D. L'AUGMENTATION DES CAPACITÉS DE FORMATION DES ÉTUDES DE SANTÉ DOIT ALLER DE PAIR AVEC UN CHOC DE TERRITORIALISATION
1. Il est nécessaire de poursuivre l'augmentation des capacités de formation et de veiller à l'attractivité de l'ensemble des filières de santé
a) Les capacités de formation doivent poursuivre leur augmentation
La conférence nationale des doyens des facultés de médecine a déclaré au rapporteur : « Nous sommes prêts à former plus de médecins dans nos facultés ». Pourtant, le constat est clair : les capacités des facultés de médecine sont saturées, les locaux surchargés et les formateurs en nombre insuffisant.
Il est donc urgent de donner la possibilité aux facultés de recruter plus d'étudiants sans dégrader la qualité de l'enseignement, en particulier en médecine générale. Pour cela, les facultés de médecine ont « besoin de plus d'enseignants. Le ratio entre le nombre d'enseignants et le nombre d'étudiants en médecine n'a fait que régresser au fil du temps ». Il est donc impératif de renforcer l'attractivité des carrières hospitalo-universitaires, particulièrement en médecine générale.
Ce constat est également valable pour les formateurs aux autres métiers de santé, comme au sein des instituts de formation en soins infirmiers, car leur nombre insuffisant explique en partie le nombre élevé d'abandons de leur cursus par les étudiants.
Il serait également pertinent de simplifier l'exercice mixte enseignement en faculté et exercice en libéral afin d'ouvrir la possibilité à plus de professionnels de santé d'enseigner. Pour les chirurgiens-dentistes, le CNOD plaide ainsi pour « revoir la formation initiale et la tourner vers l'omnipratique avec des enseignants mixtes (universitaires/libéraux) ». Une telle mesure serait à même de mettre en contact les étudiants avec des professionnels libéraux, alors que, selon le CNOD, « le corps enseignant est uniquement universitaire sans plus aucun lien avec la pratique en cabinet ».
Proposition n° 26 : Renforcer l'attractivité des carrières hospitalo-universitaires et d'enseignement et favoriser l'exercice mixte.
L'augmentation des capacités de formation ne peut cependant pas se dérouler sans objectivation précise des besoins futurs. Pour le rapporteur, il est en effet nécessaire de sortir d'une politique conçue à court terme, qui a mené à la réduction démesurée du nombre de professionnels de santé formés. Pour cela, il est indispensable de mener une étude sur les besoins futurs de chaque profession de santé, afin d'adapter à moyen et long terme, les capacités de formation aux besoins. C'est en particulier le cas pour les professions dont le champ de compétence et la fréquence de l'intervention est amenée à évoluer, à l'instar des masseurs-kinésithérapeutes. Le CNOMK souligne ainsi qu'il « faut ainsi mener, pour la première fois, une étude sur la nécessité des soins en kinésithérapie et le nombre de professionnels nécessaire pour assurer ces soins, en prenant en compte l'aspect thérapeutique et préventif ». Cette préoccupation est partagée par le Cnop, qui a indiqué au rapporteur qu'il « serait nécessaire que les autorités mènent des travaux d'ampleur pour évaluer réellement quel est le besoin en pharmaciens ».
Conformément aux recommandations du HCAAM, ces études pourraient être menées sans attendre. Cette mission pourrait être confiée à la Drees.
Proposition n° 27 : Charger la Drees d'une étude sur les besoins futurs de chaque profession de santé.
b) Des mesures à destination de certaines filières en mal récent d'attractivité pourraient être prises afin d'éviter une pénurie future de professionnels de santé
La précipitation de la réforme « Pass-LAS », son manque de clarté et la complexification des parcours des étudiants qu'elle a engendrée ont favorisé l'apparition de places vacantes dans certaines filières : la pharmacie et la maïeutique.
Ce constat ne doit pas mener, pour le moment, à une réforme structurelle du système « Pass-LAS », qui serait prématurée et ajouterait de la confusion à la confusion. À long terme, la commission suivant son rapporteur suggère cependant de ne pas exclure la mise en oeuvre d'une « licence santé » qui se substituerait au système « Pass-LAS ».
Une telle réforme, si elle est mise en place, doit être étudiée avec attention, afin d'éviter que, prise dans l'urgence, elle n'aboutisse à un nouvel échec.
