ANNEXE
- LÉGISLATION COMPARÉE -
NOTE SUR L'INSTALLATION DES PROFESSIONNELS
DE SANTÉ EN ALLEMAGNE

Cette note a été réalisée à la demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

DIRECTION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE

ET DES DÉLÉGATIONS

 

L'INSTALLATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ
EN ALLEMAGNE

À la demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, la Division de la Législation comparée du Sénat a effectué des recherches sur l'installation des professionnels de santé en Allemagne.

1. Le cadre général : l'organisation de la médecine de ville en Allemagne

Le système de santé allemand est destiné à couvrir une population de 83 millions de patients. Il fonctionne à travers un vaste réseau de 1 900 hôpitaux, 150 000 médecins, 28 000 psychothérapeutes et 19 500 pharmacies. En 2018, les dépenses de santé ont atteint 391 milliards d'euros, représentant plus de 10 % du PIB du pays75(*).

Le financement du système de santé allemand s'appuie sur des régimes d'assurance maladie publics et privés. Les origines de l'assurance maladie sont très anciennes et ont été formalisées au XIXsiècle par le chancelier Otto von Bismarck, qui a établi le premier système national d'assurance sociale en 1883.

Il repose sur cinq principes fondamentaux76(*) :

- l'assurance maladie obligatoire : depuis 2007, tous les résidents permanents doivent souscrire à une assurance maladie. Ceux dont les revenus mensuels dépassent un certain seuil peuvent choisir entre une assurance publique ou privée ;

- le financement par cotisations : pour les caisses publiques, le montant des cotisations est proportionnel aux revenus, tandis que pour les caisses privées, il dépend de l'état de santé, de l'âge et du risque individuel. Les cotisations des employés sont partagées avec l'employeur ;

- le principe de solidarité, qui implique que les cotisations des assurés couvrent collectivement les coûts de santé, à l'instar de la plupart des régimes obligatoires d'assurance maladie européens ;

- le principe du tiers payant, selon lequel les assurés ne paient pas directement les soins. Les frais médicaux sont directement facturés aux caisses d'assurance maladie, sauf pour certains services supplémentaires ;

- le principe d'autogestion : l'État fixe des cadres légaux, mais la gestion du système de santé est déléguée à des représentants des professions médicales, des hôpitaux, des caisses d'assurance et des assurés, réunis au sein de la Commission commune fédérale (Gemeinsamer Bundesausschuss - GBA77(*)). Cette commission arrête notamment la liste des traitements et médicaments pris en charge par les assurances publiques.

a) La gouvernance du système de santé

L'assurance maladie obligatoire est dispensée soit par un régime public, soit par une assurance privée substitutive. Environ 87 % de la population adhère au régime public, tandis que 11 % optent pour l'assurance privée. Les 2 % restants, tels que les militaires, sont couverts par des régimes spéciaux78(*).

La gouvernance du système de santé est complexe et décentralisée, répartie entre le niveau fédéral, les Länder, et des organismes corporatistes autorégulés, composés de représentants des caisses d'assurance maladie, des médecins et des hôpitaux. Bien que le cadre juridique soit fixé au niveau fédéral, les gouvernements des Länder sont chargés de la planification hospitalière et des services de santé publique. La commission commune fédérale (Gemeinsamer Bundesausschuss - GBA) joue un rôle stratégique en définissant les réglementations détaillées.

Le système de santé allemand comprend deux principaux types d'assurance : l'assurance maladie légale (Gesetzliche Krankenversicherung - GKV) et l'assurance maladie privée (Private Krankenversicherung - PKV). La GKV couvre principalement les salariés, mais ceux dont le revenu dépasse un seuil, ainsi que certains groupes professionnels (indépendants, fonctionnaires), peuvent choisir la PKV. En 2023, il existait 96 caisses d'assurance maladie légale et 46 caisses d'assurance maladie privée79(*).

Les caisses d'assurance maladie légales, entités publiques à but non lucratif, collectent les cotisations et les transfèrent à un fonds central (Gesundheitsfonds) qui redistribue les moyens selon un mécanisme d'ajustement des risques. Les caisses privées, en revanche, peuvent être à but lucratif ou non, en fonction de leur statut (sociétés anonymes ou sociétés d'assurance mutuelle). Les assurés peuvent librement choisir leur caisse d'assurance et les caisses doivent accepter tous les demandeurs, indépendamment de leur profil de risque.

