudra bien adapter les cultures à ces données pédoclimatiques !

Nous devons absolument prendre en compte la raréfaction de la ressource en eau, qui surviendra quoi qu'il arrive. Même s'il y a des épisodes très pluvieux, nous connaîtrons aussi des sécheresses ; lorsque les températures sont plus élevées, on a davantage besoin d'eau.

Il est tout de même terrible de se dire que l'on est une fois de plus en train de refuser l'obstacle en ne se mettant pas en position de répondre, demain, au défi climatique !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Votons !

M. Daniel Salmon. Même en anticipant et en préparant ces situations, nous serons confrontés à des difficultés. Dans ces conditions, ne rien faire en pensant que l'agriculture de demain sera simplement la perpétuation de celle d'hier nous expose à de sérieuses déconvenues !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 692.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 613 rectifié ter, présenté par M. M. Weber, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Mérillou et Pla, Mme S. Robert, MM. Lurel, Bourgi, Ros, Fichet et Devinaz, Mmes Linkenheld et Poumirol et M. Chantrel, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Après le mot :

agriculture

Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et de l'apiculture, en matière de services environnementaux et d'aménagement du territoire, notamment ceux fournis par la pollinisation entomophile ;

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Cet amendement vise à inscrire le rôle de l'apiculture, via la pollinisation entomophile, parmi les externalités positives de l'agriculture.

L'apiculture assure un service de pollinisation au profit des cultures et de la flore sauvage. Sans pollinisation, 80 % des plantes cultivées en Europe ne survivraient pas. Cette branche de l'agriculture est peut-être celle qui est la plus sensible aux dégradations environnementales.

Cette filière est un indicateur de biodiversité. À ce titre, elle doit jouer un rôle prépondérant dans l'orientation des politiques agricoles.

M. le président. L'amendement n° 528 rectifié bis, présenté par MM. Masset, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Après le mot :

agriculture

insérer les mots :

, et particulièrement de l'apiculture,

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. L'importance de la pollinisation entomophile pour la pérennité, la diversité et la qualité de notre alimentation est indiscutable. La production de semences, l'arboriculture fruitière, la viticulture, la production maraîchère et l'horticulture, entre autres, dépendent de l'activité pollinisatrice des insectes. Celle-ci est nécessaire à la survie de 84 % des plantes cultivées en Europe et améliore les rendements à l'échelle mondiale de 20 % à 30 % en moyenne.

La reconnaissance des services environnementaux rendus par l'apiculture étant essentielle, il convient de mentionner explicitement cette activité dans le projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Tout le monde aime les abeilles et connaît leur rôle irremplaçable. Pour autant, si l'on commence à énumérer toutes les espèces qui sont des indicateurs de bonne santé en matière de biodiversité, nous n'avons pas fini, car la liste est longue... (Marques d'approbation au banc des commissions.)

Par ailleurs, ces amendements sont satisfaits. En effet, aux termes de l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime, « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ».

Cet article répond pleinement à la préoccupation qui est exprimée au travers de ces amendements et à laquelle nous souscrivons tous : la préservation des abeilles. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 613 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 528 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 107 rectifié, présenté par MM. Daubet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Compléter cet alinéa par les mots :

et d'entretien des paysages

La parole est à M. Raphaël Daubet.

M. Raphaël Daubet. Cet amendement a pour objet de préciser et compléter les finalités de la politique menée en faveur de l'agriculture et de l'alimentation. À cette fin, il vise à citer explicitement l'objectif « d'entretien des paysages », externalité incontournable au croisement de plusieurs politiques publiques incluant le tourisme, le cadre de vie et la sécurité incendie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l'article 8 du projet de loi, relatif aux orientations programmatiques en matière d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations, dont l'objet est notamment de « maintenir un nombre d'exploitants agricoles suffisant sur l'ensemble du territoire pour répondre aux enjeux d'aménagement du territoire, d'accessibilité, d'entretien des paysages, de biodiversité et de gestion foncière ». Peut-être cette rédaction vous conviendra, mon cher collègue.

C'est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. J'inverse la charge de la preuve : c'est parce qu'il y a des activités agricoles que les paysages sont entretenus. En effet, leur entretien est non pas l'une des finalités de ces activités, mais leur conséquence. Aussi, tous ceux qui considèrent que l'élevage est mauvais pour l'environnement, pour la santé humaine, ou que sais-je encore, compromettent la beauté et l'entretien de nos paysages !

Pour cette raison, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement. Pour autant, je vais simplement en demander le retrait, car, comme l'a rappelé M. le rapporteur, l'entretien des paysages est déjà reconnu, notamment à l'alinéa 27 de l'article 1er de ce projet de loi.

M. Raphaël Daubet. Je retire l'amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 107 rectifié est retiré.

L'amendement n° 693, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 27

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …°D'accompagner les agriculteurs pour limiter l'utilisation de produits phytosanitaires, d'engrais de synthèse et d'intrants chimiques ;

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Mme la ministre a eu l'occasion de souligner que nous souhaitions tous la diminution des intrants pour des questions non seulement de santé, mais aussi de souveraineté. Cet amendement va dans ce sens.

Le déclenchement de la guerre en Ukraine a mis au jour la grande dépendance de la France aux engrais azotés. On le sait, 80 % des fertilisants azotés consommés en France sont importés, ce qui est une source de vulnérabilité pour les filières agricoles. Par ailleurs, nous importons près de la moitié des consommations intermédiaires de l'agriculture : engrais, pesticides, acides aminés, tourteaux.

Aucune politique de souveraineté alimentaire digne de ce nom ne peut exister sans une réduction drastique de notre dépendance aux intrants. Cet amendement tend à nous en donner les moyens et à aider les agriculteurs à sortir de cette dépendance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. La France est d'ores et déjà engagée dans cette trajectoire au travers du plan Écophyto II+, qui vise à diminuer la consommation de produits phytopharmaceutiques, et ce, tout d'abord, parce que cela coûte cher.

M. Guillaume Gontard. Cela porte sur autre chose !

Mme Annie Genevard, ministre. En effet, cela coûte en termes de charges pour l'exploitant, d'effets sur l'environnement parfois et, surtout, de débats incessants et quelquefois infondés. Il arrive en effet que l'on ait besoin de médicaments pour soigner les plantes, de même que l'on en a besoin pour soigner les humains. (M. le rapporteur et M. Vincent Louault acquiesce.) Or tous les médicaments ne sont pas ravageurs pour la santé humaine et l'environnement !

La stratégie Écophyto existe ! Il faut également citer le plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada), qui a pour objectif de préparer la sortie de l'autorisation des produits phytopharmaceutiques.

Écoutez-moi, monsieur le sénateur !

M. Guillaume Gontard. Je vous écoute !

Mme Annie Genevard, ministre. Je le répète, notre pays a déjà une politique de réduction des produits phytopharmaceutiques. Les laboratoires de recherche fondamentale, ceux de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et des instituts techniques, travaillent aussi sur ces questions et sur de futures solutions.

Puisque cette stratégie existe déjà, en droit et dans la réalité des faits, il n'est pas nécessaire d'en faire mention dans le projet de loi. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je vous ai écoutée attentivement, madame la ministre !

L'article 1er dresse la liste des orientations relatives à l'évolution et à l'accompagnement dans le domaine agricole. Parmi tous les points que nous avons évoqués, il est vrai que des mesures sont déjà prises – heureusement !

Il est nécessaire de diminuer la consommation de produits phytopharmaceutiques, comme vous l'avez très bien expliqué, parce que cela coûte cher en termes de souveraineté, de santé, de pollution des eaux et des sols. Cela répond à une impérieuse nécessité. Compte tenu de ce que vous avez dit sur les politiques déjà mises en place, je ne comprendrai donc pas que la mention, essentielle, que nous proposons, ne figure pas dans le texte.

Par ailleurs, on le sait, les politiques que vous avez citées ne fonctionnent pas totalement. En effet, les volumes d'intrants consommés n'ont pas diminué au cours des dix dernières années ; ils sont plutôt en augmentation. C'est pourquoi il faut travailler encore sur cette question sanitaire et progresser, dans l'intérêt des agriculteurs et dans l'intérêt général.

Je ne comprends pas les arguments que vous invoquez pour rejeter cet amendement. Vous semblez dire qu'il ne faut pas discuter de ces sujets, alors même qu'il faut répéter que ces produits ont un impact très important sur la santé humaine et sur les pollinisateurs, notamment les abeilles.

Nous avons tous intérêt, collectivement, à diminuer la consommation de ces produits !

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Lorsque l'on parle des intrants, je pense notamment aux engrais. À cet égard, les documents publiés par l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, également appelé (FranceAgriMer) sont presque devenus ma Bible, parce qu'ils contiennent énormément d'informations intéressantes. Je commence d'ailleurs à craindre pour son avenir, car, en général, lorsque les écologistes disent du bien d'un organisme, la réaction est rapide et l'on essaye de lui couper les vivres... Méfiance ! Je n'en dirai donc pas trop de bien. (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

On nous parle de souveraineté. D'après les chiffres de FranceAgriMer, sont importés en Europe 30 % de l'azote consommé, 68 % du phosphore et 85 % de la potasse. En la matière, nous ne sommes pas très souverains !... Et je ne parle pas du phosphate que l'on importe, lequel est rempli de cadmium que l'on retrouve dans nos baguettes. Quand vous mangez un morceau de pain, vous mangez un peu de cadmium en même temps ! Je ne l'ai pas inventé, cela figure dans une étude qui vient d'être publiée.

Il nous faut donc nous demander en quoi la consommation de ces engrais nous rend souverains.

J'en viens aux médicaments destinés aux plantes, dont vous avez parlé, madame la ministre. On dit beaucoup aujourd'hui qu'il ne faut pas prendre des antibiotiques tous les jours, et pas de façon préventive. Hélas, dans l'agriculture, de nombreux traitements sont administrés à titre préventif.

M. Laurent Somon. Non, c'est fini !

M. Daniel Salmon. Si, c'est tout à fait vrai !

Les premières pousses ont à peine germé qu'on les traite déjà avec des produits phytopharmaceutiques. Nous, nous ingurgitons les résidus de ces pesticides, ce qui nous rend malades au lieu de nous soigner.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. L'exemple des antibiotiques est très bon.

En moins de dix ans, la consommation d'antibiotiques destinés aux animaux d'élevage a baissé de 60 % (MM. Guillaume Gontard et Daniel Salmon s'exclament.), tandis qu'elle a augmenté de 12 % pour les chiens et les chats domestiques, et de 23 % pour nous, les humains ! La résistance aux antibiotiques est donc bien la conséquence de notre propre consommation.

Le parallèle qui vient d'être établi entre les antibiotiques et les traitements phytosanitaires est malheureux. Je rappelle que la consommation de traitements phytosanitaires est en diminution, parce que les firmes produisent des produits plus concentrés. Si cette consommation a augmenté en volumes, c'est uniquement parce que la part des activités bio étant plus importante, il a fallu en parallèle augmenter le volume de traitements lourds...

Il serait plus honnête de ne pas tordre les chiffres.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 693.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 413 rectifié ter, présenté par MM. M. Weber, Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 27

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...°De concourir à la réduction d'usage des produits phytosanitaires pour une agriculture moins dépendante en pesticides, en cohérence avec le plan Ecophyto et la stratégie européenne de la ferme à la table ; 

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Cet amendement vise à inscrire l'objectif de réduction de l'usage des pesticides, dont l'impact sur la santé, les sols et la qualité de l'eau a été largement évoqué, parmi les priorités des politiques agricoles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 413 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 170 rectifié quinquies est présenté par Mme Josende, M. Burgoa, Mme M. Mercier, MM. Panunzi et Khalifé, Mme Belrhiti, M. P. Vidal, Mme Dumont, MM. Rapin, Brisson, Lefèvre et C. Vial, Mmes Borchio Fontimp, Di Folco et Ventalon et MM. Belin, J.B. Blanc et Cuypers.

L'amendement n° 544 rectifié quater est présenté par MM. Sol et Bonhomme, Mme Muller-Bronn, MM. Bouchet et Bruyen, Mme Drexler, MM. Klinger et Chatillon, Mmes Lassarade, Micouleau, P. Martin et Gruny et MM. H. Leroy, Genet, Milon et Gremillet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 27

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...°De préserver et de développer les réseaux d'irrigation indispensables au maintien de l'agriculture et de ses externalités positives ; 

La parole est à M. Laurent Burgoa, pour présenter l'amendement n° 170 rectifié quinquies.

M. Laurent Burgoa. L'eau est définitivement notre ressource la plus précieuse. Sans eau, pas d'agriculture, pas de vie !

Face aux graves sécheresses causées par le dérèglement climatique, que nous observons dans les Pyrénées-Orientales, département de Lauriane Josende, à l'origine de cet amendement, mais qui existe aussi dans celui où je suis élu, le Gard, l'accès raisonné à l'eau doit être une priorité absolue.

Mes chers collègues, en votant cet amendement, vous offrirez une visibilité nécessaire et indispensable à la problématique de l'accès raisonné à l'eau pour nos territoires agricoles en souffrance.

M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour présenter l'amendement n° 544 rectifié quater.

M. Jean Sol. Cet amendement vise à inclure la prise en compte de la préservation et du développement des réseaux d'irrigation dans les finalités des politiques en faveur de la souveraineté alimentaire.

En effet, les réseaux d'irrigation sont incontournables pour le maintien de l'agriculture et de ses externalités positives. Les territoires proches du littoral méditerranéen, par exemple, qui sont confrontés à de nombreux épisodes de sécheresse, en ont fortement besoin pour pérenniser leur agriculture, laquelle est indispensable à l'activité économique, à son développement et à la protection de l'environnement.

M. le président. L'amendement n° 42 rectifié bis, présenté par MM. Sol, Burgoa et Khalifé, Mme Malet, MM. Reynaud et Klinger, Mmes Belrhiti, Josende et Petrus, MM. P. Vidal, H. Leroy, Perrin et Rietmann, Mmes Micouleau et Muller-Bronn, M. Saury, Mme Drexler, M. Genet, Mmes Gosselin et Lassarade, MM. Bruyen et Chatillon, Mmes Joseph, Borchio Fontimp, Imbert et Gruny et MM. J.B. Blanc, Gremillet et Cuypers, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 28 

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De préserver et de développer les réseaux d'irrigation indispensables au maintien de l'agriculture et de ses externalités positives, en particulier dans les territoires proches du littoral méditerranéen régulièrement confrontés à des périodes de sécheresse ;

La parole est à M. Jean Sol.

M. Jean Sol. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 42 rectifié bis.

En revanche, elle émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 170 rectifié quinquies et 544 rectifié quater.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 170 rectifié quinquies et 544 rectifié quater, sous réserve d'une modification de rédaction.

Il semble en effet souhaitable de remplacer les mots : « les réseaux d'irrigation indispensables au maintien de l'agriculture et de ses externalités positives » par les mots « un accès raisonné à l'eau ». Cela ouvrirait un choix beaucoup plus large de dispositifs, qu'il s'agisse de la réutilisation des eaux usées, du prélèvement ou du stockage. Cela correspond à la rédaction précédente de ces amendements identiques, laquelle me paraît préférable – elle était d'ailleurs excellente.

C'est pourquoi je propose un sous-amendement visant à rectifier les amendements identiques en ce sens.

Sur l'amendement n° 42 rectifié bis, qui est un amendement de repli, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 939, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

les réseaux d'irrigation indispensables au maintien de l'agriculture et de ses externalités positives

par les mots :

un accès raisonné à l'eau

Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement. Elle préfère que soit adoptée la version proposée par les auteurs de ces amendements et que cela figure ainsi dans le texte.

Les sénateurs qui ont déposé ces amendements identiques sont issus de territoires dans lesquels il n'est désormais plus question de « se raisonner ». Il faut trouver une solution, et celle de l'irrigation est nécessaire ! Cela ne date pas d'hier, puisque le canal qui devait être construit il y a plus d'un siècle ne l'a pas été. Il y a cent ans, on se posait déjà les mêmes questions...

Arrêtons de raisonner et travaillons, en faisant les choses correctement, car la rédaction que nous retiendrons doit avoir l'impact le plus direct possible.

M. le président. Madame la ministre, le sous-amendement n° 939 est-il maintenu ?

Mme Annie Genevard, ministre. Absolument, monsieur le président, même s'il eût été plus simple de le retirer. (Sourires.)

Sur cette question absolument majeure de l'eau et pour avoir observé d'innombrables situations de manque d'eau, ainsi que des possibilités tout aussi innombrables de les résoudre, je considère que l'expression « un accès raisonné à l'eau » constitue une meilleure formulation, car elle recouvre davantage de dispositifs techniques permettant d'apporter une solution à ce problème crucial.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que ce sous-amendement soit mis aux voix, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 939.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 170 rectifié quinquies et 544 rectifié quater.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 42 rectifié bis n'a plus d'objet.

Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 716 rectifié, présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

I. Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 8° De promouvoir la préservation, la conversion et le développement de l'agriculture et des filières biologiques, au sens de l'article L. 641-13, pour atteindre, d'ici au 1er janvier 2027, 18 % de surface agricole utile cultivée en agriculture biologique et en 2030, 21 % de surface agricole utile cultivée en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que les autres objectifs inscrits dans le programme national sur l'ambition en agriculture biologique, en permettant à la fois aux filières biologiques d'accéder à l'ensemble des outils nécessaires au pilotage des volumes, au suivi des marchés, à la collecte des données de production et de partage de la valeur et en stimulant la demande par la communication sur l'agriculture biologique, et la fixation d'objectifs de consommation par secteur. Les politiques d'installation et de transmission d'exploitations agricoles concourent à ces objectifs ;

II. Alinéa 29

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« 9° De préserver la surface agricole utile, de promouvoir l'autonomie de la France et de l'Union européenne en protéines, notamment en portant la surface agricole utile cultivée en légumineuses à 10 %... (le reste sans changement)

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement vise à réintroduire dans le code rural et de la pêche maritime des objectifs de surfaces agricoles cultivées en agriculture biologique. En effet, ce système de production est considéré par France Stratégie comme le plus abouti de l'agroécologie, alliant performance environnementale et économique.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 112 rectifié est présenté par M. Gold, Mme Jouve, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

L'amendement n° 773 rectifié ter est présenté par MM. Stanzione et P. Joly, Mme Conway-Mouret, MM. Omar Oili, Pla et Bourgi, Mme Monier et MM. Chaillou et Michau.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 8° De promouvoir la préservation, la conversion et le développement de l'agriculture et des filières biologiques, au sens de l'article L. 641-13, pour atteindre, d'ici au 1er janvier 2027, 18 % de surface agricole utile cultivée en agriculture biologique et en 2030, 21 % de surface agricole utile cultivée en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que les autres objectifs inscrits dans le programme national sur l'ambition en agriculture biologique, en permettant à la fois aux filières biologiques d'accéder à l'ensemble des outils nécessaires au pilotage des volumes, au suivi des marchés, à la collecte des données de production et de partage de la valeur et en stimulant la demande par la communication sur l'agriculture biologique, et la fixation d'objectifs de consommation par secteur. Les politiques d'installation et de transmission d'exploitations agricoles concourent à ces objectifs ;

La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l'amendement n° 112 rectifié.

M. Philippe Grosvalet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour présenter l'amendement n° 773 rectifié ter.

M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise à réintroduire dans le code rural et de la pêche maritime des objectifs de surfaces agricoles cultivées en agriculture biologique. Les dispositions de ce code s'aligneraient ainsi avec les différents plans publics, notamment avec les objectifs inscrits dans la déclinaison de la politique agricole commune (PAC) appelée plan stratégique national (PSN), qui prévoit 18 % de surfaces bio en 2027, et, dans le cadre de la planification écologique, 21 % de surfaces bio en 2030.

Comme cela vient d'être dit, ce système de production est considéré par France Stratégie comme le plus abouti de l'agroécologie, alliant performance environnementale et économique.

M. le président. L'amendement n° 564 rectifié, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 8° De promouvoir la préservation, la conversion et le développement de l'agriculture et des filières biologiques, au sens de l'article L. 641-13, pour atteindre, en 2030, 21 % de surface agricole utile cultivée en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que les autres objectifs inscrits dans le programme national sur l'ambition en agriculture biologique, en permettant à la fois aux filières biologiques d'accéder à l'ensemble des outils nécessaires au pilotage des volumes, au suivi des marchés, à la collecte des données de production et de partage de la valeur et en stimulant la demande par la communication sur l'agriculture biologique, et la fixation d'objectifs de consommation par secteur. Les politiques d'installation et de transmission d'exploitations agricoles concourent à ces objectifs ;

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement a un objet similaire.

L'ambition de ce projet de loi est de relever le défi du renouvellement des générations. En ce sens, l'agriculture biologique est centrale, puisqu'elle est plébiscitée par les jeunes qui souhaitent s'installer en agriculture : 30 % à 50 % des futurs agriculteurs et agricultrices veulent faire du bio, parce qu'ils recherchent une activité qui ait du sens et qui apporte une qualité. L'agriculture biologique apporte ce sens et cette qualité.

Le secteur bio a fait ses preuves en matière économique et environnementale. Il a su créer son propre marché, qui atteint aujourd'hui plus de 13 milliards d'euros. S'il connaît des difficultés aujourd'hui, ce n'est surtout pas le moment de baisser pavillon ! Nous devons au contraire être très volontaires, car ce système d'avenir a su convaincre les agriculteurs : 16 % des fermes françaises sont aujourd'hui en bio.

Il faut conforter cet objectif, même si la filière connaît des difficultés, parce que la France doit être ambitieuse pour ses agriculteurs, pour son environnement et pour ses citoyens.

