La réforme de la gouvernance, que j’ai portée depuis ma nomination, allait de pair avec celle du financement : nous étions d’accord pour défendre ces deux réformes. Je me suis également appuyée sur la proposition de loi Lafon.

Jusqu’alors, aucun arbitrage n’avait été fait sur ce qui allait advenir du financement après le 31 décembre : dans le cadre de la réforme de la gouvernance, j’ai pu convaincre, grâce à votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs, et à celui du Premier ministre, comme l’a rappelé Cédric Vial, de la nécessité d’en assurer la sanctuarisation.

Sur la gouvernance, nous avons beaucoup échangé et j’ai pris le temps de l’écoute. J’ai conscience que la réforme ne fait pas l’unanimité : certains prônent la suppression ou la privatisation de l’audiovisuel public ; pour ma part, je souhaite le renforcer.

Les travaux parlementaires du printemps ont été interrompus. La présente proposition de loi organique nous donne l’occasion de discuter de nouveau de cette ambition d’ensemble.

Pour un audiovisuel public fort, j’ai la conviction qu’il faut un financement fort, ce qui passe par une sanctuarisation. C’est ce à quoi nous invite le règlement européen sur la liberté des médias, aux termes duquel les médias de service public doivent disposer « de ressources financières suffisantes, durables et prévisibles » à même de préserver leur indépendance éditoriale.

De ce point de vue, il n’est pas satisfaisant de faire dépendre notre audiovisuel public du budget de l’État, comme les orateurs précédents l’ont souligné. L’indépendance de l’audiovisuel public passe par celle de son financement.

À cette fin, nous devons modifier la loi organique relative aux lois de finances. Certains pensaient que c’était trop ambitieux, hors de portée. Je veux remercier très sincèrement les auteurs de la proposition de loi organique, et en particulier Cédric Vial, d’avoir entrepris un travail de conviction autour d’un texte capable de rassembler l’ensemble des familles politiques. L’audiovisuel public mérite cette consécration organique. J’ai porté ce combat et je suis ravie que cette proposition de loi organique ait été inscrite sur le temps gouvernemental, signe que nous partageons cet objectif.

Nous avons également convergé sur le choix de la modalité de financement.

Plusieurs solutions s’offraient à nous, comme nous l’ont expliqué M. Vial et M. le rapporteur. L’examen en commission a conduit à préciser les choses. La rédaction retenue permet de pérenniser le mode de financement actuel, c’est-à-dire l’affectation d’un montant de taxe sur la valeur ajoutée exprimé en euros.

La pérennisation du mode de financement actuel me paraît surtout présenter plus d’avantages que les autres solutions qui ont pu être envisagées. Nous reviendrons certainement sur ce point lors de la discussion des articles.

La continuité est déjà un argument en faveur de ce choix. Nous ne créons pas un nouveau prélèvement sur recettes, ce qui n’était pas souhaité. J’y insiste, le mode de financement que nous pérennisons est connu et a déjà été examiné par le Conseil constitutionnel en 2022.

Par ailleurs, la part de TVA qui reviendra à l’audiovisuel public sera exprimée non pas en pourcentage, mais en valeur. Les entreprises connaîtront dès le vote de la loi de finances le montant en euros qui leur sera versé pour l’année : vous avez abordé ce point en évoquant la régulation, monsieur le rapporteur. Elles seront ainsi protégées des aléas de la conjoncture économique et d’un écart toujours possible entre les prévisions et le rendement effectif de l’impôt.

En définitive, le dispositif prévu répond à l’enjeu que nous poursuivons : le montant voté en loi de finances sera garanti aux entreprises. Le montant voté sera le montant versé. Les dotations des entreprises seront ainsi à l’abri des mesures de régulation budgétaire décidées par le Gouvernement. Ce mode de financement apporte donc prévisibilité et indépendance. Il est au moins aussi protecteur que ne l’était la redevance, pour ne pas dire plus, car les dotations seront définitivement garanties.