Le système de soins est fragmenté en plusieurs secteurs : santé publique, soins ambulatoires, hospitaliers et de longue durée, chacun étant régi par des réglementations distinctes. Cette fragmentation pose des défis en matière de coordination et d'intégration des informations de santé. La politique de santé vise régulièrement à améliorer cette coordination pour une prestation de services plus cohérente80(*).

b) Répartition des compétences entre les acteurs institutionnels

Le système de santé allemand est relativement complexe et fait intervenir trois catégories d'acteurs institutionnels : les collectivités publiques, les institutions d'autogestion et les organisations représentatives des patients et des professionnels de santé.

(1) Le rôle des collectivités publiques

Au niveau fédéral, le ministère de la Santé (Bundesministerium für Gesundheit - BMG) est responsable de l'élaboration des lois, règlements et directives en matière de santé. Il supervise également des institutions clés telles que l'Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux (Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte - BfArM), l'Institut Paul Ehrlich (PEI), l'Institut Robert Koch (RKI) et le Centre fédéral d'éducation pour la santé (Bundeszentrale für gesundheitliche Aufklärung, BZgA)81(*).

En application de l'article 74 de la Loi fondamentale82(*), les Länder disposent d'un pouvoir législatif concurrent pour la mise en oeuvre des politiques de santé et sont responsables de la mise en oeuvre des dispositifs établis au niveau fédéral. Ils planifient et financent les soins hospitaliers et supervisent les services de santé publique municipaux. Ils supervisent également les caisses régionales d'assurance maladie et les ordres professionnels de santé, y compris les médecins, dentistes, pharmaciens et psychothérapeutes83(*). Une Conférence des ministres de la santé84(*) (Gesundheitsministerkonferenz) coordonne la législation régionale en matière de santé et sert de plateforme de coordination entre les Länder.

Les communes85(*) assurent la disponibilité des soins de santé locaux en offrant des services de prévention et en gérant les autorités sanitaires municipales. Elles jouent un rôle clé dans la gestion des crises sanitaires, en documentant les cas et en coordonnant la disponibilité des lits d'hôpital.

(2) Les institutions d'autogestion

La commission commune fédérale (GBA)86(*) constitue l'organe central d'autogestion du système de santé. Cet organisme fédéral, qui bénéficie de la personnalité juridique, est régi par le livre V du code social, et notamment son article 9187(*). Elle réunit les représentants des caisses d'assurance maladie, des médecins et des hôpitaux et des patients. Elle est chargée d'arrêter et de réviser la liste des services médicaux pris en charge. La commission évalue également les nouvelles méthodes de traitement, technologies médicales et médicaments pour déterminer leur inclusion dans les soins remboursés. Les organisations de patients y sont également représentées.

La Fédération nationale des caisses d'assurance maladie (GKV - Spitzenverband) regroupe les caisses d'assurance maladie et conclut des conventions avec les associations de médecins, cliniques et pharmacies. Prévue et encadrée par l'article 217a du livre V du code social88(*), elle détermine les montants remboursés pour les différents traitements médicaux, assurant ainsi la coordination et la gestion financière des soins.

La Fédération allemande des hôpitaux (Deutsche Krankenhaus-gesellschaft) organise les établissements hospitaliers à travers des associations régionales et nationales. Elle participe à l'autogestion du système de santé en assurant la représentation légale des hôpitaux.

Enfin, les associations des médecins et dentistes conventionnés représentent les intérêts des professionnels de santé sous contrat avec les caisses publiques, de même que les patients sont organisés en diverses associations.

c) La médecine de ville

En Allemagne, les soins de ville sont majoritairement fournis par des médecins libéraux. Le système allemand combine la rémunération à l'acte et des budgets basés sur la capitation. Les médecins libéraux peuvent choisir de s'installer seuls ou de s'associer avec d'autres médecins dans des communautés d'exercice professionnel ou des centres de soins ambulatoires pluridisciplinaires (Medizinisches Versorgungszentrum - MVZ)89(*). Trois formes majeures d'exercice existent :

