B. UN PARCOURS DE SOINS PROGRESSIVEMENT DIVERSIFIÉ ET FACILITÉ

1. La diversification des méthodes d'IVG et des professionnels de santé impliqués

En alternative à la méthode instrumentale traditionnelle, visant l'évacuation du contenu utérin par aspiration réalisée sous anesthésie locale ou générale, l'IVG médicamenteuse s'est progressivement développée ces dernières années. Celle-ci repose sur la prise de médicaments provoquant l'interruption de la grossesse puis l'expulsion de l'embryon, sans acte chirurgical ni anesthésie.

Pratiquée depuis 1989 dans les établissements de santé, la technique médicamenteuse a été autorisée en ville par la loi de 20019(*). Un décret d'application de 200410(*) a limité le recours à cette méthode à la fin de la cinquième SG. Ce délai a récemment été porté, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS)11(*), à la fin de la septième SG (ou neuvième SA)12(*).

La part de la méthode médicamenteuse dans le total des IVG réalisées a significativement augmenté depuis pour devenir majoritaire. En 2023, les IVG médicamenteuses représentent ainsi 79 % de l'ensemble, contre 68 % en 2019 et 31 % en 2000. Elles recouvrent l'essentiel des IVG réalisées en ville et, désormais, une majorité des IVG réalisées en établissement de santé.

Répartition des IVG selon la méthode et le lieu de réalisation en 2023

Source : Commission des affaires sociales, d'après des données Drees (2024)

D'autres évolutions législatives ont favorisé le recours au secteur ambulatoire pour la réalisation d'IVG. La loi a, ainsi, successivement permis la réalisation d'IVG médicamenteuses :

- dans les centres de santé sexuelle, auparavant appelés centres de planification et d'éducation familiale13(*) ;

- par les sages-femmes, en établissement de santé comme en ville14(*).

La loi a, enfin, récemment cherché à faciliter la réalisation d'IVG instrumentales, en autorisant leur réalisation :

- hors établissement de santé, dans les centres de santé15(*), mais cette possibilité demeure pour le moment résiduelle, peu de centres ayant entamé les démarches nécessaires ;

- la réalisation d'IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé16(*), sous des conditions strictes, récemment assouplies par un décret d'avril 202417(*).

La réalisation d'IVG instrumentales par les sages-femmes
en établissements de santé

Un décret de décembre 202318(*), portant application de la loi de 2022, était venu assortir la réalisation d'IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé de conditions strictes :

- les sages-femmes titulaires de l'ancien diplôme d'État devaient disposer d'une expérience professionnelle minimale d'un an en orthogénie et suivre une formation théorique préalable de deux jours sur le geste chirurgical ;

- les sages-femmes devaient également suivre une formation pratique comprenant l'observation d'au moins dix actes et la réalisation supervisée d'au moins trente actes ;

- enfin, l'organisation de l'hôpital devait permettre, d'une part, l'intervention sur site d'un médecin compétent en matière d'IVG instrumentale, d'un gynécologue-obstétricien et d'un anesthésiste-réanimateur ainsi que, d'autre part, la prise en charge des embolisations artérielles.

Le nouveau décret d'avril 2024 assouplit ces conditions, en supprimant notamment celles tenant à l'organisation de l'établissement de santé.

Du fait de ces évolutions et parallèlement à la montée en charge de la technique médicamenteuse, la part des hôpitaux dans la réalisation des IVG a fortement diminué. En 2023, 41 % des IVG étaient, ainsi, réalisées hors établissement de santé, contre moins de 10 % en 2008, avec 11 488 IVG réalisées en centre de santé ou centre de santé sexuelle et 89 044 en cabinet libéral.

Évolution du nombre d'IVG selon le lieu de réalisation

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

En ville comme à l'hôpital, aucun professionnel de santé n'est jamais tenu de pratiquer ou de concourir à une IVG : une « clause de conscience » légale autorise les professionnels à refuser de le faire19(*). Les médecins et sages-femmes concernés doivent, en revanche, informer sans délai l'intéressée de leur refus et lui communiquer immédiatement le nom de professionnels susceptibles de réaliser l'IVG.

