Mme la présidente. La parole est à M. Georges Naturel, pour explication de vote.

M. Georges Naturel. Mme la rapporteure et M. le ministre viennent de le rappeler, borner le report des élections provinciales au mois de mai 2025, comme le propose notre collègue Xowie, entraînerait un risque : il faudrait réengager une procédure législative en cas de léger retard. Il est donc plus raisonnable, par sécurité, de ne pas modifier le délai maximal proposé par le Conseil d’État.

Toutefois, comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, je prendrai une part importante à ce débat. J’encourage vivement le Gouvernement à prévoir l’organisation des élections au premier semestre de 2025. J’ai en effet expliqué pourquoi, au vu des conditions, il fallait y procéder le plus rapidement possible.

Le premier semestre 2025 présente un double intérêt : tout d’abord, la certitude qu’il n’y aura alors aucune interférence électorale ; ensuite, une échéance suffisamment en amont des élections municipales qui auront lieu au début de 2026.

Je m’oppose à cet amendement pour ces raisons, mais aussi parce que nous, les insulaires, n’aimons pas que l’on nous mette la pression – cela a été dit au cours de nos discussions. En nous imposant une date, au mois de mai ou de juin, on risque de recréer les conditions que l’on a connues dans le passé…

Laissons-nous du temps, même si notre rôle, aux uns et aux autres, est de parvenir à une solution le plus tôt possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J’entends ce que dit mon collègue Georges Naturel. Pour ma part, j’interviens ici à titre personnel, et certains membres de mon groupe ne partageront peut-être pas mon point de vue.

Je viens de vous entendre, monsieur le ministre, répondre à Robert Wienie Xowie qu’il ne fallait pas mélanger processus de décolonisation et demande d’indépendance. Ce faisant, vous procédez à une partition, une division, du processus de décolonisation.

Pour ma part, j’exhorte le Gouvernement – je le supplie, même ! – d’ouvrir le champ des possibles. Si vous avez confiance dans la République française et dans ses promesses, il faut laisser les Calédoniens libres de décider !

Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que la discussion sera réduite, jusqu’en novembre 2025, uniquement aux sujets économiques, sociaux et culturels. Et le politique ? Il y a des peuples qui peuvent s’autodéterminer !

Je vous incite donc, encore une fois, à ouvrir le champ des possibles et à évoquer toutes les possibilités, y compris l’hypothèse d’un État associé. Ce seront les Calédoniens qui décideront. Ne restreignez pas le champ de la discussion !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, monsieur le ministre, je veux vous remercier de la qualité de nos échanges. Elle est particulièrement importante sur ce sujet. Pourtant, comme l’ont rappelé les différents orateurs, elle avait fait défaut, l’an dernier, lorsque nous avions débattu de cette question.

J’entends les arguments, factuels et difficilement réfutables, que vous avez donnés. J’aimerais cependant que chacun comprenne bien l’objet de cet amendement.

Bien évidemment, notre collègue Robert Wienie Xowie n’a pas voulu que l’on choisisse une date, comme on jouerait au loto, uniquement pour contrer la proposition de report des élections au mois de novembre.

Mai 2025, ce sera un an après la date des élections initialement prévues. Nous souhaitons donc reporter non pas d’un an, mais de plus d’un an et demi les élections envisagées au départ.

Je ne souhaite pas le pire, bien entendu, et les positions des uns et des autres, y compris hier matin au sein du congrès de la Nouvelle-Calédonie, ont été très claires sur ce point. Mais nous serions bien prétentieux et orgueilleux, à rebours de l’humilité qui est indispensable lorsque l’on traite du sujet calédonien, si nous affirmions avec force et certitude que nous n’avons à craindre aucune embûche en décidant que les élections se tiendront en novembre prochain.

Vous comprendrez donc que notre collègue veuille maintenir son amendement. Il s’agit non pas d’en faire un sujet irréductible, qui conditionnerait tout vote et toute discussion par la suite, mais d’acter, y compris en vue du débat à l’Assemblée nationale, que le report d’un an respecte davantage le temps démocratique que celui qui est prévu dans la présente proposition de loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 2 (nouveau)

Les fonctions des membres des organes du congrès en cours à la date de la promulgation de la présente loi organique sont prorogées jusqu’au jour de la première réunion du congrès nouvellement élu en application de la présente loi organique. – (Adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie
Article 3 (nouveau) (début)

Article 3 (nouveau)

La présente loi organique entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, manifestement, nous allons sortir par le haut de cette crise institutionnelle, économique et sociale, tout au moins au niveau du Sénat. J’espère que nos collègues de l’Assemblée nationale confirmeront le vote important qui sera exprimé dans quelques instants par scrutin public sur cette proposition de loi organique.