· le cabinet individuel (Einzelpraxis) : en 2021, 78 % des 104 688 cabinets et centres de soins ambulatoires prenaient cette forme. Ces cabinets sont généralement des entreprises individuelles offrant une grande autonomie organisationnelle. Le médecin peut partager les locaux et équipements avec d'autres médecins tout en restant économiquement indépendant. Malgré une tendance à la baisse, 54 % des médecins généralistes exerçaient en cabinet individuel en 2021, contre 59 % en 201090(*) ;

· la communauté d'exercice professionnel (Berufsausübungs-gemeinschaft) est une association de deux ou plusieurs médecins formant une unité économique et organisationnelle. En 2021, cette forme représentait 18,1 % des cabinets et centres de soins ambulatoires91(*) ;

· le centre de soins ambulatoires pluridisciplinaires (Medizinische Versorgungszentren - MVZ) est un centre de santé pluridisciplinaire de proximité, souvent fondé sous la forme de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés de personnes, offrant des soins ambulatoires. En 2021, l'Allemagne comptait 4 179 MVZ, soit 4 % des cabinets et centres médicaux en ville. Les MVZ emploient en moyenne 6,2 médecins, ainsi que divers personnels médicaux et administratifs92(*).

Malgré l'augmentation du nombre de MVZ, le cabinet individuel reste la forme de pratique la plus courante pour la plupart des spécialités.

2. Les dispositifs de régulation de la couverture territoriale
a) La régulation par les licences

Le système de régulation de la santé en Allemagne est caractérisé par sa décentralisation, avec la majorité des décisions prises au niveau des Länder. Cette organisation repose sur les directives de la GBA. Ce modèle permet de prendre en compte les spécificités régionales tout en garantissant un cadre réglementaire national.

Les associations régionales des caisses d'assurance maladie et des médecins jouent un rôle central dans la régulation des installations à travers l'élaboration et la mise en oeuvre des plans de besoins régionaux (Bedarfsplan). Ces plans déterminent le nombre de médecins nécessaires par région et par spécialisation pour garantir un accès équitable aux soins.

Le Bedarfsplan, introduit après la réunification de l'Allemagne et réformé en 2012, est défini à l'article 99 du livre V du code social93(*). Aux termes du (1), « Les associations de médecins conventionnés doivent, en accord avec les fédérations régionales des caisses d'assurance maladie et les caisses d'assurance maladie de remplacement et conformément aux directives édictées par la Commission fédérale commune, établir au niveau du Land un plan des besoins pour garantir les soins médicaux conventionnés et l'adapter à chaque évolution. Les objectifs et les exigences de l'aménagement du territoire et de la planification régionale ainsi que de la planification hospitalière doivent être respectés. Dans la mesure où cela est nécessaire pour tenir compte des spécificités régionales, notamment de la démographie et de la morbidité régionales, afin de garantir des soins adaptés aux besoins, il est possible de déroger aux directives de la Commission fédérale commune. »

La planification des besoins94(*) constitue l'outil de référence pour équilibrer la répartition des médecins sur le territoire. Ce plan vise à éviter les disparités régionales en ajustant le nombre de praticiens selon les besoins spécifiques de chaque zone. Le processus de planification comprend trois étapes principales : la définition du territoire de régulation, l'analyse démographique et la fixation du nombre de médecins95(*). Les associations de médecins sous contrat divisent le territoire en 395 zones, classées en trois catégories (urbain, périurbain, rural) et subdivisées en sept types, selon la densité de population. Les critères incluent le ratio de médecins par habitant, basé sur les normes de l'Allemagne de l'Ouest en 1990 (1 généraliste pour 1 617 habitants)96(*). Depuis 2013, d'autres facteurs comme l'âge des médecins et de la population, ainsi que le nombre de points de remboursement, sont également pris en compte. En fonction de ces critères, les associations déterminent le nombre de médecins autorisés à s'installer par spécialisation. Si le ratio de médecins dépasse 110 % de la cible, aucune nouvelle autorisation n'est délivrée, bien que la fermeture de cabinets existants ne soit pas imposée97(*).