M. le président. L'amendement n° 806, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 8° De promouvoir la préservation, la conversion et le développement de l'agriculture et des filières biologiques, au sens de l'article L. 641-13, en veillant à l'adéquation entre l'offre et la demande sur le marché national, pour atteindre les objectifs inscrits dans le programme national sur l'ambition en agriculture biologique, et d'atteindre une surface agricole utile cultivée en agriculture biologique de 21 % au 1er janvier 2030 ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à réintroduire, à l'alinéa 28, l'ambition en matière de promotion, de préservation et de développement de l'agriculture et des filières biologiques. Il s'agit également, dans un souci de visibilité et de cohérence avec l'alinéa 29, de réintroduire un objectif chiffré.

L'objectif retenu est celui qui figure dans le programme national pour l'agriculture biologique, dit Ambition Bio 2027, soit 21 % de surfaces agricoles utiles cultivées en agriculture biologique d'ici au 1er janvier 2030. Pour avoir participé à la discussion sur ce sujet à l'Assemblée nationale, je puis vous dire que cette question a beaucoup fait débat !

L'objectif de 21 % de surfaces agricoles en bio, qui est connu et figure dans de nombreux documents et lois, représente une perspective. C'est d'ailleurs presque un idéal parce qu'aujourd'hui le taux de surface agricole utilisée en bio est d'environ 10 % et il est déjà difficile de trouver des débouchés (Mme la présidente de la commission acquiesce.), du fait d'une crise de la demande.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le marché du bio est en grande difficulté, vous avez été nombreux à le rappeler. Par conséquent, on pourra m'objecter que, compte tenu des problèmes que cette filière rencontre déjà, sa situation ne pourra que s'aggraver avec un taux de 21 %. Ce débat existe, j'en ai parfaitement conscience. Pour autant, cet objectif demeure, même s'il mériterait d'être adapté à la réalité du marché.

Il ne me paraît pas judicieux d'ouvrir cette discussion à ce stade. L'Assemblée nationale tenait beaucoup au maintien de cet objectif et nous devons tenir compte de son avis. Nous en discuterons avec M. le rapporteur, même si je ne me fais guère d'illusions sur ma capacité à le convaincre... (Sourires au banc des commissions.)

D'une part, il me paraît essentiel de restaurer cet objectif auquel tient la moitié du Parlement français. D'autre part, il s'agit d'envoyer des signaux à l'agriculture biologique, qui est en souffrance, en lui confirmant qu'elle a un avenir et des perspectives de développement. Dans certains territoires, 40 % des terres sont cultivées en bio. Il faut se garder de décourager les agriculteurs qui ont fait un choix résolu, ambitieux et audacieux dans cette direction.

C'est donc pour éviter qu'un débat ne s'ouvre de nouveau sur ce sujet que j'ai repris cet objectif de 21 %, qui figure non seulement dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, mais aussi dans de nombreux autres documents, notamment dans le programme national pour l'agriculture biologique.

Article 1er (suite) (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Discussion générale

8

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, au vu de l'avancement de nos travaux et du nombre d'amendements restant encore en discussion sur ce projet de loi, en accord avec le Gouvernement et la commission des affaires économiques, nous pourrions ne pas siéger ce vendredi 7 février.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures,

est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

9

Souveraineté alimentaire et agricole

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Dans la discussion de l'article 1er, nous avons entamé l'examen de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Cinq d'entre eux ont d'ores et déjà été présentés.

L'amendement n° 305 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et M. Weber, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Remplacer les mots :

l'installation économiquement viable d'exploitations agricoles en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, et un

par le mot :

le

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 304 rectifié ter qui suit. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai donc d'abord ce dernier.

Mme la présidente. Volontiers, mon cher collègue.

L'amendement n° 304 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et M. Weber, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Remplacer les mots :

l'installation économiquement viable d'exploitations agricoles

par les mots :

le développement, la conversion et la préservation de la surface agricole utile cultivée

Veuillez poursuivre, monsieur Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l'alinéa 28 qui, en l'état, laisse penser que l'installation en agriculture biologique ne devrait être encouragée que si les exploitations sont économiquement viables.

Nous avons bien conscience que, par définition, la recherche de la viabilité économique est une condition majeure, voire indispensable, pour qu'un projet d'installation soit mené à bien. Cette réalité s'impose d'ailleurs dans quasiment tous les pans de notre économie.

Toutefois, nous avons également conscience que les rapporteurs de notre commission des affaires économiques ne sont pas très enthousiastes quand il est question de transition agroécologique ou de soutien à l'agriculture biologique.

Alors, pourquoi inscrire dans la loi que le soutien aux installations sera conditionné à leur viabilité économique pour la seule agriculture biologique et non pour tous les modes de production ?

Soit nous considérons, comme nous venons de le dire, que la viabilité économique est une condition sine qua non de l'installation, auquel cas il est inutile d'inscrire cette précision dans la loi ; soit il faut apporter cette précision pour toutes les productions, et non pas seulement pour celles de l'agriculture biologique.

Pour notre part, nous proposons une nouvelle rédaction de l'alinéa 28 qui précise que nos politiques publiques agricoles visent à favoriser « le développement, la conversion et la préservation » des surfaces cultivées en agriculture biologique, notamment pour nous permettre d'atteindre les objectifs définis dans la loi.

L'amendement de repli n° 305 rectifié ter vise quant à lui à donner pour objet à l'alinéa 28 le soutien à l'installation et au développement de l'agriculture biologique, sans préciser que celle-ci doit nécessairement être économiquement viable en amont, cette mention semblant superfétatoire.

Mme la présidente. L'amendement n° 306 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Remplacer les mots :

en adéquation avec la demande de ces produits

par les mots :

en veillant à l'adéquation entre l'offre et la demande sur le marché national

La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Il s'agit d'un autre amendement de repli. Comme M. Stanzione l'a indiqué, la logique adéquationniste semble n'être appliquée que pour l'agriculture biologique. Nous nous inscrivons en faux contre cette vision. Pourquoi ce traitement particulier ?

Madame la ministre, j'ai bien entendu les propos que vous avez tenus juste avant la suspension de séance, et il ne s'agit pas ici de rouvrir le débat sur les objectifs de surface cultivée en bio. Mais tout de même, en ce qui concerne la demande de produits biologiques, l'État lui-même est le premier à ne pas respecter la loi Égalim !

Nous le savons très bien, la commande publique ne réglera pas tous les problèmes. Toutefois, si seulement, à l'image de la très grande majorité des collectivités, l'État était au rendez-vous de la loi Égalim, la demande serait plus forte, l'agriculture biologique se porterait bien mieux et cela encouragerait évidemment davantage les jeunes à s'installer. Pour rappel, en Bretagne, près de 40 % des installations se font en agriculture biologique.

Là encore, nous n'opposons pas les modèles, mais il convient de soutenir cette tendance. Monsieur le rapporteur, nous souhaitons non pas suivre une logique strictement adéquationniste, mais indiquer simplement qu'il convient de veiller à l'équilibre entre l'offre et la demande, sans en faire une condition stricte.

Mme la présidente. L'amendement n° 887, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 28

1° Remplacer la première occurrence des mots :

de ces 

par le mot :

des

2° Après la première occurrence du mot :

produits

insérer les mots :

issus de ce mode de production

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 807, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 29

Supprimer les mots :

, d'atteindre une surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10 % d'ici au 1er janvier 2030 et de tendre à l'autonomie protéique en 2050

II. – Après l'alinéa 29

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De promouvoir l'autonomie de l'Union européenne et de la France en protéines, en fixant un objectif national de surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10 % d'ici au 1er janvier 2030 et d'atteinte de l'autonomie protéique nationale en 2050 ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à promouvoir la production de légumineuses, afin d'atteindre l'autonomie de l'Union européenne et de la France en protéines. Nous proposons donc d'inscrire à cet article un objectif national de surface agricole utile (SAU) cultivée en légumineuses de 10 % d'ici au 1er janvier 2030 et d'atteinte de l'autonomie protéique nationale en 2050.

Mme la présidente. L'amendement n° 307 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et M. Weber, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Après le mot :

cultivée

insérer les mots :

en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime de 21 % et

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement, très important pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, vise à réintroduire dans le projet de loi un objectif chiffré pour la surface agricole cultivée en agriculture biologique.

Nous regrettons fortement le choix des rapporteurs de supprimer un tel objectif. Cette volonté, exprimée lors de l'examen de l'article 1er en commission, s'est également traduite par la suppression de l'article 8 bis, qui définissait des objectifs chiffrés tant pour le bio que pour les légumineuses.

En commission, les rapporteurs ont indiqué que l'article 8 bis était satisfait par la rédaction de l'article 1er. Nous ne partageons pas ce constat. Il nous apparaît que le texte adopté par la commission des affaires économiques du Sénat ne comporte plus aucun objectif chiffré pour l'agriculture biologique. À notre sens, il ne s'agit pas là d'un oubli.

Pis, à la page 140 du rapport, il est indiqué que l'objectif de 21 % de la SAU cultivée en bio serait moins-disant que celui de 18 % en 2027, fixé dans le plan stratégique national (PSN), ou que celui de 25 % en 2030, fixé par l'Europe. En conséquence, selon les rapporteurs, fixer un tel objectif dans le projet de loi « se traduirait par un ralentissement du rythme de conversion à l'agriculture biologique en fin de programmation ».

Messieurs les rapporteurs, ne venez pas nous faire croire que vous avez supprimé cet objectif chiffré parce que vous avez craint qu'il ne vienne ralentir le développement du bio en France !

Je vous le rappelle, l'Assemblée nationale a déjà eu ce débat. La suppression de cet objectif chiffré en commission avait suscité une telle levée de boucliers que, devant la fronde, le Gouvernement lui-même avait été contraint de consentir à sa réintroduction en séance publique, par l'adoption de dix amendements identiques déposés par chacun des groupes politiques de l'Assemblée nationale, à l'exception du Rassemblement national.

Les sénateurs du groupe SER, fervents défenseurs de l'agriculture biologique et de son développement, n'opposent pas pour autant les agricultures entre elles.

Par cet amendement, nous proposons donc de réintroduire dans le projet de loi l'objectif chiffré d'atteindre 21 % de SAU cultivée en agriculture biologique au 1er janvier 2030.

Plus tard, nous proposerons également de rétablir l'article 8 bis, supprimé en commission sur l'initiative des rapporteurs.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sur l'amendement n° 306 rectifié ter, la commission a émis un avis favorable. (M. Christian Redon-Sarrazy s'en réjouit.)

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 807 du Gouvernement, qui vise à fixer des objectifs pour la culture des légumineuses.

En revanche, la commission émet un avis défavorable à l'ensemble des amendements visant à faire figurer à cet article un objectif de 21 % de la SAU cultivée en bio.

Objectivement, alors que 8 % de la surface agricole est cultivée en bio, alors que la consommation de ces produits est en plein marasme et que les producteurs n'arrivent pas toujours à vendre correctement leurs produits, fixer un tel objectif, en totale inadéquation avec la consommation, ne revient-il pas à prendre les agriculteurs pour des imbéciles ?

Il faut sortir de cela. L'agriculture biologique a une place, au même titre que tous les produits issus d'un cahier des charges qui demande beaucoup d'efforts. Comme les appellations d'origine protégée (AOP), les indications géographiques protégées (IGP) et le label rouge, elle doit être portée et sublimée pour avoir une véritable valeur, son prix permettant au consommateur de savoir que, derrière un produit, il achète aussi un cahier des charges.

Vouloir en faire un dogme politique, vouloir imposer un objectif de surface pour dire aux Français que, même s'ils n'ont pas les moyens de se payer ces produits, ils devront quand même les acheter, dans la perspective de faire baisser les prix, cela revient obligatoirement à conduire les agriculteurs dans le mur !

C'est ce que nous vivons aujourd'hui. Quand la moitié de la production laitière bio repasse en culture conventionnelle, il n'est pas juste de prétendre qu'on va encore plus produire de laits bio ! On impose aux éleveurs des collectes différentes, pour qu'ensuite à l'usine le lait bio et le lait conventionnel soient mélangés !

Il faut arrêter avec ces postures, qui reviennent à prendre des gens en otage !

M. Christian Redon-Sarrazy. Ce ne sont pas des postures !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Permettez-moi de vous lire la rédaction que la commission propose de retenir pour l'alinéa 28 : il s'agit de « favoriser l'installation économiquement viable d'exploitations agricoles en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, et un développement de la surface agricole utile cultivée en agriculture biologique en adéquation avec la demande de ces produits, en réduisant les importations de ces produits et en développant l'appareil industriel de transformation agroalimentaire pour diversifier l'offre et répondre au mieux à la demande ». Voilà une rédaction objective !

Sur tous les amendements en discussion commune, à l'exception de ceux que j'ai cités au début de mon avis, la commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le rapporteur, il ne s'agit que de « promouvoir » le bio, selon la rédaction proposée par le Gouvernement et retenue par l'Assemblée nationale, ou de le « favoriser », selon celle que vous préférez retenir, et en aucun cas d'obliger quiconque à s'y convertir.

Dans la rédaction de l'amendement n° 806, nous employons le terme de « préservation ». Aujourd'hui, pour l'agriculture biologique, l'enjeu est plutôt le maintien et la préservation que la conversion, car le marché est extrêmement difficile.

Il faut donc favoriser la préservation de cette agriculture. Vous relèverez que c'est le premier terme que nous faisons figurer dans l'énumération présente dans le dispositif de notre amendement : là est l'urgence. Il y a actuellement moins de conversions et plus de difficulté à se maintenir, ce qui va jusqu'à entraîner parfois des déconversions.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il y en a beaucoup !

Mme Annie Genevard, ministre. Par conséquent, l'adéquation au marché n'est pas un sujet que l'on peut rayer d'un trait de plume, en disant qu'il faut sortir de la logique adéquationniste ! Il faut évidemment rechercher la viabilité économique.

On ne peut pas dire aux agriculteurs en bio que leur équilibre économique importe peu, car de toute façon leur activité aura été vertueuse. Il faut évidemment chercher une adéquation entre l'offre et la demande, sinon on envoie délibérément les gens dans le mur ! D'ailleurs, la notion d'adéquation figure dans la rédaction retenue par votre commission, tout comme dans celle de l'amendement n° 806 du Gouvernement.

Si nous préférons celui-ci à d'autres propositions en discussion, c'est parce que nous souhaitons « promouvoir la préservation, la conversion et le développement » de l'agriculture bio, avec un objectif chiffré qui, vous l'avez rappelé, a fait débat lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale.

Monsieur le rapporteur, je comprends vos propos : aujourd'hui, on ne compte que 10 % de surface bio en France…

M. Laurent Duplomb, rapporteur. 8 % !

Mme Annie Genevard, ministre. … et l'objectif de 21 % revient donc à doubler cette surface en cinq ans, ce qui ne sera tout de même pas une mince affaire ! Enfin, lorsqu'on se fixe un objectif, qui peut le plus peut le moins.

Par ailleurs, de la même façon, pour la surface agricole utile en légumineuses, l'autonomie protéique est un enjeu de première importance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer l'ensemble de ces amendements au profit de ceux qu'il a déposés.

M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas gagné ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Est-ce que le marché, si on le laisse faire, est apte à répondre aux défis de demain ? Est-ce qu'à lui seul il orientera l'agriculture vers la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité ? Je n'en suis pas si sûr.

Ce que fait le politique, c'est fixer des caps et des orientations. À quoi servirions-nous, sinon ?

Nous avons fixé un cap, mais ce qui ne va pas en France, c'est que nous faisons en permanence du stop and go. Nous avons essayé de mettre en avant l'agriculture biologique, mais nous avons ensuite, tout à coup, arrêté l'aide au maintien, tout en promouvant d'autres labels, comme la haute valeur environnementale (HVE).

Il faut entendre le terme « viable » dans sa globalité. Qu'est-ce qui est viable ? L'agriculture bio est-elle rémunérée au juste prix pour les services environnementaux qu'elle rend ? L'agriculture que l'on nomme « conventionnelle » paie-t-elle tous les coûts cachés de ses pollutions ?

Je sais bien que certains ont le poil qui se hérisse lorsque je parle de pollution. Veuillez m'excuser, mes chers collègues, mais les eaux de surface sont polluées, l'air est pollué, et tout cela provoque des problèmes de santé ! Parlez-en aux enseignants, vous verrez, chers collègues !

Je ne dis pas que les agriculteurs sont responsables de tous ces maux, loin de là. Ils sont d'ailleurs plutôt les victimes d'un système. Mais il faut s'orienter vers une agriculture qui préserve l'environnement et notre santé. Tel est le cap politique que nous demandons de retenir.

Notre collègue Simon Uzenat faisait remarquer à juste titre que, si les objectifs de la loi Égalim étaient appliqués, si 20 % des produits consommés dans les cantines scolaires étaient bio, nous serions au rendez-vous.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, le 17 janvier dernier, nous débattions ensemble, dans l'hémicycle du Sénat, des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Aux côtés de nombre de nos collègues, le groupe socialiste dénonçait alors les arbitrages budgétaires qui réduisent de façon draconienne les crédits en faveur de l'autonomie protéique et de la planification écologique. Nous prédisions que vous tenteriez de sauver les apparences lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole, mais les chiffres sont têtus.

Les tête-à-queue des gouvernements qui se succèdent depuis plusieurs années – certains membres du gouvernement actuel sont d'ailleurs comptables des décisions prises depuis sept ans – conduisent à ces conséquences.

Madame la ministre, vous évoquez la viabilité économique des installations, comme si ceux qui se lancent dans l'agriculture biologique étaient déconnectés de la réalité. J'ai siégé dans une commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA), j'ai pu constater que l'ensemble des agriculteurs, quels que soient leur type de production et leur modèle économique, sont confrontés à ces questions. Ils ont bien à cœur d'assurer la viabilité économique de leurs exploitations.

Madame la ministre, nous sommes tout à fait d'accord en ce qui concerne la demande, mais encore faut-il que l'État soit au rendez-vous lorsque nous fixons des règles ! Or, nous le redisons, l'État lui-même ne respecte pas la loi Égalim !

Il ouvre le site internet « Ma cantine », qui permet de mettre des coups de pression aux collectivités encore en retard pour atteindre les objectifs de la loi, mais il n'est pas lui-même au rendez-vous !

Monsieur le rapporteur, je veux bien que l'on avance qu'il y a un défaut de demande, mais les acheteurs publics, et l'État au premier rang d'entre eux, ne sont pas au rendez-vous. Nous devons être cohérents !

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Simon Uzenat. En ce qui concerne l'installation, c'est un élément clé.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Autant je suivrai totalement l'avis de Laurent Duplomb au sujet des objectifs de surface cultivée en bio, qui selon moi n'ont aucune utilité, autant je ne suis pas d'accord avec lui concernant l'amendement du Gouvernement relatif aux légumineuses.

L'objectif proposé dans cet amendement est que 10 % de la SAU soit cultivée en légumineuses. La SAU française est de 29 millions d'hectares. Cet objectif revient donc à prévoir 2,9 millions d'hectares de légumineuses, quand aujourd'hui on en est à 440 000 hectares seulement.

De tels objectifs complètement disproportionnés relèvent de l'incantation. Madame la ministre, vous avez reproché à plusieurs de mes amendements de relever de la littérature. Pour le coup, je pourrais vous retourner le compliment : nous sommes vraiment dans la légende urbaine !

Ces objectifs pour les protéines, tous les agriculteurs les ont vus, et nous n'y croyons plus du tout.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il a raison !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Uzenat, permettez-moi de vous répéter ce que j'avais dit lors de la discussion du budget. Soyez sans crainte : il n'y avait pas eu de répartition par ligne budgétaire des crédits de la planification écologique, mais des crédits seront bien sûr alloués à l'autonomie protéique. Nous nous adaptons, nous n'avons un budget que depuis quelques heures…

Mme Frédérique Puissat. Attendez demain !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Sur le dossier de l'agriculture biologique, il est dommage d'opposer un système à d'autres. L'agriculture est multiple. Laisser croire que seule l'agriculture biologique peut répondre aux défis climatiques, c'est une erreur.

M. Simon Uzenat. Nous n'avons pas dit cela !

M. Daniel Gremillet. Des cultures qui ne sont pas bio apportent déjà des réponses aux défis climatiques. D'autres se développent, avec le même objectif.

Par ailleurs, il faut prendre en compte la réalité de la vie et du marché. Entre ce qu'on souhaite et ce qui se passe, il y a une différence. La réalité, ce sont les choix de nos concitoyens, ce qu'ils achètent, ce qu'ils mettent dans leur caddie et acceptent de payer, au prix qu'ils peuvent se permettre.

Effectivement, la réalité, c'est que pour certains produits, dont ceux qui sont issus de l'agriculture biologique, il n'y a pas d'adéquation entre leur prix et celui que les consommateurs sont prêts à payer.

Ce n'est pas pour autant qu'il faut désespérer et dire que l'agriculture biologique n'a plus d'avenir. Madame la ministre, je suis plus mesuré que vous : aujourd'hui, même si leurs produits sont collectés avec d'autres, non issus de cette filière, certains agriculteurs choisissent de rester en bio. Il faut les respecter. Leurs revenus sont tout à fait dynamiques et ils peuvent atteindre l'équilibre financier.

Je le redis : n'opposons pas les systèmes agricoles !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Si nous répétions les propos de certains de nos collègues à un cheval de bois, il nous filerait un coup de pied !