J’ai retrouvé la Lettre à tous les Français, qui fut publiée par François Mitterrand le 7 avril 1988 et qui, je pense, pourrait nous inspirer. Permettez-moi d’en citer quelques phrases : « La Nouvelle-Calédonie avance dans la nuit, se cogne aux murs, se blesse. La crise dont elle souffre rassemble, en miniature, toutes les composantes du drame colonial. Il est temps d’en sortir. »

François Mitterrand écrivait dans le même document : « Le garant de [la] paix [en Nouvelle-Calédonie] […] ne peut être que la République française. Il n’est pas d’autre arbitre. » Il disait aussi : « La France ne peut être arbitre que si sa parole inspire confiance. » On reconnaît ici la plume de l’ancien Président de la République… Je m’associe bien sûr, très modestement, à ces propos. Nous n’ajoutons qu’une petite pierre à l’édifice…

À ce stade de notre débat, je tiens à saluer le travail accompli en Nouvelle-Calédonie par deux personnages politiques majeurs, aujourd’hui disparus : Jean-Marie Tjibaou, qui est mort assassiné, et Jacques Lafleur.

Le 26 juin 1988, Michel Rocard, dans un communiqué de presse saluant les accords de Matignon, disait d’eux : « Ceux qui, à Paris, ont parlé en votre nom, ont fait preuve de courage et de responsabilité. Sans rien abandonner, ils ont su donner et pardonner. Je veux vous aider à réussir votre destin par la réconciliation, la solidarité et la construction de l’avenir. Je suis sûr que les Français, tous les Français, nous y aideront. »

Que ces mots, mes chers collègues, puissent inspirer notre action pour la Nouvelle-Calédonie ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Naturel, pour explication de vote.

M. Georges Naturel. Je tiens à vous remercier, mes chers collègues, des échanges que nous avons eus aujourd’hui, et à souligner trois points.

Tout d’abord, la situation économique de la Nouvelle-Calédonie est catastrophique. Si l’on veut permettre aux Calédoniens, ainsi qu’à l’ensemble de nos concitoyens, d’être sereins et d’avoir un débat politique sérieux, il faudra que l’État nous accompagne ; nous en débattrons lors de l’examen du budget.

Ensuite – ce point est très important –, le débat politique ne doit pas se tenir dans la rue. Je souhaite ardemment qu’il se déroule de manière démocratique. À cet égard, les campagnes et les échéances électorales me paraissent essentielles, en particulier en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, permettez-moi de vous livrer mon sentiment. Nous avons parlé aujourd’hui de dates et de bien d’autres choses. Mais, puisque je vais retourner demain en Nouvelle-Calédonie pour deux ou trois semaines – j’y serai lors de la venue du président du Sénat et de la présidente de l’Assemblée nationale –, je veux dire que ce sont les cœurs qu’il s’agit de reconstruire. Nous avons besoin, les uns et les autres, de sérénité pour reconstruire la société calédonienne, ce à quoi je m’attellerai de toutes mes forces.

Bien sûr, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je l’ai dit précédemment, il nous faut aborder ce sujet avec beaucoup d’humilité, notamment pour définir la notion, centrale dans nos débats, de légitimité.

La légitimité procède évidemment du fait de disposer d’institutions en état de fonctionner, afin que les budgets puissent être votés d’ici à la fin de l’année. Elle découle également de la capacité de se projeter vers l’avenir, pour reconstruire en évitant de nouveaux drames.

Je tiens à dire très sincèrement, et avec beaucoup de solennité, que la situation que connaît la Nouvelle Calédonie-Kanaky ne peut être comparée au drame de la tempête Erika. Ce n’est pas une catastrophe naturelle qui a frappé l’île au printemps dernier !

Cette situation est le résultat de décisions politiques qui se sont accumulées et du choix de certains d’écouter non pas l’ensemble des forces en présence, mais seulement certaines, et parfois même une seule. Pourtant, de nombreux collègues l’ont rappelé, plusieurs alertes avaient été lancées par le Sénat et l’Assemblée nationale, mais surtout par le congrès de la Nouvelle-Calédonie !

