N° 45

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1)
sur l'
accès à l'interruption volontaire de grossesse,

Par M. Alain MILON, Mmes Brigitte DEVÉSA et Cathy APOURCEAU-POLY,

Sénateur et Sénatrices

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Malgré la consécration constitutionnelle du 8 mars 2024, l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en France demeure fragile et inégal.

À l'issue de ses travaux, la commission souligne l'importance d'assurer un accès effectif à l'IVG pour l'ensemble des patientes et dans tous les territoires. Elle formule, pour cela, 10 propositions.

I. LES TRANSFORMATIONS RÉCENTES DU RECOURS À L'IVG

A. UN RECOURS CROISSANT, CONCENTRÉ DANS LES PREMIÈRES SEMAINES

1. Un taux de recours croissant et inégal selon les territoires

Le recours à l'IVG a sensiblement augmenté en France depuis 1990. Le nombre d'IVG recensées en 2023 s'élève, ainsi, à 243 600 contre près de 234 000 en 2022 et 226 000 en 2019. Le taux brut de recours à l'IVG parmi les femmes de 15 à 49 ans a également crû pour s'établir, en 2023, à 17,6 %o, contre 15 %o en 2017 et 13,7 %o en 20001(*). Il s'agit du taux le plus élevé mesuré depuis 1990.

Nombre d'IVG recensées et taux de recours à l'IVG depuis 1990

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

Les taux de recours à l'IVG les plus élevés sont observés chez les femmes majeures ayant entre 20 et 34 ans. S'ils ont augmenté dans chaque tranche d'âge en 2023 comme en 2022, l'essentiel de la hausse observée depuis 10 ans concerne les femmes âgées de plus de 25 ans. Les taux de recours chez les mineures demeurent faibles et inférieurs à ceux connus au milieu des années 2000.

Taux de recours à l'IVG selon l'âge en 1990, 2005, 2015 et 2023 (en %o)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

Les taux de recours à l'IVG, enfin, diffèrent significativement d'un territoire à l'autre. Si l'ensemble des régions hexagonales, les Antilles et La Réunion ont connu une hausse en 2023, le taux de recours global standardisé sur l'âge2(*) demeure sensiblement plus élevé :

- dans les départements et régions d'outre-mer (DROM), où il atteint 31,2 %o, soit près du double de la France hexagonale ;

- parmi les régions hexagonales, en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Île-de-France.

Taux de recours à l'IVG en 2023 selon le territoire pour 1 000 femmes
de 15 à 49 ans

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)

Un taux particulièrement élevé de 46,7 %o est observé en Guyane. D'après la Drees3(*) et le ministère de la santé4(*), celui-ci pourrait s'expliquer par :

- la fréquence des grossesse précoces et une méfiance accrue vis-à-vis de la contraception ;

- la part probable des IVG concernant des femmes non résidentes, pouvant conduire à une surestimation du taux de recours.

2. Malgré l'allongement du délai légal, un recours concentré dans les premières semaines

Le législateur a progressivement facilité l'accès à l'IVG en allongeant le délai dans lequel les patientes peuvent y recourir. La loi Veil de 1975 a d'abord suspendu pour cinq ans l'application des dispositions pénales pour les IVG pratiquées avant la fin de la dixième semaine de grossesse (SG)5(*). Cette suspension a été pérennisée en 19796(*). Le législateur a, par la suite, autorisé le recours à l'IVG jusqu'à la fin de la douzième SG en 20017(*) puis, en 20228(*), jusqu'à la fin de la quatorzième SG, correspondant à la seizième semaine d'aménorrhée (SA).

Malgré ces reports successifs, les IVG demeurent, d'après les données disponibles, majoritairement réalisées dans les premières semaines de grossesse. En effet, si les données de ville ne permettent pas de connaître le terme exact de réalisation de l'IVG, les données hospitalières révèlent en revanche que près de 80 % des IVG réalisées en établissement de santé le sont à moins de 10 SA, soit moins de 8 SG. La Drees estime la part des IVG réalisées au-delà de 14 SA en 2023 et bénéficiant, en conséquence, de l'allongement récent du délai légal, à 2,5 % ou 3 % des IVG hospitalières : 2 % dans l'Hexagone et 4 % dans les Drom.

Répartition des IVG hospitalières selon leur terme (France entière, 2020-2023)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2024)


* 1 Drees, « La hausse des IVG réalisées hors établissement de santé se poursuit en 2023 », septembre 2024, n° 1311. Les données brutes sont, depuis 2016, retranchées des « reprises », correspondant aux épisodes postérieurs du parcours de soins visant l'interruption de la même grossesse.

* 2 Soit le taux observé après neutralisation des écarts de structure d'âge entre territoires, construit par la Drees.

* 3 Drees, « La hausse des IVG réalisées hors établissement de santé se poursuit en 2023 », op. cit.

* 4 Réponses écrites de la direction générale de l'offre de soins et de la direction générale de la santé au questionnaire transmis par les rapporteurs.

* 5 Article 2 de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

* 6 Article 2 de la loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979 relative à l'interruption volontaire de grossesse.

* 7 Article 2 de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

* 8 Article 1 de la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

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