N° 45

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1)
sur l'
accès à l'interruption volontaire de grossesse,

Par M. Alain MILON, Mmes Brigitte DEVÉSA et Cathy APOURCEAU-POLY,

Sénateur et Sénatrices

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Malgré la consécration constitutionnelle du 8 mars 2024, l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en France demeure fragile et inégal.

À l'issue de ses travaux, la commission souligne l'importance d'assurer un accès effectif à l'IVG pour l'ensemble des patientes et dans tous les territoires. Elle formule, pour cela, 10 propositions.

I. LES TRANSFORMATIONS RÉCENTES DU RECOURS À L'IVG

A. UN RECOURS CROISSANT, CONCENTRÉ DANS LES PREMIÈRES SEMAINES

1. Un taux de recours croissant et inégal selon les territoires

Le recours à l'IVG a sensiblement augmenté en France depuis 1990. Le nombre d'IVG recensées en 2023 s'élève, ainsi, à 243 600 contre près de 234 000 en 2022 et 226 000 en 2019. Le taux brut de recours à l'IVG parmi les femmes de 15 à 49 ans a également crû pour s'établir, en 2023, à 17,6 %o, contre 15 %o en 2017 et 13,7 %o en 20001(*). Il s'agit du taux le plus élevé mesuré depuis 1990.

Nombre d'IVG recensées et taux de recours à l'IVG depuis 1990

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

Les taux de recours à l'IVG les plus élevés sont observés chez les femmes majeures ayant entre 20 et 34 ans. S'ils ont augmenté dans chaque tranche d'âge en 2023 comme en 2022, l'essentiel de la hausse observée depuis 10 ans concerne les femmes âgées de plus de 25 ans. Les taux de recours chez les mineures demeurent faibles et inférieurs à ceux connus au milieu des années 2000.

Taux de recours à l'IVG selon l'âge en 1990, 2005, 2015 et 2023 (en %o)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

Les taux de recours à l'IVG, enfin, diffèrent significativement d'un territoire à l'autre. Si l'ensemble des régions hexagonales, les Antilles et La Réunion ont connu une hausse en 2023, le taux de recours global standardisé sur l'âge2(*) demeure sensiblement plus élevé :

- dans les départements et régions d'outre-mer (DROM), où il atteint 31,2 %o, soit près du double de la France hexagonale ;

- parmi les régions hexagonales, en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Île-de-France.

Taux de recours à l'IVG en 2023 selon le territoire pour 1 000 femmes
de 15 à 49 ans

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

Un taux particulièrement élevé de 46,7 %o est observé en Guyane. D'après la Drees3(*) et le ministère de la santé4(*), celui-ci pourrait s'expliquer par :

- la fréquence des grossesse précoces et une méfiance accrue vis-à-vis de la contraception ;

- la part probable des IVG concernant des femmes non résidentes, pouvant conduire à une surestimation du taux de recours.

2. Malgré l'allongement du délai légal, un recours concentré dans les premières semaines

Le législateur a progressivement facilité l'accès à l'IVG en allongeant le délai dans lequel les patientes peuvent y recourir. La loi Veil de 1975 a d'abord suspendu pour cinq ans l'application des dispositions pénales pour les IVG pratiquées avant la fin de la dixième semaine de grossesse (SG)5(*). Cette suspension a été pérennisée en 19796(*). Le législateur a, par la suite, autorisé le recours à l'IVG jusqu'à la fin de la douzième SG en 20017(*) puis, en 20228(*), jusqu'à la fin de la quatorzième SG, correspondant à la seizième semaine d'aménorrhée (SA).

Malgré ces reports successifs, les IVG demeurent, d'après les données disponibles, majoritairement réalisées dans les premières semaines de grossesse. En effet, si les données de ville ne permettent pas de connaître le terme exact de réalisation de l'IVG, les données hospitalières révèlent en revanche que près de 80 % des IVG réalisées en établissement de santé le sont à moins de 10 SA, soit moins de 8 SG. La Drees estime la part des IVG réalisées au-delà de 14 SA en 2023 et bénéficiant, en conséquence, de l'allongement récent du délai légal, à 2,5 % ou 3 % des IVG hospitalières : 2 % dans l'Hexagone et 4 % dans les Drom.

Répartition des IVG hospitalières selon leur terme (France entière, 2020-2023)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

B. UN PARCOURS DE SOINS PROGRESSIVEMENT DIVERSIFIÉ ET FACILITÉ

1. La diversification des méthodes d'IVG et des professionnels de santé impliqués

En alternative à la méthode instrumentale traditionnelle, visant l'évacuation du contenu utérin par aspiration réalisée sous anesthésie locale ou générale, l'IVG médicamenteuse s'est progressivement développée ces dernières années. Celle-ci repose sur la prise de médicaments provoquant l'interruption de la grossesse puis l'expulsion de l'embryon, sans acte chirurgical ni anesthésie.

Pratiquée depuis 1989 dans les établissements de santé, la technique médicamenteuse a été autorisée en ville par la loi de 20019(*). Un décret d'application de 200410(*) a limité le recours à cette méthode à la fin de la cinquième SG. Ce délai a récemment été porté, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS)11(*), à la fin de la septième SG (ou neuvième SA)12(*).

La part de la méthode médicamenteuse dans le total des IVG réalisées a significativement augmenté depuis pour devenir majoritaire. En 2023, les IVG médicamenteuses représentent ainsi 79 % de l'ensemble, contre 68 % en 2019 et 31 % en 2000. Elles recouvrent l'essentiel des IVG réalisées en ville et, désormais, une majorité des IVG réalisées en établissement de santé.

Répartition des IVG selon la méthode et le lieu de réalisation en 2023

Source : Commission des affaires sociales, d'après des données Drees (2024)

D'autres évolutions législatives ont favorisé le recours au secteur ambulatoire pour la réalisation d'IVG. La loi a, ainsi, successivement permis la réalisation d'IVG médicamenteuses :

- dans les centres de santé sexuelle, auparavant appelés centres de planification et d'éducation familiale13(*) ;

- par les sages-femmes, en établissement de santé comme en ville14(*).

La loi a, enfin, récemment cherché à faciliter la réalisation d'IVG instrumentales, en autorisant leur réalisation :

- hors établissement de santé, dans les centres de santé15(*), mais cette possibilité demeure pour le moment résiduelle, peu de centres ayant entamé les démarches nécessaires ;

- la réalisation d'IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé16(*), sous des conditions strictes, récemment assouplies par un décret d'avril 202417(*).

La réalisation d'IVG instrumentales par les sages-femmes
en établissements de santé

Un décret de décembre 202318(*), portant application de la loi de 2022, était venu assortir la réalisation d'IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé de conditions strictes :

- les sages-femmes titulaires de l'ancien diplôme d'État devaient disposer d'une expérience professionnelle minimale d'un an en orthogénie et suivre une formation théorique préalable de deux jours sur le geste chirurgical ;

- les sages-femmes devaient également suivre une formation pratique comprenant l'observation d'au moins dix actes et la réalisation supervisée d'au moins trente actes ;

- enfin, l'organisation de l'hôpital devait permettre, d'une part, l'intervention sur site d'un médecin compétent en matière d'IVG instrumentale, d'un gynécologue-obstétricien et d'un anesthésiste-réanimateur ainsi que, d'autre part, la prise en charge des embolisations artérielles.

Le nouveau décret d'avril 2024 assouplit ces conditions, en supprimant notamment celles tenant à l'organisation de l'établissement de santé.

Du fait de ces évolutions et parallèlement à la montée en charge de la technique médicamenteuse, la part des hôpitaux dans la réalisation des IVG a fortement diminué. En 2023, 41 % des IVG étaient, ainsi, réalisées hors établissement de santé, contre moins de 10 % en 2008, avec 11 488 IVG réalisées en centre de santé ou centre de santé sexuelle et 89 044 en cabinet libéral.

Évolution du nombre d'IVG selon le lieu de réalisation

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

En ville comme à l'hôpital, aucun professionnel de santé n'est jamais tenu de pratiquer ou de concourir à une IVG : une « clause de conscience » légale autorise les professionnels à refuser de le faire19(*). Les médecins et sages-femmes concernés doivent, en revanche, informer sans délai l'intéressée de leur refus et lui communiquer immédiatement le nom de professionnels susceptibles de réaliser l'IVG.

Part des femmes ayant eu recours à l'IVG déclarant avoir été confrontées à un refus

 

La loi autorise également les établissements privés à refuser que des IVG soient pratiquées dans leurs locaux à la condition, pour ceux d'entre eux qui sont habilités à assurer le service public hospitalier, que d'autres établissements soient en mesure de répondre aux besoins locaux20(*). Les établissements publics qui disposent de lits ou de places autorisés en gynécologie-obstétrique ou en chirurgie ne peuvent, en revanche, refuser de pratiquer des IVG21(*).

Aucune donnée ne permet de mesurer précisément le nombre de refus opposés à des sollicitations de patientes souhaitant avoir recours à l'IVG. Toutefois, un récent sondage commandé à l'institut Ipsos par le planning familial révèle que 27 % des femmes interrogées ayant eu recours à l'IVG au cours des cinq dernières années ont été confrontées à un refus.

2. Un parcours simplifié, anonyme et mieux pris en charge

Plusieurs évolutions législatives ont cherché, ces dernières années, à simplifier le parcours de soins des patientes souhaitant recourir à l'IVG. La loi prévoyait ainsi, d'abord, un délai de réflexion obligatoire de sept jours entre la première et la deuxième consultation pour obtenir une IVG. Ce délai a été ramené à deux jours en 201622(*), puis entièrement supprimé par la loi de 202223(*). Par ailleurs, la réalisation d'IVG médicamenteuses en téléconsultation a été autorisée, d'abord de manière dérogatoire durant l'épidémie de covid-1924(*), puis pérenne par un décret de 202225(*). Ce dernier permet, par dérogation, la délivrance à la patiente des médicaments nécessaires par une pharmacie d'officine qu'elle a préalablement désignée.

La protection de l'anonymat des patientes a également été améliorée. Lorsque la patiente est mineure et désire conserver le secret, un principe d'anonymat et de confidentialité s'applique, la dispensant d'obtenir le consentement de l'un des titulaires de l'autorité parentale26(*). La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a étendu cette protection en précisant dans le code de la santé publique que, pour toutes les patientes, « la prise en charge de l'IVG est protégée par le secret afin de pouvoir préserver, le cas échéant, l'anonymat de l'intéressée. »27(*)

Enfin, la prise en charge financière de l'IVG a été progressivement renforcée. Le niveau de remboursement de l'IVG, qui s'établissait à 70 % depuis 198228(*), a été porté à 100 % par la LFSS pour 201329(*). Depuis 201630(*), les actes associés à l'IVG sont, en outre, intégralement remboursés.

II. DE FORTES DISPARITÉS TERRITORIALES DANS L'ACCÈS À L'IVG

A. UNE OFFRE D'IVG INÉGALE SELON LES TERRITOIRES

1. Les disparités observées dans l'offre disponible en ville

Si la part de la ville dans l'offre d'IVG a significativement progressé ces dernières années, elle demeure toutefois très inégale d'un territoire à l'autre et ne repose que sur une faible minorité de professionnels de santé impliqués.

De fortes disparités territoriales dans le développement de l'offre en ambulatoire sont, d'abord, relevées. Ainsi, en 2021, la part prise par l'activité de ville dans l'offre totale d'IVG s'établissait à 10 % dans les Pays de la Loire, quand elle s'élevait à 43,5 % en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ces inégalités sont encore plus marquées au niveau départemental : en 2023, moins de 10 % des IVG ont été réalisées hors d'un établissement de santé dans l'Orne, la Creuse, la Sarthe ou la Haute-Vienne, alors que plus de 60 % d'entre elles étaient réalisées en ambulatoire dans les Hautes-Alpes et dans les Alpes-Maritimes, en Guadeloupe et en Guyane.

Part d'IVG réalisées hors établissement de santé en 2023 (en %)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

Ces disparités ne recoupent qu'imparfaitement l'inégale répartition des professionnels de santé libéraux sur le territoire national. Interrogé par les rapporteurs, le ministère de la santé relève ainsi que, parmi les cinq régions présentant le plus fort taux de contribution de la ville à l'activité totale d'IVG, une seule présente une densité de professionnels libéraux pour 100 000 habitants supérieure à la moyenne nationale31(*). De la même manière, parmi les cinq régions présentant le plus faible taux de contribution de la ville, deux seulement sont marquées par une densité inférieure à la même moyenne32(*).

Les disparités observées semblent davantage tenir à l'inégal engagement des professionnels de ville dans l'offre d'IVG et à l'inégale propension des femmes à y recourir.

S'agissant des patientes, d'une part, le ministère souligne notamment la « faible visibilité assurée jusqu'à aujourd'hui à l'offre d'IVG de ville de certaines régions », que la mise en place de répertoires officiels devrait permettre d'améliorer33(*). Certaines femmes peuvent également, dans les zones rurales, préférer recourir à des établissements de santé paraissant offrir une meilleure protection de leur anonymat34(*).

L'implication des professionnels de santé dans la réalisation d'IVG en ville demeure, d'autre part, fortement minoritaire. En 2023, 3 170 professionnels exerçant en cabinet de ville ont pratiqué au moins une IVG dans l'année : 1 208 sages-femmes, 902 gynécologues médicaux ou gynécologues-obstétriciens et 1 007 médecins généralistes, soit respectivement 14 %, 19 % et 1,5 % de l'effectif de ces professionnels. Ce nombre a augmenté de 814 entre 2020 et 2023, principalement du fait de l'engagement de 693 sages-femmes supplémentaires dans cette activité.

Part des professionnels exerçant en cabinet de ville
ayant réalisé au moins une IVG en 2023

Sages-femmes

Gynécologues

Médecins généralistes

 
 
 

Source : Drees (2024)

Plusieurs facteurs expliquant cette implication mesurée et inégale des professionnels sont avancés par le ministère :

- le niveau de tarification des IVG médicamenteuses réalisées en ville, jugé insuffisant par certains professionnels de santé ;

- l'activité d'IVG requiert, en ville, un conventionnement avec un établissement de santé pouvant décourager les professionnels ; certaines ARS et certains dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité (DSRP) fournissent des conventions-type et facilitent la prise de contact entre professionnels ;

- certaines régions ont engagé depuis plusieurs années des politiques volontaristes de sensibilisation, d'accompagnement et de formation des professionnels à l'IVG médicamenteuse.

