M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous présenter la position de la commission des affaires sociales sur ce projet de loi, je veux exprimer ma solidarité envers les Mahorais.
Les travaux que j’ai menés en tant que rapporteur pour avis m’ont permis de mesurer l’ampleur des dégâts humains, matériels et économiques qui résultent du passage du cyclone et des inondations qui ont suivi.
Notre commission s’est vu déléguer au fond l’examen des articles qui concernent le recouvrement des cotisations et des contributions sociales, le versement des prestations sociales et la mise en œuvre du mécanisme d’activité partielle.
Nous avons eu à cœur de soutenir la reprise de l’activité, de prévenir tout licenciement économique et d’éviter une explosion de la précarité, tout en étant conscients que le caractère d’urgence de ce texte impose que ses dispositions soient limitées dans le temps.
L’article 18 suspend le recouvrement des cotisations et des contributions sociales pour les employeurs, les travailleurs indépendants et les micro-entrepreneurs. La commission a adopté ces dispositions, en rétablissant toutefois la période d’application qui figurait dans le projet de loi initial : la suspension courra ainsi jusqu’au 31 mars 2025 ; elle pourra éventuellement être prolongée par décret jusqu’au 31 décembre 2025.
Le choix de cette période confère une protection importante aux acteurs économiques mahorais, qui s’ajoute aux aides prévues pour compenser la perte de chiffre d’affaires. Il nous a semblé que, si l’on prolongeait d’emblée sa durée dans la loi, on manquerait de souplesse pour s’adapter à l’évolution locale : une telle mesure ne serait pas conforme au cadre d’urgence de ce projet de loi.
Notre commission a ensuite choisi de supprimer l’article 18 bis, qui avait été introduit dans le texte par l’Assemblée nationale afin d’exonérer les entreprises mahoraises de cotisations pour le seul mois de décembre 2024. Ces dispositions n’étaient pas nécessaires au regard des dispositions de l’article 18 permettant l’abandon partiel ou total des créances de cotisations des employeurs et des travailleurs indépendants.
La commission soutient en revanche l’article 19, qui a pour objet de rendre les travailleurs indépendants non agricoles éligibles au bénéfice des aides sociales apportées par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI).
Elle a également adopté l’article 20, qui prolonge le versement des revenus de remplacement au bénéfice des demandeurs d’emploi. Ces mesures paraissent justifiées alors que le marché du travail ne peut fonctionner normalement.
Cet article déroge toutefois à la répartition habituelle des compétences, selon laquelle la définition des règles d’indemnisation de l’assurance chômage relève des partenaires sociaux. La commission a donc adopté un amendement tendant à préciser que le décret de prolongation devra être pris après avis du conseil d’administration de l’Unédic.
L’article 21 permet le renouvellement automatique des droits et prestations versés aux assurés résidant à Mayotte, ainsi qu’à leurs ayants droit. Ce dispositif sans précédent se justifie par le fait que le site abritant le guichet de la caisse de sécurité sociale de Mayotte a été détruit aux deux tiers et inondé, et que les pertes matérielles subies par les allocataires sont susceptibles d’entraver leurs démarches administratives.
La commission a adopté un amendement visant à aligner la durée de renouvellement des prestations et des droits sociaux sur celle qui a été retenue pour les allocations chômage, soit jusqu’au 31 mars 2025, comme le prévoyait la version initiale du texte. Ces échéances pourront, le cas échéant, être prolongées jusqu’au 31 décembre 2025 par décret.
L’article 22 autorise quant à lui la majoration des taux de l’allocation d’activité partielle, versée à l’employeur, ainsi que de l’indemnité versée au salarié, pour les établissements situés à Mayotte. Il sera ainsi possible de rehausser l’indemnité versée au salarié à hauteur de 70 % de la rémunération brute antérieure et d’éviter tout reste à charge pour l’employeur. Ces mesures, qui ont déjà été mises en œuvre lors de la crise sanitaire, nous ont paru utiles. Selon les informations dont dispose l’administration, au moins 8 500 salariés sur 16 400 seraient ainsi déjà concernés par un placement en activité partielle.
Enfin, les articles 27, 32 et 33 constituaient des demandes de rapport ; la commission les a supprimés.
Les mesures exceptionnelles de ce texte sont nécessaires et bienvenues. Elles ne doivent toutefois pas nous faire oublier que la reconstruction de Mayotte, dans les domaines économique et social, nécessitera un travail au long cours. Le chantier de la convergence sociale entre l’archipel et l’Hexagone devra ainsi être poursuivi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 14 décembre dernier, l’archipel de Mayotte était frappé par le cyclone Chido, le plus dévastateur que la région ait connu depuis quatre-vingt-dix ans.
Ce cyclone a provoqué des dégâts matériels considérables, qui ont touché des infrastructures majeures, telles que le centre hospitalier ou l’aéroport. Des quartiers d’habitation entiers ont également été emportés.
À ces dégâts matériels s’ajoute le bilan humain : 39 décès et près de 4 500 blessés ont été recensés.
Avant toute chose, je souhaiterais donc avoir une pensée pour la population mahoraise, qui, encore aujourd’hui, continue de souffrir, et pour nos deux collègues mahorais, ici présents, qui ne ménagent pas leurs peines pour venir en aide à leur département.
J’en viens maintenant aux dispositions de ce projet de loi d’urgence pour Mayotte, et plus précisément à l’article 2 et aux articles 11 à 15, dont l’examen a été délégué au fond à la commission des lois.
Ces articles consistent principalement en des dérogations visant à permettre une reconstruction rapide de Mayotte, au travers du desserrement des contraintes procédurales en matière de marchés publics, ainsi que de l’ouverture à l’État de la possibilité d’intervenir, en lieu et place des communes, pour reconstruire les écoles.
La commission des lois s’est montrée globalement favorable à ces mesures.
Elle a toutefois adopté quinze amendements visant en particulier à assurer le respect des libertés locales, tout en garantissant l’engagement rapide de la reconstruction de l’archipel.
Elle a ainsi prévu, à l’article 2, que l’État ne pourrait intervenir pour reconstruire une école publique qu’à la demande de la commune.
Pour ce qui concerne les dérogations aux règles de la commande publique, la commission s’est attachée à supprimer du texte, d’une part, tous les éléments susceptibles de ralentir la conclusion des marchés publics indispensables à la reconstruction de Mayotte et, d’autre part, les dispositions déjà satisfaites par le droit existant, telles que l’obligation de publier sur internet des données relatives aux marchés publics passés dans le cadre de la reconstruction de l’archipel.
La commission a également souhaité regrouper l’ensemble des dispositions destinées à favoriser les petites entreprises mahoraises dans l’attribution des marchés publics de reconstruction au sein d’un article unique, pour garantir la cohérence du dispositif.
Elle a également adopté des amendements de suppression des dispositions susceptibles de pénaliser les TPE-PME locales dans l’attribution des marchés publics conclus pour la reconstruction de Mayotte ; ainsi de l’article 13 bis, qui limitait le recours à la sous-traitance.
La commission a enfin veillé à garantir le caractère opérationnel de l’article 15, qui vise à permettre le versement, par les collectivités territoriales, de subventions aux associations œuvrant en faveur de la population mahoraise. Elle a ainsi supprimé l’exigence, pour les associations reconnues d’utilité publique, de désigner un commissaire aux comptes pour bénéficier de subventions de la part des collectivités territoriales, car cela aurait imposé à ces associations une charge importante, susceptible de les détourner de cette possibilité de subventionnement.
Enfin, monsieur le ministre, je veux vous remercier de votre écoute en ce qui concerne l’article 10, ainsi que de votre pragmatisme. Même si la commission partage l’intention du Gouvernement, comme vous l’avez reconnu, l’habilitation demandée nécessitait plus de concertation et sa rédaction méritait d’être plus complète. (M. le ministre acquiesce.) Cela sera sans doute le cas dans un prochain projet de loi ! En tout cas, pour le moment, elle nous semblait mal comprise. Vous nous avez entendus sur ce point, et je vous en suis reconnaissante.
Vous l’avez donc bien compris, mes chers collègues, la commission des lois considère que les dispositions qui nous sont soumises s’inscrivent, dans leur ensemble, dans une démarche de bon sens qui permettra de reconstruire Mayotte au plus vite.
Elles seront cependant insuffisantes – vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre – pour répondre à l’ensemble des problématiques auxquelles l’archipel est actuellement confronté.
La commission des lois sera donc attentive aux mesures qui figureront dans le second projet de loi, visant à refonder Mayotte, qui devrait être présenté par le Gouvernement d’ici à deux mois, pour répondre notamment aux enjeux migratoires et enclencher, enfin, la convergence sociale.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l’adoption de trois amendements rédactionnels, la commission des lois vous propose d’adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Demande de réserve
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. La commission des affaires économiques demande, en accord avec la commission des lois et sa rapporteure pour avis Isabelle Florennes, la réserve de la discussion de l’article 2 jusqu’après l’article 9, de sorte que nous puissions examiner en un seul bloc l’ensemble des articles dont l’examen a été délégué au fond à la commission des lois.
M. le président. Je suis donc saisi d’une demande de la commission tendant à réserver l’examen de l’article 2 du projet de loi.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, qu’il s’agisse d’une maison, d’un abri de fortune, ou d’un lieu de mémoire, pour certains, les souvenirs de toute une vie ont disparu ! Le passage du cyclone Chido, le 14 décembre dernier, aura marqué pour toujours l’histoire de l’archipel de Mayotte et touché la vie de tous ses habitants ; nombre d’entre eux ont absolument tout perdu.
Au nom des membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, j’adresse à toutes les victimes et aux familles des disparus nos pensées les plus sincères. Qu’elles soient assurées de notre soutien et de notre engagement à leurs côtés.
À la suite du passage de Chido, on a décompté les morts, les disparus, les blessés. L’habitat précaire d’environ 100 000 personnes a été détruit et de nombreuses infrastructures publiques – l’hôpital, l’aéroport, les routes, la préfecture, les écoles – ont été endommagées, voire ravagées.
Nous saluons l’ensemble de la population mahoraise, qui a tout de suite fait preuve de résilience et qui s’est mobilisée pour commencer à remettre l’archipel debout.
Nous saluons aussi tous les services de l’État – les forces de l’ordre, les pompiers, les agents publics, les agents d’Enedis, les distributeurs d’eau, etc. – qui sont sur le pont depuis plus d’un mois.
Lundi dernier, six semaines après le passage ravageur du cyclone, qui a été suivi par celui de la tempête Dikeledi, plus de 100 000 élèves ont pu reprendre le chemin de l’école. Cette reprise s’est toutefois réalisée dans des conditions très dégradées : certains établissements n’ont pas pu rouvrir ; dans d’autres, certaines salles sont inutilisables et les autres sont partagées en alternance entre les classes.
Le 14 décembre dernier, nous avons tous été saisis en voyant les images de ce territoire de France dévasté : des bâtiments détruits, des paysages balayés, des bidonvilles soufflés comme si une bombe avait explosé, le malheur des victimes accablées.
Les conséquences du cyclone n’ont fait – vous l’avez dit, monsieur le ministre – que mettre en évidence certains manques, certains échecs et une forme de désintérêt ; cela doit nous inciter, tous autant que nous sommes, à nous interroger.
Nous ne sommes pas de ceux qui disent que rien n’a été fait pour Mayotte. C’est faux. Toutefois, si nous devons faire un bilan, nous ne pourrons que constater que la situation de Mayotte n’est pas digne d’un département français, et personne ne pourra le contredire.
Ainsi, 77 % des habitants de l’archipel vivent sous le seuil de pauvreté. Plus de 70 % des élèves ont des difficultés en lecture ; un grand nombre d’enfants ne vont à l’école qu’un jour sur deux, ou seulement le matin ou l’après-midi. Le taux de chômage atteint 37 % et le revenu annuel médian est de 3 000 euros. L’habitat indigne, c’est-à-dire, concrètement, les bidonvilles, représente 40 % des logements. L’eau ne coule pas au robinet tous les jours ni toute la journée. L’archipel a connu une épidémie de choléra l’année dernière. Les bandes et l’insécurité règnent en maître à certains endroits. Enfin, un tiers environ des 310 000 habitants de l’archipel seraient en situation irrégulière ; la situation paraît, sous cet angle, assez incontrôlable.
Vous l’avez dit, monsieur le ministre : ce texte n’a pas vocation à s’attaquer aux difficultés économiques et sociales profondes. Il ne porte pas sur l’accès aux soins, l’immigration illégale, ou encore l’accès à l’eau…
Le texte que nous examinons est un projet de loi d’urgence, d’ordre essentiellement technique, qui simplifie de nombreuses procédures d’urbanisme. Son objectif est de pallier la situation catastrophique et de permettre, le plus rapidement possible, de reconstruire, rebâtir et réhabiliter les logements, les bâtiments publics, les écoles et le réseau électrique afin que la vie sur l’archipel puisse reprendre aussi normalement que possible.
L’objectif est aussi de soutenir les entreprises et la population afin que la situation économique et sociale, déjà précaire auparavant, ne s’enlise pas davantage.
Il est ainsi prévu de suspendre, jusqu’au 31 mars 2025, le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues depuis le passage du cyclone par les entreprises et les travailleurs indépendants. En outre, les prestations sociales versées aux Mahorais et les indemnités des demandeurs d’emploi devraient être automatiquement renouvelées jusqu’au 31 mars 2025.
La priorité de ce texte, c’est gérer l’urgence de la reconstruction.
L’étape suivante, très attendue, sera celle de la refondation de Mayotte, grâce à l’adoption de mesures concrètes dans les domaines sanitaire, migratoire et économique. Celles-ci figureront dans un second projet de loi, qui devrait être déposé au mois de mars.
Notre tâche au cours de l’examen du présent projet de loi d’urgence est délicate : il s’agit de trouver le bon équilibre entre l’accélération et la simplification des procédures d’urbanisme, d’une part, et le respect des contraintes, des réalités et des risques spécifiques du territoire, d’autre part. Nous devons aussi, évidemment, nous donner l’objectif de ne plus laisser se développer les bidonvilles.
Grâce au travail réalisé par les commissions des affaires économiques, des lois et des affaires sociales, le texte qui nous est soumis respecte cet équilibre.
Il assure notamment une meilleure association des acteurs locaux : les maires seront représentés au sein du conseil d’administration du nouvel établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction. De même, le maire devra donner son accord avant toute implantation de constructions modulaires.
Le texte instaure également des conditions exigeantes pour l’achat de tôles. Si cette mesure peut paraître excessive à certains, elle est cependant nécessaire, à Mayotte, pour lutter contre l’habitat informel.
Les membres du groupe Les Indépendants voteront évidemment tous en faveur de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Solanges Nadille et Salama Ramia applaudissent également.)
Mme Viviane Malet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, Mayotte et La Réunion ont un destin lié, en raison de leur proximité géographique au cœur de l’océan Indien.
Ces deux territoires insulaires ont en commun le fait de posséder des biodiversités et des écosystèmes exceptionnels, mais ils ont encore une autre caractéristique commune : ils sont tous deux extrêmement vulnérables aux risques climatiques.
Ils doivent donc toujours être solidaires lorsqu’ils sont victimes de la violence des cyclones qui peuvent les frapper.
Je veux ainsi exprimer tout mon soutien aux Mahoraises et aux Mahorais, ainsi qu’à leurs élus, qui mènent des actions remarquables dans le contexte que nous déplorons depuis le 14 décembre dernier.
Le cyclone Chido a engendré, de l’avis de tous, la plus grande catastrophe de sécurité civile dans notre pays depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le nombre de victimes, mais aussi l’ampleur des dégâts causés par ce phénomène climatique dévastateur ont justifié que soit décrétée, le 23 décembre dernier, une journée de deuil national.
Au chaos suscité par Chido a succédé l’épreuve de la tempête Dikeledi, qui n’a fait qu’aggraver la situation.
Je veux donc saluer ici la formidable solidarité qui s’est immédiatement manifestée entre les îles françaises de l’océan Indien.
Avec le concours précieux des services de l’État, les collectivités de La Réunion – le conseil régional, le conseil général et les communes –, mais aussi les centres communaux d’action sociale (CCAS), le monde associatif, les entreprises et les particuliers, ont fait des dons, qui ont permis d’envoyer les biens les plus urgents vers Mayotte, par voie maritime ou aérienne.
Cette solidarité entre les îles françaises de l’océan Indien a aussi joué en matière de santé, grâce au concours des Dash 8 positionnés à l’aéroport de Saint-Pierre Pierrefonds, sur l’île de La Réunion ; celui-ci a démontré sa nécessité vitale en situation de crise grave.
Avec l’humilité que la détresse des habitants de ce territoire dévasté nous impose et que l’on ressent forcément face à l’ampleur de la tâche immense que constitue la reconstruction de l’archipel, je souhaite souligner les points qui me semblent importants dans le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre.
Ce texte comporte des dispositions temporaires visant à prévenir toute aggravation de la crise actuelle et à permettre une reconstruction rapide de l’archipel : reconstruction des écoles par l’État, jusqu’au 31 décembre 2027 ; dérogations aux règles de la commande publique ; accompagnement de l’économie mahoraise, avec des dispositions en faveur des entreprises ; enfin, prolongation des droits des bénéficiaires de prestations sociales ou d’allocations.
Monsieur le ministre, ce projet de loi d’urgence pour Mayotte, que vous avez présenté le 8 janvier dernier en conseil des ministres, a été adopté par l’Assemblée nationale, en séance publique, à une très forte majorité.
Au Sénat, en commission, nous avons amendé et enrichi le texte selon trois axes. Il s’agissait, tout d’abord, de mieux associer les élus et la population à la reconstruction. Ensuite, il fallait faire en sorte que la reconstruction soit adaptée aux réalités du territoire ; tel est l’objet, par exemple, de l’exonération de TGAP sur les déchets, consentie pour deux ans. L’enjeu était, enfin, de faciliter la lutte contre les bidonvilles.
Au cours de l’examen des articles, je défendrai un amendement visant à reconstruire les ouvrages BT (basse tension) et HTA (haute tension A) du réseau électrique, et ce – je le souligne – sans exproprier les propriétaires des terrains traversés. En effet, sans électricité, le pompage de l’eau et, partant, sa fourniture sont impossibles.
Monsieur le ministre, les Mahoraises et les Mahorais attendent beaucoup de l’État pour reconstruire leur archipel.
Mayotte possède plusieurs atouts, notamment sa jeunesse. Les jeunes veulent contribuer à la reconstruction. Le régiment du service militaire adapté (RSMA), qui constitue un formidable outil de formation et d’insertion professionnelle, peut représenter une porte d’entrée en ce sens.
Cet outil a déjà démontré sa capacité d’adaptation, notamment lorsque ses cadres et ses volontaires sont intervenus, en 2023, pour aider la population à faire face à la grave crise de l’eau. Le plan « Mayotte debout » doit encore faire participer, dans sa phase 3, le RSMA à la reconstruction de Mayotte. Les conventions que le RSMA a signées avec la fondation des Apprentis d’Auteuil, avec la mission locale, ou encore avec France Travail sont des réussites qui doivent être confortées, afin de lancer des chantiers d’insertion et d’en multiplier le nombre.
Monsieur le ministre, vous venez d’achever une seconde visite, de deux jours, à Mayotte. Vous avez annoncé que le coût de la reconstruction avoisinerait très probablement 3,5 milliards d’euros. Ce sont donc un défi et un devoir immenses qui s’imposent à nous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’évoquer le texte qui nous est soumis, je tiens à exprimer tout mon soutien à mes compatriotes mahorais, qui nous obligent, par leur force de résilience, à sortir des postures pour répondre avec dignité à leurs attentes, de façon concrète et urgente.
Après avoir obtenu l’inscription de financements complémentaires d’urgence dans le projet de loi de finances pour 2025, nous sommes réunis aujourd’hui pour poser le deuxième acte de la reconstruction de Mayotte.
Le texte a été partiellement réécrit par l’Assemblée nationale avant d’être transmis au Sénat. En commission, nous avons entériné la suppression décidée par les députés de certaines dispositions, notamment celle de l’article 10, qui permettait au Gouvernement d’exproprier des parcelles pour accélérer la reconstruction.
Le chaos qui a frappé Mayotte nous a amenés à travailler de manière transpartisane pour aboutir à la rédaction équilibrée dont nous discutons cet après-midi.
