B. METTRE FIN À LA LOGIQUE DE L'ESCALIER ET FACILITER L'ACCÈS AU LOGEMENT POUR SORTIR DE L'EMBOLIE

Les rapporteures s'accordent sur le constat que l'hébergement ne peut constituer qu'une solution imparfaite : d'ailleurs, la quasi-totalité des personnes sans domicile interrogées souhaite en première intention accéder à un logement.

Pourtant, pour reprendre l'expression de la chercheure Marie Loison-Leruste, entendue91(*) par la délégation, « la logique de la prise en charge est celle de l'escalier : on monte progressivement les marches de la rue au logement, avec tous les plafonds de verre qui s'imposent aux femmes comme aux hommes », en passant par l'hébergement d'urgence, puis le logement intermédiaire, avant de se voir, éventuellement, proposer un logement social.

Entendue92(*) par la délégation, l'ancienne ministre du logement, aujourd'hui présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Emmanuelle Cosse, a reconnu la persistance de cette logique de l'escalier s'agissant de la prise en charge des personnes à la rue : « pour accéder à un logement, les personnes doivent souvent passer par plusieurs étapes en faisant leurs preuves dans chaque dispositif : de la rue à un CHU, puis à un CHRS plus stabilisé, etc. Cette approche progressive, bien qu'elle vise à structurer l'aide, complexifie et rallonge le parcours des plus précaires vers un logement stable ».

Si cette logique d'une prise en charge par étape peut s'expliquer par le fait que certaines personnes ont besoin d'un long processus de prise en charge pour tenir compte et soigner certaines addictions par exemple, pour beaucoup de personnes à la rue, cette logique peut s'avérer délétère. Emmanuelle Cosse indiquait ainsi à la délégation avoir « rencontré des personnes à la rue à la suite de crises graves qui ont surtout besoin de retrouver rapidement un logement pérenne, avec un éventuel accompagnement. (...) Chaque jour passé à la rue entraîne une détérioration totale pour la personne. Pour une femme, s'y ajoute un risque accru de subir des violences et d'être exploitée ».

L'accès au logement est alors considéré comme le premier outil de protection des personnes à la rue, en particulier des femmes, plus exposées aux violences de la rue.

Le plan gouvernemental Logement d'abord, initié en 2017, était censé mettre fin à cette logique de l'escalier, mais la crise actuelle du logement, à l'origine d'une embolie du système à tous les échelons, limite de fait les ambitions affichées.

Les problématiques de l'hébergement d'urgence et du logement sont en effet intrinsèquement liées : l'embolie de l'hébergement d'urgence s'explique notamment par la crise du logement en aval, rendant quasiment impossible l'accès au logement pour les plus précaires, qui restent bloqués dans l'hébergement d'urgence parfois pendant des années.

En outre, la proportion, au sein des dispositifs d'hébergement d'urgence, de personnes de nationalité étrangère, parmi lesquelles beaucoup de femmes, dont de nombreuses « primo-arrivantes », ne répondant pas aux critères administratifs de régularité du séjour qui leur permettraient de faire une demande de logement social, constitue également un facteur de congestion de l'hébergement d'urgence.

Ces deux facteurs cumulatifs plaident pour une réflexion globale concernant la politique publique en matière d'accès et de maintien dans le logement, notamment pour les femmes en situation de précarité car, comme le rappelait la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), devant la délégation93(*), « les femmes représentent (...) plus de 80 % des travailleurs pauvres et sont celles qui sont les plus en situation de temps partiel, ce qui rend l'accès au logement plus complexe ».

Ainsi que le formulait également la directrice générale de la FAS, Nathalie Latour, « nous devons mettre en place une politique beaucoup plus volontariste sur la question du logement. Sans elle, nous ne nous en sortirons pas. Nous sommes totalement bloqués à l'entrée et à la sortie ».

1. Un constat unanime : l'insuffisante fluidité de l'hébergement vers le logement pour de multiples raisons
a) Des difficultés d'accès au logement pour les publics précaires et un allongement notable des délais d'attribution

Lors de son audition94(*) par la délégation, le préfet de la région Île-de-France, Marc Guillaume, a fait part aux rapporteures du constat de l'insuffisante fluidité du dispositif de l'hébergement d'urgence vers le logement qui entraîne une saturation du parc d'hébergement. Il a précisé que « seule [cette fluidité] permet de maintenir notre capacité d'accueil en amont dans les places d'hébergement ».

La saturation du parc d'hébergement en Île-de-France est due aux difficultés d'accès au logement puisque, comme le rappelait le préfet Marc Guillaume, « à Paris, nous avons une attribution pour dix demandes dans le logement social, avec un délai d'attente très long. Cela tient enfin au profil des personnes hébergées. La majorité d'entre elles ne réunissent pas les conditions de régularité du séjour et, par conséquent, ne peuvent pas accéder au logement. Cette situation a eu d'ailleurs des conséquences considérables sur l'apparition de campements sur la plaque parisienne ».

Tous les interlocuteurs de la délégation ont d'ailleurs alerté les rapporteures sur une véritable dégradation des conditions d'accès à un logement stable notamment s'agissant des femmes en situation de précarité.

Lors de son audition le 14 décembre 2023, le Secours catholique, dont le rapport annuel de 2023 sur l'état de la pauvreté en France pointait une féminisation de la pauvreté et une aggravation de la précarité des femmes, a indiqué aux rapporteures constater une augmentation, depuis dix ans, de la part des personnes en logements précaires, donc instables, et un allongement de la durée passée dans des logements censés être temporaires ou d'urgence : « 29 % des femmes rencontrées n'ont pas de logement stable. Plus inquiétant encore est l'allongement de la durée passée dans ces logements instables : de cinq mois en moyenne en 2012 à un an et demi en 2022. Ils ne sont finalement plus des hébergements d'urgence. Passer un an et demi, en moyenne, dans cette situation, c'est plus que de l'instabilité ».

De même, David Travers, adjoint à la solidarité à la Ville de Rennes et membre de l'association France urbaine, a souligné95(*) le fait que « les délais de réponse pour obtenir un logement social prioritaire ont augmenté de plus de six mois, ce qui bloque les gens dans des solutions d'hébergement d'urgence ».

Pour les rapporteures de la délégation, cette dégradation des conditions d'accès à un logement stable constitue un des facteurs principaux de l'embolie de la chaîne hébergement-logement. Comme le rappelait la Croix-Rouge française devant la délégation le 14 mars 2024, « on ne peut pas affirmer avec certitude aujourd'hui combien de places d'hébergement seraient nécessaires si toutes les personnes hébergées et légalement éligibles à l'accès au logement pouvaient y accéder sans délai ».

Les rapporteures estiment que le désengorgement des structures d'hébergement ne sera possible qu'à condition de privilégier l'accès direct au logement et de poursuivre l'ambition, louable, mais encore inaboutie, des deux plans quinquennaux successifs dits du Logement d'abord (2018-2022 et 2023-2027) mis en oeuvre par la Délégation interministérielle à l'accès à l'hébergement et au logement (Dihal), avec pour stratégie la promotion de l'accès et de l'orientation directs vers le logement des personnes sans domicile.

Au total, d'après les chiffres fournis en mai 2024 à la délégation, la Dihal estime à plus de 550 000 le nombre de personnes qui ont accédé, entre janvier 2018 et décembre 2023, au logement depuis la rue ou l'hébergement d'urgence, tous types de logements confondus (logements sociaux, places dans le parc privé en intermédiation locative, places de pensions de famille, etc.).