Le Gouvernement a procédé, le 1er mars 2024, à une revalorisation du tarif associé aux IVG médicamenteuses. Il a également fait figurer parmi les missions des DSRP celle de soutenir la montée en compétence des professionnels exerçant en cabinet libéral35(*).

Les rapporteurs jugent que de tels efforts doivent être poursuivis et priorisés dans les régions comprenant des territoires dans lesquels l'accès à une IVG médicamenteuse apparaît difficile. Des objectifs chiffrés pourraient, à cet égard, être fixés aux ARS concernées.

Proposition n° 1 : Fixer aux ARS des objectifs de croissance du nombre de professionnels de ville contribuant à l'offre d'IVG médicamenteuse, favoriser l'accès des professionnels à une formation de qualité et simplifier les procédures de conventionnement.

2. La concentration de l'offre hospitalière

Parallèlement à la diminution de la part de l'hôpital dans l'activité d'IVG, le nombre d'établissements y contribuant n'a cessé de décroître ces dernières années.

Selon un rapport remis par le Gouvernement au Parlement en septembre 202336(*), le nombre d'établissements de santé ayant réalisé plus d'une IVG dans l'année s'établit à 526 en 2021, en diminution de 23,7 % depuis 2005, alors que le nombre d'IVG réalisées en France augmentait de plus de 8 % sur la même période. Parmi ces 526 établissements, 459 seulement ont réalisé au moins 10 IVG au cours de l'année 2021 et peuvent être, en conséquence, considérés comme contribuant régulièrement à l'offre d'IVG hospitalière sur le territoire.

La concentration de l'offre hospitalière d'IVG entre 2005 et 2021

Nombre d'établissements de santé contributeurs

Nombre d'IVG recensées
(en ville et à l'hôpital)

 
 

La diminution observée de la contribution du secteur privé est particulièrement spectaculaire. En 2023, parmi les IVG réalisées dans un établissement de santé, 92 % l'ont été dans le secteur public, 3,5 % dans le secteur privé non lucratif et 4,5 % dans le secteur privé lucratif. Ce dernier représentait encore 39 % des IVG hospitalières en 2001 et 19 % en 201037(*). La faiblesse des tarifs associés à l'activité d'IVG figure parmi les principaux facteurs explicatifs mis en avant.

Répartition des IVG en établissement entre secteurs hospitaliers en 2023

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

Si cette concentration de l'offre hospitalière d'IVG peut sembler adaptée à l'évolution des pratiques, notamment au développement des IVG médicamenteuses réalisées en ville, elle n'en a pas moins pour effet d'éloigner certaines patientes des établissements de santé susceptibles de répondre à leurs besoins. Elle résulte, parfois, de la fermeture de services de gynécologie-obstétrique ne donnant pas lieu à la mise en place, en relai, de centres périnataux de proximité (CPP), au sein desquels peut être assurée une activité d'IVG. Dans le rapport au Parlement précité, le Gouvernement indique travailler à « systématiser la mise en place de CPP suite à la fermeture ponctuelle ou définitive d'une maternité »38(*).

Proposition n° 2 : Rendre systématique l'ouverture de centres périnataux de proximité susceptibles de maintenir localement une offre hospitalière d'IVG en cas de fermeture de services de gynécologie-obstétrique.

L'effet de la concentration de l'offre hospitalière sur l'accès à l'IVG est d'autant plus important que l'ensemble des établissements impliqués ne proposent pas une offre complète.

Ainsi, un quart environ des établissements réalisant des IVG ne proposent un accès qu'à l'une des deux techniques et, le plus souvent, qu'à la technique médicamenteuse. Interrogé, le ministère met en avant les tensions démographiques touchant les anesthésistes-réanimateurs et les gynécologues-obstétriciens, les difficultés capacitaires en bloc opératoire et les besoins de formation des professionnels à la réalisation des IVG instrumentales. Ces facteurs conduisent parfois les établissements à prioriser le secteur des naissances, soumis à une obligation de continuité.

De la même manière, parmi les établissements contributifs, une minorité semble en mesure de prendre en charge des IVG tardives, réalisées au-delà de 12 SG. D'après le ministère, une enquête réalisée auprès des ARS en mai 2023 n'a pu identifier que 232 établissements contribuant à la réalisation des IVG à ce terme, soit environ 44 % des structures contributives. Le ministère souligne, là encore, l'importance de la formation pour la diffusion de cette pratique39(*).

Part, en 2023, des établissements contributifs proposant...

... les deux techniques d'IVG

... la réalisation d'IVG tardives (> 12 SG)

 
 

Interrogé par les rapporteurs, le ministère reconnaît que « cette concentration de l'offre hospitalière d'IVG instrumentale a un impact sur les délais d'accès à l'IVG... »40(*). D'après le « baromètre IVG » récemment publié par le planning familial, 54% des femmes qui ont avorté dans un établissement de santé ont dû attendre plus de 7 jours pour avoir ce rendez-vous41(*).

Proposition n° 3 : Soutenir au niveau régional la formation des sages-femmes et, plus largement, des équipes hospitalières à la technique instrumentale.

B. DES DIFFICULTÉS D'ACCÈS IDENTIFIÉES LOCALEMENT

1. Un accès très fragile dans certains territoires

Certains territoires apparaissent marqués par des difficultés durables d'accès à l'IVG, quelle que soit la méthode visée. Interrogées par le Gouvernement en 2023, les ARS font ainsi état :

- pour trois d'entre elles42(*), de difficultés ponctuelles, par exemple en période estivale, pour l'accès à certaines techniques ou aux IVG instrumentales ;

- pour sept d'entre elles43(*), de difficultés durables dans certains territoires spécifiques ;

- pour six d'entre elles44(*), de difficultés durables touchant un ou plusieurs départements.

Six ARS estiment, par ailleurs, que des zones de leur territoire régional sont éloignées de plus d'une heure d'une offre d'IVG45(*). Les difficultés de transport associées s'avèrent particulièrement fortes pour les mineurs ou les populations précaires, en particulier en zone rurale, ainsi que dans certains territoires d'outre-mer.

Les difficultés rencontrées dans certains territoires d'outre-mer

Les territoires ultramarins, marqués par des taux de recours à l'IVG élevés, rencontrent des problèmes d'accès spécifiques tenant à la fois à leurs particularités géographiques, au maillage insuffisant de l'offre hospitalière et libérale, ainsi qu'aux difficultés de transport rencontrées.

Ces difficultés sont particulièrement marquées en Guyane, pour les communes isolées de l'intérieur ou certaines communes du littoral (Iracoubo, Mana, Sinnamary ou Régina).

Elles sont également relevées en Guadeloupe, du fait de l'éloignement de l'offre des îles du Sud (Marie-Galante, la Désirade, les Saintes). Depuis Marie-Galante, l'accès au plateau technique du CHU de la Guadeloupe ne peut se faire que par voie maritime ou aérienne. Actuellement, l'équipe du CPP ne réalise que des IVG jusqu'à 7 SA.

Si La Réunion ne connaît pas de zones significativement éloignées de l'offre, l'accès à l'IVG instrumentale demeure complexe dans le sud de l'île. Le site sud du CHU, seul établissement de santé à réaliser les IVG dans cette partie du territoire, assure uniquement les IVG médicamenteuses, en raison de problèmes d'accès au bloc opératoire, d'absence de matériel disponible ou de formation insuffisante des équipes à la méthode instrumentale.

Source : Réponses écrites de la DGOS et de la DGS au questionnaire transmis par les rapporteurs

Les données manquent pour objectiver ces difficultés. Si la Drees mesure chaque année la part des femmes réalisant une IVG dans leur département de résidence sur l'ensemble des patientes, un recours à l'offre d'autres départements peut toutefois révéler un choix délibéré des femmes, recherchant davantage de confidentialité ou une meilleure facilité d'accès dans le département voisin.

Néanmoins, cet indicateur et surtout les variations observées entre les territoires peuvent rendre partiellement compte des difficultés d'accès rencontrées. Ainsi, la part des femmes ayant recours à l'IVG dans leur département de résidence est supérieure à 80 % au niveau national, mais ne dépasse pas 60 % en Seine-Saint-Denis ou en Ardèche.

Part des IVG réalisées dans le département de résidence en 2023

(en %)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

Le recueil des événements indésirables graves (EIG) par les ARS permet également de mesurer certaines difficultés d'accès. Le rapport au Parlement de 2023 en recense 41 pour l'année 2022, répartis dans 7 régions, révélant notamment des défauts d'organisation de l'offre hospitalière (délais excessifs, orientation défaillante pour une IVG tardive, etc.) ou un manque de lisibilité de l'offre en ville. Le rapport relève toutefois un probable « défaut d'exhaustivité de recensement [des EIG] de la part de certaines régions. »46(*)

Proposition n° 4 : Renforcer le suivi de l'accès à l'IVG, par la mise en place d'indicateurs (distance entre le lieu de réalisation et le domicile de la patiente, délai de réalisation, libre choix de la méthode retenue) supervisés par les ARS.

Proposition n° 5 : Améliorer le recensement des événements indésirables graves et analyser les difficultés d'accès qu'ils révèlent.

2. La question du choix de la méthode et de l'accès aux IVG tardives

L'accès à l'IVG ne comprend pas seulement la faculté d'interrompre, dans des délais raisonnables, sa grossesse mais également celle de choisir la méthode d'interruption. La loi dispose, à cet égard, que « toute personne doit être informée sur les méthodes abortives et a le droit d'en choisir librement »47(*). Or l'exercice de ce droit apparaît, en pratique, limité dans certains territoires.

Le ministère relève ainsi, après sondage des ARS, que dix d'entre elles font état de zones infrarégionales dans lesquelles une seule méthode d'IVG est proposée48(*). De la même manière, d'après le « Baromètre IVG » publié par le planning familial, 31 % des femmes ayant avorté avant le début de leur huitième SG affirment ne pas avoir eu le choix de la méthode49(*).

Nombre d'ARS identifiant des zones
de leur ressort dans lesquelles
une seule méthode est proposée

Part des femmes ayant avorté estimant ne pas avoir eu le choix
de la méthode

 
 

Plusieurs limites à la faculté de la patiente de choisir les modalités d'interruption de sa grossesse peuvent, en effet, être recensées :

- du fait de la concentration de l'offre hospitalière et des difficultés de certains établissements à assurer cette offre, l'accès à la méthode instrumentale est parfois difficile ;

- la possibilité de réaliser des IVG instrumentales en centre de santé peut empêcher les femmes de bénéficier d'une anesthésie générale, lorsque le centre n'est pas en mesure de les réorienter vers une structure référente le proposant ; à cet égard, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) souligne qu'un choix par défaut de l'anesthésie locale peut être « très mal vécu »50(*) ;

- des difficultés à répondre aux demandes d'IVG tardives, au-delà de la douzième SG, ont été identifiées et persistent en partie, du fait d'un manque de formation des équipes hospitalières ou de l'absence de matériel nécessaire à la mise en oeuvre de la technique de dilatation-évacuation requise à ce terme ;

- des disparités territoriales existent dans la méthode employée pour la réalisation d'IVG tardives, du fait de l'absence de mise à jour des recommandations de bonnes pratiques de la HAS depuis la dernière extension du délai légal d'IVG ;

- l'accès à l'IVG médicamenteuse à domicile apparaît inégal selon les territoires et dépend, notamment, de l'investissement des professionnels de ville ;

- des obstacles techniques demeurent à la réalisation d'IVG médicamenteuses à domicile par téléconsultation en établissement de santé, que le CNGOF appelle à lever51(*).

Sur ce dernier point, les rapporteurs relèvent que la stratégie nationale de santé sexuelle 2021-2024 prévoyait, à l'horizon 2022, de « lever les obstacles, notamment législatifs et de facturation, ne permettant pas aujourd'hui de proposer la télémédecine pour la réalisation du parcours IVG médicamenteuse à l'hôpital. »52(*) Ils regrettent que cet objectif n'ait pas été tenu et appellent le Gouvernement à veiller à assurer à chaque patiente le choix de la méthode d'interruption de sa grossesse, du lieu de réalisation de l'IVG et, le cas échéant, de l'anesthésie associée.

Proposition n° 6 : Exiger des ARS l'identification des structures permettant, dans leur ressort territorial, la réalisation d'IVG tardives et un appui renforcé à la formation des professionnels et à l'équipement des établissements dans les territoires en étant dépourvus.

Proposition n° 7 : Demander à la HAS de mettre à jour ses recommandations de bonnes pratiques relatives à l'IVG pour tenir compte de la dernière extension du délai légal.

Proposition n° 8 : Faciliter la réalisation d'IVG médicamenteuses en téléconsultation dans le cadre d'une prise en charge hospitalière.

III. ASSURER L'INFORMATION DES PATIENTES

A. UNE INFORMATION AMÉLIORÉE MAIS ENCORE PERFECTIBLE

1. Le renforcement progressif de l'information des patientes

L'information des patientes sur les conditions de recours à l'IVG, les méthodes proposées et les professionnels impliqués a progressivement été améliorée ces dernières années.

D'abord, le site ivg.gouv.fr permet, depuis sa création en 2015, de mettre à disposition du grand public une information fiable sur l'IVG, ainsi qu'un annuaire des centres de santé sexuelle et des espaces vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars). Le site a fait l'objet d'une refonte en 2023, poursuivant un double objectif : améliorer son référencement pour contrecarrer les stratégies des sites anti-choix et mettre à jour les informations contenues à la suite des dernières évolutions législatives. D'après le ministère, cette refonte a porté la fréquentation du site de 13 000 pages consultées en janvier 2023 à près de 116 000 en janvier 2024. Il est, toutefois, encore difficile de distinguer l'effet de la refonte de celui des débats récents relatifs à la constitutionnalisation.