Avec un financement consolidé et réaffirmé, notre audiovisuel public sera armé pour affronter les nombreux défis qui se présentent à lui : arrivée de nouveaux acteurs comme Netflix ou Disney+, recomposition du paysage médiatique autour de grands groupes plurimédias, course à l’innovation encore exacerbée avec l’intelligence artificielle.

La sanctuarisation du financement ne suffira pas. L’audiovisuel public doit aussi se réformer. Nous allons maintenant pouvoir avancer sur ce sujet.

Il doit rapprocher ses réseaux de proximité afin d’assurer une couverture plus complète de la vie des territoires. À cet égard, lorsque nous avons lancé la réforme, avant la dissolution, les entreprises avaient, de manière très concrète, commencé à mettre activement en place des coopérations.

Il doit enrichir l’offre d’information en dégageant du temps pour le travail d’investigation et l’expertise des sujets les plus techniques.

Il doit enfin mener en commun les investissements massifs de la transition numérique. Plutôt que de disperser ses forces, il doit les regrouper.

Telle est l’ambition de la réforme de la gouvernance portée par la proposition de loi du président Lafon. L’avenir de l’audiovisuel public se joue aussi là. Il faut bien sûr se battre sur le financement, mais, face à la concurrence croissante, notre audiovisuel public doit aussi se réorganiser s’il ne veut pas s’affaiblir et, demain, disparaître.

Pour conclure, je veux dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous pouvez être certains que nous nous battrons non seulement pour maintenir l’audiovisuel public, mais aussi pour garantir son indépendance et celle de son financement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI. – M. Laurent Lafon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le paysage audiovisuel français est riche de sa diversité, offrant une large palette de programmes privés et publics.

Parce qu’il ne se fixe pas pour objectif premier d’être profitable, condition essentielle pour les sociétés de programmes privées, l’audiovisuel public peut se permettre d’explorer des champs plus étendus, notamment dans le domaine de la connaissance et des savoirs. Il doit aussi concourir, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, à la liberté d’expression et au pluralisme des idées et des opinions.

Pour mener à bien sa mission première, qui est de garantir à l’ensemble de nos concitoyens un accès à des contenus informationnels et culturels de qualité, l’audiovisuel public doit bénéficier de moyens adaptés, à court comme à long terme.

Dès l’origine, je me suis opposée à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, qui avait été habilement présentée comme une mesure en faveur du pouvoir d’achat des ménages. Comme tout service au public, l’audiovisuel public a un coût auquel doit contribuer chaque Français, qu’il soit ou non consommateur de ses programmes.

Je tiens à souligner la pertinence de la présente proposition de loi organique, dont l’objectif est de sécuriser les moyens dont dispose l’audiovisuel public, et je remercie les auteurs d’autres propositions parlementaires qui, par sagesse et urgence, ont choisi de s’y rallier.

Il s’agit d’une initiative particulièrement bienvenue de nos collègues Cédric Vial, Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et, bien évidemment, du président de la commission de la culture, Laurent Lafon.

Sur le fond, cette proposition de loi organique est indispensable. Comme cela a été dit, elle permet de régulariser in extremis une situation qui aurait conduit le Parlement à enfreindre la loi organique relative aux lois de finances.

En effet, la Lolf ne permet plus aux sociétés d’audiovisuel public de bénéficier de l’affectation d’impôts d’État, en l’occurrence de la TVA, à compter du 1er janvier 2025, en raison de l’absence de lien entre l’imposition affectée et la mission de service public assurée par ces sociétés.

Le financement par des crédits votés en loi de finances, en particulier un prélèvement sur recettes, présentait l’inconvénient de porter atteinte à l’indépendance du service public audiovisuel et de le faire dépendre plus étroitement de l’État.

Désormais pérennisé, le financement de l’audiovisuel public permettra à France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel de poursuivre leurs activités et de répondre aux défis immenses auxquels font face nos sociétés, en premier lieu celui de la défiance de plus en plus prononcée vis-à-vis de la société de l’information.

