II. DES ENJEUX DE DÉFINITION, DE COORDINATION ET DE CONTRÔLE DE PLUSIEURS MISSIONS CONFIÉES AUX ASSOCIATIONS

Dans son enquête, la Cour constate des difficultés tenant à la définition et à la coordination de certaines missions exécutées par les associations. En outre, elle révèle un niveau de contrôle inégal de leur exécution.

A. DES ÉCUEILS TENANT À LA DÉFINITION ET À LA COORDINATION DE CERTAINES ACTIONS EXÉCUTÉES PAR LES ASSOCIATIONS

1. En matière d'intégration, un besoin d'une plus grande coordination dans l'attribution de missions aux associations

Selon la Cour, en matière d'intégration, les prestations offertes dans le cadre du CIR géré par l'OFII (action n° 11 du programme 104) et celles financées par les crédits déconcentrés dans les préfectures (action n° 12 du même programme) « peuvent concerner en partie les mêmes publics, pour les mêmes finalités, faute d'une coordination suffisante entre les services déconcentrés et les directions territoriales de l'OFII ». La question de l'articulation se pose ainsi principalement pour les formations linguistiques, qui représentent une part prépondérante des crédits déconcentrés.

Selon l'enquête, la DGEF met certes en avant le fait que les formations du CIR ne couvrent pas l'ensemble des besoins et que de nombreux primo-arrivants n'en sont pas signataires (étudiants, travailleurs temporaires, passeports talents, étrangers malades, etc.). Elle précise que le niveau A122(*) visé n'est pas atteint par l'intégralité des personnes ayant suivi leur formation CIR (le taux de réussite étant de 68 %) et qu'il est donc utile de proposer de poursuivre une « immersion linguistique », même après la clôture du contrat. En outre, elle indique que près de la moitié des signataires du CIR sont positionnés avec un niveau de langue supérieur à A1 et ne bénéficient pas de l'offre linguistique de l'OFII. Enfin, elle ajoute que les compétences mobilisées et l'ingénierie pédagogique adoptée sont différentes : les formations linguistiques du CIR s'appuieraient sur des parcours précis et une mallette pédagogique détaillée, tandis que les appels à projets sur crédits déconcentrés financeraient majoritairement des « ateliers sociolinguistiques » permettant l'apprentissage de la langue par des mises en situation.

Néanmoins, la Cour estime au final que si certaines formations financées par les crédits déconcentrés peuvent être justifiées lorsqu'elles visent un public non soumis au CIR, le risque de doublon demeure élevé. Comme la Cour, le rapporteur spécial rappelle que la question de l'articulation entre ces actions financées par les préfectures, et celles prises en charge dans le cadre du CIR se posera de manière encore plus aiguë à l'avenir, la nouvelle obligation de résultat posée par le législateur devant conduire l'OFII à redéfinir son offre de formations au titre du CIR23(*).

Il apparaît donc nécessaire que soit conçue une stratégie globale et coordonnée s'agissant des formations linguistiques des étrangers primo-arrivants, qu'elles soient financées dans le cadre du CIR ou par les services déconcentrés de l'État.

2. En matière d'asile, la nécessité d'une meilleure définition des missions d'accompagnement des demandeurs

Dans le cadre de la politique de l'asile, les dispositifs d'accompagnement des demandeurs d'asile et des réfugiés sont définis au moyen de cahiers des charges et d'appels à projet des structures.

Selon l'enquête, l'État et l'OFII ne définissent pas avec suffisamment de précision la nature des missions d'accompagnement, les compétences requises pour les réaliser et, dans les structures d'hébergement, le taux d'encadrement associé.

a) L'hébergement et l'accompagnement des demandeurs d'asile hébergés : pour une vision stratégique de long terme et une plus grande prise en compte de l'accompagnement

L'hébergement et l'accompagnement des demandeurs d'asile et des réfugiés vulnérables hébergés, notamment lorsqu'ils sont confiés au secteur associatif, souffre de différents écueils. Ils tiennent principalement aux limites imposées par le système subventionnel pour la définition des prestations attendues, à des différences - pas toujours justifiées - dans les exigences fixées pour des prestations censées être identiques et au caractère insuffisant de la prise en compte spécifique des actions d'accompagnement.

En premier lieu, si la présente enquête n'avait pas pour objet de traiter le sujet de l'hébergement - tout en traitant de celui de l'accompagnement des personnes hébergées -, il convient néanmoins de rappeler que dans son rapport sur Les relations entre l'État et les gestionnaires de structures d'hébergement24(*), notamment associatifs, la Cour a récemment analysé leurs cadres juridiques, et les conséquences sur leur fonctionnement et leur financement.