Nombre de pages consultées chaque mois sur le site ivg.gouv.fr

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données du ministère de la santé

Par ailleurs, un numéro vert national (NVN) « sexualités, contraception, IVG », également mis en place en 2015, est porté par le Mouvement français du planning familial. Il permet aux patientes d'accéder à une écoute, à des informations vérifiées et à une aide à l'orientation. En complément et depuis mars 2023, un tchat confidentiel en ligne est également disponible.

La loi prévoit, par ailleurs, qu'un dossier-guide doit être remis par le médecin ou la sage-femme sollicité par une patiente en vue d'une IVG. Mis à jour au moins une fois par an, il rappelle les principales dispositions légales et dresse la liste des établissements réalisant des IVG53(*).

Enfin, la loi de 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement a prévu la mise en place par les ARS d'un répertoire librement accessible recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels de santé ainsi que l'ensemble des structures, de ville et hospitalières, pratiquant l'IVG54(*).

2. Les difficultés rencontrées dans la mise en place des répertoires

Si les répertoires régionaux constituent un outil indispensable d'information et d'orientation des patientes dans l'offre locale, leur mise en place a été confrontée à plusieurs difficultés.

L'identification des professionnels de ville par les ARS, fondée notamment sur les données de remboursement de l'assurance maladie, n'est pas exhaustive : du fait de la sensibilité de cet acte, des professionnels réalisant des IVG ont indiqué ne pas souhaiter apparaître dans le répertoire.

La finalisation de certains répertoires, par ailleurs, apparaît tardive : au mois de mars 2024, treize ARS déclaraient disposer d'un annuaire opérationnel, mais cinq autres demeuraient attendus55(*).

Certaines ARS signalent, en outre, les difficultés attachées à l'actualisation régulière de ces annuaires, pourtant nécessaire. Elles soulignent n'être qu'imparfaitement informées des départs à la retraite ou des changements d'activité des professionnels de santé, faute de transmission par les établissements des conventions conclues avec les professionnels de ville56(*).

Proposition n° 9 : Finaliser la mise en place des répertoires régionaux et favoriser leur actualisation en permettant aux ARS de prendre connaissance des conventions conclues entre les établissements de santé et les professionnels exerçant en ville.

Enfin, un effort particulier d'information doit être consenti à l'égard des publics les plus fragiles. La Maison des femmes fait ainsi figurer parmi les principaux obstacles à l'accès à l'IVG qu'elle identifie la méconnaissance des droits, la barrière de la langue ou l'illettrisme57(*). À cet égard, le ministère indique avoir, ces dernières années, publié une version « facile à lire et à comprendre » (FALC) du guide d'information, ainsi que des traductions dans douze langues.

B. RENFORCER LA LUTTE CONTRE LA DÉSINFORMATION

1. Les tentatives de désinformation observées

Plusieurs organisations auditionnées ont souligné l'ampleur et l'audience des publications anti-avortement en ligne, ainsi que l'existence de sites internet de désinformation destinés à décourager le recours à une IVG.

Part des femmes ayant avorté
mentionnant les pressions extérieures
parmi les freins à l'avortement

 

D'après le « Baromètre IVG » publié par le planning familial, 41 % des femmes ayant récemment eu recours à l'IVG déclarent que « le droit à l'avortement est tabou ». Interrogées sur les freins à l'accès à l'avortement en France, 63 % d'entre elles mentionnent la peur d'être jugées et 37 % les pressions exercées sur les femmes qui souhaitent avorter58(*).

Si la « liberté garantie à la femme » d'avoir recours à une IVG est désormais élevée au rang constitutionnel, les discours anti-avortement en ligne demeurent particulièrement virulents ces dernières années. Un rapport de la Fondation des femmes souligne ainsi qu'« il semblerait que l'arrêt [de juin 2022] de la Cour suprême des États-Unis ait raffermi les groupes de lutte contre l'avortement dans leurs actions, comme le montre la recrudescence d'attaques contre les locaux d'organisations luttant pour les droits reproductifs, au premier plan desquelles le planning familial, et des opérations très médiatisées menées par des organisations anti-avortement, dont la récente campagne coordonnée d'autocollants apposés sur des Vélib' à Paris. »59(*)

Cette mobilisation se manifeste, selon la Fondation, « sous la forme de fausses informations, d'affirmations trompeuses sur l'avortement et de contenus choquants et dissuasifs », destinés « à décourager les utilisateurs de recourir à l'avortement et à semer le doute sur la sécurité des traitements médicaux utilisés ».

2. Protéger l'information des patientes

Le délit d'entrave à l'IVG, progressivement renforcé ces dernières années, ne permet qu'imparfaitement de prévenir ce type de désinformation. Si, depuis la loi du 20 mars 2017, il vise désormais le fait d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une IVG par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, le Conseil constitutionnel a toutefois jugé que la seule diffusion d'informations à destination d'un public indéterminé sur tout support, notamment sur un site de communication au public en ligne, ne saurait être regardée comme constitutive de pressions, menaces ou actes d'intimidation au sens de ces dispositions (décision n° 2017-747 DC du 16 mars 2017). Interrogé par les rapporteurs, le ministère confirme qu'aucune condamnation n'a été recensée sur le fondement de ce délit depuis 2014.

Les rapporteurs jugent indispensable, en revanche, de lutter contre la désinformation en ligne par la diffusion d'informations fiables sur l'IVG. Ils soutiennent, à ce titre, les efforts consentis ces dernières années pour améliorer le référencement et l'exhaustivité du site ivg.gouv.fr, et appellent le Gouvernement à les poursuivre. Ils jugent également souhaitable l'organisation régulière de campagnes de communication grand public sur les modalités d'accès à l'IVG, sensibilisant ses destinataires au risque de désinformation en ligne.

Proposition n° 10 : Conduire régulièrement des campagnes de communication grand public sur les modalités d'accès à l'IVG, sensibilisant les patientes au risque de désinformation en ligne.

Réunie le mercredi 16 octobre 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté le rapport et les recommandations présentés par M. Alain Milon, Mmes Brigitte Devésa et Cathy Apourceau-Poly, rapporteurs, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Proposition n° 1

Fixer aux ARS des objectifs de croissance du nombre de professionnels de ville contribuant à l'offre d'IVG médicamenteuse, favoriser l'accès des professionnels à une formation de qualité et simplifier les procédures de conventionnement.

Proposition n° 2

Rendre systématique l'ouverture de centres périnataux de proximité susceptibles de maintenir l'offre hospitalière d'IVG en cas de fermeture de services de gynécologie-obstétrique.

Proposition n° 3

Soutenir au niveau régional la formation des sages-femmes et, plus largement, des équipes hospitalières à la technique instrumentale.

Proposition n° 4

Renforcer le suivi de l'accès à l'IVG, par la mise en place d'indicateurs (distance entre le lieu de réalisation et le domicile de la patiente, délai de réalisation, libre choix de la méthode retenue) supervisés par les ARS.

Proposition n° 5

Améliorer le recensement des événements indésirables graves et analyser les difficultés d'accès qu'ils révèlent.

Proposition n° 6

Exiger des ARS l'identification des structures permettant, dans leur ressort territorial, la réalisation d'IVG tardives et un appui renforcé à la formation des professionnels et à l'équipement des établissements dans les territoires en étant dépourvus.

Proposition n° 7

Demander à la HAS de mettre à jour ses recommandations de bonnes pratiques relatives à l'IVG pour tenir compte de la dernière extension du délai légal.

Proposition n° 8

Faciliter la réalisation d'IVG médicamenteuses en téléconsultation dans le cadre d'une prise en charge hospitalière.

Proposition n° 9

Finaliser la mise en place des répertoires régionaux et favoriser leur actualisation en permettant aux ARS de prendre connaissance des conventions conclues entre les établissements de santé et les professionnels exerçant en ville.

Proposition n° 10

Conduire régulièrement des campagnes de communication grand public sur les modalités d'accès à l'IVG, sensibilisant les patientes au risque de désinformation en ligne.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

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I. AUDITION

Mme Sarah Durocher, présidente, et Mme Albane Gaillot,
chargée de plaidoyer, de la Confédération nationale du planning familial sur les conditions d'accès à l'interruption volontaire de grossesse

(Mercredi 27 mars 2024)

M. Philippe Mouiller, président. - Nous recevons ce matin Mme Sarah Durocher, présidente, et Mme Albane Gaillot, chargée de plaidoyer, de la Confédération nationale du planning familial, afin d'aborder les conditions d'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Elle s'inscrit dans le cadre de la mission d'information que notre commission a lancée juste après l'adoption par le Parlement réuni en Congrès du projet de loi constitutionnelle relative à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Il s'agit de voir, au-delà de l'affirmation des principes, quelles sont les conditions concrètes d'accès à l'IVG aujourd'hui en France.

Nos rapporteurs Alain Milon, Brigitte Devésa et Cathy Apourceau-Poly ont déjà commencé leurs travaux, mais cette audition plénière permettra à l'ensemble des membres de la commission d'y participer.

Mesdames Durocher et Gaillot, je vais vous donner la parole pour un propos liminaire au cours duquel vous pourrez nous donner la vision de la Confédération nationale du planning familial sur ce sujet et, le cas échéant, sur les évolutions que vous avez pu observer au cours des dernières années. Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger, en commençant par nos trois rapporteurs.

Mme Sarah Durocher, présidente de la Confédération nationale du Planning familial. - Je suis la présidente confédérale du planning familial, et je ne vous cacherai pas mon émotion de revenir au Parlement après le vote sur la constitutionnalisation de l'IVG - nous étions présentes lors du Congrès. Nous sommes très heureuses d'être à nouveau au Sénat pour continuer à parler d'avortement, et très fières de cette victoire.

Le planning familial est une association féministe d'éducation populaire qui a presque 70 ans. Elle dispose de 80 antennes sur l'ensemble de l'Hexagone et dans les départements d'outre-mer. Nous accueillons à peu près 450 000 personnes par an pour répondre à des questions sur la contraception, l'avortement, mais aussi à celles liées aux violences et aux droits des personnes LGBTQIA+. Nous intervenons aussi énormément vers le public, car pousser la porte du planning, ce n'est pas si simple pour toutes et tous : il faut avoir l'information, déjà. Nous menons donc beaucoup d'actions à l'extérieur, ce qu'on appelle l'« aller vers », pour faire en sorte que toutes les personnes aient accès à leurs droits sexuels et reproductifs. Le planning se définit comme un lieu d'accueil inconditionnel, où toutes et tous peuvent venir échanger et obtenir une information. Parmi les publics accueillis, beaucoup de personnes viennent nous voir sur les questions d'avortement, car nous sommes bien identifiés sur ce sujet.

À l'occasion des 40 ans de la loi Veil, le Gouvernement avait mis en place un dispositif d'appel, le numéro vert national IVG Contraception Sexualités, au 0 800 08 11 11. Depuis dix ans, ce numéro est porté par le planning familial, qui reçoit quelque 40 000 appels par an. Grâce au maillage du territoire par les associations départementales, on nous appelle pour demander une information, par exemple trouver un lieu où avorter. Grâce au travail de nos associations, nous disposons d'un annuaire pour orienter les femmes qui sont en demande d'avortement.

Soyons claires : nous avons été très heureuses, pendant les débats sur la constitutionnalisation, de voir une prise de conscience des difficultés d'accès et du manque de moyens, qui ont été nommés à plusieurs reprises. Cela fait des années que nous alertons sur ces difficultés, qui tiennent essentiellement à deux gros obstacles.

D'abord, aujourd'hui en France, quand vous êtes enceinte et que vous tapez sur internet « je suis enceinte, je veux avorter », vous avez une chance sur deux de tomber sur un site anti-choix, anti-droit. Ce n'est pas une question d'opinion, il s'agit simplement de pouvoir obtenir une vraie information concernant ses droits et son accès. Je ne nommerai pas les sites en question, mais nous savons par des témoignages qu'ils existent. Nous savons qu'il y a de la désinformation. Or la première étape importante est que les femmes puissent avoir une bonne information. Je rappelle tout de même que l'avortement concerne une femme sur trois, dans toutes les classes sociales. Certaines femmes viennent au planning à 19 ans, à 20 ans, d'autres à 45 ans... Nous observons une très grande diversité de profils.

Ensuite, la loi de 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, qui prévoyait une éducation à la sexualité, n'est pas appliquée. Le planning familial, avec SOS homophobie et Sidaction, a attaqué l'État l'année dernière pour demander des comptes sur la mise en oeuvre de cette loi. L'éducation à la sexualité comporte la connaissance de son corps, mais doit aussi conduire à savoir comment on se protège d'une grossesse non désirée. Pour nous, le problème, ce n'est pas l'avortement, c'est la grossesse non désirée. L'avortement est une solution à une grossesse qui n'est pas choisie, qui n'est pas voulue, qui n'est pas programmée. Il est essentiel de connaître ses droits, cela fait aussi partie de l'éducation à la sexualité, surtout quand on pense aux combats que les féministes ont menés, avec l'aide de parlementaires aussi.

Ensuite, nous assistons à une multiplication des fermetures de centres d'IVG. En quelques années, 130 d'entre eux auraient fermé. D'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), 20 % des femmes souhaitant avorter sont obligées de se déplacer dans un autre département pour le faire. Souvent, il n'y a que quelques professionnels sur certains territoires. Je sais que vous allez auditionner des associations locales. Elles pourront vous expliciter les difficultés dans leurs propres territoires. Aujourd'hui, un grand nombre de femmes sont obligées de faire parfois 80 kilomètres pour avorter. Or un avortement requiert trois rendez-vous...

D'après la loi française, on devrait avoir le choix entre la méthode par aspiration et la voie médicamenteuse. Depuis quelques années, on constate une hausse de la proportion d'IVG médicamenteuses, qui atteint quasiment 73 %. Vos auditions vous en apprendront peut-être davantage, mais est-ce là réellement le choix des femmes concernées ? Sur certains territoires, les femmes n'ont pas le choix, elles sont obligées d'avorter à douze semaines par voie médicamenteuse. Nous souhaitons que les femmes aient réellement le choix de la méthode, et du lieu : à l'hôpital, dans un centre, auprès d'une sage-femme ou d'un médecin... Par ailleurs, l'avortement doit rester à l'hôpital : nous défendons fermement le service public, qui ne doit pas mettre de côté la santé des femmes.