Estimation du nombre de personnes sans domicile ayant accédé à un logement dans le cadre du dispositif Logement d'abord

Source : Dihal

Malgré ces deux plans pluriannuels consécutifs et la progression du nombre estimé de personnes sans domicile ayant accédé à un logement, la marche à franchir pour passer de la rue au logement est encore parfois trop haute pour les publics les plus précarisés, au premier rang desquels les femmes.

b) Le passage de la rue au logement : un défi considérable

Le passage de la rue au logement constitue un défi considérable, quel que soit le genre de la personne concernée, mais il est encore plus ardu pour les femmes.

Ainsi que l'a précisé Emmanuelle Cosse, présidente de l'USH, lors de son audition par la délégation, plusieurs raisons peuvent expliquer ce constat :

- dans un premier temps, le manque général de logements abordables sur l'ensemble du territoire, à savoir des logements à des loyers accessibles pour les personnes touchant des revenus inférieurs au SMIC. En effet, bien que plus de cinq millions de logements sociaux soient disponibles, 2,6 millions de ménages supplémentaires en sont demandeurs et plus de 50 % d'entre eux touchent des revenus égaux ou inférieurs au SMIC, d'après des données fournies par l'USH. Cette situation s'est aggravée ces dernières années, avec une augmentation exponentielle des demandes de logements sociaux : plus 50 % en dix ans, et plus 20 % ces huit dernières années.

Pour Emmanuelle Cosse, « cette augmentation est générale. Il y a encore sept ou huit ans, nous parlions de zones tendues et de zones détendues. Aujourd'hui, les zones détendues en matière de logements HLM n'existent plus, notamment en raison de la raréfaction des logements locatifs privés abordables, partout. » ;

- en outre, lorsqu'ils sont disponibles, les logements ne sont pas toujours adaptés à la demande des ménages, notamment des femmes. Selon l'USH, la majorité des demandeurs de logements HLM aujourd'hui sont des personnes seules ou avec un enfant. Or le parc de logements sociaux, en grande partie construit avant les années 1970, ne correspond plus aux formes de famille majoritaires d'aujourd'hui puisqu'il se compose d'une majorité de grands logements, mais pas suffisamment de petits logements. Cette configuration explique en partie l'engorgement actuel ;

- enfin, la possibilité de loger les publics les plus fragilisés et marginalisés, notamment les personnes sortant de la rue, se confronte à des difficultés cumulatives.

La première difficulté est celle de la situation administrative des individus qui, pour accéder au logement social, doivent être en règle. Ce frein concerne particulièrement les familles en hébergement : lorsque l'un des adultes n'a pas sa situation administrative réglée, la famille ne peut accéder au logement social. Ces familles restent alors en hébergement.

Une deuxième difficulté relève de la faible capacité financière des publics sortant de la rue ou ayant connu un parcours chaotique. L'instabilité financière des ressources des publics candidats au logement social, a fortiori ceux issus de la rue, constitue un véritable frein à l'accès au logement. Si des loyers très modestes peuvent être proposés par les bailleurs sociaux, dans le cadre notamment du logement très social (prêt locatif aidé d'intégration), les ménages concernés doivent percevoir des revenus proches des minima sociaux, tels que le RSA. Il est également possible d'entrer dans le logement social grâce aux aides telles que l'aide personnalisée au logement (APL). Toutefois, comme l'a rappelé Emmanuelle Cosse devant la délégation, « la réduction en 2017 de cinq euros sur les APL (...), bien que jugée minime par certains, est significative pour un ménage gagnant 560 ou 580 euros par mois. Elle a touché tous les bénéficiaires de l'APL, qu'ils gagnent moins de 500 euros ou 1 600 euros, et son impact est notable. »

Enfin, la présidente de l'USH a estimé que la question des charges locatives, notamment celles liées aux dépenses d'énergie, constitue, pour certaines femmes, un frein à l'attribution de logements sociaux. En effet, la commission d'attribution peut estimer que leurs revenus sont trop faibles pour assumer le coût des charges, ce qui empêche leur accès au logement.

2. Des solutions partagées : relancer la construction de logements sociaux et en faciliter l'accès aux plus précaires
a) Augmenter l'offre de logements sociaux

Les rapporteures s'accordent sur un constat partagé par l'ensemble de ses interlocuteurs : la crise du logement, et en premier lieu, la baisse continue de l'offre de logements sociaux due notamment à l'absence de production suffisante, constitue le principal point de blocage du processus de sortie de rue notamment pour les femmes aujourd'hui sans domicile, souvent mères isolées d'un ou plusieurs enfants, et qui seraient pourtant éligibles à un logement social.

Lors de son audition par la délégation, la présidente de l'USH, Emmanuelle Cosse, a rappelé la baisse continue de la production de logements sociaux depuis 2018 : « la loi de finances de 2018 a ponctionné 800 millions d'euros, puis 1,3 milliard d'euros sur le budget des HLM pour les transférer au budget de l'État, tout en augmentant la TVA sur une partie des logements sociaux. Ces choix ont conduit à une baisse de la production annuelle, qui est passée de 120 000 logements par an en 2016-2017 à seulement 82 000 en 2023. C'est l'un des pires chiffres des quarante dernières années. Nous parvenions par le passé à produire entre 100 000 et 150 000 logements sociaux par an, en sachant que ce n'était pas encore suffisant. Depuis plusieurs années, nous sommes passés sous la barre des 100 000. Les prévisions pour 2024 ne sont guère meilleures. C'est dramatique, compte tenu des besoins croissants. La baisse de production cumulée depuis 2018 nous a déjà fait manquer 140 000 logements sociaux»

Production annuelle de logements sociaux

 
 

en 2016-2017

en 2023

Selon la Dihal96(*), le nombre de demandes actives de logement locatif social était de 2,43 millions au 31 décembre 2022.

Dans certains départements, la pression sur le parc des logements sociaux est particulièrement forte. Emmanuelle Cosse a ainsi indiqué à la délégation que « dans des départements comme la Seine-Saint-Denis, la demande de logements est énorme. Ce département est aussi marqué par des programmes de rénovation urbaine occasionnant beaucoup de démolitions et de reconstructions. Nous stagnons faute d'attributions suffisantes ».

Elle a rappelé que les politiques du logement « étaient basées sur l'idée d'attribuer environ 420 000 à 450 000 logements sociaux par an, ce que nous avons fait dans les meilleurs moments. Actuellement, nous en attribuons moins de 390 000 par an », alors que l'on compte 600 000 demandeurs de logements sociaux en plus depuis 2017.

Cet « effet ciseaux » entre l'effondrement de la production de logements sociaux et l'augmentation continue du nombre de demandeurs de logements sociaux entraîne un blocage du dispositif d'hébergement d'urgence et de prise en charge des publics en errance, notamment les femmes seules et les mères isolées avec enfants.

Dès lors, la solution incontournable avancée par la très grande majorité des interlocuteurs de la délégation pour augmenter l'accès au logement social et sa disponibilité pour les nouveaux entrants est d'abord celle de la construction de davantage de logements sociaux.

Ainsi que l'a rappelé Emmanuelle Cosse, les locataires HLM « sont de plus en plus précaires. Chaque nouvel entrant est généralement plus démuni que celui qui part, une tendance observable également parmi les retraités, de plus en plus nombreux à solliciter un logement HLM à partir de 64 ans. »

La paupérisation croissante des dossiers des nouveaux locataires reflète une fragilité économique plus prononcée parmi ceux qui s'installent aujourd'hui dans les logements sociaux.