À court terme, il est nécessaire de prévoir des aménagements du système « Pass-LAS » afin d'en corriger les effets néfastes les plus marqués.
Les études de pharmacie pourraient bénéficier de l'ouverture d'une nouvelle voie en accès direct post-baccalauréat. Une telle mesure corrigerait le manque de visibilité de la filière consécutif à cette réforme. Comme le note la Conférence nationale des doyens des facultés de pharmacie, elle permettrait d'aboutir à un équilibre satisfaisant : « un accès post-bac direct pour les lycéens dont le projet est mûr tout en maintenant un accès plus tardif via les LAS pour les lycéens ayant besoin de davantage de temps pour construire leur projet d'études ».
La hausse du taux d'abandon constatée dans plusieurs filières de santé, notamment dans les études d'infirmier ne manque pas d'inquiéter la commission. Elle recommande donc une étude pour en cerner les causes, qui pourrait être confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR).
Proposition n° 28 : Lutter contre le manque d'attractivité récent de certaines filières de santé, notamment en envisageant l'ouverture d'une voie directe post-baccalauréat pour les études de pharmacie.
Afin de limiter le nombre de places vacantes, il serait aussi opportun d'assouplir les modalités de passage en première année de deuxième cycle pour les étudiants à l'issue de leur année de Pass. En effet, une validation des crédits universitaires (ECTS) correspondant à leur majeure « santé », mais une absence de validation des crédits correspondant à la mineure, qui n'est pas une discipline de santé, aboutit à empêcher l'entrée en deuxième cycle.
Il serait donc opportun de prévoir que les étudiants puissent être autorisés à passer en deuxième année s'ils s'engagent à valider les ECTS de leur mineure au cours de cette deuxième année. Il serait également pertinent qu'ils puissent rattraper la validation des ECTS hors santé dans une autre discipline que celle qu'ils avaient initialement choisie lors de leur Pass pendant leur deuxième année.
Proposition n° 29 : Assouplir la validation des enseignements de la mineure « hors santé » pour les étudiants qui ont validé leur majeure « santé » à l'issue de leur année de Pass.
2. Un choc de territorialisation des formations doit être mené au bénéfice des territoires les plus éloignés des centres hospitalo-universitaires
a) Le recrutement des étudiants issus des zones médicales sous-denses doit être massifié
Afin d'assurer à long terme une répartition plus équitable des soignants sur le territoire, il est nécessaire de recruter plus d'étudiants issus des zones médicales sous-denses dans les filières de santé.
Pour cela, il est proposé d'introduire, parmi les critères de sélection en première année de Pass ou de LAS, un nouveau critère, le lieu de résidence des étudiants. Les étudiants issus de zones médicales sous-denses, au même titre que les boursiers, seraient ainsi favorisés dans le processus de sélection pour entrer en première année d'études. Cette mesure prendrait la forme de quotas réservés : la proportion d'étudiants admis issus de lycées en zone sous-dense devrait être au moins égale à la proportion de candidats issus de ces lycées.
Ils ne bénéficieraient en revanche pas d'avantages pour être admis en deuxième année.
Une telle mesure permettrait en effet de corriger un phénomène qui dessert les étudiants habitant loin des centres hospitalo-universitaires, qui tendent, à niveau égal, à se censurer et ne pas candidater à des études qu'ils sont pourtant capables de réussir.
Proposition n° 30 : Prendre en compte, parmi les critères de sélection, le lieu de résidence des étudiants qui habitent dans les zones médicales sous-denses lors de leur entrée en première année de Pass ou de LAS.
Ces étudiants pourraient aussi bénéficier d'un accompagnement personnalisé renforcé en première année de Pass et de LAS, avec la mise en place de classes préparatoires « talents médicaux », sur le modèle des classes préparatoires talents qui préparent aux concours de la haute fonction publique. En effet, à niveau égal, les étudiants issus des zones éloignées de leur ville d'études ont une tendance supérieure à ne pas les réussir, voire à les abandonner à cause d'une moindre connaissance du système universitaire.
Proposition n° 31 : Expérimenter l'ouverture de classes préparatoires « talents médicaux » (sur le modèle des classes préparatoires talents du service public) afin d'accompagner des étudiants répondant à des critères cumulatifs de faible ressource économique et de provenance d'une zone sous-dense.