M. Alain Milon, rapporteur. - Nous avons constaté que, dans certaines cliniques, la pratique de l'IVG avait diminué parce que cet acte médical est sous-rémunéré. Par conséquent, les hôpitaux doivent augmenter leur offre d'IVG, sans avoir les ressources financières suffisantes pour cela.

Hier, en audition, des représentants de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), nous ont indiqué que l'IVG médicamenteuse était principalement faite en libéral et que l'IVG instrumentale devait être faite en milieu hospitalier. Pour eux, c'est une bonne solution. Je constate que vous ne partagez pas cet avis. Pourquoi ?

Existe-t-il une cartographie de l'offre d'IVG ? Celle-ci est-elle suffisante ?

Mme Brigitte Devésa, rapporteure. - Mesdames, je m'associe à tout ce que vous venez de dire. Les auditions nous ont montré qu'il existait une grande disparité sur le territoire, et nous avons trouvé difficile d'entendre que certains départements ne favorisaient pas la pratique de l'IVG dans les centres de santé sexuelle quand les femmes venaient chercher de l'aide en la matière. L'AP-HP, en revanche, nous a paru très bien organisée sur la question.

Dans certains lieux, des anesthésistes refusent la pratique de l'IVG. Est-ce leur liberté de conscience ?

Des tentatives de désinformation visent, en France, à dissuader les femmes de recourir à l'avortement. Pour lutter contre ces manoeuvres, un numéro vert a été mis en place, et vous avez récemment lancé le site d'information « IVG Contraception Sexualités ». Quelle est l'ampleur, en France, de ces tentatives de désinformation ? Ont-elles progressé ces dernières années ? Le dispositif d'information mis en place par l'État et les associations vous semble-t-il suffisant ?

Je terminerai par l'accès au droit. Nous avons le sentiment que toutes les femmes ne savent pas exactement ce qu'il faut faire et comment il faut le faire. Qu'en dites-vous ? De quelle nature - sociale, territoriale, etc. - vous semblent être les inégalités d'accès à l'IVG ?

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Merci pour vos propos, qui comportaient des rappels importants. Nous avons tout de même vu, dans ce pays, 130 centres fermer au cours des quinze dernières années. Ce n'est pas rien. Vous avez mentionné le rapport de la Drees, selon lequel 17 % des femmes souhaitant avoir recours à l'IVG doivent pour cela se rendre dans un autre département.

Ceux et celles qui jouent un rôle primordial auprès de nos jeunes générations - je pense aux médecins scolaires, aux infirmières scolaires, aux assistantes sociales - ne sont pas en nombre suffisant dans les établissements scolaires pour apporter toute la prévention nécessaire. Vous avez récemment co-signé un communiqué de presse dénonçant les attaques contre l'IVG instrumentale et mentionnant le récent décret permettant aux sages-femmes de la pratiquer. Vous y dénoncez le caractère restrictif des conditions fixées par ce texte à une telle pratique, notamment la présence nécessaire de plusieurs médecins. Le ministre de la santé a récemment indiqué qu'il allait revenir sur le décret. Dans quelles mesures et à quelles conditions les sages-femmes pourraient-elles davantage contribuer, selon vous, à l'offre d'IVG dans les territoires ? Leur formation à l'IVG doit-elle être renforcée ?

Mme Sarah Durocher. - Paris est un exemple très spécifique en matière d'IVG. Dans les zones rurales, là où il y a des déserts médicaux, on voit que l'accès à l'avortement est très fragilisé.

La faible valorisation de l'acte est l'une des raisons pour laquelle les médecins le pratiquent moins. Pour les 40 ans de la loi Veil, Marisol Touraine avait lancé un plan d'amélioration de l'accès à l'avortement, qui prévoyait que chaque département compte un centre d'IVG. Comme nous fêterons les 50 ans de la loi Veil en janvier prochain, nous pourrons regarder s'il y a réellement un centre dans chaque département. Clairement, ce n'est pas le cas. Des associations vous en parleront sûrement : certains centres n'ont même pas de secrétariat pour assurer la prise de rendez-vous.

Certaines associations départementales pratiquent des IVG par aspiration. Vous avez, je crois, auditionné le planning familial d'Orléans : c'est l'un des premiers centres à avoir pratiqué des aspirations en dehors de l'hôpital. Au niveau confédéral, nous n'affirmons pas qu'une pratique est meilleure que l'autre - hôpital ou hors hôpital - ; chaque situation est différente. Mais, indépendamment du territoire, les femmes qui souhaitent avorter doivent avoir le choix. Il faut donc réduire les disparités territoriales en la matière.

Nous travaillons, avec le soutien de la Fondation des femmes, à un baromètre qui sera publié le 28 septembre prochain. En effet, quand les agences régionales de santé établissent des cartographies pour analyser les disparités, la société civile et les associations ne sont pas systématiquement associées à ce travail. En conséquence, certaines cartographies sont inexactes, au regard des données que nous, qui orientons concrètement les femmes, disposons.

Vous avez évoqué les anesthésistes. Il faut un bloc opératoire pour pratiquer une aspiration et, parfois, il n'y a pas de place parce que l'hôpital privilégie un acte qui rapporte davantage. Telle est la réalité de terrain !

Les centres de planification et les centres de santé sexuelle relèvent de la compétence des conseils départementaux. Certains s'y investissent, en y consacrant des enveloppes globales comprenant la question de l'avortement. D'autres bloquent le conventionnement pour faire des IVG médicamenteuses. Les 37 centres de santé sexuelle du planning familial ont beau se mobiliser, cela peut bloquer politiquement au niveau du département.

La désinformation a des conséquences importantes sur l'avortement.

Il faut savoir que les femmes parlent très peu, voire pas du tout, du sujet ; il y a une culture du silence sur l'IVG et sur le parcours qu'il implique. Les anti-choix, les anti-droits, eux, sont bien présents. Ils attaquent régulièrement le planning familial : on a dénombré trois attaques en une semaine dans nos antennes pendant le vote de la constitutionnalisation.

Lorsque nous avons instauré le numéro vert, un site a été créé pour le contrer. Nous avons voulu ouvrir un système de dialogue numérique (chat). Nous n'avons pas réussi à le faire financer pendant deux ans. C'est grâce à la Fondation des femmes et à la venue de la Première ministre au planning familial, à la suite des événements aux États-Unis, que nous y sommes parvenues. Mais le financement demeure insuffisant, ce qui est très grave.

Lorsque nous avons ouvert ce chat, il n'a fallu que deux mois aux anti-choix et aux anti-droits pour créer le leur. Il nous a fallu deux ans, il leur a fallu deux mois ! Ils disposent de beaucoup de financements, ils peuvent acheter un grand nombre de domaines sur internet. La mairie de Paris a réussi à faire fermer le site des Survivants, qui est un mouvement anti-choix. Ils ont recréé un site nommé moncorpsmonchoix.org, parce qu'ils avaient acheté le nom de domaine. Il y a une vraie bataille numérique et sur les réseaux.

Qu'ils nous attaquent sur nos positions, ou qu'ils attaquent des parlementaires sur les leurs, c'est une chose. Mais ils vont là où les femmes cherchent des informations, ce qui est plus grave.

Mme Albane Gaillot, chargée de plaidoyer de la Confédération nationale du planning familial. - Tous les jours, nos écoutantes, nos écoutants, les personnes qui tiennent les permanences sur le terrain sont au contact des réalités. Nous avons fait une enquête auprès de nos associations départementales pour comprendre ce qui se passait l'été. C'est évidemment une période où les médecins partent en vacances, c'est bien normal, mais il faut assurer une permanence. Durant l'été, il est plus compliqué d'obtenir un rendez-vous, les délais s'allongent, les interlocuteurs et interlocutrices manquent dans certains départements. La situation est vraiment compliquée.

Selon cette même enquête, le refus de certains médecins à pratiquer l'IVG est aussi un frein. La clause de conscience le leur permet. L'avortement, en France, est encore un acte à part, face auquel certaines femmes sont culpabilisées, infantilisées. Certaines entendent des propos culpabilisants lors des rendez-vous - c'est un peu de leur faute, elles ont loupé leur contraception, elles n'ont pas fait attention... Or il faut savoir que 72 % des femmes qui avortent prennent une contraception. Il ne s'agit pas seulement de jeunes qui seraient complètement écervelés. Toutes les femmes sont concernées, indépendamment de leur âge ou de leur statut.

Il faut donc des moyens pour lutter efficacement, en termes de prévention et d'éducation à la sexualité, mais la loi de 2001 n'est pas appliquée, alors qu'elle serait le meilleur outil pour faire de la prévention, pour expliquer, pour rendre autonomes les femmes et les hommes dans le choix de leur contraception.

Il y a aussi un problème avec la formation des professionnels de santé à la pratique de l'IVG instrumentale. En France, le cursus universitaire, en formation initiale comme continue, est assez faible sur ce point. Nous devons mieux former nos médecins pour démocratiser encore plus cet acte, et pour leur donner envie de le pratiquer.

La loi de 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement prévoyait de faciliter et d'améliorer l'accès des sages-femmes à l'IVG instrumentale, afin d'accroître le nombre de professionnels pouvant pratiquer cet acte. Son esprit est bien de dire que la sage-femme, après formation, aura les compétences pour le faire, au même titre que les médecins et les gynécologues-obstétriciens. Le décret qui a été publié va à l'encontre de cet esprit, puisqu'il prévoit l'encadrement par trois ou quatre médecins, dont un médecin embolisateur. Dans certains hôpitaux, c'est impossible.

Nous avons interpellé maintes fois le ministre, avec d'autres associations et collectifs, et celui-ci s'est engagé à revoir le décret, afin de permettre aux sages-femmes de pratiquer les IVG instrumentales jusqu'à 14 semaines de grossesse, dans les mêmes conditions qu'un médecin généraliste ou un gynécologue-obstétricien, et sans infantiliser ou dévaloriser celles-ci dans leurs fonctions. Ce sont des professionnelles compétentes, formées et volontaires - un test mené pendant plusieurs mois s'est avéré très concluant - et je sais qu'elles sont impatientes de se déployer sur tout le territoire, notamment dans les territoires les plus ruraux, où il n'y a pas forcément de médecin. Ce serait une réelle amélioration !

M. Dominique Théophile. - En Guadeloupe, 21 % des femmes de moins de 45 ans n'utilisent aucune contraception. C'est la deuxième région de France comptant le plus de recours à l'avortement, avec 3 203 IVG réalisées en 2022. La situation est similaire en Guyane, où le taux d'avortement est de 48 pour 1 000 femmes, contre 15 pour la moyenne nationale. Que préconisez-vous en termes de renforcement de la communication et de la prévention locale ? Qu'attendez-vous des autres acteurs pour permettre un meilleur accès à la contraception en Guadeloupe et en Guyane, mais aussi dans les territoires les plus en difficulté sur ce sujet ?

Mme Corinne Imbert. - Merci, mesdames, pour vos interventions. Je m'inquiétais tout à l'heure en vous écoutant, même si j'avais déjà entendu parler de ces sites anti-choix. J'ai fait une recherche sur internet avec les mots « enceinte » et « avortement ». Heureusement, ce qui apparaît en premier, c'est l'IVG instrumentale et l'IVG médicamenteuse, et on trouve d'abord les sites publics comme ameli.fr ou ivg.gouv.fr, puis le site du planning familial. Il faut faire en sorte, en effet, que les sites anti-choix n'apparaissent pas en premier.

Que dites-vous aux jeunes filles qui, aujourd'hui, ne veulent pas assumer la contraception et disent que c'est à leur partenaire de le faire ? C'est un mouvement qui prend de l'ampleur, et la pilule du lendemain deviendrait presque un moyen de contraception... Ces phénomènes entraînent-ils une augmentation du nombre de demandes d'IVG ?

M. Bernard Jomier. - Merci à toutes les deux pour vos explications, et merci aux rapporteurs. Vous avez décrit les différents obstacles compromettant l'accès à l'IVG. Inversement, certains facteurs ont, au cours de la dernière décennie, amélioré l'accès à l'avortement. Je pense, par exemple, à l'émergence de la profession de sage-femme dans la réalisation des IVG. La démographie de cette profession est très dynamique, on en dénombre environ 25 000 en France. La majorité travaille encore à l'hôpital, mais la croissance de leur effectif s'observe surtout en ville. De plus, les techniques ont évolué : l'IVG médicamenteuse est désormais très majoritaire, même si elle n'atteindra jamais les 100 %.

Tous ces éléments pris en compte, diriez-vous que l'accès à l'IVG est plus simple aujourd'hui, qu'il s'est amélioré, ou qu'il s'est dégradé depuis une dizaine d'années ? Vous avez rappelé que la règle sur les IVG instrumentales va changer. De fait, Frédéric Valletoux a été très clair dans ses propos, nous allons vers un développement du rôle des sages-femmes. Ce sont là encore des facteurs positifs... Certaines sages-femmes invoquent-elles la clause de conscience pour refuser la réalisation d'une IVG ?

Mme Sarah Durocher. - Outre-mer, nos associations départementales, notamment en Guadeloupe, nous alertent de manière régulière. Elles ont publié un rapport sur la santé sexuelle des départements d'outre-mer, signalant des difficultés dans ces départements en termes d'offre et de service public de la santé. Pour se rendre dans un centre du planning familial ou dans un centre d'IVG, il faut parfois parcourir de très grandes distances. Nous vous enverrons ce rapport.

Vous avez eu de la chance, madame la sénatrice Imbert, de tomber aujourd'hui sur les sites du Gouvernement. Tant mieux ! Cela dépend toutefois des jours et des mots saisis dans la barre de recherche. Nous regardons régulièrement, et il nous arrive de voir remonter un site anti-choix dans le classement des résultats. Mme Aurore Berger a déclaré vouloir avancer sur ce problème, et nous la rencontrons la semaine prochaine.

