III. REVOIR EN PROFONDEUR LE MODÈLE DE FINANCEMENT DES EHPAD

A. UNE ALLOCATION DES FINANCEMENTS PEU TRANSPARENTE

La construction de la circulaire budgétaire annuelle qui détermine le financement des Ehpad par la sécurité sociale est, en elle-même, problématique.

L'OGD « personnes âgées » est voté par le Parlement dans le cadre du PLFSS en novembre de l'année N-1. Il détermine un montant global de dépenses consacrées aux ESMS pour personnes âgées pour l'année N ainsi que le taux d'évolution de ces dépenses. Toutefois, ce taux n'indique pas immédiatement aux Ehpad de quelles ressources ils disposeront en N : ce n'est généralement qu'en mai, voire en juin, qu'une instruction fixe le taux de revalorisation des dotations soins pour l'année N. Ce taux résulte d'un calcul résiduel, une fois que les autres paramètres, notamment les mesures à financer, ont été déterminés.

Le taux de revalorisation des dotations soins n'est donc apparemment jamais fixé en fonction de critères médico-économiques objectifs, qu'il s'agisse des besoins de financement des établissements (inflation, évolution de la masse salariale) ou des besoins de la population (prévention, aggravation des GMP), et l'on constate souvent une déperdition significative entre la croissance de l'OGD et ce taux de revalorisation.

Pour le think tank Matières grises, auditionné par les rapporteures, il conviendrait que ce processus soit plus transparent. À cette fin, une conférence tarifaire pourrait se tenir au début de chaque année, entre l'État et les fédérations du secteur, afin d'établir les critères de répartition des crédits de l'OGD.

Ainsi la détermination de leur équation tarifaire pourrait-elle être mieux comprise et anticipée par les établissements du secteur.

B. REVOIR LES PÉRIMÈTRES DES SECTIONS TARIFAIRES

1. Mener à bien l'expérimentation de la fusion des sections

L'expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance dans les départements volontaires prévue par la LFSS pour 2024 se déroulera du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2028172(*). Deux vagues de départements pourront entrer dans l'expérimentation, le 1er janvier 2025 puis le 1er janvier 2026.

Alors que la loi permet à vingt départements au plus de prendre part à cette expérimentation, vingt-trois départements se sont déjà portés candidats pour entrer dans l'expérimentation dès le 1er janvier 2025.

Afin de permettre l'évaluation la plus large possible de ce régime adapté de financement, le maximum de vingt départements pourrait être inclus dès la première année dans l'expérimentation. Dans un second temps, la LFSS pour 2025 pourrait relever le plafond à trente départements de manière à permettre à d'autres territoires de rejoindre l'expérimentation à partir de 2026.

Dans le même temps, les critères permettant de sélectionner les départements participants pourraient être précisés dans la loi : l'article 79 de la LFSS pour 2024 prévoit simplement qu'« un décret fixe la liste des départements retenus pour mener l'expérimentation ».

Il conviendra ensuite de se baser sur les retours d'expérience et l'évaluation de l'expérimentation afin de décider si, et sous quelle forme, le dispositif peut être généralisé.

2. Adapter le financement aux besoins

Si elle constitue une évolution importante et attendue du modèle de financement des Ehpad, la fusion des sections tarifaires ne traite pas, en soi, la question du contenu des sections et de l'adaptation du financement aux besoins des établissements.

Le périmètre des sections soins et dépendance n'a quasiment pas évolué depuis le décret de 1999 relatif aux modalités de tarification et de financement des Ehpad173(*). La loi « bien-vieillir » du 8 avril 2024 consacre cependant le principe d'un financement par le forfait global de soins d'actions de prévention telles que la lutte contre la dénutrition et l'éducation physique adaptée, qui relèvent actuellement, par défaut, d'un financement par la section hébergement174(*).

Pour autant, de nombreuses dépenses pourtant liées au soin et à la prévention de la perte d'autonomie relèvent toujours de la section hébergement : locaux de soins, logiciels, secrétariat médical, animation, etc. Ces dépenses auraient vocation à être prises en charge par un forfait global soins et dépendance.

Dépenses couvertes par les différentes sections tarifaires175(*)

Section soins
Tarif partiel

Section dépendance

Section hébergement

Prestations de services à caractère médical, petit matériel médical
et fournitures médicales

Fournitures pour incontinence

Charges d'exploitation à caractère hôtelier et d'administration générale

Rémunérations et charges sociales et fiscales afférentes des aides-soignants, des aides médico-psychologiques
et des accompagnateurs éducatifs

Charges relatives à l'emploi de personnel assurant l'accueil, l'animation de la vie sociale, l'entretien, la restauration et l'administration générale

Interventions du médecin coordonnateur, du personnel médical, de pharmacien
et d'auxiliaires médicaux
(sauf les diététiciens)

Emploi de personnels affectés aux fonctions de blanchissage, nettoyage et service des repas

Amortissement et dépréciation du matériel médical

Amortissements et dépréciations du matériel et du mobilier permettant la prise en charge de la dépendance et la prévention de son aggravation

Amortissements des biens meubles et immeubles autres que le matériel médical

Médicaments et dispositifs médicaux, en cas de pharmacie
à usage intérieur

Fournitures hôtelières, produits d'entretien, prestations de blanchissage et de nettoyage à l'extérieur

Rémunérations ou honoraires versés aux infirmiers libéraux intervenant au sein de l'établissement

Charges nettes relatives à l'emploi de psychologues

Dotations aux provisions, les charges financières et exceptionnelles

Tarif global

   

Rémunérations ou honoraires versés aux médecins spécialistes en médecine générale et en gériatrie et aux auxiliaires médicaux libéraux

   

Certains examens de biologie et de radiologie

   

Source : Commission des affaires sociales

Pour le think tank Matières grises, une réactualisation du périmètre des sections tarifaires permettrait de revoir leur contenu afin d'y intégrer explicitement non seulement les dépenses relatives à certains métiers d'accompagnement (ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, etc.) mais aussi aux innovations numériques et technologiques.

Ces dépenses seraient ainsi couvertes par la sécurité sociale, ce que permettrait une augmentation des ressources de la branche autonomie.

Proposition n° 8 : Intégrer dans le périmètre des sections soins et dépendance des dépenses aujourd'hui financées par la section hébergement bien que relevant du soin et de la prévention de la perte d'autonomie.


* 172 Cf. première partie, III.D.1.

* 173 Décret n° 99-316 du 26 avril 1999 relatif aux modalités de tarification et de financement des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes.

* 174 Loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie.

* 175 Articles R. 314-166, R. 314-176 et R. 314-179 du code de l'action sociale et des familles.

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