Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Catherine Di Folco, M. Mickaël Vallet.
3. Mise au point au sujet de votes
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Urgence pour Mayotte. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois
Demande de réserve de l’article 2. – Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques ; M. Manuel Valls, ministre d’État. – La réserve est ordonnée.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Clôture de la discussion générale.
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
Amendement n° 85 rectifié bis de M. Saïd Omar Oili. – Adoption.
Amendement n° 147 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.
Amendement n° 86 rectifié bis de M. Saïd Omar Oili. – Rejet.
Amendement n° 117 rectifié bis de M. Saïd Omar Oili. – Rejet.
Amendement n° 156 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 19 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.
Amendement n° 118 rectifié bis de M. Saïd Omar Oili. – Rejet.
Amendement n° 170 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 36 de Mme Salama Ramia. – Adoption.
Amendement n° 48 de Mme Salama Ramia. – Rejet.
Amendement n° 50 de Mme Salama Ramia. – Rejet.
Amendement n° 91 rectifié de Mme Viviane Artigalas. – Rejet.
Amendement n° 90 rectifié de Mme Viviane Artigalas. – Rejet.
Amendement n° 102 rectifié de M. Sébastien Fagnen. – Rejet.
Amendement n° 87 rectifié bis de M. Saïd Omar Oili. – Adoption.
Amendement n° 154 de Mme Monique de Marco. – Non soutenu.
Amendement n° 135 de M. Akli Mellouli. – Rejet.
Amendement n° 60 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 72 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 52 de Mme Salama Ramia. – Rejet.
Amendement n° 171 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 99 rectifié de Mme Viviane Artigalas. – Rejet.
Amendement n° 93 rectifié de Mme Viviane Artigalas. – Adoption.
Amendement n° 37 de Mme Salama Ramia. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 59 rectifié bis de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° 116 rectifié bis de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.
Amendement n° 10 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.
Amendement n° 4 de M. Joshua Hochart. – Rejet.
Amendement n° 105 rectifié de Mme Viviane Artigalas. – Adoption.
Amendement n° 30 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 139 de M. Akli Mellouli. – Rejet.
Amendement n° 106 rectifié de Mme Viviane Artigalas. – Rejet.
Amendement n° 73 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 81 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 5 de M. Joshua Hochart. – Retrait.
Amendement n° 14 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.
Amendement n° 15 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 166 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 104 rectifié bis de M. Saïd Omar Oili. – Rejet.
Amendement n° 31 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Rejet.
Amendement n° 16 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.
Amendement n° 103 rectifié de M. Sébastien Fagnen. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 164 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 108 rectifié de Mme Viviane Artigalas. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 165 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 54 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 64 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° 163 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 168 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 167 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 75 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 40 de Mme Salama Ramia. – Retrait.
Amendement n° 45 de Mme Salama Ramia. – Adoption.
Amendement n° 61 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 169 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 55 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° 69 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 2 (précédemment réservé)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois
M. Manuel Valls, ministre d’État
Amendement n° 63 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.
Amendement n° 137 de M. Akli Mellouli. – Rejet.
Amendement n° 138 de M. Akli Mellouli. – Rejet.
Amendement n° 9 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article 10 (suppression maintenue)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois
Amendement n° 109 rectifié de M. Pierre-Alain Roiron. – Rejet.
Amendement n° 110 rectifié de M. Pierre-Alain Roiron. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Rejet.
Amendement n° 32 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Rejet.
Amendement n° 84 rectifié de M. Patrick Chaize. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 34 rectifié bis de M. Stéphane Piednoir. – Devenu sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Catherine Di Folco,
M. Mickaël Vallet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Paul Souffrin, qui fut sénateur de la Moselle de 1983 à 1992.
3
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly. Lors du scrutin public n° 183 portant sur l’ensemble de la proposition de résolution appelant à l’introduction de la proportionnelle pour les élections législatives, Brigitte Devésa et Lana Tetuanui souhaitaient voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. Mes chers collègues, j’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2025 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Urgence pour Mayotte
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’urgence pour Mayotte (projet n° 260, texte de la commission n° 283, rapport n° 282, avis nos 275 et 277).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, Ra Hachiri, nous sommes vigilants !
La devise mahoraise traduit parfaitement mon sentiment, quelques jours après mon retour de Mayotte, ce samedi matin.
Sans négliger les difficultés qui persistent ni les exigences, fortes et impérieuses, auxquelles nous faisons face, je peux dire avec lucidité que nous nous dirigeons progressivement vers une sortie de la phase d’urgence vitale.
De mes échanges avec les élus et la population, il ressort en effet que les accès à l’eau, à l’électricité ou encore à la nourriture se sont nettement améliorés.
L’objectif de rétablissement de l’électricité à 100 % au 31 janvier a été tenu.
La rentrée scolaire a démarré dans des conditions évidemment très difficiles, mais elle a pu être organisée grâce à l’engagement des personnels éducatif et de sécurité civile appelés en renfort.
Nous n’avons rien éludé et je me suis rendu par exemple, avec la ministre d’État Élisabeth Borne, au collège de Chiconi, détruit à 80 % par le cyclone Chido. Des tentes y sont installées et les cours reprendront aujourd’hui même.
Ainsi, 182 écoles sur 221 et 28 collèges et lycées sur 33 ont pu rouvrir. En outre, trois établissements supplémentaires rouvriront cette semaine.
Ce matin, les 300 migrants qui occupaient le collège de Kwalé ont enfin été évacués.
En matière de déchets, beaucoup reste à faire. L’installation de stockage des déchets non dangereux de Dzoumogné, que j’ai pu visiter, fonctionne à plein régime. Elle accueille 340 tonnes de déchets journaliers, mais 6 000 tonnes restent encore à évacuer.
L’objectif d’achever le traitement des déchets ménagers dans un mois reste un immense défi. Dans ce cadre, nous expérimenterons cette semaine le brûlage selon un mode opératoire visant à préserver l’environnement et la santé.
En matière d’accès aux soins, cinq dispensaires sur sept sont rouverts, notamment celui de Mtsamboro – je l’ai moi-même constaté vendredi dernier –, conformément à l’engagement que j’ai pris lors de ma première visite à la fin du mois de décembre.
Ces avancées sont dues, bien sûr, aux agents de l’État – en premier lieu, au préfet François-Xavier Bieuville –, aux volontaires et bénévoles qui se sont mobilisés, mais surtout à l’impressionnante résilience des Mahorais que j’ai rencontrés.
Je veux parler, d’abord, de la population. Forte et courageuse, elle a été mise à rude épreuve, et ce d’ailleurs – disons la vérité – bien avant Chido.
Je pense, ensuite, aux entrepreneurs. À Ironi Bé, j’ai visité une usine qui a acheminé des tôles depuis Madagascar pour renforcer ses bâtiments et, ainsi, fournir en nourriture animale des éleveurs pour contribuer à la difficile relance de la production agricole.
L’État accompagne les acteurs économiques, notamment agricoles, au titre du fonds de secours pour l’outre-mer, grâce à la circulaire que j’ai signée ce matin, qui prévoit notamment 15 millions d’euros d’aides pour les agriculteurs. Il reste toutefois beaucoup à faire dans ces filières économiques et agricoles.
Je salue, enfin, les élus. Ils se sont engagés pleinement dans l’amélioration de la situation sur le terrain, en facilitant par exemple le nettoyage des cours d’eau. L’énergie qu’ils déploient pour imaginer des projets de construction de logements ou d’installation de services publics est remarquable.
Impliqués dans la gestion de crise, les élus seront incontournables dans la reconstruction et la refondation qui nous attendent.
C’est aussi le cas des parlementaires, en particulier de Mme et M. les sénateurs Salama Ramia et Saïd Omar Oili. À ce titre, j’ai d’ailleurs décidé de confier à Mme Salama Ramia une mission de suivi de la reconstruction de Mayotte, aux côtés de l’équipe qui se met en place auprès de mon cabinet.
M. François Patriat. Très bien !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Cette équipe sera dirigée par le général Pascal Facon, qui est resté sur place après m’avoir accompagné.
Je crois au contrôle parlementaire qu’exerce également la délégation sénatoriale aux outre-mer présidée par Micheline Jacques. Monsieur le président, je sais l’importance que cette mission constitutionnelle revêt ici, au Sénat.
J’ai aussi profité de mon déplacement à Mayotte pour signer avec le président du conseil départemental, Ben Issa Ousseni, et le président de l’association des maires de Mayotte, Madi Madi Souf, une convention d’intention affirmant les grands principes devant guider la refondation : durcissement des règles contre l’immigration illégale, lutte contre les bidonvilles, développement des infrastructures et, surtout – c’est la grande promesse non accomplie –, convergence économique et sociale.
Pour autant, tout reste à faire. Une fois passée la gestion de crise, nous devons reconstruire, puis refonder Mayotte. De nombreux défis sont devant nous.
Reconstruire d’abord, tel est l’objet du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui, sur lequel les commissions compétentes de votre assemblée ont effectué un travail très important.
De nombreuses dispositions qui avaient été introduites à l’Assemblée nationale et qui alourdissaient le texte initial ont en effet été retirées dans la version qui vous est soumise, mesdames, messieurs les sénateurs, tandis que les mesures visant à lutter contre les bidonvilles, ajoutées sur l’initiative du Gouvernement ou avec son soutien, ont été conservées.
Les rapporteurs reviendront naturellement sur les apports de leurs commissions respectives. Permettez-moi néanmoins de souligner la volonté de la commission des affaires économiques de mieux associer les élus au conseil d’administration de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte et son choix de rétablir l’article 3 sur le relogement d’urgence, en le recentrant sur les services publics et les personnels venus en renfort.
Le Gouvernement soutient pleinement Mme le rapporteur Micheline Jacques dans sa volonté d’exonérer le territoire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets pendant deux ans.
La nouvelle écriture par la commission des lois de l’article 2, qui autorise l’État d’assumer temporairement la compétence de construction ou de reconstruction des écoles publiques communales à Mayotte à la demande des communes concernées, permet d’atteindre un bon équilibre.
Il convient d’élargir cette faculté aux dégâts de la tempête Dikeledi notamment. C’est pourquoi le Gouvernement soutient l’amendement n° 121 de Mme la rapporteure Isabelle Florennes et l’endosse financièrement.
Les dérogations aux règles de la commande publique ont été clarifiées, tout comme les dispositifs permettant de garantir la participation des entreprises mahoraises à la reconstruction. Il s’agit là d’un point essentiel qui suscite une forte attente, en particulier chez les acteurs économiques que j’ai rencontrés vendredi dernier.
Quant à la commission des affaires sociales, dont je remercie Mme le rapporteur Christine Bonfanti-Dossat, elle a soutenu les mesures sociales temporaires en faveur de la population et des professionnels à Mayotte, tout en améliorant l’association des partenaires sociaux.
J’en viens brièvement à l’article 10, qui a été supprimé à l’Assemblée nationale et qui habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter les règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Notre intention était d’adapter notre droit à la réalité de terrain de Mayotte, où il est difficile d’identifier les propriétaires fonciers.
De notre point de vue, cet article était nécessaire, car plusieurs étapes procédurales préalables au prononcé de l’expropriation, tout comme la fixation de l’indemnité par le juge, imposent l’identification formelle du propriétaire.
Notre idée était d’organiser ces étapes et de garantir le respect des droits qu’elles protègent, en attendant que les propriétaires soient expressément identifiés, par exemple, par la désignation d’un mandataire chargé de représenter leurs intérêts.
Les juges auraient pu, ainsi, fixer une indemnité et la consigner, de sorte que l’indemnisation du propriétaire soit garantie, une fois ce dernier identifié.
Évidemment, il n’a jamais été question, comme je l’ai entendu sur place, d’exproprier à tour de bras, encore moins sans indemnisation.
J’ai été maire. Je suis un homme de dialogue, respectueux du travail des élus et du sentiment des populations, en particulier dans les situations où la confiance a été rompue depuis longtemps.
Je constate que cet article a été mal compris et que le recours à l’ordonnance n’a pas aidé, précisément, au rétablissement de cette confiance.
J’ai donc choisi de ne pas proposer le rétablissement de l’article 10. À l’issue de plus amples concertations, le Gouvernement reviendra devant le Parlement pour présenter, dans le cadre d’un second projet de loi, un dispositif « en dur » si cela est toujours possible.
Par ailleurs, nous défendrons un amendement n° 158 visant à mettre en place un prêt à taux zéro ouvert à toutes les familles mahoraises souhaitant reconstruire leur maison, même lorsque leur habitation n’était pas assurée, ce qui est le cas de figure largement majoritaire sur place.
Cette mesure permettrait d’emprunter jusqu’à 50 000 euros pour une durée maximale de trente ans, avec un différé d’amortissement de cinq ans.
Je m’engage à ce que ce prêt soit distribué le plus rapidement possible par les banques et Action Logement.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous agissons, mais il faut pour cela que ces dispositions soient mises en œuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la reconstruction nécessitera des engagements financiers considérables.
Au terme d’un travail colossal et de grande qualité, la mission inter-inspections chargée d’évaluer les dégâts, qui s’est longuement rendue sur place, estime le coût des destructions liées au cyclone entre 3 milliards et 3,5 milliards d’euros.
Au regard des projets qui sont en cours à Mayotte – certains préexistaient même au passage de Chido –, nous savons qu’il faudra beaucoup investir dans les années qui viennent.
L’État sera au rendez-vous, en fournissant des aides directes – nous attendons évidemment avec impatience l’adoption définitive du projet de loi de finances pour 2025 –, mais également grâce à la mobilisation, sur plusieurs années, des fonds européens.
Le Gouvernement tout entier s’y consacre. Je salue par exemple l’annonce du ministre des armées Sébastien Lecornu : nous avons décidé, ensemble, de créer un bataillon temporaire de reconstruction doté de plusieurs compagnies de génie, d’infanterie, de commandement et de logistique. Quelque 350 à 400 soldats supplémentaires s’installeront ainsi à Mayotte.
Les assurances et l’Agence française de développement auront aussi un rôle à jouer. Les assurances en particulier doivent prendre leurs responsabilités, comme elles doivent le faire également en Nouvelle-Calédonie.
Ceux qui affirment – ils se font rares désormais – que ce projet de loi ne contient pas grand-chose ou que l’État n’est pas au rendez-vous pourront constater, même si rien n’est parfait, l’action qui a été engagée.
Comme chacun sait, remobiliser après une telle catastrophe prend nécessairement du temps. Il est naturel que s’expriment colère et impatience, et je l’entends.
Toutefois, ce projet de loi n’est qu’une première réponse : après le temps de l’urgence et celui de la reconstruction doit venir celui de la refondation. Tout est lié, évidemment.
Au cours des deux prochains mois, je présenterai un second texte, un projet de loi programme pour Mayotte, qui visera à permettre le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases.
Le chantier de refondation est immense. Je pense notamment à la question de l’école. Comment accepter que des enfants aillent à l’école uniquement le matin, et pas l’après-midi ? Comment accepter autant de carences dans l’offre de restauration scolaire ?
Sans ce second volet de notre réponse, nous reconstruirons sur du sable. Cessons de nous mentir : si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé des calamités qui existaient déjà.
Il a ainsi mis en lumière le sous-développement des infrastructures économiques et des services publics, entretenu par les deux fléaux qui rongent ce territoire depuis des années, l’habitat illégal et l’immigration clandestine, et ce alors même que les engagements ont été tenus.
Dans le domaine de l’eau, par exemple, à défaut de changement structurel, nous reviendrons au mieux, malgré les améliorations que j’évoquais, à la situation très insatisfaisante de l’avant-Chido.
C’est pourquoi, parmi les priorités du plan Mayotte debout, figurent la construction d’une deuxième usine de dessalement et l’accélération de la création d’une troisième retenue collinaire.
Nous devons être très attentifs à cette question, car le risque d’une nouvelle crise de l’eau, semblable à celle de 2023, existe bel et bien.
Nous devons nous y préparer et je m’y prépare. Il faudra innover et ne pas revenir aux méthodes de gestion de la pénurie et de distribution de bouteilles d’eau que nous avons connues par le passé.
En matière de reconstruction de logements, d’infrastructures, d’entreprises ou de services publics, la zone franche globale sera bénéfique ; nous la mettrons en œuvre.
Toutefois, les maires et les entrepreneurs me le disent tous : leurs projets sont empêchés par les bidonvilles. Soyons clairs : nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île-bidonville, même s’il faut résoudre nombre de problèmes avant que les engagements ne deviennent réalité.
J’ai vu des exemples concrets de projets visant à remplacer les bangas – les bidonvilles – par de véritables habitats. (Mme le rapporteur acquiesce.)
J’entends dire que rien n’est fait ou que l’État n’est pas présent. Pourtant, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ou encore Action Logement s’engagent bel et bien à Tsararano ou à Koungou.
C’est le cas également à Petite-Terre, où vous m’aviez conseillé d’aller, monsieur le sénateur Omar Oili. J’y ai vu, dans ses quartiers, de belles réalisations.
M. Saïd Omar Oili. Merci !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Cela suppose également de s’attaquer très sérieusement à l’immigration illégale, qui pèse sur tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes, nourrit l’ultraviolence et alimente des réseaux de trafiquants d’êtres humains.
Certes, la réalité est parfois bien plus complexe. Certes, il y a des situations très particulières. Il n’en reste pas moins que l’immigration clandestine nécrose Mayotte. Les Mahorais n’en peuvent plus. La société craque et le pire est possible, surtout si les crises s’accumulent.
Nous agissons déjà et j’ai pu saluer les unités engagées dans cette lutte, sur terre et en mer. Les radars qui avaient été détruits par le cyclone ont déjà été remplacés et de nouvelles capacités ont été mises en œuvre. Par ailleurs, Sébastien Lecornu a annoncé que nos militaires continueraient d’assumer cette mission.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons avoir, me semble-t-il, une réflexion plus large sur la place de Mayotte dans l’océan Indien.
Le ministre des armées a ainsi indiqué que notre présence militaire dans cette région stratégique devait être renforcée de manière pérenne.
Nous devrons aussi prendre des mesures fermes pour renforcer juridiquement nos moyens de lutte.
À cet égard, Bruno Retailleau et moi-même travaillons déjà sur ce volet primordial du second projet de loi. Parmi les mesures envisagées figurent notamment l’allongement de la durée de résidence régulière des parents pour permettre l’accès des enfants à la nationalité française, l’amélioration des outils de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou encore l’extension de l’aide au retour volontaire des ressortissants africains dans leur pays d’origine.
Rien n’est simple, mais, si nous ne réglons pas ce dossier, nous aurons de grandes difficultés à accomplir les autres pans de notre projet.
Nous devons donc porter le nombre d’éloignements de clandestins de 25 000 aujourd’hui à 35 000 demain, et sans doute plus encore. Cela suppose aussi un rapport très ferme avec le gouvernement des Comores.
Nous devons d’ailleurs montrer la plus grande fermeté également à l’égard de ceux qui, comme l’Azerbaïdjan, tentent de déstabiliser la France, aussi bien à Mayotte que dans l’ensemble des outre-mer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le martèle depuis le premier jour : j’ai pour mission de ne pas laisser tomber Mayotte.
J’y retournerai régulièrement, de même que les membres du Gouvernement, de façon à informer le Parlement sur l’avancement de cette reconstruction et de cette refondation.
Le monde entier observe ce que nous sommes capables de faire dans ce territoire si attaché à la France.
C’est cet attachement viscéral à notre pays qui explique aussi, sinon ces ruptures de confiance, du moins cette attente et cette exigence à l’égard de l’État.
Nous ne lâcherons rien pour aider Mayotte à se relever. Nous ne transigerons sur rien pour reconstruire l’île sur des bases plus saines, pour changer son visage et, à travers elle, la vie des Mahorais. Ils le méritent et nous le leur devons. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains. – Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDPI et GEST.)
Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la notion d’urgence est plus qu’amplement justifiée pour qualifier le texte que nous examinons aujourd’hui à la suite du passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi sur Mayotte.
Avant toute chose, j’adresse de nouveau ma sympathie et ma solidarité à nos compatriotes mahorais. Je pense bien sûr aux victimes, aux nombreux blessés, ainsi qu’à ceux qui ont perdu leur logement dans la catastrophe.
L’heure est désormais à la reconstruction et les dégâts matériels et économiques sont considérables. Dans l’agriculture notamment, il faudra plusieurs mois, parfois des années, pour que la production revienne à la normale.
Les entreprises ont, elles aussi, perdu leur stock et leur outil de travail. Elles attendent encore le passage des experts d’assurance.
Je n’oublie pas les ravages environnementaux occasionnés par le cyclone, par exemple l’aggravation soudaine du recul du trait de côte et la dévastation des forêts. Ces dernières mettront elles aussi plusieurs années à se reconstituer.
Très rapidement, des efforts ont été engagés pour remettre en état les réseaux et assurer la continuité des services publics. À cet égard, je rends hommage aux postiers, qui se sont rapidement et fortement mobilisés.
Un élan de générosité populaire s’est spontanément formé pour secourir et soutenir la population.
Ce projet de loi, élaboré quelques jours seulement après le passage du cyclone, prend la mesure de l’urgence et de la nécessité de simplifier les procédures pour accélérer la reconstruction. C’est, me semble-t-il, l’un des enseignements majeurs du passage de l’ouragan Irma en 2017.
Si des améliorations peuvent encore être apportées au texte, notamment en matière de gestion de crise, il est évident que les crispations provoquées par certains articles sont avant tout l’expression d’un sentiment d’exaspération.
Amplifié par la catastrophe naturelle, ce dernier grandit depuis de longues années et résulte sans doute d’une gestion trop centralisée qui peine à s’adapter à la réalité mahoraise.
Nous connaissons les difficultés : un niveau de pauvreté inégalé, une prolifération de l’habitat informel, une insécurité alimentée par une immigration clandestine massive.
Le 12 octobre dernier, un contrôle de la douane a révélé que 540 000 euros en liquide quittaient Mayotte vers Anjouan à bord du Maria Galanta.
On évalue ainsi à 100 millions d’euros par an les sommes transférées de Mayotte vers les Comores en dehors de tout contrôle.
Monsieur le ministre, 100 millions d’euros, cela correspond au budget exceptionnel que vous avez débloqué pour Mayotte dans le projet de loi de finances pour 2025 !
Le rapprochement de ces deux chiffres doit donner à réfléchir pour la construction du long terme.
J’invite d’ailleurs le Gouvernement à s’appuyer sur les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer que j’ai l’honneur de présider, en particulier sur le rapport d’information en deux volets qu’elle a consacré aux risques naturels majeurs. Le premier volet porte sur la prévention, l’alerte et la gestion de l’urgence, le second sur l’adaptation de l’action régalienne de l’État.
Au cours du déplacement que j’ai effectué à Mayotte du 24 au 27 janvier dernier, j’ai rencontré de nombreux acteurs – élus, professionnels du bâtiment, artisans, architectes.
Je me suis rendue dans l’ensemble de l’archipel, afin de vérifier l’adéquation à la réalité des mesures envisagées, conformément à la culture de notre Haute Assemblée de légiférer au plus près des territoires.
Les élus m’ont unanimement fait part de leur volonté d’être associés étroitement à la reconstruction.
J’ai relevé par ailleurs une forte demande d’intégration régionale en ce qui concerne notamment l’importation des matériaux. Mes interlocuteurs ont ainsi mis l’accent sur le besoin d’approvisionnement rapide, l’éloignement rendant plus difficiles les liaisons et l’acheminement des matériaux.
La crainte d’une spéculation sur lesdits matériaux m’a aussi été exprimée, tout comme la nécessité vitale de prévenir toute reconstruction des bidonvilles.
Le texte que nous examinons cet après-midi me semble équilibré et susceptible de répondre aux aspirations locales. Il n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes, mais se concentre sur l’accélération et la simplification des procédures.
Son examen a été réparti entre, d’une part, la commission des affaires économiques, saisie au fond, d’autre part, les commissions des lois et des affaires sociales, saisies pour avis.
Je salue Christine Bonfanti-Dossat et Isabelle Florennes, rapporteurs pour avis, et les remercie de ce travail mené de concert, en toute harmonie, sur ce texte très technique.
La commission des affaires économiques a examiné trois types de dispositions : premièrement, à l’article 1er, la création par ordonnance d’un établissement public chargé de la coordination de la reconstruction de Mayotte ; deuxièmement, aux articles 3 à 9, les mesures dérogatoires en matière de règles de construction et de procédures d’urbanisme ; troisièmement, aux articles 16 et 17 visant à faciliter le financement de l’aide et de la reconstruction d’urgence, la majoration des déductions fiscales pour les dons des particuliers au profit de Mayotte, ainsi que la suspension du recouvrement forcé des créances fiscales.
La commission des affaires économiques a d’abord voulu mieux adapter ces dispositifs aux réalités du territoire mahorais.
En effet, une grande partie des mesures proposées en matière d’urbanisme sont calquées sur les ordonnances visant à accélérer la reconstruction après les émeutes urbaines de juillet 2023.
Pourtant, le contexte mahorais n’a rien à voir avec celui de la métropole : même en écartant les bidonvilles, deux tiers des constructions de Mayotte ont été réalisés sans autorisation d’urbanisme et plus de trois quarts des permis ont été délivrés tacitement.
L’impact des mesures proposées serait donc très limité. Aussi, nous avons souhaité permettre, à titre dérogatoire, le droit à la reconstruction à l’identique de l’ensemble des bâtiments « en dur » datant d’avant 2013, afin d’assurer la mise à l’abri rapide des Mahorais.
Pour tenir compte des capacités de traitement des services instructeurs, nous avons aussi allégé les procédures pour les travaux d’ampleur limitée.
Il est évident que des mesures plus structurantes seront nécessaires dans un avenir proche pour régulariser de manière rationnelle ce qui peut l’être, sur le modèle du travail déjà engagé sur les titres de propriété foncière, qui doit par ailleurs être amplifié et accéléré.
Nous devrons également acclimater les normes et les règles aux réalités du territoire mahorais, en tirant parti des techniques développées par les architectes et les artisans locaux.
À cet égard, je regrette que le Gouvernement n’ait pas souhaité confier au futur établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte la mission d’élaborer des référentiels d’équivalence de matériaux de construction adaptés à Mayotte, en complément du marquage RUP (régions ultrapériphériques), dont le chantier tarde vraiment à aboutir.
Je compte sur le Gouvernement pour faire de l’accélération de ce chantier une réponse structurelle à la cherté de la vie et au besoin de maîtrise de la dépense outre-mer.
Les contraintes inhérentes à l’insularité devront également être mieux prises en compte pour amplifier et adapter l’offre de logements à l’intensification des risques naturels sous l’effet des changements climatiques.
C’est aussi pour tenir compte de sa situation d’insularité que la commission a décidé d’exonérer Mayotte, à titre exceptionnel, de la taxe générale sur les activités polluantes sur les déchets pendant deux ans. Je vous proposerai tout à l’heure d’étendre légèrement le champ de cette mesure temporaire.
Sur ce sujet aussi, je souhaite que nous procédions à des adaptations pérennes, que j’ai déjà défendues dans le cadre du projet de loi de finances.
La commission a également limité dans le temps la possibilité pour le Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures d’adaptation des règles de construction. Il nous semble essentiel que le Parlement soit associé à l’élaboration des mesures d’acclimatation de ces règles, que j’appelle de mes vœux.
Dès la fin du mois de décembre, le Gouvernement a temporairement bloqué par décret le prix des matériaux de construction pour endiguer la spéculation.
J’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de compléter cette mesure d’urgence par des mesures structurelles parfaitement justifiées par l’étroitesse du marché mahorais.
Nous aurons de nouveau l’occasion de discuter de ces sujets lors de l’examen prochain de plusieurs propositions de loi relatives aux outre-mer.
La commission a également tenu à assurer la parfaite association des acteurs locaux, notamment des élus, à la reconstruction de Mayotte.
Nous avons ainsi garanti leur représentation au conseil d’administration du futur établissement public chargé de la reconstruction, qui devra être présidé par le président du conseil départemental, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte.
Les maires se sont énormément mobilisés ces dernières semaines pour assurer la continuité des services publics, malgré des conditions très dégradées. Ils sont aussi les meilleurs connaisseurs de leur commune. C’est pourquoi nous avons systématiquement rétabli leur consultation ou leur droit d’opposition.
C’est notamment le cas en ce qui concerne l’implantation d’infrastructures de télécommunications ou d’infrastructures électriques, l’allègement des procédures de participation du public ou encore, bien entendu, les dispositions de l’article 3, sur lesquelles nous reviendrons.
Cela me semble indispensable pour l’acceptabilité des nombreux chantiers à venir. L’étroite collaboration entre l’État, principal financeur, et les élus locaux sera la condition sine qua non d’une reconstruction durable et adaptée.
Je souhaite que ce texte puisse être promulgué dans les meilleurs délais après la réunion de la commission mixte paritaire, qui aura lieu dès la semaine prochaine, afin que nous puissions rapidement nous atteler au second temps de la reconstruction.
Monsieur le ministre d’État, vous avez annoncé que vous comptiez déposer, dans les prochaines semaines, un projet de loi de programmation pour Mayotte. Les enjeux institutionnels et régaliens seront sans aucun doute au cœur de ce texte ; cependant, je vous invite à ne pas faire l’impasse sur les mesures d’adaptation à prendre en matière de construction et d’urbanisme, mais aussi à n’oublier ni le développement économique, notamment du tissu industriel, ni les sujets agricoles. Ainsi seulement on fera en sorte que l’intégration de Mayotte à son environnement régional constitue un atout plutôt qu’un handicap.
La commission des affaires économiques du Sénat apportera son soutien vigilant à toute mesure qui ira en ce sens. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous présenter la position de la commission des affaires sociales sur ce projet de loi, je veux exprimer ma solidarité envers les Mahorais.
Les travaux que j’ai menés en tant que rapporteur pour avis m’ont permis de mesurer l’ampleur des dégâts humains, matériels et économiques qui résultent du passage du cyclone et des inondations qui ont suivi.
Notre commission s’est vu déléguer au fond l’examen des articles qui concernent le recouvrement des cotisations et des contributions sociales, le versement des prestations sociales et la mise en œuvre du mécanisme d’activité partielle.
Nous avons eu à cœur de soutenir la reprise de l’activité, de prévenir tout licenciement économique et d’éviter une explosion de la précarité, tout en étant conscients que le caractère d’urgence de ce texte impose que ses dispositions soient limitées dans le temps.
L’article 18 suspend le recouvrement des cotisations et des contributions sociales pour les employeurs, les travailleurs indépendants et les micro-entrepreneurs. La commission a adopté ces dispositions, en rétablissant toutefois la période d’application qui figurait dans le projet de loi initial : la suspension courra ainsi jusqu’au 31 mars 2025 ; elle pourra éventuellement être prolongée par décret jusqu’au 31 décembre 2025.
Le choix de cette période confère une protection importante aux acteurs économiques mahorais, qui s’ajoute aux aides prévues pour compenser la perte de chiffre d’affaires. Il nous a semblé que, si l’on prolongeait d’emblée sa durée dans la loi, on manquerait de souplesse pour s’adapter à l’évolution locale : une telle mesure ne serait pas conforme au cadre d’urgence de ce projet de loi.
Notre commission a ensuite choisi de supprimer l’article 18 bis, qui avait été introduit dans le texte par l’Assemblée nationale afin d’exonérer les entreprises mahoraises de cotisations pour le seul mois de décembre 2024. Ces dispositions n’étaient pas nécessaires au regard des dispositions de l’article 18 permettant l’abandon partiel ou total des créances de cotisations des employeurs et des travailleurs indépendants.
La commission soutient en revanche l’article 19, qui a pour objet de rendre les travailleurs indépendants non agricoles éligibles au bénéfice des aides sociales apportées par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI).
Elle a également adopté l’article 20, qui prolonge le versement des revenus de remplacement au bénéfice des demandeurs d’emploi. Ces mesures paraissent justifiées alors que le marché du travail ne peut fonctionner normalement.
Cet article déroge toutefois à la répartition habituelle des compétences, selon laquelle la définition des règles d’indemnisation de l’assurance chômage relève des partenaires sociaux. La commission a donc adopté un amendement tendant à préciser que le décret de prolongation devra être pris après avis du conseil d’administration de l’Unédic.
L’article 21 permet le renouvellement automatique des droits et prestations versés aux assurés résidant à Mayotte, ainsi qu’à leurs ayants droit. Ce dispositif sans précédent se justifie par le fait que le site abritant le guichet de la caisse de sécurité sociale de Mayotte a été détruit aux deux tiers et inondé, et que les pertes matérielles subies par les allocataires sont susceptibles d’entraver leurs démarches administratives.
La commission a adopté un amendement visant à aligner la durée de renouvellement des prestations et des droits sociaux sur celle qui a été retenue pour les allocations chômage, soit jusqu’au 31 mars 2025, comme le prévoyait la version initiale du texte. Ces échéances pourront, le cas échéant, être prolongées jusqu’au 31 décembre 2025 par décret.
L’article 22 autorise quant à lui la majoration des taux de l’allocation d’activité partielle, versée à l’employeur, ainsi que de l’indemnité versée au salarié, pour les établissements situés à Mayotte. Il sera ainsi possible de rehausser l’indemnité versée au salarié à hauteur de 70 % de la rémunération brute antérieure et d’éviter tout reste à charge pour l’employeur. Ces mesures, qui ont déjà été mises en œuvre lors de la crise sanitaire, nous ont paru utiles. Selon les informations dont dispose l’administration, au moins 8 500 salariés sur 16 400 seraient ainsi déjà concernés par un placement en activité partielle.
Enfin, les articles 27, 32 et 33 constituaient des demandes de rapport ; la commission les a supprimés.
Les mesures exceptionnelles de ce texte sont nécessaires et bienvenues. Elles ne doivent toutefois pas nous faire oublier que la reconstruction de Mayotte, dans les domaines économique et social, nécessitera un travail au long cours. Le chantier de la convergence sociale entre l’archipel et l’Hexagone devra ainsi être poursuivi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 14 décembre dernier, l’archipel de Mayotte était frappé par le cyclone Chido, le plus dévastateur que la région ait connu depuis quatre-vingt-dix ans.
Ce cyclone a provoqué des dégâts matériels considérables, qui ont touché des infrastructures majeures, telles que le centre hospitalier ou l’aéroport. Des quartiers d’habitation entiers ont également été emportés.
À ces dégâts matériels s’ajoute le bilan humain : 39 décès et près de 4 500 blessés ont été recensés.
Avant toute chose, je souhaiterais donc avoir une pensée pour la population mahoraise, qui, encore aujourd’hui, continue de souffrir, et pour nos deux collègues mahorais, ici présents, qui ne ménagent pas leurs peines pour venir en aide à leur département.
J’en viens maintenant aux dispositions de ce projet de loi d’urgence pour Mayotte, et plus précisément à l’article 2 et aux articles 11 à 15, dont l’examen a été délégué au fond à la commission des lois.
Ces articles consistent principalement en des dérogations visant à permettre une reconstruction rapide de Mayotte, au travers du desserrement des contraintes procédurales en matière de marchés publics, ainsi que de l’ouverture à l’État de la possibilité d’intervenir, en lieu et place des communes, pour reconstruire les écoles.
La commission des lois s’est montrée globalement favorable à ces mesures.
Elle a toutefois adopté quinze amendements visant en particulier à assurer le respect des libertés locales, tout en garantissant l’engagement rapide de la reconstruction de l’archipel.
Elle a ainsi prévu, à l’article 2, que l’État ne pourrait intervenir pour reconstruire une école publique qu’à la demande de la commune.
Pour ce qui concerne les dérogations aux règles de la commande publique, la commission s’est attachée à supprimer du texte, d’une part, tous les éléments susceptibles de ralentir la conclusion des marchés publics indispensables à la reconstruction de Mayotte et, d’autre part, les dispositions déjà satisfaites par le droit existant, telles que l’obligation de publier sur internet des données relatives aux marchés publics passés dans le cadre de la reconstruction de l’archipel.
La commission a également souhaité regrouper l’ensemble des dispositions destinées à favoriser les petites entreprises mahoraises dans l’attribution des marchés publics de reconstruction au sein d’un article unique, pour garantir la cohérence du dispositif.
Elle a également adopté des amendements de suppression des dispositions susceptibles de pénaliser les TPE-PME locales dans l’attribution des marchés publics conclus pour la reconstruction de Mayotte ; ainsi de l’article 13 bis, qui limitait le recours à la sous-traitance.
La commission a enfin veillé à garantir le caractère opérationnel de l’article 15, qui vise à permettre le versement, par les collectivités territoriales, de subventions aux associations œuvrant en faveur de la population mahoraise. Elle a ainsi supprimé l’exigence, pour les associations reconnues d’utilité publique, de désigner un commissaire aux comptes pour bénéficier de subventions de la part des collectivités territoriales, car cela aurait imposé à ces associations une charge importante, susceptible de les détourner de cette possibilité de subventionnement.
Enfin, monsieur le ministre, je veux vous remercier de votre écoute en ce qui concerne l’article 10, ainsi que de votre pragmatisme. Même si la commission partage l’intention du Gouvernement, comme vous l’avez reconnu, l’habilitation demandée nécessitait plus de concertation et sa rédaction méritait d’être plus complète. (M. le ministre acquiesce.) Cela sera sans doute le cas dans un prochain projet de loi ! En tout cas, pour le moment, elle nous semblait mal comprise. Vous nous avez entendus sur ce point, et je vous en suis reconnaissante.
Vous l’avez donc bien compris, mes chers collègues, la commission des lois considère que les dispositions qui nous sont soumises s’inscrivent, dans leur ensemble, dans une démarche de bon sens qui permettra de reconstruire Mayotte au plus vite.
Elles seront cependant insuffisantes – vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre – pour répondre à l’ensemble des problématiques auxquelles l’archipel est actuellement confronté.
La commission des lois sera donc attentive aux mesures qui figureront dans le second projet de loi, visant à refonder Mayotte, qui devrait être présenté par le Gouvernement d’ici à deux mois, pour répondre notamment aux enjeux migratoires et enclencher, enfin, la convergence sociale.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l’adoption de trois amendements rédactionnels, la commission des lois vous propose d’adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Demande de réserve
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. La commission des affaires économiques demande, en accord avec la commission des lois et sa rapporteure pour avis Isabelle Florennes, la réserve de la discussion de l’article 2 jusqu’après l’article 9, de sorte que nous puissions examiner en un seul bloc l’ensemble des articles dont l’examen a été délégué au fond à la commission des lois.
M. le président. Je suis donc saisi d’une demande de la commission tendant à réserver l’examen de l’article 2 du projet de loi.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, qu’il s’agisse d’une maison, d’un abri de fortune, ou d’un lieu de mémoire, pour certains, les souvenirs de toute une vie ont disparu ! Le passage du cyclone Chido, le 14 décembre dernier, aura marqué pour toujours l’histoire de l’archipel de Mayotte et touché la vie de tous ses habitants ; nombre d’entre eux ont absolument tout perdu.
Au nom des membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, j’adresse à toutes les victimes et aux familles des disparus nos pensées les plus sincères. Qu’elles soient assurées de notre soutien et de notre engagement à leurs côtés.
À la suite du passage de Chido, on a décompté les morts, les disparus, les blessés. L’habitat précaire d’environ 100 000 personnes a été détruit et de nombreuses infrastructures publiques – l’hôpital, l’aéroport, les routes, la préfecture, les écoles – ont été endommagées, voire ravagées.
Nous saluons l’ensemble de la population mahoraise, qui a tout de suite fait preuve de résilience et qui s’est mobilisée pour commencer à remettre l’archipel debout.
Nous saluons aussi tous les services de l’État – les forces de l’ordre, les pompiers, les agents publics, les agents d’Enedis, les distributeurs d’eau, etc. – qui sont sur le pont depuis plus d’un mois.
Lundi dernier, six semaines après le passage ravageur du cyclone, qui a été suivi par celui de la tempête Dikeledi, plus de 100 000 élèves ont pu reprendre le chemin de l’école. Cette reprise s’est toutefois réalisée dans des conditions très dégradées : certains établissements n’ont pas pu rouvrir ; dans d’autres, certaines salles sont inutilisables et les autres sont partagées en alternance entre les classes.
Le 14 décembre dernier, nous avons tous été saisis en voyant les images de ce territoire de France dévasté : des bâtiments détruits, des paysages balayés, des bidonvilles soufflés comme si une bombe avait explosé, le malheur des victimes accablées.
Les conséquences du cyclone n’ont fait – vous l’avez dit, monsieur le ministre – que mettre en évidence certains manques, certains échecs et une forme de désintérêt ; cela doit nous inciter, tous autant que nous sommes, à nous interroger.
