B. UN NIVEAU DE CONTRÔLE INÉGAL, À RENFORCER, EN PARTICULIER DANS LE DOMAINE DE L'ASILE
Dans son enquête, la Cour confirme que les contrôles exercés sur les associations dans le cadre des missions qui leur sont confiées par l'État sont diversement exercés, en fonction des types d'actions.
1. Un contrôle satisfaisant en ce qui concerne les prestataires de l'OFII, dans le cadre du CIR et des SPADA
a) Un contrôle satisfaisant des prestataires du CIR...
Pour le contrôle et les audits des prestataires de ses marchés publics dans le cadre du CIR, l'OFII déploie, selon l'enquête, une méthodologie rigoureuse. Elle contrôle ainsi régulièrement ses prestataires, notamment associatifs, soit en amont27(*), soit en aval. 291 contrôles sur place (dits « audits ») ont ainsi eu lieu en 2023.
Selon l'enquête, les contrôles peuvent conduire à relever une proportion significative de situations non conformes, qui donnent toutefois rarement lieu in fine à des sanctions28(*).
b) ...et de ceux des SPADA
De même, l'OFII a mis en oeuvre, selon l'enquête, une démarche rigoureuse d'audits pour ses marchés relatifs aux SPADA.
Il a notamment prévu des obligations en matière de suivi des activités et pour l'organisation d'audits sur place et sur pièces. En cas de manquement, le marché applicable prévoit le versement de pénalités. En 2023, 28 associations ont ainsi été visitées, sur 68 implantations. Les taux de conformité auraient nettement progressé récemment, dans tous les champs d'audit.
2. Un suivi lacunaire des crédits déconcentrés et une activité de contrôle des opérateurs d'hébergement limitée
a) Des crédits déconcentrés dont l'exécution via des associations connaît un suivi insuffisant
Les associations qui bénéficient des crédits d'intégration déconcentrés (action n° 12 du programme 104) ne sont contrôlées qu'occasionnellement.
S'il est rendu compte de l'utilisation de ces crédits dans le cadre d'un plan national d'évaluation et si la DGEF procède à des visites de porteurs de projets associatifs dans le cadre de déplacements en régions, il n'y a pas d'audits des structures, en raison d'autres priorités données aux moyens disponibles en administration centrale comme en service déconcentré, au demeurant parfois très limités dans certaines préfectures.
b) Une activité de contrôle des opérateurs d'hébergement limitée, y compris en matière d'accompagnement des personnes hébergées
L'enquête de la Cour constate que l'activité de contrôle, qui repose sur la vérification des documents administratifs et sur des inspections, apparait limitée s'agissant des opérateurs d'hébergement, notamment associatifs. En outre, il n'existe pas de stratégie nationale en la matière, ni de coordination avec les autres acteurs.
En premier lieu, la capacité à contrôler les structures sur la base des documents administratifs et financiers varie selon leur nature juridique et les conditions de financement de la prestation. En effet, la prestation est d'autant plus difficile à définir précisément qu'elle est financée par subvention29(*). Il est ainsi plus difficile d'assurer un contrôle efficace des CAES et HUDA (régime de la subvention) que des CADA et CPH (régime des ESSMS, et donc de la dotation globale de fonctionnement). Mais, même pour ces derniers, il apparaît que les contrôles ont porté « davantage sur les questions d'hébergement, en particulier sur les taux de présence, que sur le volet de l'accompagnement dans les centres ».
En second lieu, les inspections sur place des différents types d'hébergement souffriraient d'un champ très étendu et de la faiblesse de ses moyens humains, compte tenu du nombre d'établissements à couvrir. Hors évaluations externes30(*), elles sont donc en moyenne contrôlées une fois tous les 14 ans pour les Cada, tous les 75 ans pour les Huda et les CAES, et tous les 35 ans pour les CPH. Une absence de stratégie et de coordination pour le déploiement des dispositifs de contrôle est également relevée.
Il apparaît nécessaire de renforcer le nombre de contrôles sur les opérateurs d'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés vulnérables, en y intégrant systématiquement un volet sur l'accompagnement.
3. Un contrôle qui mène de manière trop exceptionnelle à des sanctions
Si l'enquête n'approfondit pas ce point, le rapporteur spécial constate qu'il apparaît que le nombre de sanctions prononcées à l'encontre d'associations pour des manquements dans l'exercice des missions qui leur sont confiées par le biais de la mission est très réduit.
S'agissant des prestataires du CIR, notamment associatifs, l'enquête précise que si les contrôles rigoureux mis en oeuvre peuvent conduire à relever une proportion significative de situations non conformes et qu'il s'en suit une procédure corrective et contradictoire, « ils débouchent rarement sur des pénalités, l'OFII estimant le plus souvent que des mesures correctives ont été appliquées par la suite31(*). »
Concernant les SPADA, des pénalités n'auraient été appliquées aux prestataires associatifs que dans un seul cas, pour une réfaction cumulée d'environ 145 000 euros en raison d'une exécution très partielle des missions confiées par l'OFII.
Pour ce qui concerne l'assistance juridique en CRA, la DGEF n'a fait part, là encore, que d'une seule situation effective de non-paiement à une association, dans le cadre des marchés 2020-202432(*), à savoir une réfaction d'environ 100 000 euros.
Enfin, l'enquête ne mentionne pas de sanctions dans le domaine de l'accompagnement des personnes hébergées. Au demeurant, le rapport sur Les relations entre l'État et les gestionnaires de structures d'hébergement n'en faisait pas état non plus en matière d'hébergement des demandeurs d'asile, même s'il mentionnait le fait qu'il était prévu d'introduire plus largement la possibilité de prononcer des pénalités financières. Si le rapporteur spécial n'est pas en capacité d'établir si une sanction a été ou non prononcée récemment dans ce domaine, il apparaît en tout état de cause que cela relève a minima de cas isolés.
Le rapporteur spécial estime qu'un travail efficace et crédible de contrôle doit impliquer un taux de sanction plus élevé à l'égard des associations qui ne respectent pas le cadre ou les modalités des missions qui leur sont confiées par l'État.
* 27 Notamment par la validation des curriculums vitae des formateurs par exemple et l'organisation de réunions de suivi.
* 28 Voir infra.
* 29 Voir supra.
* 30 Les ESSMS (CADA et CPH pour ce qui concerne le champ de l'enquête), sont soumis à un type de contrôle supplémentaire : l'évaluation externe (confiée à des organismes tiers), qui intervient tous les cinq ans. En 2023, 23 CAES ont été évalués dans ce cadre en 2023, et 11 CPH. Cependant, la DGEF ne disposerait pas des données agrégées relatives aux résultats d'évaluation des structures du dispositif national d'accueil, qui sont seulement accessibles par la Haute autorité de santé.
* 31 Dans le cadre des marchés de formations civiques, 30 516 euros de pénalité auraient ainsi été appliqués (pour un montant initial du marché de 2,7 millions d'euros) et dans le cadre des marchés de positionnement linguistique et de certification, une pénalité de 3 816 euros (pour un montant initial du marché de 541 685 euros).
* 32 Ainsi, en 2023, une salariée de la Cimade au centre du Mesnil-Amelot a été agressée par une personne en rétention administrative. L'association a décidé de retirer ses équipes pendant 44 jours, du 2 février au 18 avril 2023. La DGEF a procédé à une réfaction proportionnelle à l'absence de service fait.