L’audiovisuel public se donne pour seul objectif l’accès du plus grand nombre aux contenus de la plus grande qualité : les meilleurs documentaires culturels, patrimoniaux, historiques et des débats sociétaux étayés s’y donnent rendez-vous. Ses plateformes numériques sont de plus en plus performantes et visitées, avec des podcasts passionnants et tout à fait accessibles à l’ensemble des générations.

Il nous appartiendra aussi, mes chers collègues, de poursuivre l’effort de pédagogie auprès de nos jeunes concitoyens, notamment par l’éducation aux médias, afin de les inciter à consommer les programmes de l’audiovisuel public si nous voulons sécuriser sur le long terme son financement. Alors que la gratuité devient la norme et les réseaux sociaux le seul vecteur d’information de ces jeunes, la tâche n’est pas anodine.

Enfin, il est nécessaire que le financement d’Arte soit aussi sécurisé. La création à cette fin d’un prélèvement sur recettes de l’État, qui avait la préférence de la chaîne, avait été envisagée, mais la commission a préféré y renoncer pour la soumettre au même traitement financier que les autres organismes du secteur.

J’espère que cette orientation ne portera pas préjudice à cette chaîne emblématique à la fois pour le service public, pour l’amitié franco-allemande et pour le projet européen. Les arguments des précédents orateurs m’ont rassurée.

Au-delà de ces réserves, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra ce texte. (M. Roger Karoutchi applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question du financement de l’audiovisuel public ne date pas d’aujourd’hui. Elle est intimement liée à celle de son indépendance.

Elle trouve son origine en 1933, sous la Troisième République, quand seule la radio existait. Une taxe visait alors les détenteurs de postes récepteurs de radiodiffusion. Elle subsistera, de mémoire, jusqu’en 1980.

À partir de 1949, le principe d’une taxe est étendu aux possesseurs de téléviseurs, les postes de télévision commençant à se diffuser largement après la guerre. C’est à ce moment que la Radiodiffusion française devient la Radiodiffusion-télévision française, la RTF.

Cette unique chaîne, non indépendante, est réformée en 1964 pour gagner en autonomie. Elle devient alors l’Office de radiodiffusion-télévision française, le fameux ORTF.

À ses tout débuts, l’ORTF a comme particularité de gérer directement la redevance audiovisuelle sans passer par l’État, sur le même modèle que la BBC (British Broadcasting Corporation). Valéry Giscard d’Estaing, ministre des finances de l’époque, préféra très rapidement remettre en place une redevance pilotée par l’État, au montant fixé chaque année en loi de finances.

Quelques années plus tard, en 1968 la publicité est autorisée sur les chaînes de télévision de l’ORTF, ce qui suscita à l’époque des débats parlementaires très animés. Ce financement complémentaire de l’audiovisuel public fut en partie remis en cause en 2009, quand la publicité fut interdite entre vingt heures et six heures du matin sur les chaînes publiques.

En 2022, la suppression de la redevance et son remplacement par l’attribution d’une fraction de TVA ont relancé le débat sur le mode de financement de l’audiovisuel public.

Au débat de forme quant au type de financement de remplacement retenu s’ajoute un débat de fond : quel montant d’argent public attribuer à l’audiovisuel public pour garantir son indépendance, mais également exiger, du fait de ces subsides publics, la qualité de ses programmes et l’objectivité journalistique, laquelle, avouons-le, n’est pas toujours sa première qualité ?

Le niveau de ce financement public fait l’objet de débats récurrents, notamment à l’occasion de l’examen des projets de loi de finances.

Ainsi, entre 2018 et 2022, date de la suppression de la redevance, une trajectoire de réduction de la dotation du compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public » avait été votée afin que l’audiovisuel public contribue au redressement des finances publiques.

Quel que soit son mode de financement, ce secteur ne peut échapper à l’effort collectif. « L’état d’urgence budgétaire », selon l’expression du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, rend cette nécessité encore plus prégnante.