Les réseaux sociaux nous inquiètent aussi. La Fondation des femmes a publié un rapport sur la place des anti-choix dans les réseaux sociaux. Nous le savons, ceux-ci sont très mobilisés et disposent de puissants moyens financiers. Si vous tapez « avortement » sur TikTok - je l'ai fait -, vous tomberez sur tous les sites anti-choix et anti-droits. Sur Instagram, même chose, avec en plus de la publicité et du sponsoring.

Nous constatons que, là où il y avait des difficultés d'accès à l'IVG, la situation ne s'est pas améliorée, malgré la volonté politique et les lois adoptées. Certains débats politiques, aussi, ont remis le sujet de l'avortement au coeur de la société. On voit que l'offre de soins se dégrade énormément, et que l'avortement et la santé des femmes figurent parmi les domaines régulièrement sacrifiés. Parfois, même pour un suivi de grossesse, les femmes sont obligées d'aller dans un autre département.

Des combats de parlementaires et de la société civile ont permis une prise en charge complète de l'avortement et de tous les soins qui y sont associés - une échographie est souvent requise, même si ce n'est pas obligatoire. Mais certaines femmes sont obligées de se rendre dans des cabinets privés pour obtenir une datation : imaginez le tarif qui peut leur être demandé en supplément...

Outre les difficultés en matière d'information, les propos culpabilisants sont très nombreux. En France, de nos jours, on continue à faire écouter le battement du coeur ! Malgré les avancées politiques, l'avortement reste, au niveau culturel, un peu à part. Notre défi, auquel nous espérons que vous vous associerez, est de faire en sorte que la parole se libère, que les femmes parlent de l'IVG et du parcours que cela représente. Or une femme qui souhaite avorter sera prête à faire des kilomètres sans se plaindre, sans rien dire. Elle n'osera s'exprimer qu'au planning familial, mais nous ne recevons pas les 220 000 femmes qui avortent.

En Italie, plus de 75 % des médecins invoquent leur clause de conscience. Chez nous, les femmes vont rarement voir leur médecin traitant pour avoir des informations. Certaines passent de médecin en médecin pour trouver celui qui fera l'IVG, car on se sait pas a priori lequel invoque la clause de conscience. D'autres se voient prescrire tout le bilan pour commencer et poursuivre une grossesse, mais on leur refuse l'avortement, voire même une réelle information sur le sujet. L'obligation, c'est d'orienter. Or tous les médecins ne le font pas.

Je pense qu'il existe des sages-femmes invoquant leur clause de conscience, mais nous n'y voyons pas plus clair pour ces professionnelles que pour les médecins.

Mme Albane Gaillot. - La loi de 2022 prévoyait deux mesures supplémentaires.

Un répertoire des professionnels de santé pratiquant les IVG devait être créé. Ce répertoire n'existe toujours pas. Pourtant, ce serait une vraie réponse à la problématique qui vient d'être soulevée. En France, il n'y a aucune obligation de déclarer qu'on est objecteur de conscience, contrairement à la norme en Italie. Une telle obligation faciliterait grandement la vie des femmes et le travail des associations qui les orientent. Les agences régionales de santé, avec lesquels nous sommes en contact, rencontrent des difficultés pour créer ce répertoire.

La loi prévoyait aussi la remise d'un rapport au Parlement, après un an, sur l'accès à l'avortement. C'est très bien que tout le monde se mobilise, mais il faudrait déjà se replonger dans le plan d'amélioration de l'accès à l'IVG qui avait été élaboré : il contenait plusieurs préconisations très intéressantes.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous avons, au Sénat, une certaine culture des rapports... (Sourires.) Vous n'avez pas répondu à la question de Corinne Imbert sur la contraception.

Mme Corinne Imbert. - Je me permets de poser à nouveau ma question. Certaines jeunes filles refusent de prendre toute contraception et font plutôt confiance à leur partenaire, ou considèrent la pilule du lendemain comme une contraception régulière. Quel est le discours du planning familial sur ces postures de plus en plus répandues ?

Mme Sarah Durocher. - Je ne sais pas quantifier cette évolution, mais je vous remercie pour vos observations. L'une des revendications du planning familial est le lancement d'une campagne nationale sur les droits sexuels et reproductifs, sur l'avortement et la contraception. Voilà dix ans qu'il n'y en a pas eu.

Une campagne sur la contraception disait : « La meilleure contraception, c'est celle qu'on choisit. » Encore faut-il pour cela avoir accès à un échantillon des différents contraceptifs ! Tous les moyens de contraception ne sont pas proposés chez le gynécologue ou le médecin. Les femmes doivent avoir accès à l'information

Ce sujet fait d'ailleurs partie de la désinformation : anti-choix et anti-droits attaquent énormément sur la contraception. Un exemple concret est à trouver dans le discours selon lequel les hormones ne seraient pas bonnes pour le corps, construit autour d'informations peu fiables, visant à répandre une forme de panique autour de la contraception, et donc de provoquer des arrêts brutaux de contraceptifs.

Pour nous, au planning familial, la contraception doit être inclusive. Les garçons doivent se sentir concernés et, dans les séances d'éducation à la sexualité, nous constatons qu'ils sont intéressés.

Nous pensons effectivement que la bonne contraception, c'est celle que l'on choisit. C'est pourquoi nous informons sur les différents moyens et n'imposons aucune contraception particulière. Nous décrivons ce qui existe, et indiquons qu'il est possible de changer de moyen de contraception si on le souhaite.

Certaines femmes viennent chercher une contraception d'urgence. Je ne sais pas si elles considèrent cela comme un moyen de contraception ordinaire. En tout cas, c'est une stratégie de réduction du risque de grossesse non désirée retenue par certaines femmes, sur laquelle nous n'avons rien à dire et dont nous n'observons pas un développement particulier.

Il y a de réelles difficultés d'accès à la contraception d'urgence, avec de la désinformation. On entend de tout ! Par exemple, on peut lire que si vous prenez deux contraceptions d'urgence dans le même mois, vous risquez un cancer, ou de ne plus avoir d'enfant. Certains pharmaciens sont des alliés et prennent du temps pour donner l'information ; d'autres peuvent faire beaucoup de désinformation.

D'ailleurs, l'ensemble des moyens de contraception ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. On constate des arrêts de contraceptifs qui fonctionnaient très bien, comme les anneaux vaginaux ou les patchs, qui ne sont pas remboursés. Notre objectif est d'étendre au maximum l'accès à ces méthodes pour toutes et tous. Nous oeuvrons donc, au travers de l'éducation à la sexualité, à faire connaître les droits en termes de contraception ; très peu de femmes, qu'elles soient mineures ou majeures, connaissent leurs droits en la matière.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je souhaite souligner l'effort de l'Éducation nationale en la matière. Une de mes filles est en quatrième : elle y étudie les moyens de contraception de manière adéquate, et je trouve que c'est le bon moment pour le faire.

On constate en 2022 une augmentation du nombre d'IVG réalisées, qui est à son plus haut niveau depuis 1990. La territorialité des chiffres est cruciale, car l'accès à l'IVG ne semble pas compromis en général.

L'étude de la Drees de 2019 montre que les femmes aux revenus les plus modestes ont eu plus souvent recours à l'IVG. Un croisement avec les données fiscales des femmes ayant réalisé une IVG en 2016 mettait également en évidence une corrélation nette avec le niveau de vie. Est-ce toujours vrai aujourd'hui ? Ces chiffres s'expliquent-ils par des difficultés d'accès à la contraception ou par la crainte d'avoir à assurer financièrement la venue d'un enfant ?

Mme Laurence Rossignol. - Corinne Imbert a parlé des sites ministériels sur l'accès à l'IVG. C'est un travail quotidien que j'ai vu faire : il faut que quelqu'un, toute la journée, fasse remonter le référencement des sites gouvernementaux ou de ceux du planning familial.

La loi de 2017 relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse n'a pas donné lieu à des actions judiciaires ou à des condamnations. Elle a tout de même insécurisé certains sites et les a amenés à se méfier. Mais il faut continuellement s'adapter à ces mouvements, qui sont eux-mêmes très souples et très modernes dans l'usage des technologies.

Vous plaidez pour l'éducation à la vie affective et sexuelle. Comment expliquez-vous les difficultés rencontrées depuis vingt ans en la matière, alors que l'État n'y est pas hostile ? Les choses n'avancent pas beaucoup... Voyez-vous des perspectives dans les engagements pris par les nouveaux ministres concernés ?

M. Daniel Chasseing - Vous dites que 20 % des femmes souhaitant une IVG doivent se déplacer dans un autre département. On peut espérer que le nouveau décret du Gouvernement améliorera les choses, puisque les sages-femmes pourront plus facilement pratiquer l'IVG instrumentale. Pour autant, on sait très bien que l'avortement est un acte traumatisant, et un échec de la contraception. Vous avez dit que 70 % des femmes utilisaient un moyen contraceptif. Voilà le gros problème : l'échec de la contraception et de l'information ! Comment améliorer les choses ? Il faut intervenir fréquemment dans les collèges et les lycées, peut-être après la classe de quatrième, en troisième et ensuite, pour informer vraiment sur la contraception et son innocuité, et aussi sur la contraception d'urgence, qui peut maintenant être délivrée par les pharmacies.

Mme Sarah Durocher. - Tous les 28 septembre, nous sommes appelées par les journalistes, que les chiffres soient en augmentation ou en baisse. En fait, le nombre d'IVG est stable depuis des années, en dépit de ces variations haussières ou baissières. Il n'y a donc peut-être pas tant de difficultés d'accès à l'avortement, nous fait-on remarquer... Il faut tout de même savoir qu'une femme qui souhaite avorter est capable de parcourir des kilomètres, ou même de se rendre dans un autre pays si elle a dépassé le délai légal en France. L'idée est vraiment : « Quoi qu'il en soit, j'avorterai. » La question, pour nous, est donc celle des conditions dans lesquelles l'avortement se fait et de la manière dont ce parcours est vécu. C'est à nous de porter ce débat, car les femmes concernées ne prennent pas la parole pour se plaindre.

Pendant le covid-19, le numéro vert national a enregistré une augmentation de 130 % du nombre d'appels, du fait de la fermeture des associations et des difficultés pour se déplacer. Les femmes s'excusaient d'« appeler pour cela ». Or, ce dont on parle, c'est d'une grossesse non souhaitée ! Cela montre bien le caractère tabou du sujet et le travail culturel qui reste à faire.

Éviter les grossesses non désirées requiert de l'éducation et une meilleure information sur la contraception. Mais des avortements, il y en aura toujours, car ils résultent de multiples raisons.

Se pose aussi la question de la responsabilité. On a longtemps considéré que la grossesse concernait uniquement les femmes, qui devaient porter cette charge mentale. Les choses sont en train d'évoluer, et c'est positif !

Pour nous, ce qui est alarmant, ce sont, non pas les fluctuations du nombre d'IVG, mais les difficultés d'accès. Le problème, j'y insiste, c'est la grossesse non désirée, pas l'avortement !

Les femmes les plus pauvres sont en effet celles qui sont les plus éloignées du droit et de l'information, celles qui vivent le plus de grossesses non désirées. Ces chiffres ne nous étonnent pas. Quand on est plus pauvre, se déplacer est aussi plus difficile, par exemple pour se rendre dans une association et avoir accès à la santé.

La France a accueilli le Forum Génération Égalité voilà quelques années. Ce fut l'occasion d'interpeller Emmanuel Macron sur l'éducation à la sexualité. Il nous avait répondu que les choses se feraient, qu'il allait doubler les financements du planning familial et que cela résoudrait le problème. Nous avons donc travaillé avec les services du ministère chargé des droits des femmes pour mesurer combien cela pourrait coûter d'organiser trois séances d'éducation à la sexualité. Rien n'en est sorti : il y a eu une parole politique, mais la vraie volonté politique manque, tout comme le courage d'aller sur ce sujet. Nous avons attaqué l'État, avec SOS homophobie et Sidaction, simplement pour rappeler que la loi est votée depuis vingt ans. Que fait le Gouvernement pour qu'il y ait des séances d'éducation à la sexualité ?

Des rapports montrent que seuls 15 % de jeunes ont eu accès à l'éducation à la sexualité. Souvent, cela se fait à partir de la quatrième. Il faut traiter toutes les questions de stéréotypes, de consentement, de violence... C'est bien qu'il y ait des séances en quatrième et en troisième, mais nous pensons que cela doit être fait beaucoup plus tôt - et la loi le dit aussi. Nous ne souhaitons pas changer celle-ci : elle est assez complète. Nous voulons simplement qu'elle soit appliquée. Sur ce point, nous déplorons un manque de courage et de moyens.

Combien coûte l'éducation à la sexualité aujourd'hui ? Nous ne le savons pas. Nous examinerons les prochains PLF et PLFSS, et nous vous alerterons sûrement, parce qu'il y a vraiment un manque de moyens. On ne peut pas déplorer une hausse de 30 % des infections sexuellement transmissibles (IST) et de la LGBT-phobie, vouloir parler de consentement, d'inceste, et ne rien faire sur ce point.

Nous avons la chance, en France, d'avoir adopté une loi que des féministes réclament dans le monde entier. Il reste à l'appliquer ! Nous avons donc demandé à rencontrer la nouvelle ministre, comme nous avions demandé des rencontres avec les ministres précédents. Nous n'avons jamais été reçues à ce jour, si ce n'est par le cabinet de Gabriel Attal. Nous n'avons jamais rencontré M. Pap Ndiaye, non plus que M. Blanquer. Il est tout de même curieux, pour le planning familial, de ne pas rencontrer le ministre de l'éducation nationale... Nous espérons donc voir Mme Belloubet assez rapidement.

En parallèle, la société civile s'organise. Nous avons présenté au Sénat, en novembre dernier, un Livre blanc de l'éducation à la sexualité, qui est disponible sur notre site, et qui rassemble 46 recommandations formulées par une dizaine d'associations. Nous travaillons aussi avec le syndicat des infirmières scolaires, et sommes en lien avec les parents d'élèves. Mais, encore une fois, les anti-choix et anti-droits sont bien là : des mouvements comme Parents vigilants ou SOS Éducation font de la désinformation sur le travail des associations de terrain et les opposants à l'éducation complète à la sexualité sont bien présents.