Les médecins doivent obtenir une autorisation spécifique assimilable à une licence (Arztsitz) pour exercer sous contrat avec les caisses d'assurance maladie. Cette autorisation, délivrée par les associations locales des médecins conventionnés, régule le nombre et la répartition des praticiens. Bien que le principe de liberté d'installation soit mentionné, en pratique, l'installation est strictement régulée pour éviter la surdensité dans certaines zones et pour combler les pénuries dans d'autres. Les licences sont délivrées en fonction des besoins territoriaux définis par le Bedarfsplan.

Pour améliorer l'offre de soins dans les régions sous-dotées, la loi du 22 décembre 2011 sur l'amélioration des structures de soins dans l'assurance maladie obligatoire98(*) (GKV-VStG) a introduit des incitations financières et d'autres mesures de soutien. Ces incitations comprennent des subventions à l'installation initiale, variant entre 12 000 et 60 000 euros selon le Land, le nombre de patients, la taille de la zone et la gravité de la pénurie. De plus, l'installation de cabinets secondaires est facilitée pour les médecins dans ces régions, avec des engagements de service allant de cinq à dix ans dans certains Länder. En Thuringe, par exemple, une subvention trimestrielle de 1 500 euros est offerte aux généralistes de plus de 65 ans exerçant en zone rurale sous tension99(*).

En 2019, des quotas maximaux et minimaux ont été introduits pour certaines sous-spécialités médicales afin d'équilibrer la répartition des médecins dans ces différentes sous-spécialités. En médecine interne spécialisée, par exemple, des quotas maximaux sont définis pour la cardiologie, la gastro-entérologie, la pneumologie et la néphrologie, tandis que des quotas minimaux sont fixés pour la rhumatologie afin de garantir une présence suffisante même dans les zones bloquées pour la spécialité globale100(*).

Pour attirer les médecins dans les zones rurales sous-dotées, des incitations financières et autres avantages sont souvent offerts. Cela inclut des primes pour les gardes effectuées dans ces zones et des subventions pour l'installation de cabinets secondaires. Certains Länder organisent même des campagnes de recrutement d'étudiants en médecine, en promettant des places en formation universitaire, en contrepartie d'un engagement à s'installer pendant dix ans dans ces régions. C'est le cas par exemple du Land de Bade-Wurtemberg, où une campagne de recrutement « The Ländarzt »101(*) a récemment fait l'objet de critiques pour son insuffisance à résoudre le problème à court terme. L'association régionale des médecins du Bade-Wurtemberg souligne que même dans des localités attractives comme le lac de Constance ou Stuttgart, il est difficile de trouver des candidats102(*).

Malgré les incitations financières, l'installation de médecins dans les zones sous-dotées reste un enjeu. Les jeunes médecins préfèrent souvent des activités salariées dans les soins ambulatoires ou hospitaliers, offrant des horaires réguliers et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et personnelle. En 2018, une étude commandée par la GBA a révélé que 99,8 % de la population allemande pouvait atteindre un médecin généraliste en moins de dix minutes en voiture, et 99 % un spécialiste en moins de 30 minutes. La majorité des personnes interrogées obtenaient un rendez-vous en quelques jours103(*).

b) La rémunération

Les médecins conventionnés sont rémunérés, selon un système qui combine rémunération à l'acte et des budgets basés sur une formule de capitation (paiement par patient)104(*). Les prix des services médicaux couverts par l'assurance maladie légale sont définis dans l'échelle d'évaluation uniforme (Einheitlicher Bewertungsmaßstab - EBM)105(*), qui liste plus de 1 500 prestations remboursables. Chaque prestation médicale se voit attribuer un prix en euros et un nombre de points, reflétant l'intensité de la prestation, déterminés par une commission d'évaluation. Le prix de base du point EBM est uniforme au niveau fédéral, mais peut varier régionalement en fonction des coûts et structures de soins. La notion de dépassements d'honoraires n'existe pas, mais la rémunération diffère entre patients couverts par l'assurance maladie légale et ceux par l'assurance maladie privée, cette dernière n'étant pas soumise à une régulation de prix.