À les entendre, compétitivité et souveraineté seraient antinomiques ! L'agriculture bio fournit la preuve que c'est complètement l'inverse. Si votre production n'a aucune compétitivité, vous n'avez aucune souveraineté. Sauf à une condition : fonctionner dans un système franco-français, fermer les barrières et les frontières, vivre dans une autarcie totale, sans rien importer ni exporter. Cela ne vaut pas que pour les produits agricoles : ce système est global. Dire que compétitivité et souveraineté sont antinomiques, c'est mettre à mal les bases mêmes du système économique. (M. Daniel Salmon proteste.)

Selon vous, peu importe combien coûtent ces productions, dès lors qu'elles sont vertueuses ! C'est oublier que, comme l'a dit notre collègue Daniel Gremillet, au bout du compte, c'est le consommateur qui décide. Si votre produit n'est pas compétitif, il restera en rayon, le consommateur ne l'achètera pas !

M. Daniel Salmon. Quelle vision étroite !

M. Olivier Rietmann. Nous ne sommes pas dans un système fermé, franco-français : on trouve aussi des produits qui viennent d'ailleurs.

Il faut tout de même réfléchir avant de dire des choses qui vont à l'encontre du système dans lequel nous vivons. Même si celui-ci peut évoluer, ses bases sont telles qu'elles sont, et on ne peut pas aller contre ! (Bravo ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur Uzenat, un point m'avait échappé dans la réponse que je vous ai faite.

Selon vous, l'État ne serait pas au rendez-vous ; vous avez pris pour exemple le site « Ma cantine ». Mais vous n'ignorez pas que les cantines sont gérées par les collectivités territoriales ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Simon Uzenat. Ce site permet justement de leur mettre la pression !

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, vous n'ignorez pas le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités locales !

Avec ce site, l'État a mis à leur disposition un outil qui fonctionne bien. Les collectivités qui n'adhèrent pas à ce dispositif le font pour de multiples raisons, notamment le fait qu'il oblige parfois à renoncer à des productions locales. C'est ce que nous disent les élus locaux : il est quelquefois difficile de satisfaire les objectifs de 50 % de produits de qualité et de 20 % de bio tout en privilégiant les productions locales. Mais ne dites pas que l'État n'est pas au rendez-vous, ce n'est pas juste !

M. Simon Uzenat. L'État respecte-t-il la loi Égalim ?

Mme Annie Genevard, ministre. Pour ce qui est de la loi Égalim, nous aurons ce débat lorsque le prochain texte législatif de ce type sera examiné au Sénat. Cela ne devrait pas tarder, monsieur le sénateur !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 716 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 112 rectifié et 773 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 564 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 806.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 305 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 304 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 306 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 887 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 807.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 307 rectifié ter n'a plus d'objet.

L'amendement n° 414 rectifié ter, présenté par MM. Mérillou, Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … ° Encourager les dispositifs d'expérimentation agricole, notamment les espaces-test ;

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Nous le savons tous, le renouvellement des générations agricoles est un défi majeur. En effet, près de la moitié des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite d'ici à 2030. Si nous n'agissons pas, c'est tout notre modèle agricole, nos territoires ruraux et notre souveraineté alimentaire qui seront fragilisés.

Les espaces-test agricoles représentent une réponse concrète à ce défi. Ils permettent aux futurs agriculteurs, y compris à ceux qui ne sont pas issus du monde agricole, de tester leur projet en conditions réelles, de se former et de tisser des liens avec les cédants.

Il s'agit d'un outil précieux pour assurer la transition des exploitations et encourager une agriculture durable, locale et diversifiée. Un tel dispositif a donc toute sa place dans une loi censée favoriser le renouvellement des générations en agriculture.

Il convient donc de le mentionner à cet article ; tel est l'objet de cet amendement de mon collègue Serge Mérillou.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est défavorable, car cet amendement est satisfait par l'article 10 bis.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Il est également défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 414 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 724 rectifié, présenté par MM. Lahellec et Gay et Mmes Margaté et Varaillas, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De garantir la non-régression du nombre d'exploitants et d'actifs agricoles sur le territoire à la date de la publication de la présente loi ;

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement vise à inscrire parmi les objectifs des politiques publiques la nécessité de mettre un terme à la régression du nombre d'exploitants et d'actifs agricoles, afin d'assurer le renouvellement des générations.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Mon cher collègue, vous dites non à la non-régression de la souveraineté alimentaire, mais vous êtes favorable à un principe de « non-régression du nombre d'exploitants ». J'avoue avoir du mal à vous comprendre !

L'avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, dans la mesure où cette ambition est déjà inscrite à l'article 8 ; à défaut de ce retrait, l'avis serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Lahellec, l'amendement n° 724 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard Lahellec. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 724 rectifié est retiré.

L'amendement n° 109 rectifié, présenté par MM. Daubet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Après la première occurrence du mot :

utile

insérer les mots :

, notamment en protégeant la ressource en eau et ses moyens d'accès

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement a pour objet de souligner l'importance de la ressource en eau en faisant figurer sa protection parmi les moyens d'assurer la souveraineté alimentaire et agricole de la France.

Un récent rapport de France Stratégie établissant une prospective de la demande en eau en 2050 fait apparaître que l'agriculture deviendra d'ici là le premier préleveur en eau, à hauteur d'environ un tiers des prélèvements, alors que ce classement est actuellement dominé par le secteur de l'énergie.

Aussi la protection de la ressource en eau et de ses moyens d'accès doit-elle figurer explicitement à cet alinéa comme l'un des moyens susceptibles d'assurer la souveraineté alimentaire de la France.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cette demande est satisfaite par notre adoption de l'amendement n° 544 rectifié quater de M. Sol. La ressource en eau a ainsi été prise en compte.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. L'amendement de M. Masset tendant à faire figurer parmi nos objectifs la protection de la ressource en eau et de ses moyens d'accès est déjà partiellement, mais pas entièrement, satisfait.

Je serais assez favorable à l'inscription de la protection des moyens d'accès à l'eau dans le texte. Quant à la protection de la ressource en eau, elle est parfois invoquée pour refuser l'accès à l'eau : il est donc difficile de se prononcer.

Quoi qu'il en soit, l'amendement étant en partie satisfait, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Masset, l'amendement n° 109 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Masset. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 109 rectifié est retiré.

L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Après les mots :

autonomie protéique

insérer les mots :

issue d'élevages durables

La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. Cet amendement vise à souligner l'importance du maintien de l'élevage durable français.

Pour assurer le maintien de cet élevage de qualité, qui fait l'exceptionnalité du modèle agricole français, il est nécessaire d'assurer l'approvisionnement en produits issus de ces élevages de tous les lieux de consommation, notamment la restauration hors domicile.

La loi Climat et Résilience devait notamment favoriser la création de débouchés nécessaires aux éleveurs français produisant de la viande de qualité, qui sont trop souvent concurrencés par de la viande bas de gamme importée. Pourtant, les objectifs fixés en ce sens sont loin d'être respectés.

En conséquence, les filières bovines, porcines et avicoles françaises durables, notamment celles en agriculture biologique et en plein air, peinent à se maintenir. La part des poulets standards progresse : elle représentait 72 % de la production en 2023, contre 65 % en 2020.

Aujourd'hui, l'enjeu n'est pas tant un déficit en volume de viande qu'une stagnation de l'offre durable et des débouchés associés, faute d'une réelle politique alimentaire et en raison d'un développement non régulé de la consommation hors domicile.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 98 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 308 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Remplacer le mot :

2050

par le mot :

2035

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Si la commission a supprimé la cible chiffrée en matière d'agriculture biologique, elle a néanmoins préservé, à l'alinéa 29, l'objectif en matière de développement des légumineuses en France.

Nous sommes bien évidemment favorables à cette disposition qui participerait pleinement et de manière même plus ambitieuse à l'objectif fixé dans le plan Protéines végétales, consistant à doubler la part de SAU consacrée à ces cultures, pour atteindre 8 % en 2030.

Les légumineuses sont un enjeu stratégique pour notre agriculture si nous souhaitons répondre aux défis que nous aurons à affronter dans les décennies à venir. Les crises de ces dernières années, qu'elles soient sanitaires ou diplomatiques, ont démontré la fragilité de notre modèle, trop dépendant des importations.

Nous devons donc retrouver au plus vite notre autonomie et notre indépendance dans de nombreuses filières, dont celle des légumineuses.

C'est pourquoi, par cet amendement, nous proposons d'adopter une attitude volontariste face à ces enjeux en nous fixant pour objectif d'atteindre l'autonomie protéique dès l'horizon 2035.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 308 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 719, présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Remplacer les mots :

concourir à la transition énergétique et climatique, en contribuant aux économies d'énergie et au développement des matériaux décarbonés et des énergies renouvelables ainsi qu'à l'indépendance énergétique de la nation, notamment par la valorisation optimale et durable 

par le mot :

valoriser

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement vise à préciser que la production d'énergie doit rester un simple complément à l'activité agricole et qu'elle ne saurait se substituer à la vocation fondamentale de l'agriculture, qui est de produire de la nourriture.

Aussi, il est essentiel que la rédaction du texte préserve un équilibre clair entre la production agricole, qui doit rester l'activité principale du secteur, et la production énergétique, qui ne peut jouer qu'un rôle de complément.

Mme la présidente. L'amendement n° 309 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Après les mots :

énergétique et climatique,

insérer les mots :

, sans remettre en cause la vocation première de l'agriculture qui est l'alimentation humaine,

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement tend à préciser les termes de l'alinéa 30 de l'article 1er, dans lequel il est inscrit que l'agriculture doit concourir à la transition énergétique de la Nation ainsi qu'à son indépendance énergétique.

Nous abordons ici un sujet sensible et souvent clivant.

Pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la vocation première de l'agriculture est de nourrir la population et elle doit absolument le rester.

Nous pouvons entendre que, dans certaines situations, la production d'énergie, si elle reste secondaire, peut être une source de revenus complémentaires bienvenue pour les agriculteurs. Mais si, dans ce cadre restreint, qui doit être fermement réglementé, notre agriculture peut participer à la production énergétique, elle ne peut pas en faire une priorité.

De plus, nous savons tous que la question de la production d'énergie sur les exploitations agricoles est source de spéculation foncière, ce qui affectera nécessairement les générations futures. Les jeunes se trouvent déjà parfois dans l'incapacité financière d'acquérir du foncier…

Le présent amendement vise donc à inscrire noir sur blanc dans la loi que le concours apporté par l'agriculture à la transition énergétique de la Nation ne peut en aucun remettre en cause sa vocation première, qui est la production alimentaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ces deux amendements sont satisfaits. En effet, nous avons fait de la souveraineté alimentaire une priorité dans le texte de l'article 1er, qui est de nature programmatique.

Nous aurions pu préférer l'expression de « souveraineté agricole » à celle de « souveraineté alimentaire », de manière à couvrir également les apports énergétiques de l'agriculture, mais nous avons fait le choix de sortir de ce prisme.

Dès lors, mes chers collègues, vos amendements, dont les objets se rejoignent complètement, sont satisfaits. Rien dans le texte n'encourage le développement de la production énergétique aux dépens de la souveraineté alimentaire.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Comme le rapporteur vient de le rappeler, l'article 1er dispose bien que la vocation de l'agriculture est d'assurer la sécurité alimentaire et sanitaire. Cela induit que la finalité première de l'agriculture est bien la production de nourriture.

Cependant, je comprends bien la préoccupation qui s'exprime dans ces deux amendements.

Pour ma part, je redoute que l'alimentation ne devienne un jour un sous-produit de l'énergie ! Dans certains pays, la viande de porc est devenue un sous-produit de la méthanisation. Que cela ne nous arrive jamais !

N'oublions pas que les énergéticiens savent faire preuve d'une grande force d'imagination pour convaincre des agriculteurs en situation de fragilité d'opérer une conversion énergétique des terres à vocation agricole.

Il faut absolument rappeler que la vocation première de l'agriculture est de produire pour nourrir.

L'amendement n° 309 rectifié ter vise à mettre en avant ce principe. Le rappel n'est pas inutile, car nous devons nous montrer d'une vigilance absolue en la matière. En effet, je vois sur mon territoire, où l'agriculture est pourtant rémunératrice, à quel point les énergéticiens cherchent à s'approprier des terres agricoles pour y produire de l'énergie. Cette conversion est déjà à l'œuvre dans certaines zones fragiles.

L'amendement n° 309 rectifié ter étant de bon sens, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

En revanche, l'avis du Gouvernement est défavorable sur l'amendement n° 719.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 719.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 309 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 466, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 31

Après le mot :

notamment

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

pour permettre la transition de l'agriculture vers les pratiques agroécologiques, dont l'agriculture biologique, les solutions fondées sur la nature, la production de biomasse durable, y compris sylvicole, la réduction des dépendances à l'égard des intrants et la résilience des exploitations agricoles aux conséquences du changement climatique ;

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à orienter les politiques publiques de recherche, d'innovation et de développement vers les pratiques agroécologiques.

Presque toutes les références et les objectifs relatifs aux pratiques agroécologiques et à l'agriculture biologique ont été supprimés du texte initial, qui en contenait déjà bien peu !

Alors que le Gouvernement et la commission des affaires économiques continuent de promouvoir le trio « robotique, numérique, génétique », de favoriser l'endettement et de privilégier les plus grandes exploitations, nous sommes convaincus que les pratiques agroécologiques, moins coûteuses et validées par la science, sont bien plus bénéfiques pour les agriculteurs et plus efficaces face au changement climatique ; en outre, elles améliorent durablement les conditions de travail et la rémunération des actifs agricoles.

Déjà accessibles à un grand nombre d'agriculteurs, ces pratiques peuvent être renforcées et rendues plus efficaces au moyen de politiques de recherche, d'innovation et de développement, notamment lorsque les agriculteurs sont associés à leur élaboration.

L'agriculture biologique n'a rien à voir avec l'agriculture de grand-papa ! Elle est très technique et exige des connaissances agronomiques extrêmement pointues. Elle a donc besoin, elle aussi, de continuer à progresser grâce à la recherche. Par cet amendement, nous cherchons à lui apporter un tel soutien.

Mme la présidente. L'amendement n° 310 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 31

Après le mot :

notamment dans les domaines

insérer les mots :

de la préservation de la santé des sols,

La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à compléter l'alinéa 31, relatif à la recherche et à l'innovation en matière agricole, de manière à accorder une place toute particulière à la santé des sols.

Il y a un an environ, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont défendu la proposition de loi visant à préserver des sols vivants, dans l'objectif de rendre cet enjeu visible et de lui donner un cadre juridique. Le texte, présenté par Nicole Bonnefoy a fait l'objet d'un examen en séance au début de 2024. Mon groupe a ainsi pu rappeler que les sols constituent l'essence même de notre écosystème de production agricole. Les agriculteurs eux-mêmes ne cessent de le répéter.

Le sol est un agent essentiel de la régulation du climat, au travers de ses multiples services écosystémiques, du cycle de l'eau à la fertilité des océans, de notre alimentation à la captation du carbone. Or, d'après une étude de 2023, 98 % des terres agricoles françaises sont contaminées par au moins une substance phytosanitaire. Cette dégradation des sols réduit leur capacité de séquestration du carbone. Elle emporte des conséquences locales sur la santé des sols, mais les répercussions sont aussi globales : nous avons déjà évoqué le rôle des sols dans la réduction des gaz à effet de serre, que mentionnait d'ailleurs notre collègue Nicole Bonnefoy.

Si nous proposons de donner à la préservation de la santé des sols en matière de recherche et d'innovation une place particulière, c'est bien dans l'intérêt même de nos agriculteurs.

Mme la présidente. L'amendement n° 311 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 31

Supprimer les mots :

des nouvelles techniques génomiques,

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à supprimer de l'alinéa 31 de l'article 1er, où figure la liste des priorités à donner en matière de recherche et d'innovation, la mention du développement des nouvelles techniques génomiques (NTG).

Ces techniques ne figurent pas actuellement à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. Nous nous interrogeons sur la volonté de procéder à cet ajout dans le cadre de ce projet de loi alors même que cette question fait encore trop controverse, en raison des enjeux relatifs à la brevetabilité du vivant et à l'accaparement de ce dernier par de grandes multinationales semencières.

Nous avons pu constater que notre amendement a suscité une levée de boucliers de la part d'une partie bien précise du monde agricole, qui s'est fendue d'un courrier pour en dénoncer la portée. Je tiens d'emblée à préciser que nous sommes ouverts à la recherche scientifique. Le présent amendement ne vise pas à interdire les nouvelles techniques génomiques en France. Il a seulement pour objet de ne pas en faire une des priorités de la recherche au vu des inquiétudes suscitées par leur culture et par leur commercialisation.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), par des travaux publiés en mars 2024, a mis en évidence ces préoccupations. L'Anses souligne que les risques sanitaires et environnementaux des nouvelles techniques génomiques « ne sont pas radicalement différents de ceux découlant des techniques » relatives aux organismes génétiquement modifiés (OGM), mais aussi que « le niveau d'exposition aux plantes obtenues pourrait être beaucoup plus important ». L'Anses recommande ainsi « une évaluation au cas par cas » et l'ouverture au plus vite d'un débat qui « engagerait des choix de société, car différents impacts économiques et sociétaux sont aussi dans la balance ».

Certes, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a émis un avis différent, mais cette conclusion n'a pas empêché les États membres de ne pas trouver d'accord sur le sujet en juin 2024.

En tout état de cause, ces différences d'approche dans la communauté scientifique démontrent le trouble suscité par les NTG et le manque de recul que nous pouvons avoir sur elles. Dans ce contexte, le principe de précaution doit s'appliquer. Aussi, nous appelons à l'ouverture d'un débat public entièrement consacré à ce sujet.

Nous proposons donc la suppression de l'inscription proposée des NTG à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, qui nous semble précipitée en l'absence du débat préalable que nous souhaitons.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 466 et 311 rectifié ter.

Elle est en revanche favorable à l'amendement n° 310 rectifié ter, qui a pour objet le suivi et la préservation de la qualité des sols. En effet, je voudrais bien que l'on réalise des diagnostics des sols de toutes les cultures, traditionnelles comme biologiques, de façon à comparer les résultats. Ceux-ci, mes chers collègues, pourraient nous étonner…

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. L'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 466 est également défavorable.

La santé des sols, qui fait l'objet de l'amendement n° 310 rectifié ter, est aujourd'hui un impensé. On sait pourtant que cette question prendra de plus en plus d'importance. Le texte initial contenait, à l'article 9, une disposition visant à établir un diagnostic des sols, mais elle a été supprimée de manière assez unanime à l'Assemblée nationale au motif que celui-ci aurait incombé au seul repreneur : cette démarche, très coûteuse, aurait pu avoir un effet dissuasif.

Toutefois, du fait de l'importance des enjeux de la santé des sols, de leur préservation et de leur restauration, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 310 rectifié ter.

L'amendement n° 311 rectifié ter, quant à lui, vise à supprimer la référence aux NGT, aussi appelés New Breeding Techniques (NBT). Pour ma part, il me semble qu'aucune confusion ne peut avoir lieu à ce stade avec les OGM. Je me méfie d'un débat public en la matière, tant la question, qui suscite des désaccords, est éminemment technique et appelle le regard de scientifiques.

À ceux qui, parmi vous, souhaitent pour nos plantes une moindre consommation en eau, les NGT peuvent apporter des réponses concrètes en la matière. Cette source féconde de solutions ne doit pas être tarie avant même que de sérieuses hypothèses de développement n'en découlent.

Par conséquent, je suis très défavorable à l'adoption de cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 466.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 310 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 311 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 254 rectifié ter est présenté par M. Bleunven, Mme Billon, M. Chasseing, Mme Jacquemet, M. Levi, Mme Saint-Pé et MM. de Nicolaÿ et Kern.

L'amendement n° 704 rectifié est présenté par MM. Gremillet et Rietmann, Mme Belrhiti, MM. Panunzi, Khalifé, Sol et Brisson, Mme Berthet, MM. Burgoa, Klinger et de Legge, Mme Malet, M. H. Leroy, Mmes Micouleau, Demas et Ventalon, MM. Chatillon, Bruyen, Belin, Genet, Somon et Bacci, Mme Dumont, M. Pointereau, Mmes Bellurot, Drexler et Josende, M. Sido, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Imbert, MM. Reynaud et Cuypers, Mme Richer et MM. Lefèvre, D. Laurent, Milon et P. Vidal.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 31

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De maintenir un haut niveau de protection des cultures, notamment dans le cadre du principe refusant des interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces apportées aux agriculteurs ;

La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l'amendement n° 254 rectifié ter.

M. Yves Bleunven. Cet amendement a pour objet d'inscrire parmi les finalités des politiques publiques le principe suivant : pas d'interdiction sans solution.

En effet, certaines filières manquent, depuis plusieurs années déjà, de moyens de protection pour leurs cultures, phénomène qui va encore s'accentuer avec le changement climatique et l'apparition de nouvelles maladies et de ravageurs. C'est pourquoi il est essentiel que les politiques de préservation de nos moyens de production deviennent prioritaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l'amendement n° 704 rectifié.

M. Daniel Gremillet. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Pas d'interdiction sans solution : ce principe ne fait qu'amplifier le principe de non-surtransposition que nous avons adopté ; nous y sommes donc très favorables, mais la commission s'en remettra à la sagesse de notre assemblée sur ces deux amendements identiques. Cette sagesse, si je puis dire, ne pourra être que favorable !

M. Roger Karoutchi. C'est la sagesse positive ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Ces amendements identiques visent à introduire parmi les priorités des politiques publiques agricoles le maintien d'un haut niveau de protection des cultures. Nous ne saurions y être défavorables : sans préservation, pas de production.