L’an passé, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, nous avions ainsi proposé de maintenir la part des recettes de TVA attribuées à l’audiovisuel public à leur niveau de 2023, à des fins d’économies.

La question du financement de l’audiovisuel public par la TVA est l’objet même de la proposition de loi organique de nos collègues Cédric Vial, Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon.

Dans le cadre de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public en 2022 par Emmanuel Macron, une disposition législative prévoit que la source actuelle de financement prenne fin le 1er janvier 2025. En effet, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a modifié la Lolf de 2001, en précisant que les taxes « peuvent être directement affectées aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux organismes de sécurité sociale ».

En outre, l’affectation des impositions à un tiers autre que lesdits organismes est autorisée à une double condition : ce tiers doit être « doté de la personnalité morale » et la taxe doit être « en lien direct avec les missions de service public qui lui sont confiées ».

Cette dernière condition ne s’applique pas aux médias du service public, puisque la TVA, impôt de consommation, n’a aucun lien avec l’audiovisuel. L’attribution d’une fraction de TVA fut possible en 2022, car cette disposition de la loi organique n’entre en vigueur qu’en 2025, dans le cadre du projet de loi de finances que nous allons examiner dans quelques semaines.

L’article 1er de la proposition de loi modifie donc la Lolf et étend le champ des bénéficiaires de l’affectation des taxes aux « organismes du secteur public de la communication audiovisuelle ».

Comme l’a précisé notre rapporteur, la définition de l’indépendance des médias selon le droit européen et la jurisprudence du Conseil constitutionnel rendent impossible un financement direct de ces organismes par le budget de l’État, car ceux-ci pourraient alors être considérés comme des médias d’État.

L’article 2, supprimé par la commission des finances, prévoyait qu’Arte France soit directement financée par le budget de l’État, via un prélèvement sur recettes spécifique. Un tel mode de financement n’a pas de raison d’être, les PSR étant juridiquement réservés au financement des collectivités territoriales et du budget de l’Union européenne.

À partir de 2025, l’ensemble des organismes de l’audiovisuel public, à savoir France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, Arte France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), seront financés par l’attribution d’une fraction de TVA, dont le montant sera déterminé chaque année en loi de finances.

Ce montant pourra être révisé à la hausse ou à la baisse, selon les besoins, ainsi que nous le déciderons dans quelques semaines, à l’occasion de l’examen du budget.

Dans cette attente, le groupe Les Républicains, conformément à la position de la commission des finances, votera cette proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, que je félicite de son opiniâtreté. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir permis l’inscription de l’examen de ce texte sur le temps programmé du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, réformer le financement de l’audiovisuel public s’avère aujourd’hui nécessaire et urgent.

Une réforme est en effet nécessaire puisque la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a supprimé, à compter du 1er janvier 2022, la contribution à l’audiovisuel public.

Le Président de la République avait fait de cette suppression une promesse de campagne le 7 mars 2022, lors de son premier déplacement comme candidat à l’élection présidentielle, dans le but d’offrir plus de pouvoir d’achat aux Français.

Promesse tenue : près de 27 millions de Français ne payent plus cette contribution d’un montant de 138 euros. La mesure était par ailleurs cohérente avec la suppression de la taxe d’habitation, à laquelle était accolée la redevance.

Néanmoins, une fois cette suppression actée, les débats parlementaires avaient à l’époque abouti au maintien du compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public », l’attribution d’une fraction du produit de la TVA remplaçant la contribution à l’audiovisuel public.

Ce compte de concours financier a fait perdurer le financement des sociétés de l’audiovisuel public, à savoir France Télévisions, Arte France, Radio France, France Médias Monde, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et TV5 Monde. Toutefois, ce financement provisoire n’était possible que pour la période 2023-2024.

Pour les années à venir, il convient donc de faire un choix. Une première possibilité consisterait à supprimer le financement par le compte de concours financier, pour l’intégrer au sein d’une mission, sur le même modèle que les autres politiques publiques. Une autre solution reviendrait à pérenniser le financement du secteur par l’affectation d’une part de TVA, mais cela nécessiterait de modifier la loi organique relative aux lois de finances.

