D. DÉVELOPPER LE TARIF GLOBAL
Le résultat de l'équation tarifaire relative aux soins correspond soit à un tarif dit « global », soit à un tarif dit « partiel » selon ce qui est stipulé dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM).
1. Une option plus efficiente
Comme l'ont montré plusieurs rapports parlementaires182(*) ainsi que la Cour des comptes183(*), le tarif global présente de multiples intérêts par rapport à l'option tarifaire dite partielle.
À l'échelle de l'Ehpad, il permet d'internaliser les rémunérations des médecins et auxiliaires médicaux ainsi que les charges de médicaments (hors médicaments en sus du forfait soins), ce qui est source de rationalisation des coûts en adaptant les soins et actes paramédicaux au plus près des besoins des résidents.
En outre, la présence médicale est source d'attractivité et permet à l'Ehpad d'améliorer sa gouvernance et l'organisation des soins : suivi de l'évolution de l'état de santé des résidents, coordination des soins interne et externe, circuit du médicament, traçabilité des soins, fluidification de la réalisation des coupes AGGIR et PATHOS.
Du point de vue de la santé publique, il permet de réduire les hospitalisations et passages aux urgences des résidents, la consommation médicamenteuse ainsi que le risque d'iatrogénie médicamenteuse. En 2017, selon la CNSA, le taux d'hospitalisation moyen des Ehpad au tarif global avec pharmacie à usage intérieur (PUI) était de 0,91 %, contre 1,14 % pour les Ehpad au tarif partiel avec PUI ; il était respectivement de 1,06 % au tarif global et 1,24 % au tarif partiel pour les Ehpad sans PUI184(*).
Il convient d'ajouter que la démographie médicale peu favorable appelle d'autant plus au développement du tarif global que celui-ci permet aux établissements de parvenir à recruter des médecins à temps partiel ou complet là où, dans beaucoup d'Ehpad au tarif partiel, les médecins libéraux semblent se désengager.
2. Un tarif gelé depuis 2012
À la suite des recommandations d'une mission d'évaluation de l'Igas185(*), la valeur du point de l'option tarifaire dite globale a été gelée entre 2012 et 2023. Si le rapport de l'Igas considérait le tarif global comme un levier favorable à la mise en place d'une organisation des soins de qualité, il soulignait que le surcroît de dotation soins induit par le passage du tarif partiel au tarif global apparaissait plus important que les économies sur les soins de ville permises par ce changement, concluant à un « sur-calibrage » de ce tarif. Contrairement au tarif partiel, le tarif global n'a donc pas évolué pendant plus de dix ans, restant fixé à 13,10 euros avec PUI et à 12,44 euros sans PUI.
Ce gel de la valeur du point, ainsi que les évolutions organisationnelles que les Ehpad doivent réaliser en optant pour ce mode de financement, ont freiné l'extension du tarif global. Au demeurant, les circulaires budgétaires ont limité la possibilité pour les ARS de financer les demandes d'option. Ainsi, la part des Ehpad ayant opté pour le tarif global n'a quasiment pas évolué depuis 2013 : selon la CNSA186(*), 28 % des Ehpad sont au tarif global (dont 17 % avec PUI). Il s'agit majoritairement d'Ehpad publics rattachés à un établissement de santé.
Pour les établissements ayant opté pour cette option tarifaire, le sur-calibrage constaté en 2011 est devenu un « sous-calibrage » en 2023. Les Ehpad au tarif global se sont ainsi appauvris sur cette période.
D'après la CNDEPAH, pour un Ehpad de 100 places, aux GMP et PMP moyens (respectivement de 760 et 230), cela représente un déficit de financement de 157 000 euros, soit plus de 3,5 ETP d'aides-soignants.
Toutefois, cette option bénéficiant d'un regain d'intérêt, le gel de la valeur du point a été levé en 2024187(*). En 2023, la valeur du point du tarif global intégrait déjà, à titre exceptionnel et hors gel, des mesures destinées à prendre en compte l'inflation.
Les rapporteures considèrent que cet effort doit être poursuivi et que cette option tarifaire, plus efficiente, devrait être à nouveau ouverte aux Ehpad volontaires.
La fusion des sections tarifaires peut représenter une occasion d'engager une généralisation progressive du tarif global, sous réserve de prévoir une indexation de ce tarif avec l'inflation.
Proposition n° 10 : Envisager la généralisation du tarif global et prévoir son indexation sur l'inflation.
3. La situation des pharmacies à usage intérieur
Le périmètre des dépenses couvertes par le forfait soins des Ehpad dépend également de la présence ou non d'une pharmacie à usage intérieur (PUI) dans l'établissement (ou de l'adhésion à un groupement sanitaire ou médico-social - GCS ou GCSMS - gérant une pharmacie à usage intérieur).
Le forfait « soins » des Ehpad disposant d'une PUI comprend, outre les dispositifs médicaux listés par un arrêté du 30 mai 2008, pris en charge pour tous les Ehpad188(*) :
- les médicaments inscrits sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux mentionnée à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale (hors médicaments réservés à l'usage hospitalier) ;
- les dispositifs médicaux inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables mentionnée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale (LPP) en sus de ceux inscrits dans la liste annexée à l'arrêté du 30 mai 2008.
Pour les Ehpad sans PUI, ces médicaments et dispositifs médicaux sont financés sur les soins de ville.
Pour la DGCS, les tarifs soins intégrant une PUI constituent une mesure d'efficience. Il serait donc pertinent de rechercher une extension du tarif global intégrant soit une PUI, soit une convention avec un ou plusieurs pharmaciens d'officine au sens de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique.
Toutefois, du point de vue de la CNDEPAH, le tarif dédié à la PUI ne permet pas de couvrir la dépense correspondante. Il se révèle donc économiquement désincitatif et, pour les Ehpad disposant d'une PUI, le déficit généré se répercute automatiquement sur leurs ressources. Il serait donc opportun de mener une étude de coûts afin d'objectiver les déséquilibres et de permettre un recalibrage de la part du tarif soins dédiée à la PUI.
* 182 Voir notamment : rapport du Sénat n° 536, M. Bernard Bonne et Mme Michelle Meunier, 2022 ; rapport de l'Assemblée Nationale n° 769, Mmes Monique Iborra et Caroline Fiat, 2018.
* 183 La prise en charge médicale des personnes âgées en Ehpad, Cour des comptes, février 2022.
* 184 La situation des EHPAD en 2017, CNSA, avril 2019.
* 185 Financement des soins dispensés dans les établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Évaluation de l'option tarifaire dite globale, Igas, octobre 2011.
* 186 Situation économique et financière des EHPAD entre 2017 et 2018, CNSA, mai 2020.
* 187 Instruction n° DGCS/SD5B/DSS/SD1A/CNSA/2024/62 du 22 mai 2024 relative aux orientations de la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap et des personnes âgées pour l'exercice 2024.
* 188 Arrêté du 30 mai 2008 fixant la liste du petit matériel médical et des fournitures médicales et la liste du matériel médical amortissable compris dans le tarif journalier afférent aux soins mentionné à l'article R. 314-161 du code de l'action sociale et des familles en application des articles L. 314-8 et R. 314-162 du même code.