L'équité devant l'accès aux études doit également être pensée d'un point de vue financier. En cursus de masso-kinésithérapie, l'existence de disparités élevées de niveaux de frais d'inscription entre IFMK peut amener à un mode de sélection par l'argent qui n'est pas acceptable. Le rapporteur réitère donc sa proposition d'envisager la possibilité que le cursus de masso-kinésithérapie soit universitaire pour lever les contraintes financières pesant sur le choix de cette spécialité.
Proposition n° 32 : Envisager la possibilité que le cursus de masso-kinésithérapie soit universitaire pour lever les contraintes financières pesant sur le choix de cette spécialité.
b) Il est nécessaire d'ouvrir des formations dans des agglomérations de taille moyenne à proximité immédiate des zones les moins denses
La hausse du nombre d'étudiants dans les filières de santé n'aura de pertinence à long terme pour résorber les inégalités territoriales d'accès aux soins que si elle est territorialisée. Il est donc nécessaire d'augmenter les capacités de formation à proximité des zones médicales sous-denses, car les étudiants qui font leurs études dans un de ces territoires ont une probabilité plus élevée de s'y installer par la suite. Une telle réforme du maillage territorial des formations permettrait également d'attirer plus facilement des étudiants issus de ces territoires. Comme le souligne en effet le syndicat ReAGJIR, « si un étudiant issu d'un territoire rural réalise 10 ans d'études dans un grand pôle urbain, il risque de créer des attaches fortes dans ce pôle urbain et donc d'avoir du mal à retourner exercer dans son territoire d'origine sans se sentir déraciné. Il est donc important de réfléchir à pouvoir ancrer les étudiants issus de zones sous-dotés dans leur territoire, via le développement de terrains de stage, ainsi que la création d'antennes universitaires, dans une logique de déconcentration des pôles universitaires ».
Sortir d'une approche « CHU-centrée » des formations est donc nécessaire. Des antennes de facultés de médecine et d'odontologie pourraient donc être ouvertes en s'appuyant sur l'ensemble des hôpitaux. Comme le met en avant la Conférence nationale des doyens des facultés d'odontologie, « l'augmentation du nombre de services d'odontologie dans les hôpitaux périphériques pouvant accueillir des externes en odontologie participerait également à la possibilité d'augmentation des places d'accueil et probablement également à une meilleure répartition des praticiens sur les territoires ».
Huit nouvelles facultés et antennes de facultés d'odontologie ont été ouvertes très rapidement en 2022. Ce plan est la preuve qu'il est possible de créer un véritable « choc de territorialisation » des études de médecine. Le Gouvernement pourrait ainsi lancer un plan d'ouverture d'urgence de facultés et d'antennes de facultés de médecine dans des villes de taille moyenne à proximité des zones médicales sous-denses.
Proposition n° 33 : Lancer un plan d'ouverture d'urgence de facultés et d'antennes de facultés de médecine dans des villes de taille moyenne à proximité des zones médicales sous-denses.
c) Les stages effectués par les étudiants doivent avoir lieu nettement plus fréquemment en médecine de ville, dans des zones médicalement sous-dotées
Sortir d'une approche centrée uniquement autour des grands centres hospitalo-universitaires exige également de repenser l'organisation des stages des étudiants. Ceux-ci doivent avoir lieu, dès le second cycle, en médecine de ville, et de façon privilégiée dans les zones médicalement sous-dotées. Les maquettes de formation pourraient prévoir l'obligation d'effectuer ces stages en médecine de ville en deuxième et troisième cycle.
Une telle transformation nécessite de revoir l'écosystème d'accompagnement des étudiants. Comme le recommande la Conférence nationale des doyens des facultés de médecine, il serait pertinent de s'appuyer sur les groupements hospitaliers de territoire afin que les étudiants puissent effectuer des stages dans des territoires loin des CHU en cohérence avec le maillage d'antennes universitaires.