Leurs auteurs, dans l'esprit du principe : « Pas d'interdiction sans solution », souhaitent empêcher les interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces apportées aux agriculteurs.

Vous n'ignorez pas, messieurs les sénateurs, qu'un acteur est déjà chargé de juger de l'opportunité de ces interdictions : l'Anses. Le législateur ne peut pas interdire à cette agence de prononcer des interdictions : il n'a pas la main !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avec ce qu'on va voter, ça ira mieux !

Mme Annie Genevard, ministre. Même si je suis absolument d'accord avec cette déclaration de principe, elle ne résistera pas à l'analyse de la réalité des faits. Ni vous ni moi n'autorisons ni n'interdisons ces produits !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous pourrions…

Mme Annie Genevard, ministre. Non, nous ne le pouvons pas…

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Avant 2014, c'était possible !

Mme Annie Genevard, ministre. … sauf à changer la loi. Comme vous le savez, l'Anses est seule habilitée à publier les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et ce sans qu'interviennent des considérations économiques.

J'ai néanmoins l'ambition d'apporter des réponses à ce problème. Ainsi, je souhaite demander à cette agence de prioriser le traitement des dossiers concernant des filières qui connaissent une grande urgence. Cette mesure figure d'ailleurs dans la proposition de loi de MM. Duplomb et Menonville ; elle sera complétée par un décret sur lequel nous travaillons.

En somme, si votre idée est séduisante, messieurs les sénateurs, elle ne fonctionne pas, elle ne vole pas !

La question relève en outre largement du droit communautaire, comme vous le savez tous.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Certains produits interdits en France sont autorisés ailleurs en Europe !

Mme Annie Genevard, ministre. L'AESA autorise la mise sur le marché de substances pharmaceutiques ; l'Anses ne fait que décliner, à l'échelle nationale, ces décisions pour des produits commerciaux. On ne peut pas échapper à la réalité de ce fonctionnement.

C'est en vous priant de garder à l'esprit ces observations, mesdames, messieurs les sénateurs, que je m'en remets à la sagesse de votre assemblée sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, votre avis de sagesse est tout sauf sage !

En confiant à l'Anses, comme vous l'avez expliqué, le soin d'accorder les autorisations de mise sur le marché, on a affirmé – c'est tout de même assez fondamental ! – le primat de la santé humaine et de la biodiversité sur le rendement. Au travers de ces amendements, nous renverserions complètement les priorités. Ce constat est assez dramatique !

J'entends souvent dire qu'il faudrait laisser du temps passer afin de trouver des solutions avant d'interdire, mais je voudrais à ce propos vous citer un exemple. L'autorisation de mise sur le marché du flufénacet, pesticide de l'ordre des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), a expiré en 2013. Il s'est donc écoulé déjà pas mal de temps depuis lors ; pourtant, de dérogation en dérogation, ce produit est toujours épandu sur les cultures, alors même qu'il s'agit d'un perturbateur endocrinien.

Il faut savoir définir ses priorités. Le principe « pas d'interdiction sans solution » me paraît vraiment très dangereux. Nous en payons déjà les conséquences et les paierons plus chèrement encore à l'avenir. En Bretagne, nous trouvons dès à présent du S-métolachlore sur toutes les terres, ainsi que du prosulfocarbe. Les pesticides sont partout dans l'environnement et nous en portons tous les traces sur nous-mêmes, dans nos cheveux comme dans chacune de nos cellules.

Certains pensent que tout va bien et qu'il faut poursuivre la fuite en avant, toujours plus vite, vers un modèle technosolutionniste employant toujours plus de pesticides. Comme vous l'avez compris depuis longtemps, ce n'est pas le modèle que je défends, car celui-ci nous mène vers des lendemains qui déchanteront très durement.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Deux questions se posent dans le débat sur ces amendements.

La première porte sur les priorités qui sont retenues en la matière. Nous en avons déjà débattu la semaine dernière dans cet hémicycle. L'expérience nous montre que des choix sont faits parmi les dossiers qui s'empilent à l'Anses ou ailleurs. On en examine certains plus rapidement que d'autres. Il y a des traitements qui ne sont toujours pas autorisés, parce que, délibérément, on a fait le choix de ne pas réaliser les études nécessaires : ils ont été mis en bas de la pile. Il faut définir les priorités qui doivent présider à l'examen des demandes.

En second lieu, madame la ministre, nous ne proposons nullement, par ces amendements, d'autoriser la commercialisation de produits dangereux pour la santé. S'ils le sont en France, ils le sont aussi ailleurs en Europe !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Bien sûr !

M. Daniel Gremillet. En revanche, nous ne pouvons pas imaginer qu'on laisse les agriculteurs français sans solution alors que leurs homologues implantés de l'autre côté de la frontière, mais écoulant leur production sur le même marché européen, ont accès à ces produits !

Je pourrais consentir au système actuel à une seule condition : il faudrait avoir la certitude qu'aucun bien en provenance d'un pays extérieur à l'Union européenne ne contiendra la moindre trace de produits que nous interdisons pour sauver les cultures françaises. Dans le cas contraire, il s'agirait d'une tromperie à l'égard des consommateurs et d'une double peine pour les agriculteurs. Il faut prendre des engagements !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Exactement !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, il me semble que nos opinions concordent parfaitement ! Or vos propos pourraient laisser croire à une divergence, à la possibilité d'enfoncer un coin entre votre opinion et la mienne… (Sourires.)

M. Jean-François Husson. Impossible ! (Sourires.)

Mme Annie Genevard, ministre. Exactement ! Vous proposez, monsieur Gremillet, « de maintenir un haut niveau de protection des cultures » – nous sommes d'accord –, « notamment dans le cadre du principe refusant des interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces apportées aux agriculteurs ». La potentielle dangerosité de ces produits n'est mentionnée nulle part dans cette phrase.

Si vous aviez précisé que vous visez les produits phytopharmaceutiques autorisés, ou reconnus comme non dangereux, par l'Europe, nous aurions été d'accord, mais vous ne pouvez pas plaider pour l'utilisation de produits phytopharmaceutiques potentiellement dangereux au seul motif qu'il n'y aurait pas de solutions de substitution économiquement viables. Ce n'est pas possible !

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Daniel Gremillet a essayé d'expliquer, poliment, que les agriculteurs ne peuvent plus accepter des surtranspositions.

Mme Annie Genevard, ministre. Mais ce n'est pas une surtransposition !

M. Vincent Louault. Or ces surtranspositions s'enchaînent ! Par un auto-allumage administratif, l'Anses rédige un petit avis, l'envoie à Bruxelles – comme pour les NTG – et met un bazar énorme à l'AESA. Tous les scientifiques montent au créneau, l'Anses est obligée de se rétracter, et ainsi de suite : ce n'est pas une façon correcte de procéder ! L'Anses ne doit pas être le « poil à gratter » européen de la surtransposition, elle ne doit forcer la main de personne !

Combien de fois Marc Fesneau nous ne nous a-t-il pas dit : « Ne vous inquiétez pas, l'acétamipride sera interdite à l'échelle européenne, je suis en avance de phase, il faut attendre, ça va venir ! » ? On attend toujours puisque l'AESA a reconduit son autorisation jusqu'en 2033 ! Voilà la réalité : il a menti pendant des mois aux producteurs, c'est grave !

Oui, madame la ministre, seule l'Anses est habilitée à délivrer des autorisations de mise sur le marché, c'est une évidence. Oui, inscrire un slogan dans un texte de loi n'est pas réellement viable. Mais les agriculteurs n'en peuvent plus de cette surtransposition ! Si vous pouviez mettre un terme aux velléités d'auto-allumage de l'Anses, cela simplifierait la vie de chacun et ramènerait un peu de calme dans le pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Tout à l'heure, quand nous avons défendu des amendements visant à trouver des moyens de réduire le recours aux intrants et aux produits phytosanitaires, on nous a répondu que ce n'était pas nécessaire, que cet article n'était pas le bon endroit où faire figurer ces dispositions. Or vous voici prêts, mes chers collègues, à y inscrire une disposition sur le même point, mais dans le sens inverse ! J'aimerais bien comprendre quelles règles président à ce que l'on peut mettre ou non dans l'article 1er de ce texte…

Ces amendements identiques n'ont absolument pas pour objet les surtranspositions. Ils visent simplement à autoriser toute solution chimique dès lors qu'elle existe : c'est un vrai problème !

En effet, comme Mme la ministre l'a très justement relevé, ce serait nous mettre hors-la-loi. Pour qu'un produit puisse être autorisé, il faut obtenir l'accord préalable de l'Anses.

Alors, madame la ministre, pourquoi avoir émis un avis de sagesse ? Quel message envoyez-vous ? Allez-vous encore respecter les avis sanitaires de l'Anses, ou cela vous pose-t-il problème ? Il s'agit tout de même de questions de santé ! L'Anses, heureusement, est une instance indépendante, et il est très bienvenu que nous puissions de la sorte avoir confiance en ses décisions. Cet avis de sagesse, si flou, est particulièrement inquiétant.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. L'un des avantages de ces amendements identiques est de poser un principe. Le texte poursuivra ensuite sa vie : l'Assemblée nationale l'a examiné, c'est à présent le tour du Sénat, puis une commission mixte paritaire se réunira, puisque la procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement. Le rôle du Sénat dans ce parcours, c'est, si je puis dire, d'apposer sa patte sur ce texte, d'y inscrire des principes, d'y mettre sa marque. S'il faut ensuite l'améliorer, le rendre juridiquement acceptable, ce sera toujours possible en commission mixte paritaire : je vous fais confiance, madame la ministre !

Je voterai donc ces amendements et j'invite mes collègues à en faire autant.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 254 rectifié ter et 704 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 709 rectifié, présenté par MM. Lahellec et Gay, Mmes Margaté, Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 32

Rédiger ainsi cet alinéa

« 12° De mettre en place un régime public et universel de prévention, d'assurance et de gestion des risques en agriculture, incluant la protection contre l'ensemble des aléas climatiques, sanitaires et environnementaux ;

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Nous proposons la création d'un régime public et universel de prévention, d'assurance et de gestion des risques en agriculture, incluant la protection contre l'ensemble des aléas climatiques, sanitaires et environnementaux.

Ce dispositif garantirait une couverture équitable pour tous les agriculteurs, renforçant par là même la résilience et la solidarité nationale.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cet amendement vise à remettre en route le système des calamités agricoles, dont plus personne ne veut entendre parler, sauf dans certains territoires dont nous essayons de résoudre les problèmes, notamment au travers de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, que nous avons adoptée la semaine dernière. Nous nous efforçons en particulier de régler les injustices liées à des modes de mesure des dommages différents selon les territoires ou les cultures. Par ailleurs, nous avons aussi voté un texte relatif à l'assurance récolte, même s'il n'est pas parfait.

Remettre ce système en route comme vous le proposez dans cet amendement apparaît en tout cas relativement compliqué. Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, l'avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à réformer le dispositif de l'assurance récolte et des calamités agricoles.

En 2023, une réforme ambitieuse et pionnière de l'assurance récolte a été déployée, dotée d'un budget important et inédit de 680 millions d'euros par an. Ce nouveau dispositif est plus attractif et permet, quand il fonctionne convenablement, à chaque exploitant d'accéder à une couverture assurantielle renforcée.

Le bilan est positif, même s'il n'est pas parfait, puisque plusieurs éleveurs et agriculteurs demandent des améliorations. Il faut notamment pouvoir organiser les recours et travailler, avec les assureurs, pour améliorer la fiabilité de l'indice Airbus. Nous nous y employons, conformément à l'engagement pris auprès des agriculteurs.

Quoi qu'il en soit, il ne me paraît pas raisonnable de réformer un dispositif aussi récent et aussi prometteur. L'avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Lahellec, l'amendement n° 709 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard Lahellec. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 709 rectifié est retiré.

L'amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mmes M. Carrère et Conte Jaubert, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Après le mot :

durable

insérer les mots :

, concourant notamment à la qualité des services à la population,

La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. Dans le cadre de la politique d'installation et de transmission en agriculture, nous proposons par cet amendement de reconnaître l'importance de la qualité des services à la population dans les territoires ruraux.

En effet, celle-ci influe directement sur la sélection d'un territoire par rapport à un autre lors de la définition par le jeune agriculteur de son lieu d'installation, notamment pour les parents de jeunes enfants.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Dans la mesure où il s'agit de concourir « à la qualité des services à la population », notre avis initialement défavorable pourrait évoluer vers un avis de sagesse…

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Sagesse également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 105 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 567, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Après le mot : 

durable, 

Insérer les mots : 

en concourant à la déspécialisation des territoires,

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Je suis sidéré par ce qui se passe ici ce soir : après l'Office français de la biodiversité (OFB), qui a été mollement défendue, c'est au tour de l'Anses d'être méprisée. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous vivons un moment plus qu'inquiétant…

Cet amendement vise à inscrire dans l'article L. l du code rural et de la pêche maritime un objectif de déspécialisation des territoires.

Les impacts négatifs de la spécialisation des territoires sont nombreux : pollutions de l'eau, algues vertes dans les régions excédentaires en élevage – je connais particulièrement ce sujet –, difficultés à développer des systèmes alimentaires territorialisés, ou encore recours accru à des intrants de synthèse.

Favoriser une diversification des activités agricoles dans les territoires, en particulier une meilleure répartition spatiale des activités d'élevage, ainsi qu'une complémentarité renforcée entre productions animales et végétales, est une nécessité pour améliorer la souveraineté alimentaire et assurer la transition écologique de l'agriculture.

La redistribution spatiale des activités d'élevage doit être planifiée et accompagnée. Cela permettrait de poser la question des besoins infrastructurels et techniques indispensables à sa réalisation au niveau des territoires, à la fois en termes qualitatifs – compétences, fonctions – et quantitatifs – nombre d'emplois ou d'infrastructures nécessaires.

Une planification par des acteurs publics, mais aussi privés, est déterminante pour définir une trajectoire et assurer les moyens nécessaires : je pense à des expérimentations de restructurations-diversifications de fermes, ou encore au financement d'outils de transformation, notamment d'abattoirs locaux.

Lors des concertations mises en place en vue de l'élaboration de ce projet de loi, la question de la diversification avait fait l'objet d'un consensus.

Les politiques publiques doivent donc accompagner cette déspécialisation tout en veillant à prendre en compte les spécificités.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Il est également défavorable, car la déspécialisation ne saurait être un objectif universel, applicable à tous les territoires. Certains territoires sont spécialisés. C'est le cas du mien, qui est un territoire d'élevage. On y élève des montbéliardes pour le lait et la fabrication du comté. La diversification n'a pas de sens en soi. Si elle est pertinente, pourquoi pas, mais il serait inapproprié d'en faire une panacée.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. La déspécialisation peut pourtant constituer un objectif très intéressant. Ma région, la Bretagne, est une terre d'élevage, mais nous avons trop de nitrates – Simon Uzenat connaît bien cette problématique. Les plans nitrates s'enchaînent, en vain. A contrario, l'est de la France manque d'engrais azotés. Il y a donc un problème de répartition, qui ne se posait pas auparavant.

Pour qu'un certain nombre d'industries agroalimentaires réalisent des économies d'échelle, tout a été concentré sur certains territoires, qui étouffent aujourd'hui de ce manque de diversification. Cela entraîne également une augmentation des besoins de transport et, partant, de nombreuses nuisances pour l'environnement.

Certes, les régions françaises doivent garder leurs spécificités, mais la diversification doit aussi avoir être un objectif. On le voit bien dans le secteur viticole, où la monoculture et l'hyperspécialisation conduisent à une grande fragilité et empêchent la résilience. Dans les régions viticoles à 100 %, en cas de problèmes sanitaires dans les vignes ou de baisse des exportations pour des raisons géopolitiques, c'est toute une économie qui s'effondre.

Je maintiens donc mon amendement, car cet objectif est indispensable pour atteindre une vraie souveraineté et permettre une vraie résilience.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Monsieur Salmon, on ne vous a pas attendu !

M. Daniel Salmon. Tant mieux !

M. Vincent Louault. Je fais venir 1 000 tonnes de fiente de volailles. Elles n'arrivent pas jusque dans l'est de la France, parce qu'elles s'arrêtent en Touraine, pour nos terres céréalières ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

S'il y a une spécialisation en Bretagne, c'est aussi qu'il faut prévoir des abattoirs à proximité des lieux d'élevage. Les agriculteurs ne sont pas bêtes : ils réfléchissent !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 567.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 415 rectifié ter, présenté par Mme Bélim, MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Après le mot :

notamment

insérer les mots :

des départements et régions d'outre-mer,

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. On le sait, nos climats, nos topographies et nos sols sont singuliers, que l'on soit dans l'hémisphère nord, près de l'équateur ou dans l'hémisphère sud.

Ces particularités ont finalement façonné les modèles agricoles de chacun : tantôt une terre de grandes cultures dans l'Hexagone, tantôt un modèle familial sur nos territoires ultramarins.

D'ailleurs, dans nos outre-mer, nous observons uniquement des exploitations de petite dimension, avec une surface moyenne de 5 hectares, contre 69 hectares pour la moyenne des exploitations hexagonales.

Ces exploitations sont, chez nous, évidemment structurées autour d'un équilibre parfois fragile entre les filières de diversification et les filières historiques d'exportation, à savoir la filière canne.

Il nous faut aujourd'hui admettre la singularité des réalités locales, notamment dans les politiques publiques. Ne pas prendre en compte les évidentes particularités géographiques et climatiques des territoires ultramarins, c'est empêcher le développement de modèles économiques agricoles. Alors même qu'il s'agit ici d'un programme non pas hexagonal, mais bien national, il est indispensable de mentionner spécifiquement dans le texte, à l'alinéa 33, aux côtés des zones de montagne et des zones dites « intermédiaires », nos départements et régions d'outre-mer.

Je vous invite donc, au travers de cet amendement, à consacrer les singularités et la diversité de l'ensemble de notre beau territoire national.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par les dispositions en vigueur du code rural et de la pêche maritime. Au V de l'article L. 1, entièrement consacré aux territoires ultramarins, il est bien précisé : « La politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation tient compte des spécificités des outre-mer ainsi que de l'ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ces territoires. »

L'article L. 3 du même code est également dédié aux spécificités du développement agricole ultramarin. Cet article donne comme finalité aux politiques publiques « d'assurer, à l'échelle des territoires, la définition et la cohérence des politiques de développement agricole, en concertation avec les chambres consulaires, les organismes professionnels, les collectivités territoriales et l'État ».

En conclusion, ma chère collègue, votre amendement est pleinement satisfait ; je vous invite donc à le retirer, faute de quoi l'avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. C'est aussi une demande de retrait, pour les raisons exposées par M. le rapporteur.

Mme la présidente. Madame Bélim, l'amendement n° 415 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Audrey Bélim. Une piqûre de rappel est toujours nécessaire lorsqu'il s'agit de nos outre-mer : je le maintiens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 415 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 667 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Bleunven et Canévet, Mme Havet, MM. Longeot, Lafon, Courtial et J.M. Arnaud, Mmes Perrot et Romagny, M. Levi et Mme Gacquerre, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Après le mot :

montagne

insérer les mots :

et des communes insulaires métropolitaines

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Les rapporteurs ont proposé en commission une nouvelle rédaction pour cet article 1er. Ils ont notamment inscrit dans le texte que les politiques agricoles doivent intégrer les spécificités de chaque région, l'objectif étant de permettre un développement équilibré et durable des territoires.

Dans cette perspective, les zones dites « intermédiaires » et les zones de montagne sont directement nommées à l'alinéa 33 et leurs particularités sont mises en avant. Mais qu'en est-il de nos îles métropolitaines ? L'article 3 de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi 3DS) dispose que la spécificité des communes insulaires métropolitaines doit être prise en compte dans la mise en œuvre des politiques publiques locales et nationales.

Au regard de cette disposition, nous proposons, par cet amendement, d'inscrire la spécificité des îles métropolitaines au sein de ce projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez également déposé un amendement visant à rétablir l'article 1er bis A, à l'objet similaire, article que nous avions supprimé en commission. Nous avons décidé d'émettre un avis favorable sur ce second amendement.

Je vous invite donc à retirer cet amendement-ci au profit de votre autre amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. C'est également une demande de retrait, puisque j'apprends avec bonheur qu'un de nos amendements – le Gouvernement a en effet déposé un amendement identique à celui de Mme Billon pour rétablir l'article 1er bis A – recevra généreusement un avis favorable de la commission, ce dont je me réjouis. C'est un plaisir rare, qu'il faut savoir apprécier… (Sourires.)

Mme Annick Billon. Je le retire, madame la présidente !

Mme la présidente. L'amendement n° 667 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 312 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Remplacer les mots :

des productions

par les mots :

des labels de production agricole et de toutes productions

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise à préciser la rédaction de l'alinéa 33, qui dispose dans sa rédaction actuelle que les politiques agricoles doivent prendre en considération les spécificités de nos territoires et de nos productions ; nous proposons que soit spécifiquement encouragé le développement des labels agricoles, qui sont l'une des clés de la recherche de la souveraineté alimentaire.

Ces labels participent à la diversification et à la valorisation de nos productions et de nos territoires. À ce titre, ils sont indispensables à une production agricole harmonieuse et de qualité.

Une telle disposition était présente dans la rédaction retenue par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, mais elle a été supprimée par les députés en séance publique. La rédaction retenue par la commission des affaires économiques du Sénat n'y fait pas non plus expressément référence, évoquant plutôt toutes les productions sous signes de qualité et d'origine.