Le dispositif national d'accueil (DNA25(*)) comprend ainsi des structures d'hébergement avec deux statuts juridiques différents :

- les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), qui sont soumis à un système d'autorisation d'une durée de 15 ans. Au sein du DNA, seuls les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA, pour les demandeurs d'asile) et les centres provisoires d'hébergement (CPH, pour les réfugiés vulnérables) relèvent de cette catégorie. Ils sont financés sous la forme d'une dotation globale de fonctionnement, et non d'une subvention ;

- toutes les autres structures (notamment les centres d'accueil et d'examen des situations, CAES, et les places d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, HUDA) ressortent de dispositifs dits « d'urgence », quelle que soit la pérennité effective des places ou la durée d'hébergement, et sont financées sous le régime de subventions annuelles.

La Cour a ainsi souligné que le recours à des structures d'hébergement d'urgence offre certes une grande souplesse pour satisfaire les besoins (ouverture rapide de places et engagement seulement annuel), mais « ne permet pas à l'État financeur, ni de définir précisément la nature et le niveau de service attendu, ni de contrôler de près sa mise en oeuvre et donc de s'assurer de sa qualité ». En effet, comme le rappelle la Cour, le régime de la subvention à l'issue d'un appel à projets suppose notamment que le financeur ne soit pas à l'origine du projet, ce qui limite sa capacité à en définir le contenu de manière très précise.

Il apparaît ainsi nécessaire que soit privilégié plus largement, en matière d'hébergement des demandeurs d'asile, le recours à des structures relevant de la catégorie des ESSMS.

Par ailleurs, la difficulté est la même pour ce qui concerne l'accompagnement des publics en centre d'hébergement financé par subvention : l'État n'a ainsi pas la possibilité de définir très précisément ni de suffisamment contrôler la mise en oeuvre des prestations.

En deuxième lieu, la Cour constate que si les prestations d'accompagnement attendues sont identiques dans les différents types d'hébergement, les taux d'encadrement prévus diffèrent, tandis que la qualification des professionnels n'est pas définie précisément dans la plupart des structures, ce qui laisse des marges de manoeuvre importantes aux associations.

En troisième lieu, l'accompagnement des personnes hébergées fait l'objet d'une attention secondaire par rapport aux enjeux d'hébergement eux-mêmes. Ainsi, alors que les orientations nationales sont centrées sur le nombre et la gestion des places d'hébergement (y compris leur disponibilité effective et le taux de présence indue), la question de l'accompagnement y apparaît subsidiaire. Les schémas nationaux, circulaires et comités de pilotage stratégiques se concentrent également en premier lieu sur l'hébergement et relèguent au second plan les thématiques d'accompagnement.

Cet état de fait se reflète du point de vue budgétaire : la dépense d'accompagnement n'est pas chiffrée en tant que telle et est confondue avec la prestation d'hébergement. Le rapporteur spécial estime qu'il s'agit là d'une lacune26(*).

La Cour estime au final qu'il manque « une réflexion explicite sur les tâches attendues, leur contenu et les compétences nécessaires pour les exercer ».

b) L'accompagnement des demandeurs d'asile et des réfugiés non hébergés : un pilotage peu développé et des imprécisions concernant les compétences requises

Selon l'enquête, encore davantage que pour l'accompagnement des personnes hébergées, le pilotage étatique de l'accompagnement par les SPADA des demandeurs non-hébergés apparaît peu développé. Le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés n'est pas applicable en la matière ; ainsi, seul le contrat d'objectif et de performance signé par l'OFII en traite.

En outre, la Cour constate des imprécisions concernant les compétences requises pour réaliser l'accompagnement social des demandeurs. Si les marchés conclus avec les SPADA décrivent avec précision les publics concernés et les prestations attendues des associations, ils n'évoquent pas les qualifications requises, en particulier pour exercer les missions d'accompagnement social, ni le taux d'encadrement. Les normes d'intervention entre les SPADA et les centres d'hébergement ne sont ainsi pas alignées, « alors même que les publics sont identiques, et que la passation d'un marché permet de définir précisément les attendus en la matière ». En outre, comme pour l'accompagnement en hébergement, il n'existe pas de référentiel des tâches d'accompagnement.

Il apparaît ainsi nécessaire de définir précisément les modalités de l'accompagnement des demandeurs d'asile, qu'ils soient hébergés ou non, et d'isoler le coût budgétaire associé pour ceux qui bénéficient d'un hébergement.

Par ailleurs, s'agissant du programme Agir qui concerne le public spécifique des réfugiés, alors qu'il est en principe exclusif du bénéfice d'autres accompagnements (en CPH ou en SPADA en particulier), il apparaît que, dans un certain nombre de situations, les bénéficiaires continuent à être accompagnés par d'autres dispositifs, ou, à l'inverse, sont en rupture de droits.


* 22 Niveau d'utilisateur élémentaire (niveau introductif ou de découverte).

* 23 Voir infra.

* 24 Publié le 1er octobre 2024.

* 25 Le DNA regroupe différents types de centres d'hébergement dédiés à héberger principalement les personnes en instance de demande d'asile. S'y ajoutent des places en faveur des réfugiés vulnérables.

* 26 La Cour indique que le prix de la journée par place occupée dans une structure d'hébergement sert de base au paiement des associations, et est généralement indiqué dans les appels à projet, et les notes d'information sur la création de places.

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