Selon la DGOS, le nouveau référentiel de formation à la maîtrise de stage universitaire publié par arrêté en date du 5 juillet 202474(*) s'inscrit dans une politique incitative des ministères chargés de la santé et de l'enseignement supérieur et de la recherche afin accroître le nombre de praticiens agréés maîtres de stage des universités. Ainsi en 2024, 13 908 praticiens agréés maîtres de stage des universités (PAMSU) de médecine générale ont accueilli des étudiants de 2e et 3e cycle. Cela correspond à une progression nette de 1 118 PAMSU par rapport à l'année dernière. Cette évolution, certes encourageante, reste encore insuffisante pour accueillir l'ensemble des étudiants de médecine au cours de leurs études.
Des mesures incitatives à l'obtention de ce statut et à l'accueil d'étudiants, en particulier dans les zones sous-dotées sont donc indispensables. Les ARS pourraient également être mobilisées pour résoudre certains problèmes relatifs à l'équipement pour certaines professions, comme les chirurgiens-dentistes qui ont besoin d'un deuxième fauteuil pour accueillir un étudiant.
Proposition n° 34 : Adapter les modalités de stage des étudiants en santé pour qu'ils soient effectués fréquemment et sur toute la durée des études en médecine de ville, de façon privilégiée dans les zones sous-dotées.
Les MSP constituent un cadre de stage intéressant pour les étudiants, notamment dans les zones sous-dotées. Favoriser les stages dans les MSP, en ouvrant notamment la possibilité que la MSP soit désignée lieu de stage de l'étudiant, qui serait ainsi rattaché à la structure plutôt qu'à un seul médecin en son sein serait donc pertinent.
Proposition n° 35 : Définir un cadre spécifique permettant aux maisons de santé pluriprofessionnelles d'être reconnues comme lieu de stage pour les étudiants.
Les étudiants qui réalisent leurs stages dans des territoires éloignés de leur centre hospitalo-universitaire doivent bénéficier d'un accompagnement matériel et financier renforcé. En effet, comme le met en avant l'Isni, « l'expérience du territoire pour l'interne doit être la meilleure possible pour lui donner envie de rester plus tard, ou d'y revenir ».
À court terme, faute d'une territorialisation suffisante des lieux de formation, les étudiants doivent effectuer de longs déplacements ou se loger à proximité de leur lieu de stage pour pouvoir effectuer des stages dans des zones sous-dotées dans de bonnes conditions. Il serait donc opportun de revaloriser les indemnités de déplacement des étudiants dans l'ensemble des filières de santé. Il serait également souhaité de leur fournir plus fréquemment un logement, comme le font d'ores et déjà de nombreuses collectivités territoriales. Ainsi, en 2021, le département de la Vendée a signé une charte avec l'ISNAR IMG visant à faciliter l'accueil des futurs médecins dans le territoire, et a mis à disposition des logements pour les internes dans le département. Les ARS pourraient accompagner de façon plus volontariste les collectivités territoriales situées dans les zones sous-dotées dans cet effort, notamment en milieu rural. Alternativement à la mise à disposition de logement, il pourrait être intéressant de revaloriser les indemnités de logement des étudiants.
À long terme, le renforcement du maillage territorial d'antennes de faculté de médecine dans des territoires peu denses devrait permettre aux étudiants d'effectuer fréquemment leurs stages à proximité de leur lieu de formation. Toutefois, pour le rendre possible dans des communes rurales, un appui des ARS aux collectivités territoriales, notamment pour leur fournir des logements, sera toujours nécessaire.
Proposition n° 36 : Revaloriser les indemnités de déplacement et de logement des étudiants en santé en stage dans les zones sous -denses éloignées de leur lieu de formation.
Cette territorialisation des stages de médecine, réalisés en exercice de ville prioritairement dans les zones sous-denses devrait mener à une augmentation massive du nombre d'étudiants ayant une expérience de ces territoires. Afin de favoriser le bon déroulement de leur stage -- condition nécessaire à leur retour une fois leur diplôme obtenu -- il est opportun qu'ils soient accompagnés par l'ensemble des acteurs locaux. Les guichets uniques départementaux d'accompagnement à l'installation des professionnels de santé pourraient ainsi voir leurs missions élargies à l'accompagnement de ces étudiants. Ces structures, en contact avec les services de l'État et les collectivités territoriales, sont en effet à même de coordonner les mesures déployées dans les territoires pour favoriser l'accueil des étudiants.
Proposition n° 37 : Étendre les missions des guichets uniques départementaux d'accompagnement à l'installation des professionnels de santé à l'accompagnement des stagiaires en études de santé dans les zones sous-denses en coopération avec les collectivités territoriales.