Part des femmes ayant eu recours à l'IVG déclarant avoir été confrontées à un refus

 

La loi autorise également les établissements privés à refuser que des IVG soient pratiquées dans leurs locaux à la condition, pour ceux d'entre eux qui sont habilités à assurer le service public hospitalier, que d'autres établissements soient en mesure de répondre aux besoins locaux20(*). Les établissements publics qui disposent de lits ou de places autorisés en gynécologie-obstétrique ou en chirurgie ne peuvent, en revanche, refuser de pratiquer des IVG21(*).

Aucune donnée ne permet de mesurer précisément le nombre de refus opposés à des sollicitations de patientes souhaitant avoir recours à l'IVG. Toutefois, un récent sondage commandé à l'institut Ipsos par le planning familial révèle que 27 % des femmes interrogées ayant eu recours à l'IVG au cours des cinq dernières années ont été confrontées à un refus.

2. Un parcours simplifié, anonyme et mieux pris en charge

Plusieurs évolutions législatives ont cherché, ces dernières années, à simplifier le parcours de soins des patientes souhaitant recourir à l'IVG. La loi prévoyait ainsi, d'abord, un délai de réflexion obligatoire de sept jours entre la première et la deuxième consultation pour obtenir une IVG. Ce délai a été ramené à deux jours en 201622(*), puis entièrement supprimé par la loi de 202223(*). Par ailleurs, la réalisation d'IVG médicamenteuses en téléconsultation a été autorisée, d'abord de manière dérogatoire durant l'épidémie de covid-1924(*), puis pérenne par un décret de 202225(*). Ce dernier permet, par dérogation, la délivrance à la patiente des médicaments nécessaires par une pharmacie d'officine qu'elle a préalablement désignée.

La protection de l'anonymat des patientes a également été améliorée. Lorsque la patiente est mineure et désire conserver le secret, un principe d'anonymat et de confidentialité s'applique, la dispensant d'obtenir le consentement de l'un des titulaires de l'autorité parentale26(*). La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a étendu cette protection en précisant dans le code de la santé publique que, pour toutes les patientes, « la prise en charge de l'IVG est protégée par le secret afin de pouvoir préserver, le cas échéant, l'anonymat de l'intéressée. »27(*)

Enfin, la prise en charge financière de l'IVG a été progressivement renforcée. Le niveau de remboursement de l'IVG, qui s'établissait à 70 % depuis 198228(*), a été porté à 100 % par la LFSS pour 201329(*). Depuis 201630(*), les actes associés à l'IVG sont, en outre, intégralement remboursés.


* 9 Article 3 de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

* 10 Décret n° 2004-636 du 1er juillet 2004 relatif aux conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse hors établissements de santé.

* 11 HAS, recommandation de bonne pratique « Interruption volontaire de grossesse par méthode médicamenteuse - Mise à jour » adoptée par le Collège le 11 mars 2021.

* 12 Article 2 de la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

* 13 Article 71 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

* 14 Article 127 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 15 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 16 Article 2 de la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

* 17 Décret n° 2024-367 du 23 avril 2024 modifiant les conditions d'exercice par les sages-femmes de la pratique des interruptions volontaires de grossesse instrumentales en établissement de santé.

* 18 Décret n° 2023-1194 du 16 décembre 2023 relatif à la pratique des interruptions volontaires de grossesse instrumentales par des sages-femmes en établissement de santé.

* 19 Article L. 2212-8 du code de la santé publique.

* 20 Ibid.

* 21 Article R. 2212-4 du code de la santé publique.

* 22 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 23 Loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

* 24 Arrêté du 7 novembre 2020 modifiant l'arrêté du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 25 Décret n° 2022-212 du 19 février 2022 relatif aux conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse hors établissement de santé.

* 26 Article L. 2212-7 du code de la santé publique.

* 27 Article 63 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 28 Loi n° 82-1172 du 31 décembre 1982 relative à la couverture des frais afférents à l'interruption volontaire de grossesse non thérapeutique et aux modalités de financement de cette mesure.

* 29 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

* 30 Arrêté du 26 février 2016 relatif aux forfaits afférents à l'interruption volontaire de grossesse.

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