Nous ne sommes pas de ceux qui disent que rien n’a été fait pour Mayotte. C’est faux. Toutefois, si nous devons faire un bilan, nous ne pourrons que constater que la situation de Mayotte n’est pas digne d’un département français, et personne ne pourra le contredire.
Ainsi, 77 % des habitants de l’archipel vivent sous le seuil de pauvreté. Plus de 70 % des élèves ont des difficultés en lecture ; un grand nombre d’enfants ne vont à l’école qu’un jour sur deux, ou seulement le matin ou l’après-midi. Le taux de chômage atteint 37 % et le revenu annuel médian est de 3 000 euros. L’habitat indigne, c’est-à-dire, concrètement, les bidonvilles, représente 40 % des logements. L’eau ne coule pas au robinet tous les jours ni toute la journée. L’archipel a connu une épidémie de choléra l’année dernière. Les bandes et l’insécurité règnent en maître à certains endroits. Enfin, un tiers environ des 310 000 habitants de l’archipel seraient en situation irrégulière ; la situation paraît, sous cet angle, assez incontrôlable.
Vous l’avez dit, monsieur le ministre : ce texte n’a pas vocation à s’attaquer aux difficultés économiques et sociales profondes. Il ne porte pas sur l’accès aux soins, l’immigration illégale, ou encore l’accès à l’eau…
Le texte que nous examinons est un projet de loi d’urgence, d’ordre essentiellement technique, qui simplifie de nombreuses procédures d’urbanisme. Son objectif est de pallier la situation catastrophique et de permettre, le plus rapidement possible, de reconstruire, rebâtir et réhabiliter les logements, les bâtiments publics, les écoles et le réseau électrique afin que la vie sur l’archipel puisse reprendre aussi normalement que possible.
L’objectif est aussi de soutenir les entreprises et la population afin que la situation économique et sociale, déjà précaire auparavant, ne s’enlise pas davantage.
Il est ainsi prévu de suspendre, jusqu’au 31 mars 2025, le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues depuis le passage du cyclone par les entreprises et les travailleurs indépendants. En outre, les prestations sociales versées aux Mahorais et les indemnités des demandeurs d’emploi devraient être automatiquement renouvelées jusqu’au 31 mars 2025.
La priorité de ce texte, c’est gérer l’urgence de la reconstruction.
L’étape suivante, très attendue, sera celle de la refondation de Mayotte, grâce à l’adoption de mesures concrètes dans les domaines sanitaire, migratoire et économique. Celles-ci figureront dans un second projet de loi, qui devrait être déposé au mois de mars.
Notre tâche au cours de l’examen du présent projet de loi d’urgence est délicate : il s’agit de trouver le bon équilibre entre l’accélération et la simplification des procédures d’urbanisme, d’une part, et le respect des contraintes, des réalités et des risques spécifiques du territoire, d’autre part. Nous devons aussi, évidemment, nous donner l’objectif de ne plus laisser se développer les bidonvilles.
Grâce au travail réalisé par les commissions des affaires économiques, des lois et des affaires sociales, le texte qui nous est soumis respecte cet équilibre.
Il assure notamment une meilleure association des acteurs locaux : les maires seront représentés au sein du conseil d’administration du nouvel établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction. De même, le maire devra donner son accord avant toute implantation de constructions modulaires.
Le texte instaure également des conditions exigeantes pour l’achat de tôles. Si cette mesure peut paraître excessive à certains, elle est cependant nécessaire, à Mayotte, pour lutter contre l’habitat informel.
Les membres du groupe Les Indépendants voteront évidemment tous en faveur de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Solanges Nadille et Salama Ramia applaudissent également.)
Mme Viviane Malet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, Mayotte et La Réunion ont un destin lié, en raison de leur proximité géographique au cœur de l’océan Indien.
Ces deux territoires insulaires ont en commun le fait de posséder des biodiversités et des écosystèmes exceptionnels, mais ils ont encore une autre caractéristique commune : ils sont tous deux extrêmement vulnérables aux risques climatiques.
Ils doivent donc toujours être solidaires lorsqu’ils sont victimes de la violence des cyclones qui peuvent les frapper.
Je veux ainsi exprimer tout mon soutien aux Mahoraises et aux Mahorais, ainsi qu’à leurs élus, qui mènent des actions remarquables dans le contexte que nous déplorons depuis le 14 décembre dernier.
Le cyclone Chido a engendré, de l’avis de tous, la plus grande catastrophe de sécurité civile dans notre pays depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le nombre de victimes, mais aussi l’ampleur des dégâts causés par ce phénomène climatique dévastateur ont justifié que soit décrétée, le 23 décembre dernier, une journée de deuil national.
Au chaos suscité par Chido a succédé l’épreuve de la tempête Dikeledi, qui n’a fait qu’aggraver la situation.
Je veux donc saluer ici la formidable solidarité qui s’est immédiatement manifestée entre les îles françaises de l’océan Indien.
Avec le concours précieux des services de l’État, les collectivités de La Réunion – le conseil régional, le conseil général et les communes –, mais aussi les centres communaux d’action sociale (CCAS), le monde associatif, les entreprises et les particuliers, ont fait des dons, qui ont permis d’envoyer les biens les plus urgents vers Mayotte, par voie maritime ou aérienne.
Cette solidarité entre les îles françaises de l’océan Indien a aussi joué en matière de santé, grâce au concours des Dash 8 positionnés à l’aéroport de Saint-Pierre Pierrefonds, sur l’île de La Réunion ; celui-ci a démontré sa nécessité vitale en situation de crise grave.
Avec l’humilité que la détresse des habitants de ce territoire dévasté nous impose et que l’on ressent forcément face à l’ampleur de la tâche immense que constitue la reconstruction de l’archipel, je souhaite souligner les points qui me semblent importants dans le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre.
Ce texte comporte des dispositions temporaires visant à prévenir toute aggravation de la crise actuelle et à permettre une reconstruction rapide de l’archipel : reconstruction des écoles par l’État, jusqu’au 31 décembre 2027 ; dérogations aux règles de la commande publique ; accompagnement de l’économie mahoraise, avec des dispositions en faveur des entreprises ; enfin, prolongation des droits des bénéficiaires de prestations sociales ou d’allocations.
Monsieur le ministre, ce projet de loi d’urgence pour Mayotte, que vous avez présenté le 8 janvier dernier en conseil des ministres, a été adopté par l’Assemblée nationale, en séance publique, à une très forte majorité.
Au Sénat, en commission, nous avons amendé et enrichi le texte selon trois axes. Il s’agissait, tout d’abord, de mieux associer les élus et la population à la reconstruction. Ensuite, il fallait faire en sorte que la reconstruction soit adaptée aux réalités du territoire ; tel est l’objet, par exemple, de l’exonération de TGAP sur les déchets, consentie pour deux ans. L’enjeu était, enfin, de faciliter la lutte contre les bidonvilles.
Au cours de l’examen des articles, je défendrai un amendement visant à reconstruire les ouvrages BT (basse tension) et HTA (haute tension A) du réseau électrique, et ce – je le souligne – sans exproprier les propriétaires des terrains traversés. En effet, sans électricité, le pompage de l’eau et, partant, sa fourniture sont impossibles.
Monsieur le ministre, les Mahoraises et les Mahorais attendent beaucoup de l’État pour reconstruire leur archipel.
Mayotte possède plusieurs atouts, notamment sa jeunesse. Les jeunes veulent contribuer à la reconstruction. Le régiment du service militaire adapté (RSMA), qui constitue un formidable outil de formation et d’insertion professionnelle, peut représenter une porte d’entrée en ce sens.
Cet outil a déjà démontré sa capacité d’adaptation, notamment lorsque ses cadres et ses volontaires sont intervenus, en 2023, pour aider la population à faire face à la grave crise de l’eau. Le plan « Mayotte debout » doit encore faire participer, dans sa phase 3, le RSMA à la reconstruction de Mayotte. Les conventions que le RSMA a signées avec la fondation des Apprentis d’Auteuil, avec la mission locale, ou encore avec France Travail sont des réussites qui doivent être confortées, afin de lancer des chantiers d’insertion et d’en multiplier le nombre.
Monsieur le ministre, vous venez d’achever une seconde visite, de deux jours, à Mayotte. Vous avez annoncé que le coût de la reconstruction avoisinerait très probablement 3,5 milliards d’euros. Ce sont donc un défi et un devoir immenses qui s’imposent à nous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’évoquer le texte qui nous est soumis, je tiens à exprimer tout mon soutien à mes compatriotes mahorais, qui nous obligent, par leur force de résilience, à sortir des postures pour répondre avec dignité à leurs attentes, de façon concrète et urgente.
Après avoir obtenu l’inscription de financements complémentaires d’urgence dans le projet de loi de finances pour 2025, nous sommes réunis aujourd’hui pour poser le deuxième acte de la reconstruction de Mayotte.
Le texte a été partiellement réécrit par l’Assemblée nationale avant d’être transmis au Sénat. En commission, nous avons entériné la suppression décidée par les députés de certaines dispositions, notamment celle de l’article 10, qui permettait au Gouvernement d’exproprier des parcelles pour accélérer la reconstruction.
Le chaos qui a frappé Mayotte nous a amenés à travailler de manière transpartisane pour aboutir à la rédaction équilibrée dont nous discutons cet après-midi.
Je remercie tous nos collègues présents au cours de ces travaux pour leur écoute attentive : ils ont compris qu’il fallait, si l’on voulait répondre aux préoccupations des Mahorais, se départir de toute vision dogmatique, compte tenu des spécificités de l’archipel.
Mayotte est une terre de tradition où, longtemps, en amont de la départementalisation, la terre sacrée se transmettait sans formalisme, des parents aux enfants.
Mayotte est aujourd’hui une terre de privation et d’immigration, en raison de l’imposition du titre de séjour territorialisé.
L’accès de sa population native aux services publics, à l’école ou à l’hôpital se voit restreint, parce que la pression migratoire est mal gérée et ne donne lieu à aucune mesure compensatoire.
Près de deux mois après le cyclone, l’électricité et l’eau ne sont pas accessibles à tous. Les denrées alimentaires sont distribuées essentiellement à proximité des bidonvilles détruits. Les convois d’aide croisent insuffisamment la route des Mahorais, alors qu’eux aussi n’ont plus rien ; certains de leurs enfants n’ont d’ailleurs pas pu reprendre l’école, car celle-ci est occupée par des personnes en situation irrégulière.
Nous nous inquiétons de savoir si nous obtiendrons une véritable place, chez nous, pour vivre, pour nous épanouir avec nos familles et, dorénavant, pour reconstruire Mayotte.
C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe RDPI, je soutiendrai l’article 3 tel que réécrit par la commission, qui permet l’implantation de structures temporaires pour les services publics, les écoles et les travailleurs, afin de mettre un terme, de manière définitive, à la polémique sur les hébergements d’urgence.
Nous avons voulu que ce projet de loi soit proche des préoccupations des Mahorais, humain et opérationnel. Je remercie M. le ministre d’en avoir tenu compte, en concertation avec les élus.
Je le remercie également de la confiance qu’il m’a accordée en me confiant une mission de suivi de la reconstruction à Mayotte.
M. François Patriat. Bravo !
Mme Salama Ramia. La reconstruction de Mayotte passera par le rétablissement de la sécurité des Mahorais. Il faudra leur permettre de reconstruire leurs habitations à l’identique, grâce à des dérogations aux règles d’urbanisme, tout en tenant compte des risques environnementaux.
Cette reconstruction s’accompagnera de celle des infrastructures publiques et des écoles.
Nous espérons obtenir prochainement des réponses qui nous permettront de soutenir les associations locales, notamment celles qui œuvrent pour l’insertion de la jeunesse, par la formation ou par le sport, et dont les infrastructures sont détériorées.
Nous voulons que la reconstruction économique n’oublie personne, favorise les artisans, les TPE-PME locales et l’économie sociale et solidaire, grâce à des mesures garantissant l’accès aux marchés publics et à l’instauration d’un mécanisme de report de charges ; cela contribuera à un climat serein.
Si nous pensons avoir posé les jalons d’une reconstruction profitable à tous, en prévoyant la mise à disposition de logements temporaires pour tous les travailleurs sinistrés et tous les acteurs de la reconstruction de Mayotte, nous ne pouvons que regretter, à ce stade, de nous trouver dans une impasse, car le champ restreint de ce projet de loi nous empêche d’aller plus loin.
Monsieur le ministre, près de 100 000 foyers régis par le droit coutumier n’ont pas encore de titre foncier et risquent de rester à l’écart de la reconstruction. L’absence de possibilité de régularisation par la commission d’urgence foncière empêche ces ménages de reconstruire leur propriété selon les normes de sécurité. L’urgence appelle à assouplir les conditions de ces régularisations, tout en mettant en place des garde-fous.
Rétablir Mayotte dans la légalité doit être notre priorité ; cela nécessite de prendre des positions courageuses et inédites pour un territoire hors norme.
Nous appelons donc de nos vœux une concertation en amont du projet de loi de programmation pour Mayotte, afin qu’aucune difficulté ne reste en marge de l’action du Parlement.
Bien conscient que l’État prendra une part pleine et entière à la reconstruction de Mayotte, dans le respect de son intégrité, de ses habitants et de ses élus, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte, qui nous appelle d’ores et déjà à un acte III : un vaste chantier pour faire de l’un des plus beaux lagons du monde la fierté de la France, dans un espace géostratégique effervescent et prometteur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’exprimer à mon tour, au nom du groupe du RDSE, notre soutien continu à l’ensemble du peuple mahorais et de remercier à nouveau tous les acteurs qui se sont mobilisés pour répondre à l’urgence.
Une fois encore, Mayotte est touchée en son cœur. Le bilan est lourd : trente-neuf décès, quatre mille cinq cents blessés et des milliers d’infrastructures publiques et privées en ruines.
Plus d’un mois après le cyclone Chido, la vie reprend doucement son cours : l’électricité est partiellement revenue, mais l’archipel reste encore profondément marqué ; la partie nord demeure très sinistrée et les quelques écoles qui ont rouvert fonctionnent en mode dégradé.
Cette tragédie vient aggraver la situation d’un territoire déjà exsangue : le chômage de masse explose, les réponses structurelles à la pauvreté endémique tardent à venir et les services publics sont plongés dans une crise toujours plus profonde, le tout dans un contexte plus global où les Mahorais rencontrent depuis longtemps de fortes difficultés pour accéder aux besoins les plus élémentaires, comme l’accès à un logement décent, à l’eau potable, ou à des denrées alimentaires essentielles.
Sur le sujet de l’immigration, que je n’oublie pas, il faut agir – c’est certain ! Les Mahorais demandent des moyens supplémentaires sur le terrain pour lutter contre l’immigration clandestine. Sur le fond, la discussion parlementaire sur le prochain projet de loi devra être exigeante pour aboutir à des mesures qui ciblent véritablement les insuffisances du cadre actuel.
Voilà autant de champs sur lesquels l’État doit mieux faire, car la distance qui éloigne Mayotte de la République grandit de jour en jour.
Face à cette situation, pour se reconstruire et se développer, le cent unième département de France a besoin que la République lui fixe un cap, un itinéraire à suivre, et lui donne les moyens financiers et juridiques pour y parvenir. Or, depuis trop longtemps maintenant, elle regarde ailleurs et ne s’y intéresse qu’à de rares occasions et par à-coups, toujours sous le prisme de l’immigration clandestine, jamais sous celui du développement économique et social.
Au printemps 2024, les annonces faites par le gouvernement Attal semblaient pourtant ouvrir un nouveau chapitre pour Mayotte, avant que la dissolution et l’instabilité politique que nous connaissons ne balaient tout espoir d’engager rapidement les chantiers nécessaires.
À l’heure où l’île est de nouveau frappée par un drame, le Gouvernement décide de redonner une perspective à Mayotte, sous l’impulsion du Président de la République et du Premier ministre, dans le cadre du plan « Mayotte debout » annoncé le 30 décembre dernier.
Espérons que, cette fois-ci, la démarche aboutisse, en dépit des turbulences politiques que le pays pourrait connaître – espérons que non ! – à l’avenir.
Pour cela, il est impératif que la reconstruction et la refondation de Mayotte se fassent avec les forces vives locales. Je pense bien évidemment aux élus locaux, mais aussi aux associations et aux corps intermédiaires, qui connaissent parfaitement le terrain et seront un rouage essentiel de la réponse que l’État doit élaborer.
C’est dans cette perspective que le groupe du RDSE souhaite que ce projet de loi visant à refonder l’île repose sur une démarche partenariale. Nous voterons pour son adoption afin d’apporter des réponses rapides et concrètes à l’urgence à laquelle font face les Mahorais. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le 14 décembre dernier, le cyclone Chido a ravagé Mayotte. C’est l’une des plus graves catastrophes naturelles qu’ait connues la France depuis plusieurs siècles. Et le 13 janvier, le cyclone Dikeledi a continué le travail de dévastation.
Permettez-moi tout d’abord de renouveler, au nom du groupe Union Centriste, notre soutien à l’ensemble des Mahoraises et des Mahorais et à tous ceux qui se sont mobilisés pour répondre à l’urgence et accompagner les sinistrés.
Parmi les sinistrés, on trouve nos collègues Salama Ramia et Saïd Omar Oili. J’ai eu des échanges avec ce dernier pendant et après ce drame, et je voudrais lui redire toute mon affection. Je garderai longtemps les photos qu’il m’a envoyées de ce qui était, avant le cyclone, son habitation…
En quelques heures, les Mahorais ont tout perdu ; vous avez, mes chers collègues, tout perdu. Nous aborderons en détail aujourd’hui les conséquences matérielles du drame ; mais les conséquences en sont aussi psychologiques, et ces cicatrices profondes seront longues à disparaître.
Je me suis rendu à Mayotte en mai 2024 avec d’autres membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par Micheline Jacques. Bien avant le passage de Chido, les Mahorais souffraient déjà – je ne suis pas le premier à le relever à cette tribune aujourd’hui – de crises économiques et sociales.
Ils étaient déjà sans eau courante ; ils connaissent maintenant le « sans électricité ».
Ils étaient déjà étranglés par la vie chère ; ils sont maintenant soumis aux pillages et aux pénuries.
Il faut le dire, c’est un calvaire sans fin !
L’ampleur de ces catastrophes naturelles met en lumière l’état de vulnérabilité dans lequel nous avons laissé le cent unième département français.
Il faut parer au plus pressé et prendre des mesures urgentes pour reconstruire rapidement l’habitat, les services publics et les infrastructures.
Reconstruire vite, oui, mais aussi et surtout reconstruire mieux, tout en faisant en sorte que plus d’habitations soient assurées – peu l’étaient au moment du cyclone.
Ce projet de loi ne pourra pas répondre, à lui seul, aux crises qui ravagent Mayotte, mais ses dispositions sont très attendues et vont dans le bon sens.
Les trois premiers chapitres visent à favoriser la reconstruction de l’île, en prévoyant des règles dérogatoires en matière d’urbanisme et de construction, tout en transférant à l’État la mission de reconstruire les écoles.
L’article 3, en particulier, dispense les constructions temporaires d’hébergement d’urgence, réalisées pour une durée maximale de deux ans, de toute formalité d’urbanisme afin de ne pas perdre de temps.
Le relogement temporaire d’urgence des populations nécessite bien sûr le recours à des constructions modulaires, mais je tiens à alerter sur le fait que les pouvoirs publics en faisaient déjà largement usage avant le passage du cyclone. Ces constructions n’ont pas du tout fait leurs preuves en termes de solidité et de salubrité. Les Mahorais sont trop habitués à des situations de bricolage provisoire qui deviennent définitives. Il faudra donc s’assurer que ces constructions provisoires seront réellement démontées au bout de deux ans.
Le projet de loi comporte également des mesures destinées à soutenir les associations et à encourager les dons en faveur des victimes, ainsi que des mesures en faveur des entreprises et de la population mahoraises. Tout cela, monsieur le ministre, va dans le bon sens.
Il est néanmoins regrettable que ce texte ne traite pas de l’accès à l’eau potable, qui est un besoin fondamental. Le fait que ce problème existait bien avant le passage des derniers cyclones ne le rend pas moins urgent, bien au contraire.
Je pense que d’autres mesures complémentaires devraient être étudiées : je pense à la reconstruction d’infrastructures essentielles dans les secteurs de l’électricité et des communications ; on pourrait aussi imaginer le gel d’un certain nombre de factures – l’eau, l’énergie et, dans certains cas, les loyers ; je pense aussi, naturellement, à la restauration des écosystèmes forestiers et littoraux, qui sont très importants pour l’équilibre de l’île.
Oui, le chantier est gigantesque et il faut se montrer à la hauteur. Le groupe Union Centriste votera pour ce projet de loi, qui doit être un premier pas vers une reconstruction pérenne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Antoinette Guhl et M. Saïd Omar Oili applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un mois et demi après le passage du cyclone Chido, le Sénat examine, enfin, un projet de loi d’urgence pour accélérer la reconstruction de Mayotte.
Alors que nous commençons à débattre de ce texte, gardons bien en tête que près de 90 % des Mahorais sont sans toiture, en pleine saison cyclonique. Trois quarts des bâtiments ont été affectés. La tempête tropicale Dikeledi a encore aggravé la fragilité des infrastructures et du bâti. Dans un département où plus du tiers des logements sont des habitats de fortune, majoritairement en tôle, c’est cette fragilité de l’habitat qui a coûté de nombreuses vies.
Nous refusons que la précarité et la fragilité de l’habitat constituent la norme à Mayotte. Gardons bien en tête que, là-bas, les familles manquent de tout. Sur fond de crise sociale et sanitaire, les Mahorais vivent au quotidien une situation d’urgence humanitaire, faite de manques en matière d’accès à l’eau, à la nourriture, à l’énergie et aux soins. Mayotte se sent complètement abandonnée !
Au nom du groupe CRCE-K, je salue toutes les initiatives de solidarité, venues de Mayotte, de La Réunion et de tout le pays, et je remercie toutes les personnes qui y ont contribué. Je tiens à exprimer nos pensées endeuillées aux proches des victimes du cyclone, ainsi que tout notre soutien aux sinistrés et aux personnes qui leur portent secours et assistance.
Ainsi, ce texte devant entrer en vigueur au début du mois de février est, en dépit de son nom, bien loin de répondre à l’urgence. En effet, sur le terrain, que ce soit pour l’école, l’habitat, l’eau ou la nourriture, le provisoire s’installe et renforce le sentiment d’abandon.
En réalité, ce texte doit surtout poser le cadre de la construction de Mayotte. Il faut répondre au nécessaire besoin d’adaptation des normes aux réalités climatiques. Le régime dérogatoire dont nous débattons doit permettre à Mayotte de construire un nouvel aménagement, plus durable et permettant surtout d’accueillir des services publics dimensionnés aux besoins de la population.
Au vu de l’immensité de ces besoins, nous, membres du groupe CRCE-K, voterons pour ce projet de loi en dépit de nos nombreuses inquiétudes, que ce texte ne suffit pas à dissiper.
Aux antipodes des opérations de destruction des bidonvilles et d’expulsions massives menées par l’ancien ministre de l’intérieur, nous demandons à l’État de garantir le relogement durable de toutes les personnes présentes dans ce département. Il y va du respect de la vie humaine et de la dignité des personnes, qu’elles possèdent des papiers d’identité ou non.
Oui, ce projet de loi comporte des mesures discriminatoires qui nous inquiètent, en premier lieu la mesure conditionnant l’achat de tôles à la présentation d’une pièce d’identité et interdisant leur revente aux tiers.
Je pense à toutes les victimes sans papiers du cyclone, jetées à la rue, sans accès aux soins, et à celles qui ont péri et qui n’ont pas été comptabilisées. Monsieur le ministre, nous ne vous lâcherons pas avant que la lumière soit faite sur le nombre exact de personnes disparues !
L’urgence pour Mayotte, c’est la reconstruction.
Pourtant, la situation dramatique dans laquelle se trouve cette terre de France n’est pas le seul fait de Chido. Mayotte est le département le plus pauvre de France. La pauvreté touche 84 % des Mahorais. Le taux de chômage atteignait en 2023 37 %, contre 7,3 % au niveau national.
Mayotte est le département de l’injustice sociale et des promesses non tenues. Combien de temps sera-t-il encore considéré comme un territoire de seconde zone, où le Smic horaire brut est abaissé à 8,98 euros contre 11,88 euros dans l’Hexagone, et où le RSA est deux fois moindre que dans le reste de la France ?
Dans ce territoire français, le droit constitutionnel à l’instruction est très loin d’être garanti. Comment accepter que la plupart des élèves ne puissent avoir cours que sur des demi-journées, par rotation ? Quand l’État prendra-t-il enfin en charge le problème de déscolarisation qui touche ce territoire où les moins de 20 ans représentent 55 % de la population ?
J’espère que nos débats d’aujourd’hui permettront à notre Haute Assemblée de prendre conscience des injustices que la République fait subir aux Mahorais et aux Mahoraises. L’urgence pour Mayotte, c’est aussi l’égalité sociale et l’égalité des chances.
Si la situation exige rapidité et efficacité, nous n’accepterons pas une reconstruction à l’identique, bâclée ou au rabais, sous peine de voir des catastrophes de ce type se reproduire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER. – M. Akli Mellouli applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Antoinette Guhl. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mayotte est dévastée et je tiens, au nom des membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, à témoigner de notre solidarité et de notre compassion envers les habitants de l’archipel.
Mayotte est dévastée et, plus que jamais, monsieur le ministre, nous devons prendre nos responsabilités. Le passage du cyclone a frappé durement ce territoire, plaçant plus encore sa population dans une précarité sociale et économique extrême et dans un état d’urgence humanitaire alarmant.
Les bidonvilles abritant des milliers de personnes pauvres ont été anéantis, les laissant sans abri, sans accès à l’eau potable, sans nourriture ni soins médicaux. Et bien d’autres quartiers sont aussi gravement touchés. Mayotte fait aujourd’hui le compte de ses pertes humaines.
Cette situation d’urgence ne doit pas nous éloigner de nos valeurs et ambitions humanistes. Nous devons prendre soin de toutes les victimes de ce cyclone, que leur situation administrative soi régulière ou non. Il y va de notre dignité. Ne pas le faire serait un accroc dans notre pacte républicain.
Ce cyclone témoigne aussi du sous-développement dont étaient déjà victimes les Mahoraises et les Mahorais. Rappelons que, dans cette partie de la France, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, que 70 % seulement des enfants sont scolarisés – et encore, quelquefois un jour sur trois ! – et que le chômage y est cinq fois plus important que dans l’Hexagone.
Alors, comment reconstruire une société quand l’accès à l’éducation, à la santé, à la formation professionnelle ou à un emploi décent est resté si longtemps une promesse vide ?
L’urgence ne réside pas uniquement dans la réparation : elle est aussi dans la garantie d’un cadre de vie digne, de possibilités d’émancipation, de conditions de travail et d’apprentissage adaptées aux besoins des Mahorais.
La situation sur le terrain ne pourra s’améliorer que si des investissements publics sont consentis pour les infrastructures éducatives et sanitaires, afin d’éviter qu’une partie de la population soit à jamais laissée sur le bas-côté.
Il y a l’urgence humaine ; il y a aussi une urgence écologique. Mayotte abrite un écosystème unique, un patrimoine naturel d’une richesse inestimable.
Son lagon, le deuxième plus grand au monde, abrite des espèces marines menacées, comme le dugong, ce mammifère marin emblématique de Mayotte, déjà en danger, qui a vu ses herbiers marins détruits, alors que c’est la source principale de son alimentation ; cela le met encore plus en péril.
Le cyclone Chido a dévasté les infrastructures humaines, mais il a aussi endommagé des écosystèmes vitaux : de la destruction des forêts et des récifs coralliens à la pollution des eaux et des sols, la biodiversité en ressort totalement anéantie.
Nous ne pouvons pas reconstruire Mayotte en négligeant la protection de ces écosystèmes exceptionnels. Or ce projet de loi ne contient pas de mesures concrètes pour restaurer ces habitats naturels. C’est pourtant une priorité importante. Mayotte doit se reconstruire aussi dans le respect de son environnement, avec des infrastructures résilientes et respectueuses de la nature.
L’ampleur des dérogations proposées dans le domaine de l’urbanisme risque de remettre en cause les normes de sécurité et d’habitabilité des futurs bâtiments.
Ce projet de loi est à l’évidence totalement insuffisant et se contente d’apporter aux problèmes les plus urgents des réponses très temporaires. Ainsi, les dispositifs d’accompagnement social et économique ne sont garantis que pour une durée de deux mois ; c’est tout de même très peu, monsieur le ministre !
Maintenant, il faut s’attaquer au véritable sujet : la pauvreté de la majorité des Mahoraises et des Mahorais.
Mais comment faire quand le financement de cette reconstruction est très largement insuffisant ? Les 100 millions d’euros prévus dans la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances seront loin de suffire pour répondre à l’ampleur de la tâche. Monsieur le ministre, vous avez vous-même estimé les besoins entre 1 milliard et 3 milliards d’euros quand vous êtes revenu de Mayotte ; pour l’instant, nous n’y sommes pas !
Nous ne pouvons pas accepter qu’un territoire, aussi riche en forces vives et en biodiversité, et ses habitants soient laissés sur le côté, abandonnés à leur destin. La reconstruction de Mayotte doit être un projet national, global et durable, prenant en compte les enjeux humains, sociaux et environnementaux.
Ce n’est qu’à cette condition que Mayotte pourra sortir du cycle infernal de la pauvreté et de l’abandon, et que ses habitants pourront enfin envisager un avenir digne, respectueux de l’environnement et des droits de tous. Assumons nos responsabilités ! Mayotte mérite plus qu’un pansement sur une plaie béante. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation à Mayotte peut s’analyser de deux manières. Si certains services sont pratiquement revenus à la normale, elle s’aggrave en revanche d’un autre côté : par exemple, ce week-end, des pluies intenses ont inondé plusieurs villages et provoqué des dégâts sur le réseau d’eau ; nombre de secteurs sont aujourd’hui privés de cette ressource indispensable.
Il faut avoir conscience que la population mahoraise continue de souffrir et qu’elle se sent très largement abandonnée, malgré les aides extérieures.
Monsieur le ministre, plusieurs fois dans votre intervention, vous avez mentionné la capacité de résilience des Mahorais. C’est vrai : nous acceptons des conditions de vie qui provoqueraient dans d’autres territoires des soulèvements immédiats.
Mais attention : la résilience, comme la patience, a ses limites ! Et je crains que les effets d’annonce non concrétisés amplifient une colère qui existe dans la société mahoraise, une colère alimentée par la désillusion qui résulte des promesses non tenues. Il y a un document de promesses, monsieur le ministre, que vous connaissez bien : le plan Mayotte 2025, dont la Cour des comptes a estimé, dans un rapport de 2022, que son suivi et son animation n’ont pas duré plus d’un an…
Juste après la crise du cyclone Chido, le Président de la République a annoncé une aide pour les personnes qui n’avaient pas d’assurance ; or voici qu’aujourd’hui, monsieur le ministre, vous proposez un prêt qui ne correspond pas aux pratiques des Mahorais !
Je vous mets donc solennellement en garde contre ce risque de désillusion.
Chido, en shimaoré, cela signifie le miroir. Ce cyclone a été le révélateur, auprès de l’opinion, de nos réalités dans l’archipel : nos insuffisances dans le système éducatif, nos logements précaires et nos bidonvilles, la faiblesse de nos infrastructures… La liste pourrait être longue !
Sur le projet de loi d’urgence qui nous occupe aujourd’hui, ma première réserve est relative au terme « urgence ». Dans l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, rendu le 22 décembre 2024, il est suggéré au Gouvernement de procéder, au regard des circonstances exceptionnelles, par décret ayant force de loi.
Une loi « d’urgence » promulguée plus de deux mois après le cyclone et renvoyant à des ordonnances, notamment pour son bras armé, l’établissement public, je ne sais pas s’il faut la qualifier ainsi !
On peut sentir, dans ce texte, la volonté, que je ne nie pas, de reconstruire Mayotte ; quant à moi, je préfère le mot « construire ». En effet, avec le terme « reconstruire », j’entends, comme dans le code de l’urbanisme, « à l’identique ». Non, je ne saurais l’accepter, car nous devons construire Mayotte sur de nouvelles bases.
Je note aussi que l’absence de données budgétaires dans ce texte, que je comprends juridiquement, peut rendre perplexes les Mahorais. Il y a un gap entre les milliards annoncés dans la presse et les 35 millions d’euros qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2025.
L’enjeu majeur de ce projet de loi se trouve dans les dispositions relatives à l’établissement public, prétendument nouveau, que l’on présente comme le bras armé de cette reconstruction.
Comme je l’ai déjà revendiqué, la reconstruction de Mayotte ne peut pas se faire sans les Mahorais ; sans quoi, elle sera un échec. C’est pourquoi j’ai déposé une série d’amendements sur les articles 1er et 2 du projet de loi.
Je proposerai notamment de réduire de trois mois à un mois après la promulgation de la loi le délai dans lequel devra être prise l’ordonnance qui va définir le cadre de cet établissement public. Je rappellerai à cette occasion l’importance de la concertation avec les parlementaires sur le contenu de cette ordonnance, qui va définir les contours de ce bras armé de la reconstruction de Mayotte.
Enfin, ma crainte est que cet établissement public soit une coquille vide dans les mains de l’État, avec une représentation simplement honorifique des collectivités territoriales. Ainsi, dans la rédaction actuelle, c’est le directeur général, en l’occurrence le général Facon, qui aura une voix prépondérante.
Je désire que la construction de Mayotte se fasse dans une gouvernance partagée : tel est le sens de mes amendements. Je vous avertis : sinon, cela ne marchera pas ! D’ailleurs, les Mahorais l’ont bien compris quand ils ont manifesté leur opposition à l’article 10 sur les expropriations. Ils y ont vu un outil supplémentaire pour l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam), dont l’action est très contestée par la population.
Monsieur le ministre, n’oubliez pas cette parole de Nelson Mandela que vous m’avez plusieurs fois entendu reprendre : « Faire pour nous et sans nous, c’est faire contre nous ! » (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST et sur des travées des groupes CRCE-K et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je prends la parole cet après-midi avec une émotion particulière, car si Mayotte est aujourd’hui sous le choc du cyclone Chido, Saint-Martin, dont je suis élue, a connu cette même détresse en 2017 après l’ouragan Irma.
Je sais ce que vivent les Mahorais : l’angoisse face à une nature déchaînée, la sidération devant les maisons détruites, les écoles éventrées et les commerces dévastés, mais surtout le sentiment d’abandon une fois l’urgence passée.
À Saint-Martin, nous avons appris comment rebâtir mieux, en évitant certains pièges, en pensant de façon résiliente, en associant les habitants et les élus.
Alors, aujourd’hui, en examinant ce projet de loi, je veux apporter ce retour d’expérience. Ce que nous avons vécu, Mayotte ne doit pas le revivre. Ce texte est une réponse à l’urgence, mais il doit surtout être le socle d’une reconstruction intelligente, qui évite de commettre les erreurs du passé.
Le bilan du cyclone Chido est terrible, mais au-delà de ce drame, il ne faut pas oublier que Mayotte était déjà en grande difficulté avant cette catastrophe : 77 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, le taux de chômage atteignait 37 % et une crise du logement dramatique frappait l’île.
À Saint-Martin non plus, le cyclone n’a pas créé la crise sociale : il l’a exacerbée. Il a rendu encore plus visibles nos défaillances en matière d’urbanisme, d’accès aux services publics, de résilience économique. C’est pourquoi, même si l’on parle de reconstruction, on ne pourra pas se contenter de rebâtir à l’identique.
Ce projet de loi doit permettre de poser les bases d’un territoire plus solide, mieux protégé, mieux équipé. Il y a plusieurs obstacles majeurs à la reconstruction : des procédures administratives trop complexes qui retardent les chantiers ; un manque de coordination entre l’État et les collectivités territoriales, rendant l’action publique confuse et inefficace ; un urbanisme non adapté aux risques climatiques, conduisant à des reconstructions vulnérables.
Le projet Relev a permis d’étudier ces blocages en profondeur. Il a notamment démontré qu’une reconstruction réussie repose sur trois piliers : d’abord, des normes de construction adaptées aux réalités locales ; ensuite, une concertation avec la population – l’absence de dialogue a généré à Saint-Martin des tensions et des incompréhensions, notamment sur le reclassement des zones à risques ; enfin, une planification sur le long terme, car reconstruire ne suffit pas. Il faut concevoir dès aujourd’hui le développement futur de Mayotte, intégrer la question des risques naturels et s’assurer d’une urbanisation maîtrisée.
Dans cette perspective, la création d’un établissement public consacré à la reconstruction, comme il est prévu dans le présent texte, est une bonne chose, mais il devra intégrer pleinement les élus locaux, car ce sont eux qui connaissent le mieux les réalités du terrain.
Ne reléguez pas les artisans et les PME locales au second plan, car la relance économique prendrait du retard et le tissu local serait affaibli.
Ce projet de loi contient aussi plusieurs mesures économiques : une suspension des cotisations sociales jusqu’à la fin de 2025, une exonération fiscale des entreprises sinistrées, ou encore des aides directes pour les commerces détruits.
Il faut aussi veiller à ce que les marchés publics privilégient les entreprises mahoraises pour que cette catastrophe ne les condamne pas définitivement.
La reconstruction ne peut être efficace et acceptée que si elle est ancrée dans le territoire. Le projet de loi prévoit bien une gouvernance locale pour l’établissement public chargé de la reconstruction, mais cela doit aller plus loin : les maires et les élus départementaux doivent être systématiquement consultés sur les grands projets. Les habitants doivent être associés aux choix d’urbanisme pour éviter des blocages et renforcer l’adhésion aux projets.
Ce texte est un premier pas indispensable, mais il doit poser les bases d’une reconstruction plus intelligente.
L’urgence ne doit pas conduire à l’improvisation. Nous avons vu les erreurs qui retardent la reconstruction, nous avons vu les conséquences d’une action mal coordonnée. Mayotte ne doit pas vivre le même calvaire. Il faut construire une Mayotte plus solide, qui résiste mieux aux catastrophes.
C’est à ces conditions que Mayotte pourra se relever. Et c’est pour cela que nous devons veiller, dans les prochains mois, à ce que ces engagements deviennent une réalité tangible pour les Mahorais. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Daniel Fargeot. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le 14 décembre, le cyclone Chido dévaste Mayotte ; il balaie l’île, ses infrastructures, ses écoles, ses maisons, ses bidonvilles ; il emporte des vies et plonge toute une population dans la détresse.
Le 14 décembre, Chido achève Mayotte, ce département dont la situation relevait de l’urgence depuis de nombreuses années. En effet, 77 % de la population y vit sous le seuil de pauvreté, 37 % des habitants sont au chômage et un tiers sont en situation irrégulière.
Monsieur le ministre, comment peut-on déclarer que l’État n’a pas failli ?
Le 14 décembre, Chido met à nu les carences de l’État, qui n’a pas su répondre à l’urgence de la situation d’un territoire abandonné depuis des décennies. La peur et la violence dictent le quotidien. Esseulés, les Mahorais se demandent si leurs frères de métropole ont la moindre idée de leurs conditions de vie. La dérogation est la norme ; l’impunité fait loi. Le cent unième département français est en réalité une zone de non-droit, un territoire où les Mahorais eux-mêmes s’imposent un couvre-feu informel tant il est tant dangereux de sortir une fois la nuit tombée. Nous sommes bien loin de l’espoir de mars 2011, quand la départementalisation de l’archipel devint effective.
Monsieur le ministre, comment déclarer que l’État n’a pas failli ?
Nous apportons notre soutien aux Mahorais, nos compatriotes, car oui, les Mahorais sont français ! Pourtant, cette évidence semble avoir été oubliée dans les premiers jours de la catastrophe. En effet, au-delà des vols et des pillages, la gestion de l’aide alimentaire suscite des interrogations : c’est bien une ONG américaine qui a eu accès aux stocks et qui a priorisé les immigrés en situation irrégulière. (M. le ministre marque son étonnement.) Pendant ce temps-là, les Mahorais attendaient, dans la détresse, suspendus aux annonces d’un gouvernement communicant, mais éloigné des réalités.
Monsieur le ministre, comment déclarer que l’État n’a pas failli ?
Pourtant, à 8 000 kilomètres de Mayotte, l’arsenal administratif et législatif de l’urgence est bien huilé : reconnaissance de l’état de calamité naturelle exceptionnelle, puis de catastrophe naturelle ; enfin, examen de ce texte pour reconstruire Mayotte. L’urgence est absolue. Pourtant, les délais sont déjà trop longs. Il nous aura fallu attendre près de huit semaines pour examiner ce texte !
