B. METTRE À LA DISPOSITION DES EHPAD DES MOYENS D'INGÉNIERIE
Compte tenu des ressources contraintes dont ils disposent, les Ehpad ne possèdent pas toujours des moyens d'ingénierie à la hauteur de la complexité des chantiers de modernisation auxquels ils font face.
Pour y remédier, certaines collectivités territoriales ont pris des initiatives afin d'aider les établissements à réaliser leurs projets. Ainsi, le département de la Mayenne a créé une agence d'ingénierie afin d'accompagner la modernisation des Ehpad. Pour les Départements de France, la diffusion de ce modèle serait utile afin de mettre des compétences techniques à la disposition des petits Ehpad.
En matière de transformation des Ehpad, l'Anap relève notamment des faiblesses en matière de maîtrise d'ouvrage. Dans le cadre de la mission nationale d'appui à l'investissement médico-social (MNAI), il apparaît qu'une opération sur deux doit être recalculée car le principe de la TVA à taux réduit pour les livraisons et les livraisons à soi-même de locaux d'établissements d'hébergement pour personnes âgées n'est pas maîtrisé192(*).
Il pourrait donc être envisagé de mettre en place au niveau national une maîtrise d'ouvrage déléguée pour les travaux de transformation des Ehpad.
C. RÉGLER LA QUESTION DE LA GOUVERNANCE
Les questions de financement et d'organisation ne sauraient être complètement résolues indépendamment de la question de la gouvernance des Ehpad et, plus généralement, des politiques de l'autonomie.
La fusion des sections soins et dépendance pourrait représenter une opportunité de refondre cette gouvernance. Ainsi, le rapport de la députée Christine Pires-Beaune sur le reste à charge en Ehpad193(*) propose de répartir plus clairement les responsabilités entre les départements et les ARS :
- en confiant aux départements le champ du domicile, l'État ne disposant en la matière que d'un pouvoir d'opposition, et le pilotage du service public départemental de l'autonomie (SPDA) ;
- et en transférant la responsabilité de la gestion des Ehpad aux ARS, le département conservant une compétence d'investissement et un droit d'opposition.
Le rapport s'appuie sur les résultats d'une enquête à laquelle ont répondu plus de 1 500 structures, selon lesquels 80 % des répondants considèrent qu'avoir un financeur unique est une priorité et 63 % estiment que ce financeur unique devrait être l'ARS.
Une telle redistribution des compétences s'apparenterait toutefois à une recentralisation du pilotage des Ehpad qui ne permettrait plus aux départements qui le souhaitent de mener une politique plus ambitieuse.
Le service public départemental de l'autonomie194(*)
La loi « bien-vieillir » du 8 avril 2024 a créé, au plus tard le 1er janvier 2025, un service public départemental de l'autonomie (SPDA)195(*).
Le SPDA poursuit un double objectif de décloisonnement des politiques sanitaires et médico-sociales et de rapprochement des politiques en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.
Dans chaque département, ce service assuré conjointement par les acteurs territoriaux des politiques de l'autonomie aura pour objectif de faciliter les démarches des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et des proches aidants et de coordonner les services et les aides à leur intention.
Piloté par le département, il exercera quatre grandes missions conformément aux préconisations du rapport de Dominique Libault qui l'a inspiré196(*) :
1. Réaliser l'accueil, l'information, l'orientation et le suivi dans la durée des personnes âgées, des personnes handicapées et des proches aidants et apporter une réponse complète, coordonnée et individualisée à leurs demandes ;
2. S'assurer de la réalisation par les services qui en ont la charge de l'instruction, de l'attribution et de la révision des droits dans le respect des délais légaux ;
3. Assister les professionnels des secteurs social, médico-social et sanitaire intervenant auprès des bénéficiaires du SPDA dans l'élaboration de réponses globales et adaptées aux besoins de chaque personne ;
4. Diffuser, planifier et réaliser des actions d'information et de sensibilisation aux démarches de prévention individuelles, des offres de prévention collective ainsi que des actions de repérage et une démarche d'aller-vers.
Une conférence territoriale de l'autonomie, composée du département et du bloc communal, de l'agence régionale de santé (ARS), du rectorat d'académie et du service public de l'emploi sera chargée de coordonner l'action des membres du SPDA à travers un programme annuel d'actions.
Le conseil départemental et l'ARS pourront définir conjointement plusieurs territoires de l'autonomie de manière à couvrir l'ensemble du territoire du département ou de la collectivité. La conférence territoriale de l'autonomie pourra créer des commissions compétentes pour chaque territoire.
Dans une formation élargie, la conférence territoriale de l'autonomie succèdera à l'actuelle conférence des financeurs sous la dénomination de « commission des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie », également compétente en matière de financement de l'habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées.
La suppression de la double tutelle à laquelle est rattaché chaque Ehpad est pour les rapporteures un objectif légitime qui permettrait une simplification attendue par les acteurs du secteur. En revanche, les départements devraient rester en mesure de mener une politique de prise en charge des personnes âgées cohérente qui tienne compte du continuum entre la prise en charge à domicile et l'entrée en établissement.
En tout état de cause, une clarification des rôles respectifs des ARS et des départements ne saurait être menée à bien sans un consensus entre les représentants des parties concernées.
Des résidents aux pathologies multiples, fortement requérants en soins197(*)
La dernière coupe PATHOS nationale, qui remonte à 2011, montrait une forte prévalence des patients polypathologiques en Ehpad. Les résidents cumulaient en moyenne 7,9 pathologies (8,6 pour les GIR 1 et 2 et 5,7 pour les GIR 5 et 6). Plus de neuf résidents sur dix présentaient des affections neuropsychiatriques, au premier rang desquelles le syndrome démentiel (dont Alzheimer) qui concernait près de la moitié des résidents (49 %) ; plus de deux résidents sur trois (69 %) avaient au moins une des quatre affections suivantes : syndrome confusionnel aigu, troubles chroniques du comportement, psychose-délire-hallucination, syndrome démentiel. 15 % des résidents souffraient d'une pathologie aiguë et plus du tiers (37 %) d'une pathologie chronique non stabilisée.
Le rapport des professeurs Jeandel et Guérin permet d'approximer l'évolution de la situation pendant les années 2010. Leurs analyses suggèrent une augmentation forte et rapide de la prévalence de certaines pathologies en Ehpad : la part des syndromes démentiels serait passée de 49 % à 65,9 %, celle des troubles chroniques du comportement de 35 % à 55 %. Du point de vue des affections neuropsychiatriques, les Ehpad ressemblent désormais fortement aux unités de soins de longue durée (USLD). Ce rapport établit que les personnes requérant des soins psychiatriques continus représentent 74 % des résidents (dont 76 % pour les GIR 3 et 64 % pour les GIR 4).
* 192 Le 8 du I et le II de l'article 278 sexies du code général des impôts prévoient l'application du taux réduit de TVA de 5,5 % aux livraisons et livraisons à soi-même de locaux d'établissements accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées.
* 193 « Garantir la prise en charge des personnes âgées en établissement, encadrer leur reste à charge », rapport à la Première ministre de Mme Christine Pires-Beaune, juin 2023.
* 194 Source : rapport Sénat n° 252 (2023-2024) de Jean Sol et Jocelyne Guidez, déposé le 17 janvier 2024.
* 195 Loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie - Article 2.
* 196 « Vers un service public territorial de l'autonomie », rapport de Dominique Libault, 17 mars 2022.
* 197 Source : Lieux de vie et d'accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie - Annexe 7 : « L'accueil et l'accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie en établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) », Igas, février 2024.