Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Si la réglementation européenne oblige les professionnels à indiquer le pays d’origine des viandes fraîches, comme pour tout aliment brut, cette exigence ne s’applique en revanche pas aux produits transformés.
En effet, l’information sur l’origine n’est actuellement pas obligatoire pour les produits à base de viande ou de lait, du fait d’un refus de la Commission européenne, et bien que le Parlement européen, comme le souligne le rapport, ait invité cette dernière à proposer un texte législatif en ce sens.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les sénateurs du groupe CRC ont, depuis plusieurs années et avec constance, déposé des amendements afin qu’un tel étiquetage soit obligatoire pour les produits carnés et laitiers, bruts ou transformés, ainsi que pour les produits contenant des organismes génétiquement modifiés, dits OGM.
Aujourd’hui, seules des démarches d’étiquetage volontaire sont possibles, ce qui est loin d’être suffisant.
Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, selon l’UFC-Que Choisir, lors d’un récent test sur 91 produits transformés à base de bœuf, moins d’un produit sur trois était assorti à la vente d’un étiquetage de l’origine, et c’est encore pire pour la volaille.
Pourtant, les études d’opinion montrent que l’information sur l’origine des produits alimentaires est demandée par 70 % des consommateurs européens.
De plus, l’argument des syndicats professionnels européens de l’industrie agroalimentaire opposés à l’étiquetage de l’origine et qui affirment que celui-ci augmenterait les coûts de production de 15 % à 50 % selon les secteurs ne tient absolument pas la route, de nombreuses études sérieuses ayant démontré l’inverse.
Cela illustre une fois encore les effets néfastes du lobbying à l’échelon européen, puisque la Commission européenne fait siens ces arguments, pourtant largement remis en cause aujourd'hui.
L’article 31 sexies du présent projet de loi est un pas dans le bon sens, puisqu’il permet la généralisation de l’expérimentation de l’étiquetage de l’origine.
Tout comme le rapporteur pour avis, nous regrettons que la mise en œuvre de cet étiquetage ne se fasse qu’à titre expérimental, mais il s’agit d’une réelle avancée, qui mérite d’être soutenue.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 31 sexies.
(L'article 31 sexies est adopté.)
Article additionnel après l'article 31 sexies (priorité)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 31 rectifié ter est présenté par MM. Vasselle, Lefèvre, Morisset, Milon et Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi, Duchêne et Cayeux et MM. Pellevat et Chaize.
L'amendement n° 180 rectifié ter est présenté par MM. Delcros, Bonnecarrère, Tandonnet, Lasserre, Gabouty, Roche, Luche et Kern.
L'amendement n° 546 rectifié est présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 31 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 69 D du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les exploitations agricoles à responsabilité limitée dont l’associé unique est une personne physique dirigeant cette exploitation peuvent bénéficier du régime fiscal visé à l’article 64 bis. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié ter.
M. Alain Vasselle. Le présent amendement vise à étendre le bénéfice du régime de la micro-entreprise pour les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux – BIC – et de bénéfices non commerciaux – BNC – aux exploitants agricoles du régime des micro-bénéfices agricoles, ou micro-BA, applicable depuis le 1er janvier 2016 aux entreprises agricoles à responsabilité limitée, dites EARL, dont l’associé unique est une personne physique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour présenter l'amendement n° 180 rectifié ter.
M. Jean-Claude Luche. Cet amendement est identique au précédent, et j’espère que notre assemblée le votera.
Mme la présidente. L’amendement n° 546 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission des affaires finances ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. J’interviens ici au nom de la commission des finances, à la place de son rapporteur pour avis.
La loi de finances rectificative pour 2015 a permis une refonte du régime du forfait agricole, réforme que nous avons soutenue. Un régime de micro-BA a été instauré, dont le bénéfice est limité aux personnes physiques et, sous certaines conditions, aux groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC.
Ainsi, le choix de conduire son exploitation agricole sous forme sociétaire entraîne des distorsions fiscales, quand bien même cette activité serait réalisée dans le cadre d’une EARL à associé unique. Il semble que cette solution soit non pas le résultat d’une décision réfléchie, mais plutôt un sous-produit d’une forme de précipitation législative incombant au Gouvernement.
Sauf à ce que celui-ci apporte la démonstration que l’absence de neutralité fiscale de la forme juridique empruntée est justifiée par des motifs économiques appréciables, je vous propose, mes chers collègues, de soutenir ces amendements.
J’émets donc, au nom de la commission des finances, un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Il aurait été préférable de voter cette disposition dans le cadre d’un projet de loi de finances, s’agissant de questions fiscales. Mais la mesure correspond tout à fait à ce à quoi nous nous employons. Je m’en remets par conséquent à la sagesse du Sénat et je lève le gage.
Mme la présidente. Il s’agit donc des amendements identiques nos 31 rectifié quater et 180 rectifié quater.
Je les mets aux voix.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 31 sexies.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
5
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Comme la dernière fois, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le principe de respect des uns et des autres.
moyens accordés à la justice
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Philippe Bas. Ma question concerne la justice, et je tenais à l’adresser au Premier ministre, car, eu égard à la situation critique de nos finances publiques, lui seul dispose encore de quelques clés pour amorcer un redressement.
Pas une semaine ne se passe sans que des prévenus soient libérés, faute d’avoir pu être présentés à temps à un juge. Nos prisons sont saturées ; certaines d’entre elles sont même vétustes. Nos tribunaux souffrent d’embolie, aussi bien au civil qu’au pénal, en raison de l’aggravation de la délinquance. Les frais de justice ne sont pas payés en temps utile. Nos lois ne cessent d’alourdir les charges pesant sur les tribunaux et certaines d’entre elles sont inappliquées au point d’être devenues virtuelles. C’est le cas, par exemple, de la loi instaurant la contrainte pénale, par manque de moyens. Les postes de magistrats et de greffiers votés par le Parlement ne sont pas pourvus.
Dans ces conditions – je sais ce diagnostic partagé par le garde des sceaux –, un sursaut est indispensable. Le Gouvernement est-il décidé à amorcer ce redressement nécessaire, malgré le peu de temps qui lui reste pour agir ? (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne peux dresser un autre constat que celui qui a été présenté par Philippe Bas. Voilà cinq mois, en prenant la responsabilité de ce poste, j’ai d’ailleurs évoqué une institution « en voie de clochardisation », et l’expression a choqué. Cela n’aurait pas dû être le cas, car ce qui était choquant, c’est la réalité !
J’ai toutefois employé les termes « en voie » pour signifier qu’il s’agissait d’un risque, que je pèse, et pour appeler l’ensemble des pouvoirs publics – notamment l’Assemblée nationale et le Sénat – comme toutes les collectivités à livrer le combat.
Le message est donc entendu, monsieur Bas, et vous le savez.
Mais, comme le Premier ministre l’a dit et comme le Président de la République l’a répété, beaucoup a déjà été fait. Notre accord s’arrêtera donc au constat, car – j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer devant cette assemblée – le Gouvernement a commencé à apporter des réponses depuis quatre ans.
En particulier, les créations de postes ont été nombreuses. L’École nationale de la magistrature comptabilise plus de postes ouverts de magistrats qu’elle n’en a jamais eus ; à l’École nationale d’administration pénitentiaire d’Agen, ce sont 868 surveillants de prison qui sont en formation ; enfin, les promotions de l’École nationale des greffes de Dijon et de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse atteignent des niveaux jamais constatés.
Donc, beaucoup a été fait, mais il faut effectivement poursuivre l’effort.
Il se trouve que les grandes lignes budgétaires sont désormais connues pour 2017, puisqu’elles vont être évoquées à l’occasion du débat sur l’orientation des finances publiques qui va suivre.
Le budget de la justice pour l’année prochaine est un très bon budget, et je suis particulièrement fier d’être le ministre de la justice qui enregistrera la progression la plus forte de son budget depuis 2012. Celle-ci dépassera 4,6 %, soit 300 millions d’euros supplémentaires pour un budget s’élevant, in fine, à 6,9 milliards d'euros.
Vous savez en effet comme moi, monsieur Bas, que nous partons d’un budget de 6,6 milliards d'euros, et non de 8 milliards d'euros, puisqu’il ne faut pas tenir compte des éléments du compte d’affectation spéciale « Pensions ». Une hausse de 300 millions d'euros est donc considérable au regard de la modestie du besoin.
Mais il faut continuer ! J’espère d’ailleurs que la progression se poursuivra dans les années qui suivront. Pour le ministère de la justice, elle s’établit, depuis 2012, à 14 %. Jamais aucun gouvernement n’avait fait autant !
Cela étant, il faut parler vrai et agir juste, comme le disait Michel Rocard. Nous allons agir juste, en dépensant à bon escient.
Le débat avec le Parlement, singulièrement avec le Sénat, nous permettra d’évoquer la répartition de ces milliards d’euros. De mon point de vue, c’est maintenant sur les juridictions, et non sur les créations de postes, qu’il faut faire porter l’effort. Là est le besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.
M. Philippe Bas. Nous entendons ce nouveau discours, monsieur le ministre, mais pendant trois ans et demi, le verbe – un verbe haut – a remplacé l’action (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) et cette pratique gouvernementale a fortement entamé votre crédit, au moment où vous prenez vos fonctions. L’impasse dans laquelle Mme Christiane Taubira nous a conduits a profondément atteint le service public de la justice. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Le Gouvernement a commencé par abandonner le programme de création de 23 000 places en prison. Il a prétendu remplacer les courtes peines par des peines de contrainte pénale. Faute de moyens, celles-ci ne sont pas mises en œuvre.
Aujourd'hui, vous improvisez, à coup de « mesurettes », le divorce sans juge, ce qui entraînera, pour 4 millions d'euros d’économies pour la justice, entre 50 et 80 millions d'euros de dépenses pour les couples, le recours à deux avocats étant désormais nécessaire. Cette improvisation n’est pas acceptable ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
grippe aviaire
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.
Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le ministre, la filière de l’élevage de palmipèdes et de volailles a été frappée par la grippe aviaire, ce qui a conduit à la mise en œuvre d’un vide sanitaire.
Depuis le 16 mai, les éleveurs peuvent réintroduire des animaux sur leurs exploitations. Cependant, en prévention d’une nouvelle épizootie, ils doivent suivre de nouvelles recommandations sanitaires qui, sans doute adaptées aux élevages industriels, sont, en revanche, pour la plupart inapplicables aux petites structures.
En outre, la multiplication de ces mesures stigmatise les fermes d’élevage de canards comme des sites à fort risque sanitaire. Pourtant, on sait que les souches d’influenza ont émergé dans des couvoirs et en raison d’un confinement d’animaux, comme on en observe dans les élevages à forte concentration, très favorable aux mutations et recombinaisons du virus.
La production fermière, par sa qualité et sa valeur ajoutée, pèse dans l’économie agroalimentaire, particulièrement dans le Sud-Ouest, qui me tient à cœur.
J’ajouterai que l’activité de ces petites exploitations contribue au développement du tourisme rural et suscite des projets pédagogiques mis en œuvre par des enseignants. Or, eu égard à la lourdeur actuelle du dispositif de prévention, l’accueil à la ferme est devenu pratiquement impossible.
Il s’agit non pas de remettre en question la gravité de l’épizootie d’influenza aviaire, mais de demander la mise en place de mesures proportionnées au risque.
Lors de votre déplacement dans le Gers, le 13 mai, vous avez promis qu’aucun éleveur ne serait laissé pour compte. Cette filière attend toujours la transcription officielle de mesures d’assouplissement pour les petits producteurs.
Êtes-vous en mesure, monsieur le ministre, de déclarer un moratoire sur l’arrêté de biosécurité applicable depuis le 1er juillet et de lancer dès à présent une réflexion sur l’élaboration de nouvelles fiches techniques adaptées aux exploitations fermières de petite taille ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je ne peux pas vous laisser dire que les mutations de virus – il y en a eu trois, H1N1, H2N1 et H9N1 – seraient liées à l’accouvage et à la forte concentration d’animaux dans certains élevages de grande taille. On ne saurait désigner ainsi des coupables alors que ces mutations extrêmement dangereuses relevaient d’un ensemble d’éléments.
En outre, concernant les petits élevages, ce que l’on appelle les élevages autarciques, nous avons pris des mesures spécifiques, lors de la mise en place du vide sanitaire, pour permettre leur redémarrage. L’influenza aviaire représente un risque pour toute la filière, quelle que soit la taille des élevages : comment le ministre, dans le cadre de l’exercice de ses responsabilités, doit-il mettre en œuvre les mesures de biosécurité nécessaires ? La question n’est pas facile. En tout état de cause, le ministre ne souhaite qu’une chose : c’est que le problème ne ressurgisse pas après le vide sanitaire. Sinon, si nous ne réussissons pas tous ensemble, on aura de moins en moins l’occasion de parler de cette filière…
Je suis prêt à discuter de cette question, madame la sénatrice, mais on ne saurait remettre en cause les mesures de biosécurité. Ce n’est d’ailleurs pas le ministre qui les a définies : ce sont des vétérinaires, des chercheurs qui ont élaboré des solutions leur paraissant à même d’éviter un retour de l’influenza aviaire.
Dans ce domaine, je souhaite vraiment qu’on s’en tienne à la nécessaire rationalité scientifique. Des adaptations peuvent être envisagées selon les situations, mais l’objectif est de redresser la filière pour lui redonner un avenir : dans cette perspective, il importe de ne pas de revenir à une situation de risque sanitaire majeur qui remettrait tout en cause.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. J’indique que 25 millions d’euros sont disponibles et que 21 millions d’euros ont déjà été distribués aux éleveurs. L’ensemble des professionnels considèrent que l’action de l’État a été à la hauteur du problème sanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, je ne remets pas en cause les mesures que vous avez prises. Je souhaiterais que vous puissiez rencontrer les personnes concernées. Nous verrons à Noël d’où viennent les foies gras et s’ils sont bien passés par le sas sanitaire ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
rétention d'enfants en centre de rétention administrative
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.
Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
En février 2012, dans un courrier adressé à RESF, Réseau éducation sans frontières, François Hollande prenait l’engagement de refuser la rétention des enfants. Il rappelait les conséquences graves de l’enfermement pour les plus jeunes et la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Popov du 19 janvier 2012.
Mardi 28 juin dernier, les cinq associations présentes dans les quarante-trois centres de rétention administrative du pays dressaient leur bilan annuel. Le constat est inquiétant : le placement en rétention concerne de plus en plus souvent des familles. Dans les centres de rétention administrative de métropole, leur nombre a plus que doublé par rapport à 2014, puisque l’on est passé de 24 familles et 45 enfants à 52 familles et 105 enfants. La situation est encore plus préoccupante outre-mer, notamment à Mayotte, où 4 378 mineurs ont été enfermés. À ces familles s’ajoutent les mineurs isolés.
La France ne refuse pas la rétention des enfants : 280 sont passés par les centres de rétention administrative en 2015, contre 170 en 2014.
Dans son rapport du 14 juin 2016, l’UNICEF relevait que 7 009 enfants non accompagnés avaient effectué la traversée d’Afrique du Nord vers l’Italie au cours des cinq premiers mois de l’année. Un certain nombre d’entre eux échoueront certainement sur le sol français.
Ma question est simple : quand le Gouvernement compte-t-il, en matière de protection des enfants, respecter ses engagements nationaux et internationaux et faire preuve de la plus élémentaire humanité ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Bernard Cazeneuve.
À titre préliminaire, je souhaite rappeler que la France est un pays à forte tradition d’accueil, mais cet accueil n’est soutenable que s’il est accompagné d’une lutte contre l’immigration irrégulière. Ceux qui n’ont pas le droit au séjour doivent donc quitter notre territoire.
Je tiens à affirmer devant vous la volonté du Gouvernement de limiter très strictement les mesures de privation de liberté pour les mineurs. Depuis 2012, notre action en atteste, si l’on a une lecture rigoureuse et proportionnée des faits.
Rappelons qu’il n’y a jamais aucun placement en rétention de mineur étranger isolé. Le 6 juillet 2012, par voie de circulaire, le prédécesseur de Bernard Cazeneuve avait donné des instructions précises aux préfets, leur rappelant que les mesures d’assignation à résidence sont la règle pour la préparation de la mise en œuvre des mesures d’éloignement des familles faisant l’objet d’un refus de séjour ou d’une obligation de quitter le territoire français. L’assignation à résidence est donc la règle, le placement en rétention l’exception.
Les situations que vous mentionnez sont rares. En 2015, sur 26 000 décisions de placement en rétention, seules 105 concernaient des mineurs placés en rétention avec leurs parents dans des centres adaptés.
Comme vous le voyez, la rétention des mineurs est devenue exceptionnelle et ne concerne en réalité que deux cas de figure : celui des familles qui se sont soustraites de toutes les manières possibles aux mesures d’éloignement et celui des familles devant prendre un vol très tôt le lendemain matin.
La loi du 7 mars 2016 a d’ailleurs introduit les modifications législatives nécessaires pour inscrire ces garanties dans notre droit.
Nous avons donc œuvré pour que l’intérêt supérieur de l’enfant soit scrupuleusement respecté dans des situations humainement complexes. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais savoir si les rapports des associations sont erronés ! Certains éléments de votre réponse étaient assez simplistes. Je voudrais savoir qui a raison et qui a tort. Le Gouvernement mène-t-il véritablement une politique dans le sens que vous indiquez ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
sélection à l'entrée de l'université
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour le groupe CRC.
M. Bernard Vera. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le secrétaire d'État, 700 000 lycéens viennent de prendre connaissance des résultats du baccalauréat. Mais tous savent que, pour entrer à l’université aujourd’hui, le bac ne suffit plus. Il y a, en réalité, une autre épreuve à franchir, à savoir l’obtention d’une réponse positive au vœu formulé lors de l’inscription sur la plateforme d’admission APB – admission post-bac.
Cette année, selon vos estimations, de 30 000 à 35 000 étudiants supplémentaires sont attendus à la rentrée, alors que le budget de l’enseignement supérieur n’augmente qu’à la marge.
C’est pourquoi, faute de moyens supplémentaires pour répondre à la hausse des effectifs, des pratiques de sélection illégales se multiplient dans les établissements.
Ainsi, le tribunal administratif de Bordeaux vient de condamner la pratique du tirage au sort pour déterminer les admis dans une filière sous tension.
D’autres pratiques sont tout autant condamnables. La plateforme d’admission peut en effet empêcher un jeune de s’inscrire dans la filière et l’établissement de son choix.
Par exemple, cet outil permet aux universités d’exclure de leur champ de recrutement les étudiants en réorientation ou non issus de leur académie, tout comme elles peuvent sélectionner sur dossier ces étudiants. Cette sélection, souvent élitiste, remet en cause les principes d’égalité et renforce la sélection sociale qui frappe les étudiants issus des milieux populaires.
Monsieur le secrétaire d'État, comment comptez-vous mettre un terme aux pratiques de sélection illégales et permettre l’accueil en premier cycle universitaire de tous les titulaires du baccalauréat, comme vous y oblige le code de l’éducation, et quelles dispositions comptez-vous prendre pour que leurs choix soient respectés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord vous donner quelques éléments factuels sur les premiers enseignements que nous pouvons tirer, pour la prochaine rentrée, de la mise en œuvre des réformes engagées avec Mme la ministre de l’éducation nationale.
La technique des vœux groupés permet aux futurs étudiants de choisir d’abord la matière qu’ils veulent étudier et ensuite d’ordonner les établissements universitaires de leur académie où ils souhaitent s’inscrire. Nous avons donné un certain nombre d’informations très importantes pour les futurs étudiants, notamment les taux de réussite en première année de licence en fonction du type de baccalauréat obtenu – pour les détenteurs de certains baccalauréats, d’autres orientations que la première année de licence en université sont probablement préférables –, et, pour la première fois, les débouchés professionnels d’un certain nombre de filières, les niveaux moyens de rémunération, le délai pour trouver un emploi à la sortie de ces filières.
Les premiers résultats sont très significatifs. À ce jour, plus de 80 % des étudiants ayant rempli le formulaire APB ont obtenu une proposition conforme à leur premier vœu dès le premier tour. Nous n’avions jamais atteint ce taux auparavant. En outre, grâce à ces méthodes, nous sommes parvenus à diviser par plus de deux le nombre des filières en tension, c’est-à-dire les filières dans lesquelles le nombre de demandes d’inscription excède les capacités d’accueil : il est passé de 189 l’an passé à seulement 78 cette année. Enfin, je suis en mesure de vous informer qu’il n’y aura cette année aucun tirage au sort pour l’accès à la première année commune aux études de santé, la PACES, et très probablement aucun tirage au sort pour l’inscription en première année de droit, malgré le succès très important de cette filière.
Nous parvenons donc à réduire le recours aux pratiques sélectives. J’ajoute, pour être tout à fait complet, que nous souhaitons que, au titre des améliorations qui seront apportées au système APB, les critères de refus d’admission dans les filières reconnues comme sélectives – classes préparatoires aux grandes écoles, instituts universitaires de technologie, sections de techniciens supérieurs – soient rendus publics. C’est le moins que nous puissions faire pour les futurs étudiants. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)