III. GARANTIR L'INDÉPENDANCE DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

A. MIEUX ENCADRER LE CAPITAL ET LA GOUVERNANCE DES SOCIÉTÉS

1. Assurer l'effectivité des règles existantes

L'encadrement des conditions de détention du capital et des droits de vote d'une SEL est nécessaire à la protection de l'indépendance des professionnels de santé.

Les mécanismes de contournements, puisés dans le droit des sociétés, sont pourtant nombreux et largement mis à profit par les acteurs financiers : règles de majorité qualifiées pour contrôler la prise de décision, recours au système d'actions de préférence, etc.

Les rapporteurs appellent donc de leurs voeux une évolution du cadre législatif pour mieux maîtriser l'influence des acteurs financiers non professionnels au sein des SEL. Ils plaident également pour qu'une réflexion portant sur un encadrement plus strict des détournements du système des actions de préférence soit conduite. De telles dispositions prolongeraient utilement l'ordonnance du 8 février 2023, entrée en vigueur le 1er septembre 2024.

Propositions :

• Compléter les dispositions législatives et réglementaires encadrant la détention des droits sociaux et des droits de vote au sein des SEL, pour mieux protéger le pouvoir décisionnel des professionnels de santé.

• Mettre fin aux détournements du système des actions de préférence appliqué aux SEL des professions de santé.

2. Encadrer plus strictement l'intervention des acteurs financiers

Les rapporteurs constatent que la financiarisation comporte un risque de volatilité des capitaux et fait peser sur les offreurs de soins la menace d'un retrait des investisseurs.

Le recours à des capitaux extérieurs pour concourir au financement du système de santé doit s'inscrire dans un cadre qui présente des garanties de durabilité et/ou de réinvestissement. Un encadrement législatif plus strict permettrait en outre d'éviter les phénomènes de bulle spéculative qui peuvent se manifester sur des marchés à forte croissance. L'objectif n'est donc pas de décourager les investissements mais de les inscrire dans un cadre régulé et déontologique.

Proposition : Empêcher les investissements purement spéculatifs et prévenir le retrait non anticipé de capitaux, par exemple en fixant une durée minimale d'investissement dans le capital des SEL.

B. ARMER LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

1. Mieux former les étudiants à la diversité de leurs modes d'exercice

Modes d'exercice
des nouveaux inscrits

 

En 2018, seuls 12 % des nouveaux inscrits à l'Ordre des médecins choisissaient de s'installer en libéral contre 62 % s'orientant vers le salariat. Cette évolution témoigne d'un changement dans les aspirations de la nouvelle génération.

Les rapporteurs ont néanmoins été sensibilisés à deux constats : d'une part, le salariat et l'exercice libéral font l'objet de représentations qui, confrontées à l'épreuve des faits, ne sont pas toujours vérifiées ; d'autre part, les études de médecine, centrées sur la clinique, ne préparent pas les jeunes professionnels à la réalité de leurs conditions d'exercice. La revitalisation de l'exercice libéral indépendant exige, en conséquence, de former les étudiants et jeunes médecins à la gestion d'une structure de type SEL.

Source : enquête Cnom 2019 sur les déterminants à l'installation.

Proposition : Former les étudiants et les jeunes professionnels de santé à la gestion des structures de soins.

2. Soutenir la consolidation d'une offre diversifiée et indépendante

L'ampleur de la financiarisation se révèle très inégale selon les secteurs, de même que la capacité des acteurs non financiarisés à y résister. Dans ce contexte, les rapporteurs insistent sur la nécessité de consolider une offre indépendante, attachée à la proximité entre la gouvernance des structures de santé et leur territoire d'implantation. Ils relèvent notamment :

- que le modèle des cliniques indépendantes, loin d'être isolé, résiste à la financiarisation et défend une gouvernance locale, ancrée dans les territoires ;

- enfin, que le relatif succès des structures d'exercice coordonné (MSP, CPTS) confirme l'opportunité de positionner les acteurs du territoire en responsabilité pour organiser l'accès aux soins primaires.

Au-delà, compte tenu des difficultés rencontrées par les jeunes professionnels pour financer leur installation ou leur activité, les rapporteurs jugent nécessaire de favoriser l'émergence de modes de financement respectueux de l'indépendance des professionnels et complémentaires du financement bancaire lorsque celui-ci ne répond pas à l'ensemble des besoins.

Propositions :

• Favoriser la constitution d'apports bancaires et l'accès à des modes de financement respectueux de l'indépendance professionnelle.

• Soutenir les professionnels de santé et les acteurs locaux, notamment les collectivités territoriales, dans la consolidation d'une offre de soins indépendante et diversifiée.

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