Nous, nous fondons notre action sur la loi, sur un travail de longue haleine, un savoir-faire, un agrément ancien avec l'éducation nationale. Cela fonctionne, mais intervenir en quatrième et en terminale, sans rien faire entre les deux, ne suffit pas. Il faut une vraie construction, avec par exemple une heure d'éducation à la sexualité chaque année. Cela a des conséquences, en termes d'informations et de droits, quand on est plus âgé.

Mme Pascale Gruny. - Les parents sont assez absents de votre discours. Vous avez parlé d'un sujet tabou, alors que l'éducation se fait d'abord à la maison. L'accompagnement à la parentalité s'organise dans les communes - le conseil départemental où je siège s'en préoccupe également -, mais je pense que ce sujet n'est pas évoqué dans cet accompagnement.

Je suis d'accord, la quatrième, c'est trop tard. La sexualité arrivant plus tôt, la sixième serait plus adaptée.

Mme Sarah Durocher. - Il existe de nombreux outils, très bien faits, pour aider les parents à aborder la question de la sexualité avec leurs enfants. Mais l'école est un bon lieu pour avoir une information, car tout le monde ne peut pas non plus parler de ce sujet dans sa famille, qui est parfois, aussi, un lieu de violences. C'est donc à ce niveau, à l'école, que l'information sur le consentement et les lieux ressources doit être partagée.

Au niveau de l'éducation nationale, parfois, l'intervention du planning familial ou d'autres associations est bloquée. Nous expliquons notre démarche aux parents, car on observe de nombreuses interrogations sur les propos qui sont tenus aux enfants de quatrième. Nous sommes une association d'éducation populaire. Nous partons de la parole des personnes pour répondre en toute transparence, et nous avons la volonté de travailler avec les parents, qui parfois proposent eux-mêmes l'intervention d'associations. Pour le livre blanc, nous avons d'ailleurs travaillé avec les parents d'élèves et des plaquettes leur sont destinées. Nous ne les oublions pas - les anti-choix non plus, d'ailleurs...

Si vous avez une antenne du planning familial sur votre territoire, n'hésitez pas à vous faire présenter les outils que nous utilisons. Nous sommes très créatifs en la matière !

En tout cas, l'enjeu de l'éducation à la sexualité et de l'accès à l'information nous concerne tous et toutes. Les associations doivent continuer à s'adresser aux personnes concernées, aux parents, mais aussi aux équipes éducatives - pour ces dernières, sans outillage, un signalement n'est pas facile... N'hésitez pas à nous interpeller, nous sommes aussi une ressource pour les parlementaires ; nos antennes sont prêtes à vous accueillir.

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie de ces informations, qui éclaireront et conforteront nos travaux.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 16 octobre 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport d'information de M. Alain Milon, Mmes Brigitte Devésa et Cathy Apourceau-Poly, rapporteurs, sur l'accès à l'IVG.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous allons entendre la communication d'Alain Milon, Brigitte Devésa et Cathy Apourceau-Poly à l'issue des travaux qu'ils ont conduits sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Je vous rappelle que notre commission a lancé cette mission d'information le 6 mars dernier, juste après que le Parlement, réuni en Congrès, a définitivement adopté le projet de loi visant à inscrire dans la Constitution la liberté des femmes de recourir à l'IVG.

Il s'agissait, au-delà des principes proclamés de la manière la plus solennelle, de faire la lumière sur les conditions dans lesquelles les femmes peuvent accéder, sur le territoire, à des professionnels de santé susceptibles de réaliser une IVG.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Le 8 mars dernier, la France est devenue le premier pays au monde à inscrire dans sa Constitution la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Le projet de loi constitutionnelle avait pour objectif affiché de mieux protéger cette liberté d'éventuelles remises en cause législatives, après que la décision prise par la Cour suprême des États-Unis en juin 2022 et les diverses restrictions légales adoptées, depuis, par certains États fédérés américains ont démontré sa fragilité.

Si cette révision a fait l'objet d'importants débats au sein de notre assemblée, nous devrions pouvoir nous accorder sur une affirmation : renforcer son niveau de protection juridique ne suffit pas à assurer l'effectivité d'une liberté. C'est pourquoi notre commission a souhaité s'intéresser aux conditions concrètes dans lesquelles l'IVG est aujourd'hui accessible, dans la diversité de nos territoires, aux femmes qui en font la demande.

À l'issue de nos travaux et compte tenu des données disponibles, nous constatons que l'accès à l'avortement demeure, en France, fragile et inégal. Notre rapport fait état de fortes disparités territoriales dans l'offre d'IVG et souligne les risques attachés aux campagnes de désinformation. Il formule, pour lutter contre ces deux écueils, dix propositions destinées à améliorer, concrètement et à droit constant, l'accès des femmes à cette liberté constitutionnelle.

Commençons par quelques éléments de constat sur les transformations récentes de l'IVG dans notre pays.

Il faut d'abord souligner que le recours à l'IVG a considérablement augmenté, en France, depuis trente ans. Le nombre d'IVG recensées en 2023 s'élève, ainsi, à 243 000, contre 226 000 en 2019. Il ne dépassait, avant l'an 2000, que rarement 210 000. Cette augmentation n'est pas proportionnelle à celle de la population concernée : le taux de recours à l'IVG parmi les femmes de 15 à 49 ans a également augmenté pour s'établir, en 2023, à 17,6 IVG pour 1 000 femmes, contre 15 en 2017 et 13,7 en 2000.

Les taux de recours observés diffèrent sensiblement selon l'âge et le territoire.

L'essentiel de la hausse observée depuis dix ans concerne les femmes âgées de plus de 25 ans. Les taux de recours chez les mineures, à l'inverse, demeurent faibles et inférieurs à ceux que nous connaissions au milieu des années 2000.

Par ailleurs, le taux de recours est sensiblement plus élevé dans les départements et régions d'outre-mer et dans certaines régions hexagonales, en particulier en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Île-de-France, y compris après neutralisation des différences expliquées par les écarts de structure d'âge entre territoires.

Enfin, malgré l'allongement progressif du délai légal de recours - jusqu'à la fin de la douzième semaine de grossesse en 2001, puis jusqu'à la fin de la quatorzième semaine en 2022 -, les IVG enregistrées demeurent concentrées dans les premières semaines de grossesse.

Parmi les IVG réalisées en établissement de santé, 80 % le sont à moins de huit semaines de grossesse. La part des IVG réalisées au-delà de 12 semaines de grossesse, et bénéficiant donc de l'allongement récent du délai légal, n'aurait pas dépassé 2,5 % à 3 % des IVG hospitalières en 2023.

Surtout, les parcours de soins des femmes concernées ont connu des mutations profondes ces dernières années. D'abord, parce que les techniques employées et les professionnels impliqués se sont diversifiés.

En substitution à la méthode instrumentale traditionnelle, l'IVG médicamenteuse s'est, ainsi, progressivement développée ces dernières années. Pratiquée à l'hôpital depuis 1989, elle est autorisée en ville par la loi de 2001 relative à l'IVG. Le délai dans lequel cette technique est accessible a été porté, durant la crise sanitaire puis, de manière pérenne, par la loi de 2022, de la fin de la cinquième semaine à la fin de la septième semaine de grossesse. Grâce à cette ouverture progressive, la part des IVG médicamenteuses dans le total a beaucoup augmenté pour devenir majoritaire : en 2023, elles représentaient 79 % des IVG réalisées, contre 68 % en 2019 et 31 % en 2000.

D'autres évolutions législatives ont facilité le recours à l'IVG. La loi Santé de 2016 a, notamment, permis la réalisation d'IVG médicamenteuses par les sages-femmes, à l'hôpital comme en ambulatoire. Elle a également autorisé la réalisation d'IVG instrumentales en ville, dans les centres de santé, mais cette pratique demeure pour le moment résiduelle. Enfin, la loi de 2022 a permis aux sages-femmes de réaliser, en établissement de santé et après formation, des IVG instrumentales.

Du fait de ces évolutions et parallèlement à la montée en charge de la technique médicamenteuse, la part des hôpitaux dans la réalisation des IVG a fortement diminué. Celle-ci n'a pas, en 2023, dépassé 60 %, alors que les hôpitaux concentraient encore plus de 90 % de l'activité d'IVG en 2008.

Il faut, enfin, rappeler qu'aucun professionnel de santé n'est jamais contraint de réaliser une IVG : une clause de conscience légale les autorise à refuser de le faire, en communiquant à la patiente le nom de professionnels susceptibles de répondre à sa demande. De la même manière, la loi autorise les établissements de santé privés à refuser que des IVG soient pratiquées dans leurs locaux, lorsque d'autres établissements sont en mesure de répondre localement aux besoins.

Aucune donnée ne permet de mesurer la part des professionnels de santé refusant de pratiquer une IVG. Toutefois, un récent sondage publié par le planning familial révèle que 27 % des femmes interrogées ayant eu recours à l'IVG déclarent avoir été confrontées à un refus.

Enfin, le parcours de soins des femmes concernées a progressivement été simplifié ces dernières années. Le délai de réflexion obligatoire entre la première et la deuxième consultation a été supprimé en 2022. Par ailleurs, la réalisation d'IVG médicamenteuses en téléconsultation a été permise et facilitée. La protection de l'anonymat des patientes et la prise en charge financière de l'IVG ont, enfin, été renforcées : depuis 2016, l'IVG et les actes qui y sont associés sont intégralement pris en charge.

M. Alain Milon, rapporteur. - Malgré l'ensemble de ces avancées, de fortes inégalités territoriales demeurent dans l'accès à l'IVG. D'importantes disparités sont observées, d'abord, dans l'offre disponible en ville.

En 2021, ainsi, la part prise par l'activité de ville dans l'offre totale d'IVG s'établissait à 10 % dans les Pays de la Loire, contre 43,5 % en région Sud. Les écarts sont encore plus marqués au niveau départemental.

L'inégale répartition des professionnels de santé libéraux sur le territoire national n'explique que très partiellement ces disparités. Ainsi, parmi les cinq régions présentant le plus faible taux de contribution de la ville, figurent les régions Grand Est, Bretagne et Corse, qui ne sont pas marquées par une densité de professionnels inférieure à la moyenne nationale. Les disparités observées semblent davantage tenir, d'une part, à l'inégale propension des femmes à recourir à l'offre de ville et, d'autre part, à l'inégal engagement des professionnels.

Sur le premier point, il faut observer que l'offre de ville demeure parfois méconnue des patientes, ou que certaines d'entre elles peuvent juger, en particulier dans les zones rurales, que les établissements de santé offrent de meilleures garanties d'anonymat.

Par ailleurs, l'implication des professionnels de santé demeure fortement minoritaire : en 2023, 3 170 professionnels exerçant en ville ont pratiqué au moins une IVG, représentant 14 % des sages-femmes, 19 % des gynécologues et 1,5 % des médecins généralistes libéraux. Plusieurs facteurs sont susceptibles d'expliquer l'engagement mesuré et inégal des professionnels : le faible niveau de tarification associé à cet acte ; les difficultés liées au conventionnement avec un établissement de santé, nécessaire pour pratiquer l'IVG en ville ; les politiques plus ou moins volontaristes portées par les agences régionales de santé (ARS), enfin, en matière de sensibilisation et d'accompagnement des professionnels de santé.

C'est pourquoi le rapport recommande de fixer aux ARS des objectifs de croissance du nombre de professionnels de ville impliqués et de mieux accompagner ces derniers dans les procédures de conventionnement.

L'offre hospitalière, par ailleurs, tend à se concentrer fortement ces dernières années. Le nombre d'établissements de santé ayant réalisé au moins une IVG dans l'année s'établit à 526 en 2021, en diminution de presque 24 % depuis 2005.

Le désengagement du secteur privé est particulièrement spectaculaire : 4,5 % des IVG hospitalières ont été réalisées, en 2023, dans le secteur privé lucratif, contre 39 % en 2001 et 19 % en 2010. Là encore, la faiblesse des tarifs associés à l'IVG est mise en avant parmi les principaux facteurs explicatifs.

Cette concentration éloigne considérablement certaines femmes des établissements susceptibles de répondre à leurs besoins et, parfois, de toute offre d'IVG. Elle résulte souvent, dans le secteur public, de la fermeture de services de gynécologie-obstétrique non compensée par la mise en place de centres périnataux de proximité (CPP). Notre rapport recommande de systématiser l'ouverture de ces centres lorsque l'offre locale apparaît insuffisante pour compenser la fermeture d'un service.

Enfin, l'effet de la concentration de l'offre hospitalière sur l'accès à l'IVG est d'autant plus important que l'ensemble des établissements impliqués ne proposent pas une offre complète. Ainsi, un quart environ des hôpitaux contribuant à l'offre d'IVG ne proposent que l'une des deux techniques et, le plus souvent, que la technique médicamenteuse. Les tensions démographiques touchant les anesthésistes et gynécologues, les difficultés capacitaires en bloc opératoire et les besoins de formation figurent parmi les principaux facteurs explicatifs mis en avant.

De la même manière, une minorité d'établissements seulement semble en mesure de prendre en charge les IVG tardives, au-delà de la douzième semaine de grossesse. Le ministère n'en identifiait, en mai 2023, que 232, soit 44 % environ des structures qui contribuent à l'activité d'IVG. Les besoins de formation sont, là encore, importants.

Cette raréfaction de l'offre a des effets concrets : d'après le sondage publié par le planning familial, 54 % des femmes ayant eu recours à l'IVG déclarent avoir attendu plus de sept jours pour un rendez-vous. C'est pourquoi le rapport invite à renforcer la formation des sages-femmes à la technique instrumentale et, plus largement, à soutenir la formation des équipes hospitalières.