Les médecins conventionnés ne sont pas directement payés par les caisses d'assurance maladie. Ces caisses versent un budget prospectif aux associations régionales de médecins conventionnés (Kassenärztliche Vereinigungen - KV), qui répartissent ensuite ce budget global ajusté sur la morbidité (Morbiditätsbedingte Gesamtvergütung) entre les médecins. Ce budget fixe une limite maximale des dépenses de médecine en ville (enveloppe fermée). Le montant est négocié entre les KV et les caisses d'assurance maladie légale, basé sur les prix et volumes des services de l'année précédente. Ces volumes sont mesurés en points EBM multipliés par le prix effectif du point EBM. Les ajustements annuels prennent en compte l'évolution du nombre, de l'âge et de l'état de santé des assurés, ainsi que les coûts d'investissement et de fonctionnement. Cette procédure vise à maintenir les dépenses dans des limites raisonnables tout en encourageant un volume élevé de soins. Environ 70 % de la rémunération des médecins en 2019 était soumise à ce budget ajusté sur la morbidité, mais cette part diminue, se situant aujourd'hui autour de 60 %. Parallèlement, certains services médicaux ne sont pas soumis à des contraintes budgétaires et sont remboursés à des prix fixes, représentant environ 40 % de la rémunération globale des médecins106(*). Il s'agit notamment des interventions chirurgicales ambulatoires, de certains actes de prévention (examens de dépistage, vaccinations), des soins prénataux, ou encore de la psychothérapie107(*).

La régulation des volumes de soins ambulatoires repose sur des budgets alloués trimestriellement par les caisses d'assurance maladie et répartis par les KV. Chaque spécialité et chaque médecin se voient attribuer des volumes cibles d'activité en points, basés sur la grille tarifaire de l'EBM. À la fin de chaque trimestre, les médecins déclarent le nombre total de points de leurs prestations, et la KV calcule leur rémunération en euros.

Les soins sont classés en quatre groupes de facturation : soins de laboratoire, soins d'urgence, soins primaires (subdivisés en médecine générale et soins pédiatriques) et soins spécialisés (divisés en 14 sous-groupes). Chaque groupe dispose de son propre budget sans possibilité de redistribution entre eux pour éviter qu'une augmentation des dépenses dans un groupe n'affecte un autre.

Chaque médecin dispose d'un budget indicatif maximum, basé sur le volume régulier de prestations (Regelleistungsvolumen - RLV)108(*). Ce plafond, calculé à partir du nombre moyen de cas traités par les médecins de la même spécialité, est ajusté chaque trimestre en fonction du même trimestre de l'année précédente. Si un médecin dépasse ce volume, les cas supplémentaires sont rémunérés à des taux dégressifs : 75 % du prix pour les cas au-delà de 150 % du volume, 50 % pour ceux au-delà de 170 %, et 25 % pour ceux au-delà de 200 %. Ce système crée une « enveloppe à moitié fermée » pour réguler les dépenses.

3. Les obligations en matière de permanence de soins

La continuité des soins, particulièrement en dehors des heures normales de consultation est assurée par les KV en collaboration avec les caisses d'assurance maladie. L'article 75 du livre V du code social109(*) définit plusieurs obligations touchant les associations régionales de médecins (KV), notamment en matière de continuité du service de fourniture de soins.

Conformément à l'article 75 :

« (1) Les associations de médecins conventionnés et les associations fédérales de médecins conventionnés sont tenues d'assurer les soins médicaux conventionnés (...) et de garantir aux caisses de maladie et à leurs fédérations que les soins médicaux conventionnés répondent aux exigences légales et contractuelles. Si l'association de médecins conventionnés ne remplit pas sa mission de garantie pour des raisons qui lui sont imputables, les caisses de maladie peuvent retenir une partie des rémunérations convenues dans les conventions collectives (...).

« [...]