La présidente de l'USH a également insisté sur la nécessité d'augmenter l'offre de logements à bas loyers dans le secteur privé qui permettrait d'accroître la disponibilité de logements à loyers abordables pour les publics les plus précaires.

Avant qu'il ne soit rendu caduc par le décret du 9 juin 2024 portant dissolution de l'Assemblée nationale, le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables97(*) avait fait l'objet, le 5 juin 2024, d'un examen par nos collègues de la commission des affaires économiques qui, regrettant la faible portée d'un texte sans vision stratégique et très en deçà des besoins et des attentes face à la gravité de la crise du logement, l'avaient enrichi pour renforcer les prérogatives des maires en matière de logement social, compléter le volet de simplification en matière d'urbanisme, ajouter plusieurs mesures en faveur du logement des travailleurs et encadrer les mesures à l'encontre des locataires du parc social.

Parmi les propositions de la commission des affaires économiques pour accélérer les constructions de logements sociaux, figurait notamment la recommandation d'amplifier la simplification en matière d'urbanisme, en permettant notamment aux différents acteurs de mieux dialoguer en amont afin de réduire les délais d'instruction et les risques de recours. La commission proposait également d'étendre à l'ensemble du territoire les possibilités de dérogation au plan local d'urbanisme (PLU) « à la main du maire » qui ne sont possibles aujourd'hui qu'en zone tendue et de rationaliser les obligations en matière de places de stationnement, un des principaux points de blocage pour les maires dans la production de logements, notamment de logements sociaux.

Ces propositions n'ont toutefois pu être discutées en séance publique faute d'examen du projet de loi précité suite à la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024.

Recommandation n° 5 : Accroître la construction de logements sociaux et simplifier et accélérer les procédures de construction de logements à bas loyers dans le secteur privé.

b) Améliorer l'accès au logement social pour les publics les plus précaires

Si la production de davantage de logements sociaux est une solution de moyen, voire de long, termes, il est nécessaire, au sein du parc HLM existant d'améliorer et d'amplifier l'accès au logement social pour les publics les plus démunis, notamment ceux issus de la rue.

C'est sur ce principe que repose le plan Logement d'abord initié en 2017 avec le déploiement par la Dihal d'un premier plan quinquennal sur la période 2018-2022, suivi d'un deuxième plan qui s'étalera sur la période 2023-2027.

La majorité des acteurs intervenant dans le champ de la prise en charge des personnes à la rue, rencontrés par la délégation, reconnaît le bien-fondé de cette démarche et loue la pertinence de cette politique, inspirée notamment de l'expérience finlandaise du logement d'abord permettant un accès plus rapide, voire direct, au logement des personnes sans abri.

L'accès au logement constitue en effet le traitement le plus efficace et celui qui devrait être prioritairement recherché pour les publics sans domicile, et plus encore pour les femmes seules ou avec enfants, pour qui les violences de la rue sont exacerbées.

Si les résultats du plan Logement d'abord peuvent être considérés comme encourageants, les rapporteures estiment que la dynamique doit être poursuivie et certains obstacles levés afin de parachever une ambition encore inaboutie.

(1) Des résultats encourageants pour le plan Logement d'abord

Entendue par la délégation98(*), Pauline Portefaix de la Fondation Abbé Pierre a reconnu devant les rapporteures que « la politique du logement d'abord menée par le Gouvernement a montré ses preuves et a permis de loger 100 à 120 000 personnes sans domicile ». Elle a toutefois constaté que cette politique n'était pas suffisante face aux 330 000 personnes sans domicile en France et qu'elle serait rapidement à l'arrêt en l'absence d'une offre de logement abordable suffisante.

Le délégué interministériel à l'accès à l'hébergement et au logement, Jérôme d'Harcourt, a également indiqué à la délégation que la stratégie du logement d'abord « porte ses fruits. Elle s'est appuyée sur plusieurs leviers. Le premier levier est celui d'une mobilisation de l'ensemble des acteurs quant à l'attribution de logements sociaux. Les données sur l'attribution de logements sociaux pour les personnes sortant d'hébergement ou à la rue depuis 2017 montrent que leur part dans le total des attributions augmente. Cela explique que, malgré le contexte de baisse globale des attributions et de crise du logement, l'orientation des personnes sans domicile, à la rue et hébergées continue de se maintenir à un bon niveau. C'est le résultat d'une politique de pilotage par les objectifs, avec des objectifs fixés au préfet, déclinés et suivis mensuellement par la Dihal. »

D'après les informations fournies par la Dihal à la délégation, le nombre d'attributions de logements locatifs sociaux aux ménages sans domicile est croissant depuis 2017 (hormis la période de la crise sanitaire) malgré la baisse du nombre total des attributions de ces logements. La part des attributions de logements locatifs sociaux au public sans domicile était de plus de 7 % en 2023 contre moins de 4 % en 2017.

Proportion d'attribution de logements sociaux aux ménages sans domicile

Source : Dihal

Au total, 122 300 attributions de logements sociaux sont comptabilisées pour les ménages sans domicile depuis 2017, soit une hausse de 43 % par rapport à la période 2013-2017.

Si les données fournies par la Dihal ne permettent malheureusement pas d'identifier au sein des chiffres d'attribution de logements sociaux aux ménages sans domiciles ceux qui correspondent à une attribution à des femmes seules ou à des mères isolées avec enfants, les chiffres de logements attribués à un public féminin spécifique, celui des femmes victimes de violences intrafamiliales, sont en revanche disponibles et significatifs.

Ce public est en effet considéré comme prioritaire par les pouvoirs publics dans l'attribution d'un logement social : on sait que les violences conjugales subies par les femmes conduisent souvent à une perte du logement pour les femmes pour qui l'urgence de fuir le danger entraîne un départ du domicile et joue donc en faveur du maintien des hommes violents dans le logement.

D'après les données communiquées par la Dihal à la délégation, le taux d'attribution de logements sociaux aux femmes victimes de violences est en augmentation depuis le Grenelle de lutte contre les violences conjugales de 2017 : sur les cinq dernières années, depuis 2019, environ 10 000 logements par an ont été attribués à des femmes victimes de violences intrafamiliales (VIF), contre une base de départ de 6 000 attributions par an en 2015.

L'accompagnement de ces femmes n'est pas aussi poussé que dans les structures d'hébergement ad hoc où elles font l'objet d'un suivi par des travailleurs sociaux. Mais elles peuvent être suivies dans le cadre des mesures de droit commun et de dispositifs « d'aller vers ».

L'Union sociale pour l'habitat (USH) a également transmis à la délégation des données détaillées relatives aux demandes de logement social par les femmes victimes de violences intrafamiliales rapportées aux attributions de logement social à ces femmes. Emmanuelle Cosse a ainsi précisé, lors de son audition, qu'un travail est mené depuis dix ans pour s'assurer de l'accélération des attributions de logements pour les femmes victimes de violences, en surmontant les obstacles administratifs.

En outre, Catherine Hluszko, cheffe de mission partenariats et innovation de l'USH, a précisé aux rapporteures : « en valeur absolue, le nombre de demandes de femmes victimes de violences a augmenté, tout comme le nombre global de demandes de logements sociaux. En revanche, bien que le nombre total d'attributions de logements sociaux ait tendance à diminuer, les attributions aux femmes victimes de violences ont augmenté. Nous l'expliquons notamment par une meilleure connaissance du critère prioritaire par les personnes qui accompagnent ces femmes dans leurs démarches ».