Se pose aussi la question de la légitimité démocratique et politique de celles et ceux qui seront, dans l’année qui vient, les acteurs de la reconstruction.

Nous ne voulons pas bloquer les choses et nous pensons que ce débat doit se poursuivre jusqu’à l’Assemblée nationale. Mais nous savons qu’il existe des cultures différentes. Ainsi, lorsque le mot « palabrer » désigne dans l’Hexagone une discussion dérisoire, il prend tout son sens en Nouvelle-Calédonie pour construire du commun et aboutir à une solution positive pour toutes et tous.

Nous nous abstiendrons lors du vote sur cette proposition de loi. Une abstention qui doit, nous n’en doutons pas, permettre à ce texte de trouver une issue à l’Assemblée nationale !

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique dans le texte de la commission.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 22 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l’adoption 324
Contre 0

Le Sénat a adopté la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur toutes les travées, à lexception de celles du groupe CRCE-K.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt-six.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

9

Réforme du financement de l’audiovisuel public

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, présentée par M. Cédric Vial, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Roger Karoutchi, M. Laurent Lafon et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 720, texte de la commission n° 41, rapport n° 40).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi organique. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi sommes-nous là ? Parce qu’il fallait bien trouver une solution !

Depuis la suppression de la redevance, dite aussi contribution à l’audiovisuel public, entrée en application le 1er janvier 2022, les médias publics et le secteur audiovisuel public dans son ensemble vivent sous la menace de la budgétisation.

Sous la menace seulement : en effet, le débat parlementaire, lors de l’examen de la loi de finances rectificative du 16 août 2022, a conduit au maintien du compte de concours financier via la substitution d’une fraction du produit de la TVA à la redevance. Mais ce mode de financement ne pouvait être que provisoire et sa pérennisation nécessitait – ou nécessite – une modification de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) avant la fin de l’année 2024, ce qui laissait trois ans au Gouvernement pour se retourner et trouver une solution.

Trois ans plus tard – trois ans sans décision, sans action de la part du Gouvernement –, nous sommes réunis, au dernier moment, pour valider une solution parlementaire issue du Sénat.

Je partage l’initiative de cette proposition de loi organique avec mes collègues Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon, cosignataires de ce texte, que je considère comme une œuvre collective.

Je souhaite également rendre un hommage appuyé à nos anciens collègues députés, Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier, qui avaient pris l’initiative de trouver une solution avant que la dissolution ne vienne en empêcher la mise en œuvre.

C’est au cœur de l’été, le 10 juillet dernier, que j’ai repris le flambeau, afin de garantir le financement de l’audiovisuel public par un financement affecté, d’assurer son indépendance et de le mettre à l’abri des modifications infra-annuelles. Seule une initiative sénatoriale, composée en lien avec la commission des finances et selon les standards budgétaires qui lui sont chers, permettait d’atteindre cet objectif.

Je remercie Jean-Raymond Hugonet, rapporteur du texte, mais aussi fin connaisseur du paysage audiovisuel français, de sa collaboration et de son expertise, ainsi que le président de la commission des finances et le rapporteur général, Jean-François Husson, de la constance de leur soutien sur ce dossier.

Je tiens aussi à remercier le président Gérard Larcher pour son engagement à permettre une inscription rapide du texte à l’ordre du jour du Sénat. Nous savons désormais que l’Assemblée nationale l’examinera, quant à elle, le 19 novembre prochain.

Je souhaite également remercier le Premier ministre Michel Barnier, que j’ai sensibilisé, très tôt après sa nomination, à l’importance de ce texte, de son entier soutien : au vu de l’urgence de la situation, il a permis que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour d’une semaine réservée au Gouvernement.

Enfin, je souhaite vous remercier, madame la ministre, chère Rachida Dati, car c’est à compter de votre nomination que le dossier a enfin été repris et étudié sérieusement. Auparavant, mes initiatives, tout comme celles de Jean-Raymond Hugonet ou de mes collègues de la commission de la culture du Sénat – je pense notamment à Laure Darcos, que je salue –, ne recevaient pas de réponse ou, plus étonnant encore de la part d’une ministre, recevaient de votre prédécesseure une réponse non pas au nom du Gouvernement – car elle ne voulait pas engager la responsabilité de celui-ci –, mais « à titre personnel », ce qui faisait disparaître complètement l’importance de l’enjeu.