Nous proposons donc de remédier à cet oubli regrettable et de reconnaître spécifiquement les labels de production agricole au sein de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. C'est une demande de retrait. En effet, cette question sera abordée à l'article 1er quater, qui est en partie consacré à ces sujets.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. L'alinéa 33 prévoit déjà « le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ». C'est donc également une demande de retrait ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Stanzione, l'amendement n° 312 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Lucien Stanzione. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 312 rectifié ter est retiré.

L'amendement n° 878, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Après le mot :

sous

insérer le mot :

des

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 878.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 568, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Remplacer les mots :

De veiller à une juste rémunération des exploitants, salariés et non-salariés agricoles et de l'agroalimentaire ainsi que leurs conditions de travail, leur protection sociale et leur qualité de vie,

par les mots :

De veiller à assurer l'attractivité du métier d'agriculteur, via l'amélioration du revenu, de la protection sociale, des conditions de travail, et via la lutte contre le mal-être au travail et l'exposition aux risques professionnels,

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à renforcer la définition de la souveraineté alimentaire en insistant sur la nécessité d'améliorer les conditions de travail, les revenus et la protection sociale des agriculteurs, ainsi qu'en luttant contre le mal-être au travail dans le monde agricole. Il sera difficile d'atteindre la souveraineté alimentaire si les agriculteurs ne sont pas en bonne santé !

La souveraineté alimentaire suppose effectivement sur un renouvellement des générations et une attractivité des métiers agricoles, comme le précise déjà le présent alinéa, mais la rédaction du texte de la commission reste insuffisante.

Il convient en effet d'afficher plus clairement que les politiques publiques en matière de souveraineté alimentaire doivent contribuer à améliorer la rémunération des agriculteurs, les mobilisations de ces derniers mois ayant montré de façon criante les difficultés en la matière.

Il convient également d'améliorer la protection sociale, dans un contexte où les retraites agricoles sont extrêmement faibles, en particulier pour les femmes, et où les agriculteurs rencontrent des difficultés à accéder au remplacement en cas d'arrêt maladie ou de congé de maternité ou de paternité. Il convient notamment d'agir, à ce titre, sur la prise en charge des maladies professionnelles.

Par ailleurs, il faut améliorer les conditions de travail des agriculteurs, notamment face aux risques d'épuisement professionnel et d'isolement. En particulier, il convient de lutter contre les risques professionnels, alors que les agriculteurs sont exposés à la fois à une pénibilité physique de leur travail, à une charge mentale élevée et aux produits phytosanitaires.

Enfin, il convient de mettre fin au mal-être au travail. Chez les exploitants agricoles, le risque de mortalité par suicide restait en 2020 supérieur de 77,3 % à celui des assurés tous régimes confondus. Un rapport sur ce sujet avait été remis au Sénat en 2021 par Henri Cabanel et Françoise Férat.

Tous ces éléments doivent donc nous amener à apporter une attention particulière à la santé des agriculteurs.

Mme la présidente. L'amendement n° 313 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Après les mots :

à une juste

insérer les mots :

et digne

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à affiner la rédaction de l'alinéa 34 de l'article 1er, qui dispose que les politiques publiques ont pour finalité de veiller à une juste rémunération des exploitants : nous proposons d'inscrire dans la loi que l'objectif est également de leur assurer une rémunération digne.

Cette précision sémantique est certes davantage symbolique que juridique, mais elle tend à envoyer un message fort en réponse à une demande de reconnaissance compréhensible et totalement légitime de la part du monde agricole : les exploitants souhaitent pouvoir vivre dignement de leur métier.

Une nouvelle fois, nous regrettons que ce texte n'aborde pas la question du revenu agricole et des relations commerciales. Nous avons appris il y a quelques jours qu'un nouveau groupe de travail s'est constitué à l'Assemblée nationale en vue d'un nouveau texte législatif, une sorte d'Égalim 5.

Madame la ministre, loin de nous l'idée d'affirmer que ces questions sont faciles à régler, mais comprenez la lassitude des parlementaires ! Nous alertons le Gouvernement depuis des années sur le manque d'efficacité des lois Égalim, qui ne vont pas assez loin dans la coercition pour imposer à certains acteurs économiques de changer leurs pratiques, destructrices pour les agriculteurs.

Mme la présidente. L'amendement n° 879, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Remplacer les mots :

agricoles et de l'agroalimentaire

par les mots :

des secteurs agricole et agroalimentaire

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 568 et 313 rectifié ter ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?

Mme Annie Genevard, ministre. Il est également défavorable sur les amendements nos 568 et 313 rectifié ter. L'avis est en revanche favorable sur l'amendement n° 879 de la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 568.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 313 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 879.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements et d'un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 708 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 34

Après le mot :

vie,

insérer les mots :

de préserver un modèle d'exploitation agricole familial ainsi que la possibilité pour les agriculteurs de choisir leurs systèmes de production dans un cadre clair et loyal et dans le respect de la liberté d'entreprendre,

II. – Alinéa 36

Compléter cet alinéa par les mots :

et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, en assurant le développement de la prévention sanitaire des actifs agricoles, de veiller à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Le présent amendement vise à inscrire dans le texte des objectifs de prévention des risques en matière de santé des agriculteurs.

Nous savons tous que les agriculteurs sont particulièrement exposés aux risques sanitaires. Une documentation scientifique assez abondante, produite notamment par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), semble indiquer que les risques de maladie sont patents. Il serait utile que nos politiques publiques s'attachent à les prendre en considération.

Mme la présidente. L'amendement n° 808, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Après les mots :

leur qualité de vie,

insérer les mots :

de préserver un modèle d'exploitation agricole familiale,

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement propose de compléter l'alinéa 34 pour y réintroduire une formulation pertinente adoptée par l'Assemblée nationale, aux termes de laquelle les politiques publiques doivent s'attacher à préserver un modèle d'exploitation agricole familiale.

Mme la présidente. L'amendement n° 810, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 36

Compléter cet alinéa par les mots :

et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, en assurant le développement de la prévention sanitaire des actifs agricoles, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses en prenant en compte l'approche « une seule santé »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Nous proposons par cet amendement de compléter l'alinéa 36 pour revenir à une rédaction, plus proche de celle qu'avait adoptée l'Assemblée nationale, qui intègre la notion de santé globale et l'approche « une seule santé ».

À un moment où nous enregistrons des exemples de franchissement de barrière des espèces entre l'animal et l'humain – cela a été le cas récemment en Grande-Bretagne pour ce qui est de l'influenza aviaire –,il nous semble important de réaffirmer la nécessité d'une approche globale et systémique de la santé, d'ailleurs à l'œuvre dans l'Union européenne. Lorsque les animaux sont malades, les éleveurs et tous ceux qui approchent les animaux peuvent l'être aussi. Il nous paraît donc important de prendre cette précaution.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 881, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 810, dernier alinéa

Supprimer les mots :

en prenant en compte l'approche « une seule santé »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je retire ce sous-amendement, madame la présidente.

M. Guillaume Gontard. C'est mieux !

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 881 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse de notre assemblée sur l'amendement n° 808 du Gouvernement visant à préserver le modèle agricole familial.

Ayant retiré le sous-amendement n° 881, j'émets un avis de sagesse, voire favorable, sur l'amendement n° 810 du Gouvernement.

Quant à l'amendement n° 708 rectifié, la commission lui est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 708 rectifié. À défaut, il lui sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je voterai les amendements du Gouvernement, ce qui n'est pas si fréquent ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Champagne ! (Sourires.)

M. Daniel Salmon. Nous sommes évidemment favorables à la préservation des exploitations familiales. C'est un beau vœu, mais c'est un vœu pieux : tout ce que nous votons ici ce soir dans ce projet de loi mènera à l'industrialisation de l'agriculture et signera la fin, d'ici à quelques décennies, de l'agriculture familiale et paysanne. Quoi qu'il en soit, nous voterons ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Pardonnez-moi, mais je ne peux pas laisser passer de tels propos ! Ce n'est pas possible ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Je viens de dire que nous allions voter les amendements !

Mme Laure Darcos. Il est gentil pour une fois ! (Sourires sur les travées du groupe INDEP.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. D'accord, mais dire que l'agriculture s'industrialise, ce n'est plus supportable. Il faut arrêter avec ça ! (M. Daniel Salmon s'exclame.)

Laissez-moi vous expliquer, par l'exemple, comment note agriculture a évolué en trente ans : moi-même, dans les années 1990, je me suis installé, avec trois associés, sur une exploitation qui produisait 312 000 litres de lait. Depuis le 1er janvier dernier, nous sommes de nouveau quatre associés, mais, pour percevoir le même revenu qu'à l'époque, il nous faut désormais traire l'équivalent de 1,1 million de litres de lait, soit trois fois plus !

M. Daniel Salmon. Oui, c'est justement le problème !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Les agriculteurs ne sont pas les fautifs !

Ce que l'on oublie aussi de dire, c'est qu'il y a dix ans, pour changer un tracteur, il fallait payer 80 000 euros de soulte, tandis qu'aujourd'hui, pour changer le même tracteur, on doit verser 240 000 euros. C'est ça la réalité ! Vous pensez vraiment que vous allez résoudre les problèmes des agriculteurs avec vos propositions ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. En disant, comme vous le faites, que l'agriculture actuelle est une agriculture industrielle, vous pensez vraiment que vous faites plaisir aux paysans ?

M. Daniel Salmon. Certainement pas !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sachez-le, les agriculteurs ont été obligés d'augmenter leurs rendements, leurs productions, pour maintenir leurs revenus. Vous ne pensez pas que l'excès de dogmatisme va finir par emporter l'agriculture française ? (Vives protestations sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir garder votre calme quand le rapporteur s'exprime.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. C'est ça la réalité ! Écoutez-vous, écoutez donc ce que vous dites ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je te remercie, mon cher Laurent, d'avoir réveillé la salle ! (Sourires.)

Moi-même, j'ai 50 ans. Pour acheter une 2CV en 1970, il fallait vingt tonnes de blé ; aujourd'hui, essayez d'acheter la voiture la moins chère du marché avec vingt tonnes de blé, vous n'y arriverez pas ! Et ce alors même que le prix de la tonne de blé est de 180 euros – je vous laisse faire le compte… C'est ça la réalité !

Le monde agricole ne dispose pas du tout du même pouvoir d'achat qu'autrefois. C'est cela aussi le problème : nous, agriculteurs, donnons accès à une alimentation dont le coût a baissé. Je vous rappelle qu'à une époque pas si lointaine chaque Français dépensait en moyenne 30 % de son pouvoir d'achat pour se nourrir ; désormais, cette part est inférieure à 6 %.

M. Daniel Salmon. Eh oui !

M. Vincent Louault. Madame la ministre, pour en revenir à vos amendements, vous nous avez reproché tout à l'heure le manque de précision de nos définitions. Je vous laisserai donc le soin de définir le concept d'exploitation agricole familiale, tout comme celui de One Health – en français : « une seule santé ». Tout cela manque un peu de clarté.

Chacun y va de sa propre définition. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) donne sa définition de l'agriculture familiale. Si elle doit s'appliquer à notre pays, je vous invite donc à en prendre connaissance. Le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) a également la sienne. Bref, il y a des définitions partout, sauf dans le code rural !

Pardonnez-moi, mais, à un moment donné, il nous faudra trouver des juristes un tant soit peu responsables dans ce pays pour parvenir à une définition correcte des choses, ce qui nous permettra d'avancer et d'éviter des litiges que la jurisprudence met quinze ans à régler.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne me suis pas encore exprimé sur ce texte, au point que certains s'en inquiètent… (Rires et applaudissements.)

M. Daniel Salmon. On vous prête notre micro ! (Sourires.)

M. Marc Laménie. Je resterai très modeste et très sobre. Ce projet de loi est, de mon point de vue, vraiment important. Je ne l'ai pas encore dit, mais je tiens à remercier nos collègues agriculteurs de profession qui siègent au Sénat, car ils parlent de ce qu'ils connaissent vraiment. Moi-même, je ne suis pas agriculteur, mais, dans un passé lointain, j'ai travaillé quatre ans dans une direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF), un service déconcentré que je regrette, car il n'existe plus du tout sous cette forme : les DDAF ont toutes été remplacées et ce qui leur a succédé donne une tout autre image de l'action de l'État.

Pour en revenir aux amendements du Gouvernement, je suivrai, comme je le fais la plupart du temps, l'avis de la commission, tout en exprimant ma sympathie à nos amis du groupe GEST, parce qu'il m'arrive, je le reconnais – je tiens même à le dire ! –, d'être d'accord avec eux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. André Reichardt. C'est le fameux « en même temps » ! (Sourires.)

M. Marc Laménie. L'amendement du Gouvernement vise à inscrire dans le texte la notion d'agriculture familiale, ou, plus exactement, celle d'exploitation agricole familiale. C'est un sujet sensible, un véritable sujet d'actualité. Il importe de soutenir la ruralité, parce que les agriculteurs ont un rôle incontestable à jouer en matière d'aménagement du territoire. C'est, je crois, le message que chacun, ici, souhaite envoyer.

Beaucoup d'amendements ont été déposés à l'article 1er, ce qui prouve l'intérêt que nous portons à notre agriculture. Par conséquent, je le redis, je voterai les deux amendements du Gouvernement ; je profite de cette occasion pour saluer le travail des rapporteurs, ainsi que celui de la présidente et de l'ensemble des collègues de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. D'abord, je tiens à remercier Laurent Duplomb de sa dernière intervention. En quelques mots, il vient de résumer le drame de l'agriculture française,…

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Vous y avez contribué !

M. Ronan Dantec. … qui consiste à produire toujours plus, mais avec de moins en moins de revenus. Il l'a très bien dit : cela fait trente ans, et même beaucoup plus longtemps, soixante ans probablement, que cela dure.

Face à ce constat implacable, qu'il fait lui-même, Laurent Duplomb nous propose pourtant l'inverse de ce qu'il faut faire. C'est extraordinaire ! (M. le rapporteur fait des signes de dénégation.) Il est le témoin concret des impasses de l'agriculture française, d'une agriculture à laquelle on demande de produire beaucoup pour pas cher, de sorte que les marges de l'agrobusiness, qui tient la FNSEA, soient préservées. Il le sait et l'explique parfaitement, et pourtant, d'amendement en amendement, il nous propose d'aller toujours plus loin dans l'impasse. Bravo !

M. Guillaume Gontard. C'est le syndrome de Stockholm !

M. Ronan Dantec. C'est tout à fait cela !

Nous savons très bien qu'il est demandé aux paysans de produire pour pas cher pour l'agro-industrie française.

Nous savons très bien qu'il est demandé à la société française de payer la totalité du coût des externalités négatives : je veux parler des inondations qui surviennent quand on draine de trop et qu'on enlève les haies, de la dépollution de l'eau qui doit se faire quand on accepte les pesticides. Concernant ces derniers, désormais, à en croire le rapporteur, ce n'est même plus leur toxicité qui devrait compter : il est simplement question de savoir si l'on peut les remplacer !

On marche sur la tête, et c'est Laurent Duplomb, avec ses mots et fort de son expérience, qui nous l'explique le mieux ! Merci à lui. Maintenant, il faut qu'il se réveille pour que l'on sorte de cette impasse ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)

M. Roger Karoutchi. Il faut en revenir aux amendements maintenant !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Franck Menonville, rapporteur. Je vais faire en sorte de m'exprimer avec le plus de calme et de sérénité possible sur le sujet, car je crois qu'il faut sortir des caricatures.

Mme Frédérique Puissat. Tout à fait !

M. Franck Menonville, rapporteur. La profession agricole serait-elle la seule qui n'aurait pas le droit de se moderniser, d'évoluer et d'accéder au progrès ? C'est bien de cela qu'il est question aujourd'hui ! Mes chers collègues du groupe écologiste, votre image de l'agriculture reste figée.

Je vais tenter de donner une définition précise de l'agriculture familiale. Certes, celle-ci est diverse et variée dans notre pays : elle concerne tout autant l'élevage que la polyculture, les céréales que la vigne. Mais il est avant tout question d'exploitations autonomes, dont les capitaux sont détenus par une famille, un couple, des enfants, une société regroupant des associés.

Nous le verrons dans la suite de l'examen de ce texte, les jeunes agriculteurs ne s'installeront bien évidemment pas demain dans les mêmes conditions qu'il y a vingt ou trente ans.

Dans mon département, d'ailleurs, je compare souvent les aspirations des jeunes agriculteurs à celles des médecins de campagne. Il y a quelques dizaines d'années, un médecin de campagne s'installait seul dans son cabinet ; il travaillait entre cinq jours et demi et six jours par semaine, tandis que son épouse s'occupait du secrétariat. Aujourd'hui, les jeunes agriculteurs et ceux qui entreront bientôt dans le métier veulent avoir du temps libre et une certaine qualité de vie, ils veulent avoir accès à toutes les nouvelles technologies et à la modernité. Ils veulent aussi être les détenteurs du capital de leur exploitation.

À cet égard, il ne faudrait pas laisser croire que, parce qu'on la valorise au travers de coopératives, de filières et de productions, l'exploitation n'est pas autonome en France. Elle l'est en effet bel et bien : dans notre pays, les exploitations sont détenues par des familles, des capitaux privés, des apporteurs de capitaux, qui financent et donnent à bail. Voilà ce qui fonde notre modèle agricole.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir déposé l'amendement n° 808, car, d'une certaine façon, c'est un peu d'identité française que vous réintroduisez dans le texte.

Mme Annie Genevard, ministre. Absolument !

M. Daniel Gremillet. L'agriculture française, si on la compare à l'agriculture européenne, se distingue par sa richesse, par sa diversité, par les familles qui la composent, lesquelles ont toutes une pratique bien différente en fonction de chaque territoire, mais qui produisent toutes pour un même marché.

Autre précision non négligeable, n'oublions pas que la France est l'un des rares pays à bénéficier de la reconnaissance des groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec), qui ne sont ni plus ni moins que l'addition d'exploitations familiales travaillant ensemble autour d'un projet commun.

Votre amendement est donc essentiel, madame la ministre, et je le voterai avec beaucoup de détermination. J'aurais même souhaité – je l'ai d'ailleurs dit en commission – que l'on aille plus loin, que l'on donne une définition plus précise de l'exploitation agricole et de l'agriculteur dans la France d'aujourd'hui – cela fait partie des manques de ce texte.

Cela étant, ce n'est pas le débat du moment ; alors, réjouissons-nous de remettre l'identité française au cœur de notre paysannerie si riche de sa diversité !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Au terme de ce débat, je voudrais en remercier tous les protagonistes.

Toutefois, je veux vous dire, monsieur le sénateur Dantec, qu'en parlant de l'agriculture comme vous venez de le faire vous ne pouvez que décourager les jeunes qui souhaiteraient entrer dans le métier.

Mme Frédérique Puissat. Tout à fait !

M. Ronan Dantec. C'est la vision de Laurent Duplomb qui décourage !

Mme Annie Genevard, ministre. Vous avez présenté l'agriculture sous le seul angle d'un productivisme débridé et pollueur, inconscient dans ses investissements, et le métier d'agriculteur comme peu rémunérateur : c'est désespérant !

M. Guillaume Gontard. Mais c'est la réalité !

Mme Annie Genevard, ministre. Face à vous, monsieur le sénateur, j'ai entendu des propos absolument remarquables, qui ont contribué à définir ce qu'est l'essence même de l'agriculture française. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

On a cité l'exemple des Gaec : Daniel Gremillet le sait, le Gaec entre époux a été une immense avancée pour les femmes en agriculture. Dans une telle configuration, l'agriculture familiale prend tout son sens.

Tous ceux ici qui connaissent un tant soit peu le métier savent pertinemment ce que recouvre la notion d'agriculture familiale en termes de réalité vivante – j'en parle, parce que l'on a demandé quelle en était la définition dans le code rural. Au fond, le Gaec correspond lui aussi à une forme d'engagement familial.

Aussi, monsieur le sénateur, je vous invite à être beaucoup plus prudent dans votre expression : si nous voulons véritablement faire entrer des jeunes dans le métier,…

M. Ronan Dantec. Plus aucun jeune ne veut devenir paysan !

Mme Annie Genevard, ministre. … il faudra que vous abandonniez un certain nombre d'idées reçues, de caricatures, de propos réducteurs, qui ne peuvent que désespérer une jeunesse qui ne demande qu'à s'engager dans ce magnifique métier du vivant. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.

M. Christian Redon-Sarrazy. Nous voterons probablement, nous aussi, ces deux amendements du Gouvernement. Cela ne mange pas de pain, nous semble-t-il, que de faire figurer une telle précision dans le texte.

En revanche, je suis très dubitatif vis-à-vis de la tentative de définition de l'agriculture familiale qu'a faite le rapporteur, d'autant que la notion de famille est aujourd'hui difficile à cerner.

En outre, on n'a toujours pas donné de véritable définition – Daniel Gremillet vient d'en parler – de l'actif agricole. Si la définition de l'exploitation familiale permet d'y comprendre une exploitation dont les capitaux sont détenus par des personnes extérieures et gérés par un siège parisien, avec des actifs dont le statut est hybride, je ne suis pas sûr que cela corresponde à l'image qu'un certain nombre de collègues ici même s'en font. Si, un jour, on parvenait à définir ce en quoi consiste un actif agricole, on aboutirait sans doute à une meilleure définition de ce qu'est une agriculture familiale.

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. On le voit bien, le constat à dresser fait débat. Ce que l'on observe sur le terrain, ce qui nous a conduits, en définitive, à l'examen de ce projet de loi d'orientation agricole, prouve que nous sommes arrivés au bout d'un modèle.