Les témoignages poignants de nos collègues mahorais Salama Ramia et Saïd Omar Oili nous rappellent à la réalité. Pendant que nous débattons des modalités de reconstruction, hésitant entre reconstruire à l’identique, mais de manière imparfaite, ou reconstruire mieux, mais hors de la temporalité de l’urgence, les bidonvilles se sont déjà reconstitués. On en compte aujourd’hui plus qu’avant, construits plus vite encore, en un temps record : le taux de reconstruction des bidonvilles est de 120 %. Pis, les hébergements d’urgence créent un nouvel appel d’air migratoire.
Pendant ce temps, nous nous interrogeons sur le principe d’expropriation. Est-il réellement nécessaire d’y avoir recours, alors que la puissance publique détient 56 % du foncier à Mayotte, dont 13 % sont entre les mains de l’État ? Ce dernier ne disposait-il pas là d’un levier immédiat pour faire face à l’urgence ?
Et pendant que nous débattons de dérogations au droit commun, que nous prévoyons des délais plus ou moins longs, alors que deux tiers des constructions ont été effectuées sans droit ni titre, les Mahorais, eux, restent sans toit.
Évidemment, nous soutiendrons ce texte. – c’est une priorité – et nous saluons le travail pragmatique des rapporteurs, qui l’ont enrichi en replaçant les élus locaux au cœur des dispositifs proposés ; nous le soutiendrons avec retenue et lucidité.
Au-delà de son caractère urgent, ce texte révèle des failles béantes. Il ne règle pas tout. Il ne corrige pas l’injustice ressentie par les Français de Mayotte qui ont l’impression d’être traités en citoyens de second rang sur leur propre sol.
Nous attendons avec impatience les prochains textes structurels et nous serons attentifs à ce que l’État soit, enfin, à la hauteur pour l’avenir de Mayotte.
Le 14 décembre, Chido a ravagé Mayotte. Il a mis en lumière nos failles, nos faiblesses et l’incapacité de l’État à s’affirmer.
Monsieur le ministre, vous avez dit que l’État n’a pas failli. Les mots ne suffisent plus. L’État doit agir, et agir vite, parce que Mayotte est française et qu’elle doit être traité comme telle. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Audrey Bélim et M. Saïd Omar Oili, ainsi que Mme Antoinette Guhl, applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à faire part, une nouvelle fois, de notre soutien aux Mahoraises et aux Mahorais, qui ont été frappés le 14 décembre dernier par le cyclone le plus dévastateur que l’île ait connu en quatre-vingt-dix ans.
Le texte dont nous entamons l’examen aujourd’hui devrait être la mise en œuvre concrète du devoir de solidarité et d’assistance que la France doit à son cent unième département.
Il n’est nul besoin de rappeler en détail l’état de dévastation dans lequel se trouve Mayotte et d’évoquer les difficultés d’accès à l’eau, à l’électricité, aux soins et aux moyens de communication, la destruction et le pillage des logements, la réduction à néant des cultures vivrières, mais il faut savoir que, plus d’un mois après le passage du cyclone, la crise humanitaire s’aggrave.
Ce projet de loi d’urgence est en complet décalage avec cette terrible réalité. Il est essentiellement d’ordre technique : il prévoit un assouplissement du droit de l’urbanisme, des dérogations en matière de commande publique et des reports des délais de paiement de l’impôt et des cotisations sociales. Sa mesure phare est la création de l’établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte, dont la gouvernance sera partagée entre l’État et les élus locaux. Ces dispositions sont certes nécessaires, mais totalement insuffisantes ! Au-delà de dispositions techniques, il devrait également être question d’humanité.
En effet, bien avant le passage du cyclone, Mayotte était déjà minée par de multiples crises, migratoire, hydrique et sanitaire, par une défaillance des services publics de santé et d’éducation, ainsi que par un déficit d’infrastructures.
Nous regrettons donc l’application extrêmement stricte de l’article 45 de la Constitution, qui nous empêche d’examiner des amendements visant à soutenir les exploitations agricoles mahoraises, sujet pourtant élémentaire, puisqu’il s’agit tout simplement de nourrir les habitants !
On ne trouve rien non plus dans le texte sur la réalisation d’un recensement général et précis de la population ; rien sur l’accès aux soins ; rien sur la mise en place d’une zone franche globale permettant d’exempter d’impôts les entreprises durant cinq ans ; rien sur les questions du foncier et du cadastre ; rien sur la production de logements.
On ne trouve enfin aucune mesure de financement dans ce texte d’urgence. Heureusement, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2025 a permis de corriger ce fâcheux oubli. Un fonds d’amorçage a ainsi été créé, doté de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement, mais de seulement 35 millions d’euros en crédits de paiement.
Le Conseil d’État avait pourtant rappelé que le Gouvernement pouvait prendre certaines mesures par voie réglementaire, au titre des circonstances exceptionnelles et de la gravité de la situation à Mayotte. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?
Monsieur le ministre, alors que les catastrophes naturelles vont se multiplier, dans les territoires d’outre-mer comme en métropole, la France n’est pas prête. Elle n’est pas en mesure d’anticiper et de gérer des cyclones, des mégafeux ou des inondations. À Mayotte, des dizaines de morts ne seront jamais identifiés ni rendus à leurs familles. Que faut-il encore qu’il advienne pour que l’État prenne la mesure de la situation critique dans laquelle nous nous trouvons et apporte, enfin, une réponse à la hauteur des enjeux ?
Nous défendrons donc des amendements tendant à soutenir l’agriculture locale, à prolonger jusqu’à la fin de l’année le dispositif fiscal exceptionnel encourageant les dons en faveur de la reconstruction de Mayotte, à garantir la suspension des cotisations sociales jusqu’à la fin de l’année également, voire jusqu’en 2026 si la situation économique de l’île l’exigeait toujours.
Monsieur le ministre, rejeter la responsabilité des difficultés logistiques sur les élus mahorais n’est pas acceptable. Notre groupe avait demandé dès le mois de décembre l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux d’un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution, mais il nous a été refusé.
Le sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili réclame depuis le mois de décembre la création d’une commission d’enquête sur l’efficacité des dispositifs de prévention et d’alerte et sur la prise en charge globale des suites de la catastrophe. Nous appuierons cette demande sans relâche jusqu’à obtenir satisfaction. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Zena M’déré, Younoussa Bamana, Marcel Henri, Zaïna Meresse, Zoubert Adinani : ces grands noms de l’histoire mahoraise avaient un rêve commun. Ce rêve était noble, courageux et puissant : que Mayotte fasse partie de la République française ! Il se concrétisa enfin en 2011 lorsque Mayotte devint un département français. Aussi des lieux symboliques portent-ils leurs noms, afin que l’on n’oublie pas leur combat et leurs espoirs. Leur combat visait à fédérer des hommes et des femmes qui, même s’ils vivent à des milliers de kilomètres les uns des autres, partagent le même amour de la France ; des hommes et des femmes rassemblés autour d’une seule communauté, la communauté française.
Le département de Mayotte souffre depuis trop longtemps, plus encore depuis le passage du cyclone Chido. Bien qu’il soit provisoire, le bilan humain est dramatique. En outre, des milliers de nos compatriotes sans abri vivent dans des centres d’urgence et les dégâts matériels sont bien sûr particulièrement inquiétants. Je pense notamment à l’hôpital de Mamoudzou, le seul de l’archipel, qui comprend la plus grande maternité de France.
Permettez-moi donc de faire part de ma solidarité et de mes pensées les plus sincères aux victimes et à leurs familles et d’apporter mon soutien à nos compatriotes qui continuent de faire face chaque jour aux conséquences de cette catastrophe.
Le projet de loi d’urgence pour Mayotte est bien sûr nécessaire et nous le voterons, je l’espère, à l’unanimité. Nous nous devons de reconstruire, car il y a urgence pour nos concitoyens. Il faut rétablir l’alimentation en eau et en électricité, mettre à l’abri dans les meilleurs délais les victimes du cyclone et les loger, accélérer la reconstruction des bâtiments et des infrastructures détruits et endommagés. Enfin, il faut coordonner la reconstruction de Mayotte.
Mais la reconstruction de Mayotte ne pourra tout simplement pas se faire sans le peuple mahorais. C’est pourquoi je remercie nos rapporteurs Micheline Jacques, Isabelle Florennes et Christine Bonfanti-Dossat d’avoir enrichi le texte initial en développant plusieurs axes majeurs. Malheureusement, nous le savons tous, cela ne suffira pas, car nous nous devons, collectivement, de rebâtir Mayotte en gardant en tête le rêve des figures historiques que je viens d’évoquer.
« Après le malheur, le bonheur », dit-on à Mayotte. Travaillons donc à ce bonheur, mais cessons de faire croire que nous découvrons les problèmes de Mayotte. Ce département est français et fier de l’être. Pourtant, un jour sur trois, pas une goutte d’eau ne coule dans les robinets et un tiers des habitations n’a pas accès à l’eau courante ; 40 % de la population vit dans des bidonvilles et près de 50 % de celle-ci est issue de l’immigration irrégulière. Ce département vivait sous couvre-feu bien avant Chido, car l’insécurité y est terrible.
Nous n’y arriverons pas si nous continuons de mentir aux Français et de penser que les difficultés de Mayotte pourront être réglées sans une politique migratoire qui soit ferme tout en préservant la dignité humaine. À cet égard, j’avais proposé de réformer le droit du sol à Mayotte lors de nos derniers débats sur les questions migratoires. Je n’étais pas seule à le faire au Parlement, comme en témoigne l’engagement du député Mansour Kamardine, pour ne citer que lui.
L’immigration clandestine est une menace pour la cohésion de l’archipel. Disons-le : l’emploi de travailleurs clandestins ou la location de bidonvilles insalubres ne sont plus tolérables, d’abord parce qu’ils portent atteinte à la dignité de la personne humaine, mais aussi parce qu’ils entretiennent des flux d’immigration qui déstabilisent la société mahoraise. L’insupportable trafic d’êtres humains doit cesser. La submersion migratoire est aussi destructrice pour le développement de l’archipel que pour sa cohésion.
Il est donc indispensable de travailler sur deux axes. Il nous faut, premièrement, normaliser nos relations avec le gouvernement des Comores, qui joue un rôle pervers en niant le droit des Mahorais à disposer d’eux-mêmes et leur volonté d’être français. Deuxièmement, il ne faut plus laisser l’Azerbaïdjan continuer à déstabiliser tous nos territoires d’outre-mer, dont Mayotte, mais aussi la Nouvelle-Calédonie, bien évidemment.
Ces pays hostiles, corrompus et corrupteurs doivent cesser leurs opérations de déstabilisation. Il faut des actes du gouvernement français et la solidarité de nos amis européens, car c’est la souveraineté française et européenne qui est en jeu. Il y va de la place de la France dans le monde, sur tous les continents et sur toutes les mers.
Avec le vote de ce texte, la République française est en train, je l’espère, d’écrire une nouvelle histoire commune, mais il faut régler ces questions internationales en urgence.
Je rappelle, pour conclure, que Mayotte fait partie intégrante de notre République et que nos concitoyens mahorais sont pleinement français. De ce fait, nous nous devons de les secourir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’anticiper certains des débats que nous aurons au cours de l’examen des articles et des amendements.
Je remercie Mmes les rapporteures et l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés de leur soutien, de leurs suggestions pour enrichir le texte et de leurs critiques sur ses manques. Le but d’un débat parlementaire est d’essayer d’améliorer un texte.
Alors que les catastrophes naturelles – pensons à ce qui s’est passé en Espagne, ou plus récemment encore aux États-Unis – sont malheureusement de plus en plus nombreuses, souvent en raison du dérèglement climatique, je me dis que quelques semaines pour présenter un texte de ce type, qui s’ajoute à des mesures d’urgence ne nécessitant pas un véhicule législatif, c’est peu. Nous avançons, sachant en outre qu’un autre texte, plus structurant, vous sera présenté dans les prochaines semaines.
Beaucoup de choses ont été dites. Mme Jacques a évoqué, entre autres, la question des matériaux et la facilitation de leur importation dans les territoires ultramarins depuis les pays voisins. Vous avez raison, madame la rapporteure, certaines normes doivent être modifiées, d’autant que Mayotte – beaucoup d’entre vous l’ont souligné – doit s’inscrire dans son environnement régional. Et cela ne concerne pas seulement Mayotte, cela a été dit également.
Nous avons déjà obtenu de l’Union européenne une avancée, qui doit à présent être mise en œuvre. Il s’agit de substituer un marquage spécifique au marquage CE et de le décliner le plus vite possible. La certification par territoire peut être longue à organiser ; ce n’est en tout cas pas le rôle de l’établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte.
Un travail a été réalisé par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) afin d’évaluer rapidement comment accentuer notre action dans les territoires d’outre-mer et y déployer des matériaux en provenance de pays situés hors de l’Union européenne. Nous le savons, il faut aller beaucoup plus vite. Nous avons des problèmes de normes, d’habilitation, d’habitudes. Or il y a urgence. Il faut, pour les matériaux comme pour l’agriculture, comme pour la préparation du ramadan, être capables d’accélérer les processus. C’est ce que nous allons essayer de faire, car nous en avons l’obligation.
Je ne reviens pas sur ce que Mmes les rapporteures ont dit ; elles ont enrichi le texte, cela a été relevé. Je les en remercie une nouvelle fois.
La nécessité d’offrir une perspective à Mayotte a également été évoquée. L’urgence n’est que la première étape. Et non, l’État n’a pas failli lors de cette phase d’urgence. Il y a eu évidemment des manques et des retards, mais, je le redis, l’État n’a pas failli. Pour ma part, je ne représente pas l’État, je n’étais pas alors membre du Gouvernement, mais, je le répète, l’État a fait face sur place, dans des circonstances extrêmement difficiles, alors que les retards s’accumulaient depuis des années.
Je défends donc l’action de l’État, celle du préfet et des services publics. On ne peut pas d’un côté dire que la police, la gendarmerie, l’armée, les enseignants, les soignants, la sécurité civile, tous les services de l’État sont intervenus et les saluer, et de l’autre affirmer que l’État a failli. Qu’il y ait eu des manques et des retards, sans doute depuis des années, c’est incontestable, même si j’assume ce qui a été fait et engagé il y a dix ans, mais non, je le répète, l’État n’a pas failli.
Je remercie le sénateur Verzelen d’avoir dit qu’une action forte est nécessaire à Mayotte.
La sénatrice Malet a eu raison d’évoquer le RSMA. Il a un rôle à jouer dans la reconstruction, je l’ai moi-même souligné lors de ma première visite, le 31 décembre au soir. Ce régiment – c’est vrai dans toutes les outre-mer – effectue un travail remarquable. Il accueille entre 600 et 700 jeunes Mahorais, hommes et femmes, garçons et filles, qui s’impliquent sur place. Nous devons évidemment les utiliser dans le travail de reconstruction. Le RSMA forme la jeunesse mahoraise à des métiers qui seront utiles à la reconstruction : charpentier, constructeur en voiries et réseaux, maçon, carreleur, etc.
La formation, au-delà du service militaire adapté, est une question fondamentale pour la jeunesse mahoraise et pour réussir la reconstruction de Mayotte.
Madame la sénatrice Ramia, je vous remercie, ainsi que la commission, de votre travail. Nous devons utiliser l’expérience des deux sénateurs mahorais pour trouver les meilleures solutions. Vous l’avez souligné, il faut déployer des solutions supplémentaires pour abriter les services publics et les personnes appelées à reconstruire Mayotte, en rétablissant l’article 3 du texte et en y apportant des précisions.
Nous devons accélérer et innover pour que les régularisations foncières interviennent, vous avez raison. Nous travaillerons avec vous et la Chancellerie pour mettre en place un dispositif facilitant la reconnaissance officielle des propriétés, tout en sécurisant les droits des différentes personnes qui pourraient être concernées par un même terrain. Nous intégrerons ces éléments dans le projet de loi de programmation pour Mayotte.
Reconnaissons une réalité : peut-être avons-nous voulu accélérer le mouvement avec la départementalisation, ce que je comprends tout à fait, mais en matière de cadastre, de droit de propriété, d’assurance, le retard a été pris il y a longtemps. Nous devons le rattraper avec beaucoup de célérité, tout en tenant compte de la culture et de la réalité mahoraises.
Le sénateur Bernard Fialaire a évoqué la nécessité de fixer un cap, ce qui rejoint la conclusion que je donnais tout à l’heure à mon propos introductif. Que voulons-nous pour Mayotte ? Quelle est la place de Mayotte, ce cent unième département français, dans le projet national, en matière de défense, de biosphère, de développement humain, éducatif, culturel, économique ? C’est en répondant à ces questions et en fixant un cap que nous rétablirons la confiance entre les Mahorais et la France.
Face à l’urgence de la situation, il faut évidemment venir en aide à Mayotte, la consolider, la reconstruire, la refonder, mais les Mahorais ont aussi besoin d’un projet face aux Comores, dans leur environnement, l’océan Indien, près de Madagascar, de l’île Maurice, de La Réunion et de la côte est de l’Afrique. Nous devons, je le répète, bâtir un véritable projet dans ce cadre.
Beaucoup de nos compatriotes savent désormais placer Mayotte sur une carte. Ma responsabilité, tant que je serai ministre des outre-mer, est de ne rien lâcher sur Mayotte et de faire en sorte que ce département ne sorte pas des écrans radars, pour que l’action collective qui doit être la nôtre en faveur des Mahorais puisse être poursuivie.
Le sénateur Stéphane Demilly, que je retrouve avec plaisir, a souligné qu’il était regrettable que ce projet de loi ne traite pas de l’accès à l’eau. Monsieur le sénateur, il faut dissocier la gestion de l’urgence et la mise en œuvre de mesures de moyen et long terme.
Sur l’eau, l’urgence a été l’unité de potabilisation de la sécurité civile, l’importation massive de bouteilles d’eau, en veillant à ce qu’elles arrivent chez l’habitant, et le colmatage des fuites sur le réseau, avec le soutien du génie. Nous constatons qu’il reste encore beaucoup d’avaries à réparer.
À long terme, il faudra évidemment renforcer le plan eau Mayotte ; le Premier ministre l’a annoncé il y a un mois. Il faudra ensuite construire la deuxième usine de dessalement. Je suis loin d’en entendre parler pour la première fois ! Je me demande toujours pourquoi elle n’a pas été construite au cours des dix ou douze dernières années. Enfin, il faut accélérer la création d’une troisième réserve collinaire.
Il nous faudra ensuite aller beaucoup plus loin. Il y a à Mayotte un problème à la fois de production et de distribution de l’eau. Il nous faut inventer d’autres instruments, car on ne pourra pas continuer de gérer la pénurie en distribuant des bouteilles d’eau. C’est là une solution de court terme, indigne des Mahorais. Il faut modifier les infrastructures et la manière dont nous traitons la question de l’eau.
Reconnaissons-le : si ce problème est criant à Mayotte, nous le connaissons aussi en Guyane, aux Antilles de manière générale, à La Réunion actuellement. Il nous faut donc inventer des solutions. Beaucoup d’entreprises dans le monde travaillent sur ces questions. Je pense donc que nous pouvons faire beaucoup mieux que la simple gestion de la pénurie.
Cela étant, vous avez raison, monsieur le sénateur Demilly, la question de l’eau est fondamentale.
J’ajoute, sur ce sujet, qu’un expert de haut niveau chargé de l’eau est arrivé à Mayotte pour épauler le préfet de manière pérenne. J’espère pouvoir annoncer prochainement un certain nombre de mesures dans ce domaine. Les deux sénateurs mahorais le savent, une nouvelle crise de l’eau, comme celle que nous avons connue en 2023, risque de se produire. Or une telle crise, après Chido, et alors que la première crise a déjà été lourde et a eu des conséquences sociales majeures, serait évidemment un coup dur pour nos compatriotes mahorais.
Je veux à présent évoquer le bilan humain du cyclone, en réponse aux sénatrices Evelyne Corbière Naminzo et Viviane Artigalas.
On a dénombré à Mayotte 40 décès, 125 blessés graves, 6 933 blessés légers. Il est possible que des disparus puissent alourdir le bilan. Mais je veux dire de la manière la plus nette, comme je l’ai déjà fait à l’Assemblée nationale, que l’État n’a rien à cacher. Quel intérêt aurions-nous d’ailleurs à camoufler un bilan ? L’opération d’ « aller vers » les gens a permis à des professionnels, et non au ministre, à son cabinet ou au préfet, de toucher 33 000 personnes et de prodiguer 15 000 soins directement sur le terrain.
L’Escrim, l’élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale, va bientôt achever sa mission, après avoir pris en charge près de 5 500 personnes. Je veux à cette occasion saluer le travail extraordinaire effectué par les médecins dans leur hôpital militaire.
J’aborde cette question avec humilité. Il y a un mois, lorsque je me suis rendu à Mayotte, certaines voix ont parlé de fosses communes et de charniers. Or y a-t-il eu un seul cadavre refoulé par la mer ? Non ! A-t-on découvert des charniers ? Non ! On a parlé de 50 000 à 60 000 morts tout de même ! Il faut faire très attention – je le dis avec toute la solennité que requiert un tel sujet – à la manière dont on traite cette question. Bien évidemment, si on découvre qu’il y a eu davantage de victimes ou de disparus, il faudra le dire ; il n’y a aucune raison de le cacher. J’indique que nous avons même demandé aux chefs d’établissements de l’éducation nationale de faire le point sur les enfants et de signaler les élèves qui n’auraient pas été présents lors de la rentrée scolaire.
Je suis le plus clair possible, je suis prêt à répondre à toutes vos questions, y compris dans le cadre d’une commission d’enquête le cas échéant. Je rappelle en effet, madame la sénatrice, que le Gouvernement n’a pas le pouvoir d’empêcher la création d’une telle commission, qui relève du choix des groupes parlementaires : chacun d’entre eux dispose d’un droit de tirage. Je le répète, nous répondrons à toutes vos questions et nous n’avons absolument rien à cacher.
J’en viens au budget, sur lequel plusieurs questions ont été posées, notamment par la sénatrice Antoinette Guhl. Les 100 millions d’euros déjà votés sont une première étape, un fonds d’amorçage destiné à financer la reconstruction des bâtiments et des équipements publics. Il faudra bien sûr aller beaucoup plus loin.
L’évaluation des dégâts par la mission inter-inspections va permettre de lancer la demande d’activation du fonds de solidarité de l’Union européenne. Le chiffrage est en cours. J’ai évoqué, il y a trois jours, à Mayotte, le montant d’un milliard d’euros pour ce qui concerne les bâtiments publics, mais le coût total des destructions– il était considérable à Saint-Martin après l’ouragan Irma – pourrait atteindre 3,5 milliards d’euros, coût auquel il faudra ajouter celui de la reconstruction et de la mise en œuvre des projets prévus avant Chido.
Cher Saïd Omar Oili, comme votre collègue mahoraise Salama Ramia, vous avez vécu et continuez de vivre quelque chose de très difficile ; je ne peux pas me mettre à votre place. Nous nous parlons souvent, car je souhaite pouvoir avancer en vous associant, ainsi que vos collègues députés, aux réflexions, aux propositions et aux actions de l’État.
Nous avons, cher Saïd Omar Oili, pris des mesures d’urgence par décrets et arrêtés. Je le dis en réponse à certains sénateurs qui ont évoqué l’avis du Conseil d’État. Nous avons ainsi demandé au préfet de réquisitionner le matériel nécessaire pour déblayer les déchets. Nous avons également pris des mesures afin d’accélérer les contrats pour lutter contre les infiltrations d’eau, aider les entreprises, encadrer les prix, mais nous ne pouvons pas aller trop loin par voie réglementaire. Les circonstances exceptionnelles – vous le savez parfaitement en tant que législateur – ont leurs limites, ce qui justifie le présent projet de loi.
J’en viens à la mise en œuvre du plan Mayotte 2025. Nous avions signé ensemble avec les élus mahorais ce document stratégique, qui avait été annoncé par le Président de la République François Hollande.
Si je puis me permettre une remarque plus personnelle, monsieur le président, je me demande encore, maintenant que je suis retourné à Mayotte après les dévastations occasionnées par Chido, comment un tel retard a pu être pris dans la mise en œuvre de ce plan. Celle-ci avait bien commencé, de 2015 à 2017, mais elle semble avoir rencontré ensuite toute une série de difficultés. Il y a là une responsabilité à chercher, je le souligne.
Le rapport de la Cour des comptes intitulé Quel développement pour Mayotte a certes pointé les lacunes de ce plan, mais il a aussi souligné que ces difficultés de mise en œuvre découlaient pour une large part du manque d’expertise et d’ingénierie des collectivités locales, ce que m’ont confirmé sur place les maires et le président du conseil départemental. Cette problématique est toujours d’actualité. Je ne mets absolument pas en cause ces élus. Ils nous demandent eux-mêmes un appui en matière d’expertise. Celle-ci manque aussi au niveau de l’État, et nous sommes en train de la renforcer.
Nous avons un très bon préfet à Mayotte, je le souligne. Mais pourquoi ce département est-il souvent un premier poste dans la carrière de ces hauts fonctionnaires ? Il faudrait nommer dans les territoires ultramarins des préfets encore plus expérimentés et les doter de plus de moyens.
Je le répète : il n’y aura pas de refondation sans collectivités territoriales fortes, il n’y aura pas de refondation sans les maires et les élus !
Le prêt à taux zéro sera ouvert à l’ensemble des familles mahoraises. Lorsque celles-ci reconstruisent ou rénovent elles-mêmes, ce qui est courant à Mayotte, il sera garanti par l’État jusqu’à 50 000 euros. Ces conditions très favorables, voulues par le Gouvernement, aideront un maximum de familles mahoraises. Il faudra nous adapter à la situation, mais ce dispositif me paraît plus efficace que ce qui avait été initialement annoncé. J’espère qu’il pourra être mis en place et adapté au fur et à mesure, et je souhaite qu’il bénéficie à toutes les familles qui en ont besoin. Nous comptons en la matière sur le travail des élus locaux et des parlementaires. (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains.)
J’en viens à l’établissement public. Il est préfiguré par le général Pascal Facon, qui est sur place et reviendra cette semaine pour mettre en place l’équipe de la mission Mayotte. Il sera le chef de la mission Mayotte et non le directeur général de l’établissement public. Pour ce poste, nous devrons trouver un spécialiste de l’aménagement. Le général Facon assumera avec beaucoup de détermination, à mes côtés, la direction de cette mission.
Le président du conseil départemental présidera l’établissement public et les élus y seront représentés. Nous reviendrons sur ce point au cours de l’examen de l’article 1er. Ce que nous souhaitons tous, c’est que la gouvernance de l’établissement soit efficace, car il s’agira du bras armé de l’action déconcentrée de l’État. Il y a beaucoup à faire, en effet : reconstruire les établissements publics, prendre soin de la forêt, mettre en œuvre des politiques d’aménagement…
Viviane Artigalas a évoqué le soutien à l’agriculture locale. Les agriculteurs peuvent bénéficier de l’aide exceptionnelle permise par le décret du 11 janvier 2025, à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires mensuel de 2022, pour un montant plafonné à 20 000 euros par mois. Une aide exceptionnelle du ministère des outre-mer vient en complément du fonds outre-mer (FOM), avec une enveloppe de 15 millions d’euros. J’ai signé le décret afférent et 2 500 agriculteurs pourront en bénéficier. Il reste évidemment beaucoup à faire pour redresser cette filière comme celle de la pêche.
Je veux enfin répondre à Mme Valérie Boyer, que je retrouve avec plaisir ici au Sénat.
Mme Boyer a raison de souligner le devoir de vérité sur ces questions. Elle rappelle à juste titre, comme je l’ai fait moi-même, que les interventions d’États étrangers, notamment de l’Azerbaïdjan, sur l’ensemble de nos territoires ultramarins, y compris à Mayotte, sont tout à fait scandaleuses.
Beaucoup d’entre vous ont souligné la fragilité de la situation à Mayotte. Il faut reconnaître le travail engagé par l’État, mais aussi avoir conscience qu’une nouvelle catastrophe naturelle peut survenir, comme une nouvelle pénurie d’eau. Les questions de sécurité se posent toujours aussi âprement, avec un niveau de violence préoccupant. La problématique de l’immigration nous oblige à être lucides sur la fragilité d’un territoire qui peut basculer. Oui, il faut saluer la résilience et le courage des Mahorais. Mais tout cela est très fragile.
Nous devons donc être à la hauteur de l’attente des citoyens de ce cent unième département, de nos compatriotes mahorais. Si Chido a révélé quelque chose, c’est l’urgence de la reconstruction, de la refondation et de la convergence sociale.
J’en suis pleinement conscient et, si j’ai été nommé ministre d’État, ministre des outre-mer, c’est aussi pour répondre à toutes les urgences de ces territoires et notamment à celles de Mayotte. Cela s’impose avant tout pour les Mahorais eux-mêmes, bien sûr, mais n’oublions pas que la France, à Mayotte, joue une grande partie de sa capacité à répondre, enfin, à l’attente, à l’exigence de tous nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi d’urgence pour mayotte
Chapitre Ier
Coordination de la reconstruction de Mayotte et reconstruction des écoles
Article 1er
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet de transformer l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte en un établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte, en lien avec les ministères et leurs opérateurs, et de veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation de l’ensemble des opérations d’aménagement conduites par des acteurs publics et privés nécessaires à la reconstruction.
L’ordonnance définit :
1° A La dénomination de l’établissement ;
1° Les règles relatives à l’organisation et à l’administration de l’établissement, de façon à garantir au sein de son conseil d’administration, présidé par le président du Conseil départemental de Mayotte, une représentation équilibrée des représentants de l’État et des collectivités territoriales de Mayotte, y compris des communes, à travers le président de l’association des maires de Mayotte et des représentants des cinq établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). En cas de partage des voix au sein du conseil d’administration, le représentant de l’État directeur général de l’établissement a voix prépondérante ;
1° bis (nouveau) Les modalités de consultation par le conseil d’administration de l’établissement, avant tout projet ou décision, du Conseil économique, social et environnemental de Mayotte, du Comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte ainsi que d’un comité technique rattaché au conseil d’administration et composé notamment de professionnels du bâtiment, des travaux publics, de l’ingénierie et de la reconstruction ainsi que de représentants du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Mayotte et de la Commission d’urgence foncière de Mayotte ;
2° Les missions de l’établissement et les conditions dans lesquelles ce dernier peut assurer la maîtrise d’ouvrage ou la maîtrise d’ouvrage déléguée de certains ouvrages ou de certaines opérations d’aménagement, coordonner l’action de différents maîtres d’ouvrage et se substituer à un maître d’ouvrage en cas de défaillance grave de celui-ci.
L’ordonnance prévoit la continuité des missions exercées par l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte et de l’ensemble de ses moyens, de son personnel, de ses droits et de ses obligations.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous lire le témoignage du responsable d’une association qui accompagne les personnes en situation de précarité et d’exclusion :
« J’ai eu l’occasion de me rendre à Mayotte trois fois ces deux dernières années » – avant le cyclone – « dans l’optique de participer à la mise en place d’expérimentations en matière de logement social et d’hébergement d’urgence. J’ai pu prendre la mesure des énormes difficultés rencontrées sur un territoire largement oublié de la République. En effet, si l’État peut s’enorgueillir de quelques réalisations, notamment en termes d’équipements publics – hôpital de Mamoudzou, collèges, lycées –, la réponse paraît dérisoire face aux besoins réels d’une population en demande.
« Parmi les difficultés rencontrées sur place, j’ai pu relever l’absence de coordination entre la stratégie de l’État et celles des collectivités locales, le déficit énorme d’ingénierie malgré des expériences intéressantes, la défaillance de la concurrence sur la plupart des champs liés aux travaux publics, notamment de voirie, avec des acteurs uniques, omnipotents et hors de prix qui rendent chaque projet infinançable.
« Dans la réalité, l’île est deux fois plus peuplée que ne l’indiquent les chiffres officiels. Sans un plan de régularisation associé à une politique de grands travaux, à la structuration essentielle de grands coordinateurs publics – aménageurs, bailleurs, opérateurs sociaux – et à la venue sur l’île de dizaines d’acteurs manquants en matière d’ingénierie, aucune solution ne pourra répondre à la globalité de la situation. »
Voilà, mes chers collègues, loin des discours parfois stigmatisants et diviseurs, ce qu’on savait de Mayotte avant même le cyclone. Quand on parle de réparer avec les Mahorais, cela impose une véritable coordination avec les Mahorais, les collectivités territoriales et la société civile. Tel est le sens des amendements que notre groupe défendra. Quant au futur établissement public, monsieur le ministre, le dire, c’est le faire !
(M. Didier Mandelli remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
vice-président
M. le président. L’amendement n° 85 rectifié bis, présenté par M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Roiron, Mme Bélim, MM. Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
un
La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Pour reconstruire Mayotte, nous devons agir vite et de manière coordonnée. Il faut faire les choses correctement. C’est pourquoi la création d’un établissement public chargé de la reconstruction s’est tout de suite imposée. C’est la bonne démarche – sous certaines conditions, j’y reviendrai un peu plus tard dans le débat. Mais les délais inscrits dans ce texte nous amènent quasiment à l’été. À ce rythme, l’établissement ne sera peut-être opérationnel qu’en septembre… Or le Premier ministre a annoncé devant les Mahorais que Mayotte serait reconstruite en deux ans.
Les élus de Mayotte ont besoin de connaître les missions exactes de l’établissement public afin de s’organiser eux-mêmes et de se coordonner pour agir efficacement.
Mes chers collègues, je rappelle que la rentrée scolaire a eu lieu dans des conditions extrêmement dégradées, faute de bâtiments suffisamment sécurisés pour organiser l’accueil des élèves et des enseignants. Certains de ces derniers manquent à l’appel, car ils n’ont pas de logement pour eux-mêmes et leur famille. On nous annonce l’installation de bâtiments préfabriqués mais, pour le moment, ce sont des bâches et des tentes qu’on nous donne.
Je sais que le délai de trois mois inscrit à l’article 1er est le délai d’usage pour rédiger des ordonnances, mais plus rien n’est normal à Mayotte. Depuis bientôt deux mois, les Mahorais survivent !
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de nous confirmer que la concertation avance bien et que la reconstruction de Mayotte va s’accélérer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à ramener de trois mois à un mois le délai dans lequel l’ordonnance relative à l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte devra être publiée. Cela exercerait une pression inutile sur le Gouvernement, qui doit préalablement mener à bien un travail de concertation avec l’ensemble des partenaires concernés.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Comme vous, monsieur le sénateur, je souhaite une action rapide pour améliorer au plus vite la vie de nos compatriotes mahorais. C’est bien pour cela que nous n’avons pas attendu pour agir et répondre aux urgences.
Le général Pascal Facon, qui était à Mayotte avec moi la semaine dernière, y est demeuré et poursuit ses contacts avec le conseil départemental, avec tous les maires et avec les présidents d’établissements publics, dont certains, d’ailleurs, se rendront cette semaine à Paris. Il mène aussi le dialogue avec les filières économiques, agricoles et sociales, pour définir les bases de l’établissement public.
Le travail est donc très largement commencé et nous pouvons aller vite, d’autant que nous allons utiliser l’établissement public préexistant. Il s’agit non pas de détruire celui-ci, mais d’y intégrer les projets et le personnel requis.
Pour autant, un délai d’un mois est tout à fait insuffisant pour prendre cette ordonnance. Nous devons, avant de la rédiger, mener à bien les échanges et les travaux préparatoires, afin que cet outil opérationnel pour Mayotte, après concertation avec les acteurs locaux, notamment les élus, soit le plus efficace possible.
Je m’engage à ce que le Gouvernement présente cette ordonnance dans les meilleurs délais. C’est évidemment mon souhait, mais nous enfermer dans un délai d’un mois nous poserait une difficulté, comme vient de le relever Mme la rapporteure. Je vais dans votre sens, comme vous le voyez, mais laissez-nous ce délai de trois mois : inutile d’ajouter à la pression, déjà forte, qui s’exerce sur nous…
Si les choses vont beaucoup plus vite, tant mieux. L’idée n’est pas d’attendre l’été, mais de travailler, de mettre en œuvre, de reconstruire. Le fonds d’amorçage que j’ai annoncé tout à l’heure permet déjà de reconstruire ou de rénover les établissements scolaires.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Omar Oili, l’amendement n° 85 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Saïd Omar Oili. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 147 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
reconstruction de Mayotte
insérer les mots :
et de mise en sécurité des habitants
La parole est à Mme Antoinette Guhl.
Mme Antoinette Guhl. Le directeur adjoint de l’agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, M. Olivier Brahic, a relevé que les capacités de mise à l’abri sont largement insuffisantes. Les centres de vie anticycloniques identifiés dans chaque commune peuvent accueillir au mieux 30 000 personnes, pour une population estimée entre 300 000 et 400 000 personnes ! À la faveur de la reconstruction, nous devons augmenter les capacités de mise à l’abri des populations. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à fixer à l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte un objectif de mise en sécurité des habitants. Certes, il s’agit d’un objectif louable, qui encouragerait la construction d’abris, d’autant plus nécessaire que les 30 000 places actuelles sont loin de suffire. Il est toutefois préférable de conserver à cet établissement public des missions bien circonscrites, liées à la reconstruction de Mayotte.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 86 rectifié bis, présenté par M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Roiron, Mme Bélim, MM. Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Les règles relatives à l’organisation et à l’administration de l’établissement, de façon à assurer une gouvernance partagée entre l’État et les collectivités territoriales et leurs groupements. Le conseil d’administration élit son président parmi les membres représentant les collectivités territoriales ;
La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Par cet amendement, nous proposons que l’établissement public chargé de piloter la reconstruction de Mayotte repose sur une représentation équilibrée entre État et élus locaux, mais aussi sur une gouvernance véritablement partagée. C’est à cette condition que cet établissement pourra pleinement jouer son rôle de bras armé pour répondre à l’urgence et reconstruire Mayotte sur le long terme.
Le général Facon est à Mayotte pour une semaine. Oui, une semaine ! C’est à Mayotte que la mission doit se finaliser et non depuis Paris, monsieur le ministre. Le plan d’action doit être élaboré conjointement avec les élus, au plus près des besoins de la population, et non pas seulement « décliné » avec les élus, comme je l’ai entendu dire ce week-end.
Une telle gouvernance partagée est un préalable pour créer les conditions d’un dialogue renouvelé entre l’État et les collectivités mahoraises. C’est aussi l’assurance de bâtir Mayotte selon une culture et un savoir-faire communs, et avec un plan d’action adapté aux spécificités du territoire.
M. le président. L’amendement n° 117 rectifié bis, présenté par M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Roiron, Mme Bélim, MM. Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mmes Narassiguin et Phinera-Horth, MM. Patient, Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
président de l’association des maires de Mayotte
insérer les mots :
ou son représentant
La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Cet amendement a pour objet de préciser que le président de l’Association des maires de Mayotte (AMM) pourra être représenté au conseil d’administration de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte. C’est une demande formulée par cette association, correspondant local de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
Monsieur le ministre, je veux profiter de cette occasion pour revenir sur les propos que vous avez tenus lors de votre audition par la commission des affaires économiques. Vous avez affirmé que les maires n’avaient parfois pas assumé leur responsabilité. Vous ajoutiez que, si la nourriture n’était pas arrivée jusqu’au dernier kilomètre, c’était de leur faute. Alors que nous sommes censés travailler ensemble à la reconstruction de Mayotte, vous pointez déjà la responsabilité des élus locaux dans la gestion de la crise ! C’est pourtant bien aux services de l’État qu’il revient d’acheminer au plus vite l’aide aux populations, d’aller dans les communes et d’y prévenir toutes les dégradations humanitaires causées par la situation.
Vous avez aussi affirmé que vous ne souhaitiez pas entrer dans des polémiques ; pardonnez-moi, mais nous y sommes déjà, notamment après les propos tenus par le Président de la République le 19 décembre, soit cinq jours après la catastrophe : « Si ce n’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ! »
Alors, pourquoi le Premier ministre refuse-t-il l’organisation d’un débat sur la situation de Mayotte au titre de l’article 50-1 de la Constitution ? Le président Kanner en avait fait la demande dès le 20 décembre.
Pourquoi refusez-vous de faire toute la lumière sur la gestion de la crise, comme je le demande ? Quel climat de confiance instaurez-vous ? Les élus de Mayotte souhaitent être parties prenantes de la construction de Mayotte. Cela signifie qu’ils veulent être davantage consultés. Ils veulent une véritable gouvernance partagée. Tout est à construire : nous sommes à un tournant décisif pour l’avenir de notre île.
M. le président. L’amendement n° 156, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après la dernière occurrence du mot :
Mayotte
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
et notamment au moins cinq représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale dans des conditions reflétant les équilibres territoriaux de Mayotte
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Pour ma part, monsieur le sénateur Omar Oili, je ne veux participer à aucune polémique avec vous.
