C. ALLER VERS UNE RÉPARATION PLUS PROTECTRICE DE L'INCAPACITÉ PERMANENTE TOUT EN RESTANT FIDÈLE AUX PRINCIPES DE LA BRANCHE

1. Le compromis social historique doit être préservé, ce qui suppose de protéger l'équilibre fragile entre réparation amiable et contentieuse

Afin de préserver le compromis historique, garant d'une réparation rapide, prévisible et adaptée à l'asymétrie de la relation employeur/employé, il importe que l'écart entre la réparation par voie amiable et par voie contentieuse ne soit pas trop important. Le retour sur le caractère dual de la rente acté par la Cour de cassation conduit à une revalorisation de la procédure contentieuse telle qu'une judiciarisation des AT-MP est à craindre.

En outre, réaffirmer la dualité de la rente permettra d'offrir une réparation du déficit fonctionnel permanent par voie amiable, alors que ce poste de préjudice ne peut être indemnisé par le juge qu'en cas de FIE en vertu des arrêts de la Cour. Cette réaffirmation serait bienvenue dans un contexte juridique marqué par la considération accrue accordée au déficit fonctionnel.

La mission estime donc qu'il est nécessaire, comme le demandent les partenaires sociaux, de consacrer législativement la dualité de la rente.

2. Revaloriser significativement les prestations d'incapacité permanente en réaffirmant leur nature duale

La réaffirmation de la dualité de la rente doit s'accompagner d'une revalorisation conséquente des prestations d'incapacité permanente et d'une évolution de leur mode de calcul. Les partenaires sociaux, conscients des besoins, ont abouti à une proposition convaincante en ce sens.

La mission d'information souscrit à l'intention, évoquée par les partenaires sociaux, de moderniser les prestations en créant une « part fonctionnelle » de la rente et de l'indemnité en capital, proportionnelle à un taux d'incapacité fonctionnelle spécifique. Cette part viendrait s'ajouter au montant actuel des prestations, qui deviendrait la « part professionnelle » de l'indemnisation. La mission recommande, en conséquence, de faire dépendre du salaire la part professionnelle de l'indemnité en capital.

Cette réforme doit être avantageuse pour toutes les victimes en procédure amiable, et mobiliser une partie des excédents de la branche. La mission salue le niveau d'investissement ambitieux retenu par les partenaires sociaux, à la hauteur des besoins, avec un doublement des indemnités en capital et un investissement de 60 % supérieur à la proposition du Gouvernement lors du PLFSS pour 2023 concernant les rentes.

La mission d'information recommande également, comme le proposent les partenaires sociaux, de permettre aux assurés présentant un fort taux d'IPP de convertir une partie de leur rente en capital dans la limite d'un plafond, afin d'augmenter l'indemnisation perçue à court terme pour répondre aux besoins immédiats d'adaptation de leur environnement. La rente serait alors réduite pour assurer la neutralité actuarielle de l'opération.

3. Répondre aux enjeux concernant la faute inexcusable de l'employeur

Compte tenu du consensus entourant l'insuffisance de l'indemnisation en FIE, il est essentiel que ces victimes fassent l'objet d'un traitement particulier et soient, en tout état de cause, mieux loties qu'avant le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation.

En revalorisant les rentes, les partenaires sociaux augmenteraient l'indemnisation de long terme des victimes de FIE, qui bénéficieraient de rentes majorées à la fois sur la part professionnelle et sur la part fonctionnelle nouvellement créée.

En vertu du principe de non double indemnisation, la réaffirmation de la dualité de la rente a pour corollaire de sortir le déficit fonctionnel des postes de préjudice indemnisables intégralement et de l'intégrer à la rente : cela implique le passage d'un revenu de court terme, avec un versement en capital unique, à un versement moins important, mais viager.

Les rapporteures estiment donc souhaitable, pour répondre pleinement aux enjeux concernant les victimes de FIE, d'augmenter l'indemnisation de court terme dont ils peuvent bénéficier afin de les rapprocher de leur situation actuelle.

Pour ce faire, les rapporteures appellent à compléter la solution des partenaires sociaux en permettant à toutes les victimes de FIE de capitaliser, sur option, une partie de leur rente. Le montant ouvert à capitalisation pourrait atteindre, pour ces seules victimes, près de 70 000 euros.

Les rapporteures appellent enfin à clarifier le droit en déterminant, sans équivoque et en associant les associations de victimes, l'ensemble des postes de préjudice pouvant faire l'objet d'une indemnisation intégrale en FIE.

4. Renforcer l'aide humaine au bénéfice des victimes d'AT-MP

Lorsqu'un sinistre rend une victime d'AT-MP présentant un taux d'IPP de 80 % ou plus incapable de réaliser seule certains actes ordinaires de la vie, la branche AT-MP verse une majoration forfaitaire à la rente visant à financer le besoin d'aide humaine : la prestation complémentaire pour recours à tierce personne (PCRTP). La conditionnalité de cette majoration à un taux d'incapacité minimal semblant superfétatoire en ce que l'incapacité à réaliser seul certains actes de la vie implique en tant que telle un besoin d'aide humaine, les rapporteures appellent à la supprimer.

Le caractère forfaitaire de cette majoration pose également problème : elle peut générer un reste à charge considérable, en particulier lorsque les besoins sont forts - la Fnath estime que la majoration permet la prise en charge d'au plus trois heures d'aide humaine par jour.

Pour pallier cela, les rapporteures souhaitent que l'architecture de la PCRTP soit rapprochée de celle de la prestation pour compensation du handicap (PCH), qui colle mieux aux besoins des assurés puisque ceux-ci sont indemnisés à proportion des heures d'aide humaine qui leur ont effectivement été apportées.

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