« …. – Les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle sont notamment financés par une redevance intégralement affectée et progressive. Cette redevance résulte d’une disposition d’une loi de finances. »

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. L’examen de cet amendement va permettre d’ouvrir le débat sur un autre mode de financement de l’audiovisuel public.

Il s’agit de rétablir une redevance affectée, mais progressive. L’objectif est de garantir à la fois la justice fiscale et la stabilité des ressources des organismes bénéficiaires.

Le recours à la TVA actuellement en vigueur pour financer ce secteur est socialement injuste : en tant qu’impôt sur la consommation, la TVA touche de manière égale tous les consommateurs, ce qui pèse évidemment davantage sur les ménages les plus modestes. C’est pour lutter contre cette injustice que nous proposons une redevance progressive, qui permettrait de mieux répartir l’effort fiscal, ce que ne permettait pas la contribution à l’audiovisuel public précédente.

Je souligne que nous avons déjà défendu cette solution lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022, lorsque la précédente majorité présidentielle nous proposait la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et cette solution temporaire de l’affectation d’une fraction de TVA, qui nous contraint aujourd’hui à légiférer de nouveau.

Cette proposition s’appuie sur les travaux de l’économiste Julia Cagé et permet, je le répète, de garantir à l’audiovisuel public des ressources stables, justes et suffisantes, afin de préserver son indépendance.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à recréer une redevance, ce qui relève d’un projet de loi de finances.

Par ailleurs, et cela a été souligné à plusieurs reprises, nous agissons dans l’urgence, dans des délais contraints.

Je note la parfaite cohérence de cet amendement avec les propos tenus par notre collègue en discussion générale, mais ce n’est pas l’objet du présent texte.

La commission n’a donc pu qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Le débat a été tranché en 2022. Vous dites, monsieur le sénateur, que la solution actuelle est fiscalement injuste, mais vous recréez une taxe…

J’adhère aux arguments du rapporteur : avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. L’idée est justement que la nouvelle contribution soit plus juste, en étant calculée selon les revenus de chacun.

J’y insiste, ce que nous sommes en train de faire, pour parer à l’urgence, n’est toujours pas satisfaisant du point de vue budgétaire. Je me suis replongé dans les débats de 2022 ; vous indiquez que cette question a été tranchée, madame la ministre, mais il y avait eu plusieurs alertes soulignant que ce mode de financement serait forcément temporaire et creuserait de nouveau le déficit de l’État. Ces interpellations émanaient de toutes les travées, notamment de Laurent Lafon, mais également d’autres sénateurs, et Gabriel Attal avait très peu répondu sur le fond.

Aujourd’hui, nous nous en rendons compte, nous en payons la note dans le budget de l’État et l’on cherche des économies partout pour compenser cette suppression, sans pour autant prévoir un financement.

L’indigence de la réponse de Mme la ministre s’inscrit dans ce débat, tiré vers le bas à l’époque et qui l’est encore aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Même si, sur le fond, je comprends assez bien l’idée de notre collègue Thomas Dossus, je ne voterai pas cet amendement, en premier lieu parce que, le rapporteur l’a rappelé, ce n’est pas l’objet de notre texte.

Je souhaite néanmoins appeler l’attention de chacun sur le fait que, pendant plus de quinze ans, plusieurs d’entre nous, dans cet hémicycle, avons tenté de réformer la contribution à l’audiovisuel public. Or les gouvernements de droite comme de gauche, bien qu’hostiles à la redevance, ne l’ont jamais engagée, parce que Bercy avait décidé que, quoi qu’il arrivât, on ne ferait pas de réforme.

Mme Catherine Morin-Desailly. Même François Hollande, qui avait conclu en 2014 un colloque au Conseil supérieur de l’audiovisuel en indiquant qu’il ferait la réforme de la redevance, ne l’a jamais faite !