À court terme, une attention spécifique doit être portée aux stages qu'effectueront les internes en 4e année de médecine générale. En effet, comme le rappelle l'Isni, « il est important de rappeler que nous restons des professionnels en formation, et que nous avons besoin d'une supervision de qualité pour acquérir les compétences nécessaires à une pratique autonome ». La Conférence nationale des doyens des facultés de médecine générale partage cette analyse : « un interne est un étudiant, il doit donc avoir un encadrement adapté et performant. (...) Si l'encadrement est de qualité en zone sous-denses alors les étudiants peuvent exercer dans ces zones ».
Les ministères chargés de la santé et de l'enseignement supérieur pourraient mener un plan d'urgence commun pour assurer que les zones sous-denses comptent suffisamment de maîtres de stage pour assurer l'accueil des étudiants. Ce plan viserait en particulier à accroître le nombre de maîtres de stage dans les zones rurales. Il pourrait aussi prévoir un accompagnement matériel pour les médecins libéraux exerçant dans les zones sous-denses et qui s'engagent à accueillir des docteurs juniors, mais qui font face à des problèmes de locaux rendant cet accueil difficile. Compte tenu des délais contraints pour que ces mesures portent leur fruit, une politique ambitieuse « d'aller vers » ces médecins exerçant en zone sous-dense pourrait être déployée. Les services de l'État, et notamment les ARS, pourraient aller à la rencontre des professionnels de santé pour étudier, au cas par cas, comment elles pourraient lever les freins à l'accueil d'un stagiaire.
En outre, une certaine souplesse dans la définition des lieux de stage est nécessaire, en prévoyant notamment, qu'à titre exceptionnel, les stages puissent avoir lieu en milieu hospitalier. Pour le rapporteur, dans ce cas-là, les stages doivent être effectués dans des centres hospitaliers de proximité dans les zones sous-denses et non dans des CHU.
Proposition n° 38 : Appliquer la loi en ce qui concerne les stages des internes en 4e année de médecine générale en lançant un plan d'urgence pour qu'ils aient lieu prioritairement en médecine de ville dans les zones sous-denses.
Déserts médicaux ou zones
sous-denses :
« Mal nommer un objet, c'est ajouter au
malheur de ce monde »
(Albert Camus)
Les étudiants et professionnels de santé entendus ont fait part de leur crainte de s'installer dans des « déserts médicaux » qui seraient aussi des déserts pour l'ensemble des services publics, sans école, sans lieu de sociabilité, sans emploi pour le conjoint, sans offre de loisirs : des déserts à tous les niveaux.
Pour le rapporteur, cette représentation est déconnectée de la réalité de la plupart des zones médicalement sous-dotées. Elle montre la méconnaissance de ces zones par des personnes qui n'en sont pas originaires et auxquelles on n'a pas offert la chance d'y résider pendant leurs études. Certains étudiants ont ainsi déclaré qu'ils appréhendaient de vivre dans des territoires où leur conjoint ne pourrait pas trouver de travail. Pourtant, de nombreuses zones économiquement très dynamiques font figure par ailleurs de « déserts médicaux ». La Mayenne, par exemple, est une zone parmi les plus médicalement sous-dotées du territoire. Elle a pourtant un taux de chômage de 5 %, largement inférieur à la moyenne nationale et compte de nombreux bassins d'emploi très dynamiques.
Ces préjugés sur certains territoires sont particulièrement marqués à propos des territoires ruraux, qui sont pourtant fréquemment des lieux marqués par une vie locale dense. Ils bénéficient également de nombreux atouts insuffisamment mis en avant : proximité de la nature, coût de la vie, etc.
Le rapporteur appelle donc à bannir, l'expression « déserts médicaux » du lexique des décideurs publics : elle participe à ancrer des idées reçues sur des territoires qui sont tout sauf des déserts. L'expression plus précise et plus neutre zone médicale sous-dense ou sous-dotée est donc à privilégier.
Une meilleure territorialisation de la formation et des stages pourrait participer à dissiper ce grand malentendu installer à l'égard de ces territoires divers et dynamiques et les professionnels de santé.
* 74 Arrêté du 5 juillet 2024 portant organisation de la formation à la maîtrise de stage universitaire.