B. ...POUR UN COÛT DE PLUS D'UN MILLIARD D'EUROS PAR AN, EN HAUSSE DE PLUS DE MOITIÉ ENTRE 2019 ET 2023

La forte implication des associations dans la mise en oeuvre des politiques se traduit mécaniquement dans le montant significatif des crédits qui leur sont versés à ce titre par la mission « IAI ». Ce montant, qui n'intègre pas d'éventuels financements publics d'autres natures (autres missions budgétaires, collectivités territoriales, etc.) tend en outre à augmenter fortement sur la période sous revue de l'enquête de la Cour.

1. Les crédits de la mission versés aux associations, en nette augmentation, représentent aujourd'hui au total plus d'un milliard d'euros par an

D'un point de vue budgétaire, la mission « IAI » est composée de deux programmes :

- le programme 303 « Immigration et asile », qui regroupe principalement, pour ce qui concerne le présent rapport, les dépenses liées à la garantie du droit d'asile (hébergement, accompagnement, allocation pour demandeur d'asile), y compris la subvention à l'OFPRA, et à la lutte contre l'immigration irrégulière ;

- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui rassemble principalement les crédits en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière, notamment à travers le financement des actions du CIR opérées par l'OFII (action n° 11) et de celles des services déconcentrés (action n° 12).

En 2023, dernière année de la période sous revue de l'enquête, le budget exécuté de la mission était de 2,268 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), dont 1,732 milliard d'euros au titre du programme 303 et 536 millions d'euros pour le programme 104. Il convient néanmoins de noter que les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent toutefois pas à cette mission budgétaire. En effet, le rapporteur spécial rappelle que le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration était de 7,46 milliards d'euros en 2023 et serait de 7,74 milliards d'euros en 202513(*).

En 2023, selon les données de la Cour, 1,094 milliard d'euros ont été versés aux associations par le biais de la mission « IAI », en hausse de plus de moitié (+ 52,7 %) par rapport à 2019 (soit 716,3 millions d'euros cette année-là), alors que le montant total des crédits exécutés de la mission n'a progressé que dans une bien moins grande mesure sur la même période (+ 23,3 %). La hausse des crédits octroyés aux associations atteint ainsi près de 380 millions d'euros en termes absolus en quatre ans14(*).

Selon une extrapolation des données de l'enquête, les crédits versés aux associations représentent ainsi près de la moitié (48,2 %) de ceux consommés pour cette même mission en 2023. C'est près de 10 points de plus qu'en 2019 (38,9 %).

Évolution du rapport entre les crédits versés aux associations via la mission « IAI » et le total des crédits consommés pour cette mission entre 2019 et 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données de l'enquête de la Cour

Hors subvention à l'OFII et à l'OFPRA et dépenses contraintes relatives à l'allocation aux demandeurs d'asile (ADA), plus de deux tiers des crédits consommés (66,9 %) ont même été versés aux associations en 2023. Pour le programme 104, hors subvention à l'OFII, les dépenses réalisées par des associations représentent 72,7 % des dépenses du programme. Pour le programme 303, sans la subvention à l'OFPRA et l'ADA, ce taux atteint 65,6 %.

En définitive, il apparaît ainsi que le poids des crédits octroyés aux associations dans l'exécution budgétaire de la mission « IAI » est doublement singulier. D'une part, il est très significatif en termes absolus, puisqu'en 2022, seules quatre missions consacraient plus de crédits aux associations15(*) : Cohésion des territoires (2,247 milliards d'euros), Enseignement scolaire (1,295 milliard d'euros), Travail et emploi (1,154 milliard d'euros) et Justice (1,027 milliard d'euros). D'autre part, et surtout, ces crédits représentent une part très importante en proportion des crédits totaux consommés.

2. Des crédits versés à un nombre élevé d'associations, tandis qu'une petite proportion d'entre elles en représente la moitié

Si l'enquête n'approfondit pas cet aspect, il convient de remarquer que le nombre d'associations bénéficiaires des crédits de la mission « IAI » est élevé. Certaines d'entre elles se voient d'ailleurs confier de très petits montants. Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial16(*), 1 472 associations avaient ainsi bénéficié de crédits versés par la mission en 2022 : 383 associations avaient été financées au titre de l'asile et 1 252 à celui de l'intégration, certaines s'étant vu verser des crédits au titre des deux.

L'enquête souligne toutefois une relative concentration des crédits versés aux associations par la mission « IAI » sur un nombre assez réduit d'entre elles. Les quinze associations ayant bénéficié le plus des crédits de la mission « IAI » entre 2019 et 2023 représentent 46 % du total des crédits octroyés aux associations par le programme 104 (365,1 millions d'euros sur 793,6 millions d'euros sur la période) et 51,3 % du total pour le programme 303 (1 646,4 millions d'euros sur 3 206,2 millions d'euros). Au total, il est possible d'en déduire que sur la période 2019-2023, la moitié en moyenne (50,3 %) des crédits des deux programmes de la mission « IAI » dédiés aux associations ont été versés à quinze d'entre elles.

Répartition des crédits versés aux associations par la mission « IAI »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données de l'enquête de la Cour

Selon une extrapolation des données de la Cour, sur la période, les cinq associations ayant bénéficié des sommes les plus importantes sont Coallia (115 millions d'euros par an en moyenne), France Terre d'Asile (57,5 millions d'euros par an en moyenne), la Croix-Rouge française (40 millions d'euros par an en moyenne), le groupe Sos Solidarités (31,5 millions d'euros par an en moyenne) et Forum réfugiés (26 millions d'euros par an en moyenne). Dans tous les cas, les financements proviennent très majoritairement du programme 303, et plus précisément des actions en lien avec l'hébergement et l'accompagnement des demandeurs d'asile.