« (1 ter) Le mandat de garantie visé au paragraphe 1 comprend également les soins médicaux conventionnels pendant les heures où les médecins ne sont pas en consultation (service d'urgence), mais pas les soins médicaux d'urgence dans le cadre du service de sauvetage, sauf si le droit du Land en dispose autrement. Dans le cadre du service d'urgence, les associations de médecins conventionnés doivent également mettre à disposition des prestations de télémédecine complémentaires à partir du 31 mars 2022 au plus tard. Les associations de médecins conventionnés doivent également assurer le service d'urgence par le biais d'une coopération et d'un lien organisationnel avec les hôpitaux agréés ; à cet effet, elles doivent soit créer des cabinets de garde dans ou près des hôpitaux, soit intégrer directement les services ambulatoires d'urgence des hôpitaux dans le service d'urgence. Dans le cadre d'une coopération selon la troisième phrase entre les associations de médecins conventionnés et les hôpitaux, il est également possible de convenir de l'utilisation de l'équipement technique des hôpitaux pour la fourniture de prestations télémédicales par les cabinets de garde ou de la fourniture de prestations télémédicales par les services ambulatoires d'urgence des hôpitaux. Les hôpitaux agréés ne participant pas aux soins médicaux conventionnés et les médecins intégrés au service d'urgence sur la base d'un accord de coopération avec l'association des médecins conventionnés sont autorisés à fournir des prestations dans le cadre du service d'urgence et participent à cet effet aux soins médicaux conventionnés. La phrase 5 s'applique par analogie aux médecins qui ne participent pas aux soins médicaux conventionnés dans le cadre des soins médicaux d'urgence du service de secours, dans la mesure où, conformément à la phrase 1, le droit du Land dispose que ces soins sont également couverts par la mission de garantie de l'association des médecins conventionnés. Les associations de médecins conventionnés doivent procéder à un échange d'informations avec les chambres régionales des pharmaciens sur l'organisation du service d'urgence afin d'améliorer la prise en charge des assurés dans le cadre du service d'urgence ; les résultats de cet échange d'informations doivent être intégrés dans les coopérations visées à la troisième phrase. Les associations de médecins conventionnés doivent coopérer avec les centres de coordination des secours des Länder. »

Il appartient donc aux 17 KV de répartir les responsabilités entre les médecins pour garantir que les patients aient accès à des soins médicaux en dehors des heures normales de travail. Grâce à la planification des besoins, ils veillent à ce qu'un nombre suffisant de médecins soient partout disponibles pour les soins ambulatoires, à ce qu'un service médical de garde soit également disponible pendant les heures où les médecins ne sont pas en consultation et à ce que la qualité des prestations soit correcte110(*).

Les médecins conventionnés sont légalement et contractuellement obligés de participer au service de garde. Les modalités et la fréquence de participation varient selon les régions et la densité de la population médicale. Les médecins qui ne respectent pas ces obligations peuvent être soumis à des sanctions de la part des associations régionales. L'article 81 du livre V du code social prévoit que les statuts des KV doivent « notamment contenir des dispositions concernant les obligations des médecins conventionnés pour l'exécution du mandat de garantie » (1). Le (5) du même article prévoit que « Les statuts des associations de médecins conventionnés doivent en outre déterminer les conditions et la procédure d'application de mesures à l'encontre des membres qui ne remplissent pas ou pas correctement leurs obligations de médecin conventionné. Les mesures visées à la première phrase sont, selon la gravité de la faute, l'avertissement, le blâme, l'amende ou la suspension de l'autorisation de pratiquer ou de la participation à la médecine conventionnelle pour une durée maximale de deux ans. Le montant maximal des amendes peut atteindre cinquante mille euros. Il n'y a pas de procédure préliminaire (article 78 de la loi sur les tribunaux sociaux). »111(*)

L'organisation du service médical de garde dans le Land de Berlin

Conformément aux dispositions prévues par le code social, le KV de Berlin a mis en place un service médical de garde (Ambulantes Notdienst) assurant les soins ambulatoires.

Tous les membres du KV installés dans leur propre cabinet, les centres de soins médicaux et les établissements participant aux soins médicaux conventionnés ainsi que les médecins employés sont en principe autorisés ou tenus de participer à ce service médical de garde. Par ailleurs, les médecins spécialistes non conventionnés disposant d'une expérience minimale dans un service de garde médical itinérant d'un autre Land peuvent également y participer112(*).

En dehors des heures de consultation, les cabinets de garde du service proposent des soins médicaux ambulatoires. Les assurés peuvent s'adresser à ces cabinets en cas d'urgence et soulager ainsi les services de secours des hôpitaux. Le service offert par le KV Berlin gère des cabinets d'urgence pour adultes, et d'autres ouverts aux enfants et adolescents113(*).