Nous ne croyons pas, au sein du groupe RDPI, à une troisième voie, celle d’un retour en arrière avec la création d’une nouvelle contribution, qui réduirait le pouvoir d’achat des foyers français.

Modifier la Lolf est devenu indispensable afin que les produits d’impositions de toutes natures puissent être directement affectés aux organismes de l’audiovisuel public. La nouvelle rédaction de la présente proposition de loi organique, issue des travaux réalisés en commission, privilégie la piste de la TVA.

Afin d’éviter un trop fort dynamisme des ressources produites par l’attribution d’une fraction de TVA, amenant le secteur à réaliser des profits économiques en cas de recettes élevées ou, à l’inverse, à perdre des ressources si la consommation vient à diminuer, il est proposé de pérenniser le financement de l’audiovisuel public par l’attribution non plus d’une fraction de TVA, mais d’un montant de TVA déterminé chaque année.

Ce mécanisme est souhaitable pour l’audiovisuel public, tant d’un point de vue économique que pour garantir son indépendance.

En limitant les risques de baisses conjoncturelles des ressources, un tel financement permettrait au secteur de continuer à peser dans l’espace informationnel français et international, alors que la concurrence des médias en ligne et des grandes plateformes numériques s’intensifie. L’audiovisuel public pourrait ainsi continuer de soutenir la création française et européenne au même niveau qu’aujourd’hui.

J’en suis convaincu, la pérennisation du mode de financement de l’audiovisuel public garantit l’indépendance de ce dernier. Elle concourt à la libre communication des pensées et des opinions, dans la mesure où ce financement est fondé sur des critères transparents et des objectifs préalablement établis.

Dans une décision du 3 mars 2009, le Conseil constitutionnel a reconnu que la garantie des ressources de l’audiovisuel public constitue « un élément de son indépendance. »

Le temps de l’ORTF étant révolu, il est désormais inenvisageable de créer de nouveau des médias d’État dans notre pays. De même, il serait contestable d’instaurer un système de financement provenant directement d’une mission budgétaire de l’État.

Pour ces raisons, le groupe RDPI soutient le mécanisme de financement tout à fait opportun adopté par la commission des finances.

Cette réforme est non seulement adéquate, mais surtout urgente puisqu’elle suppose que la loi organique relative aux lois de finances soit modifiée avant l’examen du prochain budget.

Alors que l’automne budgétaire a bel et bien commencé et qu’il ne reste que quelques semaines avant le réveillon de la Saint-Sylvestre, il est essentiel que la navette parlementaire devienne un véritable TGV pour permettre l’adoption du texte à l’Assemblée nationale et sa promulgation avant la fin de l’année 2024.

Alors, pour continuer d’apprendre avec C dans l’air, pour continuer de voyager en regardant Thalassa, pour continuer d’écouter les matinales de Radio France, les podcasts d’Outre-mer la 1ère ou encore les voix du monde de Radio France International, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi organique.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la suppression de la contribution à l’audiovisuel public par le Gouvernement en août 2022, le financement de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde, d’Arte France et de l’INA reste en suspens.

Le financement est assuré de façon temporaire par l’affectation d’une partie de la TVA, ce qui ne permet pas d’assurer la pérennité de l’indépendance de l’audiovisuel public et menace le pluralisme des médias, ainsi que le Conseil constitutionnel l’a rappelé.

Lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificatives pour 2022, le Sénat avait déjà alerté sur l’ambiguïté des modalités de détermination du montant affecté aux sociétés de l’audiovisuel public.

Cette situation n’a pas évolué, puisque lors de l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle de Laurent Lafon, les rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale ont renvoyé les discussions sur le mode de financement à un prochain débat.

Alors que le secteur de l’audiovisuel public est dans une situation incertaine depuis deux ans, ce texte va lui permettre d’entrevoir l’avenir.