3. Si le poids de l'asile reste prépondérant, la progression du montant des crédits octroyés aux associations concerne la quasi-totalité des missions qui leur sont confiées

D'un point de vue financier, ce sont l'hébergement et l'accompagnement des demandeurs d'asile (programme 303) qui impliquent le plus les associations, davantage que les actions d'intégration (programme 104) et a fortiori d'assistance juridique des personnes retenues en CRA (programme 303).

Ainsi, selon une extrapolation des données de l'enquête, les crédits versés aux associations le sont pour plus de trois quarts via le programme 303 (75,8 %, soit 829 millions d'euros), tandis que la part du programme 104 est plus réduite, bien que loin d'être négligeable (24,2 %, soit 265 millions d'euros).

Montant des crédits versés aux associations par la mission « IAI »,

ventilé par programmes

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données de l'enquête de la Cour

Mais si les dépenses en lien avec la politique d'asile restent prépondérantes, la quasi-totalité des missions confiées aux associations ont connu une nette hausse de leur coût entre 2019 et 2023.

a) L'hébergement et l'accompagnement des demandeurs d'asile

Selon l'enquête, en cumulé, toutes sources de financement confondues de la mission « IAI », les crédits versés aux associations au titre de l'hébergement et de l'accompagnement des demandeurs d'asile - et des réfugiés vulnérables - hébergés représentaient 850 millions d'euros en 2023. Au sein de cette somme, selon une estimation de la Cour, 264 millions d'euros environ sont consacrés aux prestations d'accompagnement, même si cette dépense n'est pas isolée au sein des financements pour l'hébergement des bénéficiaires17(*). Il peut en être déduit qu'environ 587 millions d'euros sont consacrés à l'hébergement en lui-même.

L'enquête, dont le périmètre n'incluait pas l'hébergement, souligne que le coût de l'accompagnement dans les structures d'hébergement gérées par des associations a augmenté de 45,5 % entre 2019 et 2023, passant de 181,2 millions d'euros à 263,8 millions d'euros.

Pour ce qui concerne l'accompagnement des demandeurs d'asile et des réfugiés non hébergés, le marché 2022-2024 géré par l'OFII des SPADA s'élevait, en prévision, à 104,2 millions d'euros, soit une progression de 26,3 % par rapport au montant exécuté dans le cadre du marché précédent, correspondant à 82,5 millions d'euros.

b) L'intégration des étrangers primo-arrivants, y compris des réfugiés

Si d'un point de vue budgétaire, les actions d'intégration impliquent moins fortement les associations que l'hébergement et l'accompagnement des demandeurs d'asile, elles les concernent néanmoins de façon substantielle.

C'est en particulier le cas pour les formations linguistiques18(*) et civiques dans le cadre du CIR géré par l'OFII (action n° 11 du programme 104). Les financements des associations afférents ont en effet plus que doublé entre 2019 et 2023, passant de 35,6 millions d'euros en 2019 à 76,3 millions d'euros en 2023 (+ 114 %).

S'agissant des crédits des services déconcentrés de l'État dédiés à l'intégration des étrangers primo-arrivants (action n° 12 du même programme), ils représentent une part non négligeable et croissante des dépenses consacrées à l'accueil et à l'intégration des réfugiés. La dynamique de ces crédits déconcentrés est en outre sensible : hors programme Agir, la progression est de 76,8 % sur la période de 2019 à 2023. Or, la très grande majorité de ces actions est portée par des associations (87 % en 2022). Néanmoins, les évolutions budgétaires récentes induisent désormais une forte baisse de ces crédits19(*).

c) L'assistance juridique aux personnes retenues dans les centres de rétention administrative

Les dépenses liées à l'assistance juridique des personnes retenues en CRA, qui est réalisée par des associations, correspondent au marché conclu à cet effet. Pour la période de 2021 à 2024, le coût est de 6,3 millions d'euros, soit un coût supérieur de 28,6 % à la période de 2017 à 2020.


* 13 Document de politique transversale, Politique française de l'immigration et de l'intégration, annexé au projet de loi de finances pour 2025. En outre, ce coût, auquel contribuent 19 programmes répartis au sein de 12 missions budgétaires, prend en compte les dépenses directes et orientées à titre principal vers les étrangers. Le coût complet des forces de sécurité intérieure, de l'hébergement d'urgence et de l'enseignement scolaire n'est par exemple que partiellement intégré.

* 14 S'il convient de noter qu'à compter de 2022, ont été accueillis en France les bénéficiaires de la protection temporaire des Ukrainiens à la suite du déclenchement d'un conflit par la Russie, cet élément ne suffit pas à expliquer l'intensité de la hausse des coûts.

* 15 « Jaune » budgétaire relatif à l'effort financier de l'État en faveur des associations annexé au projet de loi de finances pour 2024. Selon ce document, 1,001 milliard d'euros avaient été transférés aux associations par la mission « IAI » en 2022.

* 16 Réponses de la DGEF au questionnaire du rapporteur spécial, octobre 2023.

* 17 Voir infra.

* 18 Et le test de positionnement linguistique et la certification de niveau.

* 19 Voir infra.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page