Ainsi, alors que les femmes victimes de violences représentent 1,7 % des demandes de logement social, elles représentent 2,9 % des attributions.

Les attributions sont certes en augmentation, mais les demandes le sont également et en moyenne c'est aujourd'hui environ une demande sur quatre qui fait l'objet d'une attribution.

Évolution des demandes et des attributions de logement social
pour des femmes victimes de violences

Attributions de logements sociaux

 

Hors mutation

Mutation

Total

 

Femmes victimes de violences

Total

Femmes victimes de violences

Total

Femmes victimes de violences

Total

Part des femmes victimes

2019

7 538

324 495

1 845

127 316

9 383

451 811

2,1 %

2020

8 114

277 064

1 939

108 696

10 053

385 760

2,6 %

2021

8 824

313 349

2 277

123 652

11 101

437 001

2,5 %

2022

8 950

305 522

2 216

114 951

11 166

420 473

2,7 %

2023

9 112

287 266

2 137

104 956

11 249

399 22

2,9 %

Source : Système national d'enregistrement des demandes de logement locatif social (SNE), 2024

(2) Les principes du plan Logement d'abord confrontés au réel

Si la délégation reconnaît que le plan Logement d'abord a constitué un tournant dans la définition de la stratégie de lutte contre le sans-abrisme en France, force est de constater que les résultats obtenus, pour substantiels qu'ils soient, ne sont toujours pas à la hauteur des chiffres du sans-domicilisme dans notre pays aujourd'hui.

Les raisons des limites de ce plan sont connues et ont déjà été évoquées par les rapporteures :

- une crise du logement sans précédent, notamment du logement social, bloquant non seulement l'accès direct à un logement de nombreuses personnes se retrouvant à la rue suite à des ruptures dans leur parcours de vie, mais aussi la sortie des dispositifs d'hébergement d'urgence ou d'hébergement plus pérenne ;

- l'impossibilité pour certains publics de sortir des dispositifs d'hébergement faute de réunir l'ensemble des conditions de régularité du séjour nécessaires pour postuler à un logement.

Lors de son audition devant la délégation, Jérôme d'Harcourt, délégué interministériel à l'accès à l'hébergement et au logement, a ainsi relevé : « la France est probablement le pays européen qui a porté le plus loin cette stratégie de lutte contre le sans-abrisme et pour l'accès au logement direct. Pourquoi cela ne suffit-il pas ? Il y a derrière une question de réponse à l'urgence, mais également la question des conditions de régularité du séjour pour permettre l'accès au logement social. Ce sont autant de facteurs qui ne permettent pas d'être dans un modèle où nous sommes directement projetés dans le logement. Mais l'orientation est bien celle du logement d'abord pour limiter au maximum le parcours en escalier qui est le modèle dont nous revenons ».

Parmi les mesures envisagées par les interlocuteurs de la délégation pour faciliter l'accès au logement social des publics les plus précaires et vulnérables, en particulier les femmes seules ou les mères isolées, figurent notamment :

- établir, parmi les critères d'attribution des logements sociaux, un critère prioritaire assorti d'une pondération plus élevée pour les femmes seules et les mères isolées sans domicile ;

alléger certaines exigences pour permettre l'attribution de logements sociaux notamment s'agissant des modalités de calcul des revenus. Ainsi le calcul des revenus sur l'année N-1, voire N-2, peut s'avérer pénalisant pour les femmes qui viennent de quitter une situation critique et se retrouvent à la rue parfois avec des enfants.

Comme l'a souligné l'USH lors de son audition, « l'établissement de critères prioritaires et leur pondération influencent les attributions. Même s'il existe de nombreux publics prioritaires, cette approche sensibilise les acteurs de l'attribution aux problématiques spécifiques. Ainsi, inclure un critère prioritaire pour les personnes sans abri pourrait également leur offrir de meilleures chances d'accès à un logement social ».

Il existe actuellement quinze critères de priorité pour les attributions de logements sociaux, en plus de trois objectifs et d'un objectif constitutionnel, soit une vingtaine de priorités pour un nombre limité d'attributions. Une meilleure lisibilité et une rationalisation des critères de priorité pourraient être recherchées en y intégrant le public particulièrement vulnérable des femmes à la rue, seules ou avec enfants.

Recommandation n° 6 : Pour l'attribution d'un logement social, établir un critère prioritaire pour les femmes seules et les mères isolées sans domicile, et alléger les exigences liées au calcul des revenus.

c) Des conditions de régularité du séjour qui peuvent constituer un frein à l'accès au logement social

Lors de son audition, le délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement, Jérôme d'Harcourt, a relevé une « tension entre, d'une part, une crise de l'accès au logement et, d'autre part, des situations de régularité au regard du séjour, condition nécessaire pour pouvoir accéder au logement » qui contribuent à la saturation actuelle du système d'hébergement, en introduisant une rigidité dans le processus de sortie du système d'hébergement vers un logement plus pérenne.

Comme l'ont souligné les nombreux interlocuteurs de la délégation, notamment les représentants du secteur associatif en charge de l'accueil et de la prise en charge des personnes sans domicile, l'augmentation et la féminisation des populations exilées en France, depuis une dizaine d'années, mais surtout depuis la fin de la crise sanitaire, exercent une forte pression sur les dispositifs d'accueil des personnes à la rue, en particulier sur les structures d'hébergement.

Ainsi, pour le Secours catholique, auteur en 2023 d'un rapport sur la féminisation de la précarité en France, « la question de la régularisation de la situation administrative des personnes exilées (...) est un frein énorme pour l'accès au logement des femmes étrangères et de leurs enfants ».

Lors de leur déplacement au Foyer-Notre-Dame des OEuvres de la Mie de pain à Paris, les rapporteures ont été alertées par la présidente et les salariés de l'association sur le fait qu'un nombre de plus en plus important de femmes hébergées dans ce foyer disposaient d'un emploi, étaient donc partiellement insérées dans la société grâce à leur travail et disposaient de ressources, certes modiques, mais qu'elles ne pouvaient accéder à un logement en l'absence de régularité du séjour.

Lors de son audition99(*), Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), a indiqué aux rapporteures que « les difficultés d'accès au logement et à l'emploi font partie des éléments qui embolisent notre dispositif. Cela explique sans doute qu'une partie des personnes ayant relevé de l'asile soient prises en charge dans le cadre de l'hébergement d'urgence », soulignant également le fait qu'aujourd'hui, « 60 % des personnes hébergées seraient (...) en situation irrégulière : nous ignorons (...) qui elles sont, quel est leur parcours et depuis combien de temps elles sont présentes sur le territoire », en vertu du principe d'anonymat qui caractérise l'hébergement d'urgence.

Reçu par les rapporteures de la délégation, le président de la métropole de Lyon, Bruno Bernard, a, pour sa part, souligné qu'au sein du public des mères isolées avec enfants de moins de 3 ans, prises en charge et hébergées par la métropole, environ 40 % étaient des personnes en situation d'irrégularité de séjour. En raison de leur situation administrative, il a dès lors indiqué qu'il était impossible de les faire sortir du dispositif d'hébergement d'urgence et ainsi de libérer des places pour d'autres.

Sur ce point, la Croix-Rouge française, entendue par la délégation au cours d'une table ronde le 14 mars 2024, a plaidé pour un « accès facilité à la régularisation de femmes en situation d'exil pour fluidifier la chaîne hébergement-logement, d'autant qu'elles sont exposées à un risque accru de traite des êtres humains du fait de leur situation administrative ».