Dans un avis de juin 2022, l’inspection générale des finances rappelait déjà que le financement du secteur devait être guidé par trois principes : la ressource doit être pérenne et dynamique, compatible avec la garantie d’indépendance de l’audiovisuel public, et enfin prévisible.

Or l’affectation d’une fraction du montant de TVA ne garantit ni la pérennisation ni la prévisibilité du financement.

M. Victorin Lurel. Très bien !

M. Bernard Fialaire. En outre, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) réduit la part de TVA attribuée à l’État. Ce mode de financement ne peut donc être que provisoire.

Les engagements pluriannuels de l’État définis dans les contrats d’objectifs et de moyens n’ont été que très rarement respectés. Entre 2011 et 2022, la somme des montants versés aux sociétés de l’audiovisuel public est inférieure de 1,1 milliard d’euros aux engagements initiaux. La trajectoire des COM étant intimement liée au financement de ces sociétés, peut-être devrions-nous envisager de lui donner un caractère contraignant.

Madame la ministre, ces constats alarmants doivent vous pousser à rouvrir au plus vite le débat. En ce sens, je partage les mots du rapporteur : l’urgence est d’éviter la budgétisation. Autrement dit, le financement de l’audiovisuel public doit demeurer dans la première partie des lois de finances, consacrée aux recettes, afin d’éviter qu’il ne soit soumis aux arbitrages liés à l’examen des dépenses dans la seconde partie.

Si l’on écarte le financement par l’affectation du produit d’une taxe, il ne reste que deux solutions : l’affectation d’une part d’un impôt existant ou un financement par le budget de l’État.

Toutefois, ces deux voies de passage constituent une forme de financement indirect. La réinstauration d’une taxe affectée serait certainement mieux perçue par les sociétés et les acteurs du secteur. En revanche, la redéfinition d’un impôt entraînerait une révision de son assiette fiscale pour obtenir une base économique satisfaisante pour les professionnels du secteur.

La création d’un impôt d’État reste l’exercice politique le moins périlleux, mais nous devrons approfondir ce débat.

La recherche en sciences des médias souligne largement la corrélation entre le mode de financement des médias publics et la vitalité de la démocratie. Les chercheurs américains Rodney Benson, Matthew Powers et Timothy Neff mettent en évidence l’importance de modes de financement pluri-annualisés pour garantir une solide indépendance des médias.

En ce sens, nous regrettons, monsieur le rapporteur, que vous ayez écarté, en commission, la proposition de financer Arte France au travers d’un prélèvement sur recettes. Cette particularité se justifie par la spécificité de cette chaîne, qui bénéficie de fonds à la fois français et allemand. Nous rejoignons la position de nos collègues visant à rétablir l’article 2 dans la rédaction initiale proposée par nos collègues Morin-Desailly, Vial, Karoutchi et par le président Lafon. L’instauration d’une spécificité financière pour Arte France enverrait un signal très positif à notre partenaire allemand et réaffirmerait notre engagement à ne pas conduire à un déséquilibre financier.

Mes chers collègues, notre position est claire : nous appelons de nos vœux une réforme plus structurée et sanctuarisée du financement de l’audiovisuel public. Face à la multiplication de l’offre, de la concurrence internationale et du développement des usages alternatifs, les organismes de l’audiovisuel public doivent avoir suffisamment de garanties pour poursuivre sereinement leurs missions.

Ce texte, que nous soutiendrons, a le mérite de relancer le débat. Nous espérons que nos collègues députés pourront s’en saisir le plus rapidement possible au regard de l’urgence de la situation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis dans l’urgence pour compenser les défaillances du précédent gouvernement.

Voilà deux ans, celui-ci choisissait de supprimer la contribution à l’audiovisuel public sans se préoccuper d’y substituer une solution pérenne. À croire qu’à terme Bercy avait purement et simplement en tête la budgétisation, à l’encontre du paragraphe 5 du règlement européen sur la liberté des médias.

Les réactions de nos amis allemands, avec lesquels nous sommes engagés dans le magnifique projet d’Arte, ne se sont pas fait attendre, pas plus que celles de plusieurs partenaires européens.

À juste titre, ceux-ci se sont émus que notre télévision puisse ainsi devenir une télévision d’État, à l’encontre des propos tenus lors des débats organisés à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE). Les représentants européens de l’audiovisuel public, réunis en 2018 lors d’un colloque au Sénat, avaient déjà rappelé la spécificité de leurs missions et, de facto, l’importance d’un financement prévisible et durable.

Aussi, dans l’urgence, mes collègues Cédric Vial, Roger Karoutchi, Laurent Lafon et moi-même avons pris nos responsabilités en déposant cette proposition de loi organique, qui vise à sanctuariser l’affectation d’une part de TVA, un consensus étant apparu autour de cette solution.

Une telle proposition est d’autant plus nécessaire que les initiatives de nos collègues députés ont été rendues caduques par la dissolution de l’Assemblée nationale.

Toutefois, je regrette que ces débats aient lieu de manière si chaotique. Je m’explique : il y a déjà longtemps que notre commission de la culture, très investie, forte de nombreux travaux qu’avant mon collègue Laurent Lafon j’avais tenu à engager, appelle à une réforme systémique et ambitieuse de l’audiovisuel.

À l’ère du tout-numérique, face à une concurrence internationale exacerbée, il faut mener vite et avec méthode plusieurs chantiers de front. Il s’agit de réaffirmer les missions spécifiques de l’audiovisuel public autour de quelques principes forts, de revoir sa gouvernance et de consolider son modèle financier.

Hélas, il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont ce dossier a été maltraité depuis 2017. Dans la plus totale opacité, l’affectation au secteur du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques voulue par le législateur en 2010 a disparu.

La crise sanitaire a ensuite fourni un prétexte pour abandonner une grande partie des réformes finalement engagées, à commencer par celle qui concerne la ressource publique. Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est bien parce que nous avons renoncé, à l’inverse de nos voisins européens, à nous attaquer à la modernisation de cette dernière.

La seule satisfaction vient de l’aboutissement du chantier de la réglementation et de la régulation. Je salue à cette occasion l’excellent travail de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

Aujourd’hui, nous devons aller à l’essentiel. Toutefois, je regrette que la question centrale du modèle économique n’ait pu être posée. Une part de l’audiovisuel public reste en effet financée par la publicité, laquelle repose de plus en plus sur le ciblage et le fichage, pour ne pas parler de « cybersurveillance » comme Bruce Schneier. Autant le dire, les médias publics ne sauraient devenir les auxiliaires des marques et de leurs stratégies commerciales – ce serait signer leur arrêt de mort !

Au contraire, l’audiovisuel public doit s’affirmer comme une solution de remplacement par rapport à l’économie des plateformes, basée sur la captation de l’attention du citoyen consommateur. Il s’agit d’un enjeu fondamental de culture et de civilisation. Pour ce faire, nous avons besoin d’un modèle autre, recentré autour de plusieurs missions.

Premièrement, il s’agit de cultiver la proximité et de faire vivre les territoires.

Deuxièmement, il faut porter la voix de la France et de la francophonie dans le monde – à cet égard, France Médias Monde, TV5 et Arte France jouent un rôle fondamental.

Troisièmement, nous devons rassembler l’ensemble des Français autour de moments fédérateurs, qui contribuent à la cohésion nationale – la couverture des jeux Olympiques en a fourni un formidable exemple.

Quatrièmement, il faut développer l’éducation aux médias, faire en sorte que l’audiovisuel renforce sa dimension éducative et se préoccupe davantage de la jeunesse, dans une logique de reconquête de ce public.

Cinquièmement, l’audiovisuel public doit participer à l’éveil de l’esprit critique, en faisant sienne une exigence de différenciation en matière d’information.

Enfin, des programmes innovants doivent s’adresser à tous et soutenir la création française et européenne, sans rien céder à la qualité ni à l’exigence culturelle.