Ces disparités dans l'offre d'IVG alimentent les difficultés d'accès observées localement. Treize ARS déclarent, en 2023, constater des difficultés durables dans certains territoires, et six estiment que certaines zones de leur ressort territorial sont éloignées de plus d'une heure de toute offre d'IVG. Les difficultés de transport associées se révèlent particulièrement problématiques pour les mineurs ou les populations précaires, ainsi que dans les territoires d'outre-mer. Le cas des îles du Sud à la Guadeloupe est parlant : depuis Marie-Galante, l'accès au plateau technique du CHU ne peut se faire que par voie maritime ou aérienne et, d'après le ministère, l'équipe du CPP ne réalise que des IVG jusqu'à cinq semaines de grossesse.

Les données manquent pour objectiver ces difficultés. Le ministère mesure seulement, chaque année, la part des femmes réalisant une IVG dans leur département de résidence. Si celle-ci est supérieure à 80 % au niveau national, elle ne dépasse pas, en revanche 60 % en Seine-Saint-Denis ou en Ardèche. Le rapport propose la mise en place d'indicateurs plus précis et pertinents, tels que la distance entre le lieu de l'IVG et le domicile ou le délai de réalisation, suivis par les ARS.

Par ailleurs, le recueil des événements indésirables graves (EIG) apparaît, de l'aveu du Gouvernement, inégal entre les régions. Le rapport propose de le systématiser et d'y associer, chaque année, une analyse des difficultés d'accès que ces événements révèlent.

Enfin, il faut souligner que l'accès à l'IVG ne recouvre pas seulement la faculté d'interrompre, dans un délai raisonnable, sa grossesse, mais également celle de choisir la méthode d'interruption. La loi dispose, ainsi, que « toute personne doit être informée sur les méthodes abortives et a le droit d'en choisir librement. »

Or l'exercice de ce droit apparaît, en pratique, limité dans certains territoires. Dix ARS font état de zones de leur ressort territorial dans lesquelles une seule technique est proposée et 31 % des femmes ayant avorté affirment ne pas avoir eu le choix de la méthode.

La concentration de l'offre hospitalière d'IVG instrumentale, les difficultés de certains centres de santé ou établissements à proposer une anesthésie générale, le manque d'équipes susceptibles de prendre en charge des IVG tardives et les obstacles rencontrés par les établissements de santé dans la réalisation d'IVG médicamenteuses à domicile par téléconsultation sont autant d'obstacles au libre choix par les femmes des conditions de leur IVG.

En conséquence, le rapport propose d'exiger des ARS l'identification des structures permettant, dans leur ressort territorial, la réalisation d'IVG tardives et un appui renforcé à la formation des professionnels et à l'équipement des établissements dans les territoires qui en sont dépourvus. Il recommande également de faciliter les IVG médicamenteuses en téléconsultation pour les professionnels hospitaliers.

Enfin, pour fixer des pratiques aujourd'hui disparates au-delà de douze semaines de grossesse, le rapport propose de demander à la HAS de mettre à jour ses recommandations de bonnes pratiques pour tenir compte de la récente extension du délai légal.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure. - Notre rapport s'attarde, enfin, sur les enjeux entourant l'information des femmes. Il s'agit d'un sujet crucial, particulièrement pour les publics les plus fragiles. Plusieurs organisations que nous avons auditionnées classent, ainsi, parmi les principaux obstacles à l'accès à l'IVG, la méconnaissance du droit, la barrière de la langue ou l'illettrisme.

Or, en matière d'information, il faut d'abord observer que d'importants progrès ont été accomplis ces dernières années.

Le site ivg.gouv.fr, créé en 2015, met à disposition du grand public une information fiable sur l'IVG, ainsi qu'un annuaire des centres de santé sexuelle. Il a été refondu en 2023, dans l'objectif d'améliorer son référencement pour contrecarrer les stratégies des sites anti-choix. D'après le ministère, le nombre de visites mensuelles a été multiplié par presque huit entre le début de l'année 2023 et le début de l'année 2024, probablement alimenté par les débats relatifs à la constitutionnalisation.

Par ailleurs, un numéro vert national « Sexualités, contraception, IVG » a été mis en place en 2015, et assorti d'un tchat confidentiel depuis 2023.

La loi prévoit, en outre, qu'un dossier-guide doit être remis par le médecin ou la sage-femme à toute femme sollicitant une IVG. Mis à jour au moins une fois par an, celui-ci rappelle les principales dispositions légales et dresse la liste des établissements réalisant des IVG.

Enfin, la loi de 2022 a prévu la mise en place par les ARS d'un répertoire librement accessible recensant, sous réserve de leur accord, les professionnels de santé et les structures pratiquant l'IVG.

Pour autant, de nombreuses difficultés demeurent. D'abord, plusieurs obstacles rencontrés dans la mise en place des nouveaux répertoires nous ont été signalés.

L'identification des professionnels de ville par les ARS n'est pas exhaustive : du fait de la sensibilité de cet acte, des professionnels réalisant des IVG ont indiqué ne pas souhaiter apparaître, et préférer réserver leur activité d'IVG à leur seule patientèle.

Par ailleurs, la mise en place de certains répertoires a pris du retard : au mois de mars 2024, cinq ARS ne disposaient pas encore d'un répertoire opérationnel.

Enfin, certaines ARS signalent des difficultés attachées à l'actualisation régulière de ces annuaires, pourtant indispensable. Elles soulignent qu'elles ne sont que rarement informées des départs à la retraite ou changements d'activité des professionnels de santé impliqués. Afin de faciliter ce suivi et de favoriser l'actualisation des annuaires, notre rapport propose de permettre aux ARS de prendre connaissance des conventions conclues entre les établissements de santé et les professionnels de ville exerçant dans leur ressort territorial.

Plusieurs organisations auditionnées nous ont, par ailleurs, alertés sur l'ampleur et l'audience des publications anti-avortement en ligne, visant à décourager le recours à l'IVG.

De tels discours peuvent avoir un effet important. D'après le sondage récemment publié par le planning familial, 63 % des femmes ayant récemment eu recours à l'IVG mentionnent, parmi les freins à l'accès à l'avortement en France, la peur d'être jugée, et 37 % font état de pressions exercées sur les femmes qui souhaitent avorter.

Un rapport récent de la Fondation des femmes souligne également la virulence des discours anti-avortement. Certaines opérations récentes ont été très médiatisées, telles que la campagne d'autocollants « Et si vous l'aviez laissé vivre ? » apposés sur les Vélib' à Paris. La Fondation souligne la recrudescence des fausses informations et des contenus choquants ou dissuasifs en ligne depuis la récente décision de la Cour suprême américaine.

Le délit d'entrave à l'IVG ne permet qu'imparfaitement de prévenir ce type de désinformation. Si depuis 2017, il vise désormais le fait d'empêcher une femme de pratiquer ou de s'informer sur une IVG par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, le Conseil constitutionnel a toutefois jugé que la seule diffusion d'informations à destination d'un public indéterminé ne peut être regardée comme constitutive de ce délit. Le ministère nous a confirmé qu'aucune condamnation sur le fondement du délit d'entrave n'a été recensée depuis 2014.

En conséquence, la lutte contre la désinformation en ligne doit passer par la diffusion active et fréquente d'informations fiables sur l'IVG. Nous recommandons l'organisation régulière de campagnes de communication, permettant non seulement d'informer sur les modalités d'accès à l'IVG mais également de sensibiliser le grand public au risque de désinformation en ligne.

Vous l'aurez compris, le rapport que nous vous présentons aujourd'hui dresse un bilan mitigé de l'accès à l'IVG dans notre pays. Si les évolutions récentes de la législation ont toutes visé à faciliter l'exercice de cette liberté, force est de constater que les femmes, dans nos territoires, demeurent en pratique confrontées à de multiples obstacles.

Il nous semble que, pour améliorer concrètement l'accès des femmes à l'ensemble des modalités d'avortement, une nouvelle loi est moins nécessaire qu'un effort prononcé visant à mieux accompagner les professionnels de santé, mieux informer les patientes et mieux mesurer, chaque année, l'évolution des difficultés rencontrées.

M. Philippe Mouiller, président. - Je remercie nos rapporteurs pour leur travail de qualité. Le rapport me semble parfaitement bien illustré par le titre retenu :  IVG, une liberté garantie, mais un accès fragile.

Mme Florence Lassarade. - Dans quelle mesure la diminution de l'offre privée en matière d'IVG est-elle liée à la fermeture des maternités privées ? À cette question, j'en ajoute une seconde, quelque peu hors sujet. Pour être entourée de nombreuses jeunes femmes, j'ai l'impression que la contraception hormonale est en désaffection. Qu'en pensez-vous ?

Mme Nadia Sollogoub. - L'accès à l'IVG me tient beaucoup à coeur, y compris dans le sens littéral du terme, c'est-à-dire sur le plan du transport. L'ordre des sages-femmes - je pense que ce problème n'est pas propre à la Nièvre - m'a signalé une difficulté dans le transport des mineures du lieu de vie jusqu'à l'endroit où l'IVG est pratiquée. Pour certaines, il est absolument vital que les parents ne soient pas au courant. Pourrait-on envisager des bons de transport anonymisés pour pouvoir garantir le secret ?

Mme Annick Petrus. - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Je voudrais également évoquer la question de l'accès. Dans certains territoires d'outre-mer - M. Milon a évoqué Marie-Galante, je pense aussi aux Saintes -, l'IVG n'est pas accessible. On pourrait envisager, pour permettre un accès à l'IVG médicamenteuse dans les zones non dotées de professionnels de santé, de passer par la télémédecine. Or, sur les territoires que j'ai évoqués, il n'est pas du tout certain que celle-ci soit une réalité. Si même la télémédecine, qui peut apparaître comme une solution, ne fonctionne pas, il y a véritablement un problème d'accès !

M. Khalifé Khalifé. - À mon tour, je remercie nos collègues pour la qualité de ce travail, qui confirme malheureusement ce que nous avions dénoncé avant le vote de la constitutionnalisation par le Parlement : on a mis la charrue avant les boeufs !

Dans les recommandations, il n'a pas été fait mention du rôle de la protection maternelle et infantile (PMI), en tout cas pour les départements où celle-ci existe. Sachant que certains hôpitaux ont débauché des médecins de PMI pour réaliser des IVG, ne peut-on rendre tout cela un peu plus officiel ?

Mme Silvana Silvani. - Je salue le travail des rapporteurs, notamment pour les données contenues dans le rapport. Il est intéressant de disposer d'éléments factuels sur un sujet, qui, nous le savons, a donné lieu à d'autres types d'arguments. Je trouve tout à fait pertinent, après avoir légiféré pour garantir une liberté, d'en vérifier l'effectivité. À ce propos, on note un certain nombre de freins. Prenons le taux de 27 % de femmes ayant essuyé un refus : je ne remets pas en cause la clause de conscience, mais ce chiffre relativement élevé m'étonne. Cela vient s'ajouter à une liste considérable de freins de nature différente : tarification, conventionnement, équipement, offre, information, ainsi que les contraintes matérielles et géographiques. C'est considérable !

Que des soignants, selon leurs convictions, puissent pratiquer un acte, ou pas, est une chose, mais que les ARS n'établissent pas de répertoire ou ne fassent pas leur travail est complètement anormal. Nous sommes là, clairement, face à une mission de service public non accomplie, ce qui laisse libre cours à toutes les désinformations et dérapages possibles. Sans banaliser l'IVG, si cette liberté est mentionnée dans la Constitution, les ARS n'ont pas à décider de ce qu'elles font ou pas !

Mme Anne Souyris. - Ce rapport est essentiel pour la suite. Quand j'entends le constat selon lequel le nombre d'avortements croît plus rapidement que la démographie - et ce, sans compter les refus opposés -, je m'interroge sur l'éducation à la sexualité dans les collèges et lycées, qui figure normalement dans les programmes. Les établissements scolaires sont des lieux essentiels pour délivrer de l'information sur les méthodes de contraception, mais aussi sur l'avortement, notamment à destination des jeunes filles et jeunes femmes éloignées géographiquement et culturellement de ces questions.

Le nombre très faible d'avortements dans les cliniques à but lucratif soulève chaque fois la même question : au-delà de la clause de conscience stricto sensu, ne faudrait-il pas imposer des cahiers des charges à ces cliniques ?

Mme Laurence Rossignol. - Je remercie l'auteur et les autrices de ce rapport, qui fait le point sur la situation actuelle et contient des observations importantes.

Je pense notamment à la régression très nette en matière de libre choix de la méthode d'IVG. La forte prégnance de la technique médicamenteuse procède, je pense, non pas d'un choix des femmes, mais des propositions qui leur sont faites en fonction du territoire où elles se trouvent. C'est gênant, car l'IVG médicamenteuse n'est pas un acte anodin et suppose un accompagnement sérieux. Je vois trop de jeunes filles et jeunes femmes laissées seules avec leur fausse-couche provoquée.

Je constate, comme le fait le rapport, une absence totale de pilotage du côté du ministère comme des ARS. Quand on demande des chiffres, on ne trouve face à soi que deux pauvres fonctionnaires dans un bureau... Agnès Buzyn, du temps où elle était ministre, s'était engagée à demander aux ARS un relevé des établissements et médecins ayant recours à la clause de conscience ; je n'ai jamais vu une quelconque enquête sur le sujet.

Dans un rapport rejeté par le Sénat - je reviendrai sur les positions arrêtées par notre assemblée sur la question de l'IVG -, j'avais proposé la création d'une agence nationale de la santé sexuelle et reproductive, sur le modèle de l'agence nationale contre le cancer. Mais ce sujet est totalement ignoré par les politiques publiques.

Le rôle des lobbys anti-IVG a été relevé. Peut-être pourrait-on ajouter dans les diverses recommandations la mobilisation des pouvoirs publics face au poids de ces lobbys et à l'impact sur les femmes des informations qu'ils diffusent. De même, il me semble qu'il manque une référence au rôle du planning familial, eu égard au volume des femmes accueillies. Pour certaines, le planning familial est bien souvent le premier recours. Cela mériterait d'être souligné.

Enfin ce rapport, défendu de manière consensuelle par les trois rapporteurs, mentionne tous les progrès réalisés en matière d'accès à l'IVG. Je me réjouis que le Sénat juge positivement des évolutions législatives dont aucune n'a recueilli son appui !