M. Jean-Claude Tissot. Vous l’avez créée !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il y aurait des arguments à faire valoir, si l’on voulait entrer dans ce débat, mais je ne le ferai pas.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il ne faut pas créer des polémiques !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il faut toujours dire la vérité. Oui, je le redis, il y a eu des manques du côté de l’État. Mais il y a aussi eu des problématiques dans les communes.
Franchement, sur ce sujet, ne faisons pas de démagogie. Vous savez de quoi je parle, vous qui connaissez mieux que quiconque les élus et les problèmes que l’on a rencontrés dans certains cas. La plupart des maires ont fait un travail formidable, mais il y a des réalités…
L’amendement n° 156 a pour objet la représentation des maires au sein du conseil d’administration de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte. Mme le rapporteur Micheline Jacques souhaite inscrire clairement dans la loi que les maires doivent y être représentés. Le Gouvernement salue et soutient cette initiative.
Le présent amendement est le fruit d’un consensus en faveur d’une clarification qui garantisse les équilibres territoriaux et donne toute leur place aux communes. Il vise à prévoir qu’au moins cinq représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) siégeront au conseil d’administration de l’établissement.
Ainsi, on pourra atteindre l’objectif d’équilibre qui est visé. C’est une innovation par rapport à la gouvernance actuelle de l’Epfam. Cela aidera à travailler dans de meilleures conditions, en donnant satisfaction aux élus locaux et aux parlementaires sur ce sujet.
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, à la fin de la première phrase
Insérer les mots :
, ainsi que du Conseil économique, social et environnemental de Mayotte, du Comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte
II. – Alinéa 5
Supprimer les mots :
du Conseil économique, social et environnemental de Mayotte, du Comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte ainsi que
La parole est à Mme Antoinette Guhl.
Mme Antoinette Guhl. Cet amendement a pour objet d’élargir la composition du conseil d’administration de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte. Nous souhaitons, à l’instar de nos collègues, que les élus locaux y siègent et même y soient majoritaires. Mais nous proposons aussi qu’y soient représentés le comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte ainsi que le conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem), comme cela était prévu à l’origine.
Le conseil d’administration de ce nouvel établissement comptera ainsi parmi ses membres des représentants de la société civile mahoraise et des experts de l’eau et de la biodiversité. Cela nous paraît tout-à-fait indispensable.
Saïd Omar Oili citait Nelson Mandela : « Tout ce qui est fait pour moi sans moi est fait contre moi. » Nous devons agir avec les Mahorais, avec les forces vives de l’archipel, non seulement en les consultant, mais aussi en leur donnant une voix au sein de l’établissement public chargé de la reconstruction.
M. le président. L’amendement n° 118 rectifié bis, présenté par M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Roiron, Mme Bélim, MM. Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Remplacer les mots :
le représentant de l’État directeur général
par le mot :
le président
La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. Le texte de la commission donne le dernier mot au directeur général, représentant de l’État au sein du conseil d’administration de l’établissement, en cas d’égalité des voix, alors que la présidence de l’établissement est confiée, à juste titre, à un élu local.
Ce ne sont pas des titres que les élus mahorais réclament, mais, je le répète, une gouvernance partagée.
Cet amendement vise donc à donner le dernier mot au président de l’établissement en cas d’égalité des voix. Je l’ai déposé en concertation avec l’Association des maires de Mayotte. Cela exprimerait la confiance que l’État place dans les élus locaux. Afin que cette confiance soit confortée, il convient d’acter pleinement dans le projet de loi le rôle du président de l’établissement, qui sera confié à un élu.
Le Gouvernement a pris la mesure du manque de confiance en l’Epfam des élus mahorais et a renoncé à confier à l’Epfam tel qu’il existe actuellement la mission de coordonner la reconstruction de Mayotte. Alors, n’envoyons pas un signal négatif en donnant une voix prépondérante au représentant de l’État au sein du conseil d’administration du nouvel établissement !
M. le président. L’amendement n° 170, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Remplacer les mots :
le représentant de l’État directeur général de l’établissement
par les mots :
un représentant de l’État
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification juridique. Le directeur général de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte, bien que représentant de l’État, n’a pas vocation à devenir membre du conseil d’administration de ce nouvel établissement.
Cet amendement vise donc à indiquer qu’ « un représentant de l’État » aura voix prépondérante en cas de partage des voix au sein du conseil d’administration. L’ordonnance précisera de quel représentant il s’agit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 86 rectifié bis, 117 rectifié bis, 156, 19 et 118 rectifié bis ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 156 du Gouvernement, qui porte sur la représentation des communes au sein du conseil d’administration de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte.
Nous avons adopté en commission le principe d’une représentation des communes au sein du conseil d’administration, au travers du président de l’AMM et des représentants des cinq EPCI. Le Gouvernement propose une formulation plus souple, tout en conservant les apports de la commission. Son amendement vise à prévoir un minimum de six sièges : un pour le président de l’AMM et au moins cinq pour les représentants des communes et des EPCI. De plus, il tend à inscrire dans le texte un principe d’équilibre territorial bienvenu.
La commission a en revanche émis un avis défavorable sur l’amendement n° 86 rectifié bis, qui vise à mettre en place, au sein du nouvel établissement public, une gouvernance partagée entre l’État, les collectivités locales de Mayotte et leurs groupements. Nous avons déjà fortement amélioré, en commission, le dispositif de gouvernance en prévoyant la présence au conseil d’administration du président de l’AMM et d’au moins cinq représentants des communes et des EPCI. Pour autant, nous devons éviter de générer des situations de blocage. C’est pourquoi, plutôt qu’une gouvernance partagée, nous avons adopté un mécanisme qui donne au représentant de l’État une voix prépondérante en cas de partage des voix au sein du conseil d’administration.
De même, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 117 rectifié bis, qui vise à prévoir que le président de l’AMM, membre du conseil d’administration de l’établissement public, pourra être représenté. Les procédures de suppléance et de représentation relèvent en effet du domaine réglementaire et non de la loi. C’est dans le décret statutaire du futur établissement public qu’il faudra prévoir les règles de désignation des suppléants ou représentants.
La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 19, relatif à la composition du conseil d’administration de l’établissement. Son adoption obligerait en effet à y faire siéger des représentants du Cesem et du comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte, alors que ces deux structures sont déjà représentées au comité technique rattaché au conseil d’administration.
Enfin, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 118 rectifié bis, qui vise à donner, au sein du conseil d’administration, une voix prépondérante au président de l’établissement. Nous souhaitons en effet nous en tenir au dispositif adopté en commission, qui donne au président du département la présidence de l’établissement public et au représentant de l’État une voix prépondérante en cas de partage des voix au sein du conseil d’administration.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 86 rectifié bis, 117 rectifié bis, 19, 118 rectifié bis et 170 ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 170 de la commission ; il est en revanche défavorable aux autres.
Nous avons atteint un bon compromis, qui permettra à cet établissement d’agir avec célérité et efficacité, tout en assurant une représentation des élus locaux. J’ai rencontré presque tous les maires de Mayotte. J’ai eu un déjeuner de travail avec le président du conseil départemental, le président de l’AMM et les présidents des EPCI. J’ai signé une convention d’objectifs avec le président du conseil départemental. Nous avons beaucoup avancé sur la gouvernance de l’établissement public. Il me semble que nous avons trouvé un bon point d’équilibre.
Il s’agira bien d’un établissement public, mais nous avons établi les conditions d’une gouvernance qui permettra à cet outil d’être le plus efficace possible. Tel est, me semble-t-il, notre objectif commun.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Nous sommes dans une belle maison : le Sénat, la chambre des territoires. Mais voici que nos collègues refusent de donner, pour les décisions concernant l’un de ces territoires, une place prépondérante à ses élus !
On a beaucoup parlé de la résilience des Mahoraises et des Mahorais, ainsi que des manquements qui ont nui à ce territoire. Or ce sont les élus locaux qui font cette résilience. Alors qu’ils souhaitent être associés pleinement à la reconstruction, alors qu’ils insistent pour que leur voix soit entendue, je pense qu’il serait intéressant que, dans cette belle chambre du Sénat, nous puissions leur donner cette possibilité.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 117 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 118 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
notamment
insérer les mots :
des opérateurs de réseaux,
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. Par cet amendement, je souhaiterais compléter la rédaction de l’article afin d’inscrire les opérateurs de réseaux au nombre des acteurs associés à la gouvernance du nouvel établissement public. Comme vous le savez, nous allons à Mayotte au-devant d’un vaste chantier, qui inclue celui de la fibre optique. Il me semble donc indispensable que les opérateurs de réseaux, qu’il s’agisse de l’électricité, de la téléphonie ou des eaux, soient également présents à cette table.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ce comité technique a été créé sur notre initiative en commission ; il est pertinent d’en rendre membres les opérateurs de réseaux.
L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Mme le rapporteur et moi avons ici un point de divergence, mais je lui laisserai l’avantage avec grand plaisir ! (Sourires.)
Je tiens néanmoins à préciser que la rédaction retenue par votre commission des affaires économiques prévoit déjà que différents acteurs économiques et sociaux siégeront au comité technique rattaché au conseil d’administration de l’établissement public : ce sera notamment le cas des professionnels du bâtiment et du conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Mayotte. Cet amendement, ainsi que le suivant, me paraissent donc en partie satisfaits.
Je maintiens que nous ne pouvons préempter la composition précise de ces instances depuis cet hémicycle, avant d’avoir mené à son terme la mission de consultation et recueilli les retours de terrain. Tout cela fait l’objet d’un travail mené en ce moment même. Je me méfie donc de la tentation de donner dès à présent un tel détail à ces dispositions.
L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 47 est présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 125 est présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Après le mot :
professionnels
insérer les mots :
et des organisations représentatives
La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 47.
Mme Salama Ramia. Cet amendement vise à préciser que des représentants des organisations représentatives du bâtiment, des travaux publics, de l’ingénierie et de la reconstruction seront membres du comité technique au même titre que des professionnels ou experts du secteur dont on pourrait toujours contester le caractère représentatif vis-à-vis des entreprises locales.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l’amendement n° 125.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. À l’argumentaire de notre collègue, j’ajouterai simplement que, dans le cadre d’une reconstruction, les organisations représentatives sont les plus au fait des contraintes techniques et opérationnelles. Ces organisations jouent un rôle essentiel en portant la voix des salariés, autrement dit celle des bâtisseurs. Leur présence dans les comités techniques est cruciale pour garantir que les décisions prises en matière de conditions de travail, de sécurité ou d’organisation du travail sont justes. Leur présence est également nécessaire pour améliorer la qualité du dialogue social et pour prévenir les conflits.
Nous sommes en train de débattre d’un texte qui encadre la construction d’un territoire. C’est une tâche colossale et nous ne pouvons pas nous priver de la voix de ceux qui, sur le terrain, y œuvrent de leurs propres mains.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il est défavorable, par cohérence avec mon argumentaire sur l’amendement précédent.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 125.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 48, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
des travaux publics,
insérer les mots :
de l’économie sociale et solidaire,
et après les mots :
de représentants
insérer les mots :
des chambres consulaires,
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. La nouvelle rédaction que nous proposons vise à répondre à la demande des chambres consulaires et des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) d’être pleinement intégrés aux travaux et consultations du nouvel établissement public.
Ces structures sont au carrefour de la formation, de l’emploi et de l’accompagnement des professionnels. Leur action couplée permettra d’obtenir un panorama étendu, intégrant la connaissance complémentaire de chacun de ces secteurs d’activité.
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
de représentants
insérer les mots :
des chambres consulaires et de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Mayotte,
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. Cet amendement de repli vise à garantir la représentativité des acteurs économiques de tous les secteurs d’activité confondus, qu’il s’agisse des agriculteurs, des commerçants et des artisans, ou des acteurs de l’ESS, au sein du nouvel établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte.
M. le président. L’amendement n° 91 rectifié, présenté par Mmes Artigalas et Bélim, M. Omar Oili, Mme Le Houerou, MM. Roiron, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
représentants
insérer les mots :
de l’économie sociale et solidaire,
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Les travaux de reconstruction de Mayotte doivent permettre de poser les bases d’un cadre renouvelé du développement économique, social et durable de l’archipel. Notre amendement vise donc à compléter la composition du comité technique consultatif avec les acteurs mahorais de l’économie sociale et solidaire, qui y sont très mobilisés.
Près de 3 000 entreprises de l’ESS sont en première ligne dans toutes les crises. Elles assurent une réponse aux besoins essentiels de la population dans les secteurs de la santé et du travail social, mais aussi dans l’enseignement, la transition écologique, le sport et les loisirs, l’artisanat, l’agriculture et la pêche. De par son ancrage local et les valeurs qu’il porte, le réseau des ESS de Mayotte fera contribuer sa vision particulière à la relance d’une stratégie de développement de l’île qui favorise à la fois l’économie et la cohésion sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Nous avons décidé en commission de créer ce comité technique auquel seraient représentés de nombreux acteurs – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – issus en particulier du bâtiment, des travaux publics et de l’ingénierie. Nous y avons ajouté le CAUE de Mayotte et la commission d’urgence foncière (CUF) de Mayotte. Nous avons de plus confié un rôle consultatif au Cesem. Il serait redondant d’imposer en plus la présence des chambres consulaires et des acteurs de l’économie sociale et solidaire dans le comité technique.
L’avis de la commission est donc défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 90 rectifié, présenté par Mmes Artigalas et Bélim, M. Omar Oili, Mme Le Houerou, MM. Roiron, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
reconstruction
insérer les mots :
, de la formation et de l’insertion professionnelle
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Les travaux de reconstruction de Mayotte doivent permettre de poser les bases d’un nouveau développement économique et social. Il est à ce titre essentiel de leur associer largement toutes les compétences mahoraises mobilisées pour la reconstruction de l’île. Cela passe par une action renforcée en matière de formation et d’insertion professionnelle.
Notre amendement vise donc à compléter la composition du comité technique consultatif en y faisant figurer les acteurs de la formation et de l’insertion professionnelle.
L’âge moyen à Mayotte est de 23 ans. Quelque 50 % des habitants ont moins de 18 ans et 25 000 jeunes ne sont ni en formation, ni en emploi, ni scolarisés. L’insertion des jeunes dans l’emploi est l’objectif essentiel que s’est fixé la mission locale de Mayotte. Alors que ce secteur devrait bénéficier de la dotation la plus importante, il reste sous-doté à Mayotte.
Le débat public s’enflamme autour de la violence et de la délinquance juvéniles. Si tout le monde reconnaît ces phénomènes, cela ne doit pas empêcher de mettre en place des leviers pour s’en prémunir.
La reconstruction doit permettre de répondre aux enjeux sociaux et de faire de la jeunesse de ce territoire une priorité. Nous considérons que l’établissement chargé de la reconstruction doit s’emparer pleinement de ce sujet pour identifier les compétences nécessaires et pour définir avec les acteurs sociaux des mesures d’accompagnement vers l’insertion professionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il est défavorable, pour les raisons que j’ai exposées au sujet des amendements précédents.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame la sénatrice, vous avez mille fois raison de dire que la grande priorité doit être donnée à la jeunesse, qui doit pouvoir accéder à l’éducation et à l’école dans de bonnes conditions, ce qui n’est généralement pas le cas aujourd’hui, ainsi qu’à la formation et à l’apprentissage : il n’y a pas aujourd’hui de centre de formation d’apprentis (CFA) à Mayotte. Là est la grande affaire, et nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la présentation du projet de loi « Mayotte debout ». Ne nous racontons pas d’histoires : ce sera un travail de longue haleine !
Bien évidemment, il faut que la reconstruction – je l’ai déjà dit tout à l’heure au sujet du RSMA – soit l’occasion de former les jeunes à un certain nombre de métiers indispensables.
Néanmoins, même si l’établissement public aura à jouer un rôle important dans la reconstruction, il faudra surtout mobiliser toutes les politiques de droit commun de l’État pour parvenir à cet objectif. Il me semble que ce serait alourdir de manière inconsidérée les missions de l’établissement public que de lui ajouter cette charge.
Cela n’empêche pas que nous devrons prendre en compte cette priorité que vous évoquiez, pour la mettre en œuvre à travers toutes les politiques publiques et en mobilisant tous les acteurs, publics et privés. Cela me paraît indispensable.
Compte tenu de ces observations, l’avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable.
M. le président. L’amendement n° 102 rectifié, présenté par M. Fagnen, Mmes Artigalas et Bélim, M. Omar Oili, Mme Le Houerou, MM. Roiron et Kanner, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après la troisième occurrence du mot :
Mayotte
insérer les mots :
, du conseil de l’ordre des architectes de La Réunion et de Mayotte,
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Par cet amendement, nous proposons que le conseil de l’ordre des architectes de La Réunion et de Mayotte soit représenté au sein du comité technique de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte.
Les architectes pourront mettre leur expertise au service des choix stratégiques qui seront faits dans le cadre du grand chantier de la reconstruction de l’île. Leur implication est en effet essentielle compte tenu de leur connaissance du bâti, du cadre de vie et des particularités de Mayotte. Les architectes ont d’ailleurs activement participé au premier diagnostic des dégradations causées aux bâtiments et infrastructures après le passage du cyclone Chido.
Leur présence est tout aussi essentielle pour mieux prendre en compte les contraintes cycloniques et sismiques et pour valoriser les constructions en terre ou encore et fibres végétales, que l’on peut trouver sur place. C’est moins cher, c’est durable et cela encourage le développement de filières locales de matériaux.
Enfin, leur connaissance de l’écosystème de l’habitat à Mayotte sera la garantie d’une approche adaptée au mode de vie et au cadre de vie des Mahorais.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement, gage d’une reconstruction durable et de qualité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Les architectes sont déjà partie prenante du comité technique au travers du conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 87 rectifié bis, présenté par M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Roiron, Mme Bélim, MM. Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
ouvrages
insérer les mots :
, équipements, infrastructures
La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. La question des moyens humains, financiers, techniques et opérationnels dont disposent les collectivités mahoraises pour engager la reconstruction est au cœur des préoccupations des élus locaux.
Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il faudrait certainement plus d’un milliard d’euros pour reconstruire Mayotte. Lors de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », le 15 janvier dernier, nous avons voté l’amendement du Gouvernement visant à allouer 35 millions d’euros, en crédits de paiement, à la reconstruction de Mayotte en 2025. À ce jour, nous n’avons aucune visibilité sur le financement de la reconstruction de Mayotte ; c’est un problème. J’ai bien compris que ces 35 millions d’euros correspondaient à un fonds d’amorçage, mais c’est quand même très peu. Le Gouvernement prévoit-il de présenter prochainement un projet de loi de finances rectificative qui octroierait des fonds supplémentaires à Mayotte ?
Au vu de l’ampleur des travaux à engager, il est nécessaire que le nouvel établissement public puisse intervenir à la demande des collectivités locales pour la conception, la définition et la mise en œuvre des différents projets qu’elles assument. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons avoir des clarifications sur la nature et l’étendue des missions de l’établissement chargé de la reconstruction.
Cet amendement vise donc à préciser que l’établissement pourra intervenir non seulement sur des ouvrages, mais également sur l’ensemble des équipements et infrastructures publiques nécessaires à la reconstruction.
Par ailleurs, puisque l’un de mes amendements de clarification a été déclaré irrecevable, j’aimerais demander à M. le ministre dans quel cadre l’établissement interviendra. L’alinéa 6 de l’article 1er définit les conditions dans lesquelles l’établissement peut assurer la maîtrise d’ouvrage de certains ouvrages seulement. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’étendue des missions de l’établissement, en particulier sur ce point ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Mon cher collègue, ce que vous proposez serait utile pour les collectivités mahoraises, mais je ne voudrais pas que cela éloigne l’établissement du cœur de sa mission de reconstruction.
Je sollicite donc l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Monsieur le sénateur, je ne suis pas opposé a priori à ce que vous proposez, dès lors qu’il s’agit de préciser que l’établissement pourra ainsi assurer la maîtrise d’ouvrage de certains équipements et infrastructures.
Quant à votre autre question, je ne peux pas y répondre pour l’instant, parce que le travail de préfiguration que le général Facon mène avec les acteurs mahorais, c’est-à-dire essentiellement avec les élus et les acteurs économiques, comme je le disais précédemment, est encore en cours.
Il me semblait que le terme d’ « ouvrages », dans la rédaction actuelle du texte, était suffisamment large, mais je conçois que l’ajout des mots « équipements » et « infrastructures » ne posera pas de problème quant aux missions de l’établissement public.
Enfin, lorsque vous avez examiné les crédits de la mission « Outre-mer », il y a déjà quinze jours, la mission inter-inspections travaillait encore à l’estimation du coût des destructions liées au cyclone Chido. Avec la ministre chargée des comptes publics, avec le ministre de l’économie et, surtout, avec le Premier ministre, nous avons pris l’engagement d’être au rendez-vous pour le financement de la reconstruction.
Le projet de loi de programmation pour Mayotte que nous présenterons dans quelques semaines nous permettra de préciser ces engagements financiers. Néanmoins, nous avons d’ores et déjà ouvert les crédits nécessaires pour entamer le travail de reconstruction au cours de l’année 2025 et leur montant va au-delà des crédits inscrits dans la mission « Outre-mer ». Fort heureusement, monsieur le sénateur, le financement de la reconstruction de l’île ne repose pas seulement sur cette mission ; l’ensemble des missions budgétaires de l’État – vous savez qu’elles sont extrêmement nombreuses – seront mises à contribution, de sorte que le budget est plutôt de l’ordre de 23 milliards, voire 25 milliards d’euros.
N’ayez donc crainte : nous serons au rendez-vous financier. C’est un engagement que nous avons pris et qui sera précisé, dans le cadre des travaux de l’établissement, puis de manière plus générale au moment où nous présenterons le projet de loi de programmation « Mayotte debout ».
Cela étant dit, l’avis du Gouvernement sur cet amendement est favorable.
M. le président. L’amendement n° 154 n’est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 135, présenté par M. Mellouli, Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Pour réaliser la mission prévue par le présent article, la Nation se fixe pour objectif de garantir le relogement durable et digne et l’hébergement décent de l’ensemble des personnes présentes sur le territoire de Mayotte, en veillant à une reconstruction conforme aux exigences de sécurité, de salubrité et de durabilité.
La parole est à M. Akli Mellouli.
M. Akli Mellouli. Monsieur le ministre, les amendements des membres du groupe écologiste visent tous à mettre le train sur de bons rails. Nous sommes conscients que nous ne parviendrons pas à rattraper un retard à l’allumage qui a plus de trente ans par ce seul texte d’urgence ; d’où l’importance du projet de loi que vous nous présenterez bientôt.
La situation à Mayotte est alarmante, tout le monde l’a dit. Avant même le passage du cyclone, nos concitoyens y vivaient déjà dans des conditions indignes, marquées par des logements insalubres et précaires. Aujourd’hui, le drame s’est amplifié, rendant indispensable une réponse forte et durable de la Nation.
L’objet de cet amendement est simple : garantir un relogement digne et pérenne pour tous. Il s’agit non seulement d’une exigence humanitaire, mais aussi d’un impératif républicain, car Mayotte est un département français et le principe de solidarité nationale doit s’y appliquer pleinement.
Nous ne pouvons pas laisser la précarité s’enraciner et les bidonvilles se reformer, exposant encore et toujours les habitants à des risques majeurs. Oui, il faut reconstruire, mais il faut le faire durablement, en respectant les normes de sécurité et d’urbanisme. Nous protégerons ainsi les populations des catastrophes à venir et nous offrirons un avenir stable à Mayotte. Adopter cet amendement est donc une nécessité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à ne pas confondre fermeté et inhumanité. La reconstruction doit concerner l’ensemble des Mahorais, y compris les personnes en situation irrégulière. J’espère recueillir votre soutien pour cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 60, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Pour réaliser la mission prévue au I du présent article, la Nation se fixe pour objectif de garantir le relogement durable de l’ensemble des personnes présentes sur le territoire de Mayotte.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement vise à garantir le relogement durable de toutes les personnes présentes à Mayotte.
L’habitat précaire concerne au moins un tiers de la population de Mayotte, ce qui est beaucoup trop. La fragilité de l’habitat met en danger les habitants et cet habitat précaire a été complètement détruit par le cyclone. Sans revenir sur ce qui a déjà été dit, je veux rappeler que, selon la Ligue des droits de l’homme, à Mayotte, de nombreuses familles ont dû refuser les propositions de relogement faites lors des expulsions qui ont eu lieu précédemment, parce que le logement proposé était trop éloigné de l’école des enfants. Ces familles couraient donc le risque de voir leurs enfants déscolarisés.
Il est important de répondre à cette problématique en créant de nouveaux logements pour que tous les habitants puissent être logés dignement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ces deux propositions ont déjà été rejetées en commission.
Je souscris bien évidemment à l’objectif général d’un relogement durable et digne de nos compatriotes mahorais. En revanche, il n’est pas pertinent d’inscrire cette ambition politique dans cet article consacré à l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte.
En outre, et c’est le plus grave, la mise en œuvre de ces dispositions poserait des difficultés majeures, puisque ce qui est proposé n’est rien moins que le relogement durable de l’ensemble des personnes présentes sur le territoire de Mayotte. Cela instaurerait donc une obligation de reloger durablement des personnes en situation irrégulière, dont certaines occupent déjà illégalement des terrains privés ou publics.
Je me permets de rappeler aux auteurs de ces amendements qu’une telle obligation n’existe pas sur le territoire hexagonal. Seul l’hébergement, non le relogement, est prévu pour des étrangers en situation irrégulière.
J’ajoute que le dernier rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer fait état de 100 000 personnes en situation irrégulière à Mayotte.
L’avis de la commission sur ces deux amendements est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je comprends les objectifs que se sont fixés les auteurs de ces amendements : il s’agit de garantir un relogement durable et digne et de proposer une solution d’hébergement décente intégrant aussi les populations en situation irrégulière. Il me semble que c’est également l’objectif que nous entendons donner à l’établissement public : nous voulons trouver des solutions dignes pour tout le monde.
Dans ce qu’on appelle les « bangas » ou les bidonvilles – je préfère parler de bidonvilles, parce que le terme de « banga » renvoie aussi à une tradition culturelle qui existe à Mayotte –, on trouve à la fois des Mahorais, des personnes étrangères en situation régulière et, pour une large part, des étrangers en situation irrégulière.
J’ai visité un collège dont 80 % des élèves sont issus d’un bidonville proche. Parmi eux, nombreux sont ceux dont les parents sont en situation irrégulière. Très souvent, ils ne sont ni expulsables ni régularisables. Je précise à ce propos, parce que l’on m’a adressé sur ce point des reproches là-bas, que la fameuse circulaire que l’on désigne souvent de mon nom, la « circulaire Valls », ne s’applique pas à Mayotte. On se trouve donc souvent dans des situations inextricables.
Qu’il s’agisse de l’école ou du logement, il faudra réussir l’intégration sociale et éducative de cette population. Je tiens à le dire, parce que les situations sont souvent beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît.
À Chirongui ou sur Petite-Terre, on n’a pas attendu ce texte pour lancer des opérations pilotées par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), on prépare des expropriations et des indemnisations, on travaille avec des groupes de voisins, des représentants des habitants, dont certains sont en situation régulière et d’autres en situation irrégulière. Les maires cherchent des solutions concrètes. Ils font preuve d’humanité et tiennent compte des proximités familiales qui existent, y compris entre familles comoriennes et familles mahoraises. C’est cette réalité qu’il faut appréhender.
Vous-même, madame le rapporteur, vous vous êtes rendue sur place, et vous savez parfaitement qu’il en est ainsi.
Cependant, ces deux amendements posent un problème plus général, qui nous entraîne sur un terrain plus politique. J’estime qu’à ce stade il faut laisser aux élus locaux et aux maires le soin de travailler dans le cadre des politiques publiques qui existent déjà.
Certains disent qu’ils ne veulent pas de bâtiments préfabriqués ou modulaires. Mais, dans une autre ville, j’ai rencontré un maire qui m’a expliqué la manière dont il avait pu déployer tout un parcours de logement auprès de personnes volontaires, dans des bidonvilles, personnes en situation régulière ou irrégulière – peu importe – en les installant d’abord dans des bâtiments modulaires jusqu’à ce qu’elles puissent trouver un logement digne. C’est un exemple de ce qu’il est possible de faire.
Bien évidemment, l’immigration illégale est un drame pour ceux qui quittent leur pays, dans des conditions très difficiles, mais elle représente aussi un défi majeur pour les Mahorais. Si nous voulons permettre le relogement durable et digne des Mahorais, il nous faut aussi lutter fermement contre les bidonvilles, contre l’habitat illégal et contre l’immigration irrégulière. Or ces amendements tendent à généraliser une politique d’une manière que je ne saurais adopter à votre suite.
C’est pourquoi l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos explications. Mais quand j’ai défendu mon amendement, je vous parlais d’enfants et de jeunes dont les parents en situation irrégulière, mais qui sont scolarisés à l’école française, qui font leur scolarité sur la terre de France et qui, pourtant, n’ont pas de droits quand ils atteignent leur majorité. Peut-être, en leur permettant d’avoir un toit sur la tête le temps de leur enfance, gagnerions-nous en cohésion sociale et leur donnerions-nous de la sérénité dans l’expérience qu’ils font de la République française.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Nous comprenons bien l’intention des auteurs de ces deux amendements, et nous voulons tous que les Mahorais, ainsi que toute la population qui habite à Mayotte, soient logés dans de bonnes conditions.
Toutefois, pour ce qui est du relogement, nous ne pouvons pas demander à Mayotte, territoire qui est confronté à d’énormes difficultés en matière de logement et de reconstruction, d’accomplir ce que nous n’arrivons pas à faire en métropole.
Les auteurs de ces deux amendements expriment une belle intention politique, mais celle-ci est irréaliste dans l’état actuel de Mayotte. Nous ne voterons donc pas ces amendements, mais nous le regrettons.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. J’entends que la période est aux regrets… (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) Toutefois, par ces amendements, nous n’entendons pas simplement témoigner d’une bonne intention : ils ont un sens politique, ils expriment notre engagement et notre solidarité.
Je rappelle que le budget de l’aide au développement a été diminué de 37 % ! Quand vous êtes Comorien et que vous avez des enfants, vous n’avez pas accès aux soins ni à l’éducation ; alors, vous essayez de donner une vie digne à vos enfants en traversant la mer au risque de votre vie ! Qui d’entre vous, mes chers collègues, n’agirait pas ainsi pour protéger vos enfants, pour leur donner un destin, une vie digne ?
La politique, c’est aussi du courage, celui de ne pas aller dans le sens de ce que l’on nous raconte ! Bien sûr, il faut lutter contre l’immigration illégale. Mais ce n’est pas en créant de l’irrégularité et de la clandestinité que nous diminuerons le nombre de clandestins. Nous devons aussi réviser notre schéma de pensée et notre façon de voir. Il faut changer les paradigmes ! Nous réduisons de 37 % les crédits de l’aide au développement et nous voudrions ne pas accueillir les Comoriens ? Il y a là un paradoxe. Si l’on ne développe pas les Comores, tout le travail que nous ferons, que vous ferez en matière de reconstruction reposera sur du sable. Et l’histoire vous jugera ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement et d’un sous-amendement.
L’amendement n° 71, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - À compter du 1er janvier 2026, l’établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte rend public, chaque année et de manière accessible, un rapport d’activité qui rend compte de la nature, du coût et des modalités de financement des opérations réalisées dans le cadre de ses missions.
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Cet amendement rédactionnel vise à inscrire au présent article l’obligation pour l’établissement public de produire un rapport d’activité, qui figure dans l’article 1er bis du texte de la commission.
On s’assurera ainsi que le contenu de ce rapport d’activité sera concentré sur les missions qui seront réellement à la main de l’établissement. Cela permettra de mieux séparer le travail d’information que peut opérer l’établissement public de celui qui relève du Gouvernement.
Dans un instant, lors de l’examen de l’article 1er bis, je vous présenterai un amendement de coordination visant à mettre à la charge du Gouvernement le soin de produire un rapport plus global, qui est légitimement attendu par la représentation nationale, mais qu’il n’appartient pas à l’établissement public chargé de la reconstruction d’établir, pour des raisons évidentes qui tiennent surtout au partage des tâches entre les élus et l’État.
M. le président. Le sous-amendement n° 160, présenté par Mme Artigalas, M. Omar Oili, Mmes Bélim et Le Houerou, MM. Roiron, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 71
Compléter cet amendement par les mots :
ainsi que des besoins et actions menées en matière d’insertion et de formation professionnelle
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Comme nous l’avons déjà expliqué, nous pensons que la reconstruction de Mayotte passe par une action renforcée en faveur de la formation et de l’insertion professionnelle. Par cet amendement, nous proposons donc que le rapport d’activité annuel établi par l’établissement chargé de la reconstruction de Mayotte comporte un volet consacré à l’identification des compétences nécessaires à la reconstruction, ainsi qu’aux actions de formation et d’insertion professionnelle menées en lien avec les acteurs économiques et sociaux du territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Dans un souci de logique et de lisibilité, je suis favorable à l’amendement n° 71 du Gouvernement. Par l’effet combiné de cet amendement et de son amendement n° 72 à l’article 1er bis, le Gouvernement propose la remise de deux rapports, l’un par l’établissement public, l’autre par le Gouvernement.
En revanche, je suis défavorable au sous-amendement n° 160, parce qu’il n’est pas pertinent, dans un contexte d’urgence et à l’occasion d’un rapport centré sur la reconstruction de Mayotte, de dresser le bilan des actions menées en matière de formation professionnelle, ces actions relevant en effet de mesures plus structurelles pour le développement économique et social de long terme de l’archipel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 160 ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
À compter du 1er janvier 2026, l’établissement public mentionné à l’article 1er rend public, chaque année et de manière accessible, un rapport d’activité qui rend compte de la nature, du coût et des modalités de financement des opérations réalisées dans le cadre de ses missions.
Ce rapport rend également compte :
– de la planification et du budget prévisionnel des opérations prévues dans le cadre de la reconstruction de Mayotte à la suite du cyclone Chido ;
– des différentes modalités de soutien au financement de la reconstruction mises en œuvre par l’État en faveur des collectivités de Mayotte ;
– de l’avancement des plans de prévention des risques naturels à Mayotte.
Il procède à une analyse des besoins du territoire de Mayotte en termes d’infrastructures.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Au 1er janvier 2026, le Gouvernement remet au Parlement un rapport rendant compte :
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il vient d’en être question : par cohérence avec l’amendement n° 71 que vous venez d’adopter, le Gouvernement s’engage par celui-ci à remettre au Parlement un rapport rendant compte de l’activité de l’État sur le territoire mahorais ; c’est à l’article 1er bis que cette mission de l’État doit figurer.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Il établit la liste des incidents et des défaillances répertoriées.
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. La reconstruction de Mayotte doit se faire proprement, avec responsabilité et transparence. Les entreprises qui feront acte de candidature et remporteront un marché ou un lot doivent l’avoir à l’esprit. Il n’est pas acceptable que des sociétés s’engagent, perçoivent des fonds publics, puis fassent finalement défaut.
Afin de responsabiliser les uns et les autres, le présent amendement vise à rendre publics les éventuels incidents et défaillances des sociétés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement n° 72. Il s’agit d’un amendement de coordination qui vise, comme je l’ai mentionné précédemment, à faire du rapport prévu à l’article 1er bis un rapport du Gouvernement, tandis que la remise du rapport d’activité de l’établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte est désormais prévue à l’article 1er, aux termes de l’amendement n° 71 que nous venons d’adopter.
Je sollicite l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 52, qui tend à ajouter au contenu du rapport prévu à cet article-ci une liste des incidents et des défaillances des sociétés, afin de responsabiliser les entreprises candidates aux différents marchés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 52 ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame la sénatrice Ramia, vous le savez, je mène actuellement un certain nombre de combats contre de grands groupes. Toutefois, pour tout vous dire, sur le fond, la publication de la liste que vous proposez présenterait une difficulté au regard du droit et du secret des affaires et nous exposerait à un risque de contentieux. Autrement dit, ce dispositif pose un problème de sécurité juridique.
Même si je comprends parfaitement votre intention, qui découle à l’évidence d’un certain nombre d’expériences qu’a connues Mayotte, j’émets donc, au vu de ces risques, un avis défavorable sur votre amendement n° 52.
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. Pour notre part, nous voterons pour l’amendement n° 52. Je trouve étonnant que M. le ministre mette en avant le secret des affaires, puisque les marchés publics sont, par définition, publics, et que les défaillances d’entreprises sont également publiques. Rapprocher les deux phénomènes ne devrait donc pas poser de problèmes en termes de publicité.
Je trouve au contraire qu’il s’agit d’une bonne mesure, qui permettrait de faire peser une forme de pression sociale sur des entreprises qui ne seront plus tentées d’abuser des aides, car elles sauront qu’il y a un travail de reconstruction à mener.
M. le président. L’amendement n° 171, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer la seconde occurrence des mots :
de la
par les mots :
des travaux de
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié, présenté par Mme Artigalas, M. Omar Oili, Mmes Bélim et Le Houerou, MM. Roiron, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– des besoins et des actions menées en matière d’insertion et de formation professionnelle ;
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. J’ai déjà exposé l’objet de cet amendement tout à l’heure en présentant le sous-amendement n° 160.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 93 rectifié, présenté par Mme Artigalas, M. Omar Oili, Mmes Bélim et Le Houerou, MM. Roiron, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
État
insérer les mots :
et par l’Union européenne
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Il est prévu que l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte remette un rapport d’activité annuel, qui devra notamment rendre compte « des différentes modalités de soutien au financement de la reconstruction mise en œuvre par l’État en faveur des collectivités de Mayotte ».
En tant que région ultrapériphérique de l’Union européenne, Mayotte peut bénéficier d’un soutien européen, au travers notamment du Fonds de solidarité de l’Union européenne, ainsi que du dispositif Restore, qui doit être mis en place pour renforcer la résilience face aux impacts du changement climatique. Ces aides seront essentielles pour assurer la reconstruction d’infrastructures critiques et financer des dispositifs d’accès aux soins ou de distribution d’aide alimentaire, pour ne citer que ces exemples.
Comme l’ont rappelé les députés du groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) au Parlement européen, en mobilisant les fonds européens disponibles, la France peut apporter une réponse ambitieuse et solidaire à la hauteur des défis climatiques et humanitaires auxquels l’île est confrontée.
Par cet amendement, nous proposons que le rapport prévu à l’article 1er bis rende compte de l’ampleur des fonds européens mobilisés pour la reconstruction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Je demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement. Une telle précision semble pertinente dans l’absolu, mais elle pourrait aussi, ce que je ne souhaite pas, donner du travail supplémentaire et inutile à notre administration, alors même que celle-ci doit rester concentrée sur les actions effectives de reconstruction de Mayotte. J’ajoute que nous avons déjà exigé la présence de beaucoup d’informations dans ce futur rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous sommes favorables à cet amendement, parce qu’il est nécessaire d’y voir clair sur le financement octroyé par l’Union européenne en faveur de la reconstruction de Mayotte.
Grâce à l’adoption de notre amendement n° 72, on distingue bien ce qui relève du rapport annuel de l’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte de ce qui relève du rapport du Gouvernement au Parlement. Les choses étant clarifiées de ce point de vue, il me semble que votre demande, madame la sénatrice Artigalas, peut être satisfaite.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– la mise à jour des données cadastrales en cohérence avec les opérations de construction menées.
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. Je propose, par cet amendement, d’étendre la portée du rapport prévu à cet article.
Dans le cadre de ses travaux, l’établissement public créé à l’article 1er pourra être amené à modifier l’état actuel du cadastre, par exemple dans le cas où l’acquisition de plusieurs parcelles attenantes est suivie de leur fusion et de leur réunion sous un seul numéro au cadastre. Aussi, par souci de transparence et de visibilité, il apparaît opportun de détailler, au sein du rapport annuel, l’ensemble des opérations ayant eu un impact sur notre plan cadastral.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement : la disposition proposée n’est plus pertinente dans la mesure où l’adoption de l’amendement n° 72 a changé le rapport faisant l’objet de l’article 1er bis en un rapport du Gouvernement, le rapport annuel d’activité du nouvel établissement étant désormais prévu à l’article 1er.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous étions favorables à cet amendement, mais peut-être est-il en effet nécessaire de clarifier les choses en intégrant le point que vient de soulever Mme le rapporteur.