Par ailleurs, monsieur Dossus, il n’est pas tout à fait exact que la contribution à l’audiovisuel public fût socialement injuste : il y avait tout de même plus de 4,5 millions de foyers qui ne la payaient pas. En revanche, ce en quoi elle était injuste, c’est qu’elle ne reposait pas sur l’ensemble des écrans recevant la télévision. Là est la véritable injustice, c’est la fracture numérique qui pose un problème et qui justifie une réforme. Est-ce possible ou non ? Je n’en sais rien…

En tout état de cause, je suis d’accord avec le rapporteur, l’objet de nos débats est de voter ce texte sans modification.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par MM. Bacchi, Lahellec, Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

Un montant déterminé d’une imposition de toute nature

par les mots :

Le pourcentage d’une imposition de toute nature dont le montant est défini par une loi de programmation conformément à l’alinéa 21 de l’article 34 de la Constitution

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Nous sommes opposés à la modification apportée par la commission à l’article 1er, la rédaction initiale nous paraissant plus conforme à l’ambition des auteurs de ce texte.

Dorénavant, avec la mention d’un « montant déterminé », les recettes affectées à l’audiovisuel public seraient modifiables chaque année. Cela nous paraît de nature à remettre en cause la sanctuarisation d’un budget, indépendant du pouvoir politique, consacré au service public de l’audiovisuel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il s’agit de la fraction dynamique versus le montant.

Je l’ai expliqué dans mon propos liminaire, cette fraction dynamique est potentiellement dangereuse, car elle peut être à la hausse comme à la baisse. Nous avons donc choisi de privilégier le montant, qui a le mérite de fixer les choses très clairement : avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis, madame la présidente. Le montant est plus prévisible et protecteur.

(M. Loïc Hervé remplace Mme Sylvie Vermeillet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. La position que défend mon collègue Bacchi est celle de Bercy : il doit probablement s’agir d’une erreur… (M. Jérémy Bacchi lève les bras au ciel en souriant.)

M. Jean-François Husson. Il aime bien Bercy !

M. Cédric Vial. La commission a souhaité préciser mon texte initial pour le rendre plus protecteur en proposant un montant en valeur absolue, donc fixe, car la dynamique d’une taxe peut être à la hausse ou à la baisse.

Bercy souhaitait une fraction avec un plafond et un plancher pour éviter que cette hausse ne soit trop forte ou trop basse. Or que se passe-t-il quand on vote une fraction avec un plafond et un plancher ? Cela signifie qu’entre les deux un curseur se balade… Et par qui est-il fixé ? Par Bercy ou, à tout le moins, par le Gouvernement, ce qui revient à une forme de budgétisation, c’est-à-dire exactement ce que l’on veut éviter.

Nous proposons donc de sanctuariser le montant par un vote du Parlement, qui décidera également de la somme à affecter à chaque société publique. Par ailleurs, ce montant sera garanti. C’est ce que souhaitent les médias publics pour préserver leur indépendance.

Après plusieurs phases de réflexion, nous avons à présent la conviction qu’il s’agit de la manière de fonctionner la plus protectrice pour le secteur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Bacchi, Lahellec, Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. - Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions du présent II, les organismes de l’audiovisuel public peuvent faire l’objet de l’affectation d’une imposition de toute nature. Cette imposition ne peut résulter que d’une disposition d’une loi de finances. »

II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Comme je l’ai rappelé dans mon propos liminaire, l’audiovisuel public est un service public essentiel pour notre démocratie.

Un audiovisuel public fort améliore la connaissance des citoyens sur les affaires publiques, favorise la réduction des inégalités en termes d’information et entraîne une couverture de l’actualité plus diversifiée et plus critique, mais à la condition qu’il soit suffisamment financé et protégé.

Le dispositif qui nous est proposé ne répond qu’en partie à l’impératif d’indépendance dans la mesure où l’audiovisuel public reste tributaire de la fluctuation des recettes.

Pour autant, il existe d’autres solutions que le recours à la TVA ou à une taxe reposant sur le foyer au sens de la taxe d’habitation, comme cela a été le cas pour la redevance. Je pense, par exemple, à une taxe sur le foyer, au sens fiscal du terme. Or il est contraire à la Lolf de proposer une recette autre que la fraction d’une recette déjà existante.

Le caractère encore perfectible du dispositif proposé dans ce texte tient dans doute en partie à l’urgence d’éviter toute budgétisation de l’audiovisuel. Toujours est-il qu’il serait très regrettable de clore le débat sur la création d’une nouvelle recette au bénéfice direct de l’audiovisuel public.