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Oui, madame Sollogoub, il faut garantir l'anonymat des jeunes filles qui demandent un transport. Le point a été évoqué lors des auditions, et il faudra faire quelque chose sur le sujet - peut-être par amendement au moment de l'examen du PLFSS, si tant est que cela relève de ce périmètre.

De mon point de vue, il n'y a effectivement pas de pilotage par l'État depuis de très nombreuses années ; de ce fait, il n'y en a pas non plus de la part des ARS. Les agences nous disent toutes qu'elles travaillent à la mise en place de répertoires, mais certaines n'ont pas été en mesure de les publier dans les délais prévus. Elles mettent également en avant les difficultés à procéder aux recensements.

Enfin, la fermeture de maternités privées a évidemment entraîné la baisse du nombre d'actes réalisés.

M. Alain Milon, rapporteur. - Dans cette étude, nous considérons tout de même qu'une femme demandant l'IVG est une femme en difficulté, une femme qui n'a pas eu d'autres solutions que celle-là. Il faudrait donc avant tout, pour permettre la meilleure information possible, améliorer le système d'éducation, notamment d'éducation sexuelle.

L'absence de pilotage, je la constate à tous les niveaux depuis vingt ans, depuis que je suis sénateur. S'il n'y a pas de pilotage au niveau des ARS, c'est qu'il n'y en a ni au ministère de la santé ni au ministère de l'éducation nationale, et cela est sans doute dû à une absence de volonté politique. Comme je l'ai dit, nous sommes élus par nos concitoyens pour prendre des décisions, qu'elles plaisent ou non. Or nous ne savons plus prendre de décisions depuis de nombreuses années.

Nous constatons effectivement une baisse de l'offre privée, que l'on nous justifie par des éléments essentiellement financiers.

Le sujet de l'accès à l'IVG médicamenteuse par téléconsultation pour certains territoires insulaires doit être mis sur la table. Aujourd'hui, la situation n'est pas idéale. Mais notre rapport n'établit que des constats et des propositions, même si nous espérons, évidemment, que celles-ci soient suivies d'effets.

S'agissant des transports, on ne peut pas implanter des centres d'IVG partout. Il faut donc que les femmes puissent y avoir accès. Dans ce cadre, la difficulté majeure est effectivement le respect de l'anonymat. Nous sommes preneurs de toutes les pistes sur cette question, sachant tout de même que les transports demeurent un poste important de dépenses dans le PLFSS.

Je rejoins M. Khalifé sur son intervention sur les PMI. Malheureusement, notre travail a été perturbé par tous les événements politiques et politiciens qui ont eu lieu depuis le mois de juin et, par manque de temps, nous n'avons pas pu effectuer les déplacements prévus dans deux PMI - des Bouches-du-Rhône et du Pas-de-Calais. Cela étant, la question doit effectivement être examinée.

Le libre choix de la technique d'IVG dépend aussi de la consultation avec le médecin. C'est à lui de conseiller, en fonction de l'état de santé de la femme qui se trouve face à lui.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure. - De nombreux points ont été évoqués. Je pense notamment au décalage constaté entre la constitutionnalisation et la réalité d'une liberté : bon nombre de femmes ne sont pas suffisamment informées pour pouvoir accéder à l'IVG. C'est un sujet crucial pour les plus fragiles.

Vous avez raison, madame Rossignol, il faut poursuivre l'information du public. La lutte contre la désinformation par des campagnes régulières figure dans la proposition n° 10 du rapport. De même, madame Petrus, que la possibilité de téléconsulter en l'absence de solutions dans certains territoires éloignés.

J'ai eu plaisir à travailler sur ce sujet éminemment important. Comme l'a indiqué Alain Milon, nous dressons un constat, mais il est aussi de notre rôle de parlementaire de monter au créneau pour aller plus vite, plus loin, et pour apporter des réponses appropriées à toutes ces femmes.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Auditions

· Agir pour la santé des femmes (ADSF)

Stefania Parigi, présidente

· Fondation des femmes

Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques

Nina Mériguet, chargée de contentieux stratégiques

· Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees)

Catherine Pollak, adjointe au sous-directeur de l'observation de la santé et de l'assurance maladie

Vianney Costemalle, chef du bureau de l'état de santé de la population

· Conseil national de l'ordre des sages-femmes (CNOSF)

Isabelle Derrendinger, présidente

David Meyer, chef de cabinet, conseiller technique

· Association nationale des sages-femmes orthogénistes (ANSFO)

Delphine Giraud, co-présidente

Claire Wolker, co-présidente

· Collège national des sages-femmes de France (CNSF)

Eléonore Bleuzen-Her, présidente

· Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM)

Dr Isabelle Héron, présidente

Dr Héliane Missey Kolb, vice-présidente, présidente du collège de gynécologie médicale de Paris Île-de-France

· Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom)

Dr François Arnault, président

Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section éthique et déontologie

Dr Christine Louis-Vahdat, membre de la section

· Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof)

Dr Bertrand de Rochambeau, président

Dr Pascale Le Pors-Lemoine, vice-présidente

Dr Caroline Sylvestre, cheffe de clinique gynéco-médicale au CHU de Tours

· Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)

Pr Aubert Agostini, président de la commission orthogénie

· Réseau entre la ville et l'hôpital pour l'orthogénie (REVHO)

Dr Sophie Gaudu, présidente, gynécologue-obstétricienne

· Maison des femmes de Saint-Denis

Dr Ghada Hatem, fondatrice, gynécologue-obstétricienne en visio

Dr Tiphaine de Foucher, cheffe de service

· Association nationale des centres d'IVG et de contraception (Ancic)

Chrystel Mathurin Bornat, co-présidente, infirmière

· Planning familial du Loiret

Dr Laurence Wittke, coordinatrice médicale

· Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP)

Catherine Paugam, directrice générale adjointe

Frédéric Batteux, directeur de la stratégie et de la transformation

· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Anne Hegoburu, sous-directrice de la régulation de l'offre de soins

Camille Hallak Zabrocki, cheffe du bureau plateaux techniques et prises en charge hospitalières aiguës

· Direction générale de la santé (DGS)

Dr Patricia Minaya-Flores, adjointe à la sous-directrice santé des populations et prévention des maladies chroniques

Patrick Ambroise, adjoint à la sous-directrice santé des populations et prévention des maladies chroniques

Contributions écrites

· Association Agapa

· Planning familial du Calvados / du Morbihan / du 56 / de l'Ariège (09) / Martinique

· CDOM 45

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES RECOMMANDATIONS

Recommandations

Acteurs concernés

Support

1

Fixer aux ARS des objectifs
de croissance du nombre
de professionnels de ville contribuant à l'offre d'IVG médicamenteuse, favoriser l'accès des professionnels à une formation de qualité et simplifier les procédures de conventionnement.

Gouvernement, ARS

Acte réglementaire, mesure administrative

2

Rendre systématique l'ouverture de centres périnataux de proximité susceptibles de maintenir l'offre hospitalière d'IVG en cas de fermeture de services de gynécologie-obstétrique.

Gouvernement, ARS, établissements
de santé

Mesure administrative

3

Soutenir au niveau régional la formation des sages-femmes et, plus largement, des équipes hospitalières à la technique instrumentale.

Gouvernement, ARS

Mesure administrative

4

Renforcer le suivi de l'accès à l'IVG, par la mise en place d'indicateurs (distance entre le lieu de réalisation et le domicile de la patiente, délai de réalisation, libre choix de la méthode retenue) supervisés par les ARS.

Gouvernement, ARS

Mesure administrative

5

Améliorer le recensement
des événements indésirables graves et analyser les difficultés d'accès qu'ils révèlent.

Gouvernement, ARS

Mesure administrative

6

Exiger des ARS l'identification des structures permettant, dans leur ressort territorial, la réalisation d'IVG tardives et un appui renforcé à la formation des professionnels et à l'équipement des établissements dans les territoires en étant dépourvus.

Gouvernement

Mesure administrative

7

Demander à la HAS de mettre à jour ses recommandations de bonnes pratiques relatives à l'IVG pour tenir compte de la dernière extension du délai légal.

Gouvernement, HAS

Mesure administrative, recommandations de bonnes pratiques

8

Faciliter la réalisation d'IVG médicamenteuses en téléconsultation dans le cadre d'une prise en charge hospitalière.

Gouvernement, établissements
de santé

Mesure administrative

9

Finaliser la mise en place des répertoires régionaux et favoriser leur actualisation en permettant
aux ARS de prendre connaissance des conventions conclues entre
les établissements de santé et les professionnels exerçant en ville.

Gouvernement, établissements
de santé

Acte réglementaire, répertoires régionaux

10

Conduire régulièrement des campagnes de communication grand public sur les modalités d'accès à l'IVG, sensibilisant les patientes au risque de désinformation en ligne.

Gouvernement

Mesure administrative


* 1 Drees, « La hausse des IVG réalisées hors établissement de santé se poursuit en 2023 », septembre 2024, n° 1311. Les données brutes sont, depuis 2016, retranchées des « reprises », correspondant aux épisodes postérieurs du parcours de soins visant l'interruption de la même grossesse.

* 2 Soit le taux observé après neutralisation des écarts de structure d'âge entre territoires, construit par la Drees.

* 3 Drees, « La hausse des IVG réalisées hors établissement de santé se poursuit en 2023 », op. cit.

* 4 Réponses écrites de la direction générale de l'offre de soins et de la direction générale de la santé au questionnaire transmis par les rapporteurs.

* 5 Article 2 de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

* 6 Article 2 de la loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979 relative à l'interruption volontaire de grossesse.

* 7 Article 2 de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

* 8 Article 1 de la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

* 9 Article 3 de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

* 10 Décret n° 2004-636 du 1er juillet 2004 relatif aux conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse hors établissements de santé.

* 11 HAS, recommandation de bonne pratique « Interruption volontaire de grossesse par méthode médicamenteuse - Mise à jour » adoptée par le Collège le 11 mars 2021.

* 12 Article 2 de la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

* 13 Article 71 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

* 14 Article 127 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 15 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 16 Article 2 de la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

* 17 Décret n° 2024-367 du 23 avril 2024 modifiant les conditions d'exercice par les sages-femmes de la pratique des interruptions volontaires de grossesse instrumentales en établissement de santé.

* 18 Décret n° 2023-1194 du 16 décembre 2023 relatif à la pratique des interruptions volontaires de grossesse instrumentales par des sages-femmes en établissement de santé.

* 19 Article L. 2212-8 du code de la santé publique.

* 20 Ibid.

* 21 Article R. 2212-4 du code de la santé publique.

* 22 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 23 Loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

* 24 Arrêté du 7 novembre 2020 modifiant l'arrêté du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 25 Décret n° 2022-212 du 19 février 2022 relatif aux conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse hors établissement de santé.

* 26 Article L. 2212-7 du code de la santé publique.

* 27 Article 63 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 28 Loi n° 82-1172 du 31 décembre 1982 relative à la couverture des frais afférents à l'interruption volontaire de grossesse non thérapeutique et aux modalités de financement de cette mesure.

* 29 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

* 30 Arrêté du 26 février 2016 relatif aux forfaits afférents à l'interruption volontaire de grossesse.

* 31 Parmi les régions PACA, Île-de-France, Guyane, Mayotte et La Réunion, seule PACA présente une telle situation favorable.

* 32 Parmi les régions Pays de la Loire, Centre-Val-de-Loire, Grand-Est, Bretagne et Corse, seules les deux premières présentent une telle situation défavorable.

* 33 Voir infra.

* 34 Réponses écrites de la DGOS et de la DGS au questionnaire transmis par les rapporteurs.

* 35 Instruction n° DGOS/R3/DGS/SP1/2023/122 du 3 août 2023 relative à l'actualisation des missions des dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité.

* 36 Rapport sur l'accès à l'offre d'interruption volontaire de grossesse (IVG), remis par courrier de la Première ministre le 11 septembre 2023.

* 37 Drees, « La hausse des IVG réalisées hors établissement de santé se poursuit en 2023 », septembre 2024, n° 1311.

* 38 Rapport sur l'accès à l'offre d'interruption volontaire de grossesse (IVG), op. cit.

* 39 Réponses écrites de la DGOS et de la DGS au questionnaire transmis par les rapporteurs.

* 40 Ibid.

* 41 Étude Ifop pour le planning familial « L'accès des Françaises à l'avortement. Enquête auprès du grand public et des femmes ayant eu recours à une IVG », juillet 2024.

* 42 Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Île-de-France.

* 43 Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Pays-de-la-Loire, Provence-Alpes-Côte d'Azur, La Réunion, Guadeloupe, Hauts-de-France.

* 44 Bourgogne-France-Comté, Corse, Grand Est, Guyane, Normandie, Centre-Val de Loire.

* 45 Réponses écrites de la DGOS et de la DGS au questionnaire transmis par les rapporteurs. Les ARS concernées sont les suivantes : Auvergne-Rhône-Alpes, Corse, Centre-Val de Loire, Grand Est, Guadeloupe, Guyane.

* 46 Rapport sur l'accès à l'offre d'interruption volontaire de grossesse (IVG), op. cit.

* 47 Article L. 2212-1 du code de la santé publique.

* 48 Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Guadeloupe, Guyane, La Réunion.

* 49 Étude Ifop pour le planning familial, op. cit.

* 50 Réponses écrites du CNGOF au questionnaire transmis par les rapporteurs.

* 51 Ibid.

* 52 Feuille de route stratégie nationale de santé sexuelle 2021-2024, action n° 17.

* 53 Article L. 2212-3 du code de la santé publique.

* 54 Article 4 de la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

* 55 Réponses écrites de la DGOS et de la DGS au questionnaire transmis par les rapporteurs.

* 56 Rapport sur l'accès à l'offre d'interruption volontaire de grossesse (IVG), op. cit.

* 57 Réponses écrites de la Maison des femmes au questionnaire transmis par les rapporteurs.

* 58 Étude Ifop pour le planning familial, op. cit.

* 59 Fondation des femmes, « Mobilisation anti-avortement en France. Quand les réseaux sociaux menacent le droit à l'IVG », janvier 2024.

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