Le problème, mes chers collègues, c'est que vous essayez de réhabiliter le modèle que vous avez soutenu et développé depuis des années, et qui a consisté à laisser croire aux agriculteurs que leur revenu ne pourrait être décent que s'ils agrandissaient leur exploitation. Nous pensons, pour notre part, qu'il existe un autre modèle.

Nous avons nombre de contre-exemples à opposer aux exemples que vous avez cités tout à l'heure, monsieur le rapporteur, cher Laurent Duplomb.

Moi-même, j'ai été très longtemps maire d'une commune où il existe une exploitation agricole dont la surface a diminué, mais qui a su s'engager dans la transformation de produits à la ferme et se convertir à l'agriculture biologique, une exploitation qui vit très bien et qui a permis aux paysans qui s'en occupent de trouver la qualité de vie qu'évoquait tout à l'heure Franck Menonville. Je crois que cet exemple est tout à fait généralisable.

On a parlé des jeunes. De ce côté-ci de l'hémicycle, nous souhaitons évidemment que les jeunes agriculteurs aient une meilleure qualité de vie et qu'une partie de la jeunesse se tourne vers l'agriculture. Mais beaucoup de jeunes, qui veulent effectivement choisir cette voie, ne le peuvent pas à cause de l'accaparement des terres.

M. Ronan Dantec. Absolument !

M. Michaël Weber. J'ai en tête l'exemple d'anciens responsables agricoles, qui soulignaient auprès des jeunes agriculteurs l'importance de la transmission des exploitations, mais qui, in fine, ont vendu leurs fermes à de grands groupes et de grandes organisations. Tout cela manque franchement de cohérence. Alors, remettez-vous un peu en question ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 708 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 808.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 810.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 712 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Remplacer les mots :

rechercher l'équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée, et de contribuer à l'organisation collective des acteurs

par les mots :

garantir l'équilibre des relations commerciales, un meilleur partage de la valeur, notamment en encadrant les marges, et de contribuer à l'organisation collective pluraliste des agriculteurs ;

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 591, présenté par M. Buis, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Après les mots :

notamment par

Insérer les mots :

le rééquilibrage des négociations commerciales entre acteurs et

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement vise à introduire à cet alinéa la notion de « rééquilibrage des négociations commerciales » au profit des producteurs pour assurer un meilleur équilibre des relations commerciales. Cet ajout est fondamental pour permettre aux producteurs de défendre leurs intérêts face à l'aval et de leur assurer une plus juste rémunération au moment des négociations commerciales.

Mme la présidente. L'amendement n° 592, présenté par M. Buis, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Après les mots :

notamment par

insérer les mots :

le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs et

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement a presque le même objet que le précédent ; il n'en diffère que parce que nous retenons cette fois la notion similaire de « renforcement du pouvoir de négociation des producteurs ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 712 rectifié.

Quant aux amendements nos 591 et 592, elle en demande le retrait, car ils sont satisfaits : il y a en effet peu de différence entre la notion de « rééquilibrage des négociations commerciales » et celle que nous avons retenue dans le texte d'« équilibre des relations commerciales ».

M. Bernard Buis. Je retire mes amendements !

Mme la présidente. Les amendements nos 591 et 592 sont retirés.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 712 rectifié ?

Mme Annie Genevard, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 712 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 809, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 15° De reconnaître et de valoriser le rôle des femmes en agriculture en veillant à ce qu'elles puissent exercer sous un statut adapté à leur situation et soient informées et accompagnées dans le choix des modes d'exercice de leur profession, en bénéficiant d'un accès facilité au statut de chef d'exploitation, à la formation continue, à une rémunération équitable, et à une protection et une action sociales aux règles adaptées pour tenir pleinement compte des spécificités des métiers et des contraintes des femmes chefs d'exploitations et salariées agricoles, notamment par la prise en compte de leurs parcours professionnels pour améliorer le calcul des droits à retraite ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. C'est un amendement auquel j'attache une importance toute particulière. Il a pour objet la valorisation du rôle des agricultrices et se justifie, me semble-t-il, par son texte même.

Le Gouvernement entend valoriser le rôle essentiel des agricultrices. Vous savez que le statut de conjoint collaborateur va s'éteindre ; il va donc falloir que celles-ci choisissent un autre statut : soit celui de chef d'exploitation, soit celui de salarié agricole. Dans certains cas, il peut même arriver que des agricultrices choisissent de quitter le métier – elles en parlent aussi. Il me paraît important, au moment où nous cherchons à ce que de plus en plus de nos concitoyens aillent vers les métiers agricoles, d'encourager les femmes à le faire.

Cette approche, je le crois, pourrait susciter des vocations pour les métiers de l'agriculture. L'amendement du Gouvernement vise ainsi à souligner l'importance des femmes dans le monde agricole, à les aider à persévérer dans le métier et à y acquérir un statut clair, ainsi qu'une pleine et entière reconnaissance.

La question de la valorisation de leurs droits se pose aussi. Lorsqu'on examine leur situation, on s'aperçoit que les femmes agricultrices perçoivent des revenus et des pensions plus faibles et qu'elles obtiennent plus difficilement leur congé de maternité – elles préfèrent même parfois la compensation financière, parce qu'elles ont difficilement accès aux services de remplacement.

Beaucoup de travail reste à faire pour une pleine reconnaissance des femmes. C'est la raison pour laquelle je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 809.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 715 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 35

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … De garantir le respect du pluralisme dans la gouvernance des instances agricoles et alimentaires et la participation de la société civile ;

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 715 rectifié est retiré.

L'amendement n° 720 rectifié, présenté par MM. Lahellec et Xowie, Mme Corbière Naminzo, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 35

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … De veiller à ce que les politiques de la souveraineté alimentaire tiennent compte des spécificités des outre-mer ainsi que de l'ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ces territoires. Elles ont pour objectif de favoriser le développement des productions agricoles d'outre-mer, en soutenant leur accès aux marchés, le revenu des agriculteurs, la recherche et l'innovation, l'organisation et la modernisation de l'agriculture par la structuration en filières organisées compétitives et durables, l'adaptation des exploitations au changement climatique, l'emploi, la formation, le renouvellement des générations, la satisfaction de la demande alimentaire par des productions locales, notamment en s'appuyant sur les filières de diversification, la préservation et la pleine mobilisation de la surface agricole utile, des démarches de qualité particulières et de l'agriculture familiale, ainsi que de répondre aux spécificités de ces territoires en matière de santé des animaux et des végétaux ;

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. L'agriculture dans nos territoires d'outre-mer a des particularités qu'il ne faudrait pas oublier dans ce texte.

Les activités agricoles ultramarines sont très sensibles aux aléas climatiques et aux aléas extérieurs. J'en prendrai comme illustration les effets de la fluctuation des marchés mondiaux sur la compétitivité des filières sucre et banane, ou encore des événements majeurs tels que les ouragans ou les cyclones, comme celui qui a frappé à Mayotte tout récemment.

Nos économies ultramarines sont donc structurellement importatrices – je ne vous apprends rien. Le taux de dépendance aux importations alimentaires a même augmenté, passant de 54 % en moyenne en 1995 à 71 % en 2011. Cette moyenne ne reflète cependant pas la diversité des situations dans nos territoires. À La Réunion, le taux de couverture des besoins de la population par la production locale dépasse ainsi 70 %.

Il est donc absolument nécessaire que les territoires dits d'outre-mer puissent être parfaitement intégrés dans les dispositifs prévus par le présent texte. Tel est l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement pour la raison que j'ai déjà invoquée tout à l'heure, à savoir, ma chère collègue, que ce que vous demandez est déjà satisfait par les dispositions en vigueur du code rural.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 720 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 416 rectifié ter, présenté par MM. M. Weber, Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 36

Compléter cet alinéa par les mots :

notamment en concourant à la réduction de l'usage des produits phytosanitaires et de la pollution de l'eau imputable à l'agriculture par un plan stratégique dédié

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Nous proposons, par cet amendement, de compléter l'objectif de protection de la santé publique inscrit à cet alinéa en prévoyant l'ouverture de deux chantiers majeurs : la lutte contre la pollution généralisée de l'eau, d'une part, et la réduction de l'usage des produits phytosanitaires, de l'autre. Ces deux points clés sont d'ailleurs liés : je rappelle que 97 % des eaux souterraines françaises sont aujourd'hui contaminées par un ou plusieurs pesticides.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement a déjà engagé des politiques concrètes de réduction de l'usage des produits phytosanitaires. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 416 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements et d'un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 569, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 17° De préserver la souveraineté de l'élevage et de l'agropastoralisme en France par un plan stratégique déterminant notamment les modalités de transition vers plus de durabilité socio-économique et environnementale, d'assurer le maintien de l'élevage dans les systèmes plein air, herbager, biologiques et d'accompagner la transition de l'élevage français vers ces systèmes, d'assurer l'approvisionnement en protéines animales des Français tout en accompagnant le changement des pratiques alimentaires vers des produits animaux issus de modes de production durable et de maintenir et de restaurer l'ensemble de ses fonctionnalités environnementales, sociales, économiques et territoriales ainsi que ses complémentarités agronomiques avec les productions végétales ;

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à réorienter les objectifs du plan stratégique pour la souveraineté de l'élevage inscrits au présent article.

Un tiers des exploitations d'élevage a disparu entre 2010 et 2020. Cette tendance à la baisse se poursuit aujourd'hui, au détriment des exploitations les plus vertueuses.

Pour mettre un terme à ce cercle vicieux et sortir de l'impasse dans laquelle se trouvent de nombreux éleveurs, le plan stratégique pour l'élevage prévu à cet article est donc tout à fait utile – je dirais même, indispensable. Toutefois, nous estimons qu'il doit d'abord permettre d'orienter les filières et d'accompagner les agriculteurs, notamment ceux qui souhaitent tendre vers des modèles durables et résilients d'un point de vue socioéconomique et environnemental.

Le présent amendement tend à réorienter les objectifs du plan stratégique pour les rendre plus ambitieux sur le plan agroécologique. Nous proposons également d'assurer le maintien de l'élevage dans les systèmes de plein air, herbagers et biologiques, et d'accompagner la transition de l'élevage français vers ces systèmes, comme le demandent un certain nombre d'agriculteurs.

Madame la ministre, vous parlez souvent de « faire envie ». Pour ma part, je considère que de nombreux modèles font envie. J'en connais moi-même un, très près de chez moi : ce sont deux agriculteurs regroupés en Gaec – on vient d'en parler –, qui se sont mis au bio il y a cinq ans et qui en vivent très décemment, parce qu'ils ne supportent plus tous les coûts liés aux intrants, aux produits phytosanitaires ou aux engrais. Ils peuvent désormais se permettre la monotraite en été. Et comme ils sont en Gaec, ils peuvent partir un week-end sur deux… Voilà un modèle qui fait envie, qui donne du sens au travail des agriculteurs et qui doit, par conséquent, mener des jeunes, ou même des moins jeunes qui seraient en reconversion professionnelle, vers l'agriculture.

Ce n'est, hélas, pas le modèle que vous défendez ni celui qui a été défendu jusqu'à présent, et qui a entraîné la disparition de près de 100 000 exploitations en dix ans. Si l'on continue dans cette voie, ou si l'on accélère, nous perdrons au moins 100 000 autres exploitations dans les dix années à venir. Voilà pourquoi il faut un plan stratégique pour l'élevage.

Mme la présidente. L'amendement n° 570, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 17° D'assurer le maintien de l'agropastoralisme et de l'élevage pâturant en plein air tout en assurant la transition de l'élevage vers ces systèmes, et lutter contre la décapitalisation de ces élevages par un plan stratégique dédié déterminant notamment les objectifs de production ;

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à celui que je viens de défendre : il vise à instaurer un objectif, moins ambitieux, de lutte contre la décapitalisation de l'élevage, en favorisant le modèle pâturant, de plein air, et en facilitant la transition depuis le système actuel.

Ainsi, on garantirait le maintien de l'élevage herbager, c'est-à-dire de l'élevage assurant aux animaux un accès au plein air, qui est le modèle le plus vertueux pour le vivant, les agriculteurs et le bien-être animal, un modèle essentiel à la dynamique des écosystèmes et des territoires ruraux.

Nous y proposons également d'assurer la transition des modes d'élevage actuels vers ce modèle, en faisant en sorte que le plan stratégique en faveur de l'élevage renforce la lutte contre la décapitalisation de ces élevages via des politiques agissant à la fois sur l'offre et la demande.

En effet, ce que l'on observe de plus en plus aujourd'hui, c'est la multiplication d'élevages où les animaux sont élevés en bâtiment et ne sortent plus dans les champs. Il convient de mettre de nouveau en avant le pâturage, le modèle herbager, parce qu'il s'agit, j'y insiste, du plus vertueux.

Mme la présidente. L'amendement n° 706, présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 37

1° Après le mot :

décapitalisation

Insérer les mots :

et la diminution du nombre d'éleveur

2° Remplacer les mots : 

objectifs de production 

par les mots : 

modalités de transition vers plus de durabilité socio-économique et environnementale

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Cet amendement, je dois l'admettre, est quelque peu partisan, dans la mesure où je considère que la faiblesse des textes que nous avons abordés jusqu'à présent réside dans le fait qu'il y est peu question d'élevage.

Si j'ai ce sentiment, c'est probablement parce que je viens moi-même d'une région d'élevage, la Bretagne, mais il me semble aussi que l'élevage est la plus parfaite illustration de la manière dont on pourrait garantir un développement durable de notre agriculture, notamment, mais pas uniquement, au travers du modèle herbager.

Avec cet amendement, nous nous autorisons à suggérer une mention particulière pour l'élevage, et je comprendrais aisément que certains de nos collègues ne soient pas vexés de le soutenir.

Mme la présidente. L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Après le mot :

décapitalisation

insérer les mots :

, notamment de l'élevage pâturant en plein air,

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Par cet amendement, nous proposons d'encourager la lutte contre la décapitalisation des élevages herbagers, qui reposent majoritairement sur le pâturage en extérieur pour l'alimentation des animaux.

Mme la présidente. L'amendement n° 811, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Compléter cet alinéa par les mots :

, en assurant l'approvisionnement en protéines animales des Français et en maintenant et restaurant l'ensemble des fonctionnalités environnementales, sociales, économiques et territoriales de l'élevage, ainsi que ses complémentarités agronomiques avec les productions végétales

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Par cet amendement, je propose de compléter cet alinéa en y faisant figurer la nécessaire garantie de l'approvisionnement en protéines animales des Français. Il me paraît important de rappeler qu'il faut manger de la viande, ou, du moins, qu'il est souhaitable de le faire, puisque certains, évidemment, ne le veulent pas – je préfère le formuler ainsi pour éviter de m'attirer des critiques…

En effet, la viande apporte des protéines qui sont, de mon point de vue, indispensables à la bonne santé de l'organisme. Aussi convient-il de maintenir l'ensemble des fonctionnalités environnementales, sociales, économiques et territoriales de l'élevage, ainsi que ses complémentarités agronomiques avec les productions végétales.

Le modèle polyculture-élevage est très intéressant. On y observe des complémentarités, notamment en matière d'autonomie fourragère, mais aussi dans bien d'autres domaines que les experts de ces sujets connaissent bien.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 882, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 811, alinéa 3

Supprimer les mots : 

et restaurant

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ce sous-amendement à l'amendement du Gouvernement vise à nous dispenser d'une précision inutile, en y supprimant le terme « restaurant ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les cinq amendements en discussion commune ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sous réserve de l'adoption de son sous-amendement, la commission est favorable à l'amendement n° 811.

En revanche, elle a émis un avis défavorable sur les amendements nos 569, 570, 706 et 97 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Il est défavorable sur les amendements nos 569, 570, 706 et 97 rectifié, car nous leur préférons notre amendement n° 811, éventuellement modifié par le sous-amendement n° 882 de la commission, auquel nous sommes favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Cet après-midi, nous avons été brocardés et taxés de ne pas aimer la science parce que l'un de nos amendements tendait à supprimer, à l'alinéa 26, le terme « scientifique ».

Or, madame la ministre, il se trouve que j'ai une formation scientifique ; je peux donc vous confirmer qu'il faut des protéines dans l'alimentation humaine, c'est certain. En revanche, j'aimerais que vous me citiez l'étude vous permettant d'affirmer que les protéines d'origine animale seraient préférables, pour la santé humaine, à celles d'origine végétale. Comme vous êtes une défenseuse de la science, qui s'est battue tout à l'heure pour conserver dans ce texte une référence aux approches scientifiques, pouvez-vous partager les références scientifiques étayant vos propos ? Cela m'intéresserait fortement de les lire… (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

Par ailleurs, je vous ai entendu défendre l'agriculture paysanne et les jeunes qui veulent y accéder. Nous nous ferons donc un plaisir de vous transmettre tous les dossiers de ces jeunes qui ont besoin de terrains d'une surface modeste – 15 à 30 hectares leur suffiraient –, mais à qui la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) ne les accorde jamais.

Comme nous avons manifestement trouvé en votre personne une grande défenseuse de l'agriculture paysanne, attendez-vous à recevoir de nombreux dossiers sur lesquels, je n'en doute pas, vous vous engagerez personnellement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 569.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 570.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 706.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 882.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 881, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 464, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 38

Remplacer les mots : 

De promouvoir la souveraineté en

par les mots : 

De réduire la dépendance aux importations et d'augmenter le taux de couverture de la consommation par la production nationale de

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à remplacer la notion de souveraineté, dont nous avons constaté depuis quelque temps qu'elle était pour le moins flottante, par des indicateurs plus précis, pour lesquels nous disposons de données et qui rendent compte des besoins alimentaires en France.

Les taux de couverture de la consommation par la production nationale et la dépendance aux importations sont déjà calculés et publiés par FranceAgriMer – j'en ai parlé hier. Ils déterminent un taux d'auto-approvisionnement, un taux de couverture des besoins nationaux et un taux de dépendance aux importations.

Il importe d'être en mesure de distinguer les causes de la dépendance aux importations par filière, celle-ci pouvant être due à un déficit de production nationale, mais également à un faible taux d'autoconsommation. Remédier à l'une ou à l'autre de ces situations n'implique pas les mêmes politiques publiques. Comme je l'ai expliqué précédemment, nous pouvons agir sur la production, mais également sur la consommation.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est défavorable, car cette demande est satisfaite à l'alinéa 38.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Il est également défavorable : le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes répond de manière plus large à la question soulevée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 464.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 598 rectifié ter, présenté par M. M. Weber, Mme Bonnefoy, MM. Gillé, Lurel, Ros, Bourgi et Fichet, Mme Linkenheld, M. Pla, Mmes Poumirol et Monier et M. Chantrel, est ainsi libellé :

Alinéa 38

Après le mot : 

légumes 

insérer les mots : 

de saison, dans le cadre d'une production et d'une consommation locale,

La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 598 rectifié ter est retiré.

L'amendement n° 784 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Bellurot, M. Somon, Mme Dumas, MM. Pernot, Khalifé, Panunzi, Klinger et Mandelli, Mme Muller-Bronn, MM. Naturel et Bouchet, Mmes Belrhiti, M. Mercier, Dumont, Borchio Fontimp, Pluchet, Perrot et Ventalon, M. Belin, Mme Goy-Chavent, M. Longeot et Mme Canayer, est ainsi libellé :

Alinéa 40

Compléter cet alinéa par les mots :

, incluant le mode d'abattage des animaux

La parole est à M. Laurent Somon.

M. Laurent Somon. Cet amendement déposé par mon collègue et confrère Arnaud Bazin vise à ce que le consommateur, lorsqu'il achète de la viande, soit informé du mode d'abattage des animaux à la base du processus de transformation, eu égard au caractère dérogatoire, dans notre pays, de l'autorisation d'abattre les bêtes sans étourdissement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cette proposition pose tout de même pas mal de questions et a déjà suscité beaucoup de bruit… Aujourd'hui, il existe un mode d'abattage s'appuyant sur des méthodes spécifiques et destiné à une population particulière, qui ne consomme pas la totalité de l'animal. Par conséquent, le reste de l'animal est consommé par des gens qui ne souhaitent pas nécessairement consommer de la viande issue de ce mode d'abattage.

Nous pouvons difficilement traiter cette question autrement qu'aujourd'hui ; on est obligé d'autoriser ce mode d'abattage, sans quoi la partie de la population qui y a recours devrait se tourner vers des produits issus d'autres pays.

Dans un premier temps, j'avais envisagé de m'en remettre à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement, pour que nous puissions débattre de ce sujet, mais, maintenant que la discussion a pu être engagée, j'en viens à un avis défavorable, car imposer un tel étiquetage pourrait déstructurer la filière.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, c'est d'un sujet délicat que vous nous invitez à débattre.

Cet amendement a pour objet d'imposer un étiquetage. Toutefois, juridiquement, un pays ne peut pas imposer de son propre chef un étiquetage relatif au mode d'abattage des animaux ; cela relève d'un cadre européen harmonisé, le règlement concernant l'information sur les denrées alimentaires, dit Inco. Le dispositif proposé contrevient donc à une disposition communautaire.

Sur le fond, vous évoquez l'abattage sans étourdissement, c'est-à-dire la question du bien-être animal, mais vous n'ignorez pas les implications de ce que vous proposez. Les pratiques de deux cultes se trouveraient visées. Aussi, il n'est pas opportun de légiférer sur un tel sujet sans avoir, au préalable, dialogué avec les représentants de ces cultes.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme Annie Genevard, ministre. La question du bien-être animal est désormais prégnante dans la société. Nous voyons bien à quel point les Français y sont attentifs. Pour autant, nous ne pouvons pas ignorer le fait que des cultes sont extrêmement attachés au mode d'abattage.