C’est en ce sens que nous proposons cet amendement visant à permettre aux parlementaires d’avoir ce débat à l’occasion d’un projet de loi de finances et de défendre ainsi d’autres propositions de recettes affectées au service public de l’audiovisuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’adoption de cet amendement aurait exactement le même effet que celle de l’amendement n° 2, à l’article 1er. C’est toujours la même fraction de TVA dynamique contre le montant : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme Ollivier, M. Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa du I de l’article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les opérations relatives aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle créés par la loi sont retracées dans les mêmes conditions sur un unique compte d’affectation spéciale. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. En complément du financement proposé à l’article 1er, cet amendement vise à prévoir à l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances la création d’un compte d’affectation spéciale pour les services audiovisuels publics.

La Lolf prévoit déjà des dispositifs similaires pour les opérations financières liées aux participations de l’État et aux pensions.

Cet amendement vise à isoler les dépenses liées aux services publics audiovisuels du reste des dépenses de l’État, l’idée étant de mieux garantir leur indépendance budgétaire.

Il vise également à permettre d’abonder à l’avenir ce compte d’affectation spéciale par d’autres recettes que celles qui sont prévues à l’article 1er. Je crains en effet que la solution de l’affectation d’une part de TVA ne soit pas compatible avec l’exigence d’indépendance prévue par le règlement européen du 11 avril 2024.

Au travers de cet amendement, je vous propose de ne pas clore ce débat, ici, aujourd’hui, dans l’urgence, et de discuter prochainement de la possibilité de créer un compte d’affectation spéciale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. C’est une sorte de redevance déguisée : faute d’avoir pu entrer par la porte, on cherche à passer par le vasistas… (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, ma chère collègue, tout cela serait inopérant puisque l’article 1er a été validé…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Il existe déjà un compte de concours financier : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article 2

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, M. G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au quatrième alinéa de l’article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, après le mot : « profit », sont insérés les mots : « de la chaîne culturelle européenne, ».

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à rétablir l’article 2, supprimé en commission, qui permettait de créer une modalité de financement spécifique à la chaîne culturelle européenne Arte.

Cette chaîne occupe une place singulière dans notre paysage audiovisuel comme dans le paysage audiovisuel européen. Elle est le fruit d’un partenariat franco-allemand, qui repose sur un équilibre délicat entre les financements des deux pays. Ce modèle binational implique des engagements financiers des deux côtés du Rhin. Il nous paraissait essentiel de garantir un financement sécurisé et spécifique pour Arte France afin de préserver cet équilibre.

La création d’un prélèvement sur recettes permettrait de mettre cette chaîne à l’abri des aléas liés au mode de financement de l’audiovisuel public. L’objectif est simple : il s’agit de préserver les ressources pour garantir la pérennité de ce modèle unique de coopération culturelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Une nouvelle fois, un PSR n’est pas davantage protecteur que la fiscalité.

Par ailleurs, l’adoption de cet amendement reviendrait à mettre Arte sur le même plan que les collectivités et l’Union européenne. N’est-ce pas un peu déséquilibré ?

Enfin l’État est actionnaire à 100 % d’Arte France.

M. Roger Karoutchi. Tout à fait !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je comprends votre démarche, mais elle n’est pas opérante. Je suis donc opposé à l’idée d’un PSR. Au moment où il est question de fusion, l’audiovisuel public doit rester un et indivisible.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Je souscris aux excellents arguments de M. le rapporteur. L’audiovisuel public doit être un et indivisible et il n’y a aucune raison pour qu’Arte soit logée à une enseigne différente. Par ailleurs, l’État est effectivement actionnaire à 100 % d’Arte France.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. Je ne suis pas du tout convaincue par les arguments du Gouvernement et de la commission. Lors de son audition, M. Patino, président d’Arte France, a rappelé que le traité inter-étatique devait respecter l’indépendance financière de la chaîne. Or, selon lui, un PSR serait plus conforme, Arte étant un cas spécifique par sa gouvernance et son financement.

En outre, un PSR peut être assorti d’une prévision sur plusieurs années.