PAROLES DE FEMMES

Témoignage recueilli par les rapporteures

« Je suis hébergée au centre depuis quatre ans. Je suis secrétaire et j'ai un emploi stable, mais je n'ai pas de logement à cause d'un problème de régularisation de ma situation administrative. » Une femme accueillie au Foyer-Notre-Dame de La Mie de pain (Paris 15e).

3. Une obligation incontournable : accompagner l'accès et le maintien dans le logement
a) Développer de nouvelles solutions de logements adaptés et accompagnés
(1) Des solutions de logements adaptés

Afin de desserrer l'étau de l'accès au parc social, d'autres formes de logements adaptés à un public particulièrement précaire et vulnérable doivent être envisagées.

Plusieurs pistes peuvent être explorées telles que l'intermédiation locative, les baux glissants, les logements intermédiaires, les pensions de famille. Ces diverses formes de logement adapté doivent également permettre de lier accompagnement et logement, alors qu'un accompagnement social n'est aujourd'hui systématique que dans le cadre de l'hébergement.

Lors de son audition par la délégation, le délégué interministériel à l'accès à l'hébergement et au logement a indiqué que le plan Logement d'abord avait permis :

la création de 40 000 nouvelles places dans le parc privé en intermédiation locative, dispositif qui permet de trouver du logement dans le parc privé. Ces 40 000 nouvelles places constituent une augmentation de 118 % par rapport au parc existant en 2017. En outre, fin 2023, 46 000 places supplémentaires avaient été créées par rapport aux données du premier plan quinquennal ;

l'ouverture de 7 200 nouvelles places de pension de famille entre 2017 et 2022, soit une augmentation de 47 % du parc par rapport à fin 2016. Cette augmentation s'est poursuivie durant l'année 2023 avec l'ouverture de 8 400 nouvelles places.

De même, la présidente de l'USH a fait part de nombreuses expériences menées par les bailleurs sociaux montrant « qu'au-delà de l'attribution de logements sociaux pérennes, il existe des partenariats anciens avec des associations pour mettre à disposition des logements sociaux ».

Elle a notamment évoqué la procédure du bail glissant qui permet à la personne suivie par une association d'aide de commencer par être hébergée, avec le loyer pris en charge par l'association, avant de passer à un bail signé directement entre le bailleur et le ménage, permettant ainsi à cette personne de s'installer dans un logement pérenne. Ce modèle de prise en charge peut être particulièrement adapté aux femmes en situation de rue suite à une rupture conjugale et victimes de violences.

Emmanuelle Cosse a ainsi précisé : « en Île-de-France, par exemple, nous avons mis en place en 2008 un partenariat qui a perduré malgré les changements de majorité. La région, en finançant du logement social, dispose de droits de réservation. Quand ces droits ne sont pas exercés pour les agents, les logements sont proposés à des associations comme la FNSF. Ces associations vérifient si une femme suivie peut correspondre aux critères de revenus et géographiques pour occuper ces logements. Depuis 2009, ce partenariat a permis de reloger un nombre croissant de femmes chaque année, offrant ainsi une réelle opportunité de stabilisation à ces femmes. (...) Au-delà de la législation, les partenariats locaux peuvent donc considérablement accélérer les attributions pour les femmes en situation difficile ».

D'après l'USH, le modèle des baux glissants a bien fonctionné, malgré sa complexité. Dans ce cadre, des discussions peuvent aussi être menées concernant l'attribution de logements aux ménages sortant de la rue, ce qui nécessite des partenariats pour mieux répondre aux besoins de ces ménages extrêmement précarisés.

Des expériences sont également menées pour transformer, à terme, des structures d'hébergement en logements plus pérennes tout en conservant un suivi social adapté. Ces initiatives posent toutefois des défis financiers aux bailleurs sociaux. À cet égard, la présidente de l'USH a cité l'exemple d'une expérience menée à Antony, où une résidence sociale a été partiellement transformée en hébergement d'urgence. Pour ce faire, le bailleur a contracté un prêt à long terme avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour produire du logement social, tout en actant que certaines parties du bâtiment serviraient temporairement à l'hébergement d'urgence.

Les enjeux financiers sont ainsi différents qu'il s'agisse de production de logements sociaux ou de prise en charge dans des structures d'hébergement.

Ainsi, en permettant une certaine flexibilité dans l'utilisation des logements sociaux, il est possible d'offrir plus de solutions à long terme pour les personnes en situation de précarité.

Les rapporteures notent également avec intérêts les actions menées par la SNCF, via sa filiale logement (ICF Habitat) et l'association « Patrimoine Résidences Meublées », dite association Parme, en matière d'accompagnement et d'accueil des personnes sans abri, notamment des femmes victimes de violences.

Les actions menées par la filiale logement de la SNCF en matière d'accompagnement et d'accueil des personnes sans abri

La SNCF, via sa filiale logement (ICF Habitat) et l'association « Patrimoine Résidences Meublées », dite association Parme, pratique des opérations de mise à disposition de logements à des publics spécifiques en difficulté, voire en situation d'urgence, au moyen notamment de partenariats avec des associations d'intermédiation locative.

Ces partenariats permettent d'insérer de façon pérenne ces publics en situation de précarité : les associations sont présentes auprès des ménages dès l'entrée dans le logement temporaire, puis tout au long de leur parcours, pour favoriser leur bonne intégration dans la résidence, leur évolution vers un logement pérenne et leur insertion sociale.

De nombreux projets ainsi menés consistent dans la transformation d'anciens bâtiments de la SNCF en places d'hébergement d'urgence. Mais certains projets prévoient également du logement pérenne.

Ainsi, à Besançon, ICF Habitat a mis à disposition un bâtiment de quatre logements pour accueillir des familles de réfugiés ; parallèlement un projet de construction d'une pension de famille sur des fonciers ICF est en cours.

ICF Habitat participe également à des opérations de plus en plus ciblées, par exemple le traitement des copropriétés dégradées ou la création de pensions de famille en Île-de-France ou en province. Ainsi, les quatre entreprises sociales pour l'habitat (ESH) du groupe ICF Habitat mènent de nombreuses actions en la matière via des partenariats associatifs qui ont permis de mieux répondre ces dernières années aux nombreux besoins (accueil de sans-abris, lutte contre la violence faite aux femmes, accueil d'Ukrainiens, accueil des bénéficiaires de la protection internationale...).

En 2011, ICF Habitat La Sablière a réalisé une opération de restructuration de 62 logements dans deux immeubles, rue d'Amsterdam, datant de la fin du XIXème siècle, acquis auprès de la SNCF. Cette opération a abouti à l'ouverture de la pension de famille de Saint-Lazare, comprenant 22 logements de type T1 (18 m2) et T1' (plus de 20 m2) en PLAI (Prêt locatif aidé d'intégration) et 100 m2 d'espaces communs.

En 2023, La Sablière a également livré deux pensions de famille dans les quartiers de gare en Île-de-France (8ème ou 18ème arrondissement).

Des actions spécifiques en faveur des femmes sans abri ou victimes de violences ont également réalisées par l'association Parme et ICF Habitat :

- en lien avec la direction de l'action sociale de la SNCF, l'association Parme a déployé un dispositif de mise à l'abri de salariés victimes de violences conjugales ou intrafamiliales : entre 2021 et 2022 près de 300 situations de violences conjugales ont ainsi été accompagnées ;

- l'association Parme fait le constat qu'il y a peu d'orientation de femmes sans-abris via le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO), cette population est manifestement difficilement identifiée. Via le SIAO, il n'y a quasiment jamais eu de demande en sortie de rue mais uniquement en sortie de structure ;

- s'agissant d'ICF Habitat, plusieurs projets en faveur de l'accès au logement des femmes victimes de violences ont vu le jour :

ICF Habitat Nord-Est a depuis 2021 une convention avec la fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF) en faveur de l'accès au logement social des femmes victimes de violences. Elle vient d'être renouvelée pour 4 ans soit jusqu'en 2027.

ICF Habitat Sud-Est-Méditerranée a mis en place un partenariat, en mars 2024, à Marseille dans le cadre d'une opération de restructuration du quartier de la Grande-Bastide Cazaux (mise à disposition à titre gratuit de dix logements vacants, accompagnement socio-éducatif complet).

Sur le territoire francilien, ICF Habitat La Sablière a signé plusieurs conventions ces dernières années en la matière ou mis en place des partenariats se traduisant par :

- la mise à disposition d'un minimum de 100 logements par an à la FNSF. Ces logements sont proposés aux associations du réseau Solidarité Femmes via une plateforme dédiée afin de faciliter l'accès au logement social des femmes victimes de violences accompagnées et/ou hébergées par ces associations spécialisées ; un plan de formation pour les collaborateurs des organismes HLM pour la compréhension des mécanismes des violences conjugales ;

- l'accès au logement pour les familles monoparentales, hébergées au sein du centre maternel Le Prélude de l'association AVVEJ ;

- une convention de relogement à destination des femmes victimes de violences entre la Commune de Pantin et ICF La Sablière permettant de proposer un logement par an à une femme, avec ou sans enfants, dont la situation de violence est caractérisée a minima par un dépôt de plainte.

(2) L'importance d'un accompagnement jusque dans le logement

De nombreux interlocuteurs rencontrés par la délégation, en audition et plus encore au cours des déplacements des rapporteures, ont souligné l'importance de l'accompagnement des publics logés après un parcours de rue. Cet accompagnement est primordial pour les femmes qui sortent d'un parcours de rue empreint de violences (physiques, psychologiques et sexuelles) et souvent marqué par l'absence de recours aux dispositifs de prise en charge destinés aux populations sans domicile.

La politique du Logement d'abord nécessite donc un accompagnement crucial pour aider le public féminin à accéder et à se maintenir dans son logement, une fois intégré. En effet, sans un soutien continu, elles peuvent se retrouver isolées, passant d'un cadre strict en hébergement à un logement sans suivi.

Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), a ainsi déclaré au cours de son audition par la délégation : « parfois on met un toit sur la tête de ces personnes, de ces femmes, sans penser à leur accompagnement global et à l'accès à l'alimentation. Cette absence de réponse adaptée exerce une pression, y compris sur l'espace public ».

De même, Bénédicte Souben de la Croix-Rouge française a rappelé l'importance d'un accompagnement global et pluridisciplinaire, social, juridique, psychologique et sanitaire, notamment sur les questions de santé mentale, d'addiction ou de maternité, qui doit intervenir dans le logement ou l'hébergement, en fonction des besoins de la personne accueillie, et dans le respect de sa temporalité.

Comme évoqué précédemment, le plan Logement d'abord propose d'accélérer la production de logements sociaux dits accompagnés, en favorisant des projets où les logements, bien que véritables domiciles, incluent un accompagnement social intégré. Il s'agit par exemple de pensions de famille ou de résidences sociales dont le nombre de places apparaît aujourd'hui insuffisant.

Comme les rapporteures ont pu le constater, notamment lors de leur déplacement à Marseille où elles se sont rendues à la Maison relais Claire Lacombe, une pension de famille gérée par l'association Habitat alternatif social (HAS) située en plein coeur de la ville, cette logique du logement accompagné est très efficace et porte ses fruits, y compris pour les profils les plus vulnérables voire marginalisés. Dans ce type de structure, la durée d'occupation du logement est illimitée et l'accueil des pensionnaires permet une réelle prise en charge, humaine et sur le temps long. Si les pensions de famille peuvent sembler « mal nommées » car elles n'accueillent que des personnes isolées, elles constituent à n'en pas douter une nouvelle « famille » pour ce public fragile.

Cécile Suffren, responsable de l'association HAS, regrettait cependant que ce type de structure ne soit pas éligible à des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

La présidente de l'USH a, pour sa part, évoqué devant la délégation un autre exemple de pension de famille, inaugurée au mois de mai 2024, destinée aux personnes présentant des troubles psychiatriques. Au-delà du logement, une prise en charge des soins infirmiers et psychiatriques y est proposée, en lien avec l'hôpital et l'agence régionale de santé (ARS). À cet égard, elle a précisé que « ces personnes, si elles ne sont pas logées dans ces structures, sont à la rue. J'y ai vu un certain nombre de femmes, de manière un peu exceptionnelle ». Elle a toutefois regretté qu'en dépit d'une stratégie visant à créer plus de logements accompagnés, les moyens à destination des bailleurs aient été diminués avec la réduction du loyer de solidarité.

En résidence sociale, où l'accompagnement est moins intensif, mais tout aussi utile, le séjour est limité à deux ans et demi, avec l'objectif de passer ensuite à un logement pérenne. Ces dispositifs s'adressent principalement aux personnes isolées, bien que certaines résidences sociales accueillent des femmes avec enfants. Cela soulève alors la question de la capacité à proposer des logements de plusieurs pièces.

b) Prévenir les expulsions locatives

Si l'accès au logement constitue, on l'a vu, un défi majeur, la question du maintien dans le logement est également primordiale. La perte du logement, on le sait, correspond au début de la précarisation.

Dès lors, la prévention des expulsions locatives doit faire partie des priorités d'une politique publique du logement efficace.

Ainsi que la Délégation interministérielle à l'accès à l'hébergement et au logement (Dihal) l'a précisé aux rapporteures de la délégation, dans le contexte actuel d'inflation et de hausse des coûts de l'énergie, les services de l'État ont pour mission de renforcer leur capacité d'intervention précoce sur les impayés de loyers et de charges afin de prévenir toute hausse du nombre d'expulsions locatives.

Cette prévention est un des objectifs du Pacte des solidarités (2023-2027) présenté au mois de septembre 2023 et a fait l'objet d'un troisième plan interministériel chargé de coordonner et de rendre plus efficaces les règles protectrices des locataires en situation d'impayé tout en préservant les intérêts des bailleurs.

Plusieurs des mesures que contient ce plan sont en voie d'être pérennisées telles que :

- les 26 équipes mobiles de prévention d'expulsion locative créées dans les plus grandes agglomérations pour aller vers les locataires du parc privé en situation d'impayés locatifs inconnus des services sociaux ;

- le renforcement des Commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex) permettant un co-pilotage de cette politique publique avec les collectivités locales, désormais créées dans chaque département.

Par ailleurs, le Pacte des solidarités prévoit de déployer des permanences sociojuridiques concourant à la réduction des expulsions locatives pour impayés de loyer.

Lors de son audition par la délégation, le Dihal a souligné l'importance de cette prévention en expliquant être extrêmement prudent concernant les remises à la rue prématurées ou les situations de rupture : « il s'agit aussi de développer la prévention en amont et de renforcer l'accompagnement social et la veille sociale ».

Si le nombre d'expulsions locatives a diminué en 2020 et 2021 par rapport à 2019, on observe néanmoins une importante accumulation de procédures d'expulsion en attente d'exécution. Il en résulte une hausse à hauteur de 19 500 expulsions enregistrées en 2022 et 21 500 en 2023.

Selon le Dihal, des consignes transmises aux préfets par voie d'instructions ministérielles en 2021, 2022 et 2023 ont permis de limiter le nombre d'expulsions locatives en 2022 et 2023 sans pouvoir toutefois empêcher leur augmentation dans la mesure où ces années supportent le poids additionnel de la résorption des expulsions accumulées durant la crise sanitaire.

La moyenne annuelle du nombre d'expulsions sur la période 2020-2023 se situe à 15 300.

Nombre d'expulsions locatives depuis 2019

15 300 en moyenne annuelle 2020-2023

Note : les chiffres pour 2019, 2020 et 2021 correspondent aux expulsions exécutées avec le concours de la force publique (CFP), ceux pour 2022 et 2023 aux expulsions enregistrées.

Source : Graphique réalisé par la délégation à partir de données de la Dihal

Pour sa part, Emmanuelle Cosse, présidente de l'USH, a souligné devant la délégation le fait que la loi100(*) du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite avait « significativement modifié les processus de prévention des expulsions qui existaient depuis dix ans ». Elle a estimé que cette loi « fragilise les ménages en difficulté ». Cette loi a notamment raccourci le délai dont dispose un locataire pour verser les sommes qui lui sont réclamées après un commandement de payer : précédemment, il avait deux mois pour rembourser sa dette ; désormais, il doit le faire au maximum six semaines après le commandement de payer.

En matière de prévention des expulsions de logements sociaux, deux situations distinctes peuvent être identifiées.

D'une part, les expulsions qui sont liées à des troubles d'occupation : dans ces cas, l'expulsion aura lieu, même dans le logement social, car il s'agit de troubles importants pour l'ensemble des locataires. Cependant, après l'expulsion d'un ménage d'un logement social, il est fréquent qu'un autre bailleur social prenne ce ménage en charge, car ces personnes ne peuvent presque jamais se reloger par elles-mêmes.

D'autre part, les expulsions qui sont liées aux impayés. Toutefois, comme l'a indiqué à la délégation la présidente de l'USH, « aujourd'hui, il est rare d'expulser un ménage pour impayés, car de nombreuses procédures sont mises en oeuvre pour l'éviter. Une fois que la procédure juridique est enclenchée, un dialogue avec le ménage peut être établi. Cependant, il est important de noter que dans le cas des ménages locataires HLM, le bail n'est pas toujours au nom de la personne responsable des dettes ».

De nombreux bailleurs sociaux privilégient aujourd'hui une stratégie proactive d'aller vers. Elle consiste à identifier les locataires fragilisés en surveillant les impayés, même minimes, et à les contacter une à deux fois par an pour discuter de leurs difficultés. Cette approche permet d'anticiper les problèmes avant qu'ils ne deviennent critiques. Toutefois, ce travail de proximité et d'accompagnement des locataires suppose de doter les bailleurs sociaux de moyens importants et des ressources humaines suffisantes pour être efficaces.

Recommandation n° 7 : Donner aux bailleurs sociaux les moyens d'identifier, le plus en amont possible, les locataires les plus fragilisés afin de prévenir les expulsions locatives.

4. Une alternative souhaitable : développer des solutions spécialisées et « sur mesure » pour les publics les plus vulnérables

Dans le cadre du plan Logement d'abord et sur le modèle d'exemples étrangers, notamment ceux de la Finlande, du Canada et des États-Unis101(*), la France a développé le dispositif Un chez-soi d'abord, initié de façon expérimentale dès 2011 dans plusieurs grandes villes de France, dont Paris et Marseille. Ce dispositif propose aux personnes en situation de grande précarité et présentant des troubles psychiques sévères, un accès direct à un logement stable, sans passer obligatoirement par un centre d'hébergement temporaire, et sans condition de traitement ni d'arrêt de leur consommation de substances psychoactives.

Ce dispositif, dont le principe est particulièrement ambitieux, nécessite des moyens financiers et humains importants, car il suppose un accompagnement pluridisciplinaire vers et dans le logement des personnes sans abri, sur un temps long, avec une équipe de professionnels dédiée au suivi de ces personnes. Son financement est assuré par l'assurance maladie pour la partie « Accompagnement » et par l'État pour la partie « Logement ».

Comme l'a rappelé Emmanuelle Cosse, présidente de l'USH, ministre du logement entre 2016 et 2017, ce dispositif vise à prendre en charge globalement la personne, en stabilisant simultanément les soins et le logement : « cette idée était inspirée d'expériences finlandaises. Elle a prouvé son efficacité ».

Dans une note publiée en mars 2020102(*), Pascale Estecahandy, alors coordinatrice nationale du dispositif Un chez-soi d'abord au sein de la Dihal103(*), rappelle les origines de ce programme et ses résultats : il vise à expérimenter une nouvelle modalité de prise en charge des personnes sans abri et postule que les personnes - y compris celles qui sont durablement sans abri - ont des compétences pour accéder dans le logement et s'y maintenir.

Origines et résultats du dispositif Un chez-soi d'abord

L'expérimentation s'est déroulée à Lille, Marseille, Toulouse et Paris, entre 2011 et 2016.

Sur chacun des sites, un établissement de santé mentale, une association ayant une compétence en addictologie et une structure habilitée à la gestion locative adaptée collaborent pour la gestion du programme ; ils créent une équipe dédiée pluridisciplinaire (composée de travailleurs sociaux, d'infirmiers, d'un psychiatre, d'un médecin généraliste, d'un addictologue, de médiateurs de santé pairs et d'un gestionnaire locatif) et captent les logements en s'appuyant sur le dispositif d'intermédiation locative (IML) proposant un bail de sous-location à la personne, l'État apportant notamment aux propriétaires la garantie du paiement des loyers et la remise en état du logement si nécessaire. Chaque équipe accompagne 100 personnes. Dans un bref délai suivant leur intégration dans le programme, celles-ci se voient proposer un logement respectant leur choix de localisation dans la cité.

Le programme peut assurer le financement du loyer en amont de l'ouverture des droits si l'ensemble des démarches ne sont pas finalisées à l'entrée dans le logement. L'accompagnement est intensif avec un ratio d'un professionnel pour dix usagers et assure au moins une visite hebdomadaire au domicile et une permanence téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Le professionnel s'adapte à chacun selon ses besoins et assure le suivi de l'ensemble des domaines de la vie (santé, habitat, emploi, vie sociale et culturelle, citoyenneté...). Accompagnement et logement ne sont pas conditionnés l'un à l'autre, ce qui vise à limiter les ruptures.

Le pilotage national de l'expérimentation est confié à la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) en lien avec les administrations centrales concernées ; le financement est assuré par l'État sur le volet Logement et par l'assurance maladie sur le volet Accompagnement ; la Direction générale de la santé assure le suivi et le financement du volet Recherche.

Sur les quatre sites expérimentaux, 703 personnes ont intégré la recherche à des fins d'évaluation du programme ; parmi elles, 353 personnes ont bénéficié de la stratégie Un chez-soi d'abord et 350 ont constitué le groupe-témoin suivi par l'offre habituelle. Âgés de 38 ans en moyenne, 82 % des bénéficiaires sont des hommes et ils ont passé en moyenne huit ans de leur vie sans domicile personnel et quatre ans et demi sans abri. Tous présentent un trouble psychiatrique sévère (70 % : schizophrénie ; 30 % : bipolarité) et 80 % ont une comorbidité addictive. Les participants ont été logés en 28 jours en moyenne et 85 % d'entre eux sont toujours en logement au bout des deux ans. L'essentiel des logements a été capté dans le parc privé.

La comparaison du groupe suivi par le programme au groupe-témoin montre une amélioration de leur qualité de vie et de leur rétablissement et une réduction des recours inadaptés au système de soins et aux structures de la veille sociale, ceci à un moindre coût pour la puissance publique. Sur le volet sanitaire, l'accompagnement permet une diminution de 50 % des durées d'hospitalisation pour les personnes accompagnées en comparaison à celles suivies par l'offre habituelle.

Ces résultats positifs ont amené à la pérennisation du programme via le décret n° 2016-1940 du 28 décembre 2016 relatif aux dispositifs d'appartements de coordination thérapeutique Un chez-soi d'abord, qui l'inscrit dans la catégorie des services médico-sociaux au sens de l'article L. 312-1 du Code de l'action sociale et des familles. Ce décret reconnaît le logement comme déterminant structurel de la santé et inscrit l'accompagnement dans une logique de parcours a priori sans poser de limite de temps à la prise en charge. Il valide l'intégration de médiateurs de santé pairs dans les équipes professionnelles.

Un bilan de l'activité des sites est présenté annuellement au comité de suivi national.

Sur les deux premières années, les résultats sont positifs avec une intégration de 99 % de l'effectif attendu (soit 566 personnes en 2019). Le taux de maintien dans le logement est de 87 % sur l'année 2019, et l'accès au logement est effectif en moins de huit semaines (28 % : parc social ; 72 % : parc privé).

Sur le plan qualitatif, la mise en oeuvre d'un dispositif favorise un décloisonnement global des acteurs du logement, de la santé et du social sur le territoire au-delà même du dispositif ; mais si l'accès au logement est rapide, la personne est sous-locataire. L'accès à un bail direct qui lui permettra d'être totalement autonome est problématique, car les propriétaires appréhendent de transformer le bail. Pour autant, des conventions avec les bailleurs sociaux ont été signées sur plusieurs sites afin de favoriser les coopérations. Enfin, il est important et urgent de diffuser largement les méthodes d'accompagnement de ces équipes, sans lesquelles les soins orientés vers le rétablissement risquent de devenir une simple injonction laissant une proportion non négligeable des patients dans une impasse.

Pour autant, les locataires restent pour la quasi-totalité d'entre eux sous le seuil de pauvreté et certains ont des difficultés à affronter les contraintes d'une citoyenneté ordinaire, en particulier l'accès à l'emploi ou les questions de solitude. Le dispositif Un chez-soi d'abord n'est pas une solution unique : il ne peut trouver sa place que dans une offre multiple.

Source : « Un chez-soi d'abord : accompagner les personnes sans abri vers et dans leur logement », Pascale Estecahandy, La santé en action - n° 451 - mars 2020

Lors de leur déplacement à Marseille les 28 et 29 mars 2024, les rapporteures ont rencontré les équipes de l'AP-HM en charge de la mise en oeuvre du dispositif Un chez-soi d'abord, notamment la psychiatre Aurélie Tinland, responsable du programme.

Un chez-soi d'abord : l'expérience marseillaise

La ville de Marseille est l'une des premières villes françaises à avoir expérimenté ce programme, dès 2011, aux côtés de Lille, Paris et Toulouse. À Marseille, 200 places ont été ouvertes dans le cadre de ce programme suite au lancement de l'expérimentation. Le dispositif accueille des personnes en errance souffrant de troubles psychiatres sévères disposant de droits ouvrables, donc en situation régulière sur le territoire.

Lors de leur déplacement, il a été indiqué aux rapporteures qu'en 2024, 171 logements étaient concernés sur Marseille dont une quarantaine aujourd'hui en « vacance technique » et que le programme incluait 26 % de femmes. Les équipes de l'AP-HM ont également précisé aux rapporteures qu'aucune inclusion dans le programme n'était possible pour le moment et qu'aucune place ne serait disponible avant un délai de quatre mois.

Les équipes ont également insisté sur les difficultés liées à la crise du logement avec une nette augmentation des loyers à Marseille ainsi que la faible disponibilité de petits logements et de logements adaptés à l'accueil de ce public vulnérable.

S'agissant du public accueilli dans le cadre du programme, il a été rappelé qu'il s'agissait en majorité de personnes très vulnérables souffrant souvent d'addictions et qu'elles pouvaient rapidement être « envahies » dans leur logement, parfois transformé en lieu de consommation. D'où l'importance d'un accompagnement très resserré et d'un suivi très régulier des personnes ayant intégré ce dispositif.

Enfin, l'existence d'une corrélation entre la qualité de l'appartement et la santé mentale de ses occupants a été soulignée, rappelant que le programme pouvait aussi rencontrer des échecs, car une incertitude demeure sur les résultats du logement en première intention en fonction de la personne accueillie.

À Paris et en région parisienne, le dispositif Un chez-soi d'abord se développe également, comme l'a rappelé Luc Ginot, directeur de la santé publique de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, avec une centaine de places à Paris et bientôt une centaine d'autres dans les Hauts-de-Seine et en Seine-Saint-Denis. Il accueille actuellement 21 % de femmes et « fonctionne très bien pour de grands SDF souffrant de pathologies mentales, lorsqu'ils sont à la rue depuis longtemps, mais qu'ils ont des droits ouverts ».

Outre le programme Un chez-soi d'abord, un dispositif intéressant, mis en place par la ville de Paris, nommé Louer solidaire et sans risque, a été présenté à la délégation par Léa Filoche, adjointe à la maire de Paris en charge des solidarités, de l'hébergement d'urgence et de la protection des réfugiés, de la lutte contre les inégalités et contre l'exclusion.

Ce programme s'adresse aux propriétaires de logements à Paris et concerne actuellement 1 200 logements, ce qui n'est pas suffisant au vu des besoins dans la capitale. Comme l'a indiqué Léa Filoche au cours de son audition, ce dispositif, au montage complexe, « implique des structures associatives que [la ville de Paris mandate] pour prendre en charge les personnes à l'intérieur des logements, notamment celles ayant des difficultés psychiatriques », dont 60 % sont des femmes. Certains logements font également l'objet d'une gestion directe par la ville de Paris. Comme pour l'attribution de logements sociaux, une commission statue sur les bénéficiaires. Toutefois les temps d'attente sont très longs au regard des capacités disponibles.

Recommandation n° 8 : Renforcer les moyens des programmes spécialisés d'accès direct au logement pour les publics les plus vulnérables, sur le modèle du dispositif Un chez-soi d'abord.


* 91 Audition du 4 avril 2024.

* 92 Audition du 30 mai 2024.

* 93 Audition du 14 mars 2024.

* 94 Audition du 11 avril 2024.

* 95 Audition du 6 juin 2024.

* 96 Réponses de la Dihal au questionnaire des rapporteures.

* 97  https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl23-573.html

* 98 Audition du 14 mars 2024.

* 99 Audition du 13 juin 2024.

* 100  Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite

* 101 Stratégie Housing first qui prévoit à la fois le maintien dans le logement et l'engagement libre des personnes dans une prise en charge médico-sociale.

* 102  https://www.santepubliquefrance.fr/docs/un-chez-soi-d-abord-accompagner-les-personnes-sans-abri-vers-et-dans-leur-logement

* 103 Elle a été remplacée en janvier 2024 par Raphaël Bouloudnine.

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