Il comprend également un service de consultation téléphonique (le « 116 117 »), permettant d'échanger avec du personnel médical qualifié 24 heures sur 24. Ce service permet aux patients de consulter pour une maladie dont le traitement ne peut pas attendre le lendemain pour des raisons médicales (grippe, fièvre, vomissements...).

Enfin, il met à disposition un service de visites médicales à domicile 24 heures sur 24, afin de fournir des soins aux patients qui ne peuvent pas se rendre dans un cabinet médical en raison de la gravité de leur maladie, ceux qui ont besoin d'une assistance médicale urgente la nuit, le week-end ou les jours fériés. Environ 320 médecins contribuent au service de visites à domicile. Selon le KV Berlin, ils rendent visite en moyenne à 400 malades du lundi au vendredi et à environ 700 les samedis et dimanches114(*).

Les frais de traitement sont pris en charge par les caisses d'assurance maladie publiques et privées.

Le projet de loi sur le renforcement des soins de santé

Récemment, le ministre fédéral de la Santé, Karl Lauterbach, a mis en garde contre une pénurie imminente de médecins généralistes, qu'il attribue à un déficit de formation de 50 000 médecins au cours des dix dernières années. Pour remédier à cette situation critique, un projet de loi sur le renforcement des soins de santé (Gesundheitsversorgungsstärkungsgesetz - GVSG)115(*) a été déposé par le Gouvernement fédéral le 22 mai dernier. Le texte vise à rendre la profession de médecin généraliste plus attrayante, renforcer les soins ambulatoires régionaux, et améliorer les soins psychothérapeutiques.

La GVSG propose plusieurs mesures pour alléger la charge administrative des médecins de famille, notamment en supprimant les plafonds de rémunération et les forfaits trimestriels. Cette simplification vise à rendre le travail des médecins de famille moins bureaucratique et plus attrayant. En réduisant les contraintes administratives, le Gouvernement espère attirer davantage de jeunes médecins vers cette profession.

L'avant-projet de loi prévoyait la création de « kiosques de santé » dans les régions socialement défavorisées. Ces centres de consultation, gérés par des infirmiers, devraient offrir des soins et des conseils facilement accessibles pour le traitement et la prévention. Cependant, la création de ces kiosques a été écartée du projet faute d'accord au sein de la coalition ; ils pourraient toutefois faire l'objet de négociations ultérieures lors de l'examen parlementaire116(*).

Parallèlement, la GVSG prévoit des mesures pour améliorer les soins psychothérapeutiques, particulièrement pour les enfants, les adolescents et les groupes vulnérables. Une planification séparée des besoins pour les psychothérapeutes et des mandats de soins supplémentaires devrait faciliter l'accès aux soins pour ces populations.

Le ministre a également abordé les questions de la « faible rémunération » et des tâches administratives inhérentes aux médecins. D'après lui, ces facteurs contribueraient à décourager les jeunes médecins de choisir cette spécialité. En moyenne, les médecins généralistes gagnent environ 7 785 euros par mois en Allemagne, mais ce montant est jugé insuffisant compte tenu des heures de travail et des responsabilités. De plus, de nombreux médecins approchent de l'âge de la retraite, exacerbant la pénurie. La proportion de médecins employés dans des centres médicaux (MVZ) augmente, tandis que le nombre de praticiens indépendants diminue. Bien que les MVZ permettent aux médecins de se concentrer sur leurs tâches cliniques en déléguant les aspects administratifs, ce modèle est controversé en raison de craintes sur une gestion plus commerciale des soins médicaux117(*).


* 75 Ministère fédéral de la Santé, Das deutsche Gesundheitssystem, janvier 2020.

* 76 Ibid.

* 77 Voir https://www.g-ba.de/downloads/17-98-5336/2022-09-30_G-BA-Infobroschuere_DE_bf.pdf

* 78 Minery Sarah et Or Zeynep, Comparaison des dépenses de santé en France et en Allemagne, Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES), Rapport n° 590, mars 2024, p. 9.

Laurent Paul, Santé : les 5 atouts (à copier) du système allemand, in Société Civile, n° 156, Fondation Ifrap, avril 2015.