La création d’un tel prélèvement a été proposée à l’Assemblée nationale, mais également par M. Cédric Vial pour répondre aux exigences du traité franco-allemand ayant donné naissance à la chaîne Arte. Or M. Hugonet nous explique que cela n’apporterait aucune garantie supplémentaire… J’aimerais comprendre !

Je me permets enfin de vous rappeler que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est défavorable à la solution proposée aujourd’hui.

M. Jean-François Husson. Nous sommes au Sénat !

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Monsieur Dossus, madame de Marco, je vous remercie de vouloir rétablir ma rédaction initiale : je vous en cède très volontiers les droits d’auteur. (Sourires.)

Je me suis effectivement posé les mêmes questions que vous, tout comme d’ailleurs nos collègues députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier, dont j’ai repris le texte.

Nous avons discuté avec M. le rapporteur de la question de savoir si Arte devait rester dans le droit commun et continuer à être financée par une fraction de la TVA. Je n’y ai été favorable qu’à une seule condition : que cela ne pose pas de problème diplomatique, politique ou d’organisation pour Arte. J’ai obtenu des assurances sur ce point.

Par ailleurs, comme l’a souligné M. le rapporteur, il serait effectivement disproportionné de mettre symboliquement Arte sur le même plan que les collectivités territoriales ou l’Union européenne.

De surcroît, nous avons acquis la certitude lors des auditions et des discussions que le maintien de l’affectation d’une fraction de TVA à Arte France était plus protecteur que la création d’un PSR, qui était la solution préconisée par Bercy – ce qui doit nous mettre la puce l’oreille… (Sourires.)

Je n’aurais pas soutenu la suppression de cet article sans la certitude que cette solution protégerait Arte. Voilà pourquoi je rejoins aujourd’hui la position défendue par M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Notre rapporteur soutient l’autonomie d’Arte France. Nous pouvons donc voter la suppression de cet article avec une certaine assurance.

Pour autant, le traité franco-allemand créant Arte a aussi prévu une parité de financement, qui a été ratifiée par les deux parlements nationaux. Cela n’a-t-il pas une valeur supralégislative ? Comment être sûrs, même en instituant un prélèvement fixé en valeur – lequel pourrait d’ailleurs être désindexé ou non renouvelé, etc. –, que la parité sera préservée en amont du vote parlementaire ? Nos partenaires allemands auront-ils confiance dans la solution que nous allons adopter ?

Pour finir, je regrette que Mme la ministre n’ait pas répondu aux séries de questions que je lui avais posées…

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Si cet article figurait initialement dans le texte, c’est bien la preuve que le Sénat est attaché à la spécificité d’Arte et d’Arte France.

La réponse de Mme la ministre m’inquiète : quand elle nous explique que le service public de l’audiovisuel comprend Arte France et qu’il est un et indivisible, on voit bien que cette spécificité commence à s’effacer…

Je maintiens donc cet amendement, afin d’acter la spécificité et les besoins de la chaîne. Il s’agit également de rassurer nos voisins allemands sur la pérennité du système.

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. Le groupe Union Centrise est attaché à la spécificité d’Arte, à son positionnement, à sa ligne éditoriale, à ce lien particulier avec l’Allemagne, d’autant que les résultats de la chaîne sont tout à fait intéressants.

Le texte initial prévoyait effectivement une spécificité financière. Nous avons discuté avec M. le rapporteur pour comprendre ses arguments. Comme vous, cher collègue Lurel, nous nous sommes également interrogés sur la réaction de nos partenaires allemands. Nous avons obtenu des réponses rassurantes.

Le texte que nous nous apprêtons à voter ne créera aucune difficulté avec l’Allemagne. Il ne posera aucun problème majeur d’un point de vue juridique et constitutionnel. Symboliquement, il pourrait être effectivement gênant de prévoir un mode de financement différent.

L’essentiel étant d’avancer sur ce texte, nous nous rangerons à l’avis du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il s’agit de proroger un dispositif – à savoir le financement par une fraction de TVA – qui, depuis 2022, ne pose aucun problème à Arte.

Par ailleurs, le traité de 1990 ne prévoit rien en matière de financement. Je le redis : l’interlocuteur de l’État français, actionnaire à 100 %, c’est Arte France.