Un travail sur le sujet a été amorcé avant l'adoption de la motion de censure, mais n'a pas abouti. Il serait bon de consulter les représentants des cultes en question pour déterminer si des points de rapprochement sont envisageables.

En somme, je suis défavorable à cet amendement parce que, sur la forme, il est juridiquement inopérant et que, sur le fond, il convient d'avancer avec précaution. La question a déjà été abordée à de multiples reprises : demandez-vous pourquoi elle n'a jamais abouti ! Le sujet est tout de même complexe.

Par conséquent, sauf retrait de cet amendement, l'avis sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Comme il s'agit d'un amendement du déontologue du Sénat, je serai prudent. (Sourires.) Celui-ci a d'ailleurs déjà déposé cet amendement à plusieurs reprises depuis 2020.

Il s'agit à mon sens d'un amendement curieux.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. Oui !

M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, soyons clairs et laissons de côté la pudeur, nous sommes ici au Sénat, pas dans un club où nous aurions peur de nous-mêmes : les communautés juive et musulmane consomment de la viande issue des filières casher et halal, qui ne correspondent pas à la filière classique en matière d'abattage.

Allons-nous réellement régler le problème des filières halal et casher dans ce pays au détour d'un amendement, sans concertation avec les organisations juives et musulmanes ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Non !

M. Roger Karoutchi. Franchement, qui peut croire cela ? Nous avons déjà peur de modifier le moindre alinéa, et nous nous en prendrions à de telles pratiques ? Peut-être que ces pratiques peuvent évoluer ; nous verrons bien. Mais ce sont les communautés musulmane et juive qui doivent le décider !

La République est laïque, mais elle doit respecter tous les cultes, sans exception. Voyons comment nous pouvons avancer avec eux et ne faisons rien contre eux ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. Je comprends bien sûr l'intention des auteurs de cet amendement, dont on peut partager certaines préoccupations.

Toutefois, je me réjouis que la position du rapporteur ait évolué et que Mme la ministre ait émis un avis défavorable. Au-delà des considérations que vient de rappeler Roger Karoutchi, l'adoption de cet amendement aurait des conséquences économiques pour les filières concernées, dont l'organisation serait profondément modifiée. Je ne suis pas certain qu'existe la capacité économique de faire face à cette disposition.

Par ailleurs, le fait de porter à la connaissance du public la méthode d'abattage ferait courir de réels risques de boycott tant à la viande française dans son ensemble qu'aux produits issus de méthodes d'abattage particulières, désormais identifiables par le public.

Pour toutes ces raisons, je me range à l'avis de la ministre et du rapporteur. Si cet amendement n'est pas retiré, je voterai contre, malgré toute la qualité de son auteur.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je suis également défavorable à cet amendement. S'il me paraît légitime de fournir au consommateur la meilleure information possible sur les produits qui lui sont proposés, il convient de veiller à ce qu'une obligation nouvelle ne déstructure pas une filière. Or c'est ce qu'il risque de se passer si cet amendement est adopté.

En effet, nous savons bien que la filière de la viande issue de l'abattage sans étourdissement, voire la filière bovine dans son ensemble, serait ainsi déstructurée.

Comme l'a rappelé le rapporteur, une partie de la viande issue de l'abattage sans étourdissement est introduite dans le circuit général. Si l'étiquetage qui est proposé mettait fin à cette pratique, nul doute que cette filière en souffrirait. Tout d'abord, des parts de marché entières disparaîtraient. Ensuite, il me semble évident que priver le circuit général de la viande issue de l'abattage sans étourdissement conduirait inévitablement à des augmentations tarifaires.

Étant particulièrement attentif aux implications économiques des dispositions que nous adoptons, je ne voterai pas cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 784 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 465 est présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 813 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 41

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 465.

M. Daniel Salmon. On me fait remarquer que le Gouvernement a déposé un amendement identique à celui-ci : comme quoi, les choses évoluent ! (Sourires.)

Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 41 de l'article 1er, qui impose des allégements fiscaux, donc une baisse des recettes publiques. Nous sommes tous conscients que l'état de nos finances ne nous le permet pas. Ce texte doit consacrer un renforcement du soutien de l'État à l'agriculture ; il sera difficile de le financer en cas de perte de recettes fiscales !

Par ailleurs, nous nous opposons à l'objectif de réduction du coût du travail figurant également à cet alinéa, qui se traduirait par une réduction des salaires et de la protection sociale des travailleurs des secteurs agricole et agroalimentaire. Les professionnels de ces secteurs étant déjà mal payés, il y a lieu de s'inquiéter. Il convient au contraire d'inscrire dans la loi des objectifs d'amélioration des revenus et de la protection sociale de l'ensemble des actifs agricoles.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 813.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 41, qui a été ajouté au texte par la commission des affaires économiques du Sénat ; nous sommes opposés à ces dispositions pour deux raisons.

Premièrement, sur la forme, je ne peux pas soutenir des mesures qui engagent financièrement le Gouvernement dans un périmètre qui n'est pas défini. Le prochain budget sera probablement aussi contraint que celui qui a été adopté pour 2025.

Mme Annie Genevard, ministre. Il le sera peut-être même davantage, en effet. Il ne semble donc pas raisonnable d'engager le Gouvernement à l'aveugle.

Deuxièmement, sur le fond, penchons-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le texte de cet alinéa : « veiller à mettre en œuvre une fiscalité compatible avec l'objectif d'amélioration du potentiel productif agricole, notamment en allégeant la fiscalité sur l'énergie, dont le carburant, » – je vous renvoie sur ce point à ce que nous faisons pour le gazole non routier (GNR) – « en exonérant de taxes et impôts les indemnisations en cas de crises sanitaires en élevage, » – je vous réponds que je viens de sauver in extremis des conséquences de l'adoption de la motion de censure 150 millions d'euros d'aides pour l'élevage bovin, qui seront mobilisées dès à présent – « en allégeant de façon pérenne le coût du travail, notamment temporaire » – songez au dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) – « et en ramenant la fiscalité du foncier agricole et de sa transmission » – sur ce dernier point, je vous rappelle l'existence prolongée du pacte Dutreil.

Pourquoi voulez-vous inscrire dans la loi ce qui existe déjà dans le budget ? Près d'un demi-milliard d'euros est déjà consacré à ces objectifs. Je comprends mal cette redondance.

En tout état de cause, j'émettrai un avis défavorable sur tous les amendements de nature budgétaire, car ce texte de programmation n'est pas fait pour cela. Aucune étude d'impact n'ayant été réalisée, je ne saurais m'engager à l'aveugle comme l'imposerait la formulation de l'alinéa 41.

Aussi, je vous demande de voter cet amendement de suppression de cet alinéa.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous travaillons sur ce texte depuis neuf fois. Quand nous nous y sommes attelés, les objectifs inscrits à l'alinéa 41 étaient absolument d'actualité.

Ils le sont peut-être un peu moins aujourd'hui, compte tenu de ce qui figure dans le projet de loi de finances que l'on peut considérer aujourd'hui comme adopté par l'Assemblée nationale. Mais je vous rappelle que nous examinons ici un article programmatique : rien n'empêche d'y fixer des orientations. Les dispositions d'un tel article ne peuvent être déclaré irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.

Ces orientations ne sont pas des one shot ; elles s'inscrivent dans le temps long. La réduction de la fiscalité sur le GNR doit se faire dans la durée, de même que les exonérations de taxe dans le domaine de l'élevage. Nous définissons simplement des orientations programmatiques pour améliorer les revenus et la souveraineté.

Il est normal que des dispositions de caractère économique ou fiscal soient intégrées aux objectifs de compétitivité et de souveraineté. Cela n'engage en rien le Gouvernement d'un point de vue budgétaire, puisque c'est programmatique. C'est d'ailleurs pour cela que la commission des finances a estimé que l'article 40 ne s'opposait pas à l'amendement déposé en commission tendant à insérer cet alinéa dans l'article 1er.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Je tiens à prolonger mon argumentation : un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a montré que l'efficacité des dispositifs relatifs à la cession et à la transmission était limitée et invite à faire évoluer les dispositifs fiscaux.

Cette étude est intéressante. Elle a été présentée aux Jeunes Agriculteurs, qui se sont montrés très réceptifs à l'idée de rendre la fiscalité plus opérationnelle pour favoriser les installations et faciliter les cessions.

Quand les parlementaires adoptent des allégements de charges, ils le font dans un contexte économique donné, qui peut être amené à évoluer. Inscrire de tels dispositifs dans une loi d'orientation fige exagérément les choses. Cette vision ne tient pas compte du principe d'annualité budgétaire et de la nécessité d'adapter nos outils fiscaux à la réalité économique de l'agriculture. C'est une raison supplémentaire pour laquelle je ne suis vraiment pas favorable à cet alinéa.

Il se trouve que la réalité de la politique fiscale actuelle correspond très exactement à l'énoncé retenu par la commission. Si tel est le cas, il est inutile de l'écrire ici, d'autant que, si des dispositions différentes se révélaient nécessaires à l'avenir, votre rédaction deviendrait complètement obsolète.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la ministre, les conclusions du CGAER sont parfaitement traduites par la fin de l'alinéa 41 : « en ramenant la fiscalité du foncier agricole et de sa transmission dans la moyenne européenne afin de favoriser les installations ».

Peut-être, comme vous le dites, que cela ne correspondra pas à la réalité dans vingt ans. Mais franchement, qui peut objectivement croire que tout ce que nous allons voter ce soir sera toujours pertinent dans vingt ans ?

Je vous rappelle que ce texte d'orientation comprend des dispositions sur le statut du chien de troupeau… La pression fiscale et les leviers dont dispose l'État en la matière pour améliorer le potentiel productif de notre pays ont-ils si peu de sens qu'ils ne puissent être mentionnés dans une loi d'orientation ?

Mme Annie Genevard, ministre. Un demi-milliard, tout de même !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il s'agit d'orientations, pas d'objectifs chiffrés ! Cet alinéa n'impose pas au Gouvernement de dépenser chaque année plusieurs centaines de millions d'euros. Il donne simplement des orientations qu'il nous semble important de mentionner pour rester compétitifs vis-à-vis de nos concurrents européens. Cela ne constitue pas une injonction à l'égard du Gouvernement et encore moins une définition du montant à dépenser.

Je vous demande donc, mes chers collègues, de ne pas adopter ces deux amendements identiques de suppression de l'alinéa 41. Contrairement à vous, madame la ministre, je considère qu'il a toute sa place dans un article programmatique.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Sur ce coup, je suis d'accord avec le rapporteur. Depuis un an, nos agriculteurs se débattent. Ils ont besoin qu'on leur donne des perspectives pour envisager un monde meilleur. Je comprends le principe d'annualité budgétaire, mais le fait d'afficher noir sur blanc, pour ce qui est d'espèces sonnantes et trébuchantes, notre volonté de les accompagner va quand même les rassurer !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 465 et 813.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 314 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et M. Weber, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De définir des dispositifs d'indemnisation des producteurs en agriculture biologique ou à bas niveaux d'intrants touchés par des destructions de lots en lien avec des contaminations dont ils ne sont pas responsables.

La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à prévoir des dispositifs de soutien et d'indemnisation pour les producteurs en agriculture biologique ou à bas niveau d'intrants dont les récoltes sont contaminées, malgré eux, par des produits phytosanitaires.

On répondrait ainsi à une demande ancienne de la filière bio face au constat que le seul moyen existant aujourd'hui d'indemniser un agriculteur dans cette situation est le recours à l'assurance responsabilité civile du responsable identifié. Dans les cas de contamination par des produits phytosanitaires volatils ou rémanents, il est impossible d'identifier précisément le responsable, donc d'obtenir une indemnisation.

En conséquence, nombre de victimes subissent des pertes sans aucune possibilité d'action. La filière sarrasin bio constitue à cet égard un exemple frappant : entre 2020 et 2022, la contamination par le prosulfocarbe a touché près de 140 exploitations, pour 550 tonnes détruites et des pertes estimées à 550 000 euros.

Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise ainsi à inscrire dans la loi un dispositif d'indemnisation des producteurs en agriculture biologique ou à bas niveaux d'intrants dont des lots sont détruits à cause de contaminations dont ils ne sont pas responsables.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Une mission visant à étudier les options possibles pour indemniser les producteurs en agriculture biologique touchés par des destructions de lots et des déclassements va être confiée conjointement à l'inspection générale des finances (IGF), à l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) et au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.

Votre demande se trouvant satisfaite, je vous invite à retirer cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 314 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 459 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Lermytte, M. V. Louault, Mme L. Darcos, M. Capus, Mme Bourcier, MM. Brault, Chevalier et Laménie, Mme Paoli-Gagin, M. Rochette, Mme Ramia, M. Khalifé, Mme Perrot, MM. Folliot et H. Leroy, Mme Romagny et M. Levi, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De développer l'autonomie alimentaire des exploitations d'élevage ;

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à encourager le développement de l'autonomie alimentaire des exploitations d'élevage.

Il ne s'agit pas d'entraver les autres formes d'élevage, mais ces élevages autonomes représentent une valeur ajoutée pour notre modèle agricole français, notamment par l'omniprésence du pâturage. Ils sont plus durables et plus résilients face aux chocs économiques et ils conservent nos paysages et notre souveraineté alimentaire. Les élevages moins autonomes sont plus dépendants des intrants et peut-être plus fragiles.

Pour les plus jeunes générations, la perspective d'être plus autonomes et résilients d'un point de vue économique, mais aussi de travailler en accord avec l'environnement constitue un facteur d'attractivité essentiel.

Par ailleurs, je rappelle que la viande apporte des protéines qui sont tout à fait favorables à l'alimentation.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cet amendement est satisfait à double titre. D'une part, nous faisons référence à la réduction des dépendances en intrants de toute nature ; de l'autre, nous fixons un objectif d'autonomie protéique à l'horizon 2050.

Dès lors, je vous incite à le retirer, mon cher collègue ; sinon, l'avis serait défavorable.

M. Daniel Chasseing. Je retire l'amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L'amendement n° 459 rectifié est retiré.

Les amendements nos 282 rectifié et 281 rectifié bis ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 418 rectifié ter, présenté par Mme Bélim, MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... – L'article L. 3 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, l'État adapte la formation aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de l'aquaculture, de la transformation et la commercialisation des produits agricoles aux spécificités des productions de ces territoires ainsi qu'à leur développement. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Nous avons déjà eu l'occasion de le rappeler, nos territoires ultramarins présentent des productions agricoles singulières, comme la canne à sucre ou les cultures vivrières, pour ne pas dire nourricières. De même, ils suivent des modèles économiques atypiques, marqués notamment par la très petite taille des exploitations.

Or les représentants des filières agricoles réunionnaises déplorent que les productions locales soient insuffisamment prises en compte dans les référentiels de formation nationaux. Sous leur forme actuelle, ces derniers ne font pas état des défis locaux ultramarins. Ils ne disent mot, par exemple, des conditions climatiques extrêmes, des solutions de substitution au brûlage de la canne, ou encore de la valorisation de la bagasse, elle-même issue de la canne à sucre.

De telles lacunes révèlent la nécessité de mettre à jour les formations dispensées. La promotion des métiers de l'agriculture n'en est que plus difficile outre-mer, alors même qu'il est nécessaire de recruter une main-d'œuvre qualifiée. Pis encore, on peine à former efficacement à divers métiers que l'on ne voudrait surtout pas voir disparaître.

En tenant compte de ces spécificités dans les formations, nous permettrons aux établissements agricoles de valoriser les métiers et de sensibiliser les jeunes aux enjeux économiques et environnementaux de leur région, tout en accompagnant la transition vers des pratiques agricoles durables.

Nous devons absolument opérer ces ajustements. Ce faisant, nous mettrons l'accent sur de nombreux métiers à la fois porteurs de sens et essentiels à la résilience des territoires ultramarins.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sur ce sujet, j'avoue ne pas disposer d'éléments de réponse suffisants ; mais peut-être Mme la ministre pourra-t-elle éclairer notre lanterne ; je sollicite donc l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice, je comprends parfaitement votre préoccupation.

À l'Assemblée nationale comme au Sénat, nous avons déjà débattu des spécificités territoriales, en particulier ultramarines. Ainsi a-t-on introduit, à l'article 2, un principe de cohérence avec les spécificités des territoires pour les politiques de formation. Votre préoccupation, par ailleurs légitime, est donc déjà largement entendue.

Le Gouvernement vous prie, en conséquence, de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. Madame la ministre, tel ou tel principe a bien pu être inscrit dans le présent texte, mais les problématiques sur lesquelles j'appelle l'attention n'en inquiètent pas moins les agriculteurs de nos territoires.

La culture que nous pratiquons sur nos terres n'est pas une nouveauté, loin de là, mais elle est aujourd'hui menacée de disparition, car nous avons le plus grand mal à trouver de jeunes agriculteurs. Il faut donc en promouvoir les différents métiers. Je pense notamment à la culture de la canne et à ses traditions ; si l'on veut les sauver, il faut un tant soit peu d'obstination et de courage.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 418 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il est minuit passé de quelques minutes. En accord avec la commission et le Gouvernement, nous pourrions poursuivre l'examen du présent texte jusqu'à minuit et demi.

Il n'y a pas d'observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Après l'article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement et de trois sous-amendements.

L'amendement n° 907, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

1) À l'article 410-1 du code pénal, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « notamment agricole, » ;

2° Au début du livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime sont insérés deux articles L. 1 A et L. 1 B ainsi rédigés :

« Art. L. 1 A. – La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l'article 410-1 du code pénal. À ce titre, l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur.

« Art. L. 1 B. – Les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l'agriculture, la pêche et l'aquaculture respectent le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Mes chers collègues, cet amendement, qui tend à insérer un article additionnel regroupant un certain nombre de dispositions que nous avons, par souci de cohérence, retirées de l'article 1er, a toute son importance.

Je vous le rappelle, notre fil conducteur sur ce texte est constitué de trois grands principes : l'intérêt fondamental de la Nation, l'intérêt général majeur et la non-régression de la souveraineté alimentaire.

Je précise dès à présent que la commission est défavorable aux trois sous-amendements déposés par Vincent Louault, qui, comme il l'a reconnu lui-même, cherche à rentrer par la fenêtre après être sorti par la porte ! (Sourires.) Nous nous sommes déjà prononcés contre la rédaction qu'il propose.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 910, présenté par M. V. Louault, est ainsi libellé :

Amendement 907, alinéas 5 et 6

Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 1 A. – La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté́ agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux tels que définis à l'article 410-1 du code pénal.

« L'agriculture au sens du présent livre, qui s'entend par des activités réputées agricoles en application de l'article L. 311-1, comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture.

« On entend par souveraineté́ agricole et alimentaire, le droit de chaque pays de maintenir et de développer ses systèmes d'exploitation agricoles afin de garantir sa propre capacité à produire son alimentation et aux fins de fournir à l'ensemble de la population une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l'année et issue d'aliments produits de manière durable. À ce titre, elle garantit aux exploitants agricoles la liberté de gérer leur capacité et leur mode de production dans le but d'atteindre les objectifs nationaux fixés par la loi.

« On entend par sécurité alimentaire la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin.

« On entend par sécurité sanitaire alimentaire, la capacité à assurer la sécurité et la qualité sanitaires de notre alimentation, par l'évaluation des risques sanitaires dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement et du travail, avec une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes, en reconnaissant que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l'environnement en général est étroitement liée et interdépendante.

« Art. L. 1 B. – I.- Six mois avant le début des négociations de chaque cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement transmet (pour avis aux commissions compétentes) au Parlement une programmation pluriannuelle de l'agriculture pour les sept années couvrant le prochain cadre financier (ou fixée par décret) qui définit les modalités d'action des pouvoirs publics pour atteindre les objectifs définis aux L. 1-A, L. 1, L. 2, L. 3 et L. 4 du code rural et de la pêche maritime ainsi que par la présente loi.

« Cette programmation pluriannuelle de l'agriculture détermine notamment des objectifs de production par filière et la stratégie mise en œuvre pour atteindre ces objectifs. Ces objectifs doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur celles-ci.

« Le Gouvernement publie annuellement des données de production par filière permettant d'apprécier l'évolution de leur trajectoire de production.

« S'il est constaté pendant deux années consécutives un écart important entre la trajectoire de production observée de certaines filières et la trajectoire déterminée par la programmation pluriannuelle de l'agriculture, le Gouvernement transmet un rapport aux commissions compétentes du Parlement, exposant les raisons de l'écart et les mesures de correction envisagées. Ce rapport précise les mécanismes, notamment sous la forme d'aides, y compris européennes, mis en œuvre permettant de corriger les écarts observés.

« Elle est compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans le budget carbone mentionné à l'article L. 222-1 A du code de l'environnement, ainsi qu'avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l'article L. 222-1 B, ainsi qu'avec le plan national d'adaptation au changement climatique et la stratégie nationale biodiversité mentionnée à l'article L. 110-3 du même code.

« La programmation pluriannuelle de l'agriculture fait l'objet d'une synthèse pédagogique accessible au public.

« Le décret prévu au présent article précise les objectifs et les priorités d'action de la politique agricole nationale.

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Monsieur le rapporteur, je tente peut-être de rentrer par la fenêtre, mais, en faisant adopter successivement un amendement de suppression, puis un article additionnel, vous passez à la fois par la fenêtre et par la porte… C'est somme toute de bonne guerre ! (Sourires.)

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 911, présenté par M. V. Louault, est ainsi libellé :

Amendement 907, alinéa 5

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 1 A. – La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux tels que définis à l'article 410-1 du code pénal.

« L'agriculture au sens du présent livre, qui s'entend par des activités réputées agricoles en application de l'article L. 311-1, comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture.

