II. UN DÉSÉQUILIBRE LÉGITIME ?
Le
déséquilibre entre les parties qui négocient les contrats
de plan est
ancien
: en 1992 notre collègue Georges MOULY
observait déjà dans son rapport
58(
*
)
relatif aux deuxièmes contrats
de plan Etat-Région que les capacités de négociation
étaient "
disproportionnées
".
Ce déséquilibre intervient toutefois dans un
contexte
renouvelé : en effet, l'expertise, les moyens d'intervention et les
capacités techniques de négociation des Régions ont
progressivement rejoint, sinon dépassé, celles de l'Etat dans de
nombreux domaines.
Dans ces conditions, la perpétuation d'un déséquilibre
entre les parties négociant les contrats de plan est-elle encore
légitime
?
A. LE POINT DE VUE DE L'ÉTAT
Dans
leurs réponses à votre rapporteur, les administrations centrales
avancent deux faisceaux de justifications au déséquilibre de la
négociation.
• Les premières justifications sont notamment exposées par
la DATAR
59(
*
)
:
"
l'existence d'un noyau dur est inévitable dès lors que
les sommes contractualisées sont trop importantes pour que l'Etat puisse
corriger l'impact du contrat de plan par des interventions hors contrat de
plan. Dès lors que ses moyens de financement sur certaines politiques
sont presque entièrement contractualisés, c'est à dire que
les contrats de plan seront pour certaines politiques l'essentiel de
l'intervention de l'Etat, celui doit veiller à ce que ses
priorités figurent bien dans les contrats
".
L'Etat devrait donc imposer ses choix dans les contrats de plan parce que les
marges de manoeuvre de l'Etat hors contrat de plan sont très
réduites. La contractualisation étant beaucoup plus importante
pour l'Etat, il serait logique qu'elle soit biaisée en sa faveur.
Le déséquilibre de la négociation masquerait ainsi la
faiblesse des capacités d'intervention de l'Etat
• Conformément à l'article 20 de la Constitution, selon
lequel "
le Gouvernement détermine et conduit la politique de la
Nation
", plusieurs ministères mettent par ailleurs en exergue
la nécessité "
d'une mise en cohérence des
politiques publiques sous l'égide de l'Etat
", le rôle de
l'Etat comme "
garant de l'intérêt
général
", comme "
garant des règles et
de la solidarité nationale
60(
*
)
" , le "
rôle de
régulation de l'Etat
" et sa capacité à
"
s'appuyer
sur une logique économique
" (cf.
par exemple l'encadré ci-après).
Garant de l'intérêt général, de l'unité et de
l'équilibre du territoire, l'Etat stratège disposerait d'une
vision d'ensemble et d'une rationalité supérieure : il
devrait donc conserver la maîtrise de la définition des politiques
publiques et rechercher
l'adhésion
des collectivités
locales à ces politiques.
Plus précisément, "
l'harmonisation des aides des
Régions et des critères d'éligibilité en
particulier s'avère indispensable
"
61(
*
)
, et "
la vision transversale
de l'Etat lui permet de maîtriser les demandes parfois dispersées
des collectivités locales
"
62(
*
)
et même lui impose de
"
canaliser l'action des collectivités
locales
"
63(
*
)
.
En d'autres termes, la négociation devrait être biaisée
parce que la rationalité et la légitimité de l'Etat
seraient supérieures à celles des collectivités locales.
LES ENJEUX DE LA CONTRACTUALISATION
POUR LE
SECRÉTARIAT D'ÉTAT AU TOURISME
La
Direction du tourisme a animé une série d'entretiens sur la
contractualisation avec les délégués régionaux au
tourisme. Les paragraphes ci-dessous sont extraits de la note de
synthèse de ces entretiens qui a été transmise au
Sénat. Les guillemets figuraient dans le texte d'origine :
" [Le contexte institutionnel dans lequel ce secteur s'inscrit]
se
caractérise par une multiplicité des interventions publiques,
Etat, collectivités territoriales (régions, départements,
communes), Europe, multiplicité décrite parfois comme un
véritable maquis. Il s'agit d'un système complexe, avec plusieurs
niveaux de décision, sans autre
régulateur
possible que
l'Etat, qui a besoin d'une "
mise en cohérence
" afin
d'être structuré et " de faire coïncider " les
logiques des collectivités territoriales entre elles...
Le principal mérite reconnu à la contractualisation dans le
domaine du tourisme, de façon unanime, c'est bien de permettre à
l'Etat d'assurer un pouvoir de régulation, d'avoir un rôle
d'arbitre. Ce rôle, il le conduit par la concertation, en permettant
qu'un " dialogue s'installe " et en proposant des
" démarches partenariales ". Cette valeur ajoutée se
caractérise par son action pédagogique, de conseil et de
facilitation. S'il est convaincant, c'est qu'il propose une
approche
objective
, fondée sur " un raisonnement technique et
économique ". Il est le garant de " cette notion
économique, ainsi que de la question de l'emploi ", les
collectivités locales inclinant davantage à intervenir dans les
domaines de l'équipement et de l'investissement et dans une logique de
répartition...
....Si les financements du tourisme apparaissent marginaux, il permettent de
"
canaliser
" d'importants crédits publics, y compris
les crédits européens...[
même si]
les facteurs de
distorsion sont par ailleurs puissants (le poids des préoccupations de
" politiques locales " souvent divergentes est souvent
évoqué)...
...L'Etat, dans le domaine du tourisme, est moins attendu comme un financeur
comme les autres que comme un acteur majeur dans la mise en place et la
définition de stratégies concertées avec l'ensemble des
partenaires privés et publics de régulation des aides au tourisme
et des politiques de soutien à ce secteur. "