Enfin, cher Victorin Lurel, j’appartiens au groupe d’amitié France-Allemagne, placé sous la présidence de notre collègue Ronan Le Gleut. Nous recevions cet après-midi l’ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en France, Stephan Steinlein. Nous aurons également le plaisir et l’honneur la semaine prochaine de recevoir au Sénat une délégation du Bundesrat. Tout cela fera partie de nos sujets de discussion.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. J’aimerais également convaincre Thomas Dossus.

Nous aussi avons été en contact permanent avec Bruno Patino et ses équipes, jusqu’à la finalisation de ce texte après son passage en commission des finances. Ce qui importe essentiellement aux équipes d’Arte, c’est de préserver la dotation budgétaire.

J’ai été convaincue par les arguments et les travaux de M. le rapporteur, même si je ne suis pas moi-même une éminente spécialiste des finances.

J’attire l’attention des auteurs de l’amendement sur un point : ne faudrait-il pas également envisager une exception pour TV5 Monde, cofinancée par plusieurs pays ? Son statut étant aussi différent, pourquoi ne pas exiger de savoir quelles ressources lui sont affectées et selon quelles modalités ?

Soyons pragmatiques, nous sommes en train de traiter le bloc audiovisuel dans son ensemble et c’est ce qui importe.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre. Cette remarque, madame la sénatrice Morin-Desailly, vaudrait également pour France Médias Monde…

Monsieur Lurel, les crédits auxquels vous avez fait référence n’ont pas été versés en 2024, parce que la réforme a été décalée. Tout est donc décalé : les crédits de 2024 seront versés en 2025 et ceux de 2025 le seront en 2026.

Par ailleurs, je suis favorable à ce qu’ils soient intégrés aux dotations de base.

Je suis également favorable, monsieur le sénateur, à ce que la proposition de loi organique soit votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. N’oubliez pas que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, preuve que notre volonté rejoint la vôtre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.

Article 3

La perte de recettes résultant pour l’État de la présente loi organique est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre. Le Gouvernement propose la levée du gage prévu à l’article 3 par la suppression de cet article. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. Mes chers collègues, je tiens à insister sur ce manque d’anticipation : il est inexcusable. C’est à mon sens une forme de gouvernance par procrastination !

Je remercie néanmoins mes collègues d’avoir défendu cette proposition de loi organique au Sénat. À nos yeux, en effet, il est urgent de garantir et de sanctuariser un financement clairement établi.

Ce texte est un moindre mal, mais je rappelle que l’impôt indirect n’épargne pas les plus modestes.

J’ai bien entendu que la gouvernance de l’audiovisuel public devait se réorganiser pour ne pas disparaître et que sa réforme allait de pair avec les dispositions de cette proposition de loi organique. Dès lors, je m’interroge : s’agira-t-il d’une holding ou d’une fusion à terme ? Nous verrons bien.

Compte tenu de l’urgence de la situation et pour ne pas nous soustraire à nos obligations, nous voterons en faveur de ce texte. Reste que la disposition que nous adopterons aujourd’hui n’empêche nullement de mettre en œuvre d’autres solutions.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je l’ai déjà dit, nous voterons évidemment cette proposition de loi organique, tout simplement pour éviter la budgétisation de l’audiovisuel public.

Nous regrettons une nouvelle fois la précipitation dans laquelle nous sommes amenés à légiférer sur un sujet aussi important. À cet égard, je tiens à remercier mes collègues de leur initiative, sans laquelle nous aurions véritablement été très inquiets quant au devenir de notre audiovisuel public.

Madame la ministre, nous attendons de votre part une vision stratégique globale.

Je le répète, plutôt que de commencer par la gouvernance, par parler de « holding » ou de « fusion » – j’ignore si nous aurons à en débattre de nouveau – ou par discuter du financement, puisque celui-ci est lié à la gouvernance, je pense que nous devons d’abord savoir précisément quelles doivent être les missions de l’audiovisuel public.

Ensuite, comme Catherine Morin-Desailly et moi-même le martelons depuis plusieurs années, nous devons savoir quel modèle économique nous voulons privilégier face aux enjeux d’aujourd’hui – ce ne sont déjà plus les mêmes qu’il y a trois, quatre ou cinq ans –, dans le contexte européen que nous connaissons. C’est très important.