« On entend par souveraineté agricole et alimentaire, le droit de chaque pays de maintenir et de développer ses systèmes d'exploitation agricoles afin de garantir sa propre capacité à produire son alimentation et aux fins de fournir à l'ensemble de la population une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l'année et issue d'aliments produits de manière durable. À ce titre, elle garantit aux exploitants agricoles la liberté de gérer leur capacité et leur mode de production dans le but d'atteindre les objectifs nationaux fixés par la loi.

« On entend par sécurité alimentaire la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin.

« On entend par sécurité sanitaire alimentaire, la capacité à assurer la sécurité et la qualité sanitaires de notre alimentation, par l'évaluation des risques sanitaires dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement et du travail, avec une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes, en reconnaissant que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l'environnement en général est étroitement liée et interdépendante.

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Défendu !

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 912, présenté par M. V. Louault, est ainsi libellé :

Amendement 907, alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 1 A. – La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux tels que définis à l'article 410-1 du code pénal.

« L'agriculture au sens du présent livre, qui s'entend par des activités réputées agricoles en application de l'article L. 311-1, comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture.

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Ce sous-amendement tend à reprendre une disposition souhaitée par le Gouvernement lui-même.

Il s'agirait, à mon sens, d'un gage en vue de la commission mixte paritaire : une telle rédaction tiendrait compte des travaux de nos collègues députés, qui ont débattu des dizaines d'heures durant de ce projet de loi, examinant en tout et pour tout plus de 3 000 amendements. Elle serait ainsi source d'apaisement entre nos deux assemblées.

La commission y est défavorable : dont acte. Mais je déplore que l'on procède ainsi, aux forceps…

Mme la présidente. Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable sur les trois sous-amendements.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et les sous-amendements en discussion ?

Mme Annie Genevard, ministre. Nous avons déjà débattu de ces questions : je n'y reviendrai pas.

De telles dispositions créent une insécurité juridique sur des notions fondamentales. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est totalement défavorable à cet amendement, ainsi qu'aux trois sous-amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 910.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 911.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 912.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 907.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 315 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 4 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « mise en œuvre de la politique agricole commune », sont insérés les mots : « sont débattus devant le Parlement et soumis à un vote préalable, dans l'année qui précède l'élaboration de la programmation stratégique nationale. Ils ».

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Nous souhaitons aborder le sujet crucial de la politique agricole commune (PAC) et, plus particulièrement, des plans stratégiques nationaux (PSN), qui définissent les modalités d'attribution et de répartition des fameuses aides européennes.

À ce titre, la position des sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est assez partagée.

D'un côté, ces plans ont le mérite de redonner la main aux États membres. Cette subsidiarité accrue permet d'adapter davantage nos politiques et l'attribution de nos aides aux spécificités de nos territoires et de nos filières, ce qui est somme toute une bonne chose. Mais, de l'autre, les PSN pourraient faire disparaître les derniers facteurs d'unité de notre politique agricole européenne.

Ce risque est d'autant plus fort que les PSN laissent aux gouvernements nationaux la possibilité d'appliquer avec plus ou moins de zèle certains engagements européens, même si la Commission européenne doit in fine les valider. Nous pensons tout particulièrement au pacte Vert européen et à la stratégie « de la ferme à la table ».

Au cours des dernières années, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont dénoncé à plusieurs reprises le manque de transparence et de dialogue constaté lors de l'élaboration des PSN français ; c'est particulièrement vrai du dernier en date.

Notre amendement vise à remédier à ces problèmes, ne serait-ce que partiellement. Selon nous, les projets de PSN doivent être débattus devant les deux chambres du Parlement. Tous les parlementaires doivent pouvoir se prononcer sur ces documents et non pas seulement ceux qui, à la droite de nos hémicycles, s'occupent plus spécialement des affaires agricoles…

Les projets de PSN seraient dès lors soumis à un vote préalable dans l'année précédant l'élaboration de la programmation stratégique nationale.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. C'est un avis défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, une telle mesure serait contraire à la Constitution. La jurisprudence en témoigne : ni l'article 48 de la Constitution ni aucune autre exigence constitutionnelle ne permet au législateur d'imposer l'organisation d'un débat en séance publique au sein des assemblées parlementaires.

L'avis du Gouvernement est donc également défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 315 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 511 rectifié, présenté par Mmes Malet, Belrhiti et Muller-Bronn, MM. Burgoa, Bouchet, Khalifé, Chatillon et Somon, Mmes Joseph, Bellurot, Josende et Bonfanti-Dossat, MM. Gremillet, C. Vial, Cuypers, Perrin, Rietmann, Panunzi et Sol, Mmes Lassarade, Imbert, Gruny, Eustache-Brinio et Lopez, MM. Rapin, Pointereau, H. Leroy, D. Laurent et Milon et Mme P. Martin, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 5° de l'article L. 3 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « locales », sont insérés les mots : « , notamment par la définition de quotas pour les acteurs locaux du commerce alimentaire, ».

La parole est à M. Olivier Rietmann.

M. Olivier Rietmann. Parmi les grands principes énoncés dans les premiers articles du code rural figure la satisfaction des besoins locaux par la production agricole locale.

De plus, en vertu de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, les entreprises de grande distribution doivent, dans divers territoires ultramarins, « réserver une surface de vente dédiée aux productions régionales ». Or cette obligation est restée lettre morte, faute de modalités d'application précises.

Voilà pourquoi notre collègue Viviane Malet souhaite, au travers de cet amendement, introduire dans la loi la référence à un quota de production locale, qu'il s'agisse de la surface de vente ou du chiffre d'affaires.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ce sujet semble difficile à trancher. Aussi, comme nous l'avons déjà fait pour d'autres amendements d'objet voisin, nous sollicitons l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, il s'agit bel et bien d'un sujet complexe.

La création de tels quotas suppose avant tout l'existence de cultures vivrières…

Mme Annie Genevard, ministre. Certes, madame la sénatrice, mais pas partout.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Si, madame la ministre !

Mme Annie Genevard, ministre. Quoi qu'il en soit, revient-il véritablement à l'État d'imposer des quotas de production et de consommation dans les territoires d'outre-mer, alors même que certains d'entre eux – c'est un fait établi – font face à des difficultés de production locale ?

Bien sûr, il faut encourager la production locale pour accroître la part de consommation locale ; mais je ne suis pas pour autant favorable à l'instauration de quotas.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Madame la ministre, il s'agit tout simplement d'assurer l'application d'une mesure inscrite dans la loi, mais restée lettre morte.

M. Olivier Rietmann. Mes chers collègues, Viviane Malet ne propose pas de mesure coercitive. Elle nous demande simplement de nous prononcer ce soir pour le principe d'un quota, en vue d'une concertation. Si, dans tel ou tel territoire ultramarin, cette disposition ne peut être mise en œuvre, on y renoncera ; mais il serait bon de l'appliquer partout où c'est possible.

Bien sûr, la bonne application des lois suppose parfois un effort de concertation. Mais il s'agit, pour nous, d'une question de crédibilité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Mes chers collègues, cette disposition va dans le bon sens : c'est pourquoi je vous invite vivement à voter cet amendement, qui tend tout simplement à assurer le respect de la loi.

Nous avons évoqué tout à l'heure les importations. Pour ma part, je vous parlerai du territoire que je connais le mieux, à savoir mon département de La Réunion. La production d'oignons est en train d'y être relancée, avec le soutien des collectivités territoriales. Les agriculteurs jouent le jeu, y compris en s'endettant, afin de produire des oignons sur place. Ces derniers sont de bien meilleure qualité que ceux qui nous viennent d'Inde ou d'ailleurs. Mais, faute d'accéder aux rayons des grandes surfaces, que feront ces agriculteurs ? Leur récolte risque fort de leur rester sur les bras… Prenons garde à ne pas nous tirer une balle dans le pied !

Ouvrons donc à ces agriculteurs les portes des supermarchés. J'y insiste, ils ont une production de qualité, conforme aux normes françaises et européennes en vigueur.

Il faut voter cet amendement de bon sens ; en l'adoptant, on prendrait une bonne orientation.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 511 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 722, présenté par M. Lahellec, Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, le Gouvernement se donne pour objectif d'atteindre la souveraineté alimentaire dans les cinq années à compter de la promulgation de la présente loi.

Compte tenu du rôle multifonctionnel joué par l'agriculture dans les territoires et régions d'outre-mer et des dynamiques de développement et de structuration observées dans les différentes filières de production, les politiques agricoles menées en outre-mer visent à mettre en œuvre prioritairement des objectifs adaptés aux spécificités locales.

La stratégie retenue porte essentiellement sur les ambitions suivantes :

1° Améliorer le taux de couverture des besoins de la consommation locale et contribuer ainsi à l'objectif fixé d'accéder à l'autonomie alimentaire à horizon 2030 ;

2° Développer des filières de diversification structurées et la promotion d'une politique de qualité de produits locaux, notamment en allégeant les règles de Constitution d'organisations professionnelles ;

3° Consolider des filières traditionnelles de la canne à sucre et de la banane ;

4° Favoriser la création locale de valeur ajoutée avec les produits locaux par des activités de transformation fermières, artisanales ou industrielles ;

5° Renforcer la durabilité et la résilience des entreprises et des filières, notamment en favoriser la démocratie locale professionnelle.

6° Relancer l'activité aquacole.

Le comité national de transformation agricole outre-mer présidé par le ministre chargé des outre-mer et le ministre de l'agriculture et animé par le délégué interministériel à la transformation agricole outre-mer installé en novembre 2020 met en œuvre ces mesures. Les comités locaux, chargés de proposer des trajectoires d'évolution de l'activité agricole pour alimenter les axes d'intervention visant à améliorer la souveraineté alimentaire de chacun des territoires à horizon 2030 mettent en œuvre ces mesures.

Ces orientations stratégiques s'appuient également sur les interventions du fonds européen agricole de garantie et du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité, qu'ils peuvent réorienter.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement, comme le précédent, a pour objet nos outre-mer, territoires vulnérables subissant coup sur coup des sécheresses, des cyclones et d'autres calamités encore.

Chez nous comme ailleurs, il faut tendre vers l'autonomie alimentaire. Notre amendement vise donc à accélérer la mise en œuvre effective des objectifs stratégiques de développement de l'agriculture ultramarine, en ciblant l'impératif de souveraineté alimentaire.

Les agriculteurs d'outre-mer aspirent, eux aussi, à vivre dignement de leur travail ; ils veulent être respectés en tant que tels. Voilà pourquoi leur existence doit être reconnue dans le texte que nous sommes en train de construire ensemble.

Les spécificités de nos territoires imposent des objectifs clairs et adaptés. Pour que ce projet de loi ne soit pas une simple incantation, lancée depuis Paris sans aucun effet concret pour les producteurs travaillant chez nous, il faut lui ajouter une telle mention.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ma chère collègue, les précisions que vous voulez voir intégrées au texte figurent déjà dans le code rural.

Pour améliorer ces dispositions, nous aurions pu voter l'amendement n° 281 rectifié bis, présenté par Mme Conconne et plusieurs de ses collègues socialistes ; malheureusement, cet amendement n'a pas été soutenu.

Aussi, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, l'avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le rapporteur, notre amendement vise à consolider certaines filières traditionnelles, à favoriser la création locale de valeur ajoutée, grâce aux produits locaux, et à renforcer la durabilité et la résilience des entreprises et des filières tout en relançant l'activité aquacole. Je ne crois pas que de telles orientations figurent dans le code rural.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 722.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Pla, Mérillou, Michau et Stanzione, Mme Bélim, M. Bourgi et Mmes Conway-Mouret, Espagnac, G. Jourda et Monier, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un rapport présentant les perspectives de développement de chaque filière et faisant état de l'évolution du revenu agricole, de la part de foncier arable disponible, du nombre de transmissions et renouvellements d'exploitations réalisés dans l'année, du nombre de formations dispensées, de l'état écologique des milieux et des pratiques agraires à encourager pour maintenir une haute exigence environnementale.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Pour encourager au mieux les pratiques agricoles durables, nous devons connaître l'état écologique des milieux et identifier les pratiques agraires de haute valeur environnementale méritant d'être favorisées.

À cette fin, nous souhaitons que, chaque année, le Gouvernement remette au Parlement un rapport présentant « les perspectives de développement de chaque filière et faisant état de l'évolution du revenu agricole, de la part de foncier arable disponible, du nombre de transmissions et renouvellements d'exploitations réalisés dans l'année, du nombre de formations dispensées, de l'état écologique des milieux et des pratiques agraires à encourager pour maintenir une haute exigence environnementale ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er bis A

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 666 rectifié bis est présenté par Mme Billon, MM. Bleunven et Canévet, Mme Havet, MM. Lafon, Longeot, Courtial et J.M. Arnaud, Mmes Perrot et Romagny, M. Levi et Mmes de La Provôté et Gacquerre.

L'amendement n° 814 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un VIII ainsi rédigé :

« VIII. – La politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation tient compte des spécificités des communes insulaires métropolitaines dépourvues de lien permanent avec le continent, en application de l'article 3 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale. »

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 666 rectifié bis.

Mme Annick Billon. J'ai déjà présenté, puis retiré, à la demande de M. le rapporteur, un amendement n° 667 rectifié bis tendant à introduire à l'article 1er une disposition dont l'objet était identique : la prise en compte des spécificités de l'agriculture insulaire.

J'espère à présent recevoir un avis extrêmement favorable de la part de la commission, d'autant que le Gouvernement a déposé un amendement identique. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 814.

Mme Annie Genevard, ministre. Ces dispositions ont été fort bien défendues : je n'ai donc rien à ajouter. (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je confirme que la commission est favorable à ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 666 rectifié bis et 814.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 1er bis A est rétabli dans cette rédaction.

Article 1er bis B

(Supprimé)

Après l'article 1er bis B

Mme la présidente. L'amendement n° 668 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Bleunven et Canévet, Mme Havet, MM. Longeot, Lafon, Courtial et J.M. Arnaud, Mme Perrot, M. Levi et Mmes de La Provôté, Gacquerre et Herzog, est ainsi libellé :

Après l'article 1er bis B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette restriction ne s'applique pas aux communes insulaires métropolitaines. »

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Cet amendement a lui aussi pour objet l'agriculture insulaire – vous savez que le département de la Vendée compte notamment une grande île reliée au continent par un pont et une autre grande île dépourvue de pont. La construction d'infrastructures agricoles étant interdite dans les espaces proches du rivage, nous proposons une dérogation pour que l'agriculture puisse perdurer dans ces territoires insulaires.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ma chère collègue, votre demande me semble au moins en partie, mais peut-être pas pleinement, satisfaite. Je comprends pleinement le sens de votre demande, mais, pour avoir une vision plus claire du problème que vous évoquez, je sollicite l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez que l'on puisse déroger au principe de continuité de l'urbanisation fixé par ce texte fondamental qu'est la loi Littoral.

Comme vous le savez, notre législation comprend deux lois territoriales, la loi Montagne et la loi Littoral, qui, dans certaines régions, comme la Corse, peuvent même se combiner.

Vous appelez notre attention sur les installations agricoles des espaces proches du rivage, dans les communes insulaires.

Du fait de leur isolement géographique et de leur biodiversité unique, les milieux insulaires sont particulièrement vulnérables du point de vue écologique : il ne faut pas le perdre de vue.

En dérogeant à un principe fondamental, la disposition proposée remettrait en cause la protection d'espaces comptant parmi les plus sensibles des milieux insulaires. En outre, ses dispositions ne répondent pas aux exigences retenues par le Conseil constitutionnel pour apprécier les dérogations apportées à la loi Littoral au regard de la charte de l'environnement.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est donc l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. C'est un avis de sagesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je m'attendais à cette réponse de la part du Gouvernement. Toutefois, on ne saurait à mon sens préjuger ainsi de l'avis du Conseil constitutionnel.

Un certain nombre de dérogations sont d'ores et déjà accordées sur nos littoraux pour telle ou telle installation agricole. Mes chers collègues, je vous invite à voter notre amendement pour que l'on puisse avancer sur ce sujet dans la suite de la navette.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 668 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er bis B.

Article 1er bis

(Non modifié)

À l'article 410-1 du code pénal, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « , notamment agricole, ».

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 467 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 721 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L'amendement n° 906 est présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 467.

M. Daniel Salmon. Nous proposons de supprimer l'ajout de la mention de l'agriculture à l'article 410-1 du code pénal, qui définit les intérêts fondamentaux de la Nation.

Dans son avis sur l'avant-projet de loi, le Conseil d'État a proposé de supprimer cette référence, jugeant que la portée d'une telle mention n'était pas claire et que son utilité paraissait douteuse.

Dès lors, quel est l'intérêt d'une telle disposition ? Si elle est inutile, autant renoncer à cet ajout ; et, si elle a réellement une portée juridique, elle nous semble surtout inquiétante. Elle pourrait en effet conduire à criminaliser davantage encore les actions de désobéissance civile.

Suivant l'avis du Conseil d'État, nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 721.

M. Gérard Lahellec. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 906.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je ne suis pas certain que la commission ait le même but que les auteurs des deux amendements identiques au sien… Si elle demande, elle aussi, la suppression de cet article, c'est pour une raison de cohérence : nous avons fait figurer cette disposition dans l'article additionnel introduit sur notre initiative après l'article 1er.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements identiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 467, 721 et 906.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 1er bis est supprimé.

Article 1er ter

I. – Après le premier alinéa de l'article L. 553-4 du code rural et de la pêche maritime, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les agriculteurs membres d'une organisation de producteurs au sens de l'article L. 551-1 peuvent bénéficier d'une aide au démarrage pour l'établissement initial des organisations de producteurs, au plus tard cinq ans après la reconnaissance prévue à l'article L. 553-1 et dans des conditions définies par décret. »

II. – (Non modifié) La perte de recettes pour l'État résultant du I du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 815 est présenté par le Gouvernement.

L'amendement n° 885 est présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 815.

Mme Annie Genevard, ministre. L'article 1er ter permet d'attribuer « une aide au démarrage pour l'établissement initial des organisations de producteurs », qu'il convient effectivement d'encourager.

Néanmoins, comme je l'ai dit précédemment, je ne saurais être favorable à l'inscription dans ce texte d'aucune disposition qui aurait l'effet d'engager nos finances publiques outre mesure, sans étude d'impact préalable. On doit savoir précisément ce à quoi l'on s'engage, en particulier budgétairement : c'est quand même la base !

Voilà pourquoi le Gouvernement souhaite la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 885.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je conviens cette fois de la validité de l'argument de Mme la ministre, étant donné que cet article-ci n'est pas de nature programmatique. C'est pourquoi nous proposons également de supprimer cet article.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 815 et 885.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 1er ter est supprimé.

Après l'article 1er ter

Mme la présidente. L'amendement n° 252 rectifié ter, présenté par M. Bleunven, Mme Billon, MM. Chasseing et Courtial, Mmes Gacquerre et Jacquemet, M. Levi, Mme Saint-Pé et MM. de Nicolaÿ et Kern, est ainsi libellé :

Après l'article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'État se donne comme objectif la création et la mise en place, en coordination avec les régions, d'un dispositif d'accompagnement et de soutien destiné au regroupement des agriculteurs en organisations de producteurs.

Le dispositif permet de faciliter le regroupement des producteurs en organisations de producteurs et les organisations de producteurs en associations d'organisations de producteurs, conformément aux dispositions des articles L. 551-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

Il comprend des mesures incitatives visant à encourager la création et le développement de telles structures, en fournissant un appui financier, technique et logistique adéquat.

Il comporte également des procédés de coordination entre l'État, les régions et les acteurs du terrain, qui ont pour objet d'assurer une mise en œuvre efficace et cohérente de cette politique de soutien au regroupement des producteurs.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Défendu !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 252 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 176 amendements au cours de la journée ; il en reste 618 à examiner sur ce texte.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

10

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 6 février 2025 :

À dix heures trente :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2025 (texte de la commission n° 297, 2024-2025) ;

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d'agriculture et de la mutualité sociale agricole (texte de la commission n° 291, 2024-2025).

L'après-midi et le soir :

Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d'agriculture et de la mutualité sociale agricole (texte de la commission n° 291, 2024-2025) ;

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte de la commission n° 251, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 6 février 2025, à zéro heure vingt-cinq.)

nomination de membres d'une commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'urgence pour Mayotte a été publiée conformément à l'article 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : Mmes Dominique Estrosi Sassone, Micheline Jacques, Christine Bonfanti-Dossat, Isabelle Florennes, Viviane Artigalas, M. Saïd Omar Oili et Mme Salama Ramia ;

Suppléants : M. Patrick Chaize, Mme Anne Chain-Larché, M. Daniel Fargeot, Mmes Annie Le Houerou, Evelyne Corbière Naminzo, MM. Pierre-Jean Verzelen et Jean-Marc Ruel.

nomination de membres d'une commission d'enquête

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.

Commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État (vingt-trois membres)

MM. Pierre Barros, Christian Bilhac, Mme Agnès Canayer, MM. Emmanuel Capus, Christophe Chaillou, Guillaume Chevrollier, Mme Catherine Di Folco, MM. Sébastien Fagnen, Ludovic Haye, Mme Christine Lavarde, M. Pierre-Antoine Levi ; Mme Pauline Martin ; MM. Hervé Maurey, Alain Milon, Mmes Solanges Nadille, Anne-Sophie Patru, MM. Hervé Reynaud, Pierre-Alain Roiron, Bruno Rojouan, Mme Ghislaine Senée, MM. Jean-Marc Vayssouze-Faure, Cédric Vial et Michaël Weber.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER