B. LE POINT DE VUE DES RÉGIONS
Les
Régions récusent d'abord que l'Etat soit toujours en pratique un
stratège rationnel garant de l'intérêt
général. Les dispositions, l'exécution et les
modalités de suivi et d'évaluation par l'Etat des
troisièmes contrats de plan en constituent d'ailleurs parfois le
démenti (cf. chapitres III à VII).
En fait, selon les Régions, le biais de la négociation est
d'abord un symptôme de la
réticence culturelle
des
fonctionnaires de l'Etat face à la décentralisation : comme
l'indiquait M. Michel DELEBARRE, Président de la Région Nord -
Pas-de-Calais, lors de son audition du 19 janvier 2000 par la
délégation du Sénat à l'Aménagement et au
développement durable du territoire, les services de l'Etat ont beaucoup
de mal à accepter une stratégie de développement local
qu'ils n'ont pas déterminée.
Cette réticence culturelle reviendrait, de la part des administrations
centrales, à nier le
" rôle pivot de la Région pour
l'aménagement du territoire
64(
*
)
", et, au delà, le
fait que la région est l'échelon territorial pertinent pour
l'aménagement du territoire.
Cette réticence est d'autant plus mal perçue que les moyens
humains et financiers de l'Etat en région sont
émoussés : dans nombre de domaines, l'Etat "
ne peut
plus rien entreprendre sans les collectivités locales
" ;
dans certains secteurs, comme le tourisme, les moyens d'action de l'Etat sont
même extrêmement réduits par rapport à ceux des
collectivités territoriales. Dans ces conditions, les Régions
voient dans "
la posture régulatrice de l'Etat
" une
tentative pour les administrations centrales, comme pour les services
déconcentrés, de conserver leur
pouvoir
. Le rapport
Chérèque en déduisait ainsi
65(
*
)
que, l'Etat, "
faisant de plus
en plus appel aux collectivités locales, devait modifier son
comportement
".
A l'inverse, les Régions estiment qu'en raison de leur expertise
croissante, de leur proximité des citoyens et des entreprises, de leur
légitimité ancrée sur un territoire, et de leurs
compétences propres elles ont également, et de plus en plus,
vocation et capacité à incarner
l'intérêt
général
et la rationalité économique.
Les Régions estiment donc que la procédure de négociation
des contrats de plan
dénature
doublement la
décentralisation
:
- en les contraignant à "
abonder la politique de l'Etat et donc
à pallier les insuffisances des ressources de l'Etat, elle engage les
collectivités hors de leurs compétences
", ce qui
"
au lieu de poser clairement la question des compétences et
d'identifier des responsabilités claires, permet de maintenir un statut
quo au lieu d'avancer plus avant dans la décentralisation
" et
ce qui relève d'une "
subsidiarité
inversée
66(
*
)
".
Certains commentateurs suggèrent ainsi
d'inverser
la logique des
contrats de plan, de sorte que ce soit désormais l'Etat qui apporte son
soutien aux collectivités locales, et non l'inverse ;
- par ailleurs, la procédure de négociation contreviendrait
à l'esprit des lois de décentralisation et au
principe
constitutionnel
de libre administration des collectivités locales.
Les Régions estiment enfin qu'une procédure de négociation
combinant parfois "
marchandage
", "
acte
d'autorité
", "
instructions
comminatoires
" et
" contrôle procédural ou
paperassier
", se traduit par "
une vision réductrice
de la notion de projet commun
67(
*
)
", qui "
détourne
l'objectif de la contractualisation qui est d'obtenir un accord des deux
partenaires que sont l'Etat et la Région sur des politiques
ciblées
" et qui nuit au suivi et à la bonne
exécution
du contrat.
En définitive, la bonne exécution du contrat requiert en effet un
climat de
confiance
réciproque. Comme le concluait, citant
Pascal, le rapport de M. Jean BILLET pour le Conseil économique et
social
" la force sans la justice est impuissante
".