Ce texte, dont la rédaction initiale était somme toute déjà assez simple, a été utilement précisé et simplifié par la commission des finances et son rapporteur, que je remercie de nouveau de son travail en lui réaffirmant mon soutien total à l’ensemble des modifications qu’il a jugé bon d’apporter au texte.

La principale d’entre elles est la suppression de l’article 2, qui instaurait un traitement différencié pour Arte France par rapport aux autres sociétés et établissements de l’audiovisuel public. Ce traitement différencié s’expliquait par la particularité du fonctionnement de cette chaîne, qui est régie par un traité international conclu le 2 octobre 1990 entre la France et l’Allemagne.

Après les différentes auditions et le travail réalisés par la commission, nous avons acquis la certitude – je dirais même la conviction – qu’une telle différence de traitement ne se justifiait ni sur le plan du droit ni sur celui des principes et que les règles d’indépendance nécessaires au bon fonctionnement d’Arte, comme à celui des autres sociétés d’ailleurs, ne seraient aucunement remises en cause.

La part de TVA qui sera votée en valeur absolue, comme le texte le précise désormais, est même une garantie, une protection supplémentaire, par rapport au dispositif initialement envisagé du prélèvement sur recettes (PSR).

M. Victorin Lurel. Sauf s’il y a une régulation !

M. Cédric Vial, rapporteur. Justement, il n’y en a plus grâce à ce système.

M. Victorin Lurel. Ce n’est pas certain…

M. Cédric Vial, rapporteur. Pourquoi la budgétisation est-elle une menace ? Parce qu’elle modifie en profondeur la relation entre le Gouvernement et le média concerné. En effet, dans ce cas, le Gouvernement a le pouvoir d’intervenir sur les montants affectés en cours d’année, comme pour n’importe quelle autre politique publique.

C’est de cette manière qu’il est possible pour le pouvoir de faire pression sur les médias, par des interventions remettant en cause un principe cher à nos amis allemands, que je me contenterai de dire en français : celui de l’éloignement vis-à-vis de l’État, source d’indépendance.

C’est cet éloignement du pouvoir et cette absence d’intervention du Gouvernement dans les médias qui permettent, notamment à l’étranger, de distinguer un média français d’un média de la France. Dans certains pays – et je pense notamment aux journalistes et salariés de France Médias Monde –, c’est tout simplement l’autorisation d’émettre qui peut en dépendre.

Il est maintenant nécessaire que cette proposition de loi organique soit adoptée. Même si je sais que certains, notamment à gauche, auraient souhaité une solution fiscale différente – mais ni le temps dont nous disposons ni le contexte actuel ne nous permettraient d’atteindre quelqu’autre résultat –, je compte sur l’esprit de responsabilité de mes collègues, sur toutes les travées, pour voter ce texte, qui sert une cause juste. J’espère ne pas prendre trop de risques en m’avançant ainsi.

Je souhaite que nos collègues députés fassent preuve du même esprit de responsabilité, afin que les dispositions de cette loi organique puissent être prises en compte dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Nous aurons ensuite d’autres discussions, notamment sur le montant du financement dans le cadre du PLF puis sur le contenu des missions de service public, qui en sont la contrepartie, lors des débats sur les contrats d’objectifs et de moyens (COM), en cours d’instruction.

Nous aurons immanquablement une discussion sur la gouvernance et l’organisation de l’audiovisuel public, madame la ministre, avec la reprise de l’examen, que nous appelons de nos vœux, de la proposition de loi dite Lafon.

Mais le sujet qui nous occupe et nous préoccupe aujourd’hui, c’est celui de la liberté et de l’indépendance des médias, celui de la qualité et de la fiabilité de l’information et des médias publics. C’est un fondement de notre démocratie que nous confortons : il est de notre devoir d’y prendre part. Je suis certain, mes chers collègues, que vous serez tous au rendez-vous, à nos côtés.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il nous revient d’examiner aujourd’hui la proposition de loi organique portant réforme de l’audiovisuel public déposée notamment par nos collègues Cédric Vial, Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon.

Un bref rappel historique s’impose : dès 2017, nous savions qu’il serait nécessaire de trouver un nouveau mode de financement pour l’audiovisuel public du fait de la disparition programmée de la taxe d’habitation à laquelle la redevance était adossée. Or les gouvernements successifs n’ont rien anticipé.

En 2022, le Président de la République a opportunément annoncé la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Nous avons donc été contraints de trouver en hâte, au milieu de l’été, une solution de substitution. Dans l’urgence, le Parlement avait alors prévu que l’audiovisuel public serait financé par une part de taxe sur la valeur ajoutée. Il ne s’agissait en aucun cas d’une solution miracle !

Sur le fond, la substitution de la contribution à l’audiovisuel public par de la TVA a conduit à faire peser le financement de l’audiovisuel public sur l’ensemble des consommateurs. Elle a également contribué à disperser la TVA, alors que l’État perçoit désormais moins de la moitié de son produit.

Sur la forme, cette solution présentait également le défaut d’être temporaire. Loin de n’avoir émergé qu’au cours des dernières semaines, la nécessité d’une réforme de la loi organique relative aux lois de finances sur l’audiovisuel public avait été soulignée par le Sénat dès l’été 2022.

Lors de la réforme de la Lolf de 2021, il avait été décidé d’introduire une condition de lien entre la ressource publique affectée et la mission de service public. Cette modification est entrée en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025 : désormais, les organismes publics ne peuvent bénéficier d’une taxe affectée que si celle-ci est en lien avec les missions qu’ils exercent.

L’affectation d’une part de TVA, qui est un impôt de grande consommation, ne satisfait pas cette condition. Sans révision de la loi organique, le mécanisme de financement retenu depuis 2022 ne pourrait être reconduit.

C’est la raison pour laquelle les auteurs de la présente proposition de loi organique ont pris cet été la décision de déposer un texte permettant de sortir de cette impasse dans l’urgence.

À défaut, nous serions contraints de financer l’audiovisuel public, comme l’a dit Cédric Vial, par des crédits budgétaires. C’est d’ailleurs le cas dans le PLF tel qu’il vient d’être déposé en attendant l’éventuelle adoption de cette proposition de loi organique.

Les sociétés d’audiovisuel public perçoivent le système de financement par crédits budgétaires comme moins protecteur ; elles soulèvent des motifs d’inquiétude quant aux enjeux symboliques qui en découleraient, notamment sur le plan international. Au vu de l’urgence à trouver un mécanisme satisfaisant, la budgétisation ne paraît donc pas souhaitable.

J’en viens maintenant au contenu de la proposition de loi organique.

L’article 1er modifie l’article 2 de la Lolf afin d’inclure les sociétés d’audiovisuel public parmi les organismes pouvant bénéficier d’impôts d’État. Il devrait permettre de prolonger l’affectation d’un montant de TVA lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

Cette solution a pour avantage d’être déjà expérimentée par ces sociétés depuis deux ans sans avoir suscité de difficultés particulières. J’ai entendu l’ensemble des présidentes et présidents d’organismes de l’audiovisuel public au cours des dernières semaines, tous me l’ont confirmé.

L’amendement adopté, sur ma proposition, par la commission des finances a permis de clarifier les choses : il est prévu de reconduire intégralement le mécanisme actuel, en affectant un montant d’impôt d’État à l’audiovisuel public.

Cette précision permettra d’éviter une évolution automatique, à la hausse comme à la baisse, du montant versé chaque année à l’audiovisuel public, ce qui aurait pu être le cas si nous avions opté pour l’affectation d’une fraction en proportion de TVA.

Je note ici que le vocable de « pérennisation » du financement de l’audiovisuel public, fréquemment utilisé dans le débat public, ne saurait s’appliquer au montant des ressources accordées.

Il n’est bien sûr pas possible – et c’est heureux – sur le plan constitutionnel de fixer une trajectoire pluriannuelle contraignante. Le Parlement doit voter annuellement le montant des ressources accordées aux sociétés d’audiovisuel public, dans le respect des garanties constitutionnelles d’indépendance des médias et de préservation du pluralisme. C’est le cas avec l’affectation de TVA comme avec la mise en place d’un prélèvement sur recettes.

En ce qui concerne précisément les prélèvements sur recettes, la commission des finances a fait le choix, sur mon rapport, de supprimer l’article 2 de la proposition de loi organique, qui permettait de mettre en place un PSR au bénéfice d’Arte. Comme les autres organismes d’audiovisuel public, la chaîne Arte est financée par une fraction de TVA depuis 2022.

Cet article soulevait plusieurs difficultés. Le mécanisme des prélèvements sur recettes est actuellement limité à l’Union européenne et aux collectivités territoriales. Nous avons d’ailleurs régulièrement l’occasion d’examiner, dans le cadre des projets de loi de finances, des amendements portant sur des PSR à destination des collectivités, en premier lieu la célèbre dotation globale de fonctionnement. La modification prévue par l’article 2 revenait à mettre sur le même plan collectivités territoriales, Union européenne et Arte France.

Ce mécanisme, dérogatoire par rapport aux principes budgétaires, est strictement encadré par la jurisprudence constitutionnelle. Il n’apparaissait donc pas opportun de l’étendre à d’autres organismes. Il n’y a pas de raison de considérer que seul l’audiovisuel public pourrait se voir attribuer un prélèvement sur recettes : d’autres entités pourraient, elles aussi, avancer à l’avenir l’argument de la protection de leur indépendance pour bénéficier d’un tel mécanisme.

En outre, les prélèvements sur recettes n’apportent aucune garantie supplémentaire pour les sociétés d’audiovisuel public par rapport à une part de fiscalité affectée. En effet, le montant d’un prélèvement sur recettes n’est qu’évaluatif. Il peut être minoré en loi de finances, tout comme un montant de taxe affectée. Il n’offre aucune visibilité pluriannuelle supplémentaire. À ce titre, le PSR ne répond pas plus aux engagements internationaux d’Arte que l’affectation d’une fraction de TVA.

La rédaction adoptée en commission permet donc à Arte France de bénéficier, au même titre que les autres sociétés d’audiovisuel public, du mode de financement ouvert par l’article 1er.

Je n’en fais pas mystère, madame la ministre : l’audiovisuel public doit, selon moi, se réorganiser très rapidement, et je sais que vous partagez ce point de vue.

Je regrette que le parcours législatif de la proposition de loi de notre collègue Laurent Lafon, que je salue, adoptée par notre assemblée en 2023, ait été interrompu sine die par la dissolution de l’Assemblée nationale.

Néanmoins, nous devons prendre nos responsabilités pour assurer à court terme un financement pérenne et lisible pour l’audiovisuel public. Il faut aller vite. Si le texte arrive au bout de son parcours législatif avant l’adoption du projet de loi de finances pour 2025, nous pourrons en tirer les conséquences lors de l’examen dudit PLF par le Sénat.

Le Gouvernement est conscient de l’urgence, puisqu’il a inscrit la proposition de loi à l’ordre du jour de sa semaine réservée et engagé la procédure accélérée.

Je remercie Mme la ministre de la culture, avec qui nous travaillons en bonne intelligence sur ce texte très attendu par l’audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord remercier Cédric Vial, le rapporteur Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi, dont je connais l’engagement pour assurer la pérennité de l’audiovisuel public et de son financement. Je veux aussi rendre hommage à Catherine Morin-Desailly et à Laurent Lafon, avec lequel nous travaillons non seulement sur les sujets relatifs à l’audiovisuel public, mais aussi plus largement sur l’ensemble des questions qui concernent le ministère de la culture.

J’ai été d’emblée disposée à soutenir ce texte quand nous avons commencé à en parler avec Cédric Vial. En effet, la dissolution a laissé inachevé le travail sur la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public, indissociable de la sanctuarisation de son financement, qui n’était pas assurée au moment où j’ai pris mes fonctions. Il fallait, à mon sens, donner un signal fort de notre engagement à ce que l’audiovisuel public demeure indépendant, notamment au travers de son mode de financement.

Il n’est pas habituel qu’une ministre de la culture soit au banc pour débattre d’une révision de la loi organique relative aux lois de finances. Tout arrive, et je me réjouis d’apporter mon soutien à ce texte. C’est un signal fort d’appartenance de l’audiovisuel public au paysage culturel français, qui ne saurait servir de simple variable d’ajustement budgétaire.

Dès mon arrivée au ministère de la culture, j’ai affirmé que l’audiovisuel public devait être renforcé – c’est une conviction profonde, qui était déjà mienne avant ma nomination –, et son financement sanctuarisé.

Or le mode de financement de notre audiovisuel public adopté en 2022 ne court que jusqu’à la fin de l’année 2024. Comme l’a clairement expliqué M. le rapporteur, le choix d’un financement par une quote-part de TVA était provisoire. La Lolf ne permet pas de maintenir ce dispositif au-delà de 2024.