Le rapport que remettra le Gouvernement au Parlement traitera aussi de l’avancée de la mise au jour des données cadastrales. Je ne sais pas si c’est moi qui fais erreur ou s’il y a là une contradiction, mais ce que vous proposez, madame la sénatrice, me semble pouvoir être inclus dans le champ de ce rapport gouvernemental.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement, mais en penchant tout de même vers un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Compte tenu des précisions que vient d’apporter M. le ministre, je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Après l’article 1er bis
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié bis, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un plan pluriannuel de reforestation durable. Ce plan, travaillé avec les collectivités territoriales mahoraises concernées, vise notamment à reboiser les zones dégradées avec des espèces adaptées aux conditions cycloniques, à lutter contre l’érosion et restaurer les sols, à préserver la biodiversité et favoriser les services écosystémiques, et à renforcer la résilience des infrastructures et des populations face aux événements climatiques extrêmes.
Une commission de suivi, composée de représentants de l’État, de la collectivité de Mayotte, d’associations locales et d’experts en environnement, est mise en place pour garantir le bon déroulement du programme. Les membres de ce comité ne sont pas rémunérés.
Un rapport d’évaluation est remis au Parlement tous les deux ans, afin d’adapter le plan aux évolutions climatiques et écologiques constatées.
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Nous savons tous que les trois quarts de la forêt mahoraise ont été dévastés. Dans un tel contexte, il y a lieu de prendre des dispositions d’urgence.
Certes, ce projet de loi n’a pas vocation à intégrer toutes les dispositions en faveur de Mayotte. Néanmoins, les textes qui devraient être présentés ultérieurement et répondre à des enjeux plus structurels seront peut-être retardés en raison d’un contexte politique dont les Mahorais ne sont nullement responsables.
Nous considérons que les espaces forestiers, qui représentent près de 40 % du territoire de Mayotte, méritent une attention particulière. Aussi, par cet amendement, nous proposons la mise en place d’un plan pluriannuel de reforestation prévoyant notamment le reboisement des zones dégradées avec des espèces adaptées, la lutte contre l’érosion, la restauration des sols, et la préservation de la biodiversité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Mon cher collègue, je ne méconnais pas l’importance des dégâts causés par le cyclone sur la végétation, en particulier sur les forêts, à Mayotte. Je vous rejoins également sur l’importance d’une reforestation rapide, tant pour des raisons environnementales et de préservation de la biodiversité que dans une logique de prévention des risques. En effet, Mayotte est soumise à une forte érosion et est sujette aux glissements de terrain.
Pour autant, il ne me semble pas pertinent que l’étude que vous proposez se fasse dans le cadre d’un rapport au Parlement. Ce travail de remise en état des zones forestières a vocation à être planifié et réalisé au niveau local, en impliquant les différents acteurs que vous évoquez.
En outre, la formalisation d’une nouvelle commission de suivi ad hoc, à l’heure où nous essayons de simplifier en supprimant les comités Théodule, me semble inutile.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Monsieur le sénateur, un plan de reboisement doit être rapidement adopté ; il doit bien cibler l’utilisation d’espèces adaptées. Ce plan doit aussi permettre – je le dis en passant, parce que nous avons vu tout cela de nos propres yeux il y a un mois – d’atténuer le risque d’occupation illégale des espaces – c’est une réalité.
La reconstitution de la forêt et de tous les services associés à celle-ci est primordiale pour l’écosystème, pour la réalité de ce qu’est la nature à Mayotte, mais aussi pour les circuits d’eau. L’Office national des forêts (ONF) a commencé un survol par drone de la forêt domaniale, dans l’objectif de cartographier les espaces forestiers de l’île.
Au début de février, je l’espère, un plan d’action sera proposé en indiquant les zones de replantation utiles. Ce travail doit d’ailleurs être mené en lien étroit avec le conseil départemental, qui est le principal propriétaire des forêts dans le territoire.
Au-delà de ce plan d’action, qui satisfait de fait votre demande, monsieur le sénateur, le Gouvernement contribuera au reboisement de Mayotte en y associant l’ensemble des acteurs locaux : les élus, les acteurs économiques et, évidemment, la filière agricole.
Il me paraît donc inutile d’inscrire une telle mesure dans la loi et de créer une nouvelle commission dans un texte visant précisément à simplifier les procédures pour faire face à l’urgence de la reconstruction.
Dès lors que votre amendement est satisfait par l’action menée par le Gouvernement, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. S’il est effectivement judicieux de simplifier, comme le propose le Premier ministre et comme le prévoit le présent projet de loi pour toute une série de mesures de reconstruction, il me semble néanmoins que ce plan pluriannuel de reforestation est indispensable – c’est loin d’être un sujet mineur dans cette période de changement climatique – et qu’il devrait à la fois être rapidement lancé et correctement étalé dans le temps.
Notre groupe est donc favorable à cet amendement et le votera.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, à Mayotte, il y a deux saisons : la saison des pluies et la saison sèche. Nous sommes actuellement en pleine saison des pluies : c’est donc maintenant qu’il faut planter ! Sinon, il faudra attendre le mois de janvier de l’année prochaine, alors même que toutes nos forêts sont aujourd’hui à terre. Si on n’agit pas maintenant, il faudra le faire en 2026, et ce sera alors déjà trop tard…
M. le président. L’amendement n° 116 rectifié bis, présenté par MM. Tissot et Omar Oili, Mmes Bélim, Artigalas et Le Houerou, MM. Roiron, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dès la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’opportunité et la nécessité de créer un fonds de soutien visant à accompagner la reconstruction des exploitations agricoles mahoraises.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Tout d’abord, permettez-moi d’exprimer à nouveau toute ma solidarité à l’égard de Mayotte et de ses habitants.
Cet amendement vise à étudier spécifiquement, via la remise d’un rapport par le Gouvernement, l’opportunité de créer un fonds de soutien afin d’accompagner la reconstruction des exploitations agricoles mahoraises.
En réalité, ce que je souhaite demander au Gouvernement n’est pas tant un rapport au Parlement qu’un engagement de la part de l’État à offrir de réelles mesures, concrètes et efficaces, d’accompagnement pour la reconstruction de ces exploitations.
Les agriculteurs mahorais ont subi de très lourds dommages et vu leurs infrastructures dévastées. Le besoin de reconstruire et de relancer la production agricole locale est particulièrement élevé, quand on sait que Mayotte est un département dont l’agriculture demeure très largement vivrière.
Vous le savez comme moi, monsieur le ministre – je vous ai d’ailleurs déjà interrogé à ce sujet il y a quelques jours en commission des affaires économiques –, l’aide évoquée par la ministre de l’agriculture, à savoir 1 000 euros pour chaque ferme, est très loin de répondre aux attentes. Il faudrait certes a minima un montant de 1 000 euros par ferme, mais une telle somme devrait être versée chaque mois jusqu’à la fin de l’année.
Il y a un peu plus de 3 000 fermes à Mayotte : cela reviendrait à doter un fonds d’urgence d’environ 40 millions d’euros. Alors, oui, 40 millions d’euros, cela peut paraître beaucoup dans le contexte économique que l’on connaît, mais je vous assure que c’est bien le minimum que l’État puisse faire pour reconstruire le secteur agricole de l’un de ses départements.
J’ai compris qu’un second projet de loi viendrait compléter le présent projet de loi d’urgence. Il faudra impérativement prendre en compte cette demande, car le temps presse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. En commission, nous avons supprimé une demi-douzaine de demandes de rapports introduites dans le texte par nos collègues députés. Je serai constante dans l’application de notre doctrine ce soir en séance.
En réalité, il est surtout urgent que toutes les forces vives de l’administration centrale et déconcentrée se focalisent sur la reconstruction de Mayotte.
La mission inter-inspections diligentée par le Gouvernement présentera un bilan de la catastrophe dans les jours qui viennent. Elle devrait faire des propositions pour la reconstruction de Mayotte. Il appartiendra ensuite au Sénat et à l’Assemblée nationale de les améliorer, si nous le jugeons nécessaire, y compris dans le domaine de l’agriculture, dans le cadre de l’examen du futur projet de loi de programmation pour Mayotte.
Je présenterai en outre, dans quelques instants, un amendement visant à aider immédiatement les agriculteurs de Mayotte.
Pour toutes ces raisons, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Tissot, l’amendement n° 116 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Tissot. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 116 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’examen de l’article 2 a été réservé, sur la demande de la commission des affaires économiques, jusqu’après celui de l’article 9.
Chapitre II
Adapter les règles d’urbanisme et de construction face à l’urgence à Mayotte
Article 3
Les constructions démontables et temporaires, implantées à Mayotte pour une durée n’excédant pas deux ans à compter du 14 décembre 2024 et jusqu’à l’expiration d’une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, destinées à faire usage de bureaux pour des services publics dont les locaux ont été détruits ou dégradés en raison des événements météorologiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024, de classes démontables installées dans les établissements scolaires ou universitaires en vue de pallier les insuffisances temporaires de capacités d’accueil occasionnées par ces mêmes événements ou de logement pour des personnels séjournant temporairement à Mayotte dans le cadre d’une mission de soutien aux victimes ou d’aide à la reconstruction, sont dispensées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme.
Par dérogation, ces constructions peuvent être implantées hors des zones urbaines ou à urbaniser délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme, à l’exception des zones où les constructions sont interdites en application des 1° et 2° du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement pour les plans de prévention des risques naturels, ou dans les mêmes zones pour les plans de prévention des risques miniers tels que définis à l’article L. 174-5 du code minier, approuvés ou rendus immédiatement opposables en application de l’article L. 562-2 du code de l’environnement, et des secteurs d’habitat informel tel que défini à l’article 1er–1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
L’implantation de ces constructions est soumise à l’accord préalable du maire de la commune. À cette fin, le maître d’ouvrage transmet à ce dernier un dossier mentionnant la localisation et la nature du projet. Une copie de ce dossier est transmise par le maire au préfet, qui dispose d’un délai de huit jours pour indiquer si l’emplacement projeté est situé dans une des zones où les constructions sont interdites, mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ou dans un secteur d’habitat informel. Le maire dispose d’un délai de trois jours après réception de l’avis du représentant de l’État dans le Département de Mayotte pour autoriser ou non l’implantation. Le silence gardé par le maire vaut refus.
Au plus tard deux ans après l’implantation, le maître d’ouvrage est tenu de remettre les lieux dans leur état initial.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Antoinette Guhl.
Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à supprimer l’article 3 tel qu’il a été rétabli par la commission des affaires économiques. En effet, cet article permet le déploiement de bâtiments modulaires à usage de bureau ou de classe temporaire, ou pour servir de logement à des personnels séjournant temporairement à Mayotte dans le cadre d’une mission de soutien aux victimes ou d’aide à la reconstruction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ma chère collègue, l’article 3, tel que notre commission des affaires économiques l’a rétabli, ne vise plus le relogement des populations mahoraises, puisque nous en avons recentré le dispositif sur les constructions à usage de bureau et de classe provisoire, ainsi que de logement temporaire uniquement pour les personnels séjournant momentanément à Mayotte dans le cadre d’une mission de soutien aux victimes ou d’aide à la reconstruction.
Je vous rejoins absolument sur la nécessité de renforcer l’offre de logements pérennes. C’est d’ailleurs pourquoi, après avoir échangé avec les acteurs du logement social lors de mon récent déplacement à Mayotte, j’ai renoncé à la possibilité de loger dans ces structures temporaires certains Mahorais qui, d’ailleurs, étaient opposés à de telles structures.
En revanche, cette solution est tout à fait adaptée, dans un contexte de pénurie structurelle de logements, pour loger des personnes qui ne resteront à Mayotte que pour une courte durée.
En outre, je m’inscris en faux contre l’idée que ces constructions modulaires ne sont pas réutilisables. C’est précisément le contraire.
Enfin, tous les bâtiments modulaires ne sont pas de mauvaise qualité et inadaptés au climat mahorais. Vous avez en tête des conteneurs quasi insalubres, mais, à Mayotte, certains bâtiments modulaires, comme ceux des centres d’hébergement d’urgence de Tsoundzou et de Koungou, n’ont pas été détruits par le cyclone, au contraire de nombreux habitats pérennes. Tout dépend donc de ce qu’on décide d’y implanter.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox, est ainsi libellé :
Alinéa 1, au début
Insérer les mots :
Afin de reloger en priorité les citoyens français et les étrangers en situation régulière,
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 105 rectifié, présenté par Mmes Artigalas, Bélim et Le Houerou, MM. Roiron, Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après le mot :
destinées
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
au relogement d’urgence temporaire ou à faire usage de bureaux pour des services publics dont les locaux ont été détruits ou dégradés en raison des événements météorologiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024, de classes démontables installées dans les établissements scolaires ou universitaires en vue de pallier les insuffisances temporaires de capacités d’accueil occasionnées par ces mêmes événements, sont dispensées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme.
II. – Alinéa 3, deuxième phrase
Après le mot :
localisation
insérer le mot :
, l’usage
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Si nous adoptons cet article en l’état, les bâtiments modulaires serviront uniquement à loger des personnels venus en renfort et à installer des classes, ce qui permettra ainsi de combler le manque de places d’accueil. C’est très bien, mais nous pensons que nous ne pouvons pas nous passer de ces solutions pour loger temporairement des familles le temps de la réparation de leur logement.
Par ailleurs, en écho à des demandes formulées sur le terrain, nous proposons que le dossier d’information transmis au maire pour solliciter son accord préalable à l’implantation de ces constructions temporaires et démontables soit complet et précise explicitement l’usage du projet de construction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur le climat d’insécurité qui règne à Mayotte. Les habitants mahorais préfèrent rester dans leur logement, même dans des conditions très dégradées, car ils ont peur qu’il soit squatté. Pour trouver les voies qui mèneront à un apaisement de cette situation dégradée et réussir une reconstruction durable, il n’est pas souhaitable de mettre de l’huile sur le feu en réintroduisant cette disposition.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il y a deux logiques, qui ne s’affrontent pas, mais sont contradictoires.
Je partage votre souhait, madame la sénatrice, de faire bénéficier les Mahorais en situation de détresse de ce dispositif, qu’il s’agisse d’un relogement temporaire d’urgence ou de bureaux à destination des services publics qui leur apportent de l’aide. Le texte initial du Gouvernement traduisait justement cette ambition.
En revanche, si je partage le souci des maires de disposer d’informations suffisantes sur ce qui se passe sur leur territoire, le dispositif que vous proposez réintroduirait un excès de formalisme pour le maître d’ouvrage, dont le projet sera de toute façon in fine soumis à l’autorisation. Par ailleurs, le dossier transmis aux maires mentionne déjà la nature du projet, donc l’usage qui sera fait de ces constructions temporaires.
Pour ces raisons, je m’en remets à la sagesse de votre assemblée sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Madame la rapporteure, je précise qu’il ne s’agit pas d’imposer, mais de permettre aux Mahorais de disposer de ces constructions le temps de la reconstruction – c’est une possibilité et non une obligation. Je crois qu’il est important d’offrir cette faculté aux habitants de Mayotte. Je rappelle en outre que cela ne concernerait que les personnes qui veulent reconstruire leur logement.
Par ailleurs, faire en sorte que les maires soient informés est essentiel : nous souhaitons que les élus locaux sachent ce qui se passe sur leur territoire.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir, Paccaud, Brisson et Bacci, Mmes Belrhiti et Richer, MM. Mandelli, Bouchet et Henno, Mme Dumont, M. Savin, Mmes Lassarade, Borchio Fontimp, L. Darcos, Joseph, Guidez et Evren, M. Panunzi, Mmes Perrot, Josende, Imbert et F. Gerbaud, MM. Klinger, Belin et H. Leroy, Mme Ventalon et MM. Chasseing, Milon et Somon, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les constructions démontables et temporaires sont prioritairement construites dans des matériaux biosourcés facilitant leur recyclage.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Nous avons tous conscience ici de l’impératif d’une reconstruction rapide de Mayotte. L’habitat modulaire et transitoire répond en partie à cet objectif, malgré les limites que Mme le rapporteur vient de rappeler.
Cet amendement vise à favoriser les matériaux biosourcés pour ces constructions démontables et temporaires. L’enjeu est évidemment de réduire leur impact environnemental, mais aussi la consommation et les émissions de gaz à effet de serre, en recourant à d’autres types de matériaux ; l’enjeu est également de privilégier la rapidité et l’efficacité d’un tel processus de construction.
Je peux témoigner de l’existence, dans ce secteur, d’acteurs français faisant preuve d’une ingéniosité remarquable pour ce type de construction. Les décideurs publics devraient encourager ce type d’acteurs qui favorisent l’innovation et qui vont, selon moi, dans le bon sens à plus d’un titre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement pour plusieurs raisons.
Il faut rappeler la réalité des choses : en raison du détournement du trafic maritime dû aux agissements des Houthis, un conteneur met actuellement trois mois pour arriver à Mayotte depuis l’Europe. Le coût de l’acheminement de chaque conteneur a aussi augmenté de plus de 1 500 euros.
De plus, pour avoir discuté avec un certain nombre d’architectes, je peux vous dire qu’un bâtiment modulaire revient aussi cher qu’un bâtiment en dur. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les Mahorais ne sont pas favorables à l’installation de bâtiments modulaires.
Puisqu’il a été question de matériaux biosourcés, je tiens à mettre en avant la brique de Mayotte, un matériau reconnu, qui dispose de la norme CE et qui a bien résisté à l’ouragan. Les acteurs locaux pensent revenir à cette brique, qui est en outre 100 % écologique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi d’un amendement et d’un sous-amendement.
L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces constructions démontables et temporaires sont en bois et soumises à des obligations en matière de prestations et d’équipements précisées par arrêté conjoint des ministres chargés du logement et de la santé. Elles remplissent des conditions minimales de confort, d’habitabilité et de sécurité fixées par décret.
La parole est à Mme Antoinette Guhl.
Mme Antoinette Guhl. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement qui visait à revenir sur l’autorisation de l’emploi de bâtiments modulaires, notamment pour le logement des personnels chargés de la gestion de crise.
Puisque des bâtiments modulaires vont être installés sur le territoire mahorais – ce dispositif a été voté –, nous proposons que leurs caractéristiques soient encadrées.
Nous ne voulons pas que n’importe quelle construction temporaire soit employée : par exemple, il serait souhaitable que ces bâtiments ne soient pas en métal, parce qu’il fait très chaud une grande partie de l’année à Mayotte. Dans ces conditions, une construction en métal n’est pas adaptée ; il conviendrait de privilégier dans un premier temps des bâtiments modulaires en bois pour éviter tout phénomène de climatisation ou, au contraire, de canicule.
Je vous signale, mes chers collègues, que l’idée de loger des personnes dans des bâtiments modulaires figurait déjà dans la loi contre les logements insalubres. Il faudra donc bien veiller à ce qu’à l’issue de la période transitoire de deux ans ces bâtiments modulaires ne servent pas de logement définitif et à ce que des constructions durables les remplacent.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement qui, comme le précédent, tend, en exigeant des constructions en bois, à restreindre exagérément le champ des structures modulaires susceptibles d’être installées dans les conditions prévues à l’article 3, ce qui n’est pas souhaitable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. Il faut avoir conscience qu’à Mayotte les bâtiments modulaires en métal constitueront un véritable fléau, notamment pour ce qui est des déchets. Il n’est pas très prudent de prévoir de telles constructions ; je pense, mes chers collègues, que nous avons vraiment tout intérêt à adopter cet amendement afin d’éviter de futurs problèmes.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Permettez-moi de rappeler qu’à La Réunion comme à Mayotte nos compatriotes doivent composer avec un climat tropical. Aussi l’amendement de Mme Guhl est-il un amendement de bon sens : pour avoir travaillé des journées entières dans un conteneur sans climatisation, alors même que la réglementation prévoit une dérogation, je peux vous assurer que c’est très compliqué de vivre, de rester, de se tenir dans un préfabriqué lorsqu’il fait 40 degrés.
J’ose espérer que, si le choix est fait d’aller vers des conteneurs en métal, on permettra aux Mahorais de vivre sous des températures correctes, donc qu’on leur permettra de disposer d’une climatisation.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Alain Marc.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi d’urgence pour Mayotte.
Après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 139, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Akli Mellouli.
M. Akli Mellouli. Avant même le passage du cyclone Chido, les habitants des bidonvilles de Mayotte se trouvaient déjà dans une extrême précarité ; ils ne disposaient pas d’un accès sécurisé à l’eau et à l’assainissement. La catastrophe n’a fait qu’aggraver cette situation, laissant des quartiers entiers inaccessibles et des milliers de personnes sans solution viable de relogement.
Face à cette urgence, nous ne pouvons pas nous contenter d’interdire la reconstruction illégale, sans offrir d’option crédible. Aussi, cet amendement vise à ce que l’établissement public nouvellement créé identifie rapidement des terrains sécurisés et viabilisés, afin d’y installer des logements temporaires dignes et adaptés, dans l’attente de solutions pérennes.
Il s’agit d’éviter que les rescapés ne retournent dans des zones à risque et de garantir que les infrastructures mises en place répondent aux besoins immédiats de la population et des services mobilisés pour la reconstruction.
C’est une réponse pragmatique, humaine et responsable à la crise que traverse Mayotte. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission va émettre un avis défavorable sur cet amendement, et cela pour trois raisons.
Tout d’abord, les critères restrictifs qu’il tend à instaurer sont en contradiction avec ceux qui figurent dans l’article 3, que nous avons adopté tout à l’heure.
Ensuite, nous avons déjà prévu dans ce même article un avis conforme du maire et l’information du préfet.
Enfin, l’objectif de l’article est que ces constructions modulaires puissent être déployées immédiatement, et non dans trois mois.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 139.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par voie d’ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi destinée, pendant une durée limitée ne pouvant excéder deux ans, à modifier et à adapter les règles de construction et de lutte contre les locaux ou installations constituant un habitat informel au sens de l’article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 13 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement pour mieux tenir compte des caractéristiques et des contraintes propres au territoire de Mayotte afin de faciliter et d’accélérer les opérations de reconstruction ou de réfection des constructions, aménagements et installations dégradés ou détruits en raison des événements météorologiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024 ainsi que de renforcer l’évacuation et la démolition des locaux ou installations constituant un habitat informel.
Dans la mesure nécessaire à l’atteinte de ces objectifs, cette ordonnance peut, notamment, modifier les adaptations applicables à Mayotte en ce qui concerne les règles techniques auxquelles sont soumis les constructions et les travaux qui y sont assimilés ainsi que les aménagements et prévoir de nouvelles adaptations de ces règles, à l’exclusion de celles prévues aux titres III à V du livre Ier du code de la construction et de l’habitation ainsi qu’au titre VI du même livre Ier pour les établissements recevant du public et pour les installations ouvertes au public et à l’exclusion de celles relatives aux obligations de recours aux énergies renouvelables. L’ordonnance peut aussi modifier les adaptations applicables à Mayotte en matière de lutte contre l’habitat informel.
Elle peut s’appliquer aux constructions démontables et temporaires dispensées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme mentionnées à l’article 3 de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié, présenté par Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Roiron, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après la première occurrence du mot :
construction
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
pour mieux tenir compte des caractéristiques et des contraintes propres au territoire de Mayotte afin de faciliter et d’accélérer les opérations de reconstruction ou de réfection des constructions, aménagements et installations dégradés ou détruits en raison des événements météorologiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024.
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à revenir au périmètre initial de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance portant sur l’adaptation des règles de construction.
En adoptant il y a moins d’un an la loi visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, nous avons déjà pris des mesures pour endiguer le développement exponentiel de l’habitat spontané et insalubre.
Aussi ne souhaitons-nous pas que l’habilitation à légiférer par ordonnance soit étendue de la sorte sans que nous disposions d’une explication sur l’orientation que prendront ces mesures.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Je ne vois pas comment nous pourrions reconstruire Mayotte sans agir résolument en parallèle contre la reconstitution des bidonvilles… L’inclusion de la lutte contre l’habitat informel dans le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance est particulièrement pertinente.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame la sénatrice Bélim, je partage évidemment votre objectif, mais la rédaction de votre amendement tend à supprimer du champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance, comme vient de l’expliquer Mme la rapporteure, la lutte contre l’habitat informel, qui a été ajoutée sur l’initiative du Gouvernement lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
Comme j’ai pu le souligner, et bien qu’il découle de réalités que je ne saurais négliger, l’habitat informel, ou illégal, est l’un des fléaux qui défigurent Mayotte et entravent son développement. La lutte contre la reconstruction de bidonvilles est un objectif essentiel, qu’il convient d’intégrer dans les règles relatives à la construction. Nous pourrons ainsi élargir le rôle des agents susceptibles de constater l’édification illégale ou encore allonger temporairement le délai de flagrance.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement au profit de l’amendement n° 73 du Gouvernement, qui tend à rétablir dans son intégralité le périmètre de l’habilitation à légiférer par ordonnance, tout en conservant l’objectif de lutte contre les bidonvilles ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Madame Bélim, l’amendement n° 106 rectifié est-il maintenu ?
Mme Audrey Bélim. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après la première occurrence des mots :
à l’exclusion de celles
Rédiger ainsi la fin de cette phrase :
relatives aux exigences de sécurité des constructions
La parole est à M. le ministre d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Les contraintes introduites par les députés concernant les énergies renouvelables et l’accessibilité sont excessives.
La commission estime que le Gouvernement doit pouvoir adapter les règles de construction aux caractéristiques de Mayotte pour faciliter la reconstruction, à la condition que la durée d’application des mesures qui seront prises soit limitée.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 4 bis
I. – Jusqu’au 31 décembre 2025, à Mayotte, la vente par une entreprise à un particulier de tôles pouvant servir de matériau de construction est subordonnée à la présentation d’un titre d’identité et d’une autorisation d’urbanisme ou du récépissé mentionné au I de l’article 7 ainsi qu’à la signature d’une déclaration par laquelle l’acheteur s’engage à utiliser ces matériaux pour la reconstruction ou la réfection de son logement et à s’abstenir de toute revente à un tiers.
II. – Les entreprises mentionnées au I tiennent un registre des achats comportant les informations relatives aux acheteurs. Ce registre est consultable par les forces de l’ordre.
III. – Le représentant de l’État dans le Département de Mayotte peut ordonner la fermeture, pour une durée maximale de six mois, des établissements qui ont vendu des tôles à un particulier n’ayant pas fourni les informations mentionnées au I ou qui ont manqué à leur obligation de consigner ces informations dans le registre mentionné au II.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 13 est présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 53 est présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 107 rectifié est présenté par Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Roiron, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour présenter l’amendement n° 13.
Mme Antoinette Guhl. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 4 bis, qui tend à s’inscrire dans la continuité de l’arrêté préfectoral en vigueur depuis le 4 janvier.
De quoi s’agit-il ? Cet article réserve la vente de tôles aux individus souhaitant reconstruire leur logement à ceux qui sont en mesure de présenter une pièce d’identité. De plus, il impose de tenir des registres de ces ventes et de les rendre accessibles aux forces de l’ordre. Enfin, il autorise la fermeture temporaire des établissements qui ne respecteraient pas ces obligations.
Un tel article est tout bonnement scandaleux ! Il vise explicitement les personnes sans papiers, se plaçant ainsi dans la droite ligne d’un débat public nauséabond, qui fait porter la responsabilité des destructions sur les migrants.
Je demande donc la suppression de cette forme de préférence nationale, mesure phare du Rassemblement national qui n’a rien à faire dans ce texte !
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l’amendement n° 53.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement, notre groupe s’oppose à cet article discriminatoire, qui conditionne la vente de tôle à un particulier à la présentation d’un titre d’identité.
Pour l’heure, l’objectif affiché par l’État de garantir un logement durable à tous les habitants de Mayotte est loin d’être atteint. Ainsi, nombre de ces derniers n’ont pas d’autre choix que de construire des habitations de fortune.
Je tiens à rappeler dans cet hémicycle que, au-delà des 39 morts recensés, le cyclone a fait de nombreuses victimes sans papiers, dont la mort n’a pas été comptabilisée. Il a également détruit le logement de fortune de nombreuses personnes sans papiers. Par ailleurs, les opérations d’expulsions et de destructions de bidonvilles menées par l’ancien gouvernement ont condamné encore davantage de gens au sans-abrisme.
Qu’ils possèdent des papiers ou non, ceux qui vivent à la rue et dont la vie est menacée doivent pouvoir se reconstruire un logement. À Mayotte comme ailleurs, les personnes sans-abri sont soumises à des conditions de vie inhumaines. Il est de notre responsabilité de dénoncer cela et de le rejeter fermement !
Une question politique nous est posée ce soir par cet article : empêcher une personne de reconstruire un logement sans lui proposer une autre solution revient à menacer directement sa vie. Toute personne doit pouvoir dormir avec un toit au-dessus de sa tête, à Mayotte ou ailleurs, qu’elle ait ou non des papiers !
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié.
Mme Viviane Artigalas. Il a été très bien défendu par mes deux collègues, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ces amendements de suppression ont déjà été rejetés en commission.
Mes chers collègues, vous indiquez que l’encadrement de la vente de tôle pousse à des pratiques clandestines. Il me semble que vous oubliez que la reconstitution d’une habitation informelle constitue par essence une pratique clandestine et interdite.
La commission émet donc bien sûr un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis troublé par votre opposition à cette mesure qui me semble cohérente et de bon sens.
Mme Antoinette Guhl. Il y a de quoi y être opposé !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il s’agit seulement d’empêcher la reconstruction de bidonvilles, ce qui est très difficile.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. C’est inhumain !
M. Manuel Valls, ministre d’État. En effet, nous avons vu que ces bidonvilles se sont reconstruits très rapidement après le passage du cyclone Chido, dans des conditions pires qu’auparavant en matière d’habitat. De plus, ils l’ont été sur des terrains glissants, ce qui rend d’autant plus dangereuse la situation de leurs habitants, a fortiori au regard des pluies de ce week-end, auxquelles a fait allusion M. Omar Oili.
Les Mahorais en règle pourront continuer d’acheter de la tôle, à la condition de présenter un justificatif de domicile. Le statu quo que vous proposez me paraît dangereux et coupable ! (Protestations sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)
Je sais que nous sommes au Sénat, où règnent le respect et la modération, mais il serait dangereux et coupable, je le répète, de rejeter mon argument au prétexte qu’il serait inspiré par le principe de la préférence nationale.
Chacun de nous l’a dit, le cyclone Chido a mis au jour des difficultés structurelles qui lui précédaient : un tiers – si ce n’est plus – des habitations à Mayotte relevaient déjà de l’habitat informel. La totalité de cet habitat informel, fait majoritairement de tôle, a été détruite par le cyclone, ce qui non seulement a privé des personnes d’un abri, mais aussi causé de nombreuses blessures. J’ai pu le constater aussi bien à l’hôpital de Mamoudzou qu’à l’hôpital de campagne.
Si nous voulons reconstruire Mayotte et la débarrasser de ce fléau que sont les bidonvilles, il nous faut changer de paradigme et prendre des mesures fortes. Cela prendra du temps, j’en conviens, car on ne recrée pas un parcours de logement en quelques semaines.
Toutefois, laisser la tôle en vente libre, c’est la garantie du retour des bidonvilles. Et cela ferait courir un vrai risque à la population au prochain événement climatique qui frappera Mayotte. J’y suis donc évidemment défavorable.
Enfin, madame Corbière Naminzo, apportez-moi des preuves ! Vous ne pouvez pas affirmer ici, au Sénat, que des victimes n’auraient pas été révélées.
Des colonnes de gendarmes et de policiers se sont rendues sur place avec des chiens dans des conditions difficiles, y compris en matière de sécurité, pour voir s’il y avait des victimes. Je rappelle que, dans les premières heures, le chiffre de 60 000 morts a été évoqué… Lorsque j’étais en réunion avec les maires de Petite-Terre il y a un mois, l’un d’entre eux m’a dit qu’il avait peut-être découvert un charnier de 80 personnes… Ce n’était pas le cas !
Nous n’avons rien à cacher ! Madame la sénatrice, que vous remettiez en cause la parole d’un ministre est une chose, mais je n’admettrai pas que vous laissiez penser que nous serions en train de cacher des victimes ! S’il y en avait, nous les découvririons. Or vous introduisez un doute… (Mme Evelyne Corbière Naminzo proteste.)
Si ! Je vous le dis avec la plus grande franchise, vous introduisez un doute en jouant sur l’idée que nous cacherions quelque chose. Si la réalité des faits est avérée, nous la porterons à la connaissance de tous. Mais cela fait déjà un mois que j’entends de telles allégations, sans que personne m’en apporte la moindre preuve.
À ce stade, nous avons comptabilisé 40 morts. Peut-être n’avons-nous pas encore constaté certaines disparitions, mais, je le répète, attention à ne pas alimenter les rumeurs.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. Monsieur le ministre, nous sommes d’accord pour débattre sur l’éventuelle reconstruction de bidonvilles et d’habitations en tôle. Personne n’a de problème avec cela : nous aurons ce débat et nous trancherons.
Toutefois, en l’occurrence, la question est non pas de permettre ou non d’acheter de la tôle, mais de permettre à ceux qui ont des papiers d’en acheter, mais pas à ceux qui n’en ont pas ! Autrement dit, il s’agit de permettre à certains de s’assurer un toit et pas à d’autres.
Je rappelle tout de même que l’action humanitaire est normalement sans condition. Il n’existe pas de condition de papiers ou de régularité. Si nous admettons que la catastrophe nécessite une forme d’action humanitaire, nous ne pouvons pas instaurer une telle condition.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à la tôle : je vous ai dit tout à l’heure que les Algeco devaient être construits en bois, mais vous nous avez expliqué qu’il était très bien de les construire en métal ; maintenant, vous nous dites que ce n’est pas bien de construire en tôle et qu’il vaut mieux interdire à ceux qui n’ont pas de papiers d’en acheter. Ce n’est ni logique ni cohérent. Pour reprendre vos termes, c’est même dangereux.
En ce qui concerne les victimes, le fait que des recherches n’aient pas été menées dans les tout premiers jours a alimenté les peurs. Un maire mahorais m’a dit que, durant les vingt-quatre premières heures, en l’absence de recherches, chacun était terrifié à l’idée que l’un des siens pouvait être encore en vie sans qu’on lui porte secours. Il est compréhensible que tout cela suscite de la défiance.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. En France, il existe un droit à l’hébergement. Or la tôle, c’est le toit. Autrement dit, en achetant de la tôle, on fait en sorte d’avoir un hébergement.
Il convient de distinguer logement et hébergement ; le second est un droit.
Par ailleurs, ce sont les ONG qui vous rappellent à l’humanité ; c’est tout de même incroyable… J’ai entendu des collègues déplorer que des ONG aient fourni de l’eau à des personnes en situation irrégulière… Tout de même, comment en arrive-t-on à dire de telles choses ? La préférence nationale doit sans doute être également appliquée à l’eau, à cause de la pénurie… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
De fait, j’ai entendu quelqu’un dire en commission qu’il n’était pas normal que les ONG servent les personnes en situation irrégulière. Car sans les ONG, beaucoup d’entre elles n’auraient reçu ni eau ni produits de subsistance. C’est cela, l’impératif humanitaire.
Quant aux morts et aux blessés, j’attends que vous nous disiez combien de personnes en situation irrégulière sont comptabilisées dans vos statistiques, monsieur le ministre. Si la moitié de la population est en situation irrégulière, la même proportion doit se retrouver dans le nombre de blessés. Si tel n’est pas le cas, il existe un biais statistique qu’il vous faudra expliquer.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. On parle de 39 morts ou de 40 morts, nous en sommes à ce niveau-là de détail… Il est affligeant d’avoir un tel débat ce soir.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je ne suis qu’une élue, un relais ; la parole que je porte dans cet hémicycle est celle que l’on me confie.
Monsieur le ministre, pour ma part, je ne m’amuse pas à faire 10 000 kilomètres – vous connaissez la distance, puisque vous avez fait le trajet – aux frais du contribuable pour venir vous raconter des bêtises ! (Oh là là ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je porte la voix des responsables associatifs et des bénévoles qui sont sur le terrain à Mayotte et qui me disent que des sépultures ne sont pas comptabilisées, mais qu’elles existent ! J’en appelle à la conscience nationale : que l’on aille voir ce qui se passe à Mayotte et qu’on cherche toutes les victimes de ce cyclone, et pas seulement celles qui ont des papiers ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour explication de vote.
Mme Salama Ramia. Je vis à Mayotte. Si des sépultures n’avaient pas été identifiées, nous l’aurions senti. On ne peut pas dire que des gens n’ont pas été identifiés.
Par ailleurs, c’est à moi que faisait référence Mme Poncet Monge au sujet de l’aide humanitaire. Ce que j’ai dit en commission, ce n’est pas qu’il ne fallait pas donner aux gens qui n’ont pas de papiers, mais que l’on ne distribuait pas aux Français. (Mme Raymonde Poncet Monge s’exclame.)
Par exemple, une ONG américaine prépare des plats chauds qu’elle distribue ensuite aux enfants qui se trouvent dans les bidonvilles. Mais les enfants mahorais aussi ont faim. Pourquoi ne distribue-t-elle pas ces repas dans les écoles ? Là, il n’y aura pas de distinction entre les enfants. L’aide doit aller vers tout le monde. Je n’ai jamais dit qu’elle devait être réservée à ceux qui ont des papiers.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je pense que nous touchons au cœur du débat et peut-être, il faut l’assumer, de nos désaccords. Nous entendons que le texte que nous examinons est une loi d’urgence et qu’une autre, portant sur une reconstruction plus durable, suivra.
La question qui nous est posée dans le texte d’urgence est la suivante : la priorité du Gouvernement est-elle d’apporter à chacune et chacun une aide universelle et de lutter contre la grande pauvreté ? S’agit-il d’empêcher – ou de tenter d’empêcher, puisque, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, certains ont été reconstruits très rapidement – la renaissance de bidonvilles ? Ou bien s’agit-il de lutter contre l’immigration clandestine ?
Voilà le débat ! Si, comme le proclament l’ensemble des groupes de gauches, la priorité est l’aide universelle – je ne dis pas que cette idée n’appartient qu’à la gauche –, il faut empêcher les hommes et les femmes, qu’ils aient ou non des papiers, de reconstruire des habitations en tôle ! Aussi, nous ne comprenons pas pourquoi ceux qui ont des papiers pourraient en acheter et les autres non.
Si un nouveau cyclone venait à frapper, tous ceux qui vivront dans un habitat de fortune seront touchés de la même façon, qu’ils aient ou non des papiers. Nous estimons donc que votre mesure est discriminatoire. Si l’on veut mettre fin aux constructions en tôle, il conviendra de prévoir dans le prochain texte qui sera déposé au Parlement des moyens pour construire en dur des logements durables pour toutes et tous. Voilà la question !
Pourquoi prendre une telle mesure, selon nous discriminatoire, dans un texte d’urgence ? Monsieur le ministre, vous pourrez nous répondre, mais je vous le redis : si des hommes et des femmes mahorais, des Français et des Françaises, rachètent de la tôle, et que nous sommes frappés dans quinze jours par un nouveau cyclone, ce que personne ici ne souhaite, ceux qui ont des papiers ne seront pas plus protégés que ceux qui n’en ont pas.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je présenterai tout à l’heure un amendement au nom du Gouvernement tendant à rétablir la condition, pour l’achat de tôle, d’un justificatif de domicile et à supprimer celle de la présentation d’une autorisation d’urbanisme. Le but est de simplifier les choses et de ne pas risquer d’empêcher les Mahorais de bonne foi voulant réaliser de petits travaux d’acheter de la tôle s’ils en ont besoin.
Les élus mahorais ici présents en sont témoins, la question de l’utilisation de la tôle n’est pas uniquement liée à l’immigration régulière ou irrégulière. Elle participe d’une culture ; c’est une réalité.
Nous pourrons faire évoluer l’urbanisme et l’habitat sur place à l’avenir, comme je l’ai dit précédemment, mais le décret d’interdiction de vente de tôle, les mesures prises par le préfet et celles que nous intégrerons dans la loi constituent un premier pas, dans un débat beaucoup plus large.
Par ailleurs, je me suis rendu sur place, car c’est mon rôle de le faire régulièrement, avec les moyens à ma disposition. Madame la sénatrice, si vous le souhaitez, j’irai en bateau, la prochaine fois… (MM. Max Brisson et Stéphane Piednoir sourient.) J’y ai constaté, tout comme à l’Assemblée nationale – c’est moins le cas ici –, que les débats sont exacerbés sur tous les sujets que vous avez évoqués.
Des mots très durs sont prononcés. Il existe une colère vis-à-vis de l’État, mais aussi vis-à-vis de l’immigration irrégulière en provenance des Comores. Cette colère est peut-être manipulée, mais elle est une réalité.
Madame Corbière Naminzo, le même genre de débats existe à La Réunion, sur tous les bancs, vis-à-vis des Mahorais. Et si nous écoutons bien ces derniers, nous pouvons percevoir une sorte de ressentiment à l’encontre de leurs compatriotes réunionnais.
Je dis cela avec beaucoup de prudence, mais, au lendemain de mon premier déplacement à la préfecture de Saint-Denis-de-la-Réunion, le seul fait que j’organise une réunion avec l’ensemble des partenaires économiques réunionnais pour examiner comment ils pouvaient aider, soutenir nos compatriotes et investir à Mayotte a créé des débats, des crispations, des tensions. Nous marchons sur des œufs !
À Mayotte, le débat tourne en permanence autour de l’idée que l’action de l’État ou des associations favoriserait en premier lieu l’immigration illégale. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est une réalité ! (M. Fabien Gay proteste.) Vous me pardonnerez d’introduire ce sujet politique, mais regardez les résultats à l’élection présidentielle ou aux législatives à Mayotte ; ce n’est pas un hasard !
M. Daniel Fargeot. Bien sûr !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame Corbière Naminzo, je ne tiens pas à avoir un débat désagréable avec vous, cela n’aurait aucun sens. C’est vous qui avez introduit le débat sur les victimes, ce n’est pas moi ! Pardon de vous le dire, mais c’est vous qui introduisez un doute !
Si, par malheur, il y avait eu des centaines de victimes, je vous assure que je le dirais ! Nous constaterions la catastrophe… Nous avons d’ailleurs organisé une journée de deuil national.
Durant les premières heures après le passage du cyclone, le silence qui régnait sur l’archipel nous a fait redouter un nombre beaucoup plus important de victimes. Si cela avait été le cas, pourquoi l’État l’aurait-il tu ? Parce qu’il se serait agi de personnes en situation irrégulière ?
Quelque 5 739 personnes ont été prises en charge à l’Escrim (Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale), l’hôpital militaire. Je m’y suis rendu et j’ai vu les gens malades et ceux qui devaient subir une opération après avoir eu un membre déchiré par une tôle. Pensez-vous que quelqu’un a regardé leur titre d’identité ?
Dans une démarche d’« aller vers », quelque 15 000 soins ont été prodigués. Pensez-vous qu’une seule personne a dû montrer ses titres d’identité ? Lorsque l’on vaccine contre la typhoïde ou le choléra, pensez-vous que la moindre personne regarde les titres d’identité des personnes vaccinées ? (Mmes Antoinette Guhl, Raymonde Poncet Monge et Émilienne Poumirol protestent.)
Lorsque les professeurs ont accueilli les élèves à la rentrée scolaire, pensez-vous que quelqu’un a regardé leurs titres d’identité ?
M. François Patriat. Très bien !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Dans son action, l’État porte un regard attentif et humain sur la situation. Cela nous est d’ailleurs reproché sur place par des élus de toutes les couleurs politiques !
Pour faire face à la désespérance des Mahorais, nous ne pouvons faire fi de la question des migrants. Si nous n’apportons pas des réponses concrètes, à la fois sur les constructions en tôle et sur l’immigration, nous n’atteindrons pas nos objectifs.
Lorsque nous avons présenté la version initiale de la loi, qui ne comportait pas de mesure sur l’immigration – ce n’était pas le but –, on nous a reproché l’absence de mesures sur la question des bidonvilles. Le débat a fait que nous en avons introduit, car c’est une réalité à Mayotte !
La réalité étant difficile, nous essayons de la prendre par différents bouts, sans idéologie et sans faire preuve de je ne sais quelle préférence nationale, parce que nous devons une réponse à nos compatriotes mahorais, qui vivent une situation extrêmement difficile ! Que vous le vouliez ou non, 100 000 étrangers se trouvent sur ce territoire, dont une grande partie est en situation irrégulière. Comment ne pas reconnaître que c’est un problème majeur ?
Il y a incontestablement des questions à régler avec les Comores, comme certains d’entre vous l’ont pointé. Mais les Mahorais demandent des réponses, car ils éprouvent un sentiment d’impuissance à l’égard de l’action de l’État sur ces sujets. Nous commençons à apporter des réponses ; elles sont difficiles, mais il nous faudra continuer de les donner.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13, 53 et 107 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 81, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
d’une autorisation d’urbanisme
par les mots :
d’un justificatif de domicile
La parole est à M. le ministre d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Pour les réparations de faible envergure, la commission souhaitait remplacer la mention du justificatif de domicile par celle du récépissé de dépôt d’une déclaration de travaux.
En effet, le premier de ces deux documents ne semble pas tout à fait pertinent, quand on sait que les adresses ne sont pas toutes fixées et que de nombreuses fraudes sont constatées à ce titre. Cela étant, mon objectif n’est bien sûr pas de restreindre excessivement la vente de tôle.
J’ai bien entendu M. le ministre d’État sur ce sujet et, s’agissant de cet amendement, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre d’État, j’ai pris part aux auditions organisées par la commission des affaires sociales et je m’interroge : êtes-vous certain que, après une telle catastrophe, l’on puisse produire facilement des justificatifs de domicile ? (M. le ministre d’État et Mme la présidente de la commission des affaires économiques acquiescent.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Il y a quelques instants, je citais un responsable qui s’est rendu plusieurs fois à Mayotte avant le cyclone et dont le témoignage, de ce fait, a une valeur particulière. Il y a bien un avant et un après ! C’est d’ailleurs tout le sens du travail de réparation.
En l’occurrence, on s’inquiète de la légalité de telle ou telle procédure ; mais le problème, c’est que les Mahorais sont très souvent condamnés à l’illégalité, même quand ils sont Français, par rapport à leurs concitoyens ultramarins et, plus encore, aux Français de l’Hexagone.
Ainsi, que l’on élève seul ses enfants ou que ces derniers soient privés de l’aide de leurs deux parents, l’allocation de soutien familial (ASF) n’est pas servie à Mayotte, alors qu’elle l’est partout ailleurs en France, en outre-mer comme dans l’Hexagone.
Il en est de même pour la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). Prime à la naissance : non servie à Mayotte ; prime à l’adoption : non servie à Mayotte ; allocation de base au taux plein : non servie à Mayotte ; prestation partagée d’éducation de l’enfant : non servie à Mayotte !
Je poursuis la liste. Revenu de solidarité (RSO) : non servi à Mayotte ; prime de déménagement : non servie à Mayotte ; aide personnalisée au logement (APL) : non servie à Mayotte !
Mon but ici n’est pas de polémiquer, mais de rétablir la vérité des faits. Comme j’ai pu l’entendre, il ne s’agit pas seulement de reconstruire, mais de construire à Mayotte. Nous devons, plus largement, assumer un véritable passif.
Les Français mahorais sont victimes d’une injustice : ne jouons pas sur les mots en nous abritant derrière les questions d’immigration. Par rapport à l’Hexagone ou aux autres territoires ultramarins, Mayotte est en dehors du droit commun.
Il n’est a priori pas nécessaire d’être de gauche pour prôner la justice… Tous nos concitoyens doivent bénéficier du droit commun, quel que soit le département où ils habitent.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mais il s’agit d’un projet de loi d’urgence !
M. Pascal Savoldelli. Je tenais à rappeler que les Mahorais sont privés de bon nombre de droits.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
(L’article 4 bis est adopté.)
Chapitre III
Adapter les procédures d’urbanisme et d’aménagement aux enjeux de la reconstruction à Mayotte
Article 5
Le présent chapitre s’applique à la reconstruction ou à la réfection, à l’identique ou avec des adaptations ou des modifications, des constructions, des aménagements et des installations, notamment les infrastructures agricoles et les ouvrages des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité, dégradés ou détruits à Mayotte en raison des événements météorologiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024. Il s’applique également, dans les mêmes conditions, aux constructions, aux installations et aux aménagements nouveaux nécessaires au fonctionnement des réseaux de télécommunications. Il ne s’applique pas aux locaux et installations constituant un habitat informel, au sens de l’article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
Il s’applique aux déclarations prévues par le I de l’article 7 de la présente loi et aux demandes d’autorisation d’urbanisme faites dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
dès lors que leurs occupants justifient d’une pièce d’identité française ou d’un titre séjour valide délivré par les autorités préfectorales
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Je considère cet amendement comme satisfait par l’adoption de l’article 4 bis. Aussi, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
L’amendement n° 14, présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 1, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, et s’exerce dans le respect de la réglementation des risques naturels mentionnée à l’article L. 132-3 du code de la construction et de l’habitation et à l’article L. 563-1 du code de l’environnement
La parole est à Mme Antoinette Guhl.
Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à rétablir l’application de la réglementation relative aux risques paracycloniques pour la reconstruction des bâtiments de Mayotte.
Mes chers collègues, vous me répondrez sûrement : comment a-t-on pu oublier une telle disposition ? Mayotte vient d’être frappée par un énorme cyclone, et le présent texte dispense ce territoire de la réglementation prévue à cet égard.
J’en suis réellement stupéfaite. Une telle réglementation est indispensable, faute de quoi Mayotte risque fort de se retrouver tôt ou tard dans la même situation qu’aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ma chère collègue, votre demande est pleinement satisfaite par le droit existant : les adaptations prévues aux articles 5 à 9 ne visent que les procédures d’urbanisme. Elles ne dispensent en rien de respecter les règles de construction, notamment en matière de sécurité.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les projets d’ouvrages mentionnés au premier alinéa du présent article comportent le raccordement en eau potable et au réseau d’assainissement des bâtiments ainsi qu’à la réfection et à la modernisation de ces équipements.
La parole est à Mme Antoinette Guhl.
Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à assurer la prise en compte de l’accès à l’eau potable, ainsi que du raccordement à l’eau potable et aux réseaux d’assainissement, pour la reconstruction de Mayotte.
L’accès à l’eau potable est un droit humain fondamental et inaliénable. L’État se doit de le garantir à tous nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ma chère collègue, les articles 5 et suivants ont pour objet de faciliter la reconstruction et la réfection des constructions, aménagements et installations mis à mal par le cyclone Chido. Il ne s’agit pas de modifier les procédures applicables aux constructions nouvelles ou à la réfection des équipements de manière générale.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. L’enjeu, c’est de sortir Mayotte du sous-développement – je pèse mes mots –, qu’il s’agisse d’éducation, de logement ou, bien sûr, de santé. Il faut donc assurer également l’accès à l’eau. Voilà pourquoi il faut modifier les règles en vigueur ! C’est l’évidence même.
Qui tolérerait ici qu’une ville de l’Hexagone ne soit pas raccordée à l’eau potable ? Personne. Pourquoi en irait-il autrement à Mayotte ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
I. – Par dérogation à l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme, la reconstruction ou la réfection, à l’identique ou avec les adaptations ou les modifications prévues au présent article, des constructions, des aménagements et des installations dégradés ou détruits mentionnés à l’article 5 de la présente loi est autorisée, nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, y compris si la carte communale ou le plan local d’urbanisme en dispose autrement.
La dérogation prévue au premier alinéa du présent article est subordonnée, pour les constructions achevées après le 1er janvier 2013, au fait que la construction ait fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme. Elle ne s’applique pas aux bâtiments faisant l’objet d’un arrêté pris en application des articles L. 511-11 ou L. 511-19 du code de la construction et de l’habitation, sauf si les travaux projetés permettent de remédier à la situation ayant entraîné la prise dudit arrêté.
II. – Les travaux nécessaires à la reconstruction des constructions ou des installations peuvent comporter des adaptations de la construction ou de l’installation initiale, dans la limite d’une diminution ou d’une augmentation de 5 % de son gabarit initial.
Lorsqu’elle est justifiée par un objectif d’intérêt général, notamment l’amélioration de la sécurité de la construction ou de l’installation, l’installation ou l’exercice d’une mission de service public ou la création de logements, cette diminution ou cette augmentation peut excéder 5 % du gabarit initial, à proportion des modifications de la construction nécessaires à la réalisation du ou des objectifs invoqués pour la justifier, sans toutefois pouvoir excéder 20 % du gabarit initial.
Ces adaptations et ces modifications ne peuvent avoir pour effet de modifier la destination ou la sous-destination initiale de la construction, excepté lorsque le changement de destination vise à créer des logements dans les secteurs où les règles d’urbanisme autorisent une telle destination.
III. – Le droit à reconstruction ou à réfection prévu au I, que cette reconstruction ou cette réfection comporte ou non des modifications de la construction ou de l’installation initiale, s’exerce dans la limite des règles applicables en matière de risques naturels, technologiques ou miniers, auxquelles la reconstruction ou la réfection ne peut contrevenir, et, le cas échéant, sous réserve des prescriptions de sécurité, d’accessibilité ou de salubrité publique dont l’autorité compétente peut assortir le permis.
Ce permis ne peut être accordé si le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité et à la sécurité publique, sans qu’il soit possible d’assortir l’autorisation de prescriptions spéciales permettant de les garantir.
M. le président. L’amendement n° 166, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou d’une décision de non-opposition à déclaration préalable
II. – Alinéa 3
1° Après le mot :
reconstruction
insérer les mots :
ou à la réfection
2° Après le mot :
adaptations
insérer les mots :
ou des modifications
III. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
le permis
par les mots :
l’autorisation d’urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable
IV. – Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 104 rectifié bis, présenté par M. Omar Oili, Mmes Artigalas et Le Houerou, M. Roiron, Mme Bélim, MM. Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le taux :
5 %
par le taux :
20 %
II. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Saïd Omar Oili.
M. Saïd Omar Oili. À titre dérogatoire, les constructions doivent pouvoir être adaptées à Mayotte dans la limite d’une augmentation de 20 % de leur gabarit initial. Nous pourrons ainsi faire face aux besoins de logement constatés sur l’île.
Mes chers collègues, les bâtiments construits initialement sans permis, qui, vous le savez, sont très nombreux dans notre territoire, feront l’objet de mesures spécifiques. Je tenais à apporter cette précision.
Il s’agit donc selon moi d’un amendement de bon sens.
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir, Paccaud, Brisson et Bacci, Mmes Belrhiti et Richer, MM. Mandelli, Bouchet et Henno, Mme Dumont, M. Savin, Mmes Lassarade, Borchio Fontimp, L. Darcos, Joseph, Guidez et Evren, M. Panunzi, Mmes Perrot, Josende, Imbert et F. Gerbaud, MM. Klinger, Belin et H. Leroy, Mme Ventalon, M. Milon, Mme de La Provôté et M. Somon, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les travaux liés à la reconstruction répondent aux objectifs de lutte contre les effets du dérèglement climatique et suivent des standards de construction adaptés à la situation mahoraise par la conception de la construction et le choix des matériaux. L’amélioration de la performance énergétique, de l’accessibilité ou de la sécurité de la construction ou de l’installation, peut excéder par une diminution ou une augmentation de 5 % du gabarit initial, sans toutefois pouvoir excéder 20 % du gabarit initial.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Nous en sommes tous conscients, il est urgent de reconstruire les bâtiments détruits à Mayotte ; c’est l’enjeu même du présent texte. Il n’en faut pas moins faire preuve de vigilance, car il convient d’assurer la durabilité des édifices.
En ce sens, nous entendons promouvoir les matériaux écologiques et énergétiquement performants face aux conditions climatiques et météorologiques de l’île, qui ont été rappelées par de précédents orateurs. Sans prévoir de mesure contraignante, nous tenons à insister sur cet enjeu essentiel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Monsieur Omar Oili, l’article 6 garantit le droit à la reconstruction à l’identique, ou presque, pour les bâtiments qui ne sont pas conformes aux règles d’urbanisme en vigueur et qui ne peuvent être transformés en ce sens.
En permettant une modification de gabarit de 5 % sans aucune justification, un taux porté à 20 % sous certaines conditions, cet article est déjà bien plus permissif que le droit en vigueur.
Il ne me semble pas opportun d’étendre davantage les possibilités de modification : procéder ainsi reviendrait à dénier toute valeur aux règles d’urbanisme en vigueur, alors même que les intercommunalités mahoraises sont presque toutes engagées dans l’élaboration de plans locaux d’urbanisme (PLU).
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 104 rectifié bis.
Monsieur Piednoir, je comprends bien l’objet de votre amendement…
M. Stéphane Piednoir. Alors, votons-le !
Mme Micheline Jacques, rapporteur. … et je soutiendrai naturellement, à long terme, l’application à Mayotte de standards de construction adaptés aux caractéristiques locales.
Comme vous le soulignez, il s’agit aussi d’un moyen de lutter, dans ce territoire, contre les effets du dérèglement climatique. J’observe d’ailleurs une nouvelle fois que les bâtiments construits en briques, selon les techniques traditionnelles, ont très bien résisté au cyclone.
Toutefois, les standards que vous évoquez n’existent pas pour l’instant, en tout cas pas dans les textes normatifs. Les dispositions de votre amendement sont donc inapplicables.
En outre, nous parlons de reconstruction d’urgence : nombre de Mahorais restent sans toit au-dessus de leur tête. Ils doivent pouvoir faire vite, sans pour autant faire mal, et avec ce qu’ils ont – je rappelle que, sur l’île, l’accès aux matériaux de construction est particulièrement difficile.
Toute mesure susceptible d’entraver ces chantiers urgents doit pour l’instant être évitée. La commission émet donc, malheureusement, un avis défavorable sur l’amendement n° 31 rectifié bis également.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. On parle de reconstruire à l’identique. Mais de quoi s’agit-il ? Dans notre territoire, la reconstruction à l’identique reste somme toute théorique…
J’ai longtemps été maire et président d’intercommunalité à Mayotte : nombre de particuliers déposent un permis de construire pour une maisonnette de deux pièces, qu’ils agrandissent bientôt en toute discrétion pour en faire une maison de cinq pièces. Quelle base faut-il retenir pour mener cette « reconstruction à l’identique » : le permis de construire déposé ou la maison réellement bâtie ?
Certains édifices n’ont plus de toit ; d’autres sont entièrement détruits… Dans le cas que je citais, si l’on ne retient que deux pièces, que fera-t-on des extensions ? Personne ne comprendra de telles mesures. On criera même à l’injustice.
J’y insiste : si nous ne tenons pas compte de la culture mahoraise, nous allons droit aux difficultés. C’est précisément pourquoi je maintiens mon amendement.
Si nous maintenons ce taux à 5 %, nous constaterons dans un an que les conditions de vie des Mahorais n’ont en rien été améliorées.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Mon cher collègue, ce sujet mérite à l’évidence quelques précisions supplémentaires.
Certains bâtiments de Mayotte sont construits en dur : ils ont perdu leur toit, mais – j’ai pu le constater sur place – leurs murs, eux, ont tenu. Il suffit d’en reconstruire la toiture, évidemment de manière plus solide, pour qu’ils puissent résister à un autre événement cyclonique.
À l’inverse, d’autres bâtiments ont été rasés : ils devront faire l’objet d’une autorisation d’urbanisme pour être reconstruits.
Il faut bien faire la distinction entre les réparations mineures, qui peuvent être vite effectuées, et la reconstruction intégrale de bâtiments effondrés. Il va sans dire que l’on ne laissera pas qui que ce soit reconstruire n’importe comment.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ce droit à la reconstruction et réfection s’exerce dans le cadre de la protection des sites classés et ne peut s’exercer dès lors que le terrain est situé dans le périmètre des sites et paysages remarquables, au sens de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme, de zones humides, au sens de l’article R. 211-108 du code de l’environnement, ou de zones naturelles, agricoles ou forestières au sens de l’article L. 151-11 du code de l’urbanisme.
La parole est à Mme Antoinette Guhl.
Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à prendre en compte la biodiversité et le patrimoine naturel pour l’ensemble des travaux de reconstruction de l’île.
Les espaces naturels et agricoles de Mayotte représentent près de 90 % de la superficie de l’archipel. Or les projets de reconstruction risquent d’y être menés au détriment des milieux naturels protégés. Ces derniers doivent faire l’objet d’une vigilance toute particulière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. L’article 6 part du principe suivant : il faut autoriser la reconstruction même si le bâtiment considéré ne respecte pas les règles d’urbanisme en vigueur, y compris s’il se trouve dans des zones devenues inconstructibles. On peut penser, notamment, à certaines zones naturelles, agricoles ou forestières.
C’est tout l’intérêt d’une telle dérogation. Les seules restrictions prévues ont trait aux règles relatives à la gestion des risques.
Ma chère collègue, vous avez beaucoup insisté sur le rôle des maires et, plus largement, des élus locaux : ces derniers sont à l’évidence les mieux à même de déterminer ce qui peut être fait en pratique. Il convient de leur laisser la main. On ne saurait prendre de telles décisions à 8 000 kilomètres de distance. Les élus locaux de Mayotte sont pleinement à même de déterminer où les reconstructions doivent être autorisées.
La commission émet, en conséquence, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 103 rectifié, présenté par M. Fagnen, Mmes Artigalas et Bélim, M. Omar Oili, Mme Le Houerou, MM. Roiron et Kanner, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter l’article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Les propriétaires privés bénéficient, sous condition de ressources, de l’intervention d’un architecte commis d’office, chargé d’une mission de conception et de suivi des travaux de reconstruction de leurs logements dégradés ou détruits, ainsi que d’une mission d’assistance aux opérations de réception.
Les architectes commis d’office sont inscrits sur une liste spéciale gérée par l’ordre des architectes. Les critères de sélection, dont figure obligatoirement l’inscription au tableau de l’ordre des architectes, les règles de leur désignation et les modalités de leur rémunération sont définies par décret en Conseil d’État.
Ce même décret définit les plafonds annuels d’éligibilité des propriétaires privés à l’aide d’un architecte commis d’office.
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. De nombreux orateurs sont déjà revenus sur l’accompagnement et le soutien dont les Mahoraises et les Mahorais ont besoin au titre de la reconstruction ; c’est tout simplement une question de justice sociale.
En ce sens, notre collègue Sébastien Fagnen propose d’instaurer une mission d’architectes commis d’office. Un tel statut renforcerait l’efficacité du processus de reconstruction, en garantissant l’appui et les conseils d’un architecte à tous les propriétaires sinistrés, y compris ceux qui sont dépourvus des ressources suffisantes.
L’objectif est bien d’aider les Mahorais à évaluer les travaux nécessaires, de les inciter à régulariser leurs constructions au regard des règles d’urbanisme – M. Omar Oili a insisté sur ce point – et de mieux prendre en compte les contraintes cycloniques et sismiques. En parallèle, les habitants de l’île doivent être mieux orientés vers les aides disponibles.
Des professionnels reconnus pour leur connaissance de l’écosystème local de l’habitat garantiraient une approche adaptée aux modes et au cadre de vie des Mahoraises et des Mahorais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Mon cher collègue, si votre amendement a simplement pour objet d’établir une liste d’architectes qui s’engagent à répondre aux demandes qui leur sont adressées, ses dispositions sont, à mon sens, d’ordre organisationnel. L’ordre des architectes de Mayotte peut tout à fait établir cette liste sans que l’on passe par la loi.
De plus, la mission de conseil gratuit en matière d’urbanisme et de construction est précisément celle des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). Une telle structure existe à Mayotte : à mon sens, mieux vaut la renforcer que la concurrencer.
Enfin, n’oublions pas la fondation Architectes de l’urgence, qui est prête à venir en renfort.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Madame le rapporteur, j’entends bien vos propos. Je signale toutefois que ces dispositions ont été travaillées avec le Conseil national des architectes : on ne peut pas nous soupçonner d’improvisation en la matière. Les professionnels eux-mêmes souhaitent déployer leur activité dans un cadre législatif sécurisé.
Vous évoquez le CAUE. Toutefois – M. Omar Oili me le confirmait à l’instant –, cette structure, seule, ne pourra faire face aux besoins de reconstruction.
Il faut démultiplier les acteurs susceptibles d’accompagner les Mahoraises et les Mahorais face au gigantesque effort qui les attend. Le recours aux architectes commis d’office constitue une formule parmi d’autres : pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par le Gouvernement, il faut une palette de solutions. (M. Saïd Omar Oili acquiesce.)
Nous espérons que le Sénat aura la sagesse de voter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. Je suis tout à fait d’accord avec M. Uzenat. Il n’y a pas suffisamment d’architectes à Mayotte, et il est indispensable de soutenir le travail de reconstruction.
Je le répète, 77 % de la population de l’île vit sous le seuil de pauvreté : comment des personnes si modestes iraient-elles solliciter un architecte, pour qu’il les aide à reconstruire solidement leur maison ?
J’en appelle à mon tour à la sagesse de notre assemblée : il faut à tout prix éviter la répétition de cette catastrophe en construisant des maisons solides, car nous ne sommes pas à l’abri d’un autre cyclone de la force de Chido.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Lors de mon déplacement à Mayotte, j’ai rencontré la présidente du CAUE, ainsi qu’un architecte conseil membre de cette instance.
Cette équipe accomplit déjà un travail assez considérable sur le terrain, même s’il faut effectivement la renforcer : elle a besoin, plus précisément, de quatre architectes et de vingt ingénieurs.
Je souligne que le CAUE dispose de bus, appelés à circuler dans tous les villages pour aller à la rencontre des habitants.
Ce travail, engagé avant le cyclone Chido, est déjà mis en œuvre. Il doit bien entendu être poursuivi, mais les différents rouages de cette organisation existent d’ores et déjà.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Monsieur le sénateur Omar Oili, je suis partisan du bon sens, comme vous, comme nous tous.
M. Grégory Blanc. Pas sûr ! (Sourires.)
M. Manuel Valls, ministre d’État. Sur place, un certain nombre d’architectes-conseils de l’État sont mis à la disposition des services déconcentrés. Ils peuvent accompagner la reconstruction. En outre, plusieurs architectes travaillent déjà sur place avec les communes, les différents acteurs publics et leurs opérateurs.
Vous connaissez mieux que moi les réalités locales, mais l’on ne saurait laisser qui que ce soit croire que Mayotte est un désert et que rien ne s’y fait…
Malgré les difficultés, il y a des projets à Mayotte ; il y a des urbanistes ; il y a des architectes au service des communes. Ceux qui travaillent pour les acteurs publics et leurs opérateurs peuvent également venir à l’appui des travaux de construction. C’est le cas des équipes du conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement.
En outre, pour aider les Mahorais à reconstruire leurs habitations, je présenterai dans la suite du débat un aménagement du prêt à taux zéro (PTZ). Ce dispositif permettra de financer les frais de recours à une maîtrise d’ouvrage déléguée, en cas d’autoconstruction ou d’autorénovation.
Grâce à ces différents outils, nous pourrons répondre à la préoccupation tout à fait légitime que vous exprimez.
M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 6 bis A
Par dérogation au cinquième alinéa de l’article L. 48 du code des postes et des communications électroniques, le délai minimal laissé aux propriétaires ou, en cas de copropriété, au syndicat représenté par le syndic, pour présenter leurs observations sur les projets de mise en œuvre d’une servitude sur les propriétés privées situées à Mayotte est réduit à un mois à compter de la notification des motifs qui justifient l’institution de la servitude et le choix de son emplacement.
M. le président. L’amendement n° 164, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
notification
par les mots :
date à laquelle ils ont été informés
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 6 bis A, modifié.
(L’article 6 bis A est adopté.)
Article 6 bis B
I. – À titre exceptionnel, par dérogation au premier alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, l’implantation à Mayotte d’installations radioélectriques peut être autorisée en discontinuité avec les agglomérations et villages existants par le représentant de l’État dans le département, sous réserve des conditions cumulatives suivantes :
1° Être localisées à la distance la plus éloignée possible de la limite haute du rivage, compte tenu des difficultés techniques et de la configuration géographique des lieux, et, en tout état de cause, au-delà des espaces proches du rivage et d’une bande de cent mètres de la limite haute du rivage ;
2° Démontrer que la localisation de ces installations en discontinuité de l’urbanisation répond à une nécessité technique dûment justifiée ou à un besoin de fourniture au public d’un service mobile de communications électroniques ;
3° Démontrer que ces installations ne sont pas de nature à porter une atteinte significative à l’environnement et aux paysages au regard de la topographie du secteur et des infrastructures de raccordement.
Sur les installations mentionnées au premier alinéa du présent I, les opérateurs recourent à une solution de partage de site ou de pylône dans les conditions prévues par les autorisations d’utilisation des fréquences radioélectriques qui leur sont attribuées.
II. – Par dérogation au second alinéa de l’article 5 de la présente loi, le présent article est applicable jusqu’au 31 décembre 2026.
M. le président. L’amendement n° 108 rectifié, présenté par Mme Artigalas, M. Fagnen, Mmes Bélim et Le Houerou, MM. Roiron, Omar Oili et Kanner, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
département
insérer les mots :
, après information préalable du maire de la commune d’implantation au plus tard le jour du dépôt de la demande d’autorisation
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. En vertu de cet article, le représentant de l’État peut autoriser, à titre dérogatoire et temporaire, l’implantation d’installations radioélectriques en discontinuité des agglomérations et villages existants.
Une telle mesure doit être justifiée, notamment, par le besoin de couvrir la population en services de téléphonie mobile. Il s’agit là d’un enjeu persistant.
Pour notre part, nous proposons a minima l’information préalable du maire de la commune d’implantation, au plus tard le jour du dépôt de la demande d’autorisation. C’est le cas pour toute dérogation applicable à la construction d’un équipement public. Selon nous, une telle mesure relève également du bon sens, monsieur le ministre d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. L’adoption de cet amendement aurait pour effet d’annuler les mesures de simplification figurant au présent article.
À titre dérogatoire et temporaire, les procédures préalables d’information des élus locaux peuvent être suspendues, surtout lorsqu’il s’agit de reconstruire des antennes relais dont l’implantation a déjà fait l’objet d’une procédure préalable d’information.
Dès lors, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 6 bis B.
(L’article est adopté.)
Article 6 bis
I. – Pendant une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, les dispositions du premier alinéa du B du II de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques sont suspendues à Mayotte pour toute reconstruction ou réfection, à l’identique ou avec les adaptations ou les améliorations nécessaires, des installations radioélectriques dégradées ou détruites soumises à l’accord ou à l’avis de l’Agence nationale des fréquences.
II. – Par dérogation à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 47 du code des postes et des communications électroniques et pour une période de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’autorité mentionnée au troisième alinéa du même article L. 47 se prononce dans un délai de deux semaines à compter de leur réception sur les demandes de permission de voirie ayant pour objet l’implantation à Mayotte à titre temporaire d’installations de communications électroniques ou la réalisation des interventions nécessaires à la continuité du fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques du territoire. Le silence gardé par l’autorité à l’expiration de ce délai vaut accord.
Les permissions de voirie délivrées sur le fondement du présent article précisent que leur octroi est soumis à un régime dérogatoire.
III. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 165, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
sont suspendues
par les mots :
ne sont pas applicables
et le mot :
améliorations
par le mot :
modifications
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Les Mahoraises et les Mahorais doivent retrouver des infrastructures qui leur permettent de se loger, de circuler, de boire, mais aussi de communiquer.
L’article 6 bis est essentiel à la concrétisation rapide de cette ambition. À l’évidence, il convient de faciliter l’installation de nouveaux réseaux de télécommunications en lieu et place des infrastructures détruites par le cyclone.
À cet égard, l’attitude du Gouvernement, notamment du Premier ministre, ne laisse pas de m’étonner : on a préféré solliciter Starlink, donc Elon Musk, plutôt que l’opérateur historique français.
Ce choix trahit une grave méconnaissance de la situation de Mayotte. Face à l’urgence, il est indispensable de s’appuyer sur celles et ceux qui connaissent le mieux les réalités locales. Je pense tout particulièrement au risque cyclonique.
Le même constat vaut pour les travaux de réparation et de reconstruction.
Nous examinons ce projet de loi d’urgence sans que les pouvoirs publics locaux aient été associés à la moindre concertation. Avec l’article 6 bis, on part en somme du principe « qui ne dit mot consent »… Or une telle logique ne nous paraît absolument pas souhaitable.
L’ampleur des moyens déployés sera à la hauteur des dégâts causés – je rappelle que trois quarts des bâtiments de l’île ont été touchés par le cyclone. Il est indispensable de mobiliser un nombre suffisant d’agents, fonctionnaires territoriaux comme fonctionnaires de l’État, pour instruire dans les meilleurs délais les demandes d’autorisation d’urbanisme.
Loin de prendre acte des difficultés constatées en pratique, la loi doit déterminer les moyens à mettre en œuvre pour mener à bien la reconstruction.
Pour notre part, nous proposons simplement de supprimer la mention selon laquelle « le silence gardé par l’autorité […] vaut accord ». Un tel silence ne serait en effet que le symptôme d’une surcharge sans précédent de travail administratif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. L’urgence de la reconstruction des réseaux de télécommunications, les besoins de connectivité de la population mahoraise et l’impératif de continuité du service justifient, au contraire, de telles mesures de simplification et d’accélération.
J’ajoute que ces dispositions demeurent temporaires et dérogatoires.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Les infrastructures de télécommunications sont un véritable enjeu à Mayotte. À ce titre, nous devons déployer les moyens nécessaires pour atteindre certains objectifs à moyen et long terme – je pense notamment à la 5G. Les élus mahorais connaissent particulièrement bien ce sujet, dont nous avons tous mesuré l’importance sur le terrain.
Que ce soit à l’Assemblée nationale ou en commission au Sénat, j’ai déjà eu l’occasion de répondre aux questions relatives à Starlink.
L’opérateur Orange n’était pas en mesure, et je le déplore, de faire face à l’urgence de la situation. Il fallait notamment que les Mahorais puissent communiquer au plus vite avec leurs proches, en particulier avec leurs familles, comme avec les différents services publics.
Voilà pourquoi nous avons décidé d’installer des antennes Starlink, pour une somme par ailleurs modique, dans chaque ville, notamment dans les mairies. Cette mesure a aussitôt produit ses effets.
Je regrette que l’on n’ait pu trouver une autre solution, mais c’est ainsi. Il ne s’agissait pas de privilégier qui que ce soit ; nous avons simplement retenu la solution la plus rapide. Au passage, cette affaire en dit long du défi posé à nos propres opérateurs.
Les grands opérateurs auront évidemment toute leur place dans la reconstruction du réseau.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, vous affirmez que l’opérateur Orange n’était pas en capacité de fournir le même service que Starlink. Pourtant, le directeur des affaires publiques et le PDG d’Orange disent exactement le contraire !
En dix jours, la couverture réseau de leur groupe est passée de 25 % à 75 %. Ils affirment que, s’ils avaient disposé de quatre générateurs supplémentaires, ce taux aurait atteint 85 %, puis la totalité du réseau mobile en un mois. Il y a donc eu un choix politique de privilégier Starlink. (M. le ministre d’État s’esclaffe.) Ne riez pas, monsieur le ministre : les intéressés l’affirment eux-mêmes en posant la question de la rationalité économique et de la souveraineté numérique.
On ne peut, d’un côté, entendre le Président de la République qualifier l’alliance d’Elon Musk et Donald Trump d’internationale réactionnaire, et, de l’autre, voir confier notre souveraineté numérique à Elon Musk. Cela pose problème !
Mme Valérie Boyer. Eh oui !
M. Fabien Gay. Si l’opérateur historique Orange n’avait pas été en capacité d’agir, nous aurions pu avoir ce débat. Cependant, sa direction déclare précisément le contraire de ce que vous avez affirmé, monsieur le ministre, en commission comme dans cet hémicycle.
Sans parler de mensonge, des propos en décalage avec la réalité ont été tenus… Avec quatre générateurs supplémentaires, Orange aurait-il été en mesure de rétablir le réseau ? Nous nous interrogeons sur le choix politique qui a été fait.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Au vu de l’urgence, seul Starlink pouvait intervenir, grâce à sa technologie satellitaire. D’ailleurs, si l’on peut critiquer ce qui se passe aux États-Unis, le sujet principal reste celui de la capacité technologique des Français et des Européens. (M. Fabien Gay acquiesce.)
Nous avons ainsi connecté des services essentiels, comme l’hôpital et le service départemental d’incendie et de secours (Sdis), tout en sortant la population de l’isolement, grâce à la proximité des antennes.
Je le répète : il s’agissait d’une solution d’urgence, et non d’un choix…
M. Fabien Gay. D’un choix politique !
M. Fabien Gay. N’en faites pas trop !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je n’en fais pas plus que vous ! (Sourires.)
Certes, le réseau d’Orange est monté en puissance, même si je vous invite à la prudence quant à l’exactitude des pourcentages.
M. Fabien Gay. Je viens de les vérifier ! (L’orateur brandit son téléphone.)
M. Manuel Valls, ministre d’État. Orange a pu accélérer, parce que son réseau est bien plus étroit.
Toutefois, l’art de la synthèse, que j’ai appris auprès de François Hollande (Sourires.), nous permettra d’être d’accord sur ce point : l’avenir, c’est la fibre et la 5G, non Starlink.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 51 rectifié est présenté par Mmes Loisier et Billon, M. Folliot, Mmes Gacquerre et Guidez, M. Henno, Mmes Housseau, Jacquemet et Perrot, M. Pillefer et Mmes Romagny et Sollogoub.
L’amendement n° 155 rectifié est présenté par M. Chaize, Mme Jacques, M. Mandelli, Mmes V. Boyer et Petrus, M. Burgoa, Mmes Belrhiti et Evren, MM. J.P. Vogel, Daubresse, Saury, P. Vidal, Piednoir et Sol, Mme Di Folco, M. Lefèvre, Mmes Gosselin et Dumont, M. C. Vial, Mmes Imbert, F. Gerbaud, Lopez et Josende, M. J. B. Blanc, Mme Lassarade et MM. Chatillon, Bruyen, Milon et Bouchet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. – Pendant une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, par dérogation à l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, les décisions d’urbanisme autorisant ou ne s’opposant pas à l’implantation à Mayotte d’antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d’accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées.
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 51 rectifié.
Mme Annick Billon. Cet amendement vise à rétablir une disposition, supprimée en commission, sur l’établissement d’antennes de téléphonie mobile, qui faisait référence à la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan.
Le délai moyen de déploiement d’un site mobile est de vingt-quatre mois. Ainsi, notre proposition a pour objet de permettre aux opérateurs, pendant une durée limitée à deux ans, de ne pas attendre l’expiration du délai de trois mois. Nous entendons ainsi accélérer la reconstruction des antennes.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 155 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il y a quelques mois, le Sénat votait à la quasi-unanimité la suppression d’une telle disposition du projet de loi de simplification de la vie économique. Cette mesure n’est toujours pas justifiée, même compte tenu de la situation à Mayotte.
Il convient de prendre du recul par rapport au discours des opérateurs de télécom : le code de l’urbanisme ne confère pas aux maires un droit de veto leur permettant de retirer, du jour au lendemain, des décisions d’urbanisme dans un délai de trois mois. En effet, ceux-ci ne peuvent le faire que si la décision d’autorisation est illégale.
Autrement dit, maintenir cette faculté est du bon sens, d’autant que les maires ne seraient ainsi pas exclus de toutes les procédures. C’est d’ailleurs une demande du terrain.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je constate une opposition frontale entre le Gouvernement et Mme le rapporteur, dont je relève d’ailleurs qu’elle a cosigné l’amendement n° 155 rectifié… (Sourires.)
Plus sérieusement, ces deux amendements identiques tendent à rétablir l’interdiction temporaire pour le maire de retirer des décisions d’urbanisme relatives à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie sur le territoire mahorais.
Ils sont donc cohérents avec les règles dérogatoires du droit de l’urbanisme comprises dans ce projet de loi, qui visent à reconstruire et à densifier, dans les plus brefs délais, le réseau mobile de Mayotte, répondant ainsi aux besoins de la population.
La simplification des procédures applicables aux télécoms tend en particulier à éviter aux porteurs de projets d’attendre l’expiration du délai de trois mois avant le démarrage des travaux au cours duquel peut avoir lieu le retrait de l’autorisation.
Ainsi, ces amendements tendent à s’inscrire dans la nécessité de réduire les délais de reconstruction des antennes de téléphonie à Mayotte, dans le prolongement du plan Mayotte debout annoncé par le Premier ministre.
J’émets donc un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je maintiendrai cet amendement d’Anne-Catherine Loisier. J’ai bien noté, tout comme vous, monsieur le ministre, que Mme le rapporteur était la deuxième signataire du second amendement, qu’elle aurait donc pu défendre, avant d’émettre un avis défavorable au nom de la commission…
Cette disposition exceptionnelle et limitée dans le temps répond à une situation exceptionnelle d’urgence pour Mayotte. Dans cet hémicycle et en commission, nous parlons souvent de simplification. C’est précisément ce que nous vous proposons !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 rectifié et 155 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 6 bis, modifié.
(L’article 6 bis est adopté.)
Article 6 ter
I. – Par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 323-3 du code de l’énergie, pour la reconstruction ou la réfection, à l’identique ou avec des adaptations ou des modifications justifiées par un objectif d’intérêt général, des ouvrages des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité dégradés ou détruits à Mayotte, l’autorité administrative peut soumettre le projet à la procédure de participation du public par voie électronique en lieu et place de l’enquête publique ou de la consultation du public, sous réserve que les travaux envisagés ne donnent pas lieu à expropriation.