Enfin, nous devrons étudier les conséquences de ce financement. Ce n’est pas que je n’y crois pas, mais, très sincèrement, je ne pense pas qu’il soit aussi sûr que cela en matière d’indépendance. Il nous faut retravailler à une redevance modernisée, répondant aux enjeux du XXIe siècle, permettant véritablement de recréer ce lien entre l’audiovisuel public et nos concitoyens.

Madame la ministre, vous savez bien que certains impôts sont justes ! Voyez ce qui se passe en ce moment : on reparle de la fiscalité locale, de la taxe d’habitation… Les calendriers sont plus ou moins les mêmes.

Nous avons une réflexion à mener. Le Sénat y est prêt, pour avoir déjà travaillé sur le sujet.

C’est faire honneur à notre audiovisuel public que de remettre aujourd’hui ce travail en mouvement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Quitte à anticiper sur le résultat du vote, je remercie d’emblée l’ensemble de mes collègues, notamment Sylvie Robert, qui vient de s’exprimer, et Patrick Kanner, qui l’a fait en commission : je le sais, tous deux ne partagent pas exactement nos vues, comme ma collègue m’a rappelé.

Aujourd’hui, face au mur qui se dresse devant nous, nous devons assumer nos responsabilités dans cet hémicycle en prenant une décision. C’est, me semble-t-il, ce que la plupart d’entre nous s’apprêtent à faire en votant cette proposition de loi organique.

Ne nous y trompons pas : si nous avons eu un débat un peu technique sur l’article 2 ou sur les différences entre PSR et affectation de la TVA, ce que nous apportons aujourd’hui n’est pas une réponse technique : c’est une réponse politique.

Nous affirmons haut et fort aujourd’hui, avec ce texte court, que nous souhaitons fixer une règle d’indépendance et d’autonomie pour les médias publics français, en France et à l’étranger.

Bien que brève dans sa forme, cette réponse est forte. N’oublions pas qu’elle était très attendue par l’ensemble des sociétés d’audiovisuel public et par leurs 16 000 salariés. Ce petit texte offre donc une réponse importante pour notre système démocratique, pour la liberté d’information dans notre pays et, en corollaire, pour la qualité de cette information.

J’ai aujourd’hui une pensée pour tous ceux qui attendaient cette mesure. Ils sont nombreux à en juger par le nombre de témoignages que nous avons reçus.

Je remercie tous ceux qui ont pris part au travail sur cette proposition de loi organique : mes collègues cosignataires et l’ensemble des groupes politiques, qui vont faire le geste de le voter, quelles qu’aient été leurs positions initiales. J’associe évidemment à mes remerciements nos collègues de l’Assemblée nationale qui, avec nous ou avant nous, ont élaboré ce dispositif.

J’espère que l’issue que ce texte connaîtra à l’Assemblée nationale à la fin du mois de novembre prochain sera aussi favorable que celle qui se dessinera dans quelques instants dans cet hémicycle.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, je souhaite à mon tour remercier l’ensemble de mes collègues. Je rappelle combien notre assemblée s’est impliquée depuis tant d’années en faveur de la défense et de la promotion de l’audiovisuel public.

Je suis heureuse que ce travail se conclue de façon très positive ce soir. Il y avait en effet véritablement urgence ! C’est Nathalie Sonnac, ancienne conseillère au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui parle d’« urgence démocratique ».

Quand on se penche sur les travaux que nous avons réalisés sur les ingérences étrangères ou sur les conclusions des états généraux de l’information, on mesure à quel point un audiovisuel public de qualité qui traite l’information de manière différenciée et qui, surtout, combat la désinformation en France et à travers le monde est plus que jamais essentiel.

Nous sommes dans une guerre de l’information. Il importe d’avoir les outils de réponse appropriés à ces nouveaux combats, qui peuvent être tout à fait délétères.

Comme Cédric Vial, je me réjouis que les entreprises de l’audiovisuel public soient ce soir soulagées de savoir qu’elles pourront poursuivre leurs missions, ce qui, d’ailleurs, ne les dédouane absolument pas de continuer à réfléchir avec nous à celles-ci et à ce qui en constitue le cœur.