Je remercie tous nos collègues présents au cours de ces travaux pour leur écoute attentive : ils ont compris qu’il fallait, si l’on voulait répondre aux préoccupations des Mahorais, se départir de toute vision dogmatique, compte tenu des spécificités de l’archipel.
Mayotte est une terre de tradition où, longtemps, en amont de la départementalisation, la terre sacrée se transmettait sans formalisme, des parents aux enfants.
Mayotte est aujourd’hui une terre de privation et d’immigration, en raison de l’imposition du titre de séjour territorialisé.
L’accès de sa population native aux services publics, à l’école ou à l’hôpital se voit restreint, parce que la pression migratoire est mal gérée et ne donne lieu à aucune mesure compensatoire.
Près de deux mois après le cyclone, l’électricité et l’eau ne sont pas accessibles à tous. Les denrées alimentaires sont distribuées essentiellement à proximité des bidonvilles détruits. Les convois d’aide croisent insuffisamment la route des Mahorais, alors qu’eux aussi n’ont plus rien ; certains de leurs enfants n’ont d’ailleurs pas pu reprendre l’école, car celle-ci est occupée par des personnes en situation irrégulière.
Nous nous inquiétons de savoir si nous obtiendrons une véritable place, chez nous, pour vivre, pour nous épanouir avec nos familles et, dorénavant, pour reconstruire Mayotte.
C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe RDPI, je soutiendrai l’article 3 tel que réécrit par la commission, qui permet l’implantation de structures temporaires pour les services publics, les écoles et les travailleurs, afin de mettre un terme, de manière définitive, à la polémique sur les hébergements d’urgence.
Nous avons voulu que ce projet de loi soit proche des préoccupations des Mahorais, humain et opérationnel. Je remercie M. le ministre d’en avoir tenu compte, en concertation avec les élus.
Je le remercie également de la confiance qu’il m’a accordée en me confiant une mission de suivi de la reconstruction à Mayotte.
M. François Patriat. Bravo !
Mme Salama Ramia. La reconstruction de Mayotte passera par le rétablissement de la sécurité des Mahorais. Il faudra leur permettre de reconstruire leurs habitations à l’identique, grâce à des dérogations aux règles d’urbanisme, tout en tenant compte des risques environnementaux.
Cette reconstruction s’accompagnera de celle des infrastructures publiques et des écoles.
Nous espérons obtenir prochainement des réponses qui nous permettront de soutenir les associations locales, notamment celles qui œuvrent pour l’insertion de la jeunesse, par la formation ou par le sport, et dont les infrastructures sont détériorées.
Nous voulons que la reconstruction économique n’oublie personne, favorise les artisans, les TPE-PME locales et l’économie sociale et solidaire, grâce à des mesures garantissant l’accès aux marchés publics et à l’instauration d’un mécanisme de report de charges ; cela contribuera à un climat serein.
Si nous pensons avoir posé les jalons d’une reconstruction profitable à tous, en prévoyant la mise à disposition de logements temporaires pour tous les travailleurs sinistrés et tous les acteurs de la reconstruction de Mayotte, nous ne pouvons que regretter, à ce stade, de nous trouver dans une impasse, car le champ restreint de ce projet de loi nous empêche d’aller plus loin.
Monsieur le ministre, près de 100 000 foyers régis par le droit coutumier n’ont pas encore de titre foncier et risquent de rester à l’écart de la reconstruction. L’absence de possibilité de régularisation par la commission d’urgence foncière empêche ces ménages de reconstruire leur propriété selon les normes de sécurité. L’urgence appelle à assouplir les conditions de ces régularisations, tout en mettant en place des garde-fous.
Rétablir Mayotte dans la légalité doit être notre priorité ; cela nécessite de prendre des positions courageuses et inédites pour un territoire hors norme.
Nous appelons donc de nos vœux une concertation en amont du projet de loi de programmation pour Mayotte, afin qu’aucune difficulté ne reste en marge de l’action du Parlement.
Bien conscient que l’État prendra une part pleine et entière à la reconstruction de Mayotte, dans le respect de son intégrité, de ses habitants et de ses élus, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte, qui nous appelle d’ores et déjà à un acte III : un vaste chantier pour faire de l’un des plus beaux lagons du monde la fierté de la France, dans un espace géostratégique effervescent et prometteur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)