II. – Par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 115-1 du code de la voirie routière, les travaux mentionnés au I du présent article peuvent être entrepris dans un délai de dix jours à compter du dépôt de la demande de travaux, sauf opposition dans ce délai du maire ou du représentant de l’État en charge de la voirie concernée.
III (nouveau). – Par dérogation aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 323-11 du code de l’énergie, les avis sur l’exécution des travaux mentionnés au I du présent article des maires des communes ou des gestionnaires des domaines publics sur le territoire ou l’emprise desquels les ouvrages sont implantés sont réputés favorables s’ils ne sont pas rendus dans un délai de dix jours. Ces avis ne sont pas requis lorsque ces travaux portent sur une reconstruction ou une réfection à l’identique, en urgence ou sur un branchement en basse tension.
IV (nouveau). – Le I est applicable à compter du 1er juillet 2025. Les I à III sont applicables pendant une durée de deux ans à compter de la date de promulgation de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi d’un amendement et d’un sous-amendement.
L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme Malet, MM. Joyandet et Burgoa, Mmes Belrhiti, Muller-Bronn, Petrus et Evren, MM. Bouchet, Rietmann, Perrin, Milon, H. Leroy, Bruyen et Chaize, Mmes Lassarade, Imbert, F. Gerbaud, Lopez, Deseyne et P. Martin, MM. Saury, Panunzi, Piednoir et Mandelli, Mmes Gosselin et Di Folco et MM. C. Vial et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Par dérogation à l’article L. 323-3 du code de l’énergie, la reconstruction ou la réfection, à l’identique ou avec des adaptations justifiées par un objectif d’intérêt général, des ouvrages de distribution d’électricité dégradés ou détruits, est autorisée sur la propriété privée et le domaine privé, au droit des servitudes existantes, nonobstant toute disposition législative contraire. Le gestionnaire de réseau procède à l’affichage de la réalisation des travaux sans délai, de manière visible, sur le terrain concerné. Le propriétaire peut demander au gestionnaire de réseau la signature d’une convention de servitude dans le délai de trois ans suivant la publication de cette loi.
La parole est à Mme Viviane Malet.
Mme Viviane Malet. Pour la reconstruction du réseau électrique, l’article 6 ter instaure une procédure allégée relative aux enquêtes publiques ou à la consultation du public. Celle-ci ne concerne que les ouvrages de transport d’électricité, c’est-à-dire relevant de la très haute tension, à savoir la catégorie haute tension B (HTB).
Or, à Mayotte, les besoins de construction portent sur des ouvrages de distribution d’électricité, relevant des catégories basse tension (BT) et haute tension A (HTA).
C’est pourquoi nous ciblons ici ces ouvrages de distribution d’électricité détruits, en particulier lorsque le gestionnaire de réseau n’arrive pas à identifier les propriétaires des terrains concernés dans un délai compatible avec une reconstruction rapide.
Bien entendu, cette procédure n’a pas pour objet d’exproprier lesdits propriétaires, mais vise simplement à reconstruire les ouvrages conformément aux servitudes préexistantes. Les propriétaires ne sont pas dépossédés de leur droit de propriété et conservent le droit de construire, de se clore ou de bâtir conformément à l’article L. 323-6 du code de l’énergie.
M. le président. Le sous-amendement n° 162, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 29
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
au droit des servitudes existantes, nonobstant toute disposition législative contraire
par les mots :
sous réserve que les travaux envisagés ne donnent pas lieu à expropriation ou à l’établissement de nouvelles servitudes administratives
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 29 rectifié sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement qui se justifie par son objet même.
Il s’agit, au travers d’une modification rédactionnelle, de rendre le dispositif plus robuste juridiquement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Premièrement, l’adoption de l’amendement n° 29 reviendrait sur les travaux de notre commission. Nous avons dégagé un équilibre entre la nécessaire accélération des travaux de reconstruction et de réfection des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité, d’une part, et la préservation des droits des propriétaires et du pouvoir des maires, d’autre part. Lors de mes auditions et de mon déplacement à Mayotte, les élus locaux m’en ont bien rappelé l’importance.
C’est la raison pour laquelle notre commission préfère une évaluation au cas par cas de l’utilité publique associée à une courte consultation des maires n’excédant pas dix jours, plutôt qu’une inscription directe dans la loi.
Je rappelle, en outre, que le Sénat a toujours privilégié l’évaluation au cas par cas de l’utilité publique.
Ce fut le cas, encore récemment, pour les réacteurs nucléaires, les installations renouvelables et leurs ouvrages de raccordement, lors de l’examen de la loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, ainsi que de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite Aper.
Deuxièmement, cette disposition risque d’entraîner de lourds effets de bord, au point de mettre en question sa constitutionnalité. Ainsi, la version initiale de l’amendement n° 29 n’exclut pas les travaux faisant l’objet d’une procédure d’expropriation, contrairement aux rédactions retenues par le Sénat comme par l’Assemblée nationale. Ce n’est pas admissible au regard du droit de propriété.
En outre, même sous-amendé, cet amendement tendrait à supprimer toute enquête publique, consultation ou étude d’impact, sans y substituer une participation du public par voie électronique. Ce n’est pas souhaitable, compte tenu des principes de participation du public et d’évaluation environnementale.
Par ailleurs, les références aux modalités d’affichage et aux stipulations contractuelles relèvent, de toute évidence, du domaine réglementaire. Elles sont donc contraires à l’article 41 de la Constitution.
Troisièmement, et enfin, l’objectif est en réalité déjà largement atteint, puisque les réseaux publics de distribution d’électricité sont d’ores et déjà mentionnés, aux côtés des réseaux de transport, qu’il s’agisse de la participation du public par voie électronique ou de l’avis sur les permis de voirie et l’exécution des travaux.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement et de ce sous-amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 64, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Lorsqu’elles concernent des routes nationales ou des autoroutes, les travaux de réfection de voirie intègrent la création d’une voie dédiée à la circulation de transports collectifs.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Mes chers collègues, gouverner, c’est prévoir ! Cet amendement vise à encourager l’utilisation des transports en commun à Mayotte, où ils sont aujourd’hui inexistants.
Pour anticiper et répondre à ce besoin de service public, des voies de circulation dédiées, notamment aux bus, seront nécessaires. Le réseau routier de Mayotte se compose de 90 kilomètres de routes nationales, de 140 kilomètres de routes départementales et de 400 kilomètres de voirie communale. Nous proposons de mettre à profit la réfection des routes, notamment nationales, pour créer ces voies.
À Mayotte, le taux de chômage atteint 37 %, alors que 55 % de la population ont moins de 20 ans. Or l’accès au travail dépend aussi de la capacité des personnes à se déplacer.
L’objectif est donc de rendre les transports en commun plus attractifs et plus collectifs, afin de réduire leur coût et leurs émissions de CO2. En effet, le premier et unique mode de transport public sur les routes mahoraises est le taxi, dont nous connaissons le prix. Ce n’est évidemment pas viable.
Nous proposons donc de conduire une politique de développement adossée à ce projet de loi d’urgence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement est inopportun. Il tend à limiter le pouvoir du maire en matière de permis de voirie, ce qui est contraire aux travaux de notre commission. En effet, nous avons préféré réintroduire une courte consultation des maires sur ces permis n’excédant pas dix jours.
Plus encore, son adoption ne répondrait pas aux besoins des élus mahorais que j’ai auditionnés ou rencontrés au cours de mon déplacement à Mayotte. Ainsi, aucun d’entre eux n’a demandé à prévoir, a fortiori de manière obligatoire et uniforme, des voies dédiées à la circulation des transports collectifs.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 163, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et jusqu’à deux ans après la date de promulgation de la présente loi
2° Seconde phrase
Remplacer les références :
I à III
par les références :
II et III
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 6 ter, modifié.
(L’article 6 ter est adopté.)
Article 6 quater
(Supprimé)
Article 7
I. – Par dérogation à l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme, la reconstruction ou la réfection strictement à l’identique fait l’objet d’une simple déclaration à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés. La déclaration mentionne l’emplacement du projet. Une copie de la déclaration est transmise par le maire au représentant de l’État dans le département qui en accuse réception. Un récépissé de la déclaration est fourni au déclarant.
Lorsque la reconstruction ou la réfection comporte des adaptations ou des modifications, même minimes, ou en cas de changement de destination, la demande d’autorisation d’urbanisme ou la déclaration préalable précise que le projet est soumis au régime dérogatoire prévu au présent chapitre.
Le cas échéant, les adaptations et les améliorations qu’il est envisagé d’apporter à la construction initiale font l’objet d’une motivation spécifique dans la demande d’autorisation d’urbanisme.
II. – L’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme procède, dans les meilleurs délais et pendant toute la durée de l’instruction, à l’affichage en mairie et à la publication par voie électronique sur le site internet de la commune d’un avis de dépôt de demande de permis ou de déclaration préalable précisant les caractéristiques essentielles du projet. Le récépissé de dépôt de la demande est affiché sans délai sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, pendant toute la durée de l’instruction, par les soins du demandeur.
III. – Le délai d’instruction de la demande de permis de construire, d’aménager ou de démolir est d’un mois. Celui de la déclaration préalable est de quinze jours.
IV. – Lorsque la décision relève de l’État, le maire transmet sans délai le dossier au représentant de l’État dans le département.
V. – L’autorité compétente dispose d’un délai de cinq jours à compter de la réception du dossier pour notifier au demandeur, le cas échéant, que son dossier est incomplet, en lui indiquant les pièces et les informations manquantes.
VI. – Lorsque la délivrance de l’autorisation d’urbanisme est subordonnée au recueil préalable de l’avis, de l’accord ou de l’autorisation d’un organisme ou d’une autorité administrative, l’autorité compétente lui transmet un exemplaire du dossier dans un délai de cinq jours à compter de sa réception.
VII. – Les majorations ou les prolongations du délai d’instruction de la demande d’urbanisme découlant de l’application de règles de délivrance prévues par d’autres législations que celle de l’urbanisme sont limitées à quinze jours à compter de la réception du dossier par l’organisme ou l’autorité administrative concernés.
La majoration ou la prolongation du délai d’instruction est notifiée sans délai au demandeur.
VIII. – Lorsque la réalisation des travaux est subordonnée à l’accomplissement préalable d’une procédure de participation du public selon les modalités prévues à l’article L. 123-19 du code de l’environnement, la majoration du délai d’instruction est limitée à quarante-cinq jours.
Les avis, accords ou autorisations requis sont adressés à l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme dans un délai de quinze jours à compter de la réception du dossier. Nonobstant toute disposition contraire, le silence gardé passé ce délai vaut, selon le cas, avis favorable ou accord tacite. L’autorité compétente peut instruire conjointement les dossiers dans le cadre de conventions avec ses homologues d’autres collectivités territoriales métropolitaines ou ultramarines.
Lorsque ces avis, accords ou autorisations sont émis par un organisme collégial, celui-ci statue dans un délai de quinze jours à compter de la réception du dossier et par tout moyen assurant l’identification des participants et le respect de la confidentialité des débats vis-à-vis des tiers, nonobstant toute disposition particulière le régissant.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, sur l’article.
M. Akli Mellouli. Monsieur le ministre, je souhaite vous entendre sur la mobilisation et le renfort des services de l’État pour hâter la reconstruction.
En ce qui concerne l’accélération de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme pour la reconstruction ou la réfection, l’examen minutieux d’une demande d’autorisation d’urbanisme reste nécessaire, notamment pour en examiner la salubrité du projet.
En raison de la surcharge des services instructeurs à Mayotte, la mobilisation des services déconcentrés de l’État est un impératif. Elle pourrait se traduire par une assistance juridique et technique ponctuelle à l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme ou des déclarations préalables pour la reconstruction, notamment, des infrastructures agricoles et des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité ou de télécommunications.
Une convention entre l’État et la collectivité territoriale pourrait définir l’étendue et les modalités de cette mise à disposition des services déconcentrés.
Face à l’urgence de la reconstruction, monsieur le ministre, comment diminuerez-vous l’engorgement des services instructeurs à Mayotte, déjà structurellement sous-dimensionnés ? Comment le soutien de l’État se manifestera-t-il ?
M. le président. L’amendement n° 168, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, première phrase
1° Remplacer la référence :
L. 421-1
par la référence :
L. 421-4
2° Remplacer le mot :
fait
par les mots :
des constructions, aménagements et installations mentionnés au même article, et qui remplissent les conditions fixées à l’article 5 de la présente loi, font
II. – Alinéa 2 :
Après le mot :
réfection
insérer les mots :
de ces constructions, aménagements ou installations
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Afin d’accélérer les travaux de remise en état des bâtiments et installations dégradés par le cyclone Chido, la commission des affaires économiques a ouvert la possibilité, pour les reconstructions ou réfections strictement à l’identique, de remplacer la demande d’autorisation d’urbanisme ou la déclaration préalable par une simple déclaration en mairie.
L’objectif est de faciliter et accélérer les travaux de réfection d’ampleur limitée, notamment la remise en état des toitures et des vitrages.
Afin de cibler plus précisément ces types de travaux, mon amendement tend à restreindre le champ des dossiers bénéficiant de cette procédure très simplifiée à ceux qui font normalement l’objet d’une déclaration préalable. Sont ainsi exclues, entre autres, les modifications de structures porteuses, dont il est justifié qu’elles fassent l’objet d’un permis de construire, compte tenu de leur ampleur et du risque plus fort d’atteinte à la sécurité des personnes en cas de travaux non conformes à la réglementation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 167, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
1° Remplacer le mot :
améliorations
par le mot :
modifications
2° Après le mot :
construction
insérer les mots :
ou à l’installation
II. – Alinéa 12
Au début, insérer la référence :
IX. –
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 75, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Lors du dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, il est transmis au pétitionnaire un document d’information sur les travaux de la commission d’urgence foncière, l’invitant à vérifier la validité du titre de propriété de la ou des parcelles objet de sa demande.
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. À Mayotte, l’établissement d’un lien juridique certain entre un bien immobilier et une personne se révèle souvent délicat. Telle est la raison de la création du groupement d’intérêt public-commission d’urgence foncière (GIP-CUF), chargé de collecter et analyser les éléments nécessaires à la reconstitution du titre de propriété.
Cependant, cet acteur est mal connu. Aussi le Gouvernement propose-t-il, à la faveur du processus de reconstruction et pour accélérer les démarches de régularisation foncière, une information systématique du pétitionnaire de l’existence et des missions du GIP-CUF. Un document lui sera ainsi remis au guichet unique de la collectivité ou par voie dématérialisée.
L’adoption de cet amendement concret et pratique représenterait une aide à l’information, sujet que nous avons souvent évoqué.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cette mesure purement incitative améliorera l’information des Mahorais sur les travaux du GIP-CUF, facilitant et accélérant ces derniers. Pour autant, elle ne crée pas de lien juridique entre le droit foncier et le droit de l’urbanisme, ce qui élimine le risque d’effets de bord négatifs.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 40, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Compléter cette phase par les mots :
à compter de la réception du dossier
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. Par souci d’efficacité et parce que les Mahorais sont dans l’attente depuis deux mois, je propose une application immédiate, sans attendre de décret ou de circulaire.
Aussi convient-il de préciser que le délai d’instruction d’un mois court à compter de la réception du dossier, formule reprise du V de l’article 7 par souci d’harmonisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Dans le droit commun, le délai d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme court à compter de la réception du dossier complet. Le faire courir même lorsque le dossier n’est pas complet emporte un risque : le délai d’instruction peut expirer sans que les services instructeurs disposent de toutes les pièces nécessaires pour évaluer la demande.
En effet, le délai de droit commun laissé au pétitionnaire pour modifier son dossier est de trois mois. Cette durée n’est pas modifiée par le projet de loi que nous examinons.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. J’en profite pour répondre à la question de M. Mellouli. Pour 13 des 17 communes de Mayotte, l’État réalise déjà l’instruction. Pour autant, cela ne signifie pas que nous n’avons pas besoin de renforcer le soutien de l’État en matière d’ingénierie, ce qui vaut pour le département comme pour les communes.
L’Assemblée nationale a voté un amendement tendant à permettre aux communes mahoraises de contractualiser avec des communes présentes sur le reste du territoire national. J’en ai parlé hier avec David Lisnard, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), qui est actuellement à Mayotte. Cette démarche fait partie du soutien en ingénierie que propose l’AMF.
Enfin, les simplifications apportées par le projet de loi permettent de ne pas faire peser une charge trop lourde sur les collectivités du fait d’un trop grand nombre de dossiers.
Cependant, compte tenu de la montée en charge espérée du nombre de dossiers de reconstruction, l’aide aux collectivités devra incontestablement être renforcée. Je m’y suis engagé. D’ailleurs, bien des volontaires, du côté des collectivités comme de l’État, y sont prêts. Je vous remercie donc de votre question, qui était tout à fait pertinente.
S’agissant de cet amendement, le Gouvernement demande son retrait, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Ramia, l’amendement n° 40 est-il maintenu ?
Mme Salama Ramia. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 40 est retiré.
L’amendement n° 45, présenté par Mme Ramia, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
cinq jours
par les mots :
huit jours ouvrés
La parole est à Mme Salama Ramia.
Mme Salama Ramia. Aucune annonce budgétaire ne porte sur le renforcement des effectifs des services d’urbanisme aux échelles communale et déconcentrée.
Compte tenu du nombre de demandes, le délai de cinq jours ne pourra être tenu pour vérifier la complétude de chaque dossier déposé. Aussi est-il est proposé d’allonger ce délai à huit jours ouvrés, afin de tenir compte de la réalité du fonctionnement des services à Mayotte, même en cas de renfort des services de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Nos collègues députés ont introduit dans le texte la possibilité pour les collectivités mahoraises de passer des conventions avec d’autres communes et EPCI pour se faire aider dans l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme.
En outre, M. le ministre vient d’évoquer des renforts. En tout état de cause, ces derniers concerneront avant tout les services déconcentrés de l’État, et non les services municipaux qui reçoivent les dossiers et vérifient leur complétude. Étendre légèrement ce délai me semble justifié.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 12, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous nous opposons à l’autorisation tacite des demandes d’urbanisme.
La réduction des délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme prévue par cet article est nécessaire au vu de l’urgence.
Cependant, les besoins étant massifs, l’administration compétente dans l’étude des demandes d’urbanisme risque d’être surchargée. Dans ces conditions, il est donc probable qu’une absence de réponse dans un délai de quinze jours à compter de la réception du dossier soit le fruit non pas d’une acceptation non notifiée, mais bien d’une absence d’examen.
Or ce travail minutieux sur une demande d’autorisation d’urbanisme reste nécessaire, notamment pour vérifier les conditions de salubrité et, dans le cas particulier de Mayotte, le risque d’inondation. En effet, sur l’archipel, près de 56 000 personnes y sont exposées.
Dans ces conditions, la plus grande prudence s’impose, et une étude soignée des dossiers doit être garantie. L’efficacité et la rapidité dans les demandes d’autorisations ne peuvent se faire au prix d’une gestion expéditive, voire aléatoire. C’est à l’État de prendre toutes les dispositions pour assurer un examen des dossiers à la fois minutieux et rapide.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. L’alinéa 12 ne modifie pas la règle du « silence vaut accord », qui prévaut déjà pour les autorisations d’urbanisme. Il vise, en réalité, les accords ou autorisations préalablement nécessaires, au titre d’une autre législation, aux autorisations d’urbanisme.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 169, présenté par Mme Jacques, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation à l’article L. 181-12 du code rural et de la pêche maritime, la reconstruction ou la réfection, à l’identique ou avec des adaptations ou des modifications, dans la limite d’une augmentation de 5 % de leur gabarit initial, des constructions, aménagements ou installations nécessaires à l’exploitation agricole et forestière, ou au stockage et à l’entretien de matériel agricole, ou liés à une exploitation agricole et destinés au commerce ou à la restauration, lorsque les produits commercialisés ou consommés sont majoritairement issus de l’exploitation, ayant pour conséquence la réduction des surfaces agricoles et des surfaces forestières dans les communes disposant d’un document d’urbanisme, ou entraînant la réduction des espaces non encore urbanisés dans une commune soumise au règlement national d’urbanisme, doivent faire l’objet d’un avis simple de la commission mentionnée à l’article L. 181-10 du même code.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à lever temporairement l’avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), afin de faciliter et d’accélérer la reconstruction des bâtiments et installations agricoles mahorais détruits par le cyclone Chido.
Comme vous le savez, mes chers collègues, dans les outre-mer, l’accord de la CDPENAF est requis pour tout projet d’aménagement susceptible d’entraîner une consommation d’espace naturel, agricole ou forestier.
Il ne s’agit pas de remettre en question cette règle de manière générale, surtout dans un territoire insulaire surpeuplé, où la protection de ces espaces constitue un majeur. Cependant, l’interprétation parfois très extensive que fait la CDPENAF de la notion de consommation d’espace naturel, agricole ou forestier pourrait, dans certains cas, bloquer la reconstruction ou la réfection avec des modifications mineures des bâtiments et infrastructures agricoles, ainsi que des bâtiments directement liés à l’activité agricole.
Ainsi, nous proposons, à titre dérogatoire et pour une durée de deux ans – soit la durée de l’ensemble des mesures dérogatoires prévues au chapitre III du présent projet de loi – de supprimer l’avis conforme de la CDPENAF, au profit d’un avis simple.
Sont concernés les opérations et les travaux de reconstruction ou de réfection à l’identique ou quasi à l’identique des bâtiments et autres infrastructures agricoles, dès lors que la modification n’excède pas 5 % de leur gabarit initial.
Par nature, les reconstructions strictement à l’identique n’impliquent aucune consommation d’espace et ne sont donc pas soumises à l’avis de la CDPENAF.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le cyclone Chido a eu un impact fort sur l’agriculture mahoraise. Le secteur des récoltes, qui œuvre à la fois à la production végétale et animale, accuse ainsi une perte financière de 168 millions d’euros.
Les pertes de fonds agricoles, qui comprennent les bâtiments agricoles, le remplacement des plants et la remise en état du foncier, s’élèvent quant à elles à 75,7 millions d’euros.
Enfin, les pertes de revenus liées à la durée nécessaire pour reconstituer le potentiel agricole atteignent, selon une première estimation, un montant compris entre 132 millions et 160 millions d’euros.
J’en viens à l’amendement de la commission. La CDPENAF émet des avis sur différents documents d’urbanisme ou d’aménagement et peut être consultée sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles, agricoles ou forestières.
Je tiens à le souligner, l’avis conforme garantit la protection des terres agricoles et assure que les projets soumis à la commission présentent un véritable lien avec le développement agricole. Il agit comme un verrou ou un rempart face au déclassement ou à la disparition des terres agricoles.
Notez que la CDPENAF rend peu d’avis défavorables pour la reconstruction de bâtiments agricoles préexistants, dès lors que le professionnel déclare une activité agricole conforme et déjà connue des services de l’État.
Il me paraît essentiel de conserver de manière globale le principe d’un avis conforme pour protéger les activités agricoles. Mais, compte tenu de l’urgence, je comprends le sens de cet amendement, d’autant que la mesure proposée a un caractère temporaire, comme l’ensemble des dérogations prévues par ce texte en matière d’urbanisme, et un champ d’application limité à 5 % de l’emprise.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet sur cet amendement un avis de sagesse positive.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis d’accord avec tout ce que le ministre vient d’affirmer, mais il y a quelque chose que je ne comprends pas.
Depuis le début de nos débats, le Gouvernement et la commission invoquent le caractère d’urgence du présent texte pour faire échec à nos amendements et nous renvoient au projet de loi pour la refondation de Mayotte, qui sera sans doute présenté en mars prochain.
Or, soudain, la commission propose de déroger à l’avis conforme de la CDPENAF de façon temporaire, alors même que celui-ci agit comme un garde-fou et remplit un rôle parfaitement légitime. En se référant à une période de deux ans, elle prend le maximum de ce qu’il est possible d’envisager en matière de dérogation !
Puisque nous discutons d’un texte d’urgence, pourquoi ne pas nous borner à lever l’avis conforme pour six mois et remettre à plus tard les réflexions sur ce sujet ? Certains conçoivent l’avis conforme comme une contrainte, alors qu’il est destiné à protéger les surfaces agricoles.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe votera contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ma chère collègue, je vous ferai remarquer que, depuis le début de la soirée, nous n’avons cessé de parler d’inégalités et d’injustices.
Or il n’y a que dans les territoires ultramarins que la CDPENAF émet un avis conforme ; dans l’Hexagone, elle rend un avis simple. Dans ces conditions, où se trouve l’égalité ?
Au travers de cet amendement, la commission demande simplement que l’on fasse confiance aux agriculteurs de l’outre-mer, en particulier ceux du territoire mahorais.
Je puis vous le garantir, des agriculteurs profondément amoureux de leur métier, j’en ai rencontré ! Je suis certaine qu’ils ne voudraient pas remettre en question leur outil de travail.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
Article 8
Sans préjudice du second alinéa de l’article L. 651-3 du code de l’environnement, lorsque la délivrance de l’autorisation d’urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable nécessaire pour réaliser des travaux mentionnés à l’article 5 de la présente loi requiert une mise à la disposition du public du dossier en application du premier alinéa de l’article L. 651-3 du même code, l’autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle l’enquête est requise ou, lorsque la participation du public porte sur le projet d’une collectivité territoriale, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un des établissements publics qui leur sont rattachés, le président de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement, peut, le cas échéant, avec l’accord du ou des maires de la commune d’implantation, décider de soumettre le projet à la procédure de participation du public par voie électronique mentionnée à l’article L. 123-19 dudit code, en lieu et place de la mise à la disposition du public du dossier.
Jusqu’au 1er juillet 2025, le dossier soumis à la procédure prévue au même article L. 123-19 est mis en consultation sur support papier, aux horaires d’ouverture dans la préfecture et la mairie de la commune d’implantation du projet s’agissant des décisions des autorités de l’État, y compris des autorités administratives indépendantes et des établissements publics de l’État, ou au siège de l’autorité et dans la mairie de la commune d’implantation du projet s’agissant des décisions des autres autorités. Les observations et les propositions du public sont consignées dans un registre prévu à cet effet – (Adopté.)
Article 9
Les opérations et les travaux de démolition ou de déblaiement ainsi que la mise en place des constructions ou installations temporaires directement nécessaires à la conduite des travaux de reconstruction ou de réfection peuvent être engagés dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable.
M. le président. L’amendement n° 55, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
dès
par les mots :
dans les quinze jours suivant
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Afin d’accélérer la reconstruction de Mayotte dans un contexte d’urgence, l’article 9 prévoit que les opérations de démolition du bâti et de terrassement peuvent être engagées dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable.
Ce procédé semble légèrement démesuré. Nous savons pouvoir compter sur la bonne foi des habitants de Mayotte, mais je vous laisse imaginer, mes chers collègues, comment les choses pourraient se dérouler dans un territoire où, selon les estimations actuelles, les trois quarts des bâtiments ont été abîmés.
Conformément à l’article 9, le chantier peut démarrer avant même que la demande d’autorisation d’urbanisme n’ait fait l’objet de la moindre observation. Comment dire à la personne concernée que la destruction du bâtiment et le terrassement ne sont pas adaptés ou ne correspondent pas aux règles d’urbanisme en vigueur, une fois l’opération terminée ?
Par cet amendement, nous proposons que l’autorité compétente, pendant une durée de quinze jours, puisse réaliser un tri des dossiers en amont. Ainsi, elle pourra examiner rapidement les demandes déposées et empêcher, si nécessaire, les démolitions qui paraissent inadaptées.
Ce délai de quinze jours peut sembler long. Étant donné l’urgence dans laquelle se trouvent les Mahorais, nous serions d’avis de raccourcir ce délai, mais cela nécessiterait des moyens humains dont nous ne disposons pas à ce jour.
Nous déplorons le manque de moyens, mais ce n’est pas cette réalité qui doit présider à l’élaboration du présent texte. C’est bien la loi et les besoins de la population qui doivent déterminer les moyens à mettre en œuvre, sans quoi on risque de reproduire les erreurs politiques qui participent aux catastrophes naturelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Introduire un délai de quinze jours pour engager des travaux de démolition, de déblaiement et d’installation du chantier revient à vider l’article de sa substance.
En outre, la commission a supprimé la possibilité de réaliser des travaux qui pourraient causer des dommages irréversibles en retirant du texte la mention des terrassements et des fondations.
Quant aux craintes liées aux démolitions, elles devraient être levées par un amendement qui sera examiné dans quelques instants.
En attendant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 69, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsque les opérations et les travaux portent sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques en application de l’article L. 621-25 du code du patrimoine.
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Cet amendement a pour objet d’exclure la possibilité de commencer les travaux en urgence lorsqu’ils concernent un immeuble inscrit sur la liste des monuments historiques, comme il en existe à Mayotte.
L’article 9 vise à accélérer les reconstructions après le passage du cyclone Chido en permettant aux demandeurs de commencer les travaux préparatoires dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, tout en s’assurant que les travaux les plus structurants ne peuvent être engagés qu’après la délivrance de cette dernière.
Le Gouvernement propose d’améliorer ce dispositif en tenant compte de la particularité des quatorze monuments historiques de Mayotte. Il convient ainsi d’interdire les démolitions ou les déblaiements en urgence, sans entraver significativement l’effort de reconstruction de logements.
Par cet amendement, nous concilions la défense du patrimoine présent à Mayotte et la nécessaire célérité que requiert sa reconstruction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. La restriction proposée ici paraît parfaitement justifiée et concerne un nombre très limité de cas.
En conséquence, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Nous revenons à l’examen de l’article 2, précédemment réservé.
Article 2 (précédemment réservé)
À Mayotte, jusqu’au 31 décembre 2027, par dérogation à l’article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales et aux articles L. 212-1, L. 212-4 et L. 212-5 du code de l’éducation, l’État ou un de ses établissements publics désigné par le ministre chargé de l’éducation nationale peut assurer la construction, la reconstruction, la rénovation, la réhabilitation, l’extension, les grosses réparations et l’équipement des écoles publiques des communes désignées par arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale au regard des dégâts subis par les écoles à la suite du cyclone Chido, à la demande des communes concernées.
Le service de l’État ou l’établissement public chargé de la mission définie au premier alinéa du présent article s’assure du respect de la réglementation, notamment en matière de prévention des risques naturels, d’hygiène et de santé, ainsi que du caractère adapté des équipements aux spécificités de la situation mahoraise.
Le service de l’État ou l’établissement public chargé de la mission définie au même premier alinéa consulte la commune sur l’implantation des écoles publiques et sur le nombre de classes.
Dans la mesure nécessaire à la mission définie audit premier alinéa, les biens affectés aux écoles sont mis, de plein droit, à la disposition de l’État ou de l’établissement public précité, qui assume alors l’ensemble des droits et obligations du propriétaire. Il exerce en tant que de besoin les attributions du maître d’ouvrage définies à l’article L. 2421-1 du code de la commande publique.
Toutefois, la collectivité conserve les droits et obligations résultant de contrats déjà conclus dans le champ défini au premier alinéa du présent article, sauf accord avec l’État ou l’établissement public pour substituer celui-ci à la collectivité. La collectivité propriétaire conserve en outre la charge des emprunts qu’elle avait contractés au titre des biens mis à disposition.
L’échéancier de remboursement des emprunts souscrits par les collectivités territoriales de Mayotte auprès des établissements de crédit ou des sociétés de financement peut être renégocié. Les collectivités territoriales de Mayotte peuvent bénéficier de l’assistance des services ou des agences de l’État compétents pour mener ces négociations.
Au plus tard à la date mentionnée au même premier alinéa, l’État ou l’établissement public remet les biens à leurs propriétaires ou, pour les biens nouvellement construits, aux collectivités territoriales compétentes. Cette remise met fin à la mise à disposition prévue au cinquième alinéa et, le cas échéant, emporte transfert de la propriété des biens nouvellement construits et de l’ensemble des droits et obligations qui s’y attachent. Toutefois, l’État ou l’établissement public conserve les droits et obligations résultant des contrats qu’il a conclus, sauf accord avec la collectivité pour lui substituer celle-ci.
Par dérogation à l’avant-dernier alinéa, si les opérations ne sont pas achevées au 31 décembre 2027, la commune et l’État ou l’établissement public peuvent, par convention, prolonger la mission définie au présent article.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Avant de passer à l’examen des amendements à l’article 2, j’appelle l’attention du Gouvernement sur la situation des écoles privées de Mayotte. En effet, celles-ci ne sont pas concernées par le présent article, qui prévoit uniquement une intervention temporaire de l’État, en lieu et place des communes, pour reconstruire les écoles publiques de Mayotte.
J’ai été alertée sur la situation de deux établissements privés, dont une école tout juste ouverte à la rentrée 2024, qui, comme tous les établissements scolaires de Mayotte, ont subi de lourds dégâts matériels ne permettant toujours pas une reprise rapide des enseignements.
Il convient de ne pas oublier ces établissements privés sous contrat avec l’État. Ils doivent, eux aussi, bénéficier d’un accompagnement, afin de pouvoir de nouveau accueillir les élèves dès que possible.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, sur l’article.
M. Saïd Omar Oili. Avec 117 000 enfants scolarisés à Mayotte, dont près de 55 % sont inscrits à l’école primaire, l’éducation est un enjeu majeur pour l’avenir de notre territoire. Il est absolument impératif de s’occuper de la jeunesse et d’en finir avec la rotation dans les établissements scolaires.
Des personnels remarquables mettent tout en œuvre pour accueillir un maximum d’enfants dans un laps de temps réduit, mais il manquait déjà 1 200 classes avant le passage de cyclone Chido.
La situation s’est encore aggravée depuis lors : plus de la moitié des établissements scolaires sont hors service, tandis que d’autres ont servi à l’hébergement d’urgence. J’ai appris tout à l’heure que le collège de Kwalé avait été évacué et que les enfants pourraient peut-être retourner à l’école.
L’article 2 apporte une première réponse pour accélérer et faciliter la reconstruction des écoles de Mayotte en permettant à l’État d’assurer temporairement la compétence de construction et d’entretien des écoles publiques, en lieu et place des communes qui le demanderaient.
L’étude d’impact indique que cette mission est confiée à l’établissement public chargé de la reconstruction. Même si mes amendements ont été déclarés irrecevables, je souhaiterais que M. le ministre clarifie ce point. Quel sera exactement le rôle de l’établissement précité dans la construction, la reconstruction et la rénovation des écoles publiques, lorsque les collectivités en feront la demande ? Ce dispositif pourrait-il s’appliquer aussi aux collèges et aux lycées ?
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, sur l’article.
Mme Audrey Bélim. À l’occasion de l’examen de l’article 2, nous devons tenir compte de l’aspect humain.
En effet, malgré nos nécessaires discussions sur la reconstruction, l’humain doit rester au centre de tout. Des centaines d’élèves mahorais poursuivent ou poursuivront leur scolarité en étant éloignés de leurs familles, de leurs amis, de leurs territoires et de leurs repères, soit en résidant en pension, soit en étant hébergés par des membres ou des amis de leur famille qu’ils n’avaient peut-être jamais vus auparavant.
Les Ultramarins que nous sommes savent combien cet éloignement soudain est difficile pour un adulte et entraîne parfois un sentiment d’isolement ; il peut être dangereux d’un point de vue psychologique et causer des surcoûts financiers. Je vous laisse donc imaginer les effets qu’il peut avoir pour un enfant.
C’est la raison pour laquelle je souhaiterais, monsieur le ministre d’État, que l’on discute au plus tôt du suivi moral et financier des élèves mahorais.
Dans quel état psychique se trouvent-ils ? Leur éloignement est-il volontaire ou résulte-t-il du choix de leurs parents ? Les personnes qui les accueillent ont-elles les ressources nécessaires pour fournir ce qui est nécessaire à leur épanouissement ?
Les professeurs sont-ils avisés des situations passées et présentes de leurs élèves ? Connaissent-ils leur état d’esprit, pour mieux appréhender leur épanouissement personnel et améliorer leur intégration dans les classes ?
L’intérêt de ces enfants exige de mettre en place des enquêtes et des suivis psychosociaux le temps nécessaire, en tenant compte de toutes les conditions de cet éloignement. Il faudra sans doute formaliser les suivis dans le projet de loi de refondation, le présent texte ne permettant pas d’y pourvoir.
Quoi qu’il en soit, nous devons prendre toutes ces questions au sérieux : il y va de l’intérêt de l’enfant.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Vous n’ignorez pas, monsieur le sénateur Omar Oili, que l’État est déjà responsable de la construction des collèges et des lycées à Mayotte.
Vendredi matin, aux côtés de la ministre de l’éducation nationale, j’ai visité un collège datant de 1989, dont les formes de construction étaient totalement adaptées à l’époque : en témoigne la présence d’une végétation abondante. Il se trouve qu’il a été très endommagé par le cyclone et même détruit à certains endroits. Pour des raisons liées à la température environnante, notamment, il devra être entièrement reconstruit.
Il est évident que les projets de reconstruction devront faire l’objet d’une concertation avec les élus dans chacune des communes concernées et tenir compte du nombre d’élèves.
J’en profite pour mettre le doigt sur une légère contradiction que j’ai ressentie lors de ma visite à Mayotte : je ne dénoncerai personne, mais dans ce territoire nombre d’élus, notamment des maires, m’ont indiqué qu’il ne fallait pas construire de nouvelles classes, parce que cela risquait de « créer une pompe aspirante » pour l’immigration. Il faudra donc faire des choix.
Si l’on examine la situation dans le détail, on s’aperçoit qu’il manque 1 200 à 1 300 classes. La réalisation de projets de groupes scolaires paraît évidente pour des raisons démographiques. Rien qu’à Petite-Terre, la population passera de 30 000 à 60 000 habitants d’ici à dix ans. Il faudra donc construire des équipements capables de répondre à la demande en matière scolaire, bien sûr, mais aussi sanitaire.
L’État pourra confier à l’établissement public chargé de la reconstruction la maîtrise d’ouvrage des écoles lorsque les communes lui demanderont de les reconstruire ou de les rénover. Cela se fera très certainement de cette manière, dans une étroite collaboration entre les communes et le maître d’ouvrage, du moins l’État.
Cette question fait partie des dossiers que le général Pascal Facon est en train d’examiner avec les maires. L’intervention de l’établissement public précité permettra sans doute d’accélérer les constructions, en parallèle du fonds du ministère en faveur des communes.
Au moins en ce qui concerne les travaux de réparation et de rénovation, je souhaite que les choses aillent vite, car 20 % à 30 % des écoles ou des classes sont détruites. Il faudra accélérer le dispositif de reconstruction : il me paraît important de le rappeler, car il est question, par ce biais, de soutenir les entreprises mahoraises et l’économie locale.
Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice Bélim : à ce stade, nous devons tous garder à l’esprit l’aspect humain. Si je ne me trompe pas, entre 400 et 500 élèves ont quitté Mayotte après le passage du cyclone Chido, voire juste avant, soit moins de 1 % du nombre total d’élèves.
Je veux bien vérifier ces chiffres, mais il n’empêche que, pour ces familles qui bénéficient d’ailleurs des aides que j’ai annoncées, nous devrons rester très attentifs aux questions soulevées. Bien entendu, je ne manquerai pas de les évoquer avec ma collègue Élisabeth Borne.
M. le président. L’amendement n° 121, présenté par Mme Florennes, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après le mot :
Chido
insérer les mots :
ou des événements climatiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024
II. – Alinéa 5
1° A la première phrase, remplacer les mots :
pour substituer celui-ci
par les mots :
pour que celui-ci se substitue
2° Compléter la seconde phrase par les mots :
en application du quatrième alinéa du présent article
III. – Alinéa 7, troisième phrase
Remplacer les mots :
pour lui substituer celle-ci
par les mots :
pour que celle-ci se substitue à lui
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 63, présenté par Mme Corbière Naminzo, M. Xowie, Mme Margaté, MM. Gay, Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
et pour améliorer le taux de scolarisation antérieur au cyclone
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement vise à préciser que l’État prend en charge la construction des écoles, non seulement pour réparer les destructions causées en décembre dernier, mais aussi pour résoudre le problème de la déscolarisation qui touchait déjà gravement l’archipel avant le passage du cyclone Chido.
Le Conseil d’État l’a rappelé, la situation du parc immobilier scolaire était déjà extrêmement tendue avant la survenue des événements météorologiques que l’on sait, rendant impossible un accueil satisfaisant des enfants en âge d’être scolarisés.
La Fondation Jean-Jaurès mettait elle aussi en lumière la question de la surpopulation scolaire à Mayotte, où les élèves représentent entre 35 % et 40 % de la population, alors que la moyenne nationale s’élève à 18 %.
Par ailleurs, il est probable, d’après les informations disponibles, qu’environ la moitié des établissements sont détruits ou inutilisables. Ainsi, la moitié de ce qui était déjà insuffisant est désormais hors d’usage dans le département le plus jeune de France. En raison du manque de classes et d’enseignants, la plupart des élèves n’ont cours que par rotation et sur des demi-journées.
