IV. AMÉLIORER LE PILOTAGE ET L'ORGANISATION

A. MUTUALISER LES FONCTIONS SUPPORT ENTRE ÉTABLISSEMENTS

1. La logique de groupe, un levier de performance

Dans un contexte de pénurie de ressources humaines, et pour favoriser la flexibilité et la complémentarité entre les modes de prise en charge, il semble pertinent de développer des stratégies de mutualisation à l'échelle des territoires.

Pour l'Anap, la logique de groupe est profitable tant pour les résidents, du point de vue de la qualité de l'accompagnement et des parcours, que pour les établissements, notamment en matière de financement. Cette logique de groupe doit particulièrement se développer dans le secteur public, qui s'est jusqu'à présent inscrit trop timidement dans cette dynamique.

En effet, les coopérations entre ESMS permettent d'envisager le renforcement de l'offre de service en mutualisant des compétences que des établissements isolés n'ont pas la capacité de supporter seuls ou en gagnant en attractivité. Un groupement d'établissements a par exemple la capacité de proposer un emploi à temps plein de médecin, plus attractif qu'un temps partiel à 20 %.

Elles rendent également possible la mutualisation d'achats sur des postes de dépenses importants tels que les produits d'incontinence, les denrées alimentaires ou l'énergie, avec une incidence directe sur le coût de revient du fait d'économies d'échelle réalisées. Cette stratégie induit en outre une mutualisation des compétences et une professionnalisation des acheteurs.

Cette logique permet enfin de mutualiser les réponses aux appels à projets et appels à candidature. Cette démarche est vertueuse non seulement du point de vue des établissements, pour lesquels des réponses individuelles peuvent être trop lourdes, mais aussi parce qu'elle contribue à la construction d'une offre territoriale cohérente.

Par ailleurs, le développement des directions communes d'ESMS est de nature à favoriser une meilleure intégration des établissements au sein des groupements constitués, concernant l'organisation de l'offre et la mutualisation des ressources disponibles.

2. Les groupements de coopération, un modèle à promouvoir

Si les Ehpad rattachés à un établissement public de santé sont obligatoirement membres d'un groupement hospitalier de territoire (GHT), le groupement de coopération social ou médico-social (GCSMS) apparaît comme l'outil de coopération le plus souple et le plus adapté aux besoins et aux enjeux du secteur. Il a notamment été créé pour permettre des interventions croisées de professionnels des secteurs sociaux, médico-sociaux et sanitaires.

Les groupements hospitaliers de territoire

Les GHT ont été créés par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé189(*) en lieu et place des communautés hospitalières de territoire, qui étaient fondées sur une démarche de volontariat. En application de l'article L. 6132-1 du code de la santé publique, tout établissement public de santé, sauf dérogation tenant à sa spécificité dans l'offre de soins territoriale, est partie à une convention de GHT.

Le GHT, qui n'est pas doté de la personnalité morale, permet la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d'activités entre établissements. Dans chaque groupement, les établissements parties élaborent un projet médical partagé garantissant une offre de proximité ainsi que l'accès à une offre de référence et de recours.

Un établissement support, désigné par la convention constitutive, assure pour le compte des établissements parties au groupement190(*) :

- la stratégie, l'optimisation et la gestion commune d'un système d'information hospitalier convergent et interopérable ;

- la gestion d'un département de l'information médicale de territoire ;

- la fonction achats ;

- la coordination des instituts et des écoles de formation paramédicale du groupement et des plans de formation continue et de développement professionnel continu des personnels des établissements parties au groupement ;

- la définition d'orientations stratégiques communes pour la gestion prospective des emplois et des compétences, l'attractivité et le recrutement, la rémunération et le temps de travail des personnels médicaux, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques, dans les limites des compétences des établissements parties à l'égard de ces personnels.

Lorsque des personnels sont mis à la disposition du GCSMS, ceux-ci restent régis par les règles de leur statut, par leur contrat de travail ou les conventions ou accords collectifs qui leur sont applicables. Le GCSMS peut également être lui-même employeur ; dans ce cas, les règles qui s'appliquent dépendent de la nature du groupement (personne morale de droit public ou de droit privé).

En application de la loi « bien-vieillir » du 8 avril 2024, les Ehpad publics autonomes auront l'obligation d'adhérer soit à un GHT, soit à une nouvelle catégorie de GCSMS, le groupement territorial social et médico-social (GTSMS) avant le 1er janvier 2028191(*). En outre, afin de simplifier les mutualisations de personnel au sein des GCSMS, cette loi autorise la mise à disposition d'agents publics territoriaux auprès d'un groupement et simplifie la procédure de mise à disposition d'agents publics hospitaliers, sur le modèle des règles applicables aux groupements de coopération sanitaire (GCS).

Au-delà des Ehpad publics autonomes, l'objectif de la création des GTSMS est de créer une dynamique de regroupement et de restructuration de l'offre qui entraîne aussi les Ehpad de la fonction publique territoriale ainsi que les autres ESMS intéressés par les démarches de regroupement, notamment les services autonomie à domicile.

Afin d'accompagner le déploiement des GTSMS à partir de 2025, l'Anap prévoit de lancer un dispositif national d'appui comprenant un espace de partage en ligne, pour favoriser les échanges entre pairs et capitaliser sur les expériences réussies, ainsi qu'un appui de terrain collectif.

Pour les rapporteures, les ARS et les conseils départementaux doivent se saisir de cet outil afin d'organiser une stratégie territoriale en associant à la réflexion l'ensemble des parties prenantes : acteurs des filières gériatriques, acteurs du sanitaire, acteurs du domicile, etc.

La mise en place des GTSMS ne doit pas être menée sans prise en compte des GCSMS existants, afin de ne pas mettre fin à des expériences qui fonctionnent, ni exclure le soutien à des dynamiques intégratives plus poussées.

3. Les groupements d'employeurs, un outil pertinent en matière de gestion des ressources humaines

Le recours à un groupement d'employeurs peut également être encouragé pour mutualiser des personnels avec des structures ou entreprises non membres d'un GCSMS.

Le groupement d'employeurs est constitué en association loi 1901 ou en société coopérative. Il emploie des salariés qu'il met à disposition des utilisateurs, qui sont les établissements membres du groupement. Les contrats de travail doivent garantir l'égalité de traitement en matière de rémunération entre les salariés du groupement et ceux des structures dans lesquelles ils interviennent.

Moins intégré que le GCSMS, le groupement d'employeurs nécessite néanmoins de consacrer des moyens à la gestion de services supports.

Cet outil peut permettre aux Ehpad de flexibiliser leur gestion des ressources humaines et de surmonter leurs difficultés de recrutement, en évitant par exemple le recours à l'intérim. Il constitue également un moyen de fidéliser les professionnels en les faisant monter en compétence, et ainsi de renforcer l'attractivité du secteur.


* 189 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 190 Article L. 6132-3 du code de la santé publique.

* 191 Cf. première partie, III.D.2.

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