III. DANS UN CONTEXTE DE FORTE PRESSION MIGRATOIRE ET DE MOYENS BUDGÉTAIRES CONTRAINTS, LE POIDS DES CRÉDITS VERSÉS AUX ASSOCIATIONS DOIT ÊTRE QUESTIONNÉ

A. UN RECOURS AUX ASSOCIATIONS QUI INTERROGE AU REGARD DE SON EFFICIENCE ET DE SA LÉGITIMITÉ DANS CERTAINS DOMAINES

1. La nécessité d'évaluer l'efficience des actions menées, y compris à l'aune des modèles étrangers

La Cour rappelle la nécessité pour l'administration de procéder à des évaluations régulières des différentes actions mises en oeuvre. Certes, le suivi des indicateurs de performance relève d'un processus évaluatif, notamment en matière de résultats des formations linguistiques ou encore de taux d'hébergement des demandeurs d'asile.

Néanmoins, il convient d'aller plus loin. D'une part, un suivi plus précis des résultats des actions menées peut être réalisé. À titre d'illustration, les formations civiques ne débouchent pas aujourd'hui sur une certification, ni sur une évaluation quantitative. D'autre part, de véritables évaluations doivent être menées. En effet, si certaines études de nature scientifique ont été produites, s'agissant notamment des effets pluriannuels du CIR sur les signataires, elles doivent être actualisées et leur spectre élargi.

Dans le cadre de l'enquête, la Cour des comptes n'a pas procédé à une évaluation des dispositifs déployés et de l'opportunité de recourir aussi largement aux associations pour leur mise en oeuvre.

Le rapporteur spécial constate que les délais de production de cette enquête rendaient en effet difficile la réalisation d'un tel travail d'évaluation, qui aurait vocation à couvrir l'essentiel des politiques portées par la mission. Toutefois, comme cela a été évoqué lors de l'audition pour suite à donner à la présente enquête33(*), il serait intéressant que la Cour des comptes, si elle le souhaite, complète son enquête par une analyse de l'efficience des missions confiées aux associations. En effet, si la présente enquête permet d'établir que les crédits versés aux associations augmentent nettement, il conviendrait désormais de savoir si les résultats obtenus sont à la hauteur de cette hausse, ce dont le rapporteur spécial n'est pas certain.

En outre, il serait utile de s'interroger sur des modèles alternatifs de mise en oeuvre des politiques de la mission « IAI » qui s'appuieraient moins sur les associations et davantage sur d'autres acteurs, que ce soit l'État lui-même, les collectivités territoriales, des établissements publics ou encore des entreprises. Une telle analyse intégrerait opportunément une dimension comparative internationale. En outre, elle pourrait tirer profit de l'analyse de l'encadrement et de l'action des associations dans le cadre d'autres politiques publiques qui les mobilisent fortement, notamment l'enseignement scolaire, la justice ou le logement.

2. L'exemple de l'assistance juridique des personnes retenues : un recours aux associations qui n'apparaît pas comme une solution indispensable

Parallèlement, il apparaît utile de questionner dès aujourd'hui la pertinence du recours aux associations pour certains types de missions.

C'est notamment le cas s'agissant de l'assistance juridique des personnes retenues en CRA, aujourd'hui déléguée à des associations sélectionnées par des marchés publics34(*).

Le rapporteur spécial considère bien évidemment, s'agissant du principe, que le placement en rétention administrative, qui constitue une mesure privative de liberté, implique nécessairement l'existence d'une assistance juridique. S'agissant ensuite des modalités de cette assistance, celle-ci peut prendre des formes diverses : intervention d'associations, d'avocats ou encore de services de l'OFII.

Le rapporteur spécial s'interroge toutefois sur le fait de déléguer cette mission à des associations. En effet, une partie de celles titulaires des marchés correspondants déploient parfois un discours difficilement compatible avec l'idée même du renvoi de personnes en situation irrégulière. En outre, il est permis de s'interroger sur le fait de savoir si au-delà de leur mission d'aider les personnes retenues à la présentation de recours contentieux, elles ne participent pas à un mouvement de massification des recours, de nature à entraver quelque peu la politique mise en oeuvre. Ainsi que le rappelle pudiquement la Cour, « il n'est pas douteux que les associations remplissent effectivement leurs missions d'assistance juridique, qui ont notamment pour conséquence le dépôt de recours devant les tribunaux, au vu du volume soutenu de ceux-ci. »

Le rapporteur spécial estime que l'assistance juridique devrait être délivrée aux personnes retenues selon d'autres modalités à l'avenir. Une telle évolution serait d'ailleurs l'occasion de prendre en compte le fait que, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a récemment énoncé35(*) que l'aide juridictionnelle36(*), qui couvre notamment les frais d'avocat, était ouverte y compris aux étrangers se trouvant en situation irrégulière en France. Dans ce cadre, le rapporteur spécial considère qu'il serait opportun de confier à l'OFII un rôle d'information sur l'accès au droit des personnes placées ou maintenues en rétention administrative, incluant la possibilité de demander la désignation d'un avocat et le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Cette solution permettrait de garantir la protection des droits des personnes retenues, sans nécessiter l'intervention d'associations.


* 33 Voir infra.

* 34 Voir supra.

* 35 Décision n° 2024-1091/1092/1093 QPC du 28 mai 2024.

* 36 La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit que les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d'une aide juridictionnelle.

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