* 79 Ibid., p. 10.

* 80 Ibid., p. 9.

* 81 https://www.bundesgesundheitsministerium.de/ministerium/aufgaben-und-organisation/aufgaben.html

* 82  Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland, article 74.

* 83  https://www.bundesgesundheitsministerium.de/themen/gesundheitswesen/staatliche-ordnung/bundeslaender

* 84  https://www.gmkonline.de/Die-GMK.html

* 85 Ministère fédéral de la Santé, Das deutsche Gesundheitssystem, janvier 2020, p. 44.

* 86 Voir supra.

* 87  Sozialgesetzbuch (SGB) Fünftes Buch (V) - Gesetzliche Krankenversicherung, article 91.

* 88 https://www.gesetze-im-internet.de/sgb_5/__217a.html (SGB) Fünftes Buch (V) - Gesetzliche Krankenversicherung, article 217a.

* 89 Minery Sarah et Or Zeynep, op. cit., p. 16.

* 90 Ibid.

* 91 Ibid.

* 92 Ibid.

* 93 https://www.gesetze-im-internet.de/sgb_5/__99.html (SGB) Fünftes Buch (V) - Gesetzliche Krankenversicherung, article 99.

* 94 Voir aussi https://www.kbv.de/media/sp/Instrumente_Bedarfsplanung_Broschuere.pdf

* 95 Observatoire national de la démographie et professions de santé (ONDPS), Les conditions d'installation des médecins de ville en France et dans cinq pays européens (Volume 2), 2015, p. 24.

* 96 Ibid.

* 97 Minery Sarah et Or Zeynep, op. cit., p. 21.

* 98https://www.bgbl.de/xaver/bgbl/start.xav?startbk=Bundesanzeiger_BGBl&bk=Bundesanzeiger_BGBl&start=//*%5B@attr_id=%27bgbl111s2983.pdf%27%5D" \l "__bgbl__%2F%2F*%5B%40attr_id%3D%27bgbl111s2983.pdf%27%5D__1717084545588  zur Verbesserung der Versorgungsstrukturen in der gesetzlichen Krankenversicherung (GKV-Versorgungsstrukturgesetz - GKV-VStG).

* 99 ONDPS, op. cit. p. 26.

* 100 Minery Sarah et Or Zeynep, op. cit., p. 22.

* 101  https://www.baden-wuerttemberg.de/de/service/presse/pressemitteilung/pid/neue-landarzt-kampagne-gestartet

* 102 https://www.swr.de/swraktuell/baden-wuerttemberg/landarztquote-bw-aerztemangel-kritik-100.html

* 103 Ibid., p. 23.

* 104 Ibid., p. 28.

* 105 Voir :  https://www.bundesgesundheitsministerium.de/service/begriffe-von-a-z/e/einheitlicher-bewertungsmassstab-ebm

* 106 Minery Sarah et Or Zeynep, op. cit., p. 31.

* 107 Ibid., p. 33.

* 108 Voir aussi : https://www.aok.de/pp/lexikon/regelleistungsvolumina-arzt-und-praxisbezogen/

* 109 https://www.gesetze-im-internet.de/sgb_5/__75.html (SGB) Fünftes Buch (V) - Gesetzliche Krankenversicherung, article 77.

* 110  https://www.kbv.de/html/432.php

* 111  Sozialgesetzbuch (SGB) Fünftes Buch (V) - Gesetzliche Krankenversicherung, article 81.

* 112  https://www.kvberlin.de/fuer-praxen/aerztlicher-bereitschaftsdienst/teilnahme-und-abrechnung

* 113  https://www.kvberlin.de/fuer-patienten/anruf-116117

* 114 Ibid.

* 115  https://www.bundesgesundheitsministerium.de/service/gesetze-und-verordnungen/detail/gvsg.html

* 116  https://www.rnd.de/politik/lauterbach-in-den-naechsten-jahren-flaechendeckender-hausaerzte-mangel-BUZJN4XJQFO63CKOHLVF3NYGAI.html

* 117  https://www.swr.de/swraktuell/baden-wuerttemberg/aerztemangel-in-baden-wuerttemberg-was-verdienen-aerzte-verguetung-100.html

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