Pour tout cela, il faut enfin une stratégie d’ensemble, qui concerne tant la télévision que la radio. Comme l’a dit Roch-Olivier Maistre devant notre commission la semaine dernière, l’heure est au « média global ». Les présidentes des organismes concernés ont certes entrepris des efforts de rapprochement et de rationalisation, mais l’approche reste encore trop en silo.

Sans aller jusqu’à la fusion, encore à expertiser sérieusement, très lourde et complexe en l’état, la proposition de Laurent Lafon de création d’une holding, reprise du rapport Leleux-Gattolin, permettrait d’avancer autour de projets fédérateurs.

Elle pourrait, par exemple, donner l’occasion de s’attaquer au développement de l’offre numérique accessible à tous. L’échec de Salto ne doit pas nous faire renoncer à l’idée d’une plateforme rassemblant de manière claire et lisible tous les programmes du service public – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde, INA –, tout en conservant les principes de gratuité et d’anonymat.

Madame la ministre, beaucoup de travail reste donc encore à faire ; nous comptons sur vous. Il faut aussi prendre en compte les conclusions récentes des États généraux de l’information. Le débat sur le financement du secteur mérite en tout cas d’être approfondi. Toujours est-il qu’en adoptant ce texte nous assurerons le fonctionnement des six entreprises de l’audiovisuel public, dont je salue au passage l’excellent travail.

Je remercie le rapporteur ainsi que nos collègues des commissions des finances et de la culture, qui ont soutenu notre démarche. (MM. Laurent Lafon et Cédric Vial applaudissent, ainsi que Mmes Sabine Drexler et Marie Mercier.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 31 décembre 2024 prendra fin le système provisoire instauré en 2022 pour remplacer la redevance audiovisuelle. C’est dire l’incertitude qui plane sur l’avenir du financement de l’audiovisuel public et qui assaille non seulement les acteurs du secteur, mais aussi les usagers de ce service public si particulier.

Pour répondre aux enjeux relatifs à la défiance des citoyens envers les médias, à la problématique concentration des groupes médiatiques ou encore à la prolifération des « infox », l’audiovisuel public constitue un atout. Ce secteur forme l’une des digues les plus solides contre les tentatives d’instrumentalisation de l’information, notamment de la part de milliardaires qui, au service d’une mission civilisationnelle, prennent le contrôle de titres de presse, de chaînes de télévision et de radios.

L’audiovisuel public fait également obstacle au projet de l’extrême droite, dont les médias représentent un terrain de jeu privilégié. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles elle souhaite la privatisation de ce secteur.

L’audiovisuel public est donc plus que jamais nécessaire pour garantir la diversité et la pluralité des opinions. Les citoyens et citoyennes, qui soutiennent massivement un audiovisuel public pérenne et fort, ne s’y trompent pas. Les fortes audiences apparaissent à ce titre comme de véritables plébiscites. En effet, le service public ne cesse d’amplifier ses succès. France Inter, radio la plus écoutée en France depuis 2019, bat des records historiques en enregistrant 7,18 millions d’auditeurs quotidiens entre janvier et mars 2024. France Télévision a cumulé près de 30 % de parts d’audience en avril 2024, se plaçant de fait comme le premier média français.

L’enjeu, fondamental pour notre démocratie, est donc de préserver l’existence d’un audiovisuel public fort, indépendant du pouvoir politique et pluraliste. Or, à nos yeux, la présente proposition de loi organique n’y répond que partiellement.

Alors que la version initiale du texte tendait à allouer une fraction de TVA au financement de l’audiovisuel, nous étions déjà pour le moins circonspects d’une telle pérennisation du système provisoire décidé en 2022. En effet, si ce mécanisme permet d’éviter la budgétisation stricte du financement de l’audiovisuel public, il ne nous semble pas idoine, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, la TVA est un impôt injuste, et le mécanisme proposé fait peser le financement de l’audiovisuel public sur l’ensemble des ménages, y compris les plus vulnérables.