Mayotte manquait d’écoles bien avant le cyclone. Il ne suffit pas de réparer les dégâts causés par celui-ci : il faut faire un peu plus. Le présent amendement vise non pas à rattraper le retard, mais seulement à améliorer le taux de scolarisation antérieur au passage du cyclone.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Je souscris de toute évidence à l’objectif d’améliorer le taux de scolarisation à Mayotte. En effet, de trop nombreux enfants demeurent déscolarisés ou n’ont que dix heures de cours par semaine, en raison du système de rotation mis en place.
Toutefois, la commission sera défavorable à cet amendement, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, parce que le texte en discussion est un projet de loi d’urgence, qui vise à reconstruire au plus vite les bâtiments détruits, afin de permettre aux élèves scolarisés habituellement de retrouver le chemin de l’école. Il faut donc reconstruire l’existant avant d’envisager de construire de nouvelles écoles pour augmenter la capacité d’accueil. Nous espérons que ce dernier objectif pourra être atteint à terme, mais nous devrons attendre le projet de loi pour la refondation de Mayotte, qui sera examiné prochainement.
Ensuite, comme l’a indiqué M. le ministre, l’augmentation des capacités d’accueil doit être décidée en concertation avec les élus mahorais. Il s’agit d’un objectif de long terme. En raison de la croissance démographique et de la pression migratoire, il faudrait, pour améliorer le taux de scolarisation à Mayotte, construire plus de 200 classes par an.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Cet amendement a un sens tout à fait précis. On le sait, sur le plan scolaire, les enfants mahorais ne bénéficient pas des mêmes capacités d’accueil que ceux de l’Hexagone.
M. le ministre se montre favorable à ce que l’on impose à l’État l’obligation d’accueillir tous les enfants. C’est un objectif que nous devons soutenir. Voilà pourquoi nous voterons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 137, présenté par M. Mellouli, Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans chaque établissement scolaire, et jusqu’au 31 décembre 2027, l’État prévoit la construction d’un espace destiné à assurer la sécurité des élèves, des membres de la communauté éducative et des personnes défini par le plan communal de sauvegarde de la commune concernée en cas de survenance d’un risque naturel.
La parole est à M. Akli Mellouli.
M. Akli Mellouli. J’ai l’impression que, aujourd’hui, aucun des amendements déposés par les communistes et les écologistes ne sera adopté, mais nous persistons tout de même à les présenter…
Mayotte est un territoire particulièrement exposé aux cyclones. Pourtant, les infrastructures actuelles ne permettent pas d’accueillir dignement les populations en cas de catastrophe.
Avec seulement 30 000 places dans les abris anticycloniques, alors que la population est comprise entre 300 000 et 400 000 habitants, nous faisons face à une insuffisance criante qui met en péril la sécurité de nos concitoyens.
Par cet amendement, nous proposons une solution pragmatique et durable : les établissements scolaires nouvellement construits ou rénovés devront intégrer des espaces spécifiquement consacrés à l’accueil d’urgence des habitants en cas de catastrophe. Il s’agit de garantir à la fois la protection des populations sinistrées et la continuité pédagogique.
Transformer les salles de classe en abris temporaires pose de sérieux problèmes : retard dans la reprise des cours, conditions d’hébergement inadaptées, risques sanitaires, etc. En distinguant clairement les espaces scolaires des espaces d’urgence, nous répondons donc aux défis climatiques de manière efficace et responsable.
C’est une mesure de bon sens, propice à la résilience et à la justice territoriale. Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cet amendement – ce sera l’exception de cette soirée !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. L’article 2, tel qu’il a été modifié par la commission, prévoit que l’État, lorsqu’il reconstruira les écoles publiques de Mayotte, devra respecter les règles en matière de prévention des risques naturels, notamment cycloniques.
Ces règles sont fixées par le code de la construction et de l’habitation : les bâtiments exposés à un risque de cyclone prévisible doivent ainsi préserver la sécurité des personnes présentes en leur sein. De ce principe découlent plusieurs règles de construction.
Dans ces conditions, cet amendement est satisfait. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Je crois qu’il y a une petite confusion !
Il est bien évident que les écoles seront reconstruites conformément aux règles fixées par le code de la construction et de l’habitation. Je suggère simplement de dissocier, au sein des établissements scolaires qui serviront désormais d’abri, les espaces qui servent à l’accueil d’urgence des populations et ceux qui seront utilisés à des fins pédagogiques.
Confondre les espaces ne peut que créer du retard sur le plan pédagogique, au moment de la reconstruction. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement, dont les dispositions sont de bon sens et favorisent la résilience.
M. le président. L’amendement n° 138, présenté par M. Mellouli, Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le service de l’État ou l’établissement public chargé de la mission définie au premier alinéa du présent article s’assure de la construction, de la reconstruction, de la rénovation, de la réhabilitation et de l’extension des plateaux sportifs des écoles publiques et des points de restauration scolaire.
La parole est à M. Akli Mellouli.
M. Akli Mellouli. On ne pourra pas dire que nous n’avons pas participé à la discussion…
À Mayotte, trop d’enfants sont scolarisés sans avoir accès ni à un repas équilibré ni à des infrastructures sportives adaptées. L’absence de cantines scolaires aggrave les inégalités et prive des milliers d’élèves d’un élément essentiel à leur réussite : une alimentation saine, indispensable à leur concentration et à leur bien-être.
L’éducation physique et sportive est tout aussi fondamentale. Elle favorise la santé, le vivre ensemble et la réussite scolaire. Pourtant, de nombreuses écoles mahoraises en sont privées, faute d’infrastructures adaptées.
Nous proposons donc une mesure simple et juste : intégrer systématiquement des cantines et des équipements sportifs dans les projets de reconstruction scolaire à Mayotte.
Il s’agit non pas d’un luxe, mais d’un impératif éducatif et social. S’assurer que l’école nourrit à la fois le corps et l’esprit, c’est offrir à chaque enfant les mêmes chances de réussite. Encore une fois, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Mon cher collègue, votre amendement vise à imposer à l’État d’inclure des plateaux sportifs et des points de restauration scolaire dans les établissements publics qu’il reconstruira.
Je le rappelle, l’objectif du présent texte est de reconstruire Mayotte à l’identique et au plus vite, afin que les élèves puissent retourner à l’école. Ajouter de nouvelles prescriptions risque de complexifier les choses, donc de ralentir la reconstruction des écoles.
Par ailleurs, prévoir l’accès à un plateau sportif n’est peut-être pas la priorité, à l’heure où les enfants mahorais sont malheureusement confrontés à des pénuries d’eau et à des risques de choléra…
En outre, les élèves ne peuvent toujours pas recevoir le nombre d’heures d’enseignements auxquelles ils ont droit ; c’est ce problème qu’il faudrait d’abord régler.
Enfin, la construction d’un plateau sportif aurait pour effet de renchérir le coût de construction des écoles, au détriment du financement d’autres projets indispensables.
Quant à l’obligation de prévoir une cantine dans chaque école publique de Mayotte, elle empêcherait toute mutualisation. Certaines communes peu étendues font en effet le choix d’installer une cantine scolaire pour plusieurs écoles, ce qui suscite des économies d’échelle.
En outre, cette obligation imposerait des coûts financiers significatifs pour les communes qui, comme sur l’ensemble du territoire français, sont libres de mettre ou non en place un système de restauration scolaire. Bref, veillons à préserver la liberté des communes dans ce domaine, comme nous l’avons dit dès le départ, en fonction de leurs capacités financières.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je souscris à l’avis de la commission. Il existe des plateaux et des équipements sportifs à Mayotte qui répondent à un certain nombre des critères évoqués à l’instant.
Les 300 migrants d’Afrique continentale qui ont été expulsés du collège de Kwalé ce matin même étaient regroupés non pas dans les espaces scolaires, mais au sein de l’équipement sportif.
La restauration scolaire est une préoccupation que nous partageons tous, et il y a là un véritable sujet. À l’occasion de l’examen de la seconde loi de reconstruction et au vu des constats que Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale et moi-même avons établis, il faudra élaborer un véritable projet sur place.
Toutefois, plutôt que d’intégrer cette question à ce texte sous forme d’amendement, il me semble préférable de mener une véritable réflexion, sans doute dans le cadre de la loi Mayotte debout.
En collaboration avec l’État et le département, en tenant compte des prérogatives de chacun, ainsi que des projets des communes, car certaines d’entre elles disposent d’ores et déjà de restaurants scolaires, il nous faudra mettre en place un réseau permettant d’approvisionner ces cantines scolaires. C’est d’ailleurs le cas avec le lycée agricole, qui a noué des liens très concrets avec des agriculteurs, que j’ai rencontrés il y a un mois et qui vivent de cette commande publique.
Il est donc indispensable d’élaborer un véritable projet, car cette question s’ajoute au sentiment d’inégalité profond qui découle de la surpopulation scolaire contraignant les élèves à ne travailler que le matin ou l’après-midi. Nous nous devons d’apporter une réponse.
Il m’est difficile de donner un avis défavorable pour les raisons qui ont été évoquées, mais, en toute sincérité, nous nous engageons à aller dans ce sens pour ce qui concerne la restauration scolaire.
Je suis convaincu que cette question trouvera une réponse satisfaisante dans les prochains mois, avec le texte à venir ; elle prendra place dans le projet éducatif que nous évoquions précédemment.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Ces propos sont rassurants, mais, avant Chido, le taux de pauvreté sur ce territoire atteignait déjà 77 %… Lors de nos déplacements à Mayotte, dans les établissements scolaires, il nous a été fréquemment rapporté que le repas servi à l’école constituait bien souvent le seul repas chaud de la journée pour les élèves.
Il me semble dès lors primordial de rétablir une véritable égalité et de mettre tout en œuvre pour que ces enfants bénéficient de l’ensemble des droits auxquels tout enfant de la République française peut légitimement prétendre, au premier rang desquels figure l’accès à une cantine.
J’ose espérer que le prochain texte marquera une avancée sur ces questions.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Monsieur le ministre, je vous remercie de prendre en considération cette préoccupation, mais j’ai le sentiment que l’on confond ici urgence et bon sens.
Il ne faudrait pas que l’urgence nous délie du bon sens. Nous construirions, puis nous ajouterions des éléments ensuite, parce que nous aurions alors le temps de le faire… Une telle manière de faire entraînera des surcoûts, tout le monde le monde le sait, et je ne comprends pas cette stratégie.
L’urgence n’interdit pas la vision, et la rupture d’égalité est ici manifeste. Dès lors que les habitants ont fait le choix de la République, il est de notre devoir de nous préoccuper d’eux. Que nous fassions le choix d’une cantine mutualisée ou d’une cantine par établissement, l’essentiel est qu’une cantine soit disponible.
D’ailleurs, là n’est pas la question aujourd’hui. L’enjeu est de permettre à ces enfants de bénéficier au moins de ce repas, qui est peut-être le seul auquel ils auront accès dans la journée. Il s’agit de montrer que la République les prend effectivement en charge et que nous traitons tous nos enfants avec la même considération.
Ce n’est pas parce qu’il y a moins de moyens à Mayotte qu’il faut leur accorder le minimum. Nous ne leur accordons pas la charité : nous répondons à une urgence, à un impératif d’égalité, laquelle relève d’une garantie de l’État et non d’un supplément d’âme ou de bons sentiments !
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Guhl, MM. Mellouli, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les toitures construites ou rénovées des ouvrages des établissements scolaires mentionnés au premier alinéa du présent article sont conçues de façon à recevoir ultérieurement un équipement de production d’énergie renouvelable.
La parole est à Mme Antoinette Guhl.
Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à garantir que les toitures des établissements scolaires reconstruits ou rénovés permettent l’installation future de panneaux solaires photovoltaïques.
L’idée est de ne pas perdre de vue l’urgence climatique et de construire des infrastructures, notamment éducatives, dont le fonctionnement coûte moins cher, car elles produisent leur propre énergie.
Rappelons que la production d’électricité à Mayotte est principalement assurée par des centrales thermiques fonctionnant au gazole, faute d’investissements suffisants dans les énergies renouvelables. Ces centrales représentent 95 % de la production d’énergie de l’île.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Je le répète une nouvelle fois, nous examinons un texte visant à reconstruire au plus vite Mayotte et ses écoles, afin que les élèves puissent retourner en classe dans les meilleurs délais. Ajouter de nouvelles prescriptions risque de complexifier cette reconstruction et, par conséquent, de la ralentir.
En outre, il convient de prendre en compte la question de l’augmentation du coût des travaux qu’entraînerait l’adoption de cet amendement, et ce au détriment d’autres financements.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. Il serait imprudent de procéder de cette manière, car cela rendrait la situation irréversible : une fois les écoles construites, si elles ne sont pas conçues pour accueillir des panneaux photovoltaïques, elles ne pourront pas en être équipées à l’avenir !
En réalité, si nous voulons préparer cette île à la transition énergétique, il est indispensable que les écoles puissent supporter l’installation de panneaux photovoltaïques.
Si certains maires affirment ne plus vouloir d’écoles sur leur territoire, c’est aussi parce qu’ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour faire face aux charges que celles-ci entraînent. La mesure proposée constitue justement un moyen d’y répondre.
Je regrette par conséquent que nous n’adoptions pas cette disposition au moment de la reconstruction, car cela revient, de fait, à y renoncer définitivement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Il me paraît en effet primordial, dans le cadre de la transition écologique, de construire dès à présent des bâtiments modernes et pérennes.
C’est pourquoi nous apporterons notre soutien à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je regrette ces avis défavorables de la commission et du Gouvernement. En effet, La Réunion et Mayotte sont des territoires de l’océan Indien qui bénéficient de taux d’ensoleillement records au niveau mondial.
M. le ministre évoquait tout à l’heure la nécessité d’optimiser les financements en les couplant avec les fonds européens, ce qui est une excellente idée. Cependant, lorsque l’on émarge aux fonds européens, on doit s’inscrire dans une démarche de développement durable.
Nous nous apprêtons à reconstruire tout un département ; nous nous engageons dans un chantier colossal. Mettons-nous donc en conformité avec la position de la France au niveau européen, ainsi qu’avec les exigences du statut de région ultrapériphérique. Investir dans la production d’énergies renouvelables constitue à ce titre un impératif.
Aussi, je regrette qu’un amendement que j’avais déposé, qui tendait à doter les équipements, les infrastructures, les écoles et l’ensemble des bâtiments publics de récupérateurs d’eau de pluie, de panneaux photovoltaïques, mais aussi de chauffe-eau solaires, ait été déclaré irrecevable.
Avec cette super loi d’urgence, nous allons devoir acheminer des conteneurs qui traverseront la moitié du globe pour livrer des chauffe-eau électriques dans une zone où le taux d’ensoleillement est record !
J’appelle sincèrement mes collègues à faire preuve de bon sens : le soleil brille sur l’océan Indien, nous pouvons réaliser des économies sur les factures d’électricité des habitants et permettre à nos collectivités de réduire leurs dépenses en investissant dans les énergies renouvelables.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. En tant que maire, j’ai été confronté à des factures d’électricité particulièrement élevées dans ma commune ; j’ai alors fait le choix d’installer des panneaux photovoltaïques pour l’éclairage public et j’ai pu constater, du jour au lendemain, une baisse significative de ces coûts.
Si nous entendons sincèrement apporter une aide aux lycées, aux collèges et surtout aux écoles, donc aux mairies, il serait judicieux, dans le cadre de la reconstruction ou de la construction de nouveaux bâtiments, de recourir à cette solution pour permettre des économies.
Monsieur le ministre, j’ai moi-même exercé le métier d’enseignant. Nous avons évoqué tout à l’heure la question de la cantine scolaire. Faute de salles de classe en nombre suffisant, j’étais contraint de faire cours à certains élèves de midi à treize heures, dans des conditions de chaleur difficilement supportables.
Vous ne pouvez pas imaginer les températures que nous endurons dans les classes, car nous ne parvenons pas à installer la climatisation de manière satisfaisante. Or la présence de panneaux solaires nous permettrait peut-être de résoudre ce problème. Il faut bien comprendre que nous travaillons actuellement dans des conditions incroyables.
C’est pourquoi, lorsque je suis intervenu tout à l’heure, j’ai demandé si nous nous engagions dans une simple reconstruction ou dans une véritable construction. Si nous bâtissons de nouveaux locaux, ne laissons pas passer la chance d’améliorer les conditions de ces enfants qui, le matin, arrivent en classe le ventre vide et qui doivent travailler dans des salles surchauffées, alors même que nous bénéficions d’un ensoleillement permanent qui nous permettrait d’installer une climatisation.
Je suis intimement convaincu que, si nous voulons reconstruire Mayotte dans de bonnes conditions, nous devons le faire en construisant des bâtiments adaptés. Nous avons l’occasion d’améliorer durablement les conditions de vie de ces enfants.
M. le président. Nous reprenons le cours normal de la discussion du texte de la commission.
Chapitre IV
Garantir la maîtrise foncière et la disponibilité de matériaux pour la reconstruction
Article 10
(Suppression maintenue)
Chapitre V
Adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique
Article 11
I. – Peuvent être négociés sans publicité mais avec mise en concurrence préalable les marchés de travaux soumis au code de la commande publique qui sont nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido survenu à Mayotte les 13 et 14 décembre 2024 et par les événements climatiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024 et qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 2 millions d’euros hors taxes.
Le premier alinéa est également applicable aux lots dont le montant est inférieur à un million d’euros hors taxes à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
II. – Peuvent être négociés sans publicité ni mise en concurrence préalable les marchés de travaux, de fournitures et de services soumis au code de la commande publique qui sont nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone Chido et des événements climatiques mentionnés au I et qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes.
Le premier alinéa du présent II est également applicable aux lots dont le montant est inférieur à 80 000 euros hors taxes pour les marchés de services et de fournitures et à 100 000 euros hors taxes pour les marchés de travaux à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
III et IV. – (Supprimés)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Avant de passer à la discussion des articles relatifs à la commande publique, je souhaite évoquer la question de la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics.
Depuis 2018, le code de la commande publique impose la dématérialisation des échanges d’informations et des communications lors de la passation des marchés publics d’une valeur supérieure à 40 000 euros. Il n’est donc plus possible pour les soumissionnaires, depuis cette date, de déposer une offre par voie papier.
Or plusieurs de mes collègues m’ont alerté sur ce sujet. De nombreuses petites entreprises mahoraises ne maîtrisent pas les outils numériques et se trouvent de ce fait pénalisées dans les procédures d’attribution des marchés publics, puisqu’elles ne sont plus en mesure d’y postuler.
Je n’ai pas déposé d’amendement visant à rétablir la possibilité de soumettre une offre par voie papier pour les marchés publics concernés, car une telle disposition ne relève pas du domaine de la loi.
J’appelle en revanche le Gouvernement à prendre des mesures réglementaires en ce sens, afin de ne pas évincer les petites entreprises et les artisans mahorais des marchés publics.
M. le président. L’amendement n° 109 rectifié, présenté par M. Roiron, Mmes Artigalas, Bélim et Le Houerou, MM. Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
reconstruction
insérer les mots :
, avec des adaptations et améliorations, à la construction de logement
La parole est à M. Pierre-Alain Roiron.
M. Pierre-Alain Roiron. Cet amendement vise tout simplement à inclure la construction de logements neufs dans le champ des adaptations et des dérogations temporaires en matière de commandes publiques.
Notre objectif est de faire en sorte que l’assouplissement des règles que nous nous apprêtons à voter ce soir ne se limite pas à la reconstruction et à la réfection des équipements publics et des bâtiments, mais puisse également servir à la construction de logements.
À Mayotte, le parc de logements sociaux est quasiment inexistant, alors que 80 % au moins des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Il est donc urgent d’accélérer la construction de logements et d’adapter les moyens financiers proportionnellement aux besoins et aux contraintes de l’île. Je suis convaincu que chacun d’entre nous saura le comprendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. L’avis de la commission sera défavorable, et cela pour deux raisons.
Tout d’abord, l’extension du bénéfice de la dérogation au principe de publicité préalable aux marchés publics de construction de nouveaux logements me semble davantage relever du projet de loi de refondation pour Mayotte annoncé pour le mois de mars prochain.
Le texte que nous examinons aujourd’hui vise avant tout à traiter les problèmes urgents. Avant de construire de nouveaux logements, il est impératif de reconstruire en priorité ceux qui ont été détruits par le cyclone.
Ensuite, si nous étendons démesurément le champ de la dérogation au-delà de l’urgence, nous courons le risque que celle-ci ne présente plus un caractère proportionné et qu’elle soit, de ce fait, censurée par le juge constitutionnel.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 122, présenté par Mme Florennes, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la troisième occurrence du mot :
et
par le mot :
ou
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Piednoir. L’amendement rédactionnel, cela marche toujours ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 110 rectifié, présenté par M. Roiron, Mmes Artigalas, Bélim et Le Houerou, MM. Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le nombre :
2 millions
par le nombre :
3 millions
La parole est à M. Pierre-Alain Roiron.
M. Pierre-Alain Roiron. Cet amendement vise à élever le seuil permettant de recourir à des marchés de travaux avec mise en concurrence, mais sans publicité, en le portant à 3 millions d’euros hors taxes, au lieu de 2 millions d’euros, seuil prévu dans le projet de loi.
Cette demande émane des professionnels, qui considèrent qu’un seuil ainsi rehaussé serait plus adapté à la réalité des travaux à engager.
La mise en concurrence sera bien assurée, afin de permettre une négociation, mais il nous semble que le seuil de 3 millions d’euros correspondra mieux aux interventions d’urgence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Au cours des auditions que j’ai menées, je n’ai pas été saisie de demandes visant à augmenter le seuil de dérogation, mais il est possible qu’une telle mesure se révèle utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Cet amendement vise à porter de 2 millions d’euros à 3 millions d’euros le seuil permettant de passer des marchés de travaux sans publicité préalable.
Les principes de transparence et d’égal accès à la commande publique s’appliquent même en deçà des seuils européens, et toute atteinte à ces principes doit être justifiée par un motif d’intérêt général suffisant, limité et proportionné à l’objectif.
Il est évident que la situation de Mayotte appelle des mesures exceptionnelles, et tel est précisément le sens de votre amendement, monsieur le sénateur. Toutefois, le seuil de 2 millions d’euros actuellement prévu à l’article 11 revient déjà à multiplier par vingt le seuil de passation des marchés de gré à gré, fixé à 100 000 euros en matière de travaux.
J’ai le sentiment que nous tenons là un bon point d’équilibre entre la nécessité de donner de la souplesse aux acheteurs de Mayotte et celle d’assurer le respect des principes constitutionnels de la commande publique.
Par conséquent, monsieur le sénateur, considérant que nous avons atteint un tel point d’équilibre, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’en demanderais le rejet.
M. le président. Monsieur Roiron, l’amendement n° 110 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Alain Roiron. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 110 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 33 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir, Paccaud, Brisson et Bacci, Mmes Belrhiti et Richer, MM. Mandelli, Bouchet et Henno, Mme Dumont, M. Savin, Mmes Lassarade, Borchio Fontimp, L. Darcos, Joseph, Guidez et Evren, M. Panunzi, Mmes Perrot, Josende, Imbert et F. Gerbaud, MM. Klinger, Belin et H. Leroy, Mme Ventalon et MM. Milon et Somon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les marchés de travaux soumis au code de la commande publique conclus pour l’objet mentionné au présent I doivent comporter une part de matériaux d’origine française, biosourcés et permettant la construction de bâtiments conformes à l’exigence de performance énergétique et environnementale RE2020, représentant au moins 20 % de leur valeur totale.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Je souhaite revenir sur cet article qui, afin d’accélérer la reconstruction rapide de Mayotte, prévoit d’instaurer une dérogation aux principes de publicité préalable lors de la passation de certains marchés publics.
Il me semblerait assez naturel et parfaitement adéquat d’accompagner cette mesure de dérogation d’une disposition visant à favoriser les entreprises innovantes qui utilisent des matériaux biosourcés. Vous pouvez me reconnaître à ce titre une forme de constance dans mon argumentaire de la journée ! (Sourires.)
Si les décideurs publics n’encouragent pas les filières innovantes, celles-ci ne seront jamais intégrées dans le secteur du bâtiment. Naturellement, on trouvera toujours un bon prétexte pour ne pas le faire : le coût excessif, le moment mal choisi, l’existence d’autres matériaux potentiellement utilisables…
Cet amendement tend à instaurer un minimum de 20 % d’utilisation de matériaux d’origine française. Il s’agit là d’un élément important dans ce débat, même si nous ne l’avons pas beaucoup évoqué jusqu’à présent. En effet, on peut craindre l’utilisation de matériaux provenant d’autres secteurs.
Cet amendement vise donc à imposer l’utilisation de matériaux d’origine française et biosourcés, en contrepartie de cette dérogation au principe de publicité préalable.
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir, Paccaud, Brisson et Bacci, Mmes Belrhiti et Richer, MM. Mandelli, Bouchet et Henno, Mme Dumont, M. Savin, Mmes Lassarade, Borchio Fontimp, L. Darcos, Joseph, Guidez et Evren, M. Panunzi, Mmes Perrot, Josende, Imbert et F. Gerbaud, MM. Klinger, Belin et H. Leroy, Mme Ventalon et MM. Milon et Somon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices et les acheteurs publics tiennent compte notamment de la performance environnementale et veillent au recours à des matériaux de réemploi ou issus des ressources renouvelables. L’usage des matériaux biosourcés ou bas-carbone intervient dans au moins 25 % des marchés passés dans les conditions prévues aux I et II du présent article.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Les dispositions de cet amendement partent du même principe que celles de l’amendement précédent : faire de la mobilisation de notre industrie pour reconstruire Mayotte une chance.
Je le rappelle, le secteur du bâtiment est responsable de 25 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
Cet amendement vise donc à instaurer un minimum de 25 % de matériaux biosourcés ou bas carbone dans les marchés de travaux, en contrepartie de la dérogation au principe de publicité préalable. Il tend ainsi à compléter le précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Les obligations que tendent à introduire ces deux amendements, telles que l’utilisation impérative de matériaux biosourcés, risqueraient, d’une part, d’augmenter le prix des offres présentées, et, d’autre part, de décourager certaines entreprises de présenter une offre si leurs fournisseurs n’utilisaient pas de matériaux français ou si leurs produits n’étaient pas biosourcés.
Finalement, l’imposition d’une telle condition risque de ralentir la conclusion des marchés indispensables à la reconstruction de Mayotte, alors que la population mahoraise est en attente de solutions rapides.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié, présenté par M. Chaize, Mme Jacques, M. Mandelli, Mme V. Boyer, M. Burgoa, Mme Belrhiti, M. Bouchet, Mme Evren, MM. J.P. Vogel, Daubresse, Saury, P. Vidal, Piednoir et Sol, Mme Di Folco, M. Lefèvre, Mmes Gosselin et Dumont, M. C. Vial, Mmes Imbert, F. Gerbaud, Lopez et Josende, M. J.B. Blanc, Mme Lassarade et MM. Chatillon, Bruyen et Milon, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le nombre :
100 000
par le nombre :
143 000
La parole est à Mme Béatrice Gosselin.
Mme Béatrice Gosselin. Cet amendement de notre collègue Patrick Chaize vise à rehausser le seuil en deçà duquel peuvent être négociés, sans publicité ni mise en concurrence préalable, des marchés dont la valeur estimée est inférieure à 143 000 euros hors taxes.
Compte tenu de l’état d’urgence actuel à Mayotte, il est indispensable de faciliter et d’accélérer la saisine de cabinets d’études techniques ou d’ingénierie en matière de prestations de services, afin de réaliser dans les meilleurs délais les audits techniques, ainsi que les évaluations des coûts et des besoins de reconstruction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Je souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
(L’article 11 est adopté.)
Article 12
I. – Par dérogation aux articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique, les marchés publics nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone Chido et des événements climatiques mentionnés au I de l’article 11 de la présente loi peuvent faire l’objet d’un marché unique.
II. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 111 rectifié est présenté par M. Roiron, Mmes Bélim, Artigalas et Le Houerou, MM. Omar Oili, Kanner et Fagnen, Mme Féret, M. Jacquin, Mme Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Ros, Tissot, Bouad, Cardon, Pla, Mérillou, Michau, Montaugé, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 126 est présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Xowie et Gay, Mme Margaté, M. Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour présenter l’amendement n° 111 rectifié.
M. Pierre-Alain Roiron. Cet amendement vise à supprimer la dérogation au principe d’allotissement des marchés publics prévue par l’article 12.
L’allotissement des marchés publics est un outil indispensable pour garantir l’accès aux marchés publics des très petites entreprises (TPE), qui sont très présentes à Mayotte.
Cet article 12 va à l’encontre de ce que nous défendons collectivement : la nécessité de placer les petites entreprises et les entreprises artisanales mahoraises au cœur de la reconstruction de Mayotte.
Le tissu économique local mahorais est en effet composé en très grande partie de TPE, et l’absence d’allotissement priverait ces entreprises d’un accès aux marchés liés à la reconstruction. Compte tenu de l’étroitesse des marchés, la commande publique représente une part importante de l’activité économique du bâtiment et des travaux publics.
J’ajoute qu’un rapport d’information de la délégation à l’outre-mer sur l’évaluation de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique rappelle que le processus d’allotissement provoque une dynamique vertueuse : les entreprises génèrent un pouvoir d’achat pour leurs salariés, la diversification de l’offre leur permet d’innover et cela favorise une plus grande concurrence entre les entreprises locales.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 126.
M. Pascal Savoldelli. Il s’agit là de défendre les très petites entreprises mahoraises, que l’absence d’allotissement priverait d’un accès aux marchés liés à la reconstruction.
J’appelle votre attention sur un point, monsieur le ministre, mes chers collègues : cet amendement n’est pas seulement porté par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky ; nous relayons également la demande d’un syndicat patronal, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) de Mayotte, qui représente les artisans du bâtiment.
Grâce à ce label, nous pourrions nous retrouver autour de cette proposition qui vise à favoriser les toutes petites entreprises mahoraises, en ne les excluant pas des marchés publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Ces deux amendements sont contraires à la position de la commission.
Je ne suis pas favorable à la suppression de la possibilité de passer des marchés publics non allotis pour reconstruire Mayotte. Cette dérogation au principe de l’allotissement permettra d’enclencher les travaux de reconstruction le plus rapidement possible, conformément à l’objectif du texte.
D’une part, l’acheteur n’aura qu’un unique appel d’offres à organiser et ne devra pas analyser les offres lot par lot ni rédiger un cahier des charges par lot ; d’autre part, le suivi de l’exécution des prestations sera facilité, car l’acheteur aura un interlocuteur unique, et les difficultés liées à la multiplicité des intervenants sur les chantiers seront considérablement réduites.
En outre, la dérogation me paraît proportionnée, tant dans le temps que dans son champ d’application, qui se limite aux seuls marchés nécessaires à la reconstruction de Mayotte, ainsi que le précise l’article.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Outre les arguments avancés par Mme la rapporteure pour avis, je comprends la crainte d’une exclusion des petites entreprises locales en cas de recours aux marchés non allotis. Nous en avons discuté vendredi dernier avec les acteurs économiques à Mamoudzou. C’est d’ailleurs ce qui a poussé le Gouvernement à émettre à l’Assemblée nationale un avis de sagesse quant à la suppression de cet article.
Cependant, après un examen approfondi de la situation, il apparaît que l’équilibre actuel du texte, avec des dispositions proches d’un Small Business Act et le plan de sous-traitance que nous examinerons demain à l’article 13 bis AA, permettra d’éviter de pénaliser les petites entreprises.
J’ai donc le sentiment que le dispositif du texte comporte suffisamment d’éléments au soutien de la nécessité d’une telle dérogation.
C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article, donc à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés à une demande de dérogation à ce principe. Nous l’avions déjà rencontrée dans le projet de loi de simplification de la vie économique, au nom de l’efficacité technologique. Déjà à l’époque, les petites entreprises et les syndicats patronaux qui les représentent s’y étaient opposés.
Pour quelle raison ? M. le ministre vient de nous en donner un indice : l’objectif est de transformer des entreprises indépendantes en sous-traitants. Les grands groupes affirment certes que ces entreprises seront bien intégrées, mais seulement en tant que sous-traitants. M. le ministre a d’ailleurs évoqué cette question en faisant référence à un prochain article de ce texte.
En France, nous ne cessons de citer l’Allemagne en exemple, alors même que la force de ce pays réside dans la vitalité de ses PME.
Il est évident que les grands groupes sont demandeurs de ces dérogations. Dans le projet de loi de simplification de la vie économique, celles-ci concernaient les infrastructures en mer, et de nombreux arguments avaient alors été avancés. Ici, en revanche, force est de constater l’absence d’arguments convaincants.
Il est impératif de préserver la vitalité des petites structures au niveau local. Or celles-ci ne souhaitent nullement devenir des sous-traitants des grands groupes.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je m’étonne également, je l’avoue, de la position de commission.
Nous savons ce qui va se passer une fois la loi promulguée. Compte tenu des moyens qui seront mobilisés par l’État et des capacités des collectivités, les cahiers des charges seront traités, et ce sont de grands groupes, dont la plupart ne sont pas nécessairement français, qui obtiendront les marchés, car ils auront la possibilité d’assurer la totalité des travaux, avec des personnels tous corps d’état, eux-mêmes français ou non. D’ailleurs, c’est assez logique. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE-K.)
Au demeurant, les dispositions relatives à la sous-traitance que nous examinerons bientôt risquent de compliquer encore la vie des entreprises locales, dont les difficultés à travailler dans des conditions économiques normales sont déjà réelles.
Jusqu’à présent, j’étais peu intervenu dans ce débat. Si j’ai entendu un certain nombre d’idées intéressantes, je comprends bien la logique d’urgence qui anime les promoteurs du texte : au vu des circonstances, il est nécessaire de réagir rapidement.
Toutefois, en l’espèce, les mesures envisagées, sous couvert d’alléger les contraintes pour les collectivités – celles-ci ont tout de même des capacités d’action – sont, me semble-t-il, de nature à fortement pénaliser les petites entreprises locales, dans un contexte où il faudrait au contraire les aider à reprendre leur souffle.
Je ne partage donc pas la position de la commission, qui me paraît contraire à l’objectif de redynamiser le tissu économique local. Je comprends bien la nécessité d’aller vite, mais nous pourrons toujours, si c’est nécessaire, demander à l’État d’accompagner les collectivités.
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Je voterai également les deux amendements de suppression de l’article 12.
L’an dernier, je me suis rendu avec plusieurs membres de la délégation sénatoriale aux entreprises en Martinique et en Guadeloupe, dans le cadre des travaux de la mission d’information « Entreprises et climat ».
Le principal problème pour les TPE de nos territoires d’outre-mer, c’est que les grands groupes obtiennent les marchés en les négociant à bas prix, puis imposent des conditions financièrement très difficiles à tenir pour les petites entreprises locales chargées de la sous-traitance. Car ce sont bien évidemment ces dernières, et non les donneurs d’ordre, qui seront obligées de réduire leurs marges…
Je voterai donc en faveur de ces deux amendements, et j’encourage mes collègues à faire de même. (M. Saïd Omar Oili applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. J’irai dans le même sens que mon collègue Olivier Rietmann, avec lequel je me suis rendu en Martinique et en Guadeloupe dans le cadre des travaux de la mission d’information « Entreprises et climat ».
Monsieur le ministre d’État, permettez-moi de vous rappeler qu’il existe d’ores et déjà un certain nombre d’outils en matière de commande publique. (M. le ministre d’État acquiesce.)
Certes, nous entendons le besoin de simplification : il est vrai que les acheteurs publics sont soumis aujourd’hui à de multiples contraintes, en particulier dans les territoires ultramarins.
Toutefois, indépendamment des amendements que nous examinons actuellement – nous voterons résolument en leur faveur –, songeons aux groupements momentanés d’entreprises, qui permettent de nouer un dialogue intelligent entre l’acheteur public et les TPE-PME, par exemple lorsqu’il faut réduire le nombre d’interlocuteurs. Et il nous appartient aussi à nous, pouvoirs publics, d’accompagner les acteurs concernés.
Non seulement les TPE-PME ne doivent pas être perçues comme une contrainte, mais elles peuvent même être force de proposition, avec des solutions technologiques adaptées, en particulier sur la question climatique.
À mon sens, un dialogue comme celui que je viens de décrire peut se révéler tout à fait fécond et permettre d’atteindre des objectifs en apparence inconciliables, mais en réalité parfaitement convergents sur le terrain.
Tel est le chemin que nous vous proposons de suivre en adoptant ces amendements de suppression de l’article 12.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis. Nous examinerons demain l’article 13 bis AA, dit small business act. Il a été entièrement réécrit par la commission des lois, afin, précisément, de donner aux grandes entreprises la possibilité de travailler avec des petites entreprises mahoraises à hauteur de 30 % du montant estimé du marché. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Il s’agit, mes chers collègues, d’une disposition importante. Certes, je comprends vos interrogations, dans la mesure où nous examinons d’abord l’article 12, relatif à l’allotissement. Mais sachez que nous aurons ce débat.
D’une manière plus générale, l’un de nos objectifs dans ce projet de loi est bien d’inclure, quand c’est possible, les entrepreneurs et les artisans mahorais dans les marchés publics.
Je tenais à vous apporter ces précisions.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je souhaite remercier nos collègues Mouiller et Rietmann, dont les prises de position montrent qu’il reste un espace de débat et une possibilité de faire bouger les lignes dans cet hémicycle. Cela n’arrive pas assez souvent à mon goût (Sourires.), mais, en l’occurrence, c’est le cas.
Si nous nous rejoignons sur ces deux amendements de suppression, qui n’ont pas une valeur idéologique particulière, monsieur le ministre, c’est parce que nous savons que les toutes petites entreprises n’ont pas accès à la garantie décennale, faute de pouvoir amortir 8 000 euros, voire 10 000 euros.
Par ailleurs, puisque c’est un moment de sincérité, rappelons que, lorsque nous parlons de sous-traitance, celle-ci s’exerce sur l’approvisionnement. Or seules les grandes majors peuvent approvisionner Mayotte !
Adopter ces deux amendements, c’est réintroduire de la confiance et recréer de la cohésion – chez ces artisans locaux, il y a une dimension familiale – au sein de la population mahoraise. C’est, je le crois, très important du point de vue du regard que la République doit porter sur cette dernière.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Nos deux amendements de suppression ont un caractère transpartisan. Je pense même que tout le monde aurait pu les signer.
J’entends les arguments de Mme la rapporteure pour avis sur l’article 13 bis AA. Mais nous savons combien la sous-traitance est une question difficile pour les petites entreprises locales.
Il me paraît donc important que ce temps de reconstruction puisse bénéficier aux TPE mahoraises, y compris pour de la formation.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Je partage nombre des arguments qui ont été avancés.
Lorsque nous parlons de la reconstruction de Mayotte, évitons d’exclure le tissu économique local ! Faisons en sorte que tous les Mahorais puissent participer et bénéficier des avancées.
La dérogation prévue à l’article 12 enverrait un très mauvais signal aux acteurs économiques locaux.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Face à un front républicain aussi large, je chancelle ! (Sourires.)
Ainsi que cela a été souligné, l’article 12 a beaucoup cheminé ; il a connu toute la palette des couleurs de l’arc-en-ciel. Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement avait dans un premier temps envisagé d’émettre un avis de sagesse sur cet amendement. Je comprends en effet les arguments qui ont été invoqués en faveur de la suppression de l’article.
Cela étant, sur place, il faut faire en sorte que les petites entreprises mahoraises puissent tenir le choc ; cela pose des problèmes de formation, d’ingénierie, etc. Nous connaissons la réalité économique.
Pour autant, le Gouvernement écoute les différents avis et souhaite avancer. Nous aurons l’occasion de revenir demain sur le sujet lors de l’examen de l’article 13 bis AA, et il faudra peut-être affiner le dispositif en commission mixte paritaire, mais, dans l’immédiat, j’opte de nouveau pour un avis de sagesse. En effet, l’adoption de ces deux amendements permettrait peut-être d’adresser un message de confiance à l’égard des entreprises mahoraises.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 111 rectifié et 126.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 12 est supprimé, et l’amendement n° 34 rectifié bis n’a plus d’objet.
Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 84 amendements au cours de la journée. Il en reste 54 sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 4 février 2025 :
À quatorze heures trente et le soir :
Explications de vote des groupes, puis scrutins publics solennels sur la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte de la commission n° 254 2024-2025), et sur la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte de la commission n° 255, 2024-2025) ;
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’urgence pour Mayotte (texte de la commission n° 283, 2024-2025) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (texte de la commission n° 251, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 